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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/342/2017

ACST/14/2017 du 30.08.2017 ( INIT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/342/2017-INIT ACST/14/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 30 août 2017

 

dans la cause

 

COMITÉ DE L'INITIATIVE « POUR UN DÉVELOPPEMENT COHÉRENT ET RESPONSABLE DES GRANDS ESSERTS »

Madame A______ et Messieurs B______, C______, D______ et E______
représentés par Me Zoltan Szalai, avocat

contre

COMMUNE DE VEYRIER
représentée par Me François Bellanger, avocat


EN FAIT

1.             Madame A______ et Messieurs B______, C______, D______ et E______ sont des citoyens suisses domiciliés sur le territoire de la commune genevoise de Veyrier, titulaires des droits politiques dans cette commune.

2.             Déjà identifié dans le Plan directeur cantonal (ci-après : PDCant) 2015 établi en 2001 comme un site propice à l’urbanisation, le lieu-dit « Les Grands Esserts », situé aux confins nord de la commune de Veyrier, sur le plateau de Vessy, a été inscrit comme un secteur stratégique dont l’urbanisation doit contribuer significativement à l’atteinte des objectifs du PDCant 2030, adopté le 20 septembre 2013 par le Grand Conseil et approuvé le 29 avril 2015 par le Conseil fédéral. Il est l’objet d’un des dix grands projets prioritaires du PDCant. Pour permettre sa réalisation, le Grand Conseil a adopté, le 14 septembre 2012, la loi 10925 modifiant les limites de zones par la création d’une zone de développement 3 et de deux zones de bois et forêts au lieu-dit « Vessy, Les Grands-Esserts », ainsi que le Conseil d’État l’avait proposé par un projet de loi le 23 février 2012 à la suite d’études et d’une enquête publique ouverte du 2 octobre au 2 novembre 2009.

Ce périmètre comporte huit pièces urbaines (ci-après : pièces) organisées autour d’espaces publics (esplanade, routes, chemins, promenades), dénommées respectivement « Beaux-Champs », « Salève », « École » (toutes trois le long de la route de Veyrier), « Maison de Vessy » et « Nant » (de part et d’autre de la route de Vessy, jouxtant respectivement les pièces précitées « Beaux-Champs » et « Salève »), « Lisière » (jouxtant la pièce précitée « École »), « Ferme » et « Arve » (de part et d’autre de la route de Vessy, dans le prolongement des pièces précitées « Maison de Vessy » et « Nant »).

3.             Un accord, signé le 3 mai 2012 entre la République et canton de Genève (ci-après : l’État) et la Ville de Veyrier, a défini le phasage, la planification financière, la mobilité, le gabarit des constructions et la destination des futurs logements (environ 1200) prévus dans le périmètre des Grands Esserts. L’État a engagé une étude de mise en œuvre du projet en novembre 2012, en concertation avec la Ville de Veyrier et les deux principaux constructeurs (la Caisse de prévoyance de l’État de Genève [ci-après : CPEG] et la Fondation immobilière de la Ville de Veyrier [ci-après : FIV]). Des réunions d’information publiques ont été organisées en 2012, 2013 et 2014. En novembre 2014, le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE) a établi un document intitulé « grand projet Grands Esserts », aux termes duquel l’image générale et le programme du quartier était désormais achevés, si bien qu’après deux ans d’études et de travail avec les élus et les associations de quartier, le projet des Grands Esserts pouvait se poursuivre par l’engagement des premières procédures de plans localisés de quartier (ci-après : PLQ). L’étape 1 concernait la construction d’environ 300 logements ainsi qu’un centre commercial et des bureaux sur les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs ».

4.             a. Le 26 novembre 2014, un comité d’initiative – composé de Mme A______ et MM. B______, C______, D______ et E______, dont ce dernier était désigné mandataire – a déposé au service des votations et élections (ci-après : SVE) un spécimen de formulaire de signature d’une initiative populaire communale concernant la commune de Veyrier, intitulée « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » (ci-après : l’initiative), et il en a informé le maire de ladite commune.

b. À teneur de son texte, cette initiative tendait à :

l’adoption d’un plan localisé de quartier régissant l’intégralité du périmètre des Grands Esserts visé par l’étape 1 de la première phase – tel que délimité par le document intitulé « plan d’ensemble des Grands Esserts » de novembre 2014 [accessible sur internet à une adresse indiquée dans l’initiative] –, dans le respect des principes essentiels suivants :

le périmètre mentionné ci-dessus fait l’objet d’un seul plan localisé de quartier ;

285 logements sont prévus au maximum sur le périmètre, à destination prioritaire, pour partie d’entre eux, des habitants de la commune ;

une mixité sociale (répartition équilibrée entre les logements PPE, logements sociaux, etc.) est assurée dans les limites de la législation ;

des surfaces commerciales sont réparties sur le périmètre, parmi lesquelles un centre commercial communal de maximum 3500 m2 ;

toutes les cessions de droits nécessaires à l’équipement public (y compris les mesures destinées à permettre d’assurer une mobilité sereine, dans le respect des règles environnementales de planification) sont, dans les limites de la loi, assurées.

c. L’exposé des motifs de l’initiative était articulé autour des quatre questions et réponses suivantes :

Souhaitez-vous que le développement des Grands Esserts ne se fasse pas au détriment de la mobilité déjà difficile à Veyrier ? Nous aussi. C’est pourquoi nous demandons que l’État de Genève mette en place toutes les mesures nécessaires (infrastructures routières, développement des transports publics) dès l’ouverture des premiers chantiers afin d’assurer une mobilité sereine et respectueuse de l’environnement.

Souhaitez-vous que le développement des Grands Esserts se fasse dans le respect du caractère résidentiel de Veyrier ? Nous aussi. C’est pourquoi nous demandons que le nombre de premiers logements à construire soit impérativement limité.

Souhaitez-vous que les logements qui seront construits aux Grands Esserts reviennent prioritairement aux habitants de Veyrier ? Nous aussi. C’est pourquoi nous demandons que, dès les premières constructions, des logements puissent être construits par la Commune de Veyrier ou sa Fondation pour le logement.

Souhaitez-vous que le développement des Grands Esserts se fasse sans augmentation de la fiscalité ? Nous aussi. C’est pourquoi nous demandons impérativement qu’une mixité sociale (construction de logements en PPE et de logements à loyer libre) soit assurée et soutenons la création d’un centre commercial destiné aux habitants de Veyrier.

d. Le lancement de cette initiative a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 15 décembre 2014. Le délai de récolte des signatures arrivait à échéance le 6 avril 2015.

5.             Le 13 février 2015, le DALE a édité, à titre d’annexe 2 au rapport explicatif d’un PLQ n° 29983 des Grands Esserts, un rapport définitif daté du 31 octobre 2014, intitulé « Grand Projet Grands Esserts – Maîtrise d’œuvre urbaine Mobilité », établi par « mrs partner sa » (accessible sur internet : www.etat.geneve.ch/geodata/SIAMEN/ImagesPLQ/29983RAPP_EXP_annexe2a.pdf).

6.             Le dépôt des signatures auprès du SVE est intervenu le 10 mars 2015.

Par arrêté du 22 avril 2015, publié dans la FAO du 24 avril 2015, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’initiative et indiqué les délais de traitement de cette dernière.

7.             Par arrêté du 22 juillet 2015, publié dans la FAO du 28 juillet 2015, le Conseil d’État a déclaré l’initiative valide. Cet arrêté n’a pas fait l’objet d’un recours.

8.             Par courrier du 25 septembre 2015, le DALE a soumis à la commune de Veyrier, pour préavis, un projet de PLQ n° 29983-542 et son règlement, relatifs à la pièce « Maison de Vessy », en expliquant, à propos des observations reçues durant l’enquête publique intervenue (du 10 juillet au 4 septembre 2015), que la règle de hauteur prévue par ledit PLQ concernait uniquement ladite pièce et qu’elle serait adaptée pour les autres PLQ, plus particulièrement le long de la route de Veyrier (donc notamment pour la pièce « Beaux-Champs »).

9.             Par courrier du 30 septembre 2015, le DALE a informé la Mairie de Veyrier qu’en date du 4 novembre 2014 le comité de pilotage du grand projet des Grands Esserts avait validé le planning prévisionnel de développement de la pièce « Beaux-Champs » (comprenant un centre commercial, des bureaux et des logements), et qu’il était ainsi prévu que cette pièce soit livrée en 2021, environ un an après la livraison des premiers logements prévus par le PLQ concernant la pièce « Maison de Vessy ». L’avancement des études et négociations avec le futur constructeur (la CPEG) permettrait de tenir ce planning en démarrant dès 2016 la procédure tendant à l’adoption du PLQ pour cette pièce « Beaux-Champs ».

De son côté, par courrier du 2 octobre 2015, le département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (ci-après : DETA) a informé le conseil administratif que les projets d’aménagement de bus à haut niveau de service (ci-après : BHNS), qui desserviraient Les Grands Esserts, et les nouvelles infrastructures routières de Genève Sud faisaient bien partie des investissements prévus par le canton pour ces prochaines années.

10.         Le 2 octobre 2015, le conseil administratif a présenté au conseil municipal son rapport sur la prise en considération ou non de l’initiative.

L’invite de l’initiative tendant à l’adoption d’un seul PLQ pour les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » avait été motivée par la crainte que la pièce « Beaux-Champs » se réalise dans un délai bien trop long par rapport à celle de la pièce « Maison de Vessy ». Or, ainsi que le DALE l’avait attesté par le courrier précité, les planifications prévues, compte tenu du degré d’avancement des négociations avec la CPEG, investisseur pour les deux pièces considérées, étaient respectivement, pour la pièce « Maison de Vessy », une entrée en force du PLQ et le dépôt de la requête d’autorisation de construire en 2016, un démarrage des travaux en 2018 et la livraison des logements en 2020, et, pour la pièce « Beaux-Champs », l’engagement du processus d’établissement du PLQ en 2016, le dépôt de la requête d’autorisation de construire en 2017, le démarrage des travaux en 2019 et la livraison du centre commercial et des logements en 2021 (d’ailleurs comme pour la pièce « Ferme », dont le développement serait assuré par la FIV).

Des informations et assurances étaient en outre données sur d’autres sujets visés par l’initiative, à savoir la construction de 282 logements au maximum sur le périmètre considéré, à destination prioritaire, pour une partie d’entre eux, des habitants de Veyrier, la mixité sociale, les surfaces commerciales et les cessions de droits nécessaires à l’équipement public.

En conclusion, le conseil administratif considérait que des réponses adéquates avaient été données aux demandes formulées dans l’initiative, qui portait sur le planning de réalisation des constructions et non sur le principe de réalisation de ce nouveau quartier. Cela devait permettre le retrait de l’initiative, de fait objectivement sans objet.

11.         Dans un rapport du 26 octobre 2015, la commission des Grands Esserts du conseil municipal a proposé de préaviser favorablement le projet de PLQ n° 29983-542 concernant la pièce « Maison de Vessy », sous six conditions cumulatives (dont la mise en service dès l’arrivée des premiers habitants des aménagements routiers et des nouvelles lignes de BHNS).

12.         Dans des observations du 30 octobre 2015 sur le rapport précité du conseil administratif, le comité d’initiative a exprimé sa conviction qu’un développement cohérent et harmonieux du futur quartier des Grands Esserts exigeait que l’implantation de commerces en nombre suffisant intervienne simultanément à l’arrivée des premiers habitants. Il prenait note avec satisfaction de l’engagement du DALE de tout mettre en œuvre pour que le PLQ portant sur la réalisation du centre commercial (donc celui concernant la pièce « Beaux-Champs ») suive d’une année celui portant sur la construction des 225 premiers logements (donc celui concernant la pièce « Maison de Vessy »). Il manquait l’engagement écrit des autorités cantonales qu’en cas de recours contre ce PLQ-ci la procédure d’adoption et de réalisation de ce PLQ-là suivrait son cours normal.

Sur les autres invites de l’initiative, le comité d’initiative souhaitait que la FIV puisse construire des logements destinés prioritairement aux habitants de la commune dès la réalisation de la première phase de la première étape ; aussi fallait-il que la commune de Veyrier obtienne un droit de regard sur l’attribution des logements que construirait la CPEG sur le périmètre visé par l’initiative. De plus, pour que la mixité sociale visée par l’initiative puisse être réalisée – impliquant la construction de logements en PPE prévue sur la pièce « Ferme » appelée à se développer après 2030, et ne pouvant être réalisée par la construction de logements « de type ZD/LOC » prévue dans le périmètre visé par l’initiative –, il fallait obtenir des autorités cantonales et de la CPEG la garantie écrite qu’en compensation avec les 120 logements prévus sur la pièce « Ferme » il serait renoncé à la construction d’une quantité équivalente de logements d’ici 2026, qui serait reportée après 2030 pour respecter le phasage défini. Concernant la répartition de surfaces commerciales sur le périmètre visé par l’initiative, il semblait désormais acquis, à la satisfaction du comité d’initiative, qu’un centre commercial d’au maximum 3500 m2 serait édifié sur ce périmètre. À propos des cessions de droit nécessaires à l’équipement public, le soutien moral qu’avait exprimé le DETA dans son courrier du 2 octobre 2015 n’était manifestement pas suffisant pour garantir la mise en œuvre de mesures de mobilité propres à éviter, dès l’arrivée des premiers habitants, un engorgement des voiries cantonales et communales sur le territoire communal, déjà encombrées ; des garanties écrites devaient être obtenues des autorités cantonales et communales ainsi que des Transports publics genevois (ci-après : TPG) quant à la réalisation de plusieurs travaux routiers et à la création de deux lignes de BHNS dès l’ouverture des premiers chantiers (sauf pour la réalisation de deux « barreaux routiers » dans le vaste secteur « Genève Sud »).

En conclusion, le comité d’initiative se déclarait prêt à envisager avec la Mairie de Veyrier l’élaboration d’un contreprojet à son initiative, qu’en l’état il ne pouvait que maintenir.

13.         Par délibération du 10 novembre 2015, le conseil municipal a donné un préavis favorable au projet de PLQ n° 29983-542 concernant la pièce « Maison de Vessy », sous les six conditions émises par sa commission des Grands Esserts.

14.         Le 2 décembre 2015, le DALE a édité, à titre d’annexe 1 au rapport explicatif du PLQ n° 29983 des Grands Esserts, une notice d’impact sur l’environnement, établie par PPLUS Sàrl. Cette notice, accessible sur internet (www.etat.geneve.ch/geodata/SIAMEN/ImmagesPLQ/29983RAPP_ESP_annexe1.pdf), avait pour objectif de faire un état des lieux du volet environnemental du PLQ « Maison de Vessy », cerner les contraintes et possibilités environnementales et les intégrer au mieux dans les réflexions pluridisciplinaires dudit PLQ, définir et dimensionner les mesures environnementales et établir le cahier des charges pour la prise en compte de l’environnement dans le cadre des phases ultérieures et de leurs chantiers respectifs. Elle évoquait également un projet d’assainissement du bruit routier de la route de Veyrier à l’horizon 2030+, un projet de carrefour de Veyrier comprenant la voirie de la route de Veyrier et un projet de construction d’un exutoire dans l’Arve.

15.         Le 22 mars 2016, la commission des Grands Esserts du conseil municipal s’est prononcée en faveur de la prise en considération de l’initiative, sans retenir la proposition faite en son sein de demander au conseil administratif de préparer un contreprojet.

16.         Le 19 avril 2016, le conseil municipal a accepté l’initiative, par voie de résolution. Le conseil administratif était chargé de lui présenter un projet de mise en œuvre de l’initiative, projet qui pourrait prévoir une résolution préalablement à une délibération de concrétisation.

17.         a. Par arrêté du 27 avril 2016, le Conseil d’État a approuvé le PLQ n° 29983-542 concernant la pièce « Maison de Vessy ». Cet arrêté, sujet à recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), était déclaré exécutoire nonobstant recours, en ce sens que les procédures administratives relatives aux demandes d’autorisations de construire pouvaient suivre leur cours, l’exécution des travaux tendant à la réalisation des ouvrages et bâtiments étant toutefois interdite jusqu’à droit connu sur le recours.

Par arrêté du même jour, le Conseil d’État a écarté les oppositions formées contre ce PLQ.

b. Deux recours ont été interjetés le 30 mai 2016 auprès de la chambre administrative contre ces deux arrêtés du Conseil d’État (causes A/1765/2016 et A/1767/2016, jointes sous le n° A/1765/2016). Grief était fait au Conseil d’État, sur le fond, d’avoir adopté un PLQ limité à la pièce « Maison de Vessy » plutôt que – comme le commanderait le principe de coordination, de surcroît après qu’une étude d’impact ait été réalisée – un PLQ englobant les pièces « Beaux-Champs », « Maison de Vessy » et « Ferme » ou, du moins, les deux premières citées.

Le juge délégué a appelé en cause la CPEG, propriétaire de parcelles formant le périmètre concerné, et, par décision du 28 juillet 2016, la présidence de la chambre administrative a refusé la restitution de l’effet suspensif aux recours, décision incidente contre laquelle le recours interjeté auprès du Tribunal fédéral a été déclaré irrecevable par arrêt 1C_363/2016 du 5 octobre 2016.

18.         Dans l’intervalle, en date du 2 juin 2016, le conseil administratif a adressé au conseil municipal une proposition n° 16.06 de mise en œuvre de l’initiative, comportant un rapport évoquant les invites de cette dernière au regard de l’état d’avancement du projet des Grands Esserts et un projet de délibération.

La demande qu’un seul PLQ soit adopté pour les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » visait à prévenir une réalisation par trop décalée dans le temps des deux étapes considérées de construction. Elle n’était plus en adéquation avec l’état d’avancement des projets. Le nombre de logements prévus s’établissait à respectivement 230 pour la pièce « Maison de Vessy » et 80 pour la pièce « Beaux-Champs », et 120 logements seraient réalisés sur la pièce « Ferme ». Le conseil administratif proposait de réitérer formellement la demande que les habitants de la commune auraient, à dossier égal, une priorité lors de la première attribution des logements qui seraient réalisés dans le périmètre des Grands Esserts, un accord à ce propos ayant été obtenu de la CPEG. La répartition des types de logements construits en zone de développement était définie par la loi, et elle avait déjà été faite pour les deux constructeurs (la CPEG et la FIV). La pièce « Maison de Vessy » comprendrait 500 m2 de locaux commerciaux et la pièce « Beaux-Champs » comporterait un centre commercial de proximité d’au maximum 3500 m2. Des garanties avaient été données, des études étaient en cours et des contacts étaient en voie d’être pris pour les cessions de droits nécessaires à l’équipement public. Le conseil administratif proposait de réitérer les demandes déjà faites à ce propos dans la prise de position du conseil municipal, étant précisé que les routes de Vessy et de Veyrier étaient des routes cantonales, dont l’aménagement incombait au canton.

19.         Cette proposition a été renvoyée le 14 juin 2016 à la commission des Grands Esserts du conseil municipal, qui en a débattu lors de ses séances des 13 septembre, 13 octobre et 15 décembre 2016.

En réponse à un courrier du 23 novembre 2016 du comité d’initiative invitant le conseil administratif à présenter dans les plus brefs délais au conseil municipal un projet de délibération qui soit conforme à l’initiative (ce que ne serait pas un projet de délibération ou a fortiori de résolution ne comportant que des vœux à l’adresse des autorités cantonales concernant l’aménagement du secteur des Grands Esserts), le maire de Veyrier a écrit au comité d’initiative, le 5 décembre 2016, que la commission des Grands Esserts avait scindé la proposition n °16.06 en deux volets et que celui portant sur la mise en œuvre de l’initiative, encore à l’étude devant ladite commission, devrait être traitée par le conseil municipal jusqu’au 22 avril 2017.

Lors de sa séance du 15 décembre 2016, ladite commission a reçu du conseil administratif et préavisé favorablement une nouvelle version du projet de délibération précité relatif à la mise en œuvre de l’initiative. Le nouveau projet intégrait une demande de crédit de CHF 120'000.- pour l’accompagnement de la mise en œuvre des PLQ concernant les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », des modifications relatives à la mobilité douce issues d’un projet de motion adoptées le 13 septembre 2016 par la commission ainsi qu’une motion demandant le déclassement du pont de Vessy (« appartenant à l’État et à la Ville de Genève ») et son remplacement par un ouvrage tenant compte de tous les modes de transport. La mise en place de deux lignes de BHNS et divers aménagements routiers (routes de Veyrier et de Vessy, chemin de Pinchat) devraient être effectifs dès l’arrivée des premiers habitants.

La commission des Grands Esserts n’a pas procédé à l’audition du comité d’initiative.

20.         Le 24 janvier 2017, le conseil municipal a adopté la délibération suivante de mise en œuvre de l’initiative, comportant la décision :

1.    D’accompagner la mise en œuvre des PLQ des pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » afin de garantir :

a)    la réalisation sur le périmètre des PLQ susnommés de 285 logements au maximum et de surfaces commerciales, dont un centre commercial à vocation communale d’au maximum 3500 m2.

b)   Les travaux de construction des premiers logements de la pièce « Maison de Vessy » ne pourront débuter avant le dépôt de la requête en autorisation de construire pour la pièce « Beaux-Champs - centre commercial et logements ».

c)    Les cessions des terrains nécessaires aux aménagements des espaces publics prévus dans les différents PLQ qui devront être intégrés au domaine public communal.

2.    D’ouvrir au Conseil administratif un crédit pour la réalisation de ces mesures de CHF 120'000.-.

3.    De concrétiser les autres demandes de l’initiative populaire communale « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » en donnant mandat au conseil administratif de transmettre les demandes ci-dessous au Conseil d’État et de faire toutes démarches nécessaires pour le suivi de la mise en œuvre de celles-ci :

a)      Les habitants de la commune devront, à dossier égal, avoir une priorité lors de la première attribution des logements qui seront réalisés dans le périmètre des Grands Esserts.

b)      La mise en place de deux lignes de BHNS desservant le territoire communal et le quartier des Grands Esserts à l’arrivée des premiers habitants.

c)      L’appui du canton pour la concrétisation du réaménagement du chemin communal de Pinchat en collaboration avec la Ville de Carouge pour la partie de ce chemin située sur son territoire et du canton pour le secteur du Rondeau de Carouge. Cet appui concerne notamment la négociation des emprises nécessaires sur les parcelles privées concernées.

d)     Que sur la route de Veyrier, dans le tronçon du Val d’Arve, une piste cyclable ainsi qu’un parcours piétons soient aménagés en site propre afin que ce parcours garantisse la sécurité des divers usagers.

e)      Que sur la route de Vessy, la capacité du pont actuel soit notablement améliorée, soit par le dédoublement du pont, soit par la suppression des trottoirs existants, permettant ainsi la création d’une voie de bus en site propre, et la construction en aval ou en amont d’une passerelle légère destinée à la mobilité douce piétons-vélos, soit par tout autre moyen garantissant la séparation et la sécurité des divers modes de transport.

f)       La réalisation des aménagements des routes cantonales de Veyrier et de Vessy pour permettre une meilleure fluidité du trafic.

g)      La concrétisation du projet de liaisons routières L1 et L2 entre l’autoroute de contournement et la route de Pierre-Grand.

4.    De comptabiliser les dépenses prévues dans le compte des dépenses des investissements, puis de les porter à l’actif du bilan de la commune de Veyrier dans le patrimoine administratif.

5.    D’autoriser le Conseil administratif à prélever le montant des dépenses prévues à l’article 2 sur les disponibilités.

6.    D’amortir la dépense nette prévue de CHF 120'000.- au moyen de 10 annuités qui figureront au budget de fonctionnement sous la rubrique 79.331 « Amortissement des crédits d’investissements ouverts au Conseil administratif » de 2018 à 2027.

21.         Par acte du 30 janvier 2017, le comité d’initiative ainsi que ses membres individuellement – à savoir Mme A______ et MM. B______, C______, D______ et E______ – ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la concrétisation, adoptée par le conseil municipal le 24 janvier 2017 à travers la délibération précitée, de l’initiative « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts ! » (cause A/342/2017). Ils ont conclu, principalement, à l’annulation de ladite délibération, au constat que la mise en œuvre de l’initiative prévue par cette délibération violait leurs droits politiques, et à ce qu’il soit fait injonction au conseil municipal d’adopter une mise en œuvre de l’initiative qui soit « conforme aux droits politiques des citoyens et des recourants, notamment sur le nombre de PLQ régissant le périmètre et les mesures concrètes destinées à assurer une mobilité sereine sur le périmètre ». Ils ont demandé l’allocation d’une indemnité de procédure.

La chambre constitutionnelle avait vocation à traiter les litiges relatifs à l’exercice des droits politiques en matière cantonale et communale. Une voie de droit devait exister en matière de concrétisation d’initiatives populaires. Subsidiairement, la chambre administrative serait la seule autre juridiction potentiellement compétente.

Une initiative populaire communale acceptée, que ce soit par le conseil municipal (comme en l’espèce) ou le corps électoral, devait être concrétisée par une délibération qui réponde aux intentions des initiants et reflète leur pensée, sous réserve d’une marge de manœuvre limitée, comparable à celle de l’organe étatique auquel le pouvoir de légiférer est délégué, marge de manœuvre plus grande lorsque les objectifs de l’initiative sont formulés en termes généraux ou sont complexes et partiellement contradictoires.

Le droit d’être entendu du comité d’initiative n’avait pas été respecté.

La délibération contestée violait la volonté politique des initiants au moins sur deux points, à savoir la nécessité d’adopter un seul PLQ pour la totalité du périmètre concerné et l’inclusion de mesures nécessaires pour garantir une mobilité sereine.

Elle dénaturait l’initiative en prévoyant un accompagnement de la mise en œuvre des PLQ des pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », alors que l’initiative spécifiait explicitement que le périmètre considéré devait faire l’objet d’un seul PLQ, notamment afin d’assurer le respect de la nécessité d’établir une étude d’impact et de coordonner la pesée des intérêts. Un PLQ avait sans doute déjà été adopté, mais il n’était pas en force, ayant fait l’objet d’un recours ; l’acceptation de l’initiative constituait un motif de modifier ce PLQ.

S’agissant de l’exigence posée par l’initiative que soient mises en place des mesures assurant une mobilité sereine, la délibération attaquée retenait des mesures purement intentionnelles et aucunement concrètes.

22.         Invité par la chambre constitutionnelle à faire connaître sa position sur le recours en sa qualité d’autorité de surveillance des communes, le Conseil d’État a indiqué, le 1er mars 2017, qu’il suspendait l’instruction de la délibération du conseil municipal de Veyrier du 24 janvier 2017 de concrétisation de l’initiative jusqu’à droit jugé par la chambre constitutionnelle sur le recours A/342/2017. En l’état, il n’entendait pas annuler cette délibération comme autorité de surveillance.

23.         Par mémoire de réponse du 10 mars 2017, la Ville de Veyrier s’est rapportée à justice concernant la recevabilité du recours et a conclu au fond au rejet de ce dernier et à la condamnation des initiants aux frais de la procédure, y compris d’une indemnité de procédure.

Le droit d’être entendu ne pouvait pas être invoqué lors d’une procédure législative. Les initiants ne disposaient pas du droit d’être entendus avant que le conseil municipal adopte la délibération de concrétisation de l’initiative.

Une initiative municipale devait impérativement être rédigée en termes généraux. Si elle était acceptée, elle devait être concrétisée dans le respect de son objet, par une délibération au contenu analogue à celui de l’initiative ; le conseil municipal disposait à cet égard d’une marge de manœuvre. Il devait émettre un préavis par voie de délibération sur les projets de PLQ, dont l’élaboration et la mise au point étaient du ressort du DALE, agissant de sa propre initiative ou à la demande du Conseil d’État ou d’une commune. Une commune pouvait solliciter du Conseil d’État l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un PLQ, en émettant par voie de résolution un préavis sur un projet de PLQ élaboré par l’exécutif communal en collaboration avec le DALE et la commission d’urbanisme ; si ledit projet répondait aux exigences légales, la procédure d’élaboration d’un PLQ était engagée ; la commune ne détenait pas de compétence décisionnelle en la matière. La voie de l’initiative communale ne permettait pas de faire obstacle aux choix d’aménagement du canton.

En l’espèce, les autorités cantonales pilotaient depuis 2004 une étude d’aménagement du site des Grands Esserts, ayant abouti à l’adoption, en novembre 2014, d’un plan d’ensemble, impliquant celle de PLQ, dont la procédure était déjà lancée concernant les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs ». La commune devait tenir compte, dans la concrétisation de l’initiative, des démarches d’aménagement d’ores et déjà opérées par le canton. Le PLQ n° 29983-542 relatif à la pièce « Maison de Vessy » était exécutoire nonobstant le recours interjeté à son encontre, et un projet de PLQ relatif à la pièce « Beaux-Champs » était en voie d’élaboration et allait être soumis incessamment à enquête publique. Le souhait des initiants d’avoir un seul PLQ pour le périmètre considéré était impossible à réaliser, faute pour le conseil municipal de disposer de compétence décisionnelle en la matière. Il serait inadmissible de retarder la réalisation des projets en cours, tendant à la réalisation de logements, alors que sévit une pénurie de logements. L’objectif visé par l’initiative de n’avoir qu’un seul PLQ pour le périmètre considéré était de prévenir un développement de la pièce « Beaux-Champs » trop tardif par rapport à celui de la pièce « Maison de Vessy ». Cette exigence ne garantissait pas l’atteinte de cet objectif. La délibération de concrétisation de l’initiative respectait l’esprit de l’initiative, en prévoyant la réalisation sur les deux pièces considérées de 285 logements et de surfaces commerciales, ainsi qu’une priorité, à dossier égal, en faveur des habitants de la commune pour l’attribution des logements. Elle faisait le lien entre le développement des deux pièces considérées, en prévoyant que les travaux de construction des premiers logements de la pièce « Maison de Vessy » ne pourraient pas débuter avant le dépôt de la requête en autorisation de construire pour la pièce « Beaux-Champs ».

Il était faux de prétendre que les mesures prévues par la délibération attaquée pour assurer une mobilité sereine et le respect des règles environnementales n’étaient pas concrètes. L’ouverture d’un crédit de CHF 120'000.- était prévue pour garantir l’accompagnement des mesures prévues. Un rapport très circonstancié intitulé « Maîtrise d’œuvre urbaine – Mobilité » avait été élaboré par l’office de l’urbanisme en février 2015, analogue à une étude d’impact sur la mobilité, de même que, le 2 février 2015, un rapport explicatif relatif au PLQ concernant la pièce « Maison de Vessy », traitant du volet environnemental de l’entier du grand projet des « Grands Esserts » à l’horizon 2030 et évoquant des projets parallèles, soit un projet d’assainissement du bruit routier de la route de Veyrier, un projet de carrefour de Veyrier et un projet d’exutoire dans l’Arve.

24.         Les 22 mars et 7 avril 2017, à la demande de la chambre constitutionnelle, la Ville de Veyrier a produit des pièces complémentaires et précisé que, de son point de vue, le périmètre visé par l’initiative concernait les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », à l’exclusion de la pièce « Ferme ».

25.         Dans des observations du 28 avril 2017, le comité d’initiative et ses membres individuellement ont confirmé les conclusions de leur recours, en soulignant que la décision du conseil municipal sur la prise en considération de l’initiative ne pouvait être modifiée ultérieurement et que la discussion ne devait pas être déplacée sur le fond de la contestation.

La jurisprudence citée par l’intimée pour leur dénier le droit d’être entendu était dépassée.

Il n’y avait pas lieu de revenir sur la validité et l’exécutabilité de l’initiative, qui avaient été admises par le Conseil d’État. L’impulsion tant d’adopter que de réviser un PLQ pouvait émaner des autorités elles-mêmes. Le projet des Grands Esserts s’étendait sur une superficie d’environ 12 hectares, artificiellement découpée en huit pièces, notamment afin d’éviter la nécessité d’établir une étude d’impact sur l’environnement et de coordonner la pesée d’intérêts. Peu importait que l’abrogation d’un PLQ fût par hypothèse inopportune ou contraire à un intérêt public ; il s’agissait de respecter les droits politiques des 1282 électeurs ayant signé l’initiative acceptée par le conseil municipal, visant à placer devant leurs responsabilités les élus communaux et cantonaux appelés à gérer le dossier. L’initiative était très claire sur le fait qu’un seul PLQ était demandé pour la totalité du périmètre considéré ; il n’y avait pas là de marge de manœuvre au stade de la concrétisation de l’initiative. Il en allait de même s’agissant des mesures de mobilité requises par l’initiative.

26.         Par courrier du 9 mai 2017, la Ville de Veyrier a indiqué renoncer à requérir un nouvel échange d’écritures consécutivement aux observations des recourants du 28 avril 2017. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. Le recours est formé pour violation des droits politiques à l’encontre de la délibération du conseil municipal du 24 janvier 2017 en tant qu’elle vise à mettre en œuvre l’initiative acceptée le 19 avril 2016 par le conseil municipal.

b. Si, sur le plan de la recevabilité, les questions de la juridiction compétente pour connaître du recours et de l’acte attaquable appellent quelques développements, il appert que celles de la qualité pour recourir et du respect des formes et du délai de recours ne soulèvent pas de problème. En effet, tant le comité référendaire que les personnes physiques recourantes, ressortissantes suisses domiciliées sur le territoire de la Ville de Veyrier et y exerçant leurs droits politiques, ont qualité pour recourir (ACST/8/2016 du 3 juin 2016 consid. 3a et références citées ; Stéphane GRODECKI, L’initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, p. 409 s.). L’acte de recours comporte les mentions requises par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA. Et le recours n’est en tout état pas tardif puisqu’il a été déposé dans un délai de six jours à compter de l’adoption de l’acte attaqué, correspondant à celui que l’art. 62 al. 1 let. c LPA fixe « en matière de votations et d’élections » (si bien qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il ne faudrait pas admettre que le délai de recours contre des actes de concrétisation d’une initiative municipale acceptée n’est pas, nonobstant le silence de la loi, le délai ordinaire de trente jours prévu par l’art. 62 al. 1 let. a et d LPA, comme la chambre constitutionnelle l’a admis pour le contrôle de la validité des initiatives populaires [ACST/17/2015 précité consid. 3a]).

2.             a. Selon l'art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), la Cour constitutionnelle – à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) – est compétente pour traiter les litiges relatifs à l’exercice des droits politiques en matière cantonale et communale. Par la loi 11311 du 11 avril 2014 mettant en œuvre la Cour constitutionnelle, le législateur a prévu que la chambre constitutionnelle connaît des recours en matière de votations et d’élections (art. 130B al. 1 let. b LOJ) ainsi qu’en matière de validité des initiatives populaires (art. 130B al. 1 let. c LOJ), et il a transféré à la chambre constitutionnelle, par une modification de l’art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), la compétence qu’avait jusqu’alors la chambre administrative de connaître des recours contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision (art. 180 aLEDP).

Ces trois dispositions légales (soit les let. b et c de l’art. 130B al. 1 LOJ et l’art. 180 LEDP) concrétisent l’art. 124 let. b Cst-GE (Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 318 ; Michel HOTTELIER / Thierry TANQUEREL, La constitution genevoise du 14 octobre 2012, in SJ 2014 II 341 ss, 378). Elles doivent s’interpréter à l’aune de l’art. 88 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), selon lequel les cantons ont l’obligation de prévoir une voie de recours contre tout acte d’autorité qui est susceptible de violer les droits politiques cantonaux (y compris communaux) des citoyens, sous réserve des actes du parlement et du gouvernement (Alain WÜRZBURGER, in Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n.  10 s. ad art. 88 ; Heinz AEMISEGGER, in Karl SPÜHLER et al. [éd.], Bundesgerichtgesetz, 2ème éd., 2013, n. 8 ss ad art. 88 ; Gerold STEINMANN, in Marcel Alexander NIGGLI et al. [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd., 2011, n. 11 ss, 14 ss, 17 s. ad art. 88 ; Yves DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral. Commentaire, 2008, n. 2714 ss, 2716, 3025 ss, 3031 ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 1458).

b. Une délibération d’un conseil municipal (en particulier la délibération contestée) ne constitue pas un acte relevant de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 1453 ; cf. ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3a concernant un arrêté relatif à la validité d’une initiative). Elle ne peut en effet être assimilée à un acte destiné aux électeurs, s’inscrivant dans le cadre d’un scrutin populaire, de nature à influencer la libre formation et expression du droit de vote, comme le sont en particulier les mesures d’organisation de scrutins populaires, le matériel de vote en général, la brochure explicative, des circulaires et des tracts, des interventions d’autorités dans la campagne, de même que la constatation du résultat d’élections ou de votations (ACST/8/2016 du 3 juin 2016 consid. 2a ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 consid. 7, et jurisprudence citée dans ces arrêts).

Des actes décisifs de concrétisation d’une initiative non formulée acceptée n’en sont pas moins susceptibles de porter atteinte aux droits politiques, tels que les définissent les art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 s. Cst-GE (ACST/3/2017 du 23 février 2017 consid. 3b), dès lors que de la garantie des droits politiques se déduit notamment un droit à la concrétisation d’une initiative non formulée acceptée (ATF 141 I 186 ; 121 I 357 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2016 du 10 mars 2017 consid. 1.2 ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 1339). Le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires (art. 82 let. c LTF ; art. 85 let. c de l’ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 - aOJ) est ouvert à l’encontre d’actes concrétisant ou refusant de concrétiser une initiative populaire formulée en termes généraux (ATF 141 I 186 ; Bénédicte TORNAY, La démocratie directe saisie par le juge, 2008, p. 31 i.i., 33 et 128 ss ; Étienne GRISEL, Initiative et référendum. Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, 3ème éd., 2004, p. 235 n. 598 ; cf. aussi arrêts du 24 avril 2002 [RJJ 2002 p. 179] et du 17 juin 2000 [RJJ 2001 p. 123] de la Cour constitutionnelle jurassienne).

Les actes sujets à recours ne se limitent pas à des décisions administratives, mais s’étendent aussi à d’autres mesures, y compris à des actes matériels ; ils englobent l’ensemble des actes affectant les droits politiques (ATF 138 I 171 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2016 précité consid. 1.1 ; Alain WÜRZBURGER, op. cit., n. 110 ss, et 126 ss ad art. 82 ; Heinz AEMISEGGER, op. cit., n. 121, 122, 124 ad art. 82 ; Gerold STEINMANN, op. cit., n. 85 ss ad art. 82).

c. L’acte attaqué en l’espèce émane d’une commune. Il n’est donc pas susceptible d’être immunisé contre un recours sur le plan cantonal (Heinz AEMISEGGER, op. cit., n. 8 ad art. 88 ; Gerold STEINMANN, op. cit., n. 17 ad art. 88 ; Yves DONZALLAZ, op. cit., n. 3031). Au demeurant, le législateur genevois n’a pas fait usage de la possibilité que réserve l’art. 88 al. 2 phr. 2 LTF de soustraire les actes du parlement et du gouvernement susceptibles de violer les droits politiques cantonaux à un contrôle juridictionnel sur le plan cantonal, mais a visé, à l’art. 130B al. 1 let. b LOJ, l’ensemble du contentieux en matière de droits politiques cantonaux et communaux, sans restriction quant aux organes dont émanent les actes attaquables (MGC [en ligne] ad PL 11311, p. 7, 11 i.f., 12, et ad PL 11311-A, p. 2 i.f., 6, 12 s., 20 s., 23, 27).

De plus, si elle n’est pas prévue en tant que telle dans la procédure d’adoption d’un PLQ, objet central de l’initiative acceptée à concrétiser, la délibération contestée en l’espèce n’en comporte pas moins un refus des autorités communales que la première étape de réalisation du grand projet prioritaire des « Grands Esserts », portant sur les deux pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », se traduise par l’adoption d’un seul PLQ, ainsi que le requiert l’initiative. Cette délibération est déterminante à cet égard, et elle porte le sceau de l’autorité appelée à concrétiser l’initiative. Force est d’admettre qu’elle représente un acte susceptible de donner lieu à un litige relatif aux droits politiques au sens des art. 124 let. b Cst-GE et 130B al. 1 let. b LOJ, interprétés à l’aune de l’art. 88 al. 2 et, partant, aussi 82 let. c LTF.

d. En conclusion, le recours devant la chambre constitutionnelle est recevable.

3.             L’examen du recours nécessite d’évoquer les compétences que détiennent les communes genevoises dans le contexte de l’adoption de PLQ et de l’ouverture en la matière d’un pouvoir d’intervention des citoyens de la commune par l’exercice de leurs droits politiques, étant précisé d’une part que la réalisation du potentiel à bâtir des parcelles ici considérées, situées en zone de développement 3, requiert l’adoption de PLQ (art. 2 al. 1 let. a de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35), et d’autre part que – comme l’a retenu le Conseil d’État dans son arrêté relatif à la validité de l’initiative – cette dernière a pour unique invite l’établissement, pour les pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », d’un seul PLQ devant respecter des principes entrant dans le contenu même d’un PLQ et le cadre légal de constructions sises en zone de développement.

4.             a. La procédure d’adoption d’un PLQ est définie aux art. 5A ss LGZD. Elle s’applique aussi à la modification et l’abrogation de PLQ (art. 5A al. 2 phr. 1 LZGD).

b. La demande – l’impulsion de départ – d’élaborer un PLQ peut émaner du DALE, du Conseil d’État, d’une commune ou encore du Grand Conseil (art. 5A al. 1 à 3 LGZD). Lorsqu’une commune sollicite du Conseil d’État l’adoption d’un PLQ, l’exécutif municipal est partie prenante, en collaboration avec le DALE, à l’élaboration d’un projet de PLQ, sur lequel le conseil municipal est ensuite appelé à émettre un préavis, à ce stade sous forme de résolution ; si le préavis est favorable au projet élaboré, celui-ci est transmis au Conseil d’État, qui, après s’être assuré qu’il répond sur le plan formel aux exigences légales, est tenu d’engager la procédure d’adoption prévue à l’art. 6 LGZD (art. 5A al. 2 LGZD).

Comme dans les autres cas de figure évoqués, le projet de PLQ est soumis à une enquête publique, permettant à chacun d’adresser des observations au DALE, qui sont transmises ensuite à la commune ; le conseil municipal doit alors communiquer son préavis sur ledit projet, cette fois-ci sous forme de délibération sujette à référendum (art. 6 al. 1 à 7 LGZD). À l’issue du délai référendaire, le projet de PLQ est publié dans la FAO et affiché dans la commune ; s’ouvre alors une procédure d’opposition, au terme de laquelle le Conseil d’État statue sur les oppositions, le cas échéant modifie le projet et adopte ensuite le PLQ, qui fait alors l’objet d’une publication dans la FAO (art. 6 al. 8 à 10 LGZD). Dans l’hypothèse où une commune a formé à l’encontre du projet de PLQ une opposition que le Conseil d’État entend rejeter, celui-ci en saisit préalablement le Grand Conseil, qui statue sur celle-ci, sous forme de résolution, le Conseil d’État devant modifier le plan en conséquence si le Grand Conseil accepte l’opposition, puis publier son adoption dans la FAO (art. 6 al. 11 LGZD). Recours peut être interjeté contre le PLQ auprès de la chambre administrative (art. 6 al. 12 LGZD ; art. 35 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

Le PLQ adopté fait règle tant qu’il n’a pas été abrogé ou modifié par une décision subséquente du Conseil d’État (art. 6 al. 14 phr. 1 LGZD), même déjà au cours de la procédure de recours si l’effet suspensif a été retiré au recours et que sa restitution à titre de mesure provisionnelle est refusée (comme s’agissant du PLQ n° 29983-542 concernant la pièce « Maison de Vessy »).

c. Pour l’essentiel, les art. 5A et 6 LGZD ont été adoptés le 29 avril 1993 (ROLG 1993 p. 366 ss., 371 ss), dans le contexte d’un train de lois 6705 à 6709 et 6740 visant à permettre aux communes de jouer un rôle plus actif dans le cadre de l’aménagement de leur territoire, sans aller aussi loin que le demandait l’initiative IN 29 « Pour une autonomie des communes en matière d’aménagement de leur territoire ». Cette dernière, lancée à la mi-septembre 1990 (ROLG 1991 p. 453 s.), visait à soumettre les plans d’affectation du sol à l’approbation tant de l’autorité cantonale compétente que du conseil municipal de la commune concernée ; elle a finalement été retirée, le 22 mars 1993 (ROLG 1993 p. 188 s.), après que le Grand Conseil eut adopté, le 15 janvier 1993, un PL 6934 valant contreprojet à l’IN 29 et regroupant les six projets de loi précités dans leur teneur alors approuvée en deux débats, qui n’a pas été modifiée au cours du troisième débat (MGC 1993 I 508-533), mais s’est trouvée l’être sur des points mineurs par l’adoption, le 29 avril 1993, des lois 6705 à 6709 et 6740 (MGC 1993 II 2189-2203), ayant supplanté la loi 6934.

Des art. 5A et 6 LGZD précités résulte notamment d’une part que le DALE joue un rôle prépondérant dans l’élaboration et la mise au point du projet de PLQ, dans le cadre d’un processus de concertation avec les communes concernées et les particuliers intéressés à développer le périmètre considéré, avec cependant une implication plus active des communes pour les projets initiés par ces dernières, et d’autre part que l’autorité compétente pour adopter (le cas échéant modifier ou abroger) un PLQ est le Conseil d’État, la politique d’aménagement et d’application du droit de la construction relevant institutionnellement à Genève de la compétence cantonale (MGC 1991 IV 3695 ; 1992 VII 7814 s., 7837, 7847). S’il a rejeté le « droit de veto » que l’IN 29 prévoyait en faveur des communes, qui serait source de blocages (MGC 1992 VII 7836 s., 7841, 7845 s., 7848, 7857), le législateur n’en a pas moins voulu accorder aux communes la compétence supplémentaire de « susciter » l’adoption, la modification ou l’abrogation de plans d’affectation du sol, « plus de capacité d’initiative » (MGC 1992 VII 7815), la possibilité d’« imposer à l’État l’étude » d’un PLQ (MGC 1992 VII 7837), assurer les communes que « leurs propositions en matière de plan d’affectation du sol soient effectivement mises à l’enquête publique et soumises, au terme de la procédure applicable aux plans (considérés), à l’approbation de l’autorité compétente (Grand Conseil pour les plans de zone, Conseil d’État pour les autres plans et règlements), qui décidera s’il y a lieu ou non de les adopter » (MGC 1991 IV 3696 ; 1992 VII 7802 s.).

Ainsi, lorsqu’une commune sollicite l’adoption d’un PLQ et qu’ensuite le conseil municipal préavise favorablement un projet de PLQ élaboré répondant sur le plan formel aux exigences légales, le Conseil d’État est tenu de poursuivre la procédure d’adoption du PLQ par l’ouverture de la procédure d’enquête publique. La compétence finalement d’adopter ou non un PLQ n’en reste pas moins en mains du Conseil d’État (sans préjudice de la compétence alors préalable du Grand Conseil de statuer sur l’opposition qu’une commune formerait à un projet de PLQ et que le Conseil d’État entendrait rejeter), et ce non seulement formellement mais aussi matériellement. Sans doute le préavis municipal et a fortiori, en cas de référendum, son acceptation par le corps électoral sont-ils susceptibles de peser de tout leur poids dans la décision du Conseil d’État ; ce dernier n’est pas privé pour autant de sa compétence décisionnaire, lui permettant notamment d’arbitrer les conflits d’intérêts susceptibles de surgir entre une commune et le canton sur des projets d’urbanisation d’envergure, comme celui des « Grands Esserts ».

5.             a. Sous l’angle des droits politiques, les citoyens disposent du droit de référendum à l’encontre du préavis que le conseil municipal est amené à rendre sous forme de délibération concernant le projet de PLQ consécutivement à l’enquête publique (art. 6 al. 4 LGZD ; art. 30 al. 1 let. r de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05), mais pas – afin d’éviter l’ouverture deux fois de la voie du référendum contre un même projet – à propos du préavis que le conseil municipal émet sous forme de résolution au stade antérieur sur un projet de PLQ demandé par la commune, élaboré par cette dernière en liaison avec le DALE (art. 5A al. 2 phr. 3 LGZD ; art. 30A al. 1 let. c LAC ; MGC 1991 IV 3696 ; 1992 VII 7811 s.). Ils détiennent en outre le droit d’initiative.

b. En effet, selon l’art. 71 al. 1 et 2 Cst-GE, le nombre requis de titulaires des droits politiques peut demander au conseil municipal de délibérer sur un objet déterminé, dans les matières définies par la loi. Ces dernières sont énumérées à l’art. 36 LAC ; de leur nombre figurent les études d’aménagement du territoire communal (art. 36 al. 1 let. d LAC), dont celles impliquant l’adoption d’un PLQ, en tant qu’elles comportent, même dans un second temps, l’exercice d’une fonction délibérative sur le préavis à donner sur le projet de PLQ (art. 30 al. 1 let. r LAC) ; peu importe qu’en cas de PLQ élaboré à la demande d’une commune, le préavis du conseil municipal sur le projet de PLQ élaboré par l’exécutif communal en liaison avec le DALE soit, dans un premier temps, émis par le biais d’une résolution (art. 5A al. 2 phr. 3 LGZD), dans l’exercice d’une fonction consultative (art. 30A al. 1 let. c LAC). C’est d’ailleurs ce qu’a retenu le Conseil d’État dans son arrêté du 22 juillet 2015 déclarant valide l’initiative considérée en l’espèce, admettant qu’une initiative populaire municipale doit pouvoir être concrétisée par une délibération du conseil municipal, ce qui est le cas, dans un second temps, d’un PLQ, ainsi que l’admet aussi la doctrine (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 186 ss).

Une initiative populaire municipale permet donc aux citoyens d’initier une procédure d’adoption d’un plan d’affectation du sol (tel un PLQ), et, en cas d’acceptation de l’initiative (peu importe à cet égard que ce soit par le conseil municipal ou par le corps électoral), d’en exiger la concrétisation, dans les limites des compétences communales. Cet instrument de démocratie directe ne saurait en effet étendre les compétences communales en matière d’adoption de PLQ.

c. Une initiative populaire municipale tendant à l’adoption d’un PLQ qui est acceptée n’implique pas de modification des différentes étapes de la procédure d’adoption d’un PLQ. Son acceptation, appelant une concrétisation (à terme par voie de délibération), place la commune concernée dans la position de celle qui sollicite du Conseil d’État l’adoption d’un PLQ, soit au stade initial visé par l’art. 5A al. 2 phr. 1 LGZD. Elle ne la fait pas avancer d’un coup à un stade ultérieur de la procédure d’adoption d’un PLQ, comme à celui de l’émission par son conseil municipal d’un premier préavis, par voie de résolution, puis, si ce préavis est favorable et après enquête publique, d’un second préavis, quant à lui sous forme de délibération sujette à référendum, avant que, le cas échéant, la procédure d’opposition ne soit ouverte et que, finalement, le Conseil d’État ne statue sur les éventuelles oppositions et n’adopte ou ne rejette le PLQ considéré.

Une fois une telle initiative acceptée, il faut qu’un projet de PLQ soit élaboré, et c’est là la tâche de l’exécutif communal, en liaison avec le DALE, étant précisé que l’acceptation de l’initiative ne transforme pas le conseil municipal en organe d’élaboration du projet de PLQ, en lieu et place de l’exécutif communal. Ce dernier doit cependant se conformer aux propositions contenues dans l’initiative, le cas échéant préparer un projet de PLQ en dépit d’objections du DALE et des particuliers intéressés à développer le périmètre, puis, si le préavis du conseil municipal est favorable, le transmettre au Conseil d’État en vue – pour autant que le projet réponde sur le plan formel aux exigences légales – d’ouverture de la procédure prévue à l’art. 6 LGZD.

d. L’issue de la procédure reste réservée, puisque le pouvoir décisionnaire d’adopter ou refuser d’adopter le PLQ revient finalement au Conseil d’État. On ne saurait toutefois en déduire que le Conseil d’État pourrait communiquer par anticipation sa décision à ce propos et mettre par-là fin prématurément à la procédure d’adoption d’un PLQ initiée et restant ensuite sous-tendue, pour sa concrétisation, par l’exercice du droit d’initiative populaire municipale. Le DALE ne saurait pour autant être tenu de collaborer activement à l’élaboration d’un projet de PLQ dépourvu de toute perspective d’adoption. Il y a également lieu de réserver l’hypothèse, rarement susceptible d’être réalisée, dans laquelle le lancement d’une initiative ou l’exigence de concrétisation d’une initiative acceptée représenteraient un abus manifeste des droits politiques (ATF 130 I 185 consid. 5.3 ; 128 I 190 consid. 7 ; 123 I 63 consid. 6c ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., n. 877).

6.             a. En l’espèce, au terme d’études remontant à des années – ayant comporté notamment la création d’une zone de développement 3, la signature d’un accord entre l’État et la Ville de Veyrier, une étude de mise en œuvre en concertation avec cette dernière et les deux principaux constructeurs, des réunions d’information publiques –, le DALE a annoncé, en novembre 2014, la poursuite du projet prioritaire d’urbanisation des « Grands Esserts » par l’engagement des premières procédures de PLQ. Il ne fait pas de doute que l’impulsion de départ d’élaborer des PLQ – un pour chacune des pièces constituant le périmètre des « Grands Esserts » (du moins un pour chacune des deux pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs ») – vient de l’État, qui s’était concerté avec la commune considérée et les principaux constructeurs concernés. Les travaux d’élaboration des PLQ ont suivi leur cours. Le 25 septembre 2015, un projet de PLQ n° 29983-542 concernant la pièce « Maison de Vessy » a été soumis à la commune considérée pour préavis de son conseil municipal, qui a donné à son propos un préavis favorable en date du 10 novembre 2015. Le Conseil d’État a adopté ledit PLQ le 27 avril 2016. Ce dernier, du fait du retrait (et de la non-restitution) de l’effet suspensif attaché à un recours, est devenu exécutoire, en dépit des recours qui ont été interjetés à son encontre.

Dans l’intervalle, à fin novembre 2014, les recourants avaient lancé leur initiative, et le Conseil d’État en avait constaté l’aboutissement et l’avait déclarée valide. Le conseil municipal, en date du 19 avril 2016, a accepté l’initiative sans contreprojet, en dépit du préavis favorable qu’il avait émis cinq mois plus tôt sur le projet de PLQ précité. L’acceptation de l’initiative ne bloquait aucunement la poursuite de la procédure d’adoption du PLQ n° 29983-542 (ni, d’ailleurs, d’autres projets de PLQ, dont celui concernant la pièce « Beaux-Champs »), pas plus qu’elle ne faisait obstacle à la mise en œuvre dudit PLQ adopté, quoique attaqué par des recours et donc non définitivement adopté à ce jour ; une initiative n’implique en effet aucun effet suspensif (ATF 128 I 190 consid. 5.1). À l’inverse, le lancement, le traitement et l’acceptation de l’initiative n’ont à juste titre pas été considérés comme contraires au droit du fait que la procédure d’adoption du PLQ n° 29983-542 était en cours et a abouti à l’adoption de ce dernier. Ladite initiative doit le cas échéant être comprise comme visant à la modification ou même à l’abrogation dudit PLQ, sans que ne puisse, à ce stade, être discerné un abus manifeste du droit d’initiative populaire municipale.

b. Il sied de préciser que la délibération attaquée, du 24 janvier 2017, dite de mise en œuvre de l’initiative acceptée, ne représente pas un préavis sur un projet de PLQ au sens de l’art. 5A al. 2 phr. 3 LGZD, ni l’initiative elle-même ni ladite délibération n’ayant en tout état la teneur d’un projet de PLQ (cf. art. 3 LGZD). Elle n’en représente pas moins un acte par lequel la commune, par le biais de son conseil municipal sur proposition de l’exécutif communal, prétend concrétiser l’initiative acceptée, par l’énoncé de mesures d’accompagnement de la mise en œuvre des PLQ des pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » et l’ouverture d’un financement de ces mesures, ainsi que par la transmission au Conseil d’État de demandes inspirées des principes inscrits dans l’initiative devant guider l’élaboration – selon les initiants – d’un seul PLQ pour les deux pièces précitées (cf. consid. 2c).

7.             a. Les recourants estiment que leur droit d’être entendu a été violé parce qu’ils n’ont pas été invités à s’exprimer sur le projet de la délibération de concrétisation de l’initiative avant son adoption par le conseil municipal, contrairement – selon eux – à ce qu’exigent tant l’art. 29 al. 2 Cst. que l’art. 41 LPA.

b. Selon l’art. 29 al. 2 Cst., les parties ont le droit d’être entendues. Dans le champ d’application de la LPA – qui est celui de la prise de décision par les autorités cantonales et communales, administratives et juridictionnelles (art. 1 LPA), sans préjudice d’autres domaines (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 24, 26 et 29), fût-ce par analogie –, l’art. 41 LPA prévoit que les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision, mais qu’elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires. L’art. 41 LPA n’offre cependant pas de garantie plus étendue que celle qui se déduit de l’art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.2 ; ATA/376/2013 du 18 juin 2013 consid. 4 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 480).

Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. l’est essentiellement dans le cadre des procédures administratives ou judiciaires, notion figurant à l’al. 1 de cette disposition. Ainsi, mis à part les procédures, ici non pertinentes, se déroulant devant les juridictions (civiles, pénales et administratives), il prévaut dans les procédures conduisant à l’adoption de décisions administratives, donc de mesures individuelles et concrètes fondées sur le droit public portant sur des droits ou obligations des administrés (cf. art. 1 et 4 LPA). Il n’est en principe pas reconnu dans le processus législatif, sous réserve, exceptionnellement, de cas dans lesquels des personnes (qualifiées de « destinataires spéciaux ») sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires « ordinaires » (ATF 134 I 269 consid. 3.3.1 et jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_589/2016 du 8 mars 2017 consid. 6.3 ; ACST/6/2016 du 19 mai 2016 consid. 5b), au point que les mesures prises tendent à se confondre avec des actes administratifs hybrides comme des décisions administratives (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 73 ss et 490). Un droit d’être entendu peut aussi se déduire de la protection qu’offrent certains droits fondamentaux, comme la liberté syndicale (art. 28 Cst.) dans sa dimension collective, en tant qu’elle confère aux syndicats du secteur public le droit de s’exprimer sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires significatives touchant le statut de leurs membres (ATF 140 I 257 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_589/2016 précité consid. 7.3 et jurisprudence citée ; ACST/6/2016 précité consid. 5c).

c. La délibération attaquée ne s’inscrit dans le cadre ni d’un processus normatif, ni d’une procédure administrative. Elle relève d’un processus de mise en œuvre des droits politiques.

c/aa. Dans un arrêt du 12 mars 1997, publié aux ATF 123 I 63 (consid. 2), concernant le contrôle de la validité des initiatives populaires dans le canton de Genève – à l’époque respectivement par le Grand Conseil ou le conseil municipal selon qu’il s’agissait d’initiatives cantonales ou municipales (art. 66 et 68C de l’ancienne Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 - aCst-GE - A 2 00) –, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu'un parlement cantonal doit se prononcer sur l'unité de la matière au stade de l'examen de la recevabilité d'une initiative populaire, le droit constitutionnel fédéral n'exige en principe pas une audition préalable des auteurs de l'initiative ou des citoyens intéressés ; il a rejeté le grief de violation du droit d'être entendu soulevé par le comité d’initiative.

La conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal fédéral dans cet arrêt a fait l’objet de critiques de la part de la doctrine (Stéphane GRODECKI, op. cit. p. 328 ss ; du même auteur, La qualification juridique de l’acte d’invalidation d’une initiative populaire municipale genevoise, RDAF 2010 I 508 ss, 516), estimant que les initiants, représentés par le comité d’initiative ou les personnes habilitées à retirer l’initiative, devraient bénéficier du droit d’être entendu en matière d’examen de la validité d’une initiative (Michele ALBERTINI, Der verfassungsmässige Anspruch auf rechtliches Gehör im Verwaltungsverfahren des modernen Staates, 2000, p. 183 ; Yvo HANGARTNER / Andreas KLEY, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, n. 2146 ; cf. aussi les opinions, antérieures à l’arrêt précité, d’Andreas AUER, Problèmes et perspectives du droit d’initiative à Genève, 1987, n. 108 ; Alberto FERRARI, Die Zuständigkeit und das Verfahren der Ungültigerklärung von Volksbegehren : eine kritische Betrachtung anhand von Fällen in Bund und Kanton Zürich, 1982, p. 37 ; Alfred KÖLZ Die kantonal Volksinitiative in der Rechtsprechung des Bundesgerichts, ZBl 1982 I 30).

c/bb. Pour le contrôle de la validité d’initiatives, désormais du ressort du Conseil d’État (art. 60 al. 1 Cst-GE), la pratique paraît aller dans le sens d’une invitation faite aux initiants à se déterminer au moins sur les points susceptibles d’être litigieux, comme cela a été le cas pour l’initiative ici considérée (cf. aussi ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 ch. 8 de la partie « En fait » concernant l’IN 156 « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp ! »).

Les motifs avancés par les auteurs précités à l’encontre de l’ATF 123 I 63 apparaissent transposables en matière de concrétisation d’une initiative municipale acceptée. En particulier, il n’est ni déterminant ni acquis que les milieux proches des initiants soient représentés au sein de l’organe appelé à concrétiser l’initiative acceptée, et il n’est pas non plus décisif que des questions à propos desquelles les initiants pourraient souhaiter se déterminer soient juridiques plutôt que factuelles. Il paraîtrait en outre conforme à l’esprit du droit d’être entendu de ne pas contraindre les initiants à engager une procédure contentieuse pour pouvoir exposer leur appréciation juridique (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 329), étant rappelé que le droit d’être entendu vise aussi, au-delà du respect de la personnalité des parties, à mieux établir les faits et mieux appliquer le droit ainsi qu’à favoriser l’acceptation des solutions qui sont finalement retenues (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 3ème éd., 2015 n. 175).

c/cc. Comme le Tribunal fédéral l’a précisé dans l’ATF 123 I 63 précité (au consid. 2d), la portée du droit d'être entendu se détermine en fonction de la situation concrète et des intérêts en présence (ATF 111 Ia 273 consid. 2b), la jurisprudence tenant compte, en particulier, de la structure et de l'organisation spécifiques des organes délibératifs (tels que des parlements cantonaux) qui rendent des décisions ou exercent des compétences juridictionnelles, notamment dans le domaine des droits politiques (cf. ATF 119 Ia 141 consid. 5c/dd ; 98 Ia 73 consid. 2 ; 91 I 266 consid. 6). Selon Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER (Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. II, n. 1332), quelle que soit la procédure, la portée du droit d’être entendu est déterminée de cas en cas, en fonction de la situation concrète et des intérêts en présence ; la garantie du droit d’être entendu s’applique en conséquence dans tous les domaines d’application du droit.

d. Compte tenu de l’issue du présent recours, il n’y a toutefois pas lieu, en l’espèce, de trancher la question de savoir si, dans quelle mesure et selon quelles modalités un droit d’être entendu devrait le cas échéant être reconnu à des initiants lors de la concrétisation d’initiatives rédigées en termes généraux acceptées.

8.             a. Sur le fond, les recourants font grief au conseil municipal de n’avoir pas concrétisé fidèlement l’initiative considérée, qu’il avait pourtant acceptée, et ce sur deux points, à savoir sur la nécessité d’adopter un seul PLQ pour la totalité du périmètre visé par l’initiative (soit la pièce « Maison de Vessy », destinée à la construction de logements, et la pièce « Beaux-Champs », destinée à la construction d’un centre commercial et de logements) et sur l’inclusion de mesures suffisamment concrètes garantissant une mobilité sereine, et ainsi d’avoir violé leurs droits politiques.

b. En abordant le fond du recours, force est de souligner que l’initiative a été déclarée valide en date du 22 juillet 2015 par l’autorité compétente, le Conseil d’État (art. 72 al. 1 Cst-GE), dont l’arrêté y relatif n’a pas fait l’objet d’un recours, et par ailleurs et surtout qu’elle a été acceptée sans contreprojet par le conseil municipal le 19 avril 2016. Le 30 octobre 2015, le comité d’initiative s’était déclaré prêt à envisager avec l’exécutif communal l’élaboration d’un contreprojet, et la proposition avait été faite au sein de la commission compétente du conseil municipal de demander audit exécutif de préparer un contreprojet, mais ladite commission et, à sa suite, le conseil municipal ont respectivement recommandé et voté l’acceptation de l’initiative sans contreprojet. L’acceptation sans contreprojet de l’initiative, le 19 avril 2016, apparaît certes étonnante au regard de la délibération du 10 novembre 2015, par laquelle le même conseil municipal, cinq mois plus tôt, préavisait favorablement le projet de PLQ n° 29983-542 limité à la pièce « Maison de Vessy ». Toutefois, selon l’art. 73 al. 2 Cst-GE, une concrétisation de cette initiative acceptée devait intervenir, dans le sens d’une mise en route de la procédure déjà décrite d’élaboration d’un projet de PLQ (cf. consid. 4 et 5) conforme aux réquisits de l’initiative acceptée, étant précisé que le conseil municipal serait appelé ultérieurement à émettre par voie délibérative un préavis sur un projet de PLQ, sans préjudice de la poursuite de la réalisation du projet d’urbanisation des « Grands Esserts » et en particulier du processus d’élaboration de PLQ concernant les différentes pièces dudit périmètre. Du fait de l’acceptation sans contreprojet de l’initiative, il se trouve en l’état, à des stades d’avancement toutefois différents, deux conceptions en concurrence, sans que, d’un point de vue juridique, un blocage ne s’ensuive, ni que finalement une réconciliation ou alors la victoire de l’une sur l’autre de ces conceptions soient inenvisageables au gré de délibérations futures du conseil municipal et/ou de décisions du Conseil d’État.

c. Encore faut-il vérifier si la concrétisation de l’initiative qu’arrête la délibération attaquée est fidèle à l’initiative ou si elle s’en distance dans une mesure portant atteinte aux droits politiques des recourants. Les recourants et l’intimé ont des points de vue opposés sur cette question.

9.             a. Les droits politiques commandent qu’une initiative rédigée en termes généraux – ainsi que l’est par définition une initiative municipale dans le canton de Genève, même si elle peut comporter des vœux précis (arrêt du Tribunal fédéral 1C_49/2010 et 1C_51/2010 du 8 juillet 2010 consid. 4 ; SJ 2001 I 253 consid. 2a ; Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 101 ss) – soit concrétisée.

Comme cela résulte de la jurisprudence (ATF 121 I 357 consid. 4b ; 115 Ia 148 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.150/2003 du 5 décembre 2003 consid. 7.6, rés. in SJ 2004 I 227 ; arrêt du Tribunal fédéral du 16 décembre 1986 consid. 2b, in SJ 1988 p. 625 ; ATA/618/2003 du 26 août 2003 consid. 2b) et de la doctrine (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 375 ss), la concrétisation d’une initiative acceptée doit respecter l’objet de cette dernière. Elle doit suivre la voie tracée par l’initiative, ne pas modifier le sens de la proposition que celle-ci soutient, ni régler des sujets différents de ceux que l’initiative énonce. S’agissant d’une initiative municipale – à l’instar d’ailleurs de l’exécutif municipal, qui prépare la délibération de concrétisation (art. 36D al. 1 phr. 1 et 36G phr. 1 LAC) –, le conseil municipal n’agit pas librement, mais en exécution d’un mandat assigné par les initiants, dès lors que lui-même ou le corps électoral a accepté l’initiative sans contreprojet. Les autorités municipales sont tenues d’élaborer et adopter un texte – en l’occurrence un projet de PLQ – répondant aux intentions des initiants et reflétant leur pensée, quand bien même elles ne partageraient pas ou plus leurs vues (arrêts de la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal jurassien CST 7/2015 du 9 février 2016 et CST 2/2016 du 31 août 2016 enjoignant à deux reprises au Parlement jurassien d’entrer en matière et d’adopter une loi sur le salaire minimum suite à ses refus d’entrer en matière sur une concrétisation de l’initiative populaire « Un Jura aux salaires décents », rédigée en termes généraux, acceptée par le corps électoral).

b. Cela ne signifie pas que l’organe de concrétisation de l’initiative ne disposerait d’aucune compétence propre, mais sa marge de manœuvre est limitée, dans une mesure variable selon le degré de précision des objectifs fixés par l’initiative, la complexité du sujet et/ou d’éventuelles contradictions partielles affectant les propositions formulées par l’initiative (ATF 115 Ia 148, par lequel le Tribunal fédéral a annulé la loi 5719 adoptée par le Grand Conseil genevois pour concrétiser l’IN 14 « Soins à domicile » ; cf. avis de droit de Jean-François AUBERT, suivi par le Grand Conseil genevois, concernant la concrétisation de l’IN 16 « Pour une traversée de la rade », in MGC 1996 I 784 ss, 789 ss, n. 18 ss).

Une autre limite à l’obligation de se conformer strictement aux propositions d’une initiative acceptée réside dans la nécessité de se conformer à l’ordre juridique supérieur (SJ 1988 p. 626 consid. 2b), la concrétisation de l’initiative pouvant permettre d’en corriger des imperfections (ATF 124 I 107 consid. 5b.aa ; 112 Ia 240 consid. 5b ; ZBl 1991 p. 266 consid. 5a). Une impossibilité juridique de réaliser l’initiative intervenant subséquemment à l’acceptation de cette dernière peut aussi amener l’autorité en charge de sa concrétisation à s’en écarter (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 378, n. 1353 i.f. ; arrêt du Conseil d’État zurichois du 10 mars 1993, in ZR 94/1995 p. 218).

10.         a. En l’espèce, c’est le cœur même de l’initiative que le périmètre appelé à supporter la première étape de l’urbanisation projetée des « Grands Esserts » soit constitué conjointement des pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », et donc que ce périmètre constitue l’assiette d’un seul PLQ. L’initiative est précise et exempte de contradiction sur cette question. Or, la délibération attaquée s’écarte indéniablement de l’initiative sur ce point, affirmant et confirmant une concrétisation de l’initiative comportant l’adoption distincte de deux PLQ, soit un pour chacune de ces deux pièces.

Si l’urbanisation projetée des « Grands Esserts » présente sans doute une certaine complexité, il n’apparaît pas et n’est d’ailleurs pas même allégué par l’intimé que le traitement conjoint, par le biais d’un seul PLQ, des deux pièces considérées ne serait pas compatible avec les contraintes auxquelles doit satisfaire un PLQ.

b. Quand bien même les autorités compétentes, en particulier l’État, peuvent avoir de bonnes raisons d’avoir programmé l’urbanisation des deux pièces considérées en deux temps, la position inverse que promeut l’initiative n’est ni dénuée de sens et d’utilité, ni déraisonnable ou purement chicanière, donc pas arbitraire (Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 160 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 1143 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 604 ss).

L’idée des initiants est de favoriser sinon garantir une pesée optimale des intérêts à coordonner – en termes notamment de nombre et type de logements et de surfaces commerciales à construire ainsi que de voies de communication et de desserte par les transports public à ouvrir ou améliorer – et de permettre une réalisation de ces divers ouvrages qui, par une inscription appropriée dans le temps, ménage le mieux la sérénité des déplacements et la mixité sociale. Il est vrai que l’adoption d’un seul PLQ pour les deux pièces considérées ne garantirait pas à elle seule la réalisation de ces objectifs ; il n’est toutefois pas contestable que l’implication prévue de constructeurs institutionnels (la CPEG et la FIV) réduirait en l’occurrence les risques que des droits à bâtir précisés par un tel plan d’affectation du sol restent durablement non utilisés. En revanche, l’engagement en parallèle décalé de procédures d’adoption d’un PLQ pour chacune de ces deux pièces peut paraître susceptible d’engendrer un plus grand décalage dans le temps de la réalisation des divers ouvrages, de façon moins coordonnée, d’autant plus selon les aléas que peuvent connaître tant ces procédures que celles tendant à la délivrance des autorisations de construire.

c. Dans l’ATA/618/2003 précité, concernant l’initiative municipale carougeoise demandant l’adoption d’un plan d’utilisation du sol (ci-après : PUS) et d’un règlement d’application pour un périmètre d’une certaine étendue, le Tribunal administratif a relevé, en lien avec la concrétisation de cette initiative, que cette dernière n’interdisait pas que la surface qui devait être classée en zone de verdure s’étende à un espace plus étendu que prévu par l’initiative, ajoutant que la « volonté populaire aurait (…) été violée si le PUS avait prévu un périmètre plus restreint que celui indiqué par l’initiative, mais non (…) parce que le périmètre retenu est plus grand » (consid. 2c).

d. On ne voit par ailleurs pas qu’une concrétisation de l’initiative impliquant l’adoption d’un seul PLQ pour les deux pièces considérées se heurterait à des prescriptions de l’ordre juridique supérieur. Il n’y a pas lieu d’examiner, dans ce contexte, si – ainsi que le prétendent les recourants – la prise en compte séparée des deux pièces en question pour adopter deux PLQ plutôt qu’un seul aurait à l’inverse pour effet d’éluder une exigence d’effectuer une étude d’impact sur l’environnement (art. 10a de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 - LPE - RS 814.01 ; art. 1 ss de l’ordonnance relative à l’étude de l’impact sur l’environnement du 19 octobre 1988 - OEIE - RS 814.011), étant rappelé que l’intimé fait valoir qu’en l’espèce une notice d’impact sur l’environnement au sens de l’art. 4 du règlement d’application de l’ordonnance fédérale relative à l’étude de l’impact sur l’environnement du 11 avril 2001 (ROEIE - K 1 70.05) est suffisante et a été réalisée.

e. Il n’est pas survenu, subséquemment à l’acceptation de l’initiative, d’impossibilité matérielle ou juridique de concrétiser cette dernière. Dans son arrêté relatif à la validité de l’initiative, le Conseil d’État avait retenu que cette dernière était exécutable, dès lors – a-t-il indiqué – qu’aucun PLQ n’était alors encore adopté de manière définitive dans la zone concernée par l’initiative. Dans l’intervalle, le PLQ n° 29983-542 limité à la pièce « Maison de Vessy » a certes été adopté, mais il n’est pas définitif dès lors que, quoique exécutoire, il fait l’objet de recours, et des PLQ sont en voie d’adoption concernant les pièces « Beaux-Champs » et « Ferme ». Force est d’ajouter, dans ce contexte, que l’initiative ne serait pas devenue ni ne deviendrait forcément inexécutable du fait que l’un ou l’autre de ces PLQ seraient adoptés définitivement, l’initiative devant le cas échéant être comprise comme tendant à la modification voire l’abrogation de tels PLQ (cf. consid. 6a i.f.). S’agissant des initiatives tendant à la remise en cause de travaux, la jurisprudence – rappelée au consid. 5 de l’ATF 128 I 190 du 17 avril 2002 relatif à la validité de l’IN 118 « Pour un projet de stade raisonnable » – considère qu'il n'y a pas inexécutabilité du simple fait que l'ouvrage est déjà commencé (ATF 94 I 125), mais qu'il y a impossibilité matérielle d'exécution lorsque l'ouvrage est en état d'achèvement (ATF 101 Ia 354 consid. 10 p. 367 ss).

La limite d’une inexécutabilité de l’initiative n’est pas atteinte en l’état, pas davantage d’ailleurs que celle d’un abus du droit d’initiative (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. I, n. 876 s.).

f. En conclusion, la délibération considérée viole les droits politiques des recourants, dans la mesure où elle s’écarte de l’invite unique de leur initiative acceptée, voulant qu’un seul PLQ soit adopté pour les deux pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs ».

11.         a. Les recourants avancent en outre le grief que la délibération attaquée dénaturerait leur initiative en se contentant de mesures visant à assurer une mobilité sereine qui seraient « purement intentionnelles et aucunement concrètes ».

b. Alors qu’ils en auraient eu tout loisir, les recourants n’ont nullement développé ce grief, ni dans leur recours ni dans leurs observations consécutives à la réponse de l’intimé à leur recours. On comprend cependant qu’ils le rattachent à l’objectif énoncé par l’initiative que les cessions de droits nécessaires à l’équipement public soient assurées, en sorte que – selon l’exposé des motifs de l’initiative – il soit demandé « à l’État de Genève (de mettre) en place les mesures nécessaires (infrastructures routières, développement des transports publics) dès l’ouverture des premiers chantiers afin d’assurer une mobilité sereine et respectueuse de l’environnement ». Les recourants avaient exposé leurs intentions à ce propos de façon suffisante dans leurs observations du 26 octobre 2015 sur le rapport de l’exécutif communal sur la prise en considération de l’initiative. Or, il appert, pour les motifs indiqués ci-après, qu’au stade actuel de la concrétisation de l’initiative, la délibération attaquée tend à réaliser l’objectif d’assurer une mobilité sereine de façon compatible avec l’initiative, sans préjudice que la concrétisation de cette dernière doit être recentrée sur une procédure visant à l’adoption d’un seul PLQ pour les deux pièces considérées.

Dès lors – du moins sur le point précité et compte tenu au surplus de l’issue à donner au recours –, il relèverait d’un formalisme excessif de donner suite à la conclusion des recourants tendant à l’annulation de la délibération attaquée du seul fait que ces derniers n’ont pas été invités à se déterminer à nouveau sur cette question au stade ultérieur auquel ladite délibération a été adoptée, pour le cas où – question laissée ouverte (consid. 7d) et pouvant le rester – un droit d’être entendu aurait dû leur être reconnu sur ce sujet.

c. La question des infrastructures routières et des transports publics relève largement sinon exclusivement de l’État (art. 191 et 192 Cst-GE ; art. 1 ss de la loi sur les routes du 28 avril 1967 - LRoutes - L 1 10 ; art. 1 ss de la loi sur le réseau des transports publics du 17 mars 1988 - LRTP - H 1 50). Aussi la concrétisation de l’initiative passe-t-elle à leur propos par des demandes à l’État, ainsi que l’explique l’initiative. La délibération contestée intègre cette préoccupation de façon explicite et détaillée. Elle prévoit un accompagnement au surplus corrélé à l’ouverture d’un crédit pour garantir notamment les cessions des terrains nécessaires aux aménagements des espaces publics qui devront être affectés au domaine public communal ; elle prévoit en outre des interventions soutenues auprès de l’État en vue de la mise en place de deux lignes de BHNS desservant le territoire communal et le quartier des Grands Esserts à l’arrivée des premiers habitants, ainsi qu’en vue de l’aménagement de diverses infrastructures routières (négociation des emprises sur les parcelles privées, piste cyclable et parcours piétons en site propre sur le tronçon du Val d’Arve de la route de Veyrier, capacité du pont enjambant la route de Vessy, amélioration de la fluidité des routes de Veyrier et de Vessy, concrétisation du projet de liaisons routières dites L1 et L2 entre l’autoroute de contournement et la route de Pierre-Grand).

Au surplus, si la délibération attaquée axe à tort la concrétisation de l’initiative sur l’adoption de deux PLQ, les mesures précitées qu’elle arrête n’en sont pas moins prévues pour le périmètre des Grands Esserts dans son ensemble, au-delà même des deux seules pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », cependant toutes deux explicitement visées. En outre, ne constituant pas en elle-même un projet de PLQ (cf. consid. 6b), ladite délibération représente une étape et non l’aboutissement de la concrétisation de l’initiative, si bien qu’à ce stade l’expression desdites préoccupations de la manière prévue par la délibération attaquée ne consacre pas, sous cet angle, une violation des droits politiques des recourants.

12.         a. Le recours doit être admis partiellement, dans la mesure où la délibération attaquée s’écarte de l’initiative acceptée sur le point central de viser l’adoption d’un seul PLQ englobant les deux pièces « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs », à l’inverse du processus engagé par l’État.

b. Une annulation intégrale de la délibération contestée n’a pas lieu d’être, d’autant moins que les démarches que celle-ci prévoit peuvent avoir déjà été entreprises et le crédit voté avoir été entamé pour les financer (art. 88 ss LAC), et, surtout, que certaines d’entre elles ne sont pas incompatibles avec la concrétisation de l’initiative. L’important est que la commune, liée par l’acceptation de l’initiative, recentre ses démarches sur l’élaboration d’un projet de PLQ unique concernant les deux pièces considérées, en vue d’aboutir, dans la mesure du possible en liaison avec le DALE et en concertation avec les investisseurs institutionnels intéressés à développer ledit périmètre, à l’émission dans un premier temps d’un préavis consultatif puis, en cas de préavis favorable et si le projet répond sur le plan formel aux exigences légales, à l’ouverture par le Conseil d’État d’une enquête publique, à l’issue de laquelle le conseil municipal serait amené à émettre un préavis sous la forme d’une délibération soumise à référendum (art. 5A al. 2 et art. 6 LGZD ; cf. consid. 4 à 6).

À cette fin, admettant partiellement le recours, la chambre constitutionnelle annulera la délibération attaquée dans la mesure où elle comporte le refus de concrétiser l’initiative par le biais d’un seul PLQ englobant les deux pièces considérées, et invitera la commune intimée à s’atteler à l’élaboration d’un seul projet de PLQ pour ledit périmètre.

13.         a. Dans la mesure où les recourants n'obtiennent que partiellement gain de cause, l'émolument dû par eux sera réduit et fixé à CHF 1’000.- (art. 87 al. 1 LPA).

b. Les recourants ont requis l’octroi d’une indemnité de procédure. Ils ont fait élection de domicile en l’Étude de celui d’entre eux ayant à la fois la qualité de mandataire du comité d’initiative et d’avocat s’étant constitué en cette qualité-ci devant la chambre de céans. Ils n’obtiennent par ailleurs que partiellement gain de cause. Aussi leur sera-t-il alloué une indemnité de procédure réduite, arrêtée à CHF 1'000.- (art. 87 al. 2 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), à la charge de la commune intimée.

c. Cette dernière, qui a constitué avocat pour la défense de ses intérêts, a elle aussi conclu à l’allocation d’une indemnité de procédure. Dans la mesure où elle est une ville, soit une collectivité publique d’une taille suffisante pour disposer d’un service juridique et par conséquent apte à assurer par elle-même la défense de ses intérêts, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (ATA/308/2009 du 23 juin 2009 ; ATA/618/2003 du 26 août 2003), nonobstant la relative complexité de la cause mais compte tenu aussi du fait qu’elle succombe sur la question principale soulevée par le recours.

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 janvier 2017 par le comité d’initiative « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » ainsi que ses membres individuellement – à savoir Madame A______ et Messieurs B______, C______, D______ et E______ – contre la délibération du conseil municipal de Veyrier du 24 janvier 2017 en tant qu’elle vise à mettre en œuvre l’initiative populaire municipale « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la délibération précitée dans la mesure où elle comporte le refus de concrétiser l’initiative acceptée « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » par le biais d’un seul plan localisé de quartier englobant les pièces urbaines « Maison de Vessy » et « Beaux-Champs » ;

invite la commune de Veyrier à s’atteler à l’élaboration d’un seul projet de plan localisé de quartier pour ledit périmètre, au sens des considérants ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du comité d’initiative « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » ainsi que de ses membres individuellement – à savoir Madame A______ et Messieurs B______, C______, D______ et E______ – pris conjointement et solidairement ;

alloue, à la charge de la commune de Veyrier, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- au comité d’initiative « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts » ainsi qu’à ses membres individuellement – à savoir Madame A______ et Messieurs B______, C______, D______ et E______ – pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à la commune de Veyrier ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Zoltan Szalai, avocat du comité d’initiative « Pour un développement cohérent et responsable des Grands Esserts », ainsi qu’à ses membres individuellement, à Me François Bellanger, avocat de la commune de Veyrier et, pour information, au Conseil d’État.

Siégeant : M. Verniory, président, Mme Galeazzi, MM. Dumartheray et Martin, Mme Tapponnier, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

 

I. Semuhire

 

 

le président :

 

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :