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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2287/2023

JTAPI/1287/2024 du 17.12.2024 ( LDTR ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2287/2023 et
A/2618/2023 LDTR

JTAPI/1287/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 décembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Stanley CONNOR, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille ______, de la commune de B______ (GE), située en zone 3, sur laquelle est érigée une habitation de plusieurs logements, sise au 2______, C______.

2.             En 2017, elle a entrepris des travaux dans un appartement de 6.5 pièces, situé au 2ème étage de l'immeuble (ci-après : l’appartement). Elle n'a toutefois pas sollicité d'autorisation auprès du département, considérant, selon ses explications dans la présente procédure, que l'appartement était à l'évidence un logement de luxe.

3.             L'appartement a été loué et occupé par les époux E______ entre le 1er octobre 2017 et le 1er octobre 2022.

4.             Le 14 février 2022, suite à une dénonciation pour des travaux exécutés dans l’appartement durant l'été 2017, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a informé A______ SA que lesdits travaux, qui n'avaient pas fait l'objet d'une requête en autorisation de construire, étaient susceptibles d'être assujettis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Il invitait dès lors l’intéressée à lui faire parvenir ses explications à ce propos, accompagnées de tous documents utiles relatifs à la nature et au coût de l'ensemble des travaux réalisés dans l’appartement, en précisant à quand remontaient les derniers travaux d'entretien.

5.             Par courrier du 14 mars 2022, A______ SA a répondu que l'appartement en question devait être qualifié de « logement de luxe » dont le loyer ne pouvait pas être contrôlé. Elle a ainsi requis que l’OCLPF constate son caractère luxueux.

À l'appui de son courrier, elle a produit une copie de l'état des lieux d'entrée du 19 septembre 2017 qui contenait une description ainsi que des photographies de l’appartement.

6.             Par courrier du 11 avril 2022, l'OCLPF a indiqué à A______ SA qu'aucun élément du dossier ne permettait de conclure que les travaux effectués constituaient des travaux d'entretien. Au contraire, les pièces du dossier mettaient en évidence que lesdits travaux étaient susceptibles d'être assujettis à la LDTR et à la LCI. Il a réitéré sa demande d’observations et de pièces relatives à la nature et au montant de l’ensemble des travaux réalisés.

7.             Le 26 avril 2022, A______ SA a transmis à l'OCLPF les documents requis ainsi qu'un reportage photographique de l'appartement. Elle a, pour le surplus, persisté à soutenir que les travaux exécutés en 2017 étaient des travaux d'entretien et que le logement devait être qualifié de luxueux.

8.             Par courrier du 7 juin 2022, sur la base des pièces fournies, l’OCLPF a indiqué à la propriétaire que les travaux effectués ne pouvaient être qualifiés de travaux d’entretien dans la mesure où le coût des travaux (CHF 27'000.- par pièce) et l’incidence qu’ils avaient eue sur le loyer, entraînant 413 % d'augmentation (sic) démontraient le contraire. De plus, il ressortait des plans produits et des anciens plans de l'appartement datant de 1971 que la typologie du logement avait été modifiée. Les travaux devaient donc être qualifiés de travaux de transformation et étaient soumis à autorisation de construire.

9.             Le 21 octobre 2022, le département, soit pour lui l'office des autorisations de construire (ci-après : DT ou le département) a informé A______ SA que l’OCLPF lui avait transmis le dossier et qu'une procédure d’infraction I-3______ avait été ouverte. L'OCLPF considérant que les travaux étaient susceptibles d'être assujettis à la LCI et à la LDTR, il lui était ordonné de requérir une autorisation de construire visant à régulariser la totalité des travaux entrepris dans l’appartement sans autorisation.

10.         Le ______ 2022, A______ SA a requis une autorisation de construire en procédure accélérée visant à régulariser lesdits travaux.

A l’appui de sa demande, elle a fait valoir en substance que les travaux effectués en 2017 avaient visé à rénover le logement ainsi qu’à le rendre plus fonctionnel. Ils avaient ainsi consisté à rapprocher la cuisine des pièces de jour, créer un espace vestiaire hors du grand hall central et bénéficier d’un WC visiteur, d’une douche accessible et d’une salle de bains avec lumière naturelle. Elle a également sollicité du département qu'il constate le caractère luxueux du logement au sens de l’art. 10 al. 2 LDTR.

11.         Cette requête a été enregistrée sous la référence APA/4______/1.

12.         Lors de son instruction, plusieurs instances ont été consultées.

-          Le 19 décembre 2022, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a émis un préavis favorable, tout en regrettant de devoir se prononcer sur un projet de transformation déjà réalisé, le bâtiment appartenant à un ensemble protégé du 19ème siècle et du début du 20ème siècle (fiche RAIM.5______).

- Dans un premier préavis du 17 janvier 2023, l’OCLPF a requis la production de pièces complémentaires et a refusé de considérer l'appartement comme un logement de luxe.

Il s'agissait certes d'un bel appartement, mais celui-ci ne possédait pas d’espaces ou de matériaux particulièrement somptueux, ni de pièces spécialement grandes. En outre, seule une chambre avait une vue partielle sur le parc F______ et la plupart des caractéristiques de l'appartement étaient identiques à celles de nombreux logements genevois, tels que les parquets et moulures, la hauteur des plafonds, les boiseries, la cheminée et même les caractéristiques de l'immeuble. Ainsi, ces éléments ne permettaient pas de le qualifier de logement rare, méritant d'être considéré comme un logement de luxe.

13.         Le 23 janvier 2023, A______ SA a indiqué au DT qu'elle s'opposait au préavis de l'OCLPF du 17 janvier 2023 et persistait dans sa demande. Elle estimait en outre qu'un transport sur place était nécessaire pour se rendre compte du caractère luxueux de l'appartement.

14.         Le 6 mars 2023, l’OCLPF a émis un nouveau préavis et requis des pièces complémentaires. Il considérait que les travaux exécutés en 2017 étaient des travaux de transformation lourde. La typologie de l'appartement avait été modifiée dans la mesure où la cuisine était devenue une salle de bain complète, une salle de douche avait été supprimée et aménagée en nouvelle cuisine, les WC visiteurs avait été supprimés, une salle de bain complète avait été rétrécie afin de créer un dressing et un WC visiteurs et une nouvelle salle de douche avait été aménagée. De plus, avant les travaux, deux pièces habitables jouissaient de la vue sur la parc F______, et après les travaux, une seule pièce en profitait. Le montant des travaux s'était élevé par ailleurs à CHF 200'000.-. Cette qualification de transformation lourde justifiait la fixation du loyer durant cinq ans.

15.         Dans un préavis du 13 avril 2023, en réponse aux dernières déterminations de A______ SA du 17 mars 2023, l'OCLPF a indiqué qu'un transport sur place n'était pas nécessaire. Il a en outre repris les motifs exposés dans le préavis du 17 janvier 2023 pour retenir que l'appartement ne pouvait être qualifié de logement de luxe.

16.         Le 1er juin 2023, sur la base des divers échanges et compléments fournis, l'OCLPF a émis un nouveau préavis favorable, sous conditions, notamment de la fixation du loyer qui ne devait pas excéder CHF 24’018.- par an, soit CHF 3’695.- la pièce par an, pour une durée de cinq ans dès la remise en location après la fin des travaux (art. 10 al. 1, 11 et 12 LDTR). S’agissant de la régularisation des travaux déjà réalisés, ce loyer serait appliqué rétroactivement à partir de la première mise en location après travaux, soit à partir du 1er octobre 2017 (date de la période de contrôle du loyer LDTR). Toute modification devrait faire l’objet d’une demande complémentaire. Il était remarqué que cette APA régularisait l’infraction I-3______. Concernant la demande de transport sur place, il a réitéré que cet appartement ne pouvait être considéré comme luxueux, car ses caractéristiques n’en faisaient pas un logement que l’on rencontrait rarement. Enfin, un déplafonnement du loyer de CHF 3'405.-/an à CHF 3'695.-/an (art. 9 al. 5 LDTR) était admis pour les surcoûts patrimoniaux de cette rénovation.

17.         Les autres instances consultées se sont toutes prononcées favorablement au projet, avec ou sans réserves.

18.         Par décision du ______ 2023, le département a délivré l'autorisation de construire APA/4______/1, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour. Il était précisé que les conditions figurant dans les préavis ou dans les analyses de l’OAC devaient être strictement respectées et en faisaient partie intégrante.

19.         Par décision du ______ 2023, le département a ordonné à A______ SA d'établir un nouveau contrat de bail et avis de fixation du loyer initial respectant le loyer fixé dans le préavis de l'OCLPF, de rembourser un montant de CHF 193'609.- aux anciens locataires (les époux E______) ainsi qu'aux locataires actuels (G______ et H______) correspondant au trop-perçu de loyer et enfin de faire parvenir au département des justificatifs de la mise en œuvre de ces ordres. En outre, une amende de CHF 42'500.- était infligée à A______ SA, prenant en considération le gain substantiel obtenu par A______ SA et son statut de professionnel de l'immobilier.

20.         Le 6 juillet 2023, sous la plume de son conseil, A______ SA (ci-après : la recourante) a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre l’autorisation APA/4______/1, concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation partielle, soit à l’annulation de la condition n° 2 du préavis de l’OCLPF du 1er juin 2023  et à ce qu’il soit dit que les travaux réalisés en 2017 dans l’appartement n’impliquaient pas de fixation de loyer LDTR ; subsidiairement, elle a conclu à ce qu’il soit dit que le loyer de l’appartement n’excèderait pas, après travaux, CHF 24’018.- par an, soit CHF 3'695.- par pièce, pour une durée de trois ans dès la remise en location après la fin des travaux. A titre préalable, elle a conclu à un transport sur place et à ce que l’apport de la procédure APA/6______ à la présente procédure soit ordonné.

Cette cause a été enregistrée sous n° de procédure A/2287/2023.

En substance, A______ SA a fait grief au DT d’avait violé son droit d’être entendu en n’accédant pas à sa demande de transport sur place. Le DT avait en outre violé l'art. 10 al. 2 LDTR en refusant de constater que l'appartement était un logement de luxe et que les travaux effectués se trouvaient à la limite entre l'entretien et la transformation. De plus, l’autorité intimée avait excédé son pouvoir d'appréciation en bloquant le loyer après travaux de l'appartement. Enfin, si le tribunal devait refuser de constater que l'appartement était un logement de luxe, le DT avait violé l'art. 12 LDTR en bloquant les loyers pour une durée de cinq (et non trois) ans, et abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant la durée du contrôle du loyer de l'appartement à cinq ans.

L’immeuble était un somptueux bâtiment construit en 1925, doté d’une façade en pierres de taille, de deux superbes tourelles et d'une porte d'entrée en fer forgé qui lui donnaient un caractère général bourgeois et luxueux, et en faisaient un immeuble d'intérêt de par son aspect extérieur. Le hall d'entrée de l'immeuble était de qualité, cossu et d'une spaciosité inhabituelle. II était en outre orné de boiseries bien entretenues, de sols en pierre, de lustres ainsi que de splendides carreaux de faïence peintes.

L’appartement comprenait 6.5 pièces et une surface habitable totale de près de 173 m2, soit une surface nette de locative d’environ 27 m2 par pièce. Il s’agissait d’un logement de très haut standing et inhabituellement confortable qui présentait un aspect général luxueux. Le sol des trois chambres, des deux halls, du vestiaire et du séjour était couvert d’un parquet d’époque en bois noble, entièrement poncé et vitrifié en 2017. Les quatre chambres, le séjour ainsi que le vestiaire étaient équipés d'armoires murales, dont certaines en bois massif. La salle à manger, le séjour, le hall d'entrée ainsi que trois des quatre chambres étaient équipés de radiateurs en fonte datant de l'époque de la construction de l'immeuble et qui lui conféraient un charme historique indéniable. L'une des chambres ainsi que la salle à manger se distinguaient par leur forme elliptique (en raison de leurs localisations respectives dans les tourelles de l'Immeuble) ainsi par que la présence d'une balustrade, donnant un aspect particulièrement luxueux et un volume exceptionnel. La plupart des pièces de l'appartement avaient une vue sur le Parc F______. Toutes les pièces disposaient de belles portes d'époque. La salle à manger était équipée d'une très belle cheminée décorative d'époque avec un miroir incrusté au-dessus. Les plafonds et les murs des quatre chambres, du séjour, des deux halls et de la salle à manger étaient ornés de moulures. Le séjour était séparé de la salle à manger et du hall d'entrée par deux belles portes vitrées (l'une coulissante). Les salles de bains et la cuisine étaient recouvertes (sols et murs) d'un carrelage en pierre sombre. Les salles de bains et la cuisine disposaient d'équipements de cuisine et de sanitaires modernes et installés neufs en 2017. De manière générale, les revêtements et les matériaux de l'appartement étaient de qualité supérieure et les éléments de décor (moulures, cheminées, etc.) d’'un raffinement qui allait très au-delà de la moyenne des logements genevois. Enfin, la hauteur sous plafond de l’appartement était exceptionnelle. Si l'appartement était certes présenté comme comportant 6.5 pièces, la « chambrette » (soit la demie pièce) devait être considérée comme une pièce complète dans le cadre de l'analyse des conditions du logement de luxe, conformément à la jurisprudence. Il comportait ainsi 7 pièces. D’autre part, il était spacieux et ses pièces étaient inhabituellement grandes.

L’appartement dégageait une impression générale de somptuosité et de confort extraordinaire, non seulement en raison de ses grands espaces et son impressionnante hauteur sous-plafond, mais également en raison des salles de bains et de la cuisine modernes et entièrement équipées, ce que le DT aurait manifestement constaté si l'OCLPF avait accepté l'organisation d'un transport sur place. Enfin, l'appartement se trouvait dans un magnifique bâtiment historique, situé dans le quartier très prisé de I______, en bordure du parc F______. Ce type de logements était rare sur le marché genevois. Par conséquent, l'appartement réalisait manifestement les conditions cumulatives du logement de luxe et le DT avait violé l'art. 10 al. 2 LDTR en refusant de le considérer comme tel.

Concernant l’historique de l’appartement, ce dernier avait été occupé par les locataires J______ de 1952 à 2016. Entre 2011 et 2016, le loyer annuel brut était de CHF 20'172. Après les travaux, du 1er octobre 2017 au 31 juillet 2021, l’appartement avait été loué aux locataires E______ pour un loyer annuel brut de CHF 72'900.-.

À sa connaissance, l’appartement n'avait pas fait l'objet de travaux depuis 1971. Ainsi, lorsqu’elle en était devenue propriétaire, en 2017, l’appartement était dans un très mauvais état et même, à certains égards, insalubre. Sa remise en état s’était alors révélée indispensable. Le coût total des travaux s’était élevé à environ CHF  200'000.-.

Les travaux entrepris avaient consisté à un diagnostic amiante, ainsi qu'en travaux de désamiantage, à la reproduction des moulures existantes, au surfaçage des parois, à la peinture des murs et des plafonds, au décapage, lessivage, ponçage et masticage des boiseries et à la peinture de certaines des boiseries (étagères et armoires), au replâtrage des plafonds, à la réfection des parquets et des seuils (ponçage et imprégnation), au remplacement d'une cloison entre la cuisine, les WC visiteurs et l'une des chambres par un mur en plaques Alba, au déplacement de la cuisine, au remplacement des sols de la cuisine et des salles de bains par du carrelage moderne, à l'installation, respectivement au remplacement de sanitaires- et divers travaux y relatifs -, au remplacement des équipements de cuisine, à divers travaux d'électricité et au déplacement d'une armoire dans l'une des chambres.

Le DT avait en tout état violé l'art. 12 LDTR en fixant à cinq ans la durée du contrôle des loyers de l'appartement, les travaux exécutés ne constituant pas une transformation lourde. Lesdits travaux avaient essentiellement consisté en de l'entretien en tant qu'ils s’étaient rapportés au surfaçage des parois, à la peinture des murs, au décapage, masticage, ponçage des boiseries, au replâtrage des plafonds, à la réfection des parquets et des seuils, au remplacement des installations sanitaires et de cuisines ainsi qu'au remplacement des carrelages. Seuls le déplacement de la cuisine et le remplacement d'une cloison entre la cuisine, les WC visiteurs et l'une des chambres présentaient des éléments de transformation. Or, de tels travaux n'atteignaient pas le seuil à partir duquel on pouvait considérer qu'il s'agissait de transformations lourdes. En effet, elle avait profité des travaux d'entretien précités pour améliorer l'aménagement de l'appartement et son confort de vie en intervertissant la cuisine et une salle de bain, dans le but de rapprocher la cuisine de la salle à manger et la salle de bain des chambres. La cuisine et la salle de bain concernée étant toutes deux des salles d'eaux, leur déplacement n’avait pas nécessité la création d'une arrivée d'eau, etc… Ces travaux n’avaient donc pas été d'une grande ampleur et ne pouvaient pas être traités comme de la transformation lourde.

Partant, si par impossible il devait être considéré que l'appartement n'était pas un logement de luxe (et donc qu'il était sujet à contrôle par l'Etat du loyer), le DT avait en tout état violé l'art. 12 LDTR en fixant à cinq ans la durée du contrôle des loyers.

Enfin, dans une autre procédure, elle avait sollicité et obtenu une autorisation de construire APA/6______ du ______ 2021 pour des travaux dans un appartement identique sis au 5ème étage de l’immeuble. Or, dans le cadre de cette autorisation APA/6______, l'OCLPF avait indiqué dans son préavis que le loyer de l'appartement de 6.5 pièces situé au 5e étage n'excéderait pas après travaux son niveau actuel (CHF 40'248.-/an, soit CHF 6'192.- la pièce/an) pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux. Dans la mesure où elle considérait que cet appartement présentait également un caractère luxueux et n'était donc pas sujet à fixation d'un loyer LDTR, elle avait adressé à l'OAC une demande de reconsidération en date du 16 août 2021. Cette demande était actuellement pendante devant l'OAC.

Compte tenu de ces éléments, le DT avait en tout état violé le principe d'interdiction de l'inégalité de traitement et aucune raison objective ne permettait d'expliquer la raison pour laquelle le DT avait fixé la durée du contrôle du loyer à cinq ans, alors que deux ans plus tôt, il avait fixé cette durée à trois ans dans l'autorisation de construire relative au même appartement du 5ème étage. Une telle décision ne pouvait être basée que sur des considérations subjectives (par exemple une volonté de punir la recourante), étrangères au but visé par l'art. 12 LDTR et inacceptables en tant que telles.

A l’appui de son recours, A______ SA a produit un chargé de pièces, notamment des photographies de l’immeuble et de l’appartement, ainsi qu’une copie de sa demande de reconsidération du 16 août 2021 de l’APA/6______ du ______ 2021 et plus particulièrement de la condition COD-2 de l’OLCPF (annexée) prévoyant un loyer contrôlé pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux (appartement de 6.5 pièces au 5ème étage de l’immeuble sis 2______, C______ (GE).

21.         Par écritures complémentaires du 11 août 2023, la recourante a produit un article paru dans la Tribune de Genève du ______ 2023, décrivant le caractère bourgeois et chic du quartier de I______, illustré par une photo de son immeuble. Selon elle, cela confirmait le caractère inhabituellement somptueux de l’appartement de par l’aspect extérieur du bâtiment dans lequel il se trouvait.

22.         Par écritures du 18 août 2023, A______ SA a recouru auprès du tribunal contre l'ordre et l'amende prononcés par le département le ______ 2023, concluant principalement à leur annulation. À titre préjudiciel, le tribunal était invité principalement à ordonner la jonction de ce recours avec la procédure A/2287/2023 et subsidiairement à suspendre le présent recours jusqu'à droit jugé définitivement dans cette cause-là.

Ce recours a été enregistré sous n° de procédure A/2618/2023.

La décision litigieuse était contraire à la LDTR tout d'abord parce que le département avait ignoré le fait que le logement en cause était un appartement de luxe et qu'il était donc soustrait à un contrôle du loyer. Ensuite, les travaux en cause étaient à la limite entre l'entretien et la transformation, de sorte que, pour cette raison également, le département aurait dû renoncer à un contrôle du loyer. Enfin, même en considérant que le département pouvait fixer un tel contrôle, l'ordre de restitution du loyer se heurtait à l'interdiction de l'abus de droit. En effet, les locataires E______ avaient signé leur contrat de bail en étant pleinement conscients de l'existence, de l'étendue et de la nature des travaux effectués, du fait que le loyer qu'ils s'engageaient à payer était plus de quatre fois supérieur à celui payé par le locataire précédent, précisément en raison de ces travaux, et enfin que A______ SA n'avait pas sollicité d'autorisation à cette fin. Ces locataires avaient d'ailleurs longuement et fortement insisté pour que l'appartement leur soit attribué, ce qui montrait qu'ils n'accordaient aucune importance au loyer. Finalement, ils avaient adressé leur première réclamation sept jours seulement après avoir obtenu la libération anticipée de leur bail. A______ SA avait d'ailleurs également fait valoir cet argument devant la juridiction des baux et loyer, devant laquelle était pendant un litige l'opposant aux époux E______. Ce litige avait toutefois été suspendu en considération du fait que la question de savoir si les travaux litigieux auraient dû faire l'objet d'une demande d'autorisation exerçait une influence déterminante sur la cause.

Quant à l'amende, le département avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Les travaux entrepris étaient parfaitement conformes aux prescriptions légales, puisque l'autorisation de construire avait finalement été délivrée. Dans ces conditions, le montant de l'amende aurait dû être limité à un maximum de CHF 20'000.-. Par ailleurs, le département avait omis de prendre en compte plusieurs circonstances atténuantes, à savoir que l'appartement était un logement de luxe au sens de la LDTR, que A______ SA n'avait pas réalisé de gain substantiel, car le coût total des travaux était d'environ CHF 200'000.-, que A______ SA avait fait preuve d'une collaboration exemplaire et enfin qu'elle ne s'était jamais vue infliger d'autre amende pour infraction à la LDTR (hormis pour une amende de quelques centaines de francs). Pour toutes ces raisons, l'amende n'aurait pas dû dépasser un montant de CHF 5'000.-.

23.         Dans ses observations du 11 septembre 2023, le département a conclu au rejet du recours dans la cause A/2287/2023.

Il avait refusé de procéder à un transport sur place car le dossier contenait les éléments utiles et nécessaires pour statuer sur le caractère luxueux de l’appartement, étant rappelé que c’était l’état du logement avant travaux qui était déterminant. Les travaux ayant déjà été effectués, les photographies, plans et explications détaillées de la recourante sur les caractéristiques du logement avaient suffi pour se déterminer. Aucune violation du droit d’être entendu de la recourante, qui avait largement eu la possibilité d’exposer son opinion durant la procédure, n’était dès lors à déplorer.

Sur le fond, comme retenu par l’OCLPF dans son préavis, il n'était pas possible de considérer que l'appartement était luxueux. En particulier, celui-ci ne comportait pas 7 pièces, mais 6.5, la chambrette de 6 m2 devant être qualifiée de demie pièce. De plus, une seule chambre disposait de la vue sur le parc F______ et il ressortait des plans avant travaux que l’appartement ne disposait que d’une salle de bain et d’un WC pour trois chambres et demie. Au surplus, même s’il avait pu être qualifié de luxueux au moment de sa conception, l’appartement avait perdu cette qualité puisqu’aux dires de la recourante, il s’était retrouvé en état d’insalubrité avancé, ce qui avait justifié les travaux en 2017. Partant, en intégrant le préavis de l’OCLPF en tant que condition de l’autorisation, il n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

Enfin, le grief selon lequel il aurait abusé de son pouvoir d’appréciation en qualifiant les travaux de transformation lourde et en fixant le loyer pour cinq ans, au lieu de trois ans, devait également être rejeté. Les travaux avaient en effet inclus une permutation de pièces et un changement de typologie. De plus, leur coût d’environ CHF 200'000.- dépassait le montant de simples travaux d’entretien. Or, ces transformations avaient eu pour but d’améliorer l’habitabilité du logement qui, selon la recourante, était insalubre. Ces éléments suffisaient à justifier une durée de contrôle de cinq ans dans l’autorisation contestée.

Concernant l’APA/6______ dans laquelle la durée de contrôle avait été fixée à trois ans, un changement de pratique était intervenu au sein du département quant à la qualification des travaux lors d'une permutation des pièces. Cette autorisation et le préavis de l’OCLPF avaient été rendus lors de cette période changement et ne constituaient qu'un cas isolé. En effet, l'ensemble des autorisations de construire délivrées ces trois dernières années, l'avaient été - pour ce genre de travaux - sur une base standard, prenant en considération une durée de contrôle de cinq ans, ce qui permettait d'affirmer qu'aucune violation des principes d'égalité de traitement et de la bonne foi ne pouvait être retenue in casu. Pour le surplus, l’APA/6______ était devenue caduque depuis lors et ne déployait plus d’effets juridiques. Pour cette raison également, la production de ce dossier n’était pas nécessaire à la résolution du présent litige et il n’était pas justifié de donner suite à la demande de la recourante en ce sens.

Partant, selon la nouvelle pratique, c’était à bon droit qu’il avait considéré que les travaux de transformation devaient être qualifiés de lourds. Il n’avait ainsi pas violé l’art. 12 LDTR ni abusé de son pouvoir d’appréciation.

24.         La recourante a répliqué le 30 octobre 2023 dans la cause A/2287/2023.

Contrairement à que voulait faire croire le DT, même si l’appartement était insalubre « à certains égards », et que des travaux avaient été nécessaires, toutes les caractéristiques d’un logement de luxe étaient déjà présentes avant travaux. Ces derniers avaient juste amélioré le confort existant de même que la fonctionnalité de l’appartement. Pour rappel, avant travaux, les surfaces étaient déjà inhabituellement grandes et l’appartement comptait 7 pièces genevoises. Il disposait en outre déjà d’éléments donnant une impression générale de somptuosité (moulures, boiseries, radiateurs d’époque, miroir, cheminée, vue sur le parc F______, aspect extérieur de l’immeuble, hall d’entrée cossu etc…). Sur ce point, ce n’était qu’en se rendant sur place qu'il était possible d'apprécier l’impression générale de somptuosité ou de confort extraordinaire des lieux.

25.         Par écritures du 3 novembre 2023 dans la cause A/2618/2023, le département a conclu au rejet du recours, tout en ne s'opposant pas à la jonction avec la cause A/2287/2023. En substance, les hypothèses sur lesquelles s'appuyait A______ SA pour s'opposer à l'établissement d'un nouveau bail et avis de fixation du loyer, ainsi qu'à la restitution du loyer trop-perçu, n'étaient pas réalisées dans le cas d'espèce, puisque l'on n'avait pas affaire à un logement de luxe et que les travaux en cause avaient fait légitimement l'objet d'un contrôle du loyer. Quant à l'amende, contrairement à ce qu'affirmait la recourante, les travaux n'étaient pas parfaitement conformes aux prescriptions légales, puisqu'elle avait imposé un loyer largement supérieur aux besoins prépondérants de la population. Si la procédure d'autorisation de construire avait permis de pallier les violations de la LCI, ce n'était pas le cas en ce qui concernait la LDTR et l'aspect relatif aux loyers excessifs facturés aux locataires. Cela avait été confirmé par le fait que seule une restitution du trop-perçu, qui était assimilée par la jurisprudence à un ordre de remise en état, était possible en l'espèce. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait d'ailleurs confirmé une amende de CHF 100'000.- dans un cas où les travaux litigieux avaient également été régularisés a posteriori. S'agissant des circonstances atténuantes, la bonne collaboration de la recourante avait été prise en compte dans la fixation du montant de l'amende. L'absence d'antécédents, contrairement à leur éventuelle existence, était une circonstance neutre dans la fixation du montant de l'amende. Enfin, la recourante ne démontrait pas que le paiement de l'amende la confronterait à une situation financière particulièrement difficile.

26.         Par duplique du 24 novembre 2023 dans la cause A/2287/2023, le département a fait valoir qu’il persistait intégralement dans les conclusions prises dans ses précédentes écritures.

Concernant le refus de transport sur place, et contrairement à ce qui était insinué, il n’avait jamais sous-entendu que les éléments luxueux de l’appartement avaient été mis en place lors des travaux. A cet égard, lors de l’instruction de la cause, l’instance spécialisée avait estimé sur la base des éléments à sa disposition, notamment les plans produits, que le logement ne présentait pas de telles caractéristiques. Quant à « l’impression générale de somptuosité », la jurisprudence retenait des critères précis sur lesquels l’OCLPF n’avait pu se déterminer, dès lors que les travaux avaient déjà été entrepris. Enfin, pour les motifs déjà exposés dans ses observations, aucune violation des art. 10 al. 2 let. b et 12 LDTR n’était à déplorer in casu.

27.         Par écritures spontanées du 8 décembre 2023 dans la cause A/2287/2023, la recourante a faire valoir que l’autorité intimée faisait preuve de mauvaise foi en sous-entendant que, parce que des travaux avaient été nécessaires, l’appartement n’aurait simplement pas pu être qualifié de logement de luxe, raison pour laquelle un transport sur place était inutile. A en croire ces propos, un logement de luxe ne pourrait jamais le rester puisque dès le moment où des travaux deviendraient nécessaires, le logement en question perdrait son caractère luxueux. De même, les autorités et juridictions ne pourraient jamais reconnaître après travaux le caractère luxueux d'un appartement, puisque seul l'état avant travaux comptait. Or, la notion de luxe évoluait avec le temps, un logement pouvant entrer, sortir et entrer à nouveau dans cette catégorie au fil des années et des travaux. Il était donc manifeste que l'autorité intimée cherchait par tous les moyens à justifier son refus de ne pas procéder à un transport sur place.

Pour le surplus, elle contestait intégralement le contenu de la duplique du DT et renvoyait le tribunal à ses précédentes écritures.

28.         Par réplique du 14 décembre 2023 dans la cause A/2618/2023, A______ SA est revenue sur ses précédents arguments, tout en s'opposant à l'argumentation du département concernant le fait que la violation de la LDTR relative aux loyers ne pourrait être régularisée. En effet, le département cherchait précisément, par la décision litigieuse, à régulariser ce qu'elle considérait (à tort) être une violation des règles de la LDTR. De toute manière, les règles de la LCI en matière d'amende ne concernaient que la conformité des travaux aux prescriptions légales. Le cas de jurisprudence citée par le département n'était pas transposable dans le cas d'espèce, puisque la chambre administrative avait confirmé une amende de CHF 100'000.-qui constituait une sanction globale pour des travaux réalisés dans seize appartements.

29.         Par duplique du 17 janvier 2024 dans la cause A/2618/2023, le département a en substance repris ses arguments précédents.

30.         Par écritures spontanées du 31 janvier 2024 dans la cause A/2618/2023, A______ SA en a fait de même.

31.         Par écritures spontanées du 17 mai 2024 dans la cause A/2287/2023, A______ SA a produit une étude historique qu'elle avait confiée à Madame K______, historienne de l'art et de l'architecture (étude réalisée en mai 2024).

32.         De ce document, qui procède à un historique du quartier, fait un bref rappel biographique de l'entrepreneur qui a construit l'immeuble en question et décrit également les caractéristiques architecturales de l'immeuble ainsi que des logements qu'il abrite, la recourante a cité les extraits suivants, dont elle a mis elle-même en exergue certains passages (en gras) :

« L'orientation des appartements tout comme leurs configurations transversales répondent aux nouvelles exigences en matière d'hygiène favorisant l'aération et la luminosité. Les trois façades s'ouvrent sur un vaste dégagement. La façade nord s'élève en retrait de l'C______ et fait face au parc F______. Au sud, l'espace où se dresse aujourd'hui le temple et le centre paroissial évoque un square ouvert au centre duquel se trouve un bâtiment de plain-pied. Enfin, la façade ouest s'inscrit dans l'amorce du plateau de I______ et marque le carrefour nord de l'entrée du parc. Cette situation en fait la tête de l'îlot compris entre les C______ et L______, le plateau de I______ et l'église M______ consacrée en 1945. L'architecte a su tirer parti de cette situation pour souligner le caractère de l'ensemble et en marquer le début de l'alignement. La position d'angle est accentuée par les deux façades à pans coupés marquant les angles donnant sur le plateau de I______ et qui se prolonge d'une tourelle avec un toit en pavillon se détachant de par sa hauteur. Les façades, à l'exception des angles et du soubassement, sont recouvertes d'un appareil rustique qui les différencie des immeubles voisins. Les niveaux alternent des variétés d'encadrement de baies : fausse clé saillante, larmier, bandeau d'étage tandis que le cinquième étage bénéficie d'un balcon filant supporté par la corniche. Les autres balcons se situent majoritairement dans les angles ainsi que sur une des fenêtres de chaque façade au troisième étage. La fine ferronnerie des gardes corps avec des motifs de volutes donne une touche plus géométrique par rapport au traitement des façades. Cette attention portée au détail se retrouve dans le décor du hall d'entrée qui présente des médaillons alternant des perroquets et des paons, le tout réalisé en carreaux de céramique et se détachant sur un fond bleu. Le sol est lui recouvert de carreaux en ciment atteint avec une frise végétale. Ces carreaux, avec un autre décor végétal, se retrouve sur les paliers des étages ».

L'étude relève que la situation de l'immeuble lui permet d'offrir un vaste dégagement sur ses trois façades, ce qui est « rare en milieu urbain » et conclut que tous les éléments listés confèrent à l'immeuble une place de premier choix dans le quartier de I______. À cet égard, l'étude indique encore que « L'immeuble reprend une partie des codes de l'N______ tout en accentuant son caractère Heimatstil tardif, notamment avec les pseudo-tours d'angle ou encore l'appareil en pierre de Meillerie rustique recouvrant la partie centrale des façades, tandis que la ferronnerie et la partition des ouvertures présentent une symétrie empreinte de géométrie. L'ornementation des espaces communs, comme le hall ou les paliers d'étage, présente une déclinaison du répertoire végétal qui s'inscrit encore dans la mouvance Belle Epoque et contraste avec les lignes modernes qui soulignent les façades des immeubles voisins conçus dans les années 1930 par les architectes O______ et P______. Tous ces éléments confèrent à cet immeuble une place de premier choix dans ce quartier marquant une déclinaison de l'architecture urbaine de Genève de l'entre-deux-guerres ».

33.         Par écritures du 30 mai 2024, le département s'est déterminé sur l'étude susmentionnée. Le fait qu'il s'agissait d'un bel immeuble n'avait jamais été contesté. Cependant, les critères imposant une protection patrimoniale d'un bâtiment et ceux permettant de qualifier un appartement de luxueux n'étaient pas les mêmes. Il fallait relever que les caractéristiques des appartements en eux-mêmes n'étaient pas mentionnées dans l'étude. Les remarques relatives aux illustres précédents locataires n'étaient pas non plus de nature à influencer la qualification de l'habitation, la jurisprudence ayant spécifiquement indiqué qu'il ne s'agissait pas d'un élément à prendre en considération. En tout état, l'étude, issue d'une expertise privée, n'était qu'un point de vue émis par une personne mandatée par la recourante et ne permettait pas de remettre en cause l'examen effectué par les instances spécialisées lors de l'instruction de l'autorisation de construire

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Selon l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

3.             En l'espèce, compte tenu du lien de connexité étroit entre les procédures n° A/2287/2023 et A/2618/2023, il se justifie, comme demandé par la recourante, de joindre ces deux procédures sous le n° de cause A/2287/2023.

4.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

5.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

6.             A titre préalable, la recourante sollicite un transport sur place afin que le tribunal puisse constater les caractéristiques d’un logement de luxe. Elle allègue par ailleurs une violation de son droit d’être entendu, l'autorité intimée ayant refusé de procéder à cet acte d’instruction avant de délivrer l’autorisation litigieuse.

7.             Garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références citées).

Il comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

8.             Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

9.             Par ailleurs, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consi. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3), ni le droit à l'accomplissement d'une inspection locale (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012).

Le transport sur place reste un moyen de preuve soumis au pouvoir d'appréciation de l'autorité, et l'existence de photographies, de plans ou d'explications détaillées, ainsi que de préavis concordants sont des motifs pour refuser une telle mesure (ATA/1438/2017 du 31 ocotbre 2017 consid. 3e et références citées).

10.         En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu'ils ressortent des écritures des parties et des pièces produites, notamment des photographies et du rapport de Mme K______ de mai 2024, pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder à un transport sur place. Par ailleurs, les travaux ayant déjà été effectués en 2017, le tribunal ne pourrait plus constater l’impression générale que l’appartement dégageait avant sa réfection, étant rappelé que seul l’état de l’appartement avant les travaux était déterminant lors de la délivrance de l’autorisation litigieuse. L’analyse des photographies ainsi que des plans de l’appartement avant travaux est dès lors suffisante à ce stade. Quant à son état actuel, le dossier contient également des photographies récentes de l’immeuble, de son hall d’entrée, de sa cage d’escalier, de son ascenseur et de toutes les pièces de l’appartement. Dans ces conditions, un transport sur place ne s’avère pas nécessaire.

Pour les mêmes raisons, l'autorité intimée n’a pas violé le droit d’être entendu de la recourante ni excédé son pouvoir d’appréciation en estimant qu’il disposait déjà de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la question et qu’il était inutile de se rendre sur les lieux. Enfin, la recourante a largement eu la possibilité de s’exprimer et de produire toutes les pièces souhaitées tant durant la procédure d’autorisation de construire que durant la présente procédure.

Partant, aucune violation de son droit d’être entendu n’est à déplorer in casu.

Recours contre l'autorisation APA/4______/1

11.         Sur le fond, la recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de considérer l’appartement comme un logement de luxe au sens de l’art 10 al 2 let. b LDTR

12.         Selon son art. 1, la LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à l’art. 2 (al. 1). À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d’affectation des maisons d’habitation (al. 2 let. a).

La LDTR vise à éviter la disparition de logements à usage locatif (arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3). Sa réglementation correspond à un intérêt public évident selon le Tribunal fédéral (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 ; ATA/1332/2023 du 12 décembre 2023 consid. 6.3 et les arrêts cités).

L’art. 2 LDTR prévoit qu’est soumis à cette loi tout bâtiment situé dans l’une des zones de construction prévues par l’art. 19 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, du 4 juin 1987, ou construit au bénéfice des normes de l’une des quatre premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement (al. 1 let. a) ; comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l’habitation (al. 1 let. b). Ne sont pas assujetties à la LDTR les maisons individuelles ne comportant qu’un seul logement, ainsi que les villas en 5e zone comportant un ou plusieurs logements (al. 2).

Par transformation, on entend notamment tous les travaux qui ont pour objet la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve d’exceptions non réalisées en l’espèce et prévues à l’al. 2 (art. 3 al. 1 let. d LDTR).

Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l’art. 3 al. 1 LDTR. L’autorisation est accordée pour les travaux de rénovation (art. 9 al. 1 let. e LDTR). Le département accorde l’autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population ; il tient compte, dans son appréciation, de cinq éléments décrits sous let. a à e de l’al. 2. Selon l’al. 3, par besoins prépondérants de la population, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population. Au 1er janvier 1999, les loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population sont compris entre CHF 2'400.- et CHF 3'225.- la pièce par année. Les loyers répondant aux besoins prépondérants de la population peuvent être révisés tous les deux ans par le Conseil d’État en fonction de l’évolution du revenu brut fiscal médian des contribuables personnes physiques.

À teneur de l’art. 10 LDTR, le département fixe, comme condition de l’autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux ; il en fait de même pour les prix de vente maximaux des logements si ceux-ci sont soumis au régime de la propriété par étages ou à une autre forme de propriété analogue (al. 1). L'art. 10 al. 2 let. b LDTR prévoit que le département renonce à la fixation des loyers prévue en cas de transformation d'un appartement (art. 10 al. 1 LDTR) lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe. Par conséquent, la légitimité de la fixation du loyer dans la décision litigieuse dépend de savoir si l'appartement concerné doit être considéré comme un appartement de luxe.

13.         Cette notion juridique indéterminée a été précisée par la jurisprudence. Ainsi, pour être qualifié de luxueux, le logement doit avoir six pièces au moins, cuisine non comprise, c'est-à-dire à Genève sept pièces ou plus, des surfaces inhabituellement grandes, des éléments donnant une impression générale de somptuosité ou de confort extraordinaire. Il s'agit de conditions cumulatives. Exceptionnellement, un logement peut être luxueux même s'il a moins de sept pièces. C'est notamment le cas, si d'un point de vue esthétique et historique, le logement est considéré comme luxueux (il est donc possible de s'écarter de la notion stricte de logement de luxe de droit fédéral et fixer ainsi une notion plus adaptée aux circonstances). Un logement ancien peut être luxueux s'il a été conçu comme tel et qu'il est correctement entretenu (ATA/441/1997 du 5 août 1997 consid. 6). Un logement peut être luxueux, quel que soit le quartier où il se trouve et même si une partie de l'immeuble comprend des locaux commerciaux de bureaux. Il faut prendre en considération le logement en tant que tel, et non le type ou le style de locataires qui occupent l'immeuble (ATA/214/2003 du 15 avril 2003 consid. 5). Dès lors, un logement peut être luxueux même s'il est mal situé géographiquement, avec une vue et une luminosité ambiante réduites (ATA 89.TP.145 consid. 6d). Par ailleurs, des éléments extérieurs à l'appartement lui-même peuvent lui conférer un caractère luxueux s'ils le valorisent. C'est le cas de la vue sur le jet d'eau et la rade de Genève (ATA/214/2003 précité consid. 5 ; Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit. p. 277 et 278).

De manière plus générale, le Tribunal fédéral a relevé que la notion de logement luxueux doit être interprétée de manière restrictive et qu'elle suppose que la mesure habituelle du confort est clairement dépassée, l'impression générale étant décisive à ce sujet. De même, la notion de luxe peut évoluer avec le temps : un objet luxueux à l'origine peut perdre cette qualité au fil du temps, tandis qu'un logement ordinaire peut entrer dans la catégorie des objets de luxe en fonction des rénovations et des transformations qui y ont été réalisées par la suite (arrêt du Tribunal fédéral 4A_257/2015 du 11 janvier 2016 consid. 3.1).

14.         Dans sa jurisprudence, le Tribunal administratif, dont les compétences ont été reprises par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative), a retenu le caractère luxueux d'un logement de huit pièces réparties sur 280 m2, dont plusieurs de dimensions importantes et en enfilade, pourvues de boiseries bien entretenues de la fin du 18ème siècle et de plusieurs cheminées de marbre, ainsi que de plafonds particulièrement hauts donnant à l'ensemble un caractère luxueux (ATA/441/1997 du 5 août 1997).

Le Tribunal administratif a également qualifié de luxueux un logement de quatre ou quatre pièces et demie de 120 m2 ayant du parquet et des moulures au plafond, des radiateurs de l'époque de sa construction en 1920, avec un hall d'entrée d'immeuble de qualité, cossu et d'une taille inhabituelle. La présence d'un concierge, le caractère bourgeois de la façade en pierres de taille, les carreaux de faïence sur les balcons, le bâtiment ayant une vue magnifique sur la rade, le Mont-Blanc et les autres montagnes des Alpes étaient autant d'indices déterminants (ATA/229/2002 du 7 mai 2002).

La chambre administrative a exceptionnellement admis le caractère luxueux de deux appartements de cinq pièces d’environ 130 m2 issus d’une division dans un immeuble à l'entrée soignée avec des boiseries bien entretenues, avec un hall d'entrée particulièrement spacieux (25 m2), un sol en bois entouré de dalles en pierre, un sol de l'appartement choisi avec soin en planelles et en bois exotique, un salon d'environ 30 m2, deux cheminées dont l'une en marbre, une décoration raffinée constituée de matériaux et de revêtements de qualité supérieure – les revêtements des salles de bain et salles de douche étant constitués de mosaïque de type « pâte de verre » 2 x 2 cm de haute qualité, une hauteur du plafond pour le grand salon d'environ 2,74 m, des détails de type corniche inversée dans la plupart des pièces de jour et enfin une vue directe sur le lac et le Mont-Blanc (ATA/1736/2019 du 3 décembre 2019).

Le Tribunal administratif a toutefois nié le caractère luxueux d'un appartement composé de huit pièces dont la surface brute moyenne de chaque pièce s'élevait à 27,38 m2. Cette surface était importante ; toutefois, le logement ne donnait aucune impression de somptuosité malgré certains atouts (terrasses dont la surface était conséquente, une situation en attique et une vue dégagée). La hauteur des plafonds n’était pas exceptionnelle, son entrée était modeste et l’agencement intérieur était standard. L'escalier, pourvu d'une rampe en bois, était fonctionnel et banal. Les matériaux utilisés pour la serrurerie, les fenêtres et les portes étaient courants. De même en était-il des revêtements de sol : le salon et les couloirs étaient pourvus d'un parquet simple et les chambres d'une moquette ordinaire. Enfin, l'architecture de l'immeuble ne présentait aucune particularité (ATA/859/2010 du 7 décembre 2010).

Le tribunal de céans a également nié le caractère luxueux d'un logement sis dans un immeuble ayant une entrée spacieuse, avec un sol en marbre, un plafond en bois, un lustre, des fauteuils et une table, deux ascenseurs, ainsi qu'une piscine chauffée toute l'année, fermée par des parois vitrées, s'ouvrant sur le jardin privatif de l'immeuble et comprenant toilettes, douches, vestiaires et chaises longues pour les habitants de l'immeuble ; palier boisé du 6ème étage de l'immeuble où se situait l'appartement de quatre pièces d'environ 130 m2, lequel comprenait un living et une cuisine donnant sur un balcon duquel on pouvait voir le sommet du jet d'eau et le parc arborisé bien entretenu de l'immeuble, la cuisine étant entièrement équipée, ainsi qu'un WC visiteur, une douche/lavabo et une salle de bains, ainsi que deux chambres à coucher (JTAPI/498/2012 du 16 avril 2012). La chambre administrative s'est ralliée à cet avis non contesté devant elle (ATA/826/2012 du 11 décembre 2012). Cette jurisprudence a paru sévère pour la doctrine (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., p. 279).

La chambre administrative a également confirmé un jugement du tribunal (JTAPI/1268/2021 du 14 décembre 2021) relatif à un appartement de 6.5 pièces, dont le caractère luxueux a été nié nonobstant sa superficie et la présence de certains éléments caractérisant le luxe, car l’équipement en sanitaires répondait au standard minimal actuel, l’une des quatre chambres était petite et les autres de taille normale. En outre, l’appartement ne bénéficiait pas d’éléments de commodité hors du commun ni d’éléments extérieurs pouvant lui conférer un caractère luxueux telle une vue sur la rade et le jet d’eau et il ne dégageait pas une impression de somptuosité ou de confort extraordinaire (ATA/651/2022 du 23 juin 2022).

Enfin, dans une affaire relativement récente, la chambre administrative a admis à la suite du tribunal (JTAPI/697/2023 du 20 juin 2023) le caractère luxueux d'un appartement de 9 pièces, totalisant une surface de 295 m² et disposant de très grands espaces (salon, salle à manger, bureau totalisant à eux trois 104 m²) s’ouvrant depuis la porte d’entrée principale, de portes à double battant, des quatre chambres à coucher, des deux salles d’eau, d'espaces de rangement séparés, d'un grand vestibule d’entrée, espaces auxquels s’ajoutaient celui destiné au personnel de maison qui, outre la cuisine et le laboratoire, offrait à nouveau une chambre et une salle d’eau ainsi que des toilettes supplémentaires. En outre l’appartement s’ouvrait généreusement sur trois côtés par de grandes fenêtres et portes-fenêtres offrant une vue exceptionnelle sur les parcs, le lac et les Alpes. Certes, dans son état actuel, l’appartement présentait de curieux contrastes, certaines parties étant relativement dégradées et d’autres presque neuves, certains éléments semblant standards par rapport à l’époque de construction, tandis que d’autres dénotaient un souci d’apparat. Il n'était pas sans pertinence non plus que les premiers occupants de l'appartement aient vraisemblablement eu les moyens d'envisager, voire de faire réaliser sa décoration par une maison très renommée, ce qui se rapportait également au standing de l'immeuble, destiné dès sa construction à une catégorie aisée de la population. Comme l'avait relevé le tribunal, on ne pouvait non plus faire abstraction du contexte urbain dans lequel s’inscrivait l’ensemble immobilier. Enfin, si les éléments usuellement rattachés au luxe paraissaient devoir être relativisés par d'autres aspects, comme la hauteur modeste des plafonds (à moins de trois mètres du sol) et la facture relativement sobre d’un certain nombre d’éléments standards, il fallait souligner que la notion de luxe au moment de la construction d'un immeuble dépendait de son époque de construction ; par exemple, la hauteur des plafonds était délaissée dans les années 1950, tandis que la présence de double vitrages ou d'équipements électriques de pointe signalaient alors le luxe. Ainsi, la question de savoir si l’appartement devait être considéré comme un logement de luxe ne devait pas s’attacher de trop près aux critères souvent mis en évidence par la jurisprudence par rapport à des demeures plus anciennes (ATA/95/2024 du 30 janvier 2024).

15.         De la jurisprudence qui vient d'être passée en revue, il convient encore de retirer que si les éléments relatifs au caractère luxueux d'un appartement ont été définis de manière spécifique au fil du temps, il est cependant admis qu'ils soient réunis selon des combinaisons variables. Certains éléments a priori essentiels dans la notion de luxe peuvent ainsi faire défaut, à condition d'être suffisamment compensés par les autres. Ce peut être le cas lorsque la surface totale du logement ou le nombre de ses pièces sont inférieurs aux critères usuellement admis (ATA/1736/2019 du 3 décembre 2019 ; ATA/229/2002 du 7 mai 2002), ou malgré la présence d'un certain nombre d'équipement standards et ou un état général plutôt dégradé (ATA/95/2024 du 30 janvier 2024). Il suffit, dans ces cas, que d'autres aspects du luxe s'imposent avec suffisamment de force.

16.         Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, le département se réfère à l'art. 1 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), qui s’applique au calcul du nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), sauf des logements d’utilité publique. La chambre administrative admet depuis de nombreuses années que, dans la mesure où les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relèvent d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève, on peut parfaitement appliquer la disposition précitée, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR (cf. not. ATA/334/2014 du 13 mai 2014 et les références citées).

Il en résulte que le propriétaire ou son architecte/ingénieur ne peut pas calculer le nombre de pièces selon ses propres critères ou ceux d’autres normes (cf. Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit. p. 144).

A teneur de l’art. 1 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), pour le calcul du nombre de pièces des logements, il est tenu compte de la surface nette, telle que définie à l'art. 4 RGL, soit l'addition des surfaces des pièces, d'au moins 9 m2 et des demi-pièces, d'au moins 6 m2 habitables du logement et de la cuisine, ainsi que du laboratoire. Les gaines techniques, halls, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, loggias, balcons, terrasses, jardins et trémies des escaliers des duplex ne sont pas pris en compte.

17.         L’autorité chargée d’appliquer la loi dispose d’un pouvoir d’appréciation lorsque celle-ci lui laisse une certaine marge de manœuvre, laquelle peut notamment découler de la liberté de choix entre plusieurs solutions, ou encore de la latitude dont l’autorité dispose au moment d’interpréter des notions juridiques indéterminées contenues dans la loi. Bien que l’interprétation de notions juridiques indéterminées relève du droit, que le juge revoit en principe librement, le juge doit néanmoins restreindre sa cognition lorsqu’il résulte de l’interprétation de la loi que le législateur a voulu, par l’utilisation de telles notions, reconnaître à l’autorité de décision une marge de manœuvre que le juge doit respecter, étant précisé que cette dernière ne revient pas à limiter le pouvoir d’examen du juge à l’arbitraire. Viole le principe de l’interdiction de l’arbitraire le tribunal, qui, outrepassant son pouvoir d’examen, corrige l’interprétation défendable qu’une autorité disposant d’autonomie a opérée d’une norme déterminée (ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d ; ATA/155/2021 du 9 février 2021 consid. 7c et 10e).

18.         En l’espèce, il ressort des plans visés ne varietur figurant au dossier que l’appartement comprend quatre chambres, respectivement de 20 m2, 19 m2, 13 m2 et 6 m2, ainsi qu'une salle à manger de 20 m2, un séjour de 20 m2 et une cuisine de 10 m2. Conformément à l'art. 4 RGL cité plus haut, le dégagement d'entrée, le hall et la salle de bain n'ont pas à être pris en compte, tandis que la chambre de 6 m2 doit être considérée comme une demi-pièce. À cet égard, la recourante se contente d'affirmer, sans expliquer pour quelles raisons il conviendrait de s'écarter de la jurisprudence susmentionnée, que dans l'analyse des conditions du logement de luxe, cette demie pièce devrait être considérée comme une pièce complète. L’appartement compte donc en réalité 6.5 pièces et non 7 pièces, comme allégué par la recourante, de sorte que l'une des conditions principales posées par la jurisprudence pour retenir le caractère luxueux d’un logement n’est pas réalisée.

Par ailleurs, s’il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un bel appartement, ce dernier ne comporte pas les caractéristiques requises pour être qualifié de logement de luxe, que ce soit au niveau de ses espaces, des matériaux utilisés ou du confort offert.

Concernant en particulier la surface habitable de l’appartement (173 m2) et la taille des pièces que la recourante met en avant (27 m2 de surface locative moyenne par pièce), il sera rappelé que ces éléments ne sont pas suffisants à eux seuls pour qualifier le logement de luxueux, le logement ne donnant aucune impression de somptuosité malgré certains atouts. Il sera notamment relevé que les trois chambres (19 m2, 13 m2 et 20 m2) sont de bonne dimension, sans toutefois être inhabituellement grandes, et que la quatrième chambre, de 6 m2, n’est qu’une chambrette. La surface locative moyenne par pièce mise en avant par la recourante résulte de la prise en compte des surfaces non comptées comme pièces du logement et ne correspond pas à l'approche de la jurisprudence, qui s'intéresse avant tout à la question de savoir si les espaces considérés comme des pièces à part entières sont de dimensions particulièrement importantes. Tel n'est pas le cas en l'espèce, au sens de la jurisprudence sur la notion d'appartement luxueux, puisque les plus grandes des pièces ont en l'espèce une surface de 20 m2, alors que les exemples tirés de la jurisprudence concernent des pièces de 30 m2 ou davantage. Quant aux sanitaires avant travaux, ils se composaient d’une salle de douche, d’une salle de bains et d’un WC visiteur, répartis dans trois locaux distincts, ce qui s’avère être le standard minimal - loin d’un confort extraordinaire- pour un logement de cette taille. L’appartement ne bénéficie en outre pas d’éléments de commodité hors du commun, et les caractéristiques mises en avant par la recourante (parquets d’époque, hauteur sous plafond, cheminée dans la salle à manger, moulures etc…) existent dans de nombreux logements genevois. L’appartement ne bénéficie pas non plus d’éléments extérieurs pouvant lui conférer un caractère luxueux, telles qu’une grande terrasse ou une vue exceptionnelle, p. ex. sur le jet d’eau et la rade de Genève. Le fait que le logement dispose en l'occurrence d’une vue sur le parc F______, partiellement dissimulée par les constructions et la végétation des parcelles voisines, ne saurait être considéré dans le cas d'espèce comme un élément de luxe : hormis dans des situations exceptionnelles, la vue sur un cadre de verdure, dont disposent de nombreux logements à Genève, ne se compare en effet pas au cadre particulièrement prestigieux qu'offre la vue sur la rade. On relèvera encore que l'étude historico-architecturale réalisée en mai 2024 par Mme K______ ne met pas en avant des éléments dont il n'aurait pas été tenu compte jusqu'ici, hormis certains éléments décoratifs de la façade ou du hall d'entrée. Si de tels éléments peuvent bien sûr souligner le raffinement de la construction et, à ce titre, constituer des indices supplémentaires du caractère luxueux d'un logement, ils n'interviennent cependant qu'en deuxième ligne et ne sauraient occuper une place trop importante par rapport aux caractéristiques que le logement doit revêtir avant tout lui-même pour être qualifié de luxueux.

Enfin, les éléments « luxueux » de l’appartement mis en avant par la recourante ont été analysés par l’instance spécialisée, soit l’OCLPF durant l’instruction de la demande. Or, celui-ci a retenu dans son préavis du 17 janvier 2023 que les atouts de l’appartement ne présentaient pas de particularités qui les différencieraient d’une grande quantité de logements genevois. En particulier, les parquets et moulures, les boiseries, la cheminée et même les caractéristiques de l’immeuble n’en faisaient pas un logement rare et qui méritait de le considérer comme un logement de luxe. Dans son préavis du 13 avril 2023, il a encore précisé qu’il existait beaucoup d’appartements avec les mêmes caractéristiques parmi les immeubles des ensembles bourgeois construits dans l’entre-deux guerre, aujourd’hui inscrits à l’inventaire et qu’il ne s’agissait pas d’un logement exceptionnel.

A teneur de ses arguments, la recourante se contente de substituer sa propre appréciation d’un logement de luxe à celle de l’instance spécialisée. Or, de jurisprudence constante, chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l’autorité de recours observe une certaine retenue. Le tribunal, qui a constaté ci-avant que le logement ne présentait pas de caractéristiques extraordinaires, n’a ainsi aucune raison de remettre en cause l'appréciation de l’autorité intimée, elle-même fondée sur les préavis des instances de préavis spécialisées.

En conclusion, le tribunal retiendra, à l’instar de l’autorité intimée et de l’OCLPF que, s’il n’est pas contesté qu’il est spacieux et que certaines de ses caractéristiques se rapprochent de celles d'un logement de luxe, l’appartement ne dégage pas en lui-même, une impression de somptuosité ou de confort extraordinaire. Il ne saurait par conséquent être considéré comme un logement de luxe au sens de la LDTR.

19.         La recourante fait encore grief à l’autorité intimée d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation et violé l’art. 12 LDTR en ayant qualifié les travaux de « transformation lourde » et fixé le délai de contrôle du loyer à cinq ans.

20.         Pour rappel, l'autorité intimée fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux (art. 10 al. 1 LDTR). Il tient compte des critères énumérés à l'art. 11 LDTR (« mode de calcul »).

Les loyers maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l’Etat pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde (art. 12 LDTR).

Le Tribunal fédéral a reconnu à la LDTR sa compatibilité avec les dispositions concernant le droit de propriété et la liberté économique consacrés aux art. 26 al. 1 et 27 al. 1 Cst. (ATF 116 Ia 401 ; arrêt 2C_184/2013 du 8 janvier 2014). En effet, en matière de logement, il est interdit aux cantons d’intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglés exhaustivement par le droit fédéral. Cela étant, les cantons demeurent libres d’édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif. Ainsi, les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectent le principe de primauté du droit fédéral, étant précisé que cette intervention étatique est limitée dans le temps et que les parties demeurent libres de modifier le contrat de bail à l'issue de la période de contrôle (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2).

21.         C'est le département, et non l'administré, qui détermine dans chaque cas si des travaux relèvent de l'entretien ou de la transformation. Si des travaux de pur entretien ne nécessitent pas d'autorisation, en cas de doute, il incombe au propriétaire de demander l'avis du département et d'effectuer les démarches nécessaires pour agir en conformité de la loi (GAIDE/DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 186 et jurisprudence cantonale citée). Le département se détermine par une décision administrative, dans laquelle il établit si les travaux en cause constituent ou non des travaux de transformation soumis à la LDTR.

22.         De jurisprudence constante, il est admis, s'agissant de la distinction entre travaux d'entretien et travaux de transformation (ou rénovation) consacrée à l'art. 3 LDTR, de tenir un raisonnement en deux temps, à savoir : 1) examiner d'abord si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l'entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation, la jurisprudence de la chambre administrative précisant, sur ce point, que des travaux d'entretien sont susceptibles d'aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR lorsque, n'ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l'existence de l'immeuble, ou encore parce qu'ils n'ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d'une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l'immeuble (travaux différés) ; et 2) s'attacher ensuite à l'ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer dès lors qu'il pourrait en résulter un changement d'affectation qualitatif des logements (ATA/263/2021 du 2 mars 2021 consid. 3d ; ATA/422/2020 précité consid. 6 ; ATA/641/2013 du 1er octobre 2013 consid. 8 ; ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 consid. 9 ; ATA/646/2010 du 21 septembre 2010 et les références citées ; Alain MAUNOIR, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, in RDAF 1996 p. 314 et la référence ; GAIDE/DÉFAGO GAUDIN, op. cit. p. 193 n. 2.5.4).

23.         Selon le Tribunal fédéral, l'art. 3 al. 2 LDTR est compatible avec le droit fédéral dans la mesure où cette disposition complète l'art. 3 al. 1 let. d LDTR en décrivant certains types de travaux qui ne seraient pas soumis à autorisation. Les travaux d'entretien non assujettis à la LDTR sont ceux que le bailleur est tenu d'effectuer au regard de son obligation d'entretien de la chose louée prescrite par le droit du bail. Il s'agit des travaux réguliers et raisonnables qui n'ont pas été différés dans le temps et qui tendent à remédier à l'usure normale de la chose et à maintenir l'ouvrage dans son état en réparant les atteintes dues au temps ou à l'usage. Encore faut-il qu'ils n'engendrent pas un accroissement du confort existant et que leur coût total soit raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.5 et les références citées).

24.         L'installation de nouveaux sanitaires, l'agencement d'une cuisine, la mise en conformité de l'installation électrique, la pose de nouveaux revêtements de sols et de parois, ainsi que des travaux de peinture et de serrurerie relèvent en principe de l'entretien au regard de leur nature (ATA/40/2010 du 26 janvier 2010 et les références). C'est lorsqu'ils sont effectués séparément, et selon les circonstances, que chacun de ces travaux peut être qualifiés de travaux d'entretien. Cela ne signifie pas qu'une rénovation comprenant l'ensemble des travaux devra nécessairement elle aussi être considérée comme étant limitée à des travaux d'entretien (arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 du 6 avril 2016 consid. 4.3).

25.         Il convient toutefois de tenir compte également des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis, et notamment de leur accumulation en raison d'un défaut d'entretien courant des bâtiments concernés (ATA/646/2010 précité et les références). Ainsi, le propriétaire d'un appartement a tout intérêt à entretenir régulièrement son immeuble et, pour le prouver en cas de litige, à conserver les factures desdits travaux (GAIDE/DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 195 s.). Des travaux isolés, effectués depuis longtemps, ne démontrent pas la régularité de l'entretien. Par exemple, la seule réfection des peintures effectuée plus de vingt ans avant les travaux litigieux ne suffit pas pour considérer que l'appartement est régulièrement entretenu (ATA/370/2005 du 24 mai 2005 consid. 3b.).

26.         Même s'il s'agit de travaux d'entretien différés dans le temps, il faut tenir compte, selon la pratique cantonale, des critères de l'ampleur des travaux et de la répercussion des coûts sur les loyers. Dans les cas où les travaux ont déjà été effectués et les loyers modifiés à l'issue des travaux, il n'est pas arbitraire de tenir compte de la manière dont le bailleur a effectivement répercuté les frais engagés sur le locataire. Lorsqu'une importante hausse de loyer suit les travaux, le bailleur peut difficilement prétendre n'avoir effectué que des travaux d'entretien courant, qu'il n'est en principe pas autorisé à faire supporter au locataire (art. 259a al. 1 let. a, 259b let. b et 269a let. b CO). En définitive, il n'est en principe pas arbitraire de retenir que ces différents critères, cumulés, démontrent que les travaux litigieux vont au-delà de travaux d'entretien courant n'apportant aucune amélioration du confort (arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 précité consid. 4.3).

27.         Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que, pour des travaux d'une certaine ampleur, dont il peut être présumé de façon réfragable qu'ils procurent un accroissement du confort, et à la suite desquels le loyer a presque été doublé, il n'est pas arbitraire de considérer qu'ils dépassent les simples travaux d'entretien, lorsque le propriétaire n'apporte aucun élément permettant de justifier différemment la hausse des loyers, en particulier par une adaptation à la situation sur le marché locatif et ne démontrent pas que les travaux litigieux se limitaient à l'entretien imposé par le droit fédéral. Ces derniers ayant une incidence sérieuse sur la catégorie du logement en cause, il est dénué d'arbitraire de les soumettre au champ d'application de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 précité consid. 4.3).

28.         La chambre administrative a pour sa part confirmé que des travaux ayant pour but la remise à neuf d'un appartement à l'occasion d'un changement de locataire par le rafraîchissement des peintures (plafonds, murs, boiseries et radiateurs de toutes les pièces), la réfection de l'ensemble des installations sanitaires (remplacement de la baignoire, du mélangeur de lavabo, de l'évier, de la robinetterie et des divers accessoires), l'installation d'un nouvel agencement de cuisine, le remplacement du carrelage et des faïences, l'installation d'un nouveau système électrique, le ponçage et la vitrification des parquets et la pose de vannes thermostatiques, devaient être assimilés à des travaux de rénovation, constat confirmé par le coût des travaux, soit CHF 26'240.- pour un trois pièces, et de leur impact sur le loyer, qui avait augmenté de 54% suite à ces derniers (ATA/440/2015 du 12 mai 2015 consid. 10).

29.         De même, elle a retenu que les travaux comprenant la réfection complète des peintures, papiers peints et parquets, avec la pose de radiateurs, l'installation d'un agencement de cuisine et de nouveaux sanitaires et la mise en conformité des installations électriques devaient faire l'objet d'une autorisation au sens de la LDTR (ATA/645/2012 précité consid. 11 ; cf. également ATA/328/2013 précité consid. 7, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2013 précité). Les travaux ne constituaient pas du pur entretien quand bien même ils s'élevaient à CHF 8'750.-/la pièce/l'an, ce qui se situait dans la fourchette inférieure généralement retenue pour qualifier les travaux de grande ampleur (ATA/334/2014 du 13 mai 2014, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014).

Elle a, en revanche, considéré que n'étaient pas soumis à la LDTR des travaux d'entretien différés ou non dans le temps, dont le coût par pièce était inférieur à CHF 10'000.- (ATA/642/2013 précité ; ATA/40/2010 précité ; ATA/96/2007 du 6 mars 2007 ; GAIDE/DEFAGO GAUDIN, op. cit., p. 193 s.). Elle a toutefois précisé, en rapport avec l'argument du coût des travaux par pièce, qu'il ne lui appartenait pas de dicter au département de ne pas requérir de demande d'autorisation de construire pour des travaux de moins de CHF 10'000.- par pièce (ATA/694/2016 du 23 août 2016 consid. 6d ; ATA/574/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/334/2014 précité consid. 14).

30.         La chambre administrative a également eu à trancher le cas de travaux réalisés en 2010 à l'occasion d'un changement de locataires (ATA/422/2020 du 30 avril 2020), portant sur le remplacement de l'agencement de la cuisine, le remplacement de l'équipement électroménager (cuisinière, four et réfrigérateur), l'installation d'une hotte en remplacement de l'ancienne, la réfection du câblage électrique de la cuisine et du salon, la démolition du pan de la cloison séparant la cuisine du salon, la pose d'un carrelage sur l'existant à la cuisine et à la salle de bains, la pose de faïence sur l'existant à la cuisine et à la salle de bains, le remplacement d'un lavabo, le remplacement du mélangeur et de la batterie de bain ainsi que la coupure, la vidange et la dépose des installations sanitaires en attendant la réfection du carrelage de la salle de bains, la réfection du tube de douche, le rafraîchissement de la peinture (cuisine, salon, chambre, entrée et boiseries), ainsi que le ponçage et l'imprégnation du parquet. Ces travaux, dont le coût s’était élevé à CHF 6'850.- par pièce (CHF 34'254.25 / 5) avaient concerné toutes les pièces de l'appartement, à plus ou moins grande échelle, ceux-ci ayant par exemple été beaucoup plus importants dans la cuisine que dans les chambres. La chambre administrative a retenu que, pris indépendamment les uns des autres, ils relevaient certes de l'entretien courant de l'appartement mais représentaient toutefois ensemble des travaux dont l'ampleur équivalait à des travaux de transformation. Les factures produites concernant les travaux effectués précédemment n'avaient pas permis de considérer que l'appartement avait été régulièrement entretenu. Le loyer après travaux était par ailleurs passé à CHF 5'232.- la pièce (+ 77 %), soit un montant bien supérieur au maximum de la fourchette prévue par l'ArRLoyers, le faisant changer de catégorie d'appartements locatifs. Quand bien même les travaux entrepris n'apparaissaient pas somptuaires, ils avaient toutefois été suffisants pour que leur coût entraîne sur le loyer un changement ayant pour conséquence une modification de l'affectation qualitative de l'appartement concerné. De tels travaux étaient dès lors soumis à autorisation. Pour le surplus, l'argumentation des recourantes visant à faire valoir que le loyer litigieux ne serait pas abusif sous l'angle des dispositions du CO n'était pas pertinente dans le cadre du présent litige, dès lors qu'elle ressortait au droit privé et ne relevait pas de la compétence de la chambre de céans.

31.         Dans trois jugements relativement récents (JTAPI/1300/2022 et JTAPI/1301/2022 du 29 novembre 2022 et JTAPI/700/2023 du 20 juin 2023) le tribunal, s’agissant de la fixation de la durée du contrôle étatique du loyer d’un logement après travaux, a retenu , s’agissant d’une part de travaux d’un montant de CHF 139'000.- portant sur la rénovation complète d'un logement de 4,5 pièces (peinture, rénovation des carrelages et faïences de la cuisine, la salle de bain et les toilettes, mise en conformité des installations électriques, pose d'un nouvel agencement de cuisine, rénovation des installations sanitaires, réfection des menuiseries, pose d'un nouveau parquet) avec permutation et modification de la disposition des pièces (alcôve du salon, cuisine, chambre) et, d’autre part, de travaux portant sur la réfection complète des peintures du logement de quatre pièces concerné, la réfection des installations électriques, la pose de carrelages et faïences ainsi que des piquages, la pose d’un nouvel agencement de cuisine, la réfection des installations sanitaires, la réfection des menuiseries intérieures, le ponçage et la vitrification des parquets ainsi que la pose d’un nouveau parquet, la réparation des stores intérieurs, l’entretien de l’installation de chauffage mais également sur la permutation et modification de la disposition des pièces du logement, pour un coût total de CHF 168'287.-, que les transformations envisagées étaient lourdes au sens de l'art. 12 LDTR, avec pour conséquence que le contrôle des loyers après travaux devait être porté à 5 ans. Dans le dernier jugement (JTAPI/700/2023 du 20 juin 2023), le tribunal a retenu que des travaux autorisés portant sur la rénovation complète d’un appartement de 2.5 pièces ainsi que sur la modification de sa typologie par la permutation entre la cuisine et la chambre à coucher, pour un montant total de CHF  127'300.-, pouvaient être qualifiés de transformation lourde au vu de l’importance des travaux, et, entraîner une durée de contrôle du loyer de cinq ans selon l’art. 12 LDTR.

Dans les trois espèces concernées, les transformations envisagées avaient pour objectif d’améliorer l’habitabilité du logement.

32.         En l’occurrence, il ressort du dossier que les travaux effectués ont porté sur la rénovation complète de l’appartement (sanitaires, cuisine, peintures, carrelage, boiseries, parquet et électricité) ainsi que sur la modification de sa typologie par la permutation entre certaines pièces. En effet, la cuisine est devenue une salle de bains, la salle de douche d’une des chambres a été agrandie et transformée en cuisine, le WC visiteur a été supprimé et une salle de bain a été rétrécie pour créer un dressing. De plus, un WC visiteur et une nouvelle salle de douche ont été aménagés. Selon les déclarations de la recourante, ces travaux, dont le montant total s’est élevé à environ CHF 200'000.- ont eu pour but d’améliorer la fonctionnalité de l’appartement que le manque de travaux depuis de nombreuses de années avait rendu en partie insalubre. Le loyer annuel brut de l’appartement a d’ailleurs presque quadruplé après les travaux en question, passant de CHF 20’172.- (selon contrat de bail de Mme J______ de 2010) à CHF 72'900.- (selon contrat de bail des époux E______ de septembre 2017). Ce dernier montant équivaut par ailleurs à un loyer annuel par pièce de CHF 11'215.-, qui excède très largement le loyer maximum répondant aux besoins prépondérants de la population, fixé en 2017 à CHF 3'405.- par pièce et par année (Arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population du 24 août 2011 - ArRLoyers - L 5 20.05). La recourante a d'ailleurs elle-même fait du coût des travaux un argument expliquant le quadruplement du loyer, établissant un lien de cause à effet qui est pris en compte par la jurisprudence pour analyser l'importance des travaux.

Par conséquent, le tribunal considère que les critères mis en avant au regard de la casuistique mentionnée supra, laquelle est également reprise par la doctrine spécialisée en matière de LDTR pour qualifier une intervention de transformation lourde, sont remplis in casu.

En conclusion, sans remettre en cause le bien-fondé des transformations effectuées au regard de l’habitabilité du logement, il convient de constater que l'autorité intimée n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation ni violé la loi en retenant que les travaux de rénovation de l’appartement concerné devaient être considérés comme des transformations lourdes et, partant, entraîner une durée de contrôle du loyer de cinq ans en application de l’art. 12 LDTR.

33.         Dans un dernier grief, la recourante se prévaut d’une violation du principe de l’égalité de traitement, eu égard au traitement différent de l’APA/6______ du ______ 2021 déposée par ses soins (portant sur des travaux similaires dans un appartement identique situé au 5ème étage du même immeuble), dans laquelle le loyer avait été bloqué pour une durée de trois ans.

34.         Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.2 ; 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2 ; 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 ; 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1). Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).

35.         L'inapplication ou la fausse application de la loi dans un cas particulier n'attribue en principe pas à l'administré le droit d'être traité par la suite illégalement. En effet, selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 et les arrêts cités ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1). C'est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l'égalité dans l'illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.1 ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1).

36.         Un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c’est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d’une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d’un changement de circonstances extérieures, de l’évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d’autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu’ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 145 II 270 consid. 4.5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2019 du 23 décembre 2019 consid. 5.1 ; ATA/1174/2020 du 24 novembre 2020 consid. 8b et les références citées.

37.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2).

38.         En l’espèce, si l’APA/6______ - qui concerne des travaux dans un appartement identique - a certes traité la situation différemment, force est de constater qu’il s’agit d’un cas isolé et qu’elle a été délivrée le ______ 2021 alors que, selon les explications de l’autorité intimée, l’OCLPF opérait un changement de pratique.

Ce changement de pratique, consistant à considérer que les travaux qui ne relèvent pas de la simple rénovation, mais portent également sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches (et vice versa), avec toutes les modifications que cela peut impacter, doivent être considérés comme étant lourds, a été dûment constaté et confirmé par le tribunal (JTAPI/1300/2022, JTAPI/1301/2022 et JTAPI/700/précités).

Par conséquent, la recourante ne saurait valablement invoquer l’APA précitée pour en déduire une violation du principe de l’égalité de traitement. La recourante ne démontre enfin pas que la nouvelle pratique de l’OCLPF quant à la notion de transformation lourde et de la durée du blocage de loyer y relative, telle qu’invoquée par l'autorité intimée et illustrée dans les JTAPI précités, serait disparate ou peu uniforme et rien ne laisse à penser que le département entend s’en écarter à l’avenir.

Aucune violation du principe d’égalité de traitement n’est ainsi à déplorer dans le présent cas.

Pour le surplus, comme relevé à juste titre par l’autorité intimée, cette APA est devenue caduque dans l’intervalle et ne déploie donc plus d’effet juridique. Cela étant, la production du dossier de l’APA dans la présente procédure n’apparait pas nécessaire et il ne sera pas donné suite à la demande de la recourante en ce sens.

Recours contre l'ordre et l'amende du ______ 2023

39.         La recourante conteste tout d'abord les ordres donnés par l'autorité intimée en ce qui concerne l'établissement d'un nouveau contrat de bail et avis de fixation du loyer initial fixant un loyer conforme à l'autorisation APA/4______/1, ainsi qu'en ce qui concerne la restitution du loyer trop-perçu, à hauteur de CHF 193'609.-.

40.         Selon l'art. 44 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05), sous réserve des peines plus élevées prévues par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Le département notifie aux intéressés par lettre recommandée les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par cette autorité (art. 131 LCI).

Parmi les mesures administratives à disposition de l'autorité compétente, figure l'ordre de remise en conformité (art. 129 let. e LCI). L'objectif d'une telle mesure est de rétablir une situation conforme au droit.

41.         De jurisprudence constante, une mesure visant les loyers, notamment le remboursement du trop-perçu de loyer et l'établissement d'un nouveau bail conforme aux conditions de l'autorisation de construire accordée, constitue une forme de remise en état au sens de l'art. 129 let. e LCI (ATA/269/2012 du 8 mai 2012 consid. 5 ; ATA/152/2010 du 9 mars 2010 consid. 5 et les références citées).

À cet égard, le Tribunal fédéral considère que le contrôle des loyers sous l'angle de l'art. 12 LDTR implique que le propriétaire doit rectifier les baux indiquant un loyer qui ne correspond pas à celui fixé par le département (arrêts du Tribunal fédéral 1C_184/2013 du 8 janvier 2014 consid. 2.1 ; 1C_496/2012 du 12 février 2013 consid. 3.2.2; 1C_468/2008 du 15 décembre 2008).

42.         En cas de pénurie de logements, les cantons peuvent exiger que, lors de la conclusion d’un nouveau bail, le propriétaire fasse usage d’une formule officielle de même teneur que celle mentionnée à l’art. 269d CO (art. 270 al. 2 CO). Dite formule est celle agréée par le canton.

Le canton de Genève a fait usage de cette faculté (art. 109 de la loi d’application du code civil et du code des obligations du 28 novembre 2010 - LaCC - RS E 1 05, entrée en vigueur le 1er janvier 2011), mais cette règle existait déjà sous l’égide de l’art. 24 LaCC du 7 mai 1981 (aLaCC - E 1 05).

43.         La chambre administrative a déjà eu l’occasion de considérer, dans une affaire similaire, que l’injonction d’établir la formule officielle de fixation du loyer initial s’agissant de locataires ayant quitté le logement après la fin de la période du contrôle étatique n’avait plus d’objet (ATA/269/2012 du 8 mai 2012 consid. 7).

Selon une partie de la doctrine, le département ne peut en effet pas imposer au propriétaire d’établir un nouveau bail corrigé et de notifier une nouvelle formule de fixation du loyer s’agissant de locataires ayant déjà quitté l’appartement en cause, dès lors qu’un tel ordre n’aurait aucun sens et serait excessif (Emmanuelle GAIDE et Valérie DÉFAGO GAUDIN, op. cit., 2014 p. 482).

44.         En l'espèce, la recourante ne conteste pas que l'autorité intimée ait juridiquement la faculté d'ordonner l'établissement d'un nouveau contrat de bail et avis de fixation du loyer initial, ainsi que d'ordonner la restitution du loyer trop-perçu, comme le confirment les bases légales et la jurisprudence rappelées ci-dessus. Cela étant, elle considère que ces ordres n'avaient pas lieu d'être donnés en l'occurrence, dans la mesure où l'appartement en cause, en tant que logement de luxe, n'était pas soumis à un contrôle des loyers. Cependant, comme on l'a vu plus haut, cet argument ne peut pas être retenu, l'appartement en cause ne répondant pas à la notion de logement luxueux au sens de l'art. 10 al. 2 let. b LDTR.

Il en va de même du deuxième argument de la recourante, qui consiste à soutenir que les travaux auxquels elle a procédé étaient à la limite entre l'entretien et la transformation, de sorte que, pour cette raison également, le département aurait dû renoncer à un contrôle du loyer. Or, comme constaté plus haut, les travaux litigieux ont représenté des transformations lourdes de l'appartement et, contrairement à l'avis de la recourante, étaient bel et bien soumis à autorisation de construire. Les ordres litigieux sont donc bien fondés également sous cet angle.

Enfin, la recourante considère que même s'il fallait admettre que le contrôle du loyer était légitime, l'ordre de restitution du loyer se heurterait à l'interdiction de l'abus de droit, compte tenu de l'attitude des locataires qui, en substance, avaient joué double jeu vis-à-vis d'elle. Le cadre de la présente procédure ne permet cependant pas à la recourante de se prévaloir de la prétendue mauvaise foi des locataires à son égard. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, l'ordre de remise en état que constitue globalement la décision litigieuse (en dehors de la question de l'amende qui sera examinée plus loin) est une obligation faite à la recourante de rétablir une situation conforme au droit, en raison des actions illégales qu'elle a entreprises et dont elle ne doit pas pouvoir tirer avantage. La restitution du loyer trop-perçu ne vise donc pas au premier chef à dédommager les locataires concernés, mais à empêcher que la recourante ne s'enrichisse indûment en violant la LDTR. Il s'agit ainsi d'une pure obligation de droit public. Dans cette mesure, le contrat de bail que la recourante a conclu avec des tiers en violant elle-même le droit public ne joue aucun rôle et ne concerne, cas échéant, que les juridictions civiles compétentes.

45.         Pour toutes ces raisons, force est de constater que la décision du ______ 2023 est parfaitement fondée en ce qu'elle ordonne l'établissement d'un nouveau contrat de bail et avis de fixation du loyer initial, et en ce qu'elle ordonne la restitution du loyer trop-perçu aux locataires concernés. Il conviendra cependant de préciser ici que, conformément à la jurisprudence citée plus haut, l'établissement d'un nouveau contrat de bail et avis de fixation du loyer initial est disproportionné, car inapte à atteindre son but, vis-à-vis des locataires qui ont entre-temps cessé d'être titulaires d'un contrat de bail pour l'appartement en cause.

46.         S'agissant de l'amende, la recourante la considère tout d'abord comme illégale, dans la mesure où c'est à tort que l'autorité intimée l'aurait fondée sur l'art. 137 al. 1 LCI, plutôt que sur l'al. 2 de cette disposition.

47.         Selon l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d’une amende administrative de 100 francs à 150 000 francs tout contrevenant :

a) à la présente loi;

b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi;

c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

Selon l'art. 137 al. 2 LCI, le montant maximum de l’amende est de 20 000 francs lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales.

Quant à l'art. 44 al. 1 LDTR, il prévoit que celui qui contrevient aux dispositions de cette loi est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les articles 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et des peines plus élevées prévues par le code pénal suisse, du 21 décembre 1937.

48.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018).

49.         En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité ; ATA/19/2018 précité). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi (ATA/19/2018 précité).

50.         L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/19/2018 précité).

Le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité de l’amende. La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/440/2019 précité ; ATA/945/2018 du 18 septembre 2018 ; ATA/19/2018 précité).

51.         L'obligation de respecter le montant des loyers maximaux fixés dans l'autorisation de construire est imposée en priorité au propriétaire de l'immeuble soumis à la LDTR, si bien qu'il lui incombe de prendre toutes les mesures utiles pour éviter un dépassement de ces loyers (Alain Maunoir, La nouvelle LDTR au regard de la jurisprudence, in: RDAF 1996 p. 328; La jurisprudence du Tribunal administratif genevois et du Tribunal fédéral concernant la législation cantonale genevoise en matière de démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, in: Office fédéral des questions conjoncturelles, Aspects juridiques relatifs à la rénovation de l'habitat - Spécificités romandes, 1996, p. 65, et les arrêts cantonaux cités). Le propriétaire de l'immeuble a donc une obligation juridique d'agir, de sorte qu'il peut réaliser une infraction à la LDTR s'il n'empêche pas l'infraction commise ou ordonnée par un tiers, alors qu'on pouvait l'attendre de lui (ATF 115 Ia 406 consid. 4c et les références).

52.         Doivent être notamment prises en compte au titre de circonstances aggravantes, le fait d’avoir agi par cupidité, la récidive, la profession de l’auteur de l’infraction ainsi que le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation de la LDTR. Au titre de circonstances atténuantes, doivent être prises en compte notamment l’absence de volonté délictuelle, une violation de la LDTR sur un appartement ou un immeuble isolé seulement, le fait qu’une réaffectation en logement soit aisée (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, p. 490-491 et les jurisprudences citées). La doctrine cite ainsi parmi les exemples de circonstances aggravantes, outre celles mentionnées par la loi, le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation de la LDTR ainsi que le montant élevé du trop-perçu de loyer touché (ibid. p. 490).

Il doit être tenu compte de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/806/2005 du 29 novembre 2005 consid. 3d).

53.         En l'occurrence, les deux parties s'opposent sur l'interprétation à donner respectivement aux al. 1 et 2 de l'art. 137 LCI. Pour la recourante, le fait d'avoir pu régulariser les travaux litigieux grâce à l'APA/4______/1 implique nécessairement l'application de l'art. 137 al. 2 LCI, supposant non seulement un barème très différent de celui visé par l'art. 137 al. 1 LCI, mais surtout l'impossibilité pour l'autorité intimée de prononcer, comme en l'espèce, une amende de CHF 42'500.-. Pour l'autorité intimée, au contraire, c'est bien l'art. 137 al. 1 LCI qui doit s'appliquer dans la mesure où l'infraction qu'elle cherche à sanctionner ne concerne pas le fait d'avoir réalisé des travaux sans autorisation, mais une infraction à la LDTR consistant à imposer un loyer largement supérieur à celui autorisé par cette loi.

54.         Dans quelques arrêts, la chambre administrative a confirmé l'application de l'art. 137 al. 1 LCI, soit pour des amendes sanctionnant des loyers trop-perçu sous l'angle de la LDTR, quand bien même les travaux dont découlaient ces loyers avaient entre-temps été régularisés (ATA/292/2022 du 22 mars 2022, consid. 5 et 6 en fait, consid. 6 en droit ; ATA/195/2005 du 5 avril 2005, consid. 3, 4, 11, 21, 22 et 28 en fait, consid. 8 en droit), soit pour une amende sanctionnant des infractions commises contre les dispositions de la LDTR réglementant l'aliénation de logements, en dehors de tout contexte de travaux (ATA/186/2021 du 23 février 2021). Il en découle que le tribunal doit écarter l'argumentation de la recourante et retenir celle de l'autorité intimée, l'art. 137 al. 1 LCI trouvant seul à s'appliquer lorsqu'il s'agit de sanctionner non pas des travaux effectués sans autorisation, mais des infractions à la LDTR, par renvoi de son art. 44 al. 1. On voit d'ailleurs mal pour quelles raisons un contrevenant ayant commis des infractions graves portant sur d'importants loyer trop-perçus pendant de nombreuses années devrait bénéficier d'un plafonnement d'une amende à CHF 20'000.- en application de l'art. 137 al. 2 LCI pour le simple motif qu'il aurait procédé auparavant à des travaux non autorisés (puis régularisés par la suite), tandis que celui qui aurait commis les mêmes infractions sans avoir procédé préalablement à des travaux (et donc en ayant commis globalement moins d'infractions) encourrait une amende maximale de CHF 150'000.-.

55.         Toujours au sujet de l'amende, la recourante soutient enfin que l'autorité intimée avait omis de prendre en compte plusieurs circonstances atténuantes, à savoir que l'appartement était un logement de luxe au sens de la LDTR, qu'elle n'avait pas réalisé de gain substantiel, car le coût total des travaux était d'environ CHF 200'000.-, qu'elle avait fait preuve d'une collaboration exemplaire et enfin qu'elle ne s'était jamais vue infliger d'autre amende pour infraction à la LDTR (hormis pour une amende de quelques centaines de francs). Pour toutes ces raisons, l'amende n'aurait pas dû dépasser un montant de CHF 5'000.-.

Contrairement au point de vue défendu par la recourante, sous une réserve qui sera évoquée plus loin, il n'apparaît pas que l'amende litigieuse aurait été fixée sans tenir compte de ces différents éléments. En ce qui concerne tout d'abord le fait que l'appartement en cause serait un logement de luxe, on a déjà vu que cela n'était pas le cas. Au demeurant, si cela était avéré, il ne s'agirait pas d'une circonstance atténuante, mais d'une circonstance excluant tout simplement une infraction à la LDTR. S'agissant du fait que la recourante n'aurait pas réalisé un gain substantiel car elle aurait dû supporter des travaux pour un coût total d'environ CHF 200'000.- , le tribunal ne peut pas non plus la suivre sur ce point, car la gravité de son infraction se mesure non pas au bénéfice net qu'elle a retiré de l'opération, mais aux gains qu'elle a indûment perçus au détriment des personnes dont la LDTR cherche à garantir la protection.

S'agissant de la bonne collaboration de la recourante, force est de constater que l'autorité intimée n'en a pas fait mention dans la décision litigieuse. Contrairement à ce qu'elle a soutenu dans sa réponse au recours sans apporter d'élément tangible, on ne voit pas ce qui permettrait de retenir que la quotité de l'amende aurait été fixée en tenant compte de cette bonne collaboration, la décision litigieuse se contentant d'indiquer les circonstances aggravantes conduisant au montant de l'amende. Ce montant devra donc être diminué en considération de la bonne collaboration de la recourante, qui n'est en soi pas contestée par l'autorité intimée.

Enfin, quant à l'absence d'antécédent de la recourante, c'est à raison que l'autorité intimée considère cette circonstance comme un élément neutre dans la fixation de l'amende. C'est, au contraire, la présence d'antécédents qui constitue une circonstance à prendre en considération dans la fixation de la peine (art. 47 al. 1 CP).

56.         Compte tenu de ce qui précède, l'amende sera ramenée à un montant de CHF 32'000.-.

57.         En conclusion, le recours interjeté dans la procédure initiale A/2287/2023 est entièrement infondé et rejeté, la décision du ______ 2023 étant entièrement confirmée, tandis que le recours interjeté dans la procédure initiale A/2618/2023 est très partiellement admis, la décision du ______ 2023 étant réformée dans le sens qui précède.

58.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe pour l'essentiel, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ; il est couvert par les avances de frais versées à la suite du dépôt des deux recours, totalisant CHF 1'800.-. Le solde de ses avances de frais, soit CHF 300.-, lui sera restitué. Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 800.- lui sera allouée à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire (art. 87 al. 2 LPA).


59.          

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             ordonne la jonction des procédures A/2287/2023 et A/2618/2023 sous n° de procédure A/2287/2023 ;

2.             déclare recevables les recours interjetés le 6 juillet 2023 et le 21 août 2023 par A______ SA respectivement contre la décision du département du territoire du ______ 2023 et contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

3.             rejette le recours interjeté contre la décision du ______ 2023 et confirme cette dernière ;

4.             admet partiellement le recours interjeté contre la décision du ______ 2023 ;

5.             réduit le montant de l'amende fixée par cette décision à CHF 32'000.- ;

6.             confirme pour le surplus la décision du ______ 2023 ;

7.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.-, lequel est couvert par les avances de frais totalisant CHF 1'800.- ;

8.             ordonne la restitution à la recourante du solde de ses avances de frais, soit CHF 300.- ;

9.             alloue à la recourante, à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 800.-;

10.         dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Claire BOLSTERLI, Bernard DELACOSTE, Jean-Michel KARR et Didier PROD'HOM, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière