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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3193/2023

JTAPI/830/2024 du 26.08.2024 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE;ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE
Normes : LEI.19; OASA.2.al1; OASA.6.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

.0république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3193/2023

JTAPI/830/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 août 2024

 

dans la cause

 

A______ SA

contre


OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             A______ SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève depuis le ______ 2019, qui a son siège au 1______ B______.

Elle a pour but l'importation, l'exportation et la commercialisation de tous types de marchandises; gestion du patrimoine des actionnaires; investissement dans tous types d'actifs à l'étranger exclusivement. Par ailleurs, elle pourra également exploiter des sites web de vente en ligne afin de procéder, notamment à l'importation, l'exportation et le commerce de tous produits. Elle aura également pour but la vente et la location de véhicules à moteur neufs ou d'occasion, de pièces de rechange et accessoires d'automobiles et toutes affaires se rapportant à l'industrie automobile. Aussi, elle a pour but l'importation, l'exportation et la vente de tabac, notamment de cigares et la commercialisation de produits dérivés du tabac et accessoires, ainsi que l'importation, l'exportation et la vente d'arts et de peintures diverses. La Société peut en outre effectuer toutes les opérations qui se rapportent directement ou indirectement à son but social et qui favorisent ou facilitent son développement.

Suite à une mutation de raison de commerce, A______ SA est la nouvelle raison sociale de la société C______ SA (inscrite au registre du commerce du canton de Fribourg le ______ 2019), selon statuts modifiés les ______ 2022 et ______ 2023.

2.             Monsieur D______, né le ______ 1978, est ressortissant chinois.

3.             Il a précédemment bénéficié d’une autorisation de séjour pour activité lucrative (permis B-OASA) délivrée le 18 février 2020 par le service de la population et des migrants du canton de Fribourg, valable jusqu’au 3 juillet 2021, en vue de développer en Suisse les activités de la société C______ SA.

Selon contrat de travail du 13 janvier 2020, il avait été engagé comme CEO (chef executive officer) de cette société, dès le 1er mars 2020, pour un salaire annuel de base de CHF 200'000.-.

4.             Son épouse, Madame E______, ressortissante chinoise née le ______ 1985, est l’administratrice unique de A______ SA.

5.             M. D______, son épouse et leurs deux enfants sont arrivés en Suisse en juillet 2020.

6.             La société C______ SA avait pour but « toutes activités dans le domaine de la restauration aérienne, notamment production et distribution de repas et boissons, et autres prestations de services à bord; importation, exportation et commercialisation de tous types de marchandises; gestion du patrimoine des actionnaires; investissement dans tous types d'actifs à l'étranger exclusivement ; l'exploitation de restaurants, cafés et bars et toute activité dans le domaine de la restauration. Elle pouvait en outre effectuer toutes les opérations qui se rapportaient directement ou indirectement à son but social et qui favorisent ou facilitent son développement ».

7.             L'activité présentée selon le business plan de C______ SA en 2019, approuvé par le canton de Fribourg portait sur l'import-export en relation avec l'aviation de ligne (airline catering) et la gestion du groupe (holding).

8.             Dans sa décision 25 février 2020 d’approbation de la décision préalable des autorités fribourgeoises du 18 février 2020, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a précisé que la prolongation de ladite autorisation, après douze mois, ne pourrait être accordée que s'il était démontré dans un rapport d'activité complet que les objectifs prévus (chiffre d'affaires, bénéfice, création d'emplois, etc.) avaient été atteints.

9.             Le 19 mai 2021, sous la plume de son mandataire, M. D______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations de Genève (ci‑après : OCPM), son lieu de domicile, une demande de renouvellement de son autorisation de séjour avec activité lucrative. A cette occasion, il a produit le formulaire K ad hoc dûment complété par C______ SA à Fribourg.

10.         Par courriel du 19 juillet 2021, l’OCPM lui a répondu qu’il avait transmis cette demande au service de la population et des migrants du canton de Fribourg, pour raison de compétence, le lieu d'activité de la société se trouvant alors à Fribourg.

11.         Par courriel du 23 décembre 2022, A______ SA a informé l'OCPM (par l'intermédiaire de son mandataire) que la société avait créé une succursale à Zürich en 2021.

12.         Par courriel du 3 janvier 2023, l'OCPM a alors transmis la demande à l'office des migrations du canton de Zürich pour décision préalable relative au marché du travail, le lieu d’activité de la requérante se trouvant désormais à Zürich.

13.         Malgré des relances de l'OCPM des 2 mars et 18 avril 2023, les autorités compétentes zurichoises n'ont pas statué sur cette demande.

14.         Par courriel du 5 mai 2023, l'OCPM a contacté Mme E______ pour l'informer que, suite à leur discussion téléphonique, il apparaissait que l'activité lucrative de la société avait en fait lieu dans le canton de Genève. Il a sollicité la remise du formulaire K complété et une lettre de motivation.

15.         Sur relance de l’OCPM, Mme E______ a produit le formulaire K dûment rempli le 12 juin 2023 en faveur de M. D______ en qualité de directeur de A______ SA. Aucune lettre de motivation n’était jointe.

Selon ce formulaire K, M. D______ a déposé une demande de prolongation de son autorisation de séjour, pour une activité en qualité de directeur de l'entreprise A______ SA, au salaire mensuel de CHF 16'667.-, dès le 1er mars 2020.

16.         Le jour même, l'OCPM a transmis le dossier de A______ SA à l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) pour décision préalable relative au marché du travail.

17.         Par courrier du 19 juin 2023, l’OCIRT a demandé à la requérante de lui fournir des informations complémentaires, telles que la preuve du développement de la société conformément au business plan 2019, la démonstration de l'intérêt économique qu'elle représentait actuellement pour le canton, une lettre de motivation de l'employeur, des explications concernant le lieu de travail, le curriculum vitae et les diplômes de M. D______ ainsi que ses comptes et bilans des trois dernières années.

18.         Dans sa réponse du 17 juillet 2023, A______ SA a, par l'intermédiaire de son mandataire, expliqué à l’OCIRT que l'activité prévue dans son business plan de 2019 avait été suspendue, notamment en raison de coûts trop élevés. En pleine crise COVID, la société avait décidé d'acheter un restaurant à Zürich en décembre 2020, qu’elle avait revendu en mars 2023 sans jamais avoir pu l’ouvrir. Enfin, le 1er mars 2023, la société avait été déplacée de F______ (Fribourg) à G______ (Genève). Selon un nouveau business plan, celle-ci n'était plus active dans le café, mais envisageait désormais d'ouvrir une boutique à Genève et d'exporter du chocolat suisse en Chine. La société prévoyait d’embaucher un ou deux assistants en 2023 et deux vendeurs supplémentaires en 2024. En 2025, elle planifiait d’employer six personnes, dont M. D______ et son épouse. Selon une estimation basée sur la moyenne du marché, une chocolaterie genevoise pouvait vendre quatre tonnes de chocolats par an. L’objectif de la société était d’en vendre cinq à dix tonnes en 2024-2025.

Par ailleurs, M. D______ était le seul actionnaire de A______ SA.

19.         Par courriel du 18 juillet 2023, l’OCIRT a demandé à A______ SA des informations complémentaires pour éclaircir certains éléments peu clairs et sollicité des pièces complémentaires (comptes prévisionnels 2023-2026, informations sur la boutique, informations sur la nature des emplois créés, source de revenus et tout autre élément permettant de démontrer l'intérêt économique de la demande).

20.         S’en sont suivis de nombreux échanges de courriels entre A______ SA et l'OCIRT.

21.         Le 11 août 2023, A______ SA a fourni les informations sollicitées. Elle prévoyait notamment d'engager un vendeur pour la boutique, un « représentant des ventes » et un assistant de bureau soit trois à quatre employés après quatre ans. Le chiffre d'affaires prévisionnel après quatre ans était de CHF 500'000.- et la masse salariale de CHF 300'000.-.

22.         Par décision du 30 août 2023, l’OCIRT, après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée, au motif que la condition de l'art. 19 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n'était pas remplie.

La demande en vue de l'exercice d'une activité lucrative indépendante ne présentait pas un intérêt économique suffisant. En effet, conformément aux directives du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), un ressortissant d'Etat tiers pouvait être admis à l'exercice d'une activité indépendante s'il était prouvé que le marché suisse du travail tirerait durablement profit de l'implantation. Tel pouvait être le cas lorsque l’entreprise contribuait à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtenait ou créait des places de travail pour la main d'œuvre locale, procédait à des investissements substantiels et générait de nouveaux mandats pour l'économie helvétique. Or, en l'espèce ces conditions n'étaient pas réalisées. En outre, les autres conditions d'admission de la LEI n'avaient pas été examinées et demeuraient réservées. De plus, l'employeur n'était pas en règle avec l'administration fiscale cantonale (impôt à la source).

23.         Le 29 septembre 2023, sous la plume de M. D______, A______ SA a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal), concluant à ce que l’autorité intimée reconsidère sa position et juge son dossier équitablement « et non comme un vieux cas sans aucune chance ou considération après un silence de deux ans ».

Ses mandataires successifs lui avaient mal expliqué les exigences légales requises et elle souhaitait désormais s’expliquer directement.

Après avoir rappelé les qualifications et le parcours professionnel de M. D______, elle a précisé que son projet initial, décrit par le business plan de 2019, année de sa fondation, était d’importer du café de H______ (Chine) en Europe via la Suisse. Suite à la pandémie de Covid en 2020, les activités du groupe dans l’aviation de ligne avaient cependant été mises à terre.

Elle avait alors décidé, courant 2020, d’acheter un restaurant à Zurich, qui devait servir de showroom haut de gamme et de point de vente pour le café et ses produits dérivés. Cependant, dès cette acquisition, des contraintes et problèmes étaient apparus et bien qu’elle ait investi CHF 3'000'000.- dont CHF 600'000.- environ de loyers, et engagé quatre personnes, en plus du poste de M. D______, il s’était avéré que l’immeuble du restaurant n’était pas conforme à l’exploitation d’un établissement public en raison d’un défaut de ventilation. Après un bref litige avec son bailleur, elle avait alors décidé de vendre son restaurant en décembre 2002, et avait dû licencier quatre employés locaux et une assistante à temps partiel.

Son projet - approuvé - avait toujours été en lien avec la restauration du secteur aérien et l’import-export. Avec la pandémie, elle avait été triplement touchée par les ruptures des chaînes d’approvisionnement, les mesures de confinement en Suisse et la crise dans le secteur de l’aviation de ligne. Elle avait lourdement investi pur faire démarrer son activité et tenir son plan initial, mais avait fait face à un contexte exceptionnel, sans compter sur les difficultés créées par les autorités locales. Compte tenu de ces éléments, l’autorité ne pouvait retenir qu’elle n’avait pas fait d’efforts ni réalisé des investissements réels pour développer son modèle d’affaires.

Elle avait en outre été confrontée à l’absence de réponse à sa demande de renouvellement d’autorisation de séjour du 19 mai 2023 en faveur de M. D______ pendant plus de deux ans, empêchant ce dernier de se déplacer en Europe et limitant la société dans son développement d’import-export européen. La société avait alors été déplacée à Genève où résidait M. D______. Dans ces circonstances, il lui paraissait contradictoire de la juger sur un business plan d’import-export en Suisse alors que M. D______, qui devait réaliser les objectifs de ce business plan, n’avait pas pu voyager en Europe, du fait de la procédure administrative en cours.

L’impôt à la source non payé était un oubli et avait été réglé depuis. Elle était donc en règle et n’avait pas de poursuites.

Par rapport au business plan initial, les investissements avaient été réalisés et la fortune familiale de M. D______ avait été amenée en Suisse, comme prévu, de sorte que ses impôts étaient payés en Suisse.

Le confinement ayant été levé en Chine fin décembre 2022 et les vols de ligne ayant repris en 2023, M. D______ avait utilisé ses ressources pour relancer les activités de A______ SA. Cependant, la situation commerciale sur le marché du café ayant drastiquement changé en raison de la pandémie, il n'était pas profitable dans l'immédiat d'exporter du café vers la Suisse et l'Europe via des intermédiaires. Cela faisait toujours partie de ses objectifs, mais à ce stade et depuis le déconfinement en 2023, elle avait focalisé son activité sur le deuxième axe présenté dans le business plan de 2019, à savoir l'exportation de produits régionaux suisses vers la Chine, activité qui représentait un intérêt pour l'économie suisse. Pour ce faire, elle avait passé un contrat de partenariat stratégique avec I______ (cf. annexe 11), société partenaire de longue date. Cette société servait les passagers transitant par les aéroports du H______ (six grands aéroports), ce qui représentait un flux actuel (post pandémie) de 8 mio de passagers par jour. Le premier produit considéré était le chocolat suisse, de renommée internationale. Cherchant des produits de qualité, la I______ avait accepté un prix de CHF 0,35 par 10 grammes, ce qui représente CHF 35.-par kilo. Un tel prix était réaliste et lui laissait une marge convenable. Elle effectuait à ce stade un travail important de sélection du produit, de conception d’emballage et d’exportation, dans l’espoir de pouvoir envoyer les premiers lots en Chine avant la fin 2023. A terme et pour développer l'exportation, d'autres produits, tels que du vin, étaient aussi en discussion. Le contrat avait été spécifiquement négocié pour laisser la place à une expansion rapide des produits à l'export (cf. annexe 11) et d'autres sociétés de distribution en Chine, partenaires du groupe, avaient manifesté de l'intérêt pour le chocolat et les produits suisses.

Pour le tissu économique suisse, cela représentait une opportunité de toucher des consommateurs dans le cadre d’achats effectués en vol ou dans les aéroports. Dans ce contexte, l’ouverture d’une boutique avait une importance stratégique.

Le projet n'était pas simplement d'ouvrir un magasin à Genève mais bien de soutenir et de réaliser la partie « import-export » du business plan de 2019. En particulier, elle pourrait inviter ses partenaires, des influenceurs et ses clients à venir dans le magasin suisse, pour attester de la véracité de la provenance du produit et pour les acheter. Cela contribuerait aussi à la vitalité de l'économie genevoise et du tourisme dans la ville. Ce point de vente servirait également de showroom et de point de distribution de la société pour son café du H______. Par ailleurs, au-delà de l'aspect stratégique, tous les revenus apportés par l'exploitation de ce lieu de vente amélioreraient encore les finances de la société. Enfin, il était important pour elle de pouvoir réaliser ses investissements dans le même canton pour que son dossier puisse avancer correctement et le permis de M. D______ être renouvelé régulièrement.

Pour rappel, elle estimait pouvoir créer des postes de travail durables en Suisse du fait de l'activité d'import-export, en particulier quatre emplois en vente ou d'import-export en plus du poste de M. D______, lequel espérait en outre pouvoir compter sur l'aide de son épouse.

Elle sollicitait un délai supplémentaire pour présenter un business plan révisé complet afin de décrire les ajustements à son projet.

A l’appui de son recours, elle a produit plusieurs pièces notamment des documents concernant l'import de café, des photos de l'établissement à Zurich, des copies de sa correspondance avec les autorités genevoises et des documents fiscaux.

24.         Le 30 novembre 2023, l'administration fiscale cantonale a confirmé à l’OCIRT que la société A______ SA ne faisait plus l'objet d'une réserve en lien avec l'impôt à la source.

25.         Dans ses observations du 1er décembre 2023, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

A titre liminaire, le fait que M. D______ ait bénéficié d'une autorisation de séjour (permis B) du 4 juillet 2020 au 3 juillet 2021 ne lui conférait aucun droit quant à une prise d’activité. Il devait donc être considéré comme un nouveau demandeur d'emploi. Le fait d’être l’actionnaire unique de la recourante ne lui donnait pas plus de droit. Il convenait par ailleurs de tenir compte du fait que l'intéressé avait initialement obtenu une autorisation de séjour dont le renouvellement était conditionné à l'atteinte de résultats. Cette autorisation ne pouvait donc en aucun cas être prolongée sans nouvelle décision relative au marché du travail. Or, in casu, les résultats annoncés n'avaient jamais été atteints et la société avait connu des pertes (résultats nets de CHF -262'255.26 en 2020 et CHF -647'058.- en 2021).

Il avait donc examiné si le nouveau projet de la recourante pouvait représenter un intérêt économique suffisant pour justifier la prise d'une nouvelle unité du contingent cantonal.

En l’occurrence, la recourante proposait d'exporter du chocolat suisse et d’ouvrir une boutique à Genève. Or, une recherche au registre du commerce avec le terme «  chocolat » montrait qu'il existait déjà vingt-deux entreprises actives dans ce domaine à Genève. Par ailleurs, le marché de l'exportation de produits chocolatiers était en général déjà occupé par les fabricants eux-mêmes qui exportaient directement leurs produits à l'étranger. La recourante proposait donc un service qui semblait être déjà suffisamment fourni sur le canton.

En outre, elle indiquait vouloir créer quatre places de travail au total d'ici 2026 (en plus du poste de M. D______) et que la masse salariale allait évoluer de CHF 50'000.- / 90'000.- en 2023 à CHF 300'000.- en 2026. Ces prévisions étaient modestes et insuffisantes pour permettre l'octroi d’une autorisation avec activité lucrative indépendante dans le canton de Genève en raison principalement de l'exiguïté du contingent cantonal.

Quant aux investissements substantiels, la recourante indiquait avoir investi CHF 3'000'000.- dans ses différents projets en Suisse sans fournir d’élément probant.

Concernant les nouveaux mandats pour l'économie helvétique, la recourante n'avait pas indiqué qu'elle comptait en créer de nouveaux hormis l'achat de chocolat suisse.

Les chiffres présentés s'agissant du chiffre d'affaires prévisionnel (CHF  100'000.- la première année, CHF 300'000.- la deuxième et troisième année et CHF 500'000.- la quatrième année) étaient insuffisants pour reconnaître un intérêt économique, compte tenu notamment de l'exiguïté du contingent canton (92 permis B en 2023). Au vu de ce nombre limité, la commission tripartite pour l'économie était contrainte de rester attentive et de ne retenir que les demandes qui se démarquaient concrètement par le fort intérêt économique qu'elles représentaient. Cet intérêt économique important pouvait notamment se déduire du nombre d'emplois que l'engagement en question permettait de créer, des retombées fiscales qu'il engendrerait, par le domaine d'innovation ou encore du type d'activités capables d'insuffler un élan positif à l'économie genevoise. Or, en l'espèce, le projet ne se démarquait pas par un fort intérêt économique pour le canton.

Il ignorait pour quelles raisons les autorités fribourgeoises (et ensuite zurichoises) n'avaient pas rendu de décision concernant la demande de renouvellement, malgré de multiples sollicitations et relances. Il n’avait pas non plus obtenu de réponse à ses messages, étant précisé qu’il avait quant à lui traité la demande avec la plus grande célérité. Il ne devait pas être tenu responsable des problèmes de communication avec les autorités d'un autre canton.

Enfin, il était faux et choquant de lire qu’il n'aurait pas cherché à poser des questions ou à comprendre la demande. La recourante avait eu de multiples occasions de présenter son projet. Toutefois, ce dernier ne présentait pas un intérêt suffisant.

26.         Dans le délai prolongé au 26 février 2024, la recourante, sous la plume d’un conseil, a complété les conclusions de son recours, sollicitant préalablement l’audition de Monsieur J______, employé auprès du service de la population et des migrants du canton de Fribourg, de M. D______ et de son épouse, Mme E______. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise et au renvoi du dossier à l’autorité intimée pour nouvelle décision ; subsidiairement, elle a conclu à la reformation de la décision attaquée et à ce qu’un délai lui soit accordé pour produire tous compléments sollicités par l’OCIRT.

Après deux ans d'attente, l'autorité intimée avait traité sa demande de renouvellement du 19 mai 2021 comme une nouvelle demande, portant sur le seul export de chocolat, et l’avait préavisée négativement. Ce faisant, elle n’avait pas tenu compte de l'investissement réalisé, du fait que les autorités des autres cantons avaient empêché M. D______ de mener l'implantation à bien, ignoré la directive du SEM préconisant une autorisation de deux ans pour la période initiale de création et ignoré l'intérêt économique global du projet, procédant d'une constatation erronée des faits et violant l'interdiction de l'abus de droit.

En substance, faute de permis de séjour, M. D______ avait quitté la Suisse le 28 août 2022 pour la Chine afin d’y poursuivre le développement de A______ SA. Il n’avait pas pu revenir en Suisse ni en Europe et cela avait gravement impacté le développement de la société.

Il ressortait en outre de la présente procédure que les autorités de Genève (lieu de domicile de M. D______), Fribourg (lieu du siège de la société) et Zurich (lieu du show-room) s’étaient renvoyé le dossier sans décider laquelle d'entre elles devait le traiter. Début 2023, M. J______ lui avait « conseillé » de déplacer son siège à Genève si elle souhaitait que la procédure de renouvellement de l’autorisation de séjour de M. D______ aboutisse, ce qu’elle avait fait le 6 mars 2023. Se saisissant alors de la demande de renouvellement du 19 mai 2021, l’OCIRT l’avait traitée à tort comme une nouvelle demande. Le fait qu’elle ait soumis un nouveau business plan n’y changeait rien.

La condition de prolongation du permis de séjour de M. D______, vu la période initiale de deux ans de création d'entreprise, était réalisée. Le précité étant arrivé le 4 juillet 2020 au bénéfice d'un business plan présenté en 2019, son permis de séjour aurait déjà dû être prolongé en application des directives du SEM, qui prévoyaient que les autorisations pour création d’entreprises étaient délivrées pour deux ans (directives LEI, 4.7.2.2).

Malgré le non-renouvellement du permis de séjour de M. D______, elle avait en outre persisté dans sa tentative de développement en Suisse et poursuivi la construction de son showroom à Zurich, dépensant 1 mio de CHF alors que le business plan de 2019 prévoyait un tel investissement sur trois ans. Les chiffres d'affaires 2020 et 2021 avaient été impactés par les restrictions de voyages dus à la pandémie et les investissements et de dépenses dans le show-room. Son projet d’implantation en Suisse demeurait néanmoins d’un intérêt certain. En termes de création d’emploi notamment, le business plan initial de 2019 prévoyait six emplois durant les trois premières années et cet objectif demeurait actuel. De plus, le business plan révisé de juillet 2023 ne portait que sur la partie « chocolat » de l'import-export, et non sur les autres produits. Or, elle entendait développer l'import-export en lien avec l'aviation de ligne (airline catering). Les prévisions pour la partie « exportation de chocolats » se basaient sur les volumes d'un seul partenaire, sans tenir compte d'autres sources d'approvisionnement ni de l'éventuelle création d'un laboratoire en vue d'augmenter les volumes exportés. En effet, à ce stade, c'était essentiellement la production qui freinerait l'exportation (et non pas la demande étrangère). Son activité était effective et, en 2023, elle avait décroché un contrat de fourniture stratégique de chocolats auprès de la I______., Ltd. Ce contrat pourrait représenter un chiffre d'affaires annuel de CHF 17.5 mio pour la société. En raison de l’absence de M. D______, elle n’avait cependant pas pu confirmer les ordres d'achats ni commencer à fournir ses produits, qui devaient répondre à des normes très spécifiques. En 2024, elle avait également décroché un contrat de fourniture durable de vins auprès de K______ Ltd. (pièce 31) portant sur un volume de 2'500 bouteilles de vins ou spiritueux par mois, mais au moins 30'000 bouteilles par an pour un montant de RMB 5'000'000 (environ CHF 623’000.-). L’exécution de ce contrat avait débuté et, en février 2024, elle avait acquis et exporté 2'400 bouteilles de vin pour un montant avoisinant les CHF 100'000.-. La première expédition avait déjà eu lieu selon la packing list (pièce 32).

Il ressortait en outre des extraits bancaires relatifs aux dépenses qu’elle avait effectuées, qu’elle avait d’ores et déjà procédé à des investissements substantiels d’environ CHF 2'300'225.- sur la période de 2019 à 2023, principalement en lien avec la création du show-room zurichois. Les comptes 2022 n'avaient pas encore pu être établis en raison du congé maternité de la comptable. La réalité des sommes investies était incontestable au vu des montants établis par décomptes bancaires (CHF 2'300'225.35 entre 2020 et 2023 ; pièce 29), des loyers du showroom (sans coûts des travaux) s'élevant mensuellement à CHF 19’113.00 payés entre janvier 2021 et juin 2023 représentant CHF 573'390.-. Au demeurant, la fortune de M. D______ déclarée à Genève était de CHF 19'462'218.-, ce qui suffisait à démontrer les moyens financiers.

A ce jour, la société demeurait active dans l'import-export et souhaitait toujours développer cette activité depuis la Suisse vers les marchés européens et chinois. Elle avait mis en place un réseau de distribution dont elle recevait aujourd’hui des commandes régulières. Il n'avait jamais été question de simplement ouvrir un «café », un « restaurant » ou une « boutique » de chocolat mais plutôt de positionner de manière crédible un produit suisse, cher mais d'une qualité premium, sur un segment de luxe. Pour cela, il fallait que ces produits soient (également) disponibles dans des points de vente en Suisse sans quoi ils étaient invendables comme produits suisses sur les marchés chinois. Compte tenu des contrats déjà existants, elle pourrait atteindre un volume d’affaires avoisinant les CHF 1'000’000.- si M. D______, son CEO, pouvait séjourner en Suisse. L'entreprise avait en effet besoin de son CEO pour soutenir le développement de l'activité, la rendre crédible, ainsi qu'organiser et engager du personnel afin que les exportations puissent être réalisées. Ce dernier avait en outre payé des impôts importants à Genève.

Enfin, se posait la question de savoir si l'autorité intimée ne procédait pas d'un certain « agacement » du fait de devoir se prononcer sur une situation résultant d'un manquement d'un homologue cantonal, ce en lien avec la protection de son contingent cantonal, décrit comme extrêmement exigu. Par ailleurs, la question d'un éventuel recours pour déni de justice ne s’était pas posée en l'espèce, l’OCPM ayant toujours indiqué transmettre les demandes aux autorités cantonales compétentes et revenir vers la recourante, laquelle pouvait de bonne foi se fier à ces indications. Par son absence de réponse, l'administration avait causé l'échec du projet et la non-atteinte des objectifs conditionnant le renouvellement de l'autorisation de séjour de M. D______. Elle ne pouvait donc refuser dite prolongation aujourd'hui pour le même motif.

A l’appui de ses écritures, elle a produit un chargé des pièces, dont le business plan de 2019, le curriculum vitae de M. D______, une copie de la décision du 18 février 2020 du service de la population et des migrants du canton de Fribourg, une copie du contrat de travail conclu avec M. D______ le 13 janvier 2020, son bilan 2020, ses comptes annuels au 21 décembre 2021, son business plan pour 2023-2025, une copie du contrat (en anglais) conclu avec I______ le 15 mars 2023, un extrait de la feuille officielle du commerce (FOSC) relatif à la mutation de A______A SA du 6 mars 2023, une copie du contrat de fourniture de vins conclu avec entre K______ Ltd. le 2 janvier 2024 et des factures d’achats et packing list d’exportation.

27.         Le 1er mars 2024, la recourante a déposé auprès du greffe du tribunal seize classeurs contenant des pièces comptables et fiscales pour la période 2019-2023 en vue de démontrer qu’elle avait réellement développé une activité, jusqu’à ce jour, sur la base de l’autorisation initiale et qu’elle continuait de le faire.

La comptabilité 2022 et 2023 était en cours d’établissement et serait produite dès que possible.

28.         Le 13 mars 2024, la recourante a encore fait parvenir des pièces complémentaires au tribunal, notamment son bilan 2022 (profits de CHF 999'442.- en 2022 et pertes de CHF 647'058.- en 2021), son bordereau de taxation (2020), le bordereau de taxation de M. D______ et des factures relatives à la présence des enfants D______ en Suisse.

29.         L’OCIRT a dupliqué le 25 mars 2024, persistant intégralement dans ses conclusions et observations du 1er décembre 2023.

La demande d’autorisation en faveur de M. D______ avait été déposée à Genève le 12 juin 2023. Par la suite plusieurs échanges avaient eu lieu avec la recourante afin de compléter le dossier qui était lacunaire. Finalement, il avait pu rendre une décision le 30 août 2023, suite à une instruction scrupuleuse et objective du dossier.

Le business plan 2023 ainsi que le courrier du 17 juillet 2023 de la recourante, faisaient exclusivement état d'une activité dans l'achat et l'exportation de chocolat, avec l'ouverture d'un magasin à Genève. Ce business plan avait été élaboré par la recourante elle-même, étant souligné qu’elle devait bien se douter de l'importance de cette pièce dans l'analyse du dossier par l'intimée. Son changement de nom était aussi un indice de son changement d'activité.

De plus, son but avait été modifié lors du changement du siège à Genève. Or, selon le business plan fourni en 2023 ce qui était vendu en ligne avait trait à la vente de chocolat. Le projet exposé n'avait donc plus de lien avec le projet initial de 2019 pour lequel la recourante avait reçu une autorisation de travail sur le contingent du canton de Fribourg (activité import-export de café) valable douze mois. Il ne pouvait donc pas traiter la demande comme un renouvellement de permis de travail mais avait quand même examiné les documents et l'avancée de l'activité ouverte en 2019 afin d'avoir une vue complète de la situation. A cet effet, il avait demandé la preuve du développement de la société et la démonstration de l'intérêt économique qu'elle représentait, à l'époque du dépôt de la demande, pour le canton.

Pour le surplus, à teneur du dossier, Mme E______ s'occupait de la société recourante depuis la Suisse et élevait seule les deux enfants du couple, M. D______ étant parti en 2022. Or, Mme E______ et ses deux enfants étaient dépourvus de titre de séjour. Il en résultait que la précitée avait mené des activités pour le compte de la recourante alors qu'elle n'était pas autorisée à travailler en Suisse, ni d’ailleurs à y résider.

30.         Par écritures spontanées du 8 avril 2024, la recourante s’est déterminée sur la replique de l’autorité intimée, reprenant des arguments déjà invoqués dans ses écritures précédentes.

Ses dépenses et gains annuels en Suisse ainsi que les retombées fiscales de la fortune de M. D______ à Genève étaient profitables à l’économie locale et représentaient un intérêt économique certain pour Genève.

Suite à l’absence prolongée de M. D______, Mme E______ avait eu des poblèmes de santé ayant entrainé une intervention chirurgicale du col de l’uterus et leur fils âgé de onze ans avait dû commencer à une suivre une psychothérapie.

Elle a produit un chargé de pièces complémentaires, dont ses comptes 2022, les bordereaux de taxation de M. D______ pour 2020 et 2021 ainsi que des documents medicaux pour Mme E______.

31.         Par pli du 11 avril 2023, la recourante a encore produit des attestations médicales en lien avec les allégations de ses écritures du 8 avril 2024.

32.         Par courrier du 3 juin 2024, le tribunal a invité l’autorité intimée à se déteminer sur certains documents produits par la recourante, notamment le contrat avec I______ (pièce 11), le contrat conclu avec K______ Ltd. (pièce 31) et le dernier bilan de la société (pièce 34).

33.         Par courrier du 3 juin 2024, la recourante a informé le tribunal qu’elle renonçait aux services de son mandataire constitué dans la présente procédure, et qu’elle serait désormais représentée directement par Mme E______.

34.         Par écritures du 25 juin 2024, l’OCIRT s’est déterminé sur les pièces précitées. Ses arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

A cette occasion, il a produit un bordereau de pièces complémentaires, dont un extrait du registre du commerce genevois de la société « L______ Sàrl », inscrite le 5 décembre 2022, ayant son siège 2______ G______ (Genève), dont l’associée gérante, avec signature individuelle, était Mme E______.

Cette société avait un but presque identique à celui de la recourante, lequel avait été modifié le même jour (le 31 janvier 2023) que celui de A______ SA, cette dernière reprenant l'ancien but de la société « M______ Sàrl ». Il relevait pour le suplus que Mme E______ était associé gérante de cette denrière société alors qu’elle était dépourvue d’autorisation de travail, en violation présumée des art. 115 ss LEI.

35.         Le 18 juin 2024, sous la plume de Mme E______, la recourante s’est déterminée sur les observations de l’OCIRT, reprenant en substance les arguments déjà invoqués dans ses écritures précédentes.

La société « L______ Sàrl » avait été créée en stricte conformité avec le droit suisse et dans le but de « cultiver l’activité de commerce électronique de la société A______ ». En raison des « erreurs » de l’OCIRT, il était très difficile à Mme E______ de s’occuper des enfants et de gérer l’entreprise, de sorte que sa famille était menacée d’éclatement. A ce jour, les investissements réalisés en Suisse, de plus de CHF 3'000'000.- n’avaient pas été récupérés. Néanmoins, la société avait « tenu bon dans des circonstances extrêmes », vu l’absence de M. D______, et quand même réalisé un chiffre d’affaires de CHF 270'895,37 durant les cinq premiers mois de 2024.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ  - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités). En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3).

7.             Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

8.             A titre préalable, la recourante sollicite l’audition de Mme E______, de M. D______ et de M. J______, employé auprès du service de la population et des migrants du canton de Fribourg.

9.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.1), celui d'avoir accès au dossier, celui d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 140 I 60 consid. 3.3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2014 du 16 octobre 2015 consid. 4.2 ; ATA/1296/2015 du 8 décembre 2015). Il ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/311/2015 du 31 mars 2015). Dans une procédure initiée sur requête d'un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents il n'a donc pas un droit à être encore entendu avant que l'autorité ne prenne sa décision afin de pouvoir présenter des observations complémentaires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, p.509 s n. 1528 ss,).

10.         Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion (arrêts du Tribunal fédéral 2C_235/2015 du 29 juillet 2015 consid. 5 ; 2C_1073/2014 du 28 juillet 2015 consid. 3.1) ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/1296/2015 précité). Ce droit ne confère enfin pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; ATA/1052/2019 du 18 juin 2019 consid. 3a).

11.         En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la présente procédure, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués. L’autorité intimée a également répondu à ses écritures, se prononçant sur les griefs qu’elle estimait pertinents pour l’issue du litige et la recourante a eu l’occasion de répliquer. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition de Mme E______ et de M. D______. Pour le surplus, les faits que la recourante entend prouver par l’audition de M. J______ ont trait à la procédure qu’elle a menée auprès du service de la population et des migrants du canton de Fribourg et ne sont donc pas pertinents pour l’issue du présent litige. 

Par conséquent, les mesures d’instructions sollicitées, en soi non obligatoires, seront rejetées.

12.         L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés.

13.         Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/4418/2019 du 23 mars 2021, consid.10b; ATA/185/2020 précité consid. 2b).

14.         Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b).

15.         Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

16.         Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant, notamment si le recourant agit en personne. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2 ; ATA/1790/2019 du 10 décembre 2019 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019).

17.         Pour y satisfaire, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi et pourquoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision attaquée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4) et le recourant doit se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d'examen de l'autorité de recours (ATA/32/2010 du 19 janvier 2010). Une brève motivation est suffisante, à condition toutefois que les motifs avancés se rapportent à l'objet de la contestation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.143/2005 du 21 avril 2005). Encore faut-il que cette motivation soit topique, à savoir qu'il appartient au recourant de prendre position par rapport à la décision attaquée et d'expliquer en quoi et pourquoi il s'en prend à celle-ci (ATA/596/2011 du 20 septembre 2011 consid. 5 ; ATA/32/2010 du 19 janvier 2010 et les références citées). Il serait contraire au texte même de la loi de renoncer à ces exigences minimales (ATA/239/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/173/2004 du 2 mars 2004).

18.         L’absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions (art. 65 al. 4 LPA ; ATA/342/2015 du 14 avril 2015 consid. 2b ; ATA/959/2014 du 2 décembre 2014 consid. 11b ; ATA/197/2013 du 26 mars 2013 consid. 6 ; ATA/294/2009 du 16 juin 2009 consid. 6 ; ATA/133/2012 du 13 mars 2012 consid. 2 ; ATA/118/2006 du 7 mars 2006 consid. 2 ; ATA/19/2006 du 17 janvier 2006 consid. 1).

19.         La juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires (art. 74 LPA).

20.         Le mémoire de réplique ne peut toutefois contenir qu'une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; ATA/773/2022 du 9 août 2022 consid. 2b ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 n. 927).

21.         Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/434/2021 du 20 avril 2021 consid. 1b ; ATA/467/2020 du 2 mai 2020 consid. 3c).

22.         En l'espèce, dans son acte intitulé « Révision et recours » la recourante qui n’était pas représentée par un avocat, n’a pas formellement pris de conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée, se limitant à requérir que l’OCIRT reconsidère sa position et que le tribunal juge équitablement son cas. Ce faisant, elle a cependant implicitement conclu à ce qu’une nouvelle décision soit rendue, à ce qu’une autorisation de séjour soit délivrée à M. D______ et par conséquent à ce que la décision entreprise soit annulée.

Cela étant, la recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que la présente procédure concerne une demande de renouvellement de l’autorisation de séjour de M. D______ et non une nouvelle demande. En effet, comme indiqué dans la partie en fait, le précité a obtenu une autorisation de séjour le 18 février 2020 dans le canton de Fribourg, basée sur un business plan de 2019 (en lien avec le commerce de café), dont le renouvellement était conditionné à l'atteinte de résultats. Cette autorisation ne pouvait donc être prolongée sans nouvelle décision relative au marché du travail. Or, il n’est pas contesté que les résultats annoncés par la recourante n'ont jamais été atteints et que la société a connu des pertes. En 2023, la recourante a modifié sa raison sociale et ses statuts, puis déplacé son siège dans le canton de Genève où elle a sollicité la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. D______, produisant à l’appui de sa demande une nouveau business plan daté de 2023 (en lien avec le commerce de chocolat). Dans ces circonstances, l'intimée a analysé à juste titre si le nouveau projet de la recourante pouvait représenter un intérêt économique suffisant pour justifier la prise d'une unité du contingent cantonal genevois. On ne se trouve donc manifestement pas dans le cas de figure du renouvellement de l’autorisation délivrée dans le canton de Fribourg le 18 février 2020, arrivée à échéance le 3 juillet 2021, mais bien dans le cadre d’une nouvelle demande. Enfin, le fait que l'intéressé ait bénéficié d'une autorisation de séjour (permis B) dans un autre canton ne lui confère aucun droit quant à une prise d'activité à Genève. Il doit donc être considéré comme un nouveau demandeur d'emploi.

23.         La recourante conteste le refus de l'OCIRT de délivrer une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante en faveur de M. D______, en qualité de directeur (CEO) de sa société.

24.         Selon l’art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2).

25.         Lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI).

26.         Aux termes de l’art. 83 al. 1 let. a de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), avant d'octroyer une première autorisation de séjour ou de courte durée en vue de l'exercice d'une activité lucrative, l'autorité cantonale du marché du travail décide si les conditions sont remplies pour exercer une activité lucrative salariée ou indépendante au sens des art. 18 à 25 LEI.

27.         La procédure d’obtention d’autorisation est réglée à Genève aux art. 6 al. 1 à 7 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009 (RaLEtr - F 2 10.01).

28.         Selon l'art. 2 al. 1 OASA, qui concrétise l'art. 19 LEI (admission en vue d'une "activité lucrative indépendante"), est considérée comme activité lucrative indépendante toute activité exercée par une personne dans le cadre de sa propre organisation, librement choisie, dans un but lucratif, soumise à ses propres instructions matérielles et à ses propres risques et périls. Cette organisation librement choisie peut être gérée par exemple sous la forme d'un commerce, d'une fabrique, d'un prestataire de service, d'une industrie ou d'une autre affaire (cf. ATF 140 II 460 consid. 4.1.3).

29.         Les définitions de "l'activité lucrative indépendante" utilisées par d'autres autorités dans leurs champs de compétences (impôts, assurances sociales, etc.) n'entrent pas en considération. Est déterminante, en matière migratoire, la définition figurant à l'art. 2 OASA (cf. directives OLCP, ch. 4.1.2).

30.         La jurisprudence a retenu qu'une personne, seule et unique associée d'une société à responsabilité limitée exerce une activité lucrative indépendante (cf. ATAF C-7286/2008 du 9 mai 2011 consid. 6.1). Le tribunal de céans a fait sienne cette appréciation (cf. JTAPI/1109/2013 du 9 octobre 2013). Il a également jugé qu'un associé d'une société à responsabilité limitée détenant dix-huit des vingt parts sociales apparaissait comme le principal acteur de la société, de sorte que son activité équivalait à celle d'un indépendant (JTAPI/1082/2013 du 8 octobre 2013). Il a par ailleurs considéré comme étant de nature indépendante l'activité d'une personne qui était le seul membre présent en Suisse du conseil d'une fondation et qui disposait de la signature individuelle, alors que les deux autres membres étaient domiciliés à l'étranger et qu'ils ne disposaient que d'une signature collective à deux avec elle (JTAPI/1334/ 2013 du 10 décembre 2013).

31.         La jurisprudence fédérale a détaillé la notion d'activité lucrative indépendante sous l'angle du droit communautaire et retenu que les critères permettant de la distinguer de l'activité lucrative dépendante étaient similaires aux critères du droit suisse (ATF 140 II 460 consid. 4.1).

32.         En l'espèce, quand bien même M. D______ a signé un contrat de travail avec la recourante, ce qui fait formellement de lui un salarié de cette société et donc, à première vue, une personne exerçant une activité lucrative dépendante, il convient de retenir qu'il exerce en réalité une activité lucrative indépendante. En effet, dès lors qu'il est l'unique actionnaire de cette société, son activité est déployée dans le cadre exclusif de sa propre organisation. De plus, il travaille à ses propres risques et périls, ne serait-ce que de façon indirecte, puisqu'il est le seul « propriétaire » de A______ SA. Sa demande doit dès lors être analysée sous l’angle de l’exercice d’une activité lucrative indépendante (art. 19 LEI), ce qui n’est au demeurant pas contesté.

33.         Selon l’art. 19 LEI, un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative indépendante aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise sont remplies (let. b) ; il dispose d'une source de revenus suffisante et autonome (let. c) ; les conditions fixées aux art. 20 et 23 à 25 LEI sont remplies (let. d).

Ces conditions doivent être remplies de manière cumulative (cf. arrêts du TAF F-4755/2018 du 27 janvier 2021 consid. 4.3 in fine).

34.         En raison de sa formulation potestative, cette disposition ne confère aucun droit à la délivrance d'une telle autorisation de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 2C_56/2016 du 20 janvier 2016 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; 2C_541/2012 du 11 juin 2012 consid. 4.2) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 ; ATA/1660/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4b).

35.         L'octroi d'une autorisation de travail en vue de l'exercice d'une activité lucrative indépendante ne peut être admis que s'il est prouvé qu'il en résultera des retombées durables positives pour le marché suisse du travail (intérêts économiques du pays). On considère notamment que le marché suisse du travail tire durablement profit de l'implantation d'une entreprise, lorsque celle-ci contribue à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtient ou crée des places de travail pour la main d'œuvre locale, procède à des investissements substantiels et génère de nouveaux mandats pour l'économie suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-968/2019 du 16 août 2021 consid. 5.3.1). Dans une première phase (création et édification de l'entreprise), les autorisations idoines sont délivrées pour deux ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4160/2013 du 29 septembre 2014 ; Minh Son NGUYEN/ Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, Berne, 2017, p. 146 et les références citées ; SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, Séjour avec activité lucrative [Chapitre 4], 2013, état au 1er juin 2024 [ci-après : directives du SEM], ch. 4.3.1, 4.7.2.1 et 4.7.2.2). 

36.         Dans un arrêt du 22 février 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a retenu que les prévisions d’emploi de six personnes à l’horizon 2023 ne pouvaient être considérées comme remplissant la condition de création de places pour la main-d'œuvre locale (ATA/184/2022, consid. 8.g).

37.         La notion d'« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; et les références citées ; ATA/1363/2020 du 22 décembre 2020 consid. 8e ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5d). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/184/2022 du 22 février 2022 consid. 8e et les références citées ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

38.         Selon les directives établies par le SEM, qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré pour autant qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-968/2019 du 16 août 2021 consid. 5.4.2 ; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7b), lors de l’appréciation du cas, il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l’évolution économique durable et de la capacité de l’étranger concerné à s’intégrer. Il ne s’agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (directives du SEM, ch. 4.3.1; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4226/ 2017 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7b).

39.         Afin de permettre à l'autorité d'examiner les conditions financières et les exigences liées à l'exploitation de l'entreprise, les demandes doivent être motivées et accompagnées des documents conformément à la liste de vérification des annexes à fournir (cf. directives du SEM, ch. 4.8.11) et d’un plan d’exploitation. Celui-ci devra notamment fournir des indications sur les activités prévues, l'analyse de marché (business plan), le développement de l’effectif du personnel (plans quantitatif et qualitatif) et les possibilités de recrutement, ainsi que les investissements prévus, le chiffre d’affaires et le bénéfice escomptés. Les liens organisationnels avec d’autres entreprises sont également à indiquer. L’acte constitutif de l’entreprise et/ou extrait du registre du commerce sont à joindre (directives du SEM, ch. 4.7.2.3). L’autorisation doit également s’inscrire dans les limites du contingent fixé par le Conseil fédéral (art. 20 LEI), selon un nombre maximum fixé dans l’annexe 2 OASA, à savoir 92 permis B pour 2023 et 91 permis B pour 2024.

40.         En l’espèce, l'analyse à laquelle a procédé l'OCIRT, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, n'apparaît pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat.

En particulier, sous l'angle de l'art 19 LEI, l'autorité intimée a retenu à juste titre que les arguments développés par la recourante étaient insuffisants pour permettre de considérer que l’admission de sa demande servirait les intérêts économiques helvétiques au sens de la loi et de la jurisprudence.

Tout d’abord, elle n'a pas démontré que son activité, telle qu’annoncée dans le nouveau business plan de 2023 produit à l’appui de la demande - soit l'achat et l'exportation de chocolat, avec l'ouverture d'un magasin à Genève - revêtirait une originalité particulière dans le paysage économique genevois et contribuerait ainsi à sa diversification. Aucun élément au dossier ne permet d'affirmer que l'offre actuelle serait insuffisante à Genève dans ce domaine d'activité, la recherche effectuée par l’OCIRT auprès du registre du commerce en utilisant le terme « chocolat » démontrant au contraire qu'il existe déjà pléthore d’entreprises à Genève, actives dans ce domaine. Par ailleurs l’OCIRT expose, sans être contredit, que le marché de l’exportation de produits chocolatiers est déjà largement occupé par de nombreux fabricant qui exportent eux-mêmes leurs produits à l’étrangers, sans passer par des intermédiaires et qu’il en va de même du commerce et de l’exportation de vins. Par conséquent, faute pour la recourante d’avoir démontré l’existence d’une réelle demande en lien avec son activité et les services qu’elle entend proposer, respectivement développer, le tribunal retiendra que ceux-ci sont déjà fournis en suffisance sur le territoire genevois.

La condition de la création de places de travail ne paraît pas non plus réalisée. La recourante a indiqué qu’elle souhaitait engager quatre à cinq personnes, en sus de M. D______, et que la masse salariale allait évoluer de CHF 50'000.- / 90'000.- en 2023 à CHF 300'000.- en 2026. Or, comme cela ressort de la jurisprudence précitée, de telles prévisions sont modestes et insuffisantes pour permettre l'octroi d’une autorisation avec activité lucrative indépendante dans le canton de Genève, notamment en raison de l'exiguïté du contingent cantonal. On ne saurait dès lors considérer que l'activité de la société et de M. D______, permettrait la création d'un nombre d'emplois significatif qui aurait des retombées positives et durables sur le marché suisse du travail.

Par ailleurs, la recourante n’est pas parvenue à démontrer que les activités déployées permettraient de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse. A cet égard, les retombées fiscales de son activité et l’imposition de M. D______ et de son épouse sont irrelevantes, la soumission des particuliers et entreprises aux taxes fiscales étant une obligation légale qui s’impose à chaque entité/personne concernée. Il doit pour le surplus être relevé que les investissements déjà effectués par la recourante, notamment dans le canton de Zurich, ne lui confèrent aucun droit à obtenir une nouvelle autorisation de séjour avec activité lucrative en Suisse (art. 6 al. 2 OASA) et ce, quel que soit le montant de l’investissement concerné.

S'agissant du chiffre d'affaires prévisionnel, les montants présentés à l’autorité intimée le 4 août 2023, pour les années 2023 à 2026, s'élèvent à environ CHF 100'000.- la première année, CHF 300'000.- la deuxième et troisième année et CHF 500'000.- la quatrième année, montants à nouveau insuffisants pour reconnaître un intérêt économique suffisant au sens de l'art. 19 LEI, compte tenu notamment de l'exiguïté du contingent cantonal.

Concernant le contrat conclu avec I______, le chiffre d'affaires de CHF 17'500'000.- mis en avant par la recourante dans sa réplique ne constitue qu’un montant prévisionnel. Aucuns chiffres détaillés y relatifs n'ont été transmis à l'autorité intimée et ledit chiffre d'affaires est par ailleurs contredit par les prévisions fournies par la société elle-même (chiffre d'affaires de CHF 300'000.- en 2024).

S’agissant du contrat du 2 janvier 2024 conclu avec K______ Ltd. (valable du 1er février 2024 au 31 janvier 2025), également produit au stade de la réplique, il doit être relevé que l’activité de fourniture durable de vins n'était pas indiquée dans le business plan 2023. Quoiqu’il en soit, l’acquisition et l’exportation de 2’400 bouteilles de vin pour un montant avoisinant les CHF  100'000.- n’est pas propre à démontrer un intérêt économique suffisant.

En tout état, l’existence de retombées économiques positives pour la recourante ne suffit pas encore à considérer qu'elles le sont également pour l'économie suisse.

Quant à son allégué qu’elle pourrait atteindre un volume d'affaires avoisinant CHF  1'000'000.- si M. D______ était autorisé à revenir en Suisse, il n'est appuyé par aucune pièce justificative et n'est au demeurant pas cohérent par rapport aux chiffres d’affaires fournis par la recourante le 4 août 2023 (soit CHF 300'000.- en 2024), prévision qui parait plus réaliste au regard des documents versés à la procédure par la recourante, notamment son bilan 2022.

Il convient encore de relever concernant ledit bilan que, bien que réclamé par l’OCIRT par courrier du 19 juin 2023, il n’a été produit qu’avec les déterminations sur la duplique. Il comporte en outre plusieurs irrégularités et/ou erreurs comptables. Ainsi, il ressort des constats de l’OCIRT, que le tribunal fait siens, que les dépenses de CHF  587'752.- mentionnées par la recourante pour l’année 2022 correspondent à l'EBITDA (bénéfice avant amortissements, résultat financier et impôts), qui n’est pas une dépense. De plus, la société utilise le montant de CHF 1'081'264.- relatif à une dette des actionnaires comme « produit d'exploitation » et déduit de ce montant les taxes (CHF 295.- et CHF  41'430.-) ainsi que le « operating profit/loss » (CHF -769'097.) pour obtenir un « profit » de CHF 999'442.-, ce qui n'est pas correct au niveau comptable. En outre, le montant de CHF 1'040'872.- qui selon la recourante correspond au chiffre d'affaires est dû au fait qu’afin d'éviter un état de surendettement, la société a levé la dette d'un montant de CHF 1'810'264.- que les actionnaires avaient contre elle. Cette dette CHF  1'810'264.- devrait donc se trouver dans les « assets » de la société. Dans ces conditions, le bilan 2022 produit par la recourante en cours de procédure n’apparait pas suffisamment probant pour déterminer et a fortiori démontrer l’intérêt économique de la demande.

En conclusion, la délivrance du permis requis servirait en réalité les intérêts privés de la recourante, soit ceux de son actionnaire unique, et non pas les intérêts économiques de la Suisse, conformément à l'exigence de l'art. 19 let. a LEI. En effet, il n'apparaît pas qu'il en résulterait des retombées durables positives pour le marché suisse du travail ou que celui-ci tirerait durablement profit de l'admission de M. D______ par sa contribution à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, la création de places de travail pour la main-d’œuvre locale, des investissements substantiels et de nouveaux mandats pour l'économie helvétique.

Il doit également être relevé que la recourante a indiqué à plusieurs reprises que son activité, notamment l’exécution du contrat conclu avec K______ Ltd avait déjà débuté. Or, Mme E______, à ce jour unique employée (administratrice) de la recourante n’est pas titulaire d’une autorisation de travail, ni de séjour, sur le territoire suisse. La pérennité des activités de la recourante à Genève n’apparait ainsi pas garantie, étant rappelé que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATA/473/2021 du 4 mai 2021).

41.         La première condition cumulative de l'art. 19 LEI n'étant pas réalisée, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres conditions de cette disposition, ni les autres arguments de la recourante, étant rappelé que, compte tenu de l'exiguïté des contingents du canton de Genève, la commission tripartite est contrainte de ne retenir que les demandes qui se démarquent pas un fort intérêt économique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

42.         La recourante critique le déroulement de la procédure (lenteur et absence de réponse à ses demandes durant plus de deux ans). L’autorité intimée ne saurait toutefois être tenue pour responsable des éventuels manquements d’autorités d’autres cantons. L’on relèvera que l'OCIRT a néanmoins tenté à plusieurs reprises d'obtenir des explications et réponses de ces dernières, sans succès.

43.         En dernier lieu, concernant les éléments avancés en lien avec la situation administrative et l’état de santé de Mme E______ et de ses enfants, il convient de rappeler que l'objet du litige porte sur le refus de l'OCIRT de délivrer une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) à M. D______. Il n’y a donc pas lieu d’examiner ici la situation de la famille de ce dernier, cet examen devant le cas échéant faire l'objet d'une demande d’autorisation de séjour propre, traitée par l’OCPM.

44.         Au vu de ce qui précède, l'analyse à laquelle a procédé l’OCIRT, qui dispose en la matière d’un large pouvoir d'appréciation, n'apparaît pas inappropriée ni fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat. On ne peut ainsi admettre que cet office aurait fait un usage excessif ou abusif dudit pouvoir d'appréciation, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l'autorité de décision un pouvoir d'appréciation dans l'application d'une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé viole lui-même le principe de l'interdiction de l'arbitraire (cf. ATF 140 I 201 consid.  6.1 et les références citées).

45.         En conclusion, mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

46.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

47.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 septembre 2023 par A______ SA contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 30 août 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière