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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/695/2024

JTAPI/175/2024 du 29.02.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);ATTEINTE À LA SANTÉ PSYCHIQUE;ÉTAT DE SANTÉ
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.75.al1.leth
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/695/2024 MC

JTAPI/175/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Raffaella MEAKIN, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (aussi connu sous d'autre identités), né le ______ 1989 et originaire d'Algérie, mais dépourvu de document de voyage, est arrivé en Suisse le 20 août 2008. Le 20 septembre 2008, il y a déposé une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, l'intéressé avait été attribué au canton de Lucerne.

2.             M. A______ a été identifié par les autorités algériennes en février 2015.

3.             Entre le 29 mai 2013 et le 20 décembre 2023, M. A______ a été condamné pas moins de sept fois, pour, notamment pour entrée illégale, séjour illégal, dommages à la propriété, violation de domicile, vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), vol par métier (art. 139 ch. 2 CP), vol en bande (art. 139 ch. 3 CP), recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP), délit contre la loi sur les armes, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, tentative d'incendie intentionnel avec dommage de peu d'importance, faux dans les certificats, violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires et lésions corporelles simples, étant précisé que par arrêt du 17 janvier 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève a ordonné la réintégration de l'intéressé dans la mesure institutionnelle, au sens de l'art. 59 CP, prononcée à son endroit le 26 mars 2018 - libéré conditionnellement de cette mesure une première fois, il est sorti de l'établissement fermé Curabilis le 31 août 2021, a rapidement récidivé, en rupture de traitement, et a été à nouveau arrêté puis placé en détention à la Prison de Champ-Dollon le 13 septembre 2021 -, ainsi que son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter.

4.             Par jugement du 13 décembre 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de la mesure institutionnelle à l'encontre de M. A______, avec effet au jour de son expulsion en Algérie, mais au plus tard le 28 février 2024. A titre de règle de conduite durant le délai d'épreuve de cinq ans, l'intéressé s'est vu imposer l'obligation de continuer son suivi psychothérapeutique et médicamenteux. À cet égard, il ressort du jugement précité ce qui suit: «  […] une évolution très favorable a été constatée dès l'introduction du traitement dépôt, étant précisé que le cité accepte mieux ce type de traitement médicamenteux car il n'entrave pas son activité au quotidien. Il peut ainsi envisager de le maintenir à long terme. Lors de la réunion de réseau du mois de septembre 2023, il a été relevé que le maintien du traitement est un élément fondamental de la stabilité psychique du concerné et que le fait que ses parents, qui l'hébergeront, soient conscients de cette nécessité constitue la meilleure garantie qu'il soit suivi dans le temps. Le psychiatre en Algérie a été contacté par la famille du cité et a confirmé être prêt à assurer le suivi du cité. Enfin, la stabilité actuelle de l'intéressé permet de mettre en place ce projet de retour dans de bonnes conditions et d'assurer les meilleures chances de succès à la mise en place du suivi une fois sur place alors qu'un maintien de la mesure n'apporterait pas de plus-value et entraînerait au contraire un risque de péjoration de son état faute de perspective à court terme. Le cité se déclare prêt à retourner en Algérie et poursuivre son traitement dans son pays ».

5.             En date du 28 avril 2023, le Consulat d'Algérie à Genève s'est déclaré disposé à établir un laissez-passer en faveur de M. A______ en vue de son retour dans son pays d'origine et l'intéressé a par ailleurs, le 30 novembre 2023 - alors que l'examen relatif à sa libération conditionnelle était en cours -, signé des déclarations de retour volontaire en Algérie.

6.             Dès l'annonce de la libération conditionnelle de M. A______, les autorités chargées de l'exécution de son expulsion ont procédé à la réservation d'une place sur un vol (DEPA) à destination de l'Algérie, conformément aux indications données par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) dans le cadre des échanges qui ont eu lieu entre les autorités concernées, au mois de novembre 2023 déjà, en vue du rapatriement de l'intéressé.

7.             La délivrance d'un certificat médical d'aptitude au rapatriement par voie aérienne étant nécessaire afin d'obtenir le billet d'avion, compte tenu de l'état de santé psychique de M. A______, un rapport médical a été sollicité le 14 décembre 2023 auprès du service médical de l'établissement fermé Curabilis, lequel n'a pas encore été établi. A cet égard, il ressort des pièces du dossier du commissaire de police que M. A______ avait refusé de délier les médecins du secret médical et que ces derniers avaient ensuite à leur tour refusé de transmettre les informations médicales indispensables à l'organisation du rapatriement de leur patient dès lors que celui-ci s'opposait à son renvoi. Ces médecins avaient également refusé de saisir la commission ad hoc afin d'être déliés du secret médical et par courriel du 26 février 2024, le directeur du service protection, asile et retour (SPAR) avait enjoint la Cheffe de clinique des HUG de lui retourner le rapport médical de M. A______ dûment complété dans un délai de trois jours ouvrables, après lui avoir rappelé ses obligations légales en la matière.

8.             À sa sortie de l'établissement fermé Curabilis le 28 février 2024, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

9.             Le 28 février 2024, à 14h53, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 - renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h - 3 et 4 LEI.

Il ressortait du dossier que l'intéressé n'avait aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier démontré avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu’il s'opposait à son renvoi en Algérie. Il était malade, avait besoin de soins et prenait son traitement pour sa pathologie psychique ici en Suisse. Il n’avait pas de famille en Algérie.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.         Lors de l'audience de ce jour, M. A______, dûment convoqué, ne s'est pas présenté. Il a été valablement représenté par son conseil nommé d'office pour sa défense, laquelle a expliqué avoir eu un contact téléphonique hier à 17h00 et ce matin avant l’audience avec lui. Ce dernier lui avait confirmé son refus de retourner en Algérie et qu’il suivait toujours régulièrement son traitement médical. Il ne comprenait pas pourquoi il devait quitter la Suisse et cette situation l’attristait. Il lui avait également indiqué qu’il souhaitait avoir des contacts, notamment téléphoniques, avec sa compagne et son frère, mais que cela n’avait pas été possible jusqu’alors avec son téléphone portable. Son frère venait régulièrement lui rendre visite.

La représentante du commissaire de police a expliqué qu'ils étaient toujours dans l’attente de l’envoi, par les médecins compétents, des informations médicales à B______ en vue de la délivrance du certificat d’aptitude au vol de M. A______. La Dre C______ les ayant informés que l’intéressé était désormais sous la responsabilité de ses collègues du service de médecine et de psychiatrie pénitentiaire, ils avaient interpellé le Prof. D______, en charge dudit service, afin qu’il communique à B______ les renseignements médicaux nécessaires. Elle a versé à la procédure l’échange de correspondance y relatif. Pour le surplus, toutes les démarches utiles à ce stade avaient été effectuées. Dès réception du certificat d’aptitude au vol, ils pourraient concrètement confirmer la réservation du vol par l’émission d’un billet, étant précisé qu’il fallait tenir compte d’un délai de trois semaines entre l’obtention du certificat d’aptitude et la date du vol. Elle a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 28 février 2024 à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, vu ce qui précédait et l’incertitude que l'intéressé accepte, au final, de prendre place à bord du vol qui serait réservé en sa faveur.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client. Sa mise en détention était disproportionnée compte-tenu de sa pathologie psychiatrique (schizophrénie paranoïde). Elle était par ailleurs inopportune au vu de sa stabilisation psychique depuis juillet 2023, étant précisé que sa compagne Mme  E______, domiciliée ______[GE], était prête à l’accueillir. L’opposition de M.  A______ à son retour en Algérie était uniquement motivée par sa crainte de ne pas pouvoir y être pris en charge médicalement. Subsidiairement, elle a conclu à la réduction de la durée de la détention de M.  A______, la durée de trois mois requise étant disproportionnée pour les motifs précités et au vu des démarches encore à entreprendre. Elle n'avait pas d’attestation écrite de Mme E______ confirmant sa volonté d’accueillir M. A______, ce dernier n’ayant, comme indiqué auparavant, pas encore réussi à la joindre.

La représentante du commissaire de police a encore relevé qu’il n’existait aucune trace de la compagne de M. A______ dans le dossier et que cette dernière n’avait en tout état pas confirmé par écrit sa volonté d’accueillir l’intéressé. Par ailleurs, les possibilités de traitement et de prise en charge de M. A______ en Algérie avaient été examinées dans le cadre de sa libération conditionnelle. C’était précisément le résultat de cet examen qui avait conduit à valider sa libération conditionnelle. Son traitement était disponible en Algérie. En réponse, le conseil de M. A______ a précisé que le refus de ce dernier était également lié à sa crainte de perte de sa stabilité psychique en cas de retour en Algérie. Une attestation de Mme  E______ pourrait facilement être versée à la procédure.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26  septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16  décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 28 février 2024 à 14h15.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27  mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. h de cette même loi, dispose qu'une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé et que celui-ci a été condamné pour crime (let. h), par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al.  2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23  novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

6.            Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch.  3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

7.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid.  3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

8.            Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

9.            Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid.  3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16  juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013  ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

10.        Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

11.        Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF  125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

12.        Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid.  3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

13.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

14.        Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

15.        Celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art.  80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI.

16.        Selon ces dispositions, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (al. 2), n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3) et ne peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

L'impossibilité peut être juridique (refus de l'État d'origine de reprendre la personne ; ATF 125 II 217 consid. 2 = RDAF 2000 I 811) ou matérielle (état de santé grave et durable ne permettant pas de transporter la personne). La jurisprudence fédérale exige qu'un pronostic soit établi dans chaque cas. Si l'exécution dans un délai prévisible paraît impossible ou très improbable, la détention doit être levée (ATF  127 II 168 consid. 2c = RDAF 2002 I 390 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.312/2003 du 17 juillet 2003 ; ATA/92/2017du 3 février 2017 consid. 5b).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/257/2012 du 2 mai 2012).

17.        Selon l’art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un Etat qui ne fait pas partie des Etats Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

18.        La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3). En particulier, le principe de la proportionnalité interdit que la durée de la mesure soit insuffisante pour atteindre son objectif (ATF 2C_497/2017 du 5 mars 2018, consid. 4.2.2, in fine, et ATF 2C_431/2017 du 5 mars 2018, consid. 4.3.3, in fine, et ATA/787/2018 du 24 juillet 2018, consid. 6b et ATA/1044/2018 du 5 octobre 2018, consid. 6c).

19.        En l'espèce, M. A______ a fait l'objet d’une décision fédérale de renvoi du 23  octobre 2008 prononcée par le SEM ainsi que d'une mesure d'expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans prononcée le 17 janvier 2023 par la Chambre pénale d’appel et de révision. Il a en outre été condamné pour vol, en bande, vol par métier et recel, soit des crimes au sens de l'art. 10 al. 2 CP. Il a de plus fourni de fausses indications sur son identité, dans le but d’empêcher son renvoi et ne dispose pas ni d’un lieu de résidence fixe, ni d’attaches, ni de source légale de revenu sur le territoire genevois. Ses déclarations ont enfin varié s’agissant de son accord à être renvoyé en Algérie. Il existe ainsi des éléments concrets faisant craindre qu’il se soustraie à son renvoi et disparaisse dans la clandestinité s’il était laissé en liberté ou autorisé, comme il le souhaite, à demeurer chez sa compagne, dont on ne sait au demeurant même pas si elle serait disposée à l’accueillir. Les motifs de détention administrative prévus aux art. 76 al. 1 let. b ch. 1, en lien avec l’art. 75 al. 1 let. h, ch. 3 et 4 LEI sont ainsi remplis.

Par ailleurs, l'assurance du départ effectif de M. A______ répond à un intérêt public certain et s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse (cf. not. art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16  décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen - Directive sur le retour - RO 2010 5925), étant rappelé que les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'elle quittera effectivement le territoire, désormais - et sans autre option possible en l'état - à destination de son pays d'origine (cf. not. art.  8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281).

Rien au dossier ne permet pour le surplus de retenir que les autorités ne continuent pas d’agir avec diligence et célérité. Celles-ci ont débuté les démarches en vue du renvoi de M. A______ de Suisse lors de sa détention pénale déjà et la représentante du commissaire de police a expliqué, lors de l’audience, qu'ils avaient interpellé le Pr D______, désormais en charge de M. A______, afin qu’il communique à B______ les renseignements médicaux nécessaires en vue de l’établissement du certificat d’aptitude au vol et que, dès réception de ce dernier, ils pourraient concrètement confirmer la réservation du vol par l’émission d’un billet, étant précisé qu’il fallait tenir compte d’un délai de trois semaines entre l’obtention du certificat d’aptitude et la date du vol.

Quant aux craintes exprimés par M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, en lien avec ses problèmes de santé, il ne s'agit pas, à ce stade, d'un motif rendant sa détention disproportionnée ni l'exécution du renvoi manifestement inexigible étant rappelé que les possibilités de traitement et de prise en charge de M. A______ en Algérie ont été examinées et confirmées dans le cadre de l’examen de sa libération conditionnelle. Ce traitement et suivi peuvent par ailleurs parfaitement se poursuivre au sein de l’établissement de Favra. Les reproches formulés à cet égard ne reposent au demeurant que sur les déclarations de l’intéressé, retransmises par son conseil lors de l’audience, et ne sont corroborées par aucun élément du dossier.

S’agissant enfin de la durée de la détention, elle respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI. La durée de trois mois requise apparait en outre proportionnée et adéquate au vu des explications fournies ce jour en audience par la représentante du commissaire de police quant aux démarches encore à entreprendre et le refus opposé par M. A______ à son renvoi. A cet égard, il sera rappelé à l’intéressé que s’il se décidait à collaborer, notamment en levant ses médecins traitants de leur secret médical, son renvoi pourrait être rapidement finalisé, ce qui mettrait immédiatement fin à sa détention administrative.

20.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

21.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 28 février 2024 à 14h53 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 27 mai 2024, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière