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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2292/2018

ATA/787/2018 du 24.07.2018 sur JTAPI/657/2018 ( MC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2292/2018-MC ATA/787/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juillet 2018

en section

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

Monsieur A______
représenté par Me Pedro Da Silva Neves, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juillet 2018 (JTAPI/657/2018)


EN FAIT

1) Le 30 avril 2016, Monsieur A______, né le ______ 1996, prétendument originaire de la République de Guinée (ci-après : Guinée) et démuni de papiers d’identité, a déposé une demande d’asile en Suisse.

Par décision du 25 mai 2016 fondée sur l’art. 31a al. 1 let. b de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), entrée en force le 7 juin 2016, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) n’est pas entré en matière sur cette demande et a prononcé le renvoi de l’intéressé vers l’Espagne, État Dublin responsable, M. A______ étant par ailleurs sommé de quitter la Suisse au plus tard le jour suivant l’échéance du délai de recours, sous peine de s’exposer à des mesures de contrainte.

2) En date du 14 décembre 2016, une décision d’interdiction d’entrée en Suisse, valable jusqu’au 27 octobre 2019, a été notifiée à M. A______.

3) Placé en détention administrative le 17 mars 2017, l’intéressé a été refoulé en Espagne le 27 mars 2017.

Entendu par la police, M. A______, sans domicile fixe, avait notamment indiqué n’avoir aucun lien particulier avec la Suisse, être dépourvu de moyen légal de subsistance et dormir à l’Armée du Salut ou dans la rue.

4) Revenu en Suisse, il a été à nouveau placé en détention administrative, le
24 mai 2017, en vue de son refoulement en Espagne. Toutefois, les autorités de ce pays ayant refusé son transfert, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a ordonné, le 16 juin 2017, la mise en liberté de M. A______.

5) Par décision 13 juin 2017, l’OCPM a prononcé le renvoi de Suisse de
M. A______, lui impartissant un délai au 27 juin 2017 pour quitter le territoire helvétique.

6) Par décisions des 15 décembre 2016 et 6 novembre 2017, en raison de son implication dans un trafic de drogues, à savoir de la marijuana et de la cocaïne,
M. A______ a fait l’objet d’interdictions de pénétrer dans le centre-ville de Genève, la première pour une durée de six mois et la seconde pour une durée de douze mois, fondées sur l’art. 74 loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

7) a. Au plan pénal, M. A______ a été condamné le 15 juin 2017 par le Tribunal de police du canton de Genève à une peine pécuniaire de cent-cinquante
jours-amende à CHF 10.- le jour, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 100.-, pour délits et contravention contre la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 19a al. de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 - LStup - RS 812.121), entrée et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b LEtr), non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEtr), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et empêchement d’une autorité, d’un membre d’une autorité ou d’un fonctionnaire d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), à la suite d’opposition contre des ordonnances du Ministère public des 12 octobre 2016, 15 décembre 2016 (notamment vente spontanée d’une boulette de cocaïne au poids brut d’1,2 gr. pour le prix de EUR 100.-) et 17 mars 2017.

b. Par jugement du 12 octobre 2017, l’intéressé a fait l’objet d’une condamnation, par le Tribunal de police du canton de Genève, à une peine pécuniaire de jours-amende à CHF 10.- le jour, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, pour séjour illégal et non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée, peine complémentaire au jugement du 15 juin 2017.

Lors de l’audience devant le Tribunal de police, le 15 juin 2017, il a déclaré être célibataire et sans enfant, ressortissant non de Guinée mais de Sierra Léone, sans passeport, avoir ni argent ni revenu et se nourrir et dormir à l’Armée du Salut.

c. En outre, il a fait l’objet de deux ordonnances pénales du Ministère public du canton de Genève en date des 3 et 6 novembre 2017, lesquelles ne sont pas définitives ni exécutoires à la suite d’oppositions.

d. Il a par ailleurs été condamné, par ordonnance du Ministère public genevois du 21 janvier 2018, à une peine privative de liberté de soixante jours pour infractions à l’art. 115 al. 1 let. b LEtr et à l’art. 119 al. 1 LEtr, ainsi qu’à une amende de CHF 200.- pour infraction à l’art. 19a ch. 1 LStup, le procureur renonçant pour le reste à révoquer les sursis accordés les 15 juin 2017 et
12 octobre 2017 par le Tribunal de police.

8) Le 3 mai 2018, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon en vue de l’exécution de différentes peines.

9) Par écrit du 24 mai 2018, le SEM a répondu positivement à une demande de soutien à l’exécution du renvoi de l’intéressé formulée le 18 mai 2018 par l’OCPM, en inscrivant M. A______ aux auditions centralisées menées par une délégation de Guinée, à laquelle il a été présenté entre le 5 et 7 juin 2018.

Le 12 juin 2018, le SEM a informé l’OCPM que M. A______, lequel avait refusé de coopérer avec la délégation de Guinée, n’avait pas été reconnu par ladite délégation, qu’il était dès lors inscrit pour les prochaines auditions centralisées avec les autorités sierra-léonaises et qu’il ferait par ailleurs l’objet d’une analyse linguistique LINGUA.

10) Par courriel du 28 juin 2018, le SEM a confirmé à la brigade des renvois que l’entretien LINGUA se déroulerait le 18 juillet 2018.

11) Par courriel du 4 juillet 2018, le SEM a fait part aux autorités genevoises de ce qu’en raison de la nomination récente de nombreuses nouvelles personnes au sein de l’administration sierra-léonaise à la suite des élections de 2018, aucune date pour une audition centralisée n’était à ce jour prévue, et que, dans l’hypothèse où l’analyse LINGUA indiquerait que M. A______ avait été socialisé en Guinée, il était possible de le présenter à nouveau aux autorités guinéennes sans avoir à le convoquer pour une audition sierra-léonaise, précisant à cet égard que la prochaine délégation d’identification guinéenne était prévue vers la fin de l’année 2018.

12) Libéré de l’exécution de ses peines le 4 juillet 2018, M. A______ a été remis aux mains des services de police.

13) Par ordre du 4 juillet 2018, à 16h15, fondé sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 (renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b, c et g LEtr) ainsi que ch. 3 et 4 LEtr, et soumis le même jour au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), le commissaire de police a prononcé la mise en détention administrative de
M. A______ pour une durée de six mois.

Celui-ci lui avait peu avant déclaré ne pas être d’accord de retourner en Guinée.

14) Entendu le 6 juillet 2018 par le TAPI, M. A______ a déclaré qu’il n’était toujours pas d’accord de retourner en Guinée car il n’était pas guinéen. Il ne souhaitait pas retourner en Afrique de manière générale. Il n’a pas souhaité répondre à la question du TAPI quant à sa nationalité. Il n’avait pas de permis de séjour dans un pays de l’Union Européenne. Ce n’était pas bon pour lui de retourner dans son pays d’origine.

La représentante du commissaire de police a indiqué ne pas avoir d’autres informations à la suite du courriel du SEM du 4 juillet 2018.

Le conseil de M. A______ a conclu principalement à la mise en liberté immédiate de son mandant, subsidiairement à la réduction de la durée de la détention, et plus subsidiairement au prononcé de mesures de substitution.

15) Par jugement du 6 juillet 2018 également, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 4 juillet 2018 à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 4 octobre 2018.

Au plan factuel, entre le 5 juin 2017 et le 19 avril 2018, l’intéressé avait été condamné à quatre reprises, pour contravention à la LStup, délit contre cette même loi, opposition aux actes de l’autorité, violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires, violation des règles de la circulation routière, entrée illégale, séjour illégal et non-respect d’une assignation d’un lieu de résidence ou d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Par ailleurs, trois procédures pénales étaient actuellement en cours, pour séjour illégal, délit contre la LStup, opposition aux actes de l’autorité et séjour illégal, auprès du Ministère public et du Tribunal de police de Genève.

Les conditions de la détention administrative de M. A______ étaient réalisées.

L’assurance de son départ de Suisse répondait par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où l’intéressé devrait monter dans l’avion devant le reconduire dans son pays d’origine.

L’autorité chargée du renvoi avait agi avec diligence et célérité, dès lors qu’elle avait entrepris les démarches nécessaires au refoulement de M. A______ alors qu’il était encore détenu pénalement.

Quand bien même M. A______ n’avait pas collaboré en vue de la détermination de sa nationalité, il n’appartenait pas à ce dernier de pâtir du fait qu’aucune audition centralisé ne pouvait être organisé rapidement à la suite des changements intervenus au sein de l’administration sierra-léonaise, raison pour laquelle la durée de la détention administrative devait, en application du principe de la proportionnalité, être réduite à trois mois.

16) Par acte expédié le 13 juillet 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le commissaire de police a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation en tant qu’il avait réduit à trois mois la durée de la détention administrative de M. A______ et, cela fait, au rétablissement de la durée de six mois qu’il avait fixée.

Par courriel du 12 juillet 2018, le SEM avait informé l’OCPM ne pas être en mesure de lui fournir la date de la prochaine mission d’identification de la Sierra Leone. Les autorités sierra-léonaises lui avaient signifié leur accord de principe pour venir en Suisse afin d’identifier des personnes. Lesdites autorités devaient communiquer au SEM les noms de leurs collaborateurs venant en Suisse ainsi qu’une date leur convenant, et il serait ensuite nécessaire d’organiser la délivrance de visas pour ces personnes, qu’ils devraient chercher à Abidjan en Côte d’Ivoire vu l’absence d’ambassade de Suisse au Sierra Leone, ainsi que les vols, etc. ; l’organisation de la visite d’une telle délégation prendrait donc quelques semaines ou mois. Le SEM espérait que celle-ci puisse avoir lieu « avant la fin d’année 2018 », mais elle dépendait de la décision des autorités sierra-léonaises.

Selon le commissaire de police, compte tenu en particulier des explications fournies par le SEM, le délai de trois mois fixé par le TAPI ne permettait en aucun cas d’aboutir à l’identification de l’intéressé, les auditions centralisées avec les autorités guinéennes ou sierra-léonaises, susceptibles de confirmer les origine et identité de celui-ci, n’ayant en tout cas pas lieu avant la fin de l’année 2018. La durée retenue par le TAPI était donc insuffisante, et, partant, contraire au principe de la proportionnalité.

17) Par courrier du 18 juillet 2018, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

18) Dans sa réponse du 20 juillet 2018, M. A______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.

Malgré les diverses tentatives de contact de l’avocat signataire avec l’intéressé, les résultats de l’analyse LINGUA qui avait dû avoir lieu le 18 juillet 2018 n’étaient pour l’heure pas connus.

Les démarches tendant à l’identification de M. A______ et à l’exécution de son renvoi avaient concrètement débuté deux mois auparavant mais n’avait pour l’instant apporté aucune certitude sur sa nationalité. À ce jour, la date d’un éventuel renvoi demeurait imprévisible.

19) Les parties ont été informées le même jour que la cause était gardée à juger.

20) Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile – c’est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 16 juillet 2018 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 § 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4) a. En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr en lien avec l’art. 75 al. 1 LEtr, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEtr ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée en particulier si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEtr (art. 75 al. 1 let. b LEtr), franchit la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEtr), menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEtr), ou a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEtr).

b. La mise en détention au sens de l’art. 76 al. 1 let. b LEtr est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l’expulsion, en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 LAsi, ou si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

5) En l’occurrence, pour ce qui est du principe de la détention administrative, les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr en lien avec l’art. 75 al. 1 let. b, c, g et h LEtr, de même que de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr ne sont pas contestées par les parties, ni contestables au vu notamment de la répétition des infractions commises et du refus exprimé de manière constante par l’intéressé de collaborer avec les autorités suisses en vue de son renvoi et de retourner dans son pays d’origine.

6) a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

Aux termes de l’art. 79 LEtr, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEtr ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEtr ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).

Conformément à l’art. 76 al. 4 LEtr, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.

b. La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018
consid. 4.3.3).

c. Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n’est plus accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Les autorités cantonales doivent essayer d’établir l’identité de l’étranger le plus rapidement possible et de se procurer les papiers nécessaires au refoulement de celui-ci. Toutes les mesures qui semblent propres à accélérer l’exécution du refoulement doivent être prises. Il n’existe cependant aucune obligation pour les autorités de procéder de manière schématique. Le principe de célérité oblige simplement les autorités à prendre les mesures qui, vu les circonstances concrètes du cas particulier, sont de nature à activer l’exécution du refoulement (arrêt du Tribunal fédéral 2A.497/2001 du 4 décembre 2001 consid. 4 ; ATA/272/2018 du 21 mars 2018 consid. 8b). Dans l’appréciation de la diligence des autorités, il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l’angle de l’exécutabilité du renvoi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 précité
consid. 4.2 ; 2C_218/2013 précités consid. 2.3).

Dans ce contexte, il peut être tenu compte d’un manque de coopération de la part de l’étranger. Un tel comportement ne saurait toutefois justifier l’inactivité des autorités. Elles doivent essayer d’établir l’identité de l’étranger et de se procurer les papiers nécessaires à son refoulement, avec ou sans la collaboration de l’étranger. Il faut en outre prendre en considération le fait que l’aide requise des autorités étrangères peut parfois traîner en longueur. On ne saurait donc reprocher aux autorités une violation du principe de diligence lorsque le retard dans l’obtention des papiers d’identité est imputable exclusivement au manque de collaboration d’une représentation diplomatique étrangère (arrêt du Tribunal fédéral 2A.497/2001 précité consid. 4a ; ATA/487/2018 du 17 mai 2018
consid. 6b ; aussi ATA/1204/2015 du 6 novembre 2015 consid. 9b).

d. Le principe de diligence s’applique avant tout à la période pendant laquelle l’étranger se trouve en détention en vue du refoulement. Vu le grand nombre d’étrangers en situation illégale qui doit être refoulé, les autorités doivent prioritairement s’occuper d’établir l’identité et se procurer les documents de voyage pour ces étrangers. L’obligation d’entreprendre des démarches en vue de l’exécution du renvoi commence non seulement au moment où la mise en détention en vue de refoulement est ordonnée, mais déjà auparavant, soit dès que l’étranger est complètement à disposition des autorités, car privé de sa liberté de mouvement. Lorsqu’un étranger se trouve en détention préventive ou en exécution de peine, les autorités sont tenues déjà à ce moment-là – en cas de situation de police des étrangers claire – de prendre les dispositions en vue de son refoulement (ATF 124 II 49 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.116/2003 du 2 avril 2003 consid. 3.4 ; 2A.497/2001 précité consid. 4 ; ATA/487/2018 précité
consid. 6c ; ATA/272/2018 précité consid. 8b).

7) a. En l’espèce, comme le relève le TAPI, les autorités suisses ont agi avec célérité et diligence, en prenant les dispositions en vue de son refoulement dès le 24 mai 2018, soit seulement quelques semaines après l’incarcération de l’intéressé dans la prison de Champ-Dollon. Au regard de la jurisprudence précitée, on ne saurait leur reprocher de n’avoir pas entrepris de telles démarches avant son incarcération ; au demeurant, l’OCPM lui a, après son retour d’Espagne, en juin 2017, octroyé un délai pour quitter la Suisse, qu’il n’a pas respecté, et l’intimé a, avant mai 2018, occupé principalement l’attention des autorités pénales. Par la suite, les autorités suisses de migrations ont notamment convoqué l’intéressé à une audition centralisée des autorités guinéenne entre le 5 et le 7 juin 2018, puis, vu l’échec, mis en place un entretien LINGUA pour le 18 juillet 2018.

L’absence d’indication d’une date pour la suite du processus de refoulement découle, d’une part, des difficultés relatives à l’identification de l’intimé et à la détermination de sa nationalité imputables principalement à son refus de collaboration, d’autre part, de la nomination de nouvelles personnes au sein de l’administration sierra-léonaise chargées de l’identification de leurs éventuels ressortissants en Suisse ainsi que de la mise en place complexe de leur venue en Suisse.

Dans ces circonstances et au regard de la jurisprudence rappelée plus haut, contrairement à ce que retient le TAPI, l’intimé doit assumer les conséquences de son refus complet de collaborer avec les autorités suisses et de quitter leur territoire et attendre en détention administrative la mise en place d’auditions par les autorités de Guinée ou de Sierra Leone.

b. Compte tenu notamment du fait que l’audition de l’intéressé par une délégation sierra-léonaise, voire guinéenne, ne pourrait pas avoir lieu « avant la fin d’année 2018 » comme indiqué par le SEM, ainsi que du refus complet de collaborer de l’intéressé qui refuse même d’indiquer sa nationalité, enfin des délais de mise en œuvre d’un refoulement (réservation du vol, etc.), la durée de la détention administrative fixée à six mois par le recourant apparaît nécessaire, adéquate et proportionnée. Il est rappelé que l’intimé est seul à même de permettre une accélération de la procédure en se conformant à son obligation de collaborer.

c. Vu ce qui précède, la durée de détention administrative de l’intimée sera rétablie à six mois, soit jusqu’au 4 janvier 2019.

8) En conséquence, le recours sera admis, le jugement querellé annulé en ce qu’il fixe la durée de la détention administrative de l’intimé à trois mois seulement, et la durée de celle-ci arrêtée à six mois.

La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne saurait en tout état de cause être allouée à l’intimé, qui n’en a du reste pas sollicitée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juillet 2018 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juillet 2018 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement attaqué en ce qu’il fixe la durée de la détention administrative de Monsieur A______ à trois mois seulement ;

dit que la détention administrative de Monsieur A______ est ordonnée pour une durée de six mois, soit jusqu’au 4 janvier 2019 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au commissaire de police, à Me Pedro Da Silva Neves, avocat de l'intimé, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d’État aux migrations, ainsi qu’à l'établissement fermé de Favra, pour information.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :