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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3167/2018

ATA/1044/2018 du 05.10.2018 sur JTAPI/888/2018 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3167/2018-MC ATA/1044/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 octobre 2018

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Christina Crippa, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 septembre 2018 (JTAPI/888/2018)

 


EN FAIT

1. Par décision du 5 mars 2012, l'office cantonal de la population, devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), a refusé d’octroyer à Monsieur A______, né en 1978 et ressortissant de Tunisie, une autorisation de séjour (pour cas de rigueur), à la suite de la demande qu'il avait déposée dans ce sens le 23 mai 2011, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 5 juin 2012 pour quitter le territoire.

2. Par jugement du 11 septembre 2012, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), sur recours, a confirmé cette décision.

3. Par courrier du 26 octobre 2012, l'OCPM a dès lors imparti à M. A______ un nouveau délai au 26 janvier 2013 pour quitter la Suisse, l'invitant à se présenter le 19 décembre 2012, muni de son passeport, auprès de son service Aide au départ.

4. Entendu le 19 décembre 2012 par l’OCPM, M. A______ a notamment déclaré qu'il travaillait chez son logeur (à Genève), qui était handicapé, et qu’il n’avait qu’une copie de son passeport, l’original étant en France. Il a pris note du fait qu'il devrait se présenter auprès de l'OCPM d'ici le 25 janvier 2013 avec son billet d'avion et son passeport. Il a toutefois indiqué qu'il ne rentrerait pas en Tunisie, il partirait ailleurs. Il a déclaré comprendre que s'il n'effectuait aucune démarche pour préparer son départ, les services de police seraient mandatés pour l'exécution de son renvoi et il s'exposerait alors à d'éventuelles mesures de contrainte, à savoir une détention administrative le temps qu’un vol pour la Tunisie soit organisé.

5. Il ressort d'une enquête effectuée le 31 octobre 2013 par un collaborateur de l'OCPM que M. A______ résidait alors toujours chez le logeur susmentionné.

6. Par courrier du 14 novembre 2013, l'OCPM a refusé la requête de M. A______ formulée au téléphone le 29 octobre 2013 et par écriture de son mandataire du 8 novembre 2013 tendant à ce qu’il soit autorisé à résider en Suisse jusqu’à son prochain mariage devant être célébré à Genève, l’identité de la fiancée étant inconnue, et il lui a fait savoir que la police serait mandatée en vue de l'exécution de son renvoi.

7. Par ordonnance pénale du 17 août 2014, le Ministère public a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour infractions à l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, du 3 octobre 1951
(LStup - RS 812.121) et à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

8. Par décision du 19 novembre 2014, l'OCPM, relevant notamment le fait que la prétendue fiancée susmentionnée lui avait indiqué que les projets de mariage n'étaient plus d'actualité, a refusé de délivrer une autorisation de séjour en vue de mariage à M. A______ et prononcé une nouvelle fois son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 19 janvier 2015 pour quitter le pays et l'invitant, s'il le souhaitait, à se présenter auprès de son service Asile et départ pour régler les modalités de son départ.

9. Par décision du 13 mars 2015, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de cette décision que M. A______ avait formulée le 11 février 2015, lui impartissant un nouveau délai au 13 avril 2015 pour quitter le territoire suisse, délai qui lui a encore été rappelé par l’office par pli du 23 mars 2015, qui l’invitait à se présenter d'ici au 2 avril 2015 auprès de son service Asile et départ, muni de son passeport et de son billet d'avion réservé pour un vol devant avoir lieu au plus tard le 13 avril 2015 à destination de la Tunisie.

M. A______ n'a pas donné suite à cette convocation.

10. Par ordonnance pénale du 2 avril 2016, le Ministère public a condamné celui-ci à une peine pécuniaire de soixante jours-amende pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr et à une amende de CHF 100.- pour infraction à
l'art. 19a ch. 1 LStup.

11. Le 26 mai 2016, M. A______ s'est vu notifier une décision d'interdiction d'entrée en Suisse, étendue à l'ensemble du territoire des États Schengen, prononcée à son encontre par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) le 11 mai 2016, valable jusqu'au 10 mai 2019, en raison des infractions commises et de la mise en danger de la sécurité et de l’ordre publics en découlant.

12. Par ordonnance pénale du 10 juin 2016, le Ministère public du canton du Valais a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de deux mois pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEtr, ce à la suite d’une tentative d’aller en train en Italie le 29 mai précédent sans documents de voyage valables.

13. Par courrier du 4 janvier 2017, l'OCPM a invité M. A______, par l'intermédiaire de Madame B______, à se présenter auprès de son service Asile et aide au départ le 13 janvier 2017, muni de son passeport.

Aucune suite n'a été donnée à cette convocation.

14. Contacté par téléphone de l’OCPM le 19 janvier 2017, M. A______ a déclaré qu'il n'avait pas de domicile fixe, dormait chez des amis et n'avait pas l'intention d'organiser son départ. Il lui a alors été indiqué que s'il devait être contrôlé par la police, des mesures de contrainte pourraient être prises à son encontre en vue de l'exécution de son renvoi.

15. Le 14 novembre 2017, M. A______ a été arrêté par la police à Genève pour infractions à la LEtr et à la LStup.

Lors de son audition, il a indiqué qu'il vivait depuis environ six mois avec son amie, Madame C______(recte : C______), dans une chambre sous-louée par la locataire pour environ CHF 700.- par mois, payés par celle-ci, dans un appartement sis à la rue de E______. Il consommait de la résine de cannabis et de l'herbe à raison de deux joints par jour. Il ne souhaitait pas retourner en Tunisie. Il préférait la mort plutôt que d'y retourner. Il était démuni de toutes ressources financières. Son passeport tunisien se trouvait chez un ami en France.

Par ordonnance pénale du 15 novembre 2017, le Ministère public a condamné l’intéressé à une peine privative de liberté de deux mois pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr et à une amende de CHF 100.- pour infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup.

16. Par arrêt du 14 février 2018, le Tribunal administratif fédéral
(ci-après : TAF) a rejeté le recours que M. A______ avait interjeté contre la décision d'interdiction d'entrée en Suisse prononcée à son encontre par le SEM le 11 mai 2016.

17. Interpelé par la police le 13 juillet 2018, M. A______ a été incarcéré le lendemain à la prison de Champ-Dollon aux fins d'y purger la dernière peine privative de liberté de deux mois qui lui avait été infligée.

Lors de son audition par la police, il a indiqué avoir son adresse à la route de F______, chez Madame D______. Il était dépourvu de tous moyens de subsistance et son passeport tunisien se trouvait en France. Il n'avait jusqu'ici entrepris aucune démarche en vue de son retour dans son pays. Il ne souhaitait pas obtenir les coordonnées d’un organisme d’aide au retour et à la réinsertion dans son pays d’origine et il n’allait pas contacter son ambassade ou son consulat afin de rendre possible son retour. Il n’avait pas de liens particuliers avec la Suisse. Aucun motif ne s’opposait à son expulsion de ce pays.

18. Le 19 juillet 2018, l'OCPM a requis les services de police afin d'exécuter le renvoi de M. A______ à destination de la Tunisie dès sa sortie de prison, prévue le 13 septembre 2018.

19. Le 5 septembre 2018, les autorités tunisiennes ont délivré un laissez-passer en faveur de l’intéressé, d'une durée de validité de quinze jours, pour permettre son « retour au pays », soit à Tunis.

20. Du 10 au 13 septembre 2018, M. A______ a été hospitalisé auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en vue de « mise à l'abri et investigations de douleurs multiples ». À teneur de l'« avis de sortie » établi par ces derniers le 13 septembre 2018, il souffrait principalement d'un « trouble anxio-dépressif récurrent, de sévérité légère ou modérée » et, secondairement, d'une entorse à la main droite et de diverses contusions, avec des comorbidités dont un « trouble de la personnalité de type dissociale ». Un traitement comportant plusieurs médicaments lui avait été prescrit et un « RDV de suivi » lui avait été donné auprès du CAMSCO pour le 1er octobre 2018. Il serait en outre convoqué pour un « RDV de suivi clinique en polyclinique de chirurgie de la main le 25.09.2018 ». Il devait porter une attelle digito-palmaire « pendant 2 semaines, puis mobilisation libre et port de l'attelle uniquement durant la nuit ».

21. Le 13 septembre 2018, M. A______, sorti de prison, a été remis entre les mains de la police en vue de l'exécution de son renvoi.

Un vol pour son refoulement à destination de Tunis avait été réservé pour le soir même au départ de Genève. Il a refusé de monter à son bord, de sorte qu'il a été arrêté par la police et prévenu d'empêchement d'accomplir un acte officiel.

Lors de son audition le jour même, il a notamment indiqué qu'il désirait se marier à Genève avec Mme C______, dont il a indiqué le numéro de téléphone (suisse). Il bénéficiait d'une adresse postale chez le locataire de la rue E______ à Genève. Son passeport se trouvait en France à Annemasse, chez un ami. Il a répondu positivement à la question de savoir s’il souhaitait obtenir les coordonnées d’un organisme d’aide au retour et à la réinsertion dans son pays d’origine, déclarant accepter de partir si un organisme l’aidait pour un projet de travail sur place. Il était une personne correcte qui avait toujours travaillé, sans toutefois avoir été payé depuis six mois par l’exploitant du bureau de tabac qui l’employait, et n'avait jamais commis de délits. Il aimait la Suisse, était intégré et « voudrait » rester en Suisse.

22. Par ordonnance pénale du 14 septembre 2018, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende pour infraction à l'art. 286 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; empêchement d’accomplir un acte officiel).

23. Le même jour, la police a adressé à swissREPAT une demande de réservation d'une place sur un vol spécial vers la Tunisie pour M. A______.

24. Toujours le 14 septembre 2018, à 14h40, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, prononcée sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr.

Au commissaire de police, M. A______ avait préalablement, à 14h20, déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Tunisie. Il était en bonne santé, sauf qu'il avait été blessé à une main et une jambe par plusieurs gardiens de prison, parce qu'il voulait absolument sortir de sa cellule, car il ne s'entendait pas avec l'autre détenu. Il aviserait son amie, qui vivait à Genève, de sa situation.

25. Le 17 septembre 2018, devant le TAPI auquel cet ordre avait été soumis, M. A______ a déclaré être toujours opposé à retourner en Tunisie. Il serait en revanche d'accord de quitter la Suisse dans les vingt-quatre heures, une fois qu'il aurait été soigné. Il n'avait jamais causé de problème en Suisse. Il n'avait rien en Tunisie. Il avait besoin d'aide. Il souhaitait pouvoir disposer d'une somme d'argent pour se soigner et monter un projet professionnel en Tunisie, où il n’avait rien. Il avait également le projet de se marier avec une compatriote, Mme C______, qui se trouvait à Genève. Cela faisait cinq ans qu'ils étaient ensemble. Avant qu'il ne soit incarcéré, ils avaient discuté d'entreprendre des démarches en vue du mariage. Il était intéressé à prendre contact avec la Croix-Rouge afin qu'elle l'aide pour son projet en Tunisie. Il disposait d'une seule adresse à Genève, à la rue E______. Son amie avait changé d'adresse. Il ne connaissait pas sa nouvelle adresse. Il l'avait vue dernièrement, avant d'être incarcéré. Il serait prêt à collaborer s'il devait être remis en liberté et répondrait à toutes les convocations. Pour répondre à la dernière question du TAPI, destinée à clarifier ses déclarations quant à ses intentions, il n'entendait pas retourner en Tunisie. Encore une fois, il ne savait pas ce qu'il pourrait bien y faire, car il n'y avait rien du tout. Il quitterait la Suisse pour un autre pays, l'Italie ou l'Allemagne par exemple, où il avait un frère.

La représentante du commissaire de police a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention.

Le conseil de M. A______ a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention, subsidiairement à la réduction de la durée de celle-ci à un mois. Ce dernier était disposé à quitter le pays. Il devait en outre avoir la possibilité de se soigner à Genève. Il convenait de lui laisser le temps et la possibilité de préparer son départ.

26. Par jugement du 17 septembre 2018 remis le jour même aux parties, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 14 septembre 2018 à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 13 décembre 2018 inclus.

L’intéressé faisait l'objet d'une décision de renvoi, « manifestement non nulle et entrée en force ». Par ses déclarations et le comportement qu'il avait adopté depuis le prononcé de cette décision, ce jour encore, il avait, on ne pouvait plus clairement, démontré qu'il n'entendait pas obtempérer à son obligation de quitter la Suisse, étant à cet égard rappelé qu'il n'était pas en mesure de quitter simplement le territoire suisse par ses propres moyens et se rendre dans un autre pays que son pays d'origine. Non autorisé à séjourner en Suisse, il était dépourvu de tout document d'identité et ne disposait ni des ressources financières devant lui permettre de subvenir à ses besoins, ni d'un lieu de séjour à Genève, étant à cet égard observé que, selon ses propres déclarations, sa prétendue amie avait quitté la chambre qu'elle sous-louait à la rue E______, de sorte qu'il paraissait très peu vraisemblable qu'il puisse y retourner à ce stade. Dans ces conditions, on pouvait aisément admettre l'existence d'un risque concret que M. A______ pourrait ne pas obtempérer aux instructions de la police lorsqu'elle lui ordonnerait de monter à bord de l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine, d'autant plus qu'il s'agirait d'un vol spécial, voire qu'il pourrait disparaître dans la clandestinité s'il devait être libéré, situation visée par le motif de détention prévu par la combinaison des art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr. Le principe de la légalité était donc respecté.

L'assurance de l'exécution de la décision de renvoi en cause répondait par ailleurs à un intérêt public évident et l'existence du risque de soustraction et de disparition, pouvant aussi être retenue pour justifier la détention, impliquait déjà qu'aucune autre mesure moins incisive que celle-ci ne saurait être envisagée pour garantir la présence de M. A______, qui avait déjà très amplement eu la possibilité d'organiser lui-même son départ de Suisse, jusqu'à l'exécution de son refoulement. Le principe de la proportionnalité était dès lors respecté. La durée de détention de trois mois décidée par le commissaire de police respectait le cadre légal et n'apparaissait pas disproportionnée, ce temps apparaissant à la fois utile et nécessaire à l'organisation du refoulement de M. A______ à destination de la Tunisie par vol spécial, et les autorités suisses avaient agi avec célérité à cette fin.

Sous l’angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEtr, rien n'indiquait que le renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible. M. A______, qui aurait encore la possibilité d'obtenir des soins médicaux à Genève avant son départ, ne le faisait d'ailleurs pas valoir. En outre, ses problèmes de santé ne l'empêcheraient très vraisemblablement pas de voyager, étant observé qu'en toutes hypothèses, un examen médical devrait avoir lieu avant le départ s'il en faisait la demande ou si son état laissait supposer des problèmes de santé (art. 27 al. 3 de la loi sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération du 20 mars 2008 - LUsC - RS 364).

27. Par acte déposé le 27 septembre 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et à celle de la décision de mise en détention administrative prononcée le 14 septembre 2018 par le commissaire et, cela fait, à sa libération immédiate, subsidiairement à la réduction de la durée de sa détention à un mois.

a. Le risque de fuite du recourant, qui avait toujours travaillé depuis son arrivée en Suisse, en dernier lieu dans un kiosque, et n’avait commis d’autre acte pénal que la consommation de haschich, était inexistant. Actuellement, conscient que la Suisse ne pouvait pas l’accueillir, il était disposé à la quitter. Il souhaitait toutefois bénéficier de ses derniers moments en Suisse en homme libre, afin qu’il puisse être soigné pour les blessures occasionnées durant son séjour en prison et, surtout, passer du temps avec son amie Mme C______ avec laquelle il avait le projet de se marier.

Contrairement aux doutes du premier juge, Mme C______ existait bel et bien, puisque le conseil du recourant avait eu un entretien téléphonique avec elle le 24 septembre 2018. Celle-ci, qui travaillait en tant que femme de ménage et occupait un logement à Carouge, avait rendu visite à M. A______ durant le
week-end du 22 au 23 septembre 2018 et avait confirmé au conseil de celui-ci être disposée à l’accueillir chez elle dans l’éventualité où il serait libéré.

De son côté, M. A______ avait confirmé qu’il allait coopérer avec les autorités car la détention était trop difficile pour lui.

b. Sous l’angle de la proportionnalité, Mme C______ avait indiqué que le recourant supportait mal son séjour en prison et que l’unité mobile psychiatrique des HUG lui rendait visite deux fois par semaine, ce qui avait été confirmé à son avocate par les gardiens de l’établissement de détention administrative et le service médical de la prison de Champ-Dollon.

En outre, la détention administrative prononcée pour une durée de trois mois ne semblait pas adéquate afin qu’il puisse soigner ses blessures dans les meilleures conditions. Le mardi 25 septembre 2018, il avait été blessé à nouveau et, à la suite d’une prise en charge par l’unité d’urgence des HUG où il avait été constaté qu’il n’allait pas bien et qu’il avait des « idées noires », il avait été transféré à l’établissement de Curabilis, dans lequel il devait rester jusqu’au lundi 1er octobre 2018 avant de retourner dans l’établissement de détention administrative.

La mesure querellée était disproportionnée compte tenu de sa situation et du fait qu’il faille trois mois pour organiser un vol vers la Tunisie.

28. Par courrier du 28 septembre 2018, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

29. Dans ses observations du 2 octobre 2018, le commissaire de police a conclu au rejet du recours en tant qu’il était recevable.

30. Le 4 octobre 2018, le recourant a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler, après quoi les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

31. Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile – c’est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -
LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 27 septembre 2018 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 § 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4. a. En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b LEtr, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEtr ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée en particulier si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l’expulsion, en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de
l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998
(LAsi - RS 142.31 ; ch. 3), et / ou si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

b. Ces chiffres 3 et 4 décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition ; ils doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite – c’est-à-dire la réalisation de l’un de ces deux motifs – existe notamment lorsque l’étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu’il tente d’entraver les démarches en vue de l’exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s’il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine. Comme le prévoit expressément l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu’il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2). Si le fait d’être entré en Suisse illégalement, d’être démuni de papiers ou de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet ne saurait, pris individuellement, suffire à admettre un motif de détention au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 (voire ch. 4) LEtr, ces éléments peuvent constituer des indices parmi d’autres en vue d’établir un risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; voir aussi ATF 140 II 1 consid. 5.3).

Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

5. En l’occurrence, pour ce qui est du principe de la détention administrative, l’intéressé a fait part de manière presque constante de son refus de quitter la Suisse, y compris devant le TAPI, il ne s'est jamais soumis aux décisions de renvoi ni à l’interdiction d’entrée en Suisse, en dépit des nombreux délais de départ qui lui ont été impartis depuis plus de six ans. Il a refusé de monter dans l’avion le 13 septembre 2018 et il n'a pas entrepris la moindre démarche pour organiser son départ. Au surplus, il est sans domicile fixe et ne dispose pas de moyens financiers. Dans ces circonstances, il existe un risque concret et sérieux qu'il se refuse à quitter la Suisse lorsque l’exécution du renvoi pourra effectivement être organisée.

Son souhait, en soi compréhensible, de revoir son amie – dont on ignore du reste un grand nombre d’éléments afférents à son identité (âge, état civil, éventuel statut légal en Suisse, etc.) et dont aucun écrit ne figure, par surabondance, dans le dossier –, en liberté à Genève, n’est pas de nature à écarter ce risque.

C’est en vain qu’il prétend que, durant ces dernières années, la police et / ou les collaborateurs de l’OCPM auraient pu dans la majorité des cas, d’une manière ou d’une autre, entrer en contact avec lui. Il n’a en effet pas donné suite aux deux convocations qui lui ont été signifiées par l’OCPM en 2015 et 2017. Il ne ressort en outre pas du dossier qu’il aurait, sauf lorsqu’il était interpelé par la police, fait part audit office de la continuation de sa présence sur le territoire genevois et de ses nouvelles adresses, vivant au contraire pendant de relativement longues périodes de facto dans la clandestinité.

Vu l’ensemble de ces circonstances, l’intéressé n’a pas démontré avoir une réelle intention de quitter la Suisse et le risque de fuite doit être retenu.

La détention administrative est en conséquence justifiée dans son principe.

6. a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

b. Aux termes de l’art. 79 LEtr, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEtr ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEtr ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).

Conformément à l’art. 76 al. 4 LEtr, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.

c. La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3.3).

d. Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n’est plus accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

e. À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, la détention est levée si le motif de la détention n'existe plus ou l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas sur une base volontaire quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6668/2012 du 22 août 2013 consid. 6.7.1 relativement à l’art. 83 al. 2 LEtr, a fortiori).

7. En l’espèce, en soutenant qu’il serait disproportionné qu’il faille trois mois pour organiser un vol vers la Tunisie, le recourant ne remet pas en cause le respect du devoir de célérité par les autorités suisses. Ce devoir apparaît au demeurant respecté puisqu’après le refus de l’intéressé d’embarquer le 13 septembre 2018 dans l’avion dont une place avait été réservée le 27 août 2018, la police l’a, le lendemain, inscrit pour un vol spécial. Vu notamment les délais nécessaires pour la mise en œuvre d’un vol spécial, il n’est pas démontré que la durée de trois mois de détention administrative serait trop longue, étant à cet égard rappelé que le recourant est libre de prendre l’initiative de l’organisation d’un vol pour la Tunisie avant l’échéance de cette durée. Pour le reste, son intérêt privé à être libéré ne saurait en l’état primer l’intérêt public à son maintien en détention en vue d’assurer l’exécution de son renvoi.

Concernant les atteintes à la santé alléguées par l’intéressé – en particulier les conséquences d’une entorse à la main droite et de diverses contusions ainsi qu’un trouble anxio-dépressif –, celui-ci a indiqué dans son recours être traité pour ces pathologies au sein de l’établissement de détention administrative et, si besoin, au sein de l’établissement Curabilis. Au demeurant, le fait qu’il soit, selon le recourant, préférable qu’il soit soigné pour ces problèmes médicaux à l’extérieur d’un lieu de détention ne saurait en tout état de cause suffire à remettre en cause la poursuite de la détention administrative. Rien ne permet pour le reste de retenir que ces affections pourraient être constitutives d’une impossibilité au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr.

8. Vu ce qui précède, le jugement querellé est en tous points conforme au droit et le recours sera rejeté.

La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui n’y a du reste pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 septembre 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 septembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christina Crippa, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Favra, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. Cardinaux

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :