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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/16927/2021

AARP/92/2024 du 11.03.2024 sur JTDP/706/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : VOIES DE FAIT;EXEMPTION DE PEINE;INJURE
Normes : CP.177.al2; CP.180; CP.126; CP.177.al3; CPP.432
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16927/2021 AARP/92/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 mars 2024

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

intimé sur appel joint,

et

C______, domicilié, ______, comparant par Me D______, avocat,

intimé,

appelant sur appel joint,

 

 

contre le jugement JTDP/706/2023 rendu le 5 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 5 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP), après l'avoir acquitté du chef de menaces (art. 180 du Code pénal [CP]), l'a reconnu coupable d'injures (art. 177 CP) et de voies de fait (art. 126 ch. 1 CP), le condamnant à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 50.- l'unité, assortie d'un sursis de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 150.-. Le tiers des frais de procédure en CHF 1'026.- a été mis à sa charge, de même que l'intégralité de l'émolument complémentaire de jugement en CHF 600.-.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du chef de voies de fait et à ce qu'il soit renoncé au prononcé d'une peine pour ce qui est de l'injure (art. 177 al. 2 et 3 CP), sous suite de frais et dépens.

b. Dans le délai légal, C______ forme un appel joint, concluant à la condamnation de A______ du chef de menaces, subsidiairement de tentative de menaces, en sus des autres infractions déjà retenues, sous suite de frais et dépens.

c. Le jugement entrepris reconnait également C______ coupable d'infraction à l'art. 117 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), d'injures (art. 177 al. 1 CP) et de menaces (art. 180 al. 1 CP), verdict non contesté en appel et désormais en force.

d. Selon l'ordonnance pénale du 16 décembre 2022, il est encore reproché à A______ d'avoir, le 29 mai 2022 à 02h38, sur la terrasse du [restaurant] E______ à Genève, violemment bousculé C______ et prononcé les paroles suivantes à son attention : "j'ai baisé ta mère" et "je vais te taper".

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______ et C______, tous deux ressortissants afghans, ont un litige civil depuis de nombreuses années, au sujet d'une arcade qu'ils avaient prévu d'exploiter ensemble. Ils sont amenés à se croiser régulièrement car leurs commerces respectifs sont géographiquement proches l'un de l'autre.

a.b. A______ a déposé de nombreuses plaintes pénales à l'encontre de son ancien associé, dans lesquelles il dénonce une persécution de sa part, sous forme d'injures et de menaces, notamment. Il se fait également suivre psychologiquement pour ces faits.

a.c. En particulier, A______ a reproché à C______ une agression en date du 29 mai 2022, à 02h30 devant son épicerie, lors de laquelle l'intéressé, en tentant de le frapper avec une barre de fer, l'aurait blessé au niveau de l'épaule droite. Cette plainte a été classée par le Ministère public (MP).

b.a. Le 19 août 2022, C______ a déposé plainte pénale à l'encontre de A______, exposant en substance que la nuit du 29 mai 2022, à 02h30, il buvait un verre avec un ami sur la terrasse du [restaurant] E______, lorsque A______ l'avait soudain interpellé, en le filmant et en proférant injures et menaces à son encontre. Puis, celui-ci lui avait porté plusieurs coups au visage et au corps, le bousculant violemment et renversant table et boissons dans son élan. A______ était encore revenu à la charge pour lui donner un coup de pied, avant de s'éloigner de la terrasse pour passer un appel ; la plaignant avait alors pris la fuite. Il était en outre choqué d'apprendre que A______ lui reprochait une atteinte à l'intégrité physique, alors qu'il avait été la seule victime ce soir-là.

b.b. À l'appui de sa plainte, C______ n'a pas produit de certificat médical, mais a transmis une vidéo prise au moment des faits, soit à 02h38, sur laquelle A______, qui ne semble ni apeuré ni blessé, se retourne pour l'invectiver, tout en se dirigeant calmement vers lui, avant de brusquement le charger pour le pousser contre une table et les vitres du bar. Puis, il se met à reculer de manière à pouvoir prendre de l'élan comme pour donner un coup de pied. La vidéo se termine sur ce dernier geste suspendu.

c.a. Entendu à réitérées reprises, C______ a expliqué ne pas avoir été fortement blessé. S'il avait eu mal en haut du dos, du fait que A______ l'avait poussé contre un mur, ainsi qu'au tibia en raison du coup de pied, il arrivait néanmoins à marcher. Il n'avait donc pas consulté de médecin. Il n'avait pas vu A______ avant ou après cette altercation et avait fait la fête avec des amis, dont F______, dans son bar à chicha jusqu'à 00h00 ou 01h30 environ. Peu avant les faits, il était attablé avec trois amis [au restaurant] E______, mais ce n'était que lorsqu'il était sorti avec F______ pour fumer qu'il avait été confronté à A______. Il a ajouté avoir été effrayé par les menaces de ce dernier.

c.b. S'il a reconnu les faits, A______ a toutefois constamment contesté l'illicéité de ses actes, arguant s'être défendu. En effet, cet événement s'était déroulé juste après son agression au moyen d'une barre de fer.

Il a ensuite passablement varié dans ses explications, ajoutant avoir tantôt contacté la police, tantôt couru jusqu'[au restaurant] E______ situés à côté de son négoce, puis encore avoir commandé un kebab dans un commerce alentour avant d'appeler la police. Finalement, il avait voulu s'offrir un repas avant d'être attaqué par C______, de sorte qu'il s'était retourné pour se défendre, puis avait appelé les forces de l'ordre. Son agresseur l'avait filmé durant son assaut ou plutôt était muni de son téléphone lorsque lui-même avait riposté. Enfin, C______ l'avait insulté en premier. Revenant encore une fois sur ses déclarations, il a allégué avoir été agressé sur la terrasse [du restaurant] E______ de sorte qu'il s'était réfugié dans son épicerie ; lorsqu'il en était ressorti, C______ avait recommencé à l'insulter et à menacer de le frapper à nouveau, raison pour laquelle il l'avait doucement repoussé, en s'exclamant "j'ai baisé ta mère" et "je vais te taper aussi" pour se défendre.

c.c. F______ a confirmé la version de C______, à savoir que A______ avait interpellé ce dernier, puis l'avait agressé. Ils avaient passé la soirée ensemble de 00h00 jusqu'à 02h30 environ, moment de l'altercation. Le témoin était intervenu et avait immédiatement conduit la victime à l'intérieur du bar, afin que les choses ne dégénèrent pas. Il avait ensuite personnellement raccompagné C______ chez lui, lequel ne s'était plaint d'aucune douleur particulière. Il ne l'avait pas vu frapper A______, ni tenir une barre de fer.

d. Devant le MP, une interprète a traduit à deux reprises les propos, précédant l'assaut, contenus dans la vidéo produite de la manière suivante :

-        C______ : "qu'est-ce que t'as dit ?", suivi de paroles incompréhensibles, ou "qu'est-ce que t'as dit espèce d'imbécile ?"

-        A______ : "qu'est-ce que j'ai dit ? Qu'est-ce que j'ai dit? Va de l'autre côté, j'ai baisé ta mère", puis "moi aussi je te tape" ou "je vais te taper".

e. A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de F______ pour faux témoignage. L'instruction est actuellement suspendue.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Aux termes de son mémoire d'appel et d'une brève réponse, A______ persiste dans ses conclusions. Il conclut également au rejet de l'appel joint, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité équitable pour ses frais de défense couvrant toute la procédure. À cet égard, il produit deux notes d'honoraires : une première en CHF 1'292.40, correspondant à 3h00 d'activité de chef d'Étude au tarif de CHF 400.-/h, TVA incluse, pour la rédaction du mémoire d'appel, ainsi qu'une seconde en CHF 1'938.60 pour 4h30 consacrées à sa réponse à l'appel-joint. La note d'honoraire de son conseil pour la procédure préliminaire et de première instance s'élève à CHF 14'177.65 pour 32h55 d'activité, comprenant une estimation de l'audience de jugement à 2h00 alors que les débats ont duré 3h30.

Rien ne permettait de nier sa version des faits, à savoir qu'il avait poussé doucement l'intimé, sans le frapper, ce que le témoin avait d'ailleurs confirmé. Son comportement, soit tout au plus une bousculade, n'était pas constitutif de voies de fait, faute d'intensité. De plus, le TP aurait dû tenir compte des circonstances, soit qu'il venait tout juste de se faire insulter par l'intimé, qui l'avait traité d'imbécile.

En outre, il ressortait de la procédure qu'il avait été le premier à être insulté, raison pour laquelle il avait directement riposté par une injure et une bousculade. Il s'agissait donc d'une situation typique d'exemption de peine, au sens de l'art. 177 al. 2 et 3 CP et il devait en être fait application.

En ce qui concernait l'appel joint, son acquittement devait être confirmé. L'intimé n'avait en aucun cas été effrayé par ses propos et avait ensuite fait la fête jusqu'au petit matin. En réalité, c'était ce dernier qui était menaçant, à tel point que lui-même avait dû recourir à l'instance d'aide aux victimes d'infraction. En outre, d'autres personnes s'étaient plaintes de son comportement dans le cadre de la présente cause ; un témoin avait même refusé de donner suite à sa convocation par peur.

c. C______ persiste lui aussi dans ses conclusions et conclut à l'allocation d'une indemnité pour ses frais de défense, sans produire de nouvelles notes d'honoraires. Son Conseil a facturé en première instance 15h35 d'activité du 4 mai 2022 au 10 août 2022 et 37h25 d'activité, dont 32h55 de chef d'étude et 4h30 d'activité de stagiaire, du 15 août 2022 au 5 juin 2023, auxquelles s'ajoutent encore 30 minutes d'activité de chef d'étude pour tenir compte de la durée exacte des débats.

L'appelant invoquait en vain une prétendue réciprocité dans l'injure sous forme de défense. Il n'avait en effet jamais déposé plainte pour ces faits et n'avait jamais mentionné d'insulte préalable avant l'audience du 11 octobre 2022. En outre, la vidéo produite ne démontrait en aucun cas que A______ se défendait et le témoin avait confirmé que ce dernier n'avait subi aucune forme de violence. N'ayant pas recouru contre l'ordonnance de classement partiel, l'appelant admettait n'avoir pas été attaqué. Partant, sa culpabilité devait être confirmée.

L'infraction de menaces n'avait, à tort, pas été retenue. En effet, C______ avait confirmé en audience avoir été effrayé par les propos de l'appelant. De plus, son dépôt de plainte prouvait qu'il avait eu peur. Enfin, il fallait tenir compte du fait que A______ avait fini par s'exécuter en le frappant et le bousculant violemment. Ainsi, l'appelant devait être condamné de ce chef supplémentaire.

d. Le MP conclut pour sa part au rejet des appels, faisant siens les motifs exposés par le premier juge.

D. a. A______, ressortissant afghan né le ______ 1979, est marié et père de quatre enfants mineurs. Son épouse ne travaille pas. Il réalise pour sa part un revenu de quelque CHF 4'221.- mensuels en qualité de vendeur dans son épicerie.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire, il a été condamné en 2018 pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers (LEtr).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) ainsi que par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a et 120 Ia 31 consid. 2).

2.1.2. Lorsqu'il est confronté à des versions contradictoires, le juge forge sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. En pareil cas, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et il n'y a pas arbitraire si l'état de fait retenu peut être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 et 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1).

Les déclarations de la victime, entendue comme témoin, constituent un élément de preuve que le juge apprécie librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5 ; 6B_716/2010 du 15 novembre 2010 consid. 1.3 et 6B_360/2008 du 12 novembre 2008 consid. 4.3).

2.1.3. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique. Une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 et 1.3). Ont également été qualifiés de voies de fait : une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.2), l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide ou le renversement d'un liquide ou solide (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.4), l'ébouriffage d'une coiffure soigneusement élaborée ou encore un "entartage" et la projection d'objets durs d'un certain poids (ATF 117 IV 14 consid. 2a/cc ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_163/2008 du 15 avril 2008 consid. 2 et 6P_99/2001 du 8 octobre 2001 consid. 2b et 2c).

2.1.4. L’infraction d’injure prévue à l’art. 177 al. 1 CP punit quiconque aura, par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur.

Le juge pourra exempter le délinquant de toute peine si l’injurié a directement provoqué l’injure par une conduite répréhensible (art. 177 al. 2 CP). Si l’injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, les deux délinquants ou l’un deux pourra être exempté de toute peine (art. 177 al. 3 CP).

Il s'agit d'une faculté, non d'une obligation (ATF 109 IV 39 consid. 4b). Le juge peut ou non exempter l'auteur de toute peine, mais il peut aussi se limiter à atténuer cette dernière. Il dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2008 du 12 février 2009 consid. 2.1.).

Le juge ne peut faire usage de la faculté que lui réserve l'art. 177 al. 2 CP que si l'injure a consisté en une réaction immédiate à un comportement répréhensible de l'injurié, lequel peut consister en une provocation ou en tout autre comportement blâmable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 consid. 2.2.). Ce comportement ne doit pas nécessairement viser l'auteur de l'injure. Une conduite grossière en public peut suffire (ATF 117 IV 270 consid. 2c). La notion d'immédiateté doit être comprise comme une notion temporelle, en ce sens que l'auteur doit avoir agi sous le coup de l'émotion provoquée par la conduite répréhensible de l'injurié, sans avoir eu le temps de réfléchir (ATF 83 IV 151).

2.1.5. Selon l'art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Toute menace ne tombe pas sous le coup de l'art. 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 97 consid. 2b). Si le juge bénéficie d'un certain pouvoir d'appréciation pour déterminer si une menace est grave, il doit cependant tenir compte de l'ensemble de la situation (ATF 99 IV 212 consid. 1a). Il devrait en tous les cas l'exclure lorsque le préjudice annoncé est objectivement trop peu important pour que la répression pénale soit justifiée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1428/2016 du 3 octobre 2017 consid. 2.1). Les menaces de lésions corporelles graves ou de mort doivent en revanche être considérées comme des menaces graves (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.1 ; 6B_1428/2016 du 3 octobre 2017 consid. 2.1).

Pour que l'infraction soit consommée, il faut que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Elle doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1428/2016 du 3 octobre 2017 consid. 2.1). À défaut, il n'y a que tentative de menace (ATF 99 IV 212 consid. 1a). Cet élément constitutif de l'infraction, qui se rapporte au contenu des pensées d'une personne, relève de l'établissement des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 ; 119 IV 1 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1328/2017 du 10 avril 2018 consid. 2.1). Subjectivement, l'auteur doit avoir l'intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d'alarmer ou d'effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.1 ; 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 3.1 ; 6B_598/2011 du 27 juillet 2012 consid. 1.1).

2.2.1. L'appelant soutient en premier lieu que la bousculade n'est pas constitutive de voies de fait, faute d'intensité. Il ressort cependant de la vidéo que l'appelant a chargé son opposant pour le pousser contre une table et les vitres du bar, avant de reculer et prendre son élan pour lui administrer vraisemblablement le coup de pied final, allégué de manière constante par l'intimé et confirmé par le témoin. L'empoignade et le tacle ne peuvent être qualifiés de "simple bousculade" et dépassent le seuil de ce qui est socialement admissible. En outre, c'est en vain que l'appelant se fonde sur les déclarations du témoin selon lesquelles l'intimé ne s'était plaint d'aucune douleur ensuite de l'accrochage, dès lors qu'une telle conséquence n'est pas nécessaire, conformément à la jurisprudence sus-rappelée. Vu leur nature, les lésions subies doivent être qualifiées de voies de fait.

Le verdict de culpabilité sera donc confirmé sur ce point et l'appel rejeté.

2.2.2. En second lieu, l'appelant maintient avoir bousculé et injurié l'intimé en réponse à son insulte, soit "qu'est-ce que t'as dit espèce d'imbécile ?". Or, l'on comprend de cet échange qu'il a proféré l'injure initiale, répétant "qu'est-ce que j'ai dit ? Qu'est-ce que j'ai dit ? Va de l'autre côté, j'ai baisé ta mère. Moi aussi je te tape". En tout état, l'appelant était entièrement responsable de son accès de colère, disproportionné de surcroit ; certes, un lourd passif l'opposait à son ancien associé, mais il lui appartenait de se maitriser. Pour ces motifs, une exemption de peine n'entrera pas en considération et son appel sera rejeté sur ce point également.

2.2.3. En ce qui concerne enfin les menaces, le premier juge a à juste titre retenu qu'il n'avait pas été établi que l'appelant-joint en eût été effrayé. En effet, après avoir apostrophé son rival pour lui faire répéter ses paroles, celui-ci a continué à le filmer jusqu'à l'altercation. En outre, le simple dépôt d'une plainte pénale ne permet pas encore de retenir que l'infraction est réalisée. De plus, l'appelant-joint a dénoncé les agissements de l'intimé-joint à l'aube de la prescription de son droit et en réaction à la plainte déposée par ce dernier, ce qui rend douteuses ses affirmations. On peut encore douter de la gravité du propos, question qui peut cependant souffrir de demeurer ouverte au vu de ce qui précède.

Partant, l'appel-joint sera également rejeté.

3. Outre l'exemption sollicitée, l'appelant n'a pas pris d'autres conclusions sur la sanction prononcée, laquelle n'est contestée ni dans sa nature, ni dans sa quotité. La peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 50.- l'unité consacre une application correcte des critères fixés à l'art. 47 CP et tient compte de manière adéquate de la gravité de sa faute et de sa situation personnelle. Le principe du sursis lui est en outre acquis et la durée du délai d'épreuve, appropriée, sera confirmée. Il en va de même de l'amende en CHF 150.-. Il est au surplus renvoyé aux considérants et aux développements du premier juge (art. 82 al. 4 CPP) que la CPAR fait siens.

4. Tant l'appelant principal que l'appelant joint succombent dans leurs conclusions, de sorte qu'ils seront condamnés aux frais de la procédure d'appel, lesquels comprendront un émolument d'arrêt en CHF 1'500.-, ainsi que l'émolument de jugement complémentaire en CHF 600.-, à raison de 2/3 et 1/3 (art. 428 CPP).

La répartition opérée en première instance sera, quant à elle, confirmée.

5. 5.1.1. Les art. 429 et 433 CPP sont applicables aux prétentions en indemnisation des parties en appel (art. 436 al. 1 CPP).

5.1.2. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité peut cependant réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP). L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu (art. 429 al. 2 CPP).

La question de l'indemnisation du prévenu doit être traitée en relation avec celle des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Cela a principalement pour conséquence que si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1258/2018 du 24 janvier 2019 consid. 3.1 et 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 4.1).

5.1.3. À teneur de l'art. 432 al. 2 CPP, lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante, notamment, peut être tenue de l'indemniser pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

5.1.4. L'art. 433 al. 1 let. a CPP, la partie plaignante qui obtient gain de cause peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Elle est tenue de les chiffrer et les justifier ; à défaut, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.

5.1.5. Ladite indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates (cf. ATF 139 IV 102 consid. 4.3 concernant la partie plaignante).

5.2.1. En l'espèce, l'appelant principal n'obtient gain de cause que sur la question de la confirmation de son acquittement du chef de menaces. À ce titre, il est fondé à exiger le remboursement de ses frais de défense limités à la contestation de l'appel joint, à l'exclusion du temps consacré à son appel. L'activité facturée par son avocat pour la réponse à l'appel-joint, soit 4h30, apparait cependant excessive et sera réduite à 3h00. Partant, son indemnité en appel sera de CHF 1'297.20 (3 x CHF 400.- + TVA en 8.1%).

En ce qui concerne ses frais de défense pour la première instance, l'appelant a droit à une indemnité correspondant au tiers de ses frais pour tenir compte de son acquittement partiel, que le TP ne lui a à tort pas accordée. Dans la mesure où il a contesté le jugement en sollicitant son acquittement et une exemption de peine, sous suite de frais et dépens, il faut partir du principe qu'il a également contesté la non-allocation de son indemnité, sauf à user de formalisme excessif. Ainsi, l'intimé sera condamné à lui verser la somme de CHF 4'942.20 (34h25 x CHF 400.- + TVA en 7.7% x 1/3) + CHF 1'297.20, soit au total CHF 6'239.40.

5.2.2. L'appelant-joint, partie plaignante, succombe en appel sur la culpabilité complémentaire de l'intimé-joint, mais obtient tout de même gain de cause dans la mesure où les deux verdicts prononcés en première instance ont été confirmés. Il est donc en principe fondé à obtenir le remboursement d'une partie de ses frais d'avocat pour la procédure d'appel. Toutefois, bien qu'assisté d'un avocat, il n'a ni chiffré, ni motivé sa demande de sorte qu'il doit être débouté de ses prétentions.

Cela étant, il a produit en première instance deux notes d'honoraires pour un total de CHF 24'747.30 pour les opérations antérieures. Dans la mesure où la procédure concernait également d'autres aspects, il sied de prendre en considération l'activité déployée à compter du 15 août 2022, date de la rédaction de sa plainte pénale. Au vu de ce qui précède, l'intimé-joint sera condamné à lui verser CHF 11'952.80 (CHF 12'354.95 + CHF 5'574.30 x 2/3).

5.2.3. En définitive, l'appel et l'appel-joint sont très partiellement admis et le jugement annulé en ce qu'il rejetait leurs demandes en indemnisation respectives.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel et l'appel joint formés par A______ et par C______ contre le jugement JTDP/706/2023 rendu le 5 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/16927/2021.

Les admet partiellement.

Annule ce jugement en ce qui les concerne.

Et statuant à nouveau :

Acquitte C______ s'agissant des faits en lien avec F______ (art. 117 al. 1 LEI et art. 87 al. 2 LAVS) et de voies de fait en lien avec A______ (art. 126 al. 1 CP).

Déclare C______ coupable d'infraction à l'art. 117 al. 3 LEI, d'injures (art. 177 al. 1 CP) et de menaces (art. 180 al. 1 CP).

Condamne C______ à une peine pécuniaire de 80 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 80.-.

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne C______ à une amende de CHF 500.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de cinq jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Déboute C______ de ses conclusions sur la base de l'art. 429 CPP.

Condamne A______ à verser à C______ CHF 11'952.80 à titre de juste indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance (art. 433 al. 1 CPP).

***

Acquitte A______ de menaces (art. 180 al. 1 CP).

Déclare A______ coupable d'injures (art. 177 al. 1 CP) et de voies de fait (art. 126 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 150.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Déboute A______ de ses conclusions sur la base de l'art. 433 CPP.

Condamne C______ à verser à A______ CHF 6'239.40 pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP cum art. 432 al. 2 CPP).

***

Condamne C______ et A______, à raison de 2/3 et 1/3, aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'026.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 300.-.

Met l'émolument complémentaire de jugement en CHF 600.- à la charge de A______ et C______ à raison de 2/3 et 1/3.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'715.-, lesquels comprennent un émolument d'arrêt en CHF 1'500.-.

Met 2/3 de ces frais, soit CHF 1'143.35 à la charge de A______ et 1/3 soit CHF 571.65 à celle de C______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'626.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'715.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'341.00