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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/18781/2019

AARP/403/2023 du 24.11.2023 sur JTDP/80/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Normes : CP.160
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18781/2019 AARP/403/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 19 octobre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

C______, domicilié _____, France, comparant par Me D______, avocat,

appelants,

contre le jugement JDTP/80/2023 rendu le 23 janvier 2023 par le Tribunal de police,

et

E______, partie plaignante,

F______, partie plaignante,

G______, partie plaignante,

H______, partie plaignante,

I______, partie plaignante,

J______, partie plaignante,

K______, partie plaignante,

L______, partie plaignante,

M______, partie plaignante,

N______, partie plaignante,

O______, partie plaignante,

P______, partie plaignante,

Q______, partie plaignante,

R______, partie plaignante,

S______, partie plaignante,

T______, partie plaignante,

U______, partie plaignante,

V______, partie plaignante,

W______, partie plaignante,

X______, partie plaignante,

Y______ SA, partie plaignante,

Z______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ et C______ appellent du jugement du 23 janvier 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) les a reconnus coupables de recel (art. 160 ch. 1 du code pénal [CP]) et condamnés à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, respectivement de 160 jours-amende à CHF 50.-, les a mis au bénéfice du sursis (délai d'épreuve de trois ans), a rejeté leurs conclusions en indemnisation et a mis à leur charge les frais de la procédure à raison d'un tiers chacun.

Par le même jugement, AA_____ a été reconnu coupable de recel, de violation grave des règles de la circulation routière ([LCR] art. 90 al. 2), d'appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP) et de conduite sans autorisation (art. 95 al. 1 let. a LCR) et condamné à une peine privative de liberté de neuf mois (au bénéfice d'un sursis de trois ans) ainsi qu'à une amende de CHF 500.- et au tiers des frais de la procédure.

a.b. A______ conclut au classement de la procédure, subsidiairement à son acquittement et à une indemnisation à hauteur de CHF 200.- avec intérêt à 5% l'an dès son arrestation.

a.c. C______ conclut au prononcé d'un classement pour incompétence ratione loci et prescription de l'action pénale, subsidiairement à son acquittement, à son indemnisation à hauteur de CHF 7'495.80 pour la procédure de première instance et de CHF 2'450.- pour celle d'appel, durée de l'audience non comprise, et à ce que les frais soient laissés à la charge de l'État.

b.a. Selon l'acte d'accusation du 25 mars 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Il a, à Genève, à de très nombreuses reprises, alors qu'il savait ou ne pouvait ignorer qu'ils avaient été obtenus au moyen d'infractions contre le patrimoine, des commandes ayant été passées au nom de tierces personnes contre leur gré après usurpation de leur identité et création sur diverses plateformes de vente en ligne de faux comptes avec leurs noms et leurs adresses pour la facturation et adressage des commandes à son domicile de l'avenue 1______ no. ______, à tout le moins depuis juillet 2019 jusqu'en septembre 2019, réceptionné et stocké au sein de son domicile entre 70 et 100 colis pour le compte de AA_____ à qui il les remettait ensuite, soit au domicile de ce dernier sis chemin 2______ no. ______, soit à son propre domicile, colis que AA_____ donnait ultérieurement à C______ lequel les remettait au dénommé AB_____, agissant notamment au détriment de L______, le 8 août 2019, en lien avec la commande d'une montre d'une valeur de CHF 214.-, de S______ le 14 août 2019 en lien avec la commande d'un bracelet en or jaune d'une valeur de CHF 238.-, de O______ le 18 août 2019 en lien avec la commande d'une montre ton or rose d'une valeur de CHF 292.-, de Q______ le 22 août 2019 en lien avec la commande d'une montre d'une valeur de CHF 239.-, de R______ le 31 août 2019 en lien avec la commande auprès de la confiserie AC_____ d'une valeur de CHF 267.80, de N______ le 6 et le 9 septembre 2019 en lien avec la commande d'articles Y______ d'une valeur de CHF 200.-, respectivement CHF 196.- et de AD_____, en lien avec la commande d'articles Y______ d'une valeur de CHF 189.-.

b.b. Par le même acte d'accusation, il est reproché à C______, à des dates indéterminées, à tout le moins à deux reprises entre fin 2018 à fin septembre 2019, de s'être rendu à Genève au domicile de AA_____, chemin 2______ no. ______, afin d'y aller récupérer pour le compte d'un nommé AB_____, un très grand nombre de colis que AA_____ avait lui-même réceptionné ou était allé récupérer dans différents points de livraison, les chargeant dans sa camionnette et les amenant en France avant de les acheminer au Maroc à destination de AB_____ alors qu'il savait ou ne pouvait ignorer qu'ils avaient été obtenus au moyen d'infractions contre le patrimoine, des commandes ayant été passées au nom de tierces personnes contre leur gré après usurpation de leur identité tel que décrit sous lettres b.a. supra, des plaintes ayant été déposées par Y______ SA, E______, Z______, G______, L______, I______, P______, T______, AE_____, J______, W______, F______, H______, AD_____, U______, R______, S______, O______, Q______, N______ et K______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Entre le 23 mai 2019 et le 15 janvier 2020, de multiples plaintes pour escroquerie ont été déposées dans les cantons de Neuchâtel, de Vaud et de Genève par des particuliers et la société Y______ SA pour des commandes d'articles effectuées sur internet au nom de ces particuliers mais à leur insu et pour lesquelles ils étaient facturés alors que la marchandise était livrée à l'adresse de tiers.

a.b. Selon les plaintes et les éléments au dossier, le prix des différents articles commandés sur internet allaient d'un minimum de CHF 0.50 la capsule Y______ à plus de CHF 200.- l'unité, alors que toutes les montres (à l'exception d'une dont le prix était de CHF 199.-), lunettes ou bijoux avaient une valeur supérieure à ce dernier montant (plus proche de CHF 300.- pour la plupart des montres), certains autres articles commandés ayant une valeur intermédiaire.

b. La police a mis en évidence des adresses de livraison chez AA_____ ou chez AF_____, tous deux domiciliés chemin 2______ no. ______ à AG_____ [GE]. Les adresses IP à partir desquelles étaient effectuées les commandes étaient situées au Maroc. Y______ SA a informé la police que 75 comptes avaient été ouverts avec le domicile des précités comme adresse de livraison des marchandises.

Ultérieurement, il s'est avéré qu'une commande pour laquelle une plainte avait été déposée portait comme adresse de livraison le nom et le domicile de A______, habitant no. ______ avenue 1______.

c.a. Entendu début novembre 2019 par la police, AA_____ a expliqué avoir été contacté par un certain AB_____ qui lui avait dit exploiter un café au Maroc et lui avait proposé de faire livrer des colis à son domicile et les stocker un moment. Il avait convenu avec AB_____ de toucher CHF 200.- par mois pour la réception de 20 à 30 cartons par mois dont il ignorait la provenance. Un transporteur nommé C______, avec lequel il se coordonnait, était venu à plusieurs reprises à son domicile avec un utilitaire de marque AH_____ pour récupérer des cartons. C______ était marocain, âgé d'environ 35 ans, mince avec une longue barbe et sans cheveux. Lorsque ce dernier n'était pas disponible, il lui était arrivé de transporter des colis en France et d'y retrouver C______, soit à AI_____ [France], soit à la rue 3______ à AJ_____ [France]. Depuis la fin de l'année 2018, il avait reçu entre 300 et 350 colis essentiellement des sociétés Y______, AK_____ ou AL_____. Il avait perçu entre CHF 850.- et CHF 1'200.- payés directement par C______ ou AM_____ [entreprise de transfert d'argent international]. Après deux ou trois mois, AB_____ lui avait demandé le nom d'une autre personne pour livrer des colis et il avait donné le nom de sa femme, AF_____. Il avait également donné le nom d'un ami, A______, car AB_____ avait besoin d'une autre personne pour recevoir des colis. A______ avait dû réceptionner 30 paquets, contre la somme totale de CHF 70.-, que lui-même se chargeait de récupérer à son domicile pour les remettre au transporteur.

c.b. Devant le Ministère public (MP) et le TP, AA_____ a relevé avoir été bloqué sur What'sApp par AB_____ après que la police l'eut contacté. Il n'avait plus eu d'interactions avec lui depuis lors. Le nommé C______ n'était venu chez lui qu'à une reprise. Les autres fois, il le voyait en France, à AN_____. À deux occasions lorsque la société de C______ était fermée, il avait contacté la société AO_____. Ni AF_____, ni A______ n'étaient impliqués. Il n'avait fait que leur demander de pouvoir utiliser leur nom et leur adresse. Le précité n'avait reçu que peu de colis. À chaque quatre ou cinq colis, il lui avait remis un montant compris entre CHF 15.- et CHF 30.- à titre de compensation pour le trajet en bus ou la nourriture. Trois jours avant que AB_____ ne bloque tout, il lui avait donné les coordonnées de A______. Ce dernier lui faisait confiance et n'avait pas posé de questions sur l'origine des colis.

Confronté à C______, il a relevé qu'il lui avait amené à 50 ou 60 reprises dix à 20 colis et jusqu'à 30 en France à AN_____ et que ce dernier était venu à Genève à deux reprises récupérer entre dix et 15 colis à chaque fois. Il n'avait remis des colis à une autre personne, une femme, qu'à une reprise à AN_____. C'était toujours C______ qui lui avait remis de l'argent. En dernier lieu, devant le TP, il a relevé qu'il ne savait pas à combien de reprises il était allé en France, qu'il y avait remis des colis à une autre personne que C______ à deux reprises et que ce dernier était venu en Suisse à trois ou quatre reprises.

c.c. Egalement entendue par la police, le 19 décembre 2019, AF_____, compagne de AA_____, a expliqué qu'un nommé AB_____ avait pris contact avec ce dernier et lui avait demandé de réceptionner des colis qu'il devait apporter à un dénommé C______ en France. Elle avait reçu plein de paquets à son nom durant des mois. AA_____ touchait entre CHF 300.- CHF 400.- remis via AM_____ ou par C______, pour le ramassage de plusieurs colis. Ce dernier, de grande taille, âgé d'environ 40 ans, avec une longue barbe noire, était venu à deux ou trois reprises à leur domicile pour récupérer des colis avec un véhicule noir disposant de plusieurs rangées de sièges. Une autre personne était également venue à la place de C______. Chaque fois que AA_____ se déplaçait, il y avait entre 15 et 25 colis. Il n'y avait pas que Y______ mais aussi des produits de marque, montres ou parfums, vêtements ou sacs dont la facture pouvait s'élever à CHF 500.-. C'était lorsque, au vu du nombre de colis reçus par AA_____, la Poste avait refusé de livrer plus de paquets, que ce dernier avait donné son nom et celui de A______. AA_____ avait demandé à celui-ci s'il pouvait transmettre ses coordonnées à AB_____ et était allé récupérer les paquets livrés chez lui.

d.a. Dans son rapport du 18 février 2020, la police a relevé que l'analyse des données du téléphone portable de AA_____ avait permis d'identifier le nommé C______ comme étant C______ domicilié à AP_____ en France. Le précité était détenteur de deux véhicules de livraison de marque AQ_____. Une autre personne de contact de AB_____ était une nommée AR_____ de la société AO_____ à AN_____, société de transport opérant de France au Maroc. L'adresse de la rue 3______ à AJ_____ était accompagnée du numéro de téléphone d'un certain AS_____.

d.b. L'examen des données ressortant du téléphone portable de AA_____ (PP/B 86) met également en évidence les éléments suivants :

Les échanges entre AA_____ et la personne enregistrée sous AB_____ au numéro de téléphone marocain +212_4______ par le biais de l'application What'sApp commencent le 22 mai et se terminent le 30 septembre 2019, dernière date où AB_____ se manifeste envers AA_____. Par la suite, ce dernier a cherché à appeler le numéro précité jusqu'au 7 octobre 2019.

Via l'application What'sapp AB_____ a indiqué à AA_____ :

-          Entre les 22 et 23 mai 2019 : "AO_____ à AN_____, contact AR_____ au +33_5______" ;

-          entre le 5 et le 7 juin 2019 : "C______, no. ______ rue 6______ [code postal] AP_____ Téléphone : +33_7______ puis AT_____ [magasin] AI_____" ;

-          le 14 juin 2019 : "rue 8______ AN______", avec le nom de "AR_____" ;

-          le 25 juin 2019 : "no. ______ avenue 9______, AN_____, +33_10_____" ;

-          le 3 juillet 2019 : "AU_____" ;

-          le 5 juillet 2019 : "rue 3______ à AJ_____. AS_____ +33_11_____" ;

-          le 15 juillet 2019 : "rue 3______ à AJ_____, +33_12_____" ;

-          le 31 juillet 2019 : "no. ______ avenue 9______ AN_____" ;

-          le 15 août 2019 : "AV_____, no. ______ route 13_____ AW_____ [France]" ;

-          entre le 3 et le 4 septembre 2019 : "AT_____ AI_____ +33_7______";

-          le 19 septembre 2019 : "rue 3______, AJ_____".

d.c. Via l'application What'sapp les premiers échanges entre AA_____ et C______ interviennent entre le 6 et le 9 juin 2019. Il y est mentionné le magasin AT_____ à AI_____. Il n'en intervient plus par la suite avant le 7 octobre 2019. Entre les 7 et 9 octobre 2019, les deux intéressés se parlent, puis échangent les 19, 24 et 26 octobre 2019. Une dernière communication a lieu le 30 octobre 2019.

d.d. Via l'application What'sapp les échanges entre AA_____ et A______ interviennent dès le 27 mai jusqu'au 2 novembre 2019. Très nombreux, il n'en ressort pas d'éléments significatifs.

e.a. Selon le procès-verbal d'investigation de la gendarmerie nationale du 18 décembre 2020, C______ a une allure générale ordinaire, avec un âge apparent de 48 ans, une corpulence normale. Les photographies figurant dans ce procès-verbal le montrent doté d'une chevelure châtain foncé et sans barbe.

e.b. Le 9 décembre 2020, AX_____, épouse de C______ depuis 19 ans, a déclaré à la gendarmerie nationale être choquée que son mari puisse être prévenu de recel d'escroquerie. Elle ne le voyait pas avoir quelque chose de volé sinon sans le savoir. Il lui arrivait de se rendre à l'étranger, au Maroc. Il possédait un véhicule 14_____ [modèle] blanc de marque AH_____.

e.c. Lors de la perquisition menée au domicile de A______ le 19 novembre 2019, il a été trouvé quatre cartons contenant au total 70 capsules de café Y______ et trois cartons contenant une montre de marque AL_____, dont l'une portée sur lui.

f.a. Entendu par la police française le 18 décembre 2020 sur commission rogatoire, C______ a expliqué travailler en tant que chauffeur livreur pour la société AY_____ active notamment dans le transport de colis entre la France et le Maroc et inversement. Pour se rendre au Maroc, il utilisait un de ses véhicules AQ_____. Il récupérait des colis à AI_____ et ses environs. Il n'était pas allé en Suisse depuis plus de dix ans et n'y avait jamais récupéré de colis. Il ne connaissait ni AA_____, ni A______. Il était arrivé deux ou trois fois qu'une personne venant de Suisse, l'ayant contacté par téléphone, lui remette des colis destinés au Maroc, en lui donnant le numéro de la personne à contacter sur place à qui il les avait apportés. Il ignorait ce que contenaient les cinq ou six colis remis à chaque fois et avait retrouvé cette personne à AI_____, à deux reprises. C'était des petits cartons, il y avait des chocolats et des bonbons ou des "trucs" comme cela. Il ne se rappelait plus quand il avait effectué ces transports qui avaient dû coûter EUR 100.- en tout. La personne l'avait payé directement pour ces deux trajets.

f.b. Devant le MP et le TP, C______ a confirmé ses déclarations et qu'il ne s'était jamais rendu en Suisse récupérer des colis. AA_____ était bien venu en France lui amener à deux reprises quatre colis mais c'était uniquement à AI_____. Il n'avait ni donné d'argent AA_____, ni n'avait été payé par lui pour les transports. Ce dernier lui avait dit qu'il serait rémunéré par AB_____ lequel n'avait pas récupéré lui-même la marchandise mais avait envoyé son neveu lequel l'avait payé. Il avait vérifié le contenu de deux des quatre colis avec AA_____ qui l'avait informé qu'il n'y avait que des produits Y______ et du chocolat, ce qu'il avait constaté.

g.a. Entendu par la police le 18 novembre 2019, sur mandat de comparution du 11 novembre 2019, A______ a déclaré que AA_____ lui avait demandé de l'aide pour recevoir des colis car son adresse n'était plus suffisante, le volume de paquets étant trop important. Il avait accepté de lui rendre service dès le 11 juillet 2019. Il avait reçu entre 50 et 100 colis en trois mois. Au début, il ne les ouvrait pas mais avait commencé à s'inquiéter lorsqu'il avait commencé à recevoir des factures Y______ impayées. AA_____ lui avait dit de ne pas s'inquiéter car il avait déposé une plainte. Il apportait la marchandise à son ami ou ce dernier venait la chercher avant de la remettre à une autre personne. Il ne pensait pas qu'il était possible de recevoir des paquets sans payer les factures. Lorsqu'il avait reçu une facture de Y______, il avait convenu avec la tierce personne, le 22 septembre 2019, que ce dernier allait lui donner CHF 10.- pour trois colis réceptionnés, somme qu'il n'avait jamais reçue car le contact avait été perdu. Il avait reçu CHF 20.- de AA_____, en qui il avait grande confiance. Environ un mois avant son audition, il avait commencé à se poser des questions et à ouvrir les colis. Il en avait cinq ou six à son domicile que AA_____ lui avait demandé de conserver. Le 27 septembre 2019, il avait reçu un colis AZ_____ qu'il avait ouvert et qui contenait quatre ou cinq montres. Les quatre cartons Y______ trouvés à son domicile étaient les derniers colis réceptionnés. Dans deux des boites de montre, il avait été trouvé des factures au nom de V______ et de BA_____ mais il ne savait pas de quoi il s'agissait. Le bulletin de versement au nom de BB_____ l'avait fait réagir. Il avait trouvé étrange que son nom se trouve à côté de celui d'une autre personne.

g.b. À la police neuchâteloise, en mars 2020, A______ a indiqué avoir reçu entre 70 et 100 paquets, remis à AA_____. Il s'était dit que c'était bizarre. Il n'avait jamais ouvert les paquets, sauf deux qui contenaient des montres, ouverts avec la police lorsqu'elle était venue chez lui.

g.c. Devant le MP, A______ a expliqué avoir réceptionné entre 30 et 70 colis en tout, lesquels arrivaient tous les sept ou dix jours. Il était allé une dizaine de fois à la poste. Dans ses déclarations précédentes, il avait donné un chiffre approximatif. Il contestait les accusations. Il ne se souvenait plus des dates. Il ignorait que AA_____ recevait les colis d'autres personnes et pensait que c'était légal car ils arrivaient par la poste. Il n'avait pas posé de questions et ne savait pas de qui provenaient les colis ignorant ce qu'il y avait à l'intérieur. Il avait perçu CHF 150.-, soit CHF 15.- à CHF 20.- chaque fois qu'il remettait des paquets. Il ignorait tout de factures adressées à son propre nom. AA_____ lui avait dit que les colis étaient prépayés. Il a admis avoir réceptionné les colis listés à l'acte d'accusation.

h. Entendu par le TP, le témoin BC_____ a indiqué que C______ travaillait pour lui depuis quatre ou cinq ans en qualité de transporteur. Il était très satisfait de son travail, dès lors qu'il était ponctuel et honnête, les retours des clients n'étaient que positifs.

C. a. Devant la Cour de céans, C______ a relevé n'être jamais venu en Suisse depuis 2008. Il a confirmé ses déclarations précédentes. Lors de leurs premiers contacts, AA_____ l'avait appelé en indiquant qu'il allait amener des colis. Il avait par la suite eu des contacts avec AB_____ à deux ou trois reprises. À son souvenir, ces derniers étaient intervenus à fin 2018 mais pas en 2019. Il estimait à un mois et demi l'intervalle de temps entre les deux transports effectués et n'avait pas eu de contacts avec AA_____ en dehors de ce cadre. Il avait pris en charge les colis avec son véhicule de marque BD_____. S'il avait déclaré à la police française que les colis n'avaient pas été contrôlés, c'était dû à l'ancienneté des faits. Il était possible qu'il ait été mal compris lorsqu'il avait fait état de la personne lui ayant réglé le transport.

b. A______ avait retiré en tout entre 30 et 50 colis à la Poste ou dans un kiosque à proximité de son domicile. Il y avait entre un et trois colis à prendre à la fois. Il ne se souvenait pas s'il y en avait parfois plus. Il avait été accusé à tort n'ayant rien à voir avec les faits. Un ami lui avait demandé de ramener des colis et cela s'arrêtait là. S'agissant du parcours particulier des colis pour être livrés en finalité à un tiers, il pensait que c'était en règle par le passage à la poste. Il avait reçu des colis jusqu'environ au moment de sa convocation par la police et avait eu un contact avec AB_____ 15 à 20 jours avant. Il n'avait rien conclu avec ce dernier, si ce n'est lui communiquer l'adresse de son frère. Contrairement à ses déclarations à la police, ce n'était qu'avec AA_____ qu'il avait convenu de recevoir CHF 10.- pour trois colis reçus. Il avait reçu des factures au nom de tiers après sa convocation à la police. Il avait effectivement reçu personnellement des factures impayées et s'en était inquiété, trouvant cela bizarre. Il avait alors compris qu'il y avait un problème. Il avait par la suite reçu un récépissé qu'il avait remis à la police. Dans son pays, il n'était pas possible de commander quelque chose sur internet sans le payer.

c. Par la voix de son conseil, C______ persiste dans ses conclusions. Aucun des éléments retenus par le TP n'était objectivement soutenu au dossier. Le for requis pour l'application de l'art. 160 CP devait se déterminer de façon autonome. Le receleur devant être poursuivi sur le lieu de la réception du produit recelé, soit à Genève selon l'acte d'accusation. Or l'accusation ne reposait que sur les déclarations de AA_____ et celles-ci ne correspondaient pas à la réalité du dossier s'agissant tant de la description physique de C______, du véhicule qu'il aurait utilisé et du nombre de fois ainsi que du lieu où en France où des colis auraient été remis. Face à ces contradictions, il fallait relever la constance des déclarations de C______, celles de son épouse selon lesquelles il ne se rendait hors de France qu'au Maroc ainsi que son honnêteté soulignée par le témoin BC_____. Dès lors qu'aucune prise en charge de colis par C______ n'était intervenue à Genève, une incompétence ratione loci des autorités genevoises pour la poursuite de faits de recel devait être retenue. Par ailleurs, vu le faible montant des biens pris en charge, la prescription de l'action pénale était acquise du fait de la poursuite sur plainte punie d'une amende pour des biens d'une valeur inférieure à CHF 300.- tels du café ou du chocolat. Subsidiairement, l'art. 160 CP ne pouvait être retenu, les actes de C______ n'étant pas qualifiés en l'absence de toute date et d'identification des colis concernés. L'intention faisait également défaut, C______ devant savoir que la marchandise provenait d'une infraction, ce dont il ne pouvait se douter vu la nature de celle-ci, café ou chocolat. Il n'était que le livreur et rien ne lui permettait de considérer la prise en charge et les transports comme illégaux. Son parcours était exempt de condamnation et aucun élément l'incriminant n'avait été trouvé lors des perquisitions. Un acquittement devait être prononcé.

d. Pour le conseil de A______, ce dernier était innocent. Il n'avait aucune intention, ni n'avait eu conscience de commettre une infraction. Le dossier présentait une violation crasse du principe de célérité. La procédure avait duré des années pour au final retenir à charge huit colis d'une valeur se situant entre CHF 189.- et CHF 292.-. Les faits datant de 2019, la prescription était intervenue. A______ était incapable de commettre une infraction. En 2019, il venait juste d'être admis en Suisse et parlait mal le français. Chez lui, on ne pouvait recevoir un envoi si cela n'était pas payé. Il avait considéré AA_____ comme quelqu'un d'honnête. À aucun moment il n'aurait accepté de commettre une infraction pour CHF 150.-. Une suspicion d'atteinte au patrimoine ne suffisait pas (arrêt 6B_1124/2014). Seuls huit colis étaient considérés alors que l'acte d'accusation en retenait 70. À aucun moment, A______ n'avait pu imaginer que les colis avaient une valeur supérieure à CHF 300.-. Il n'y avait pas d'unité d'action quant aux colis réceptionnés, faute de détails suffisants. Vu la prescription, il y avait lieu de classer la procédure une indemnisation de CHF 200.- étant due pour le jour de détention injustifié. Le doute devait lui profiter à A______.

D. d.a. C______ dépose une requête en indemnisation à hauteur de CHF 2'450.-, hors TVA, faisant état de 16 heures 20 minutes d'activité de stagiaire pour la procédure d'appel, dont dix heures de préparation de l'audience d'appel dont les débats ont duré deux heures.

En première instance, l'indemnité demandée correspondait à 27 heures 30 minutes d'activité de stagiaire à CHF 150.-/heure et à sept heures 55 minutes d'activité de collaborateur au tarif horaire de CHF 350.-, hors audience du TP, laquelle a duré quatre heures.

d.b. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, deux heures et 30 minutes d'activité de cheffe d'étude, hors débats d'appel.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. C______ et A______ concluent au classement de la procédure, subsidiairement à leur acquittement.

2.1.1. Conformément à l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, celui qui aura acquis, reçu en don ou en gage, dissimulé ou aidé à négocier une chose dont il savait ou devait présumer qu'un tiers l'avait obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Si l'infraction préalable est poursuivie sur plainte, le recel ne sera poursuivi que si cette plainte a été déposée (al. 3).

Le comportement délictueux consiste à accomplir l'un des trois actes de recel énumérés limitativement par l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, à savoir l'acquisition, dont la réception en don ou en gage ne sont que des variantes, la dissimulation et l'aide à la négociation d'une chose dont l'auteur sait ou doit présumer qu'un tiers l'a obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine (ATF 128 IV 23 consid. 3c). Le point de savoir si l'auteur du délit préalable a été poursuivi ou puni est sans pertinence. Il suffit que l'acte initial réalise les conditions objectives d'un comportement pénalement répréhensible.

Le recel est une infraction intentionnelle, mais il suffit que l'auteur sache ou doive présumer, respectivement qu'il accepte l'éventualité que la chose provienne d'une infraction contre le patrimoine. Il en va ainsi lorsque les circonstances suggèrent le soupçon de la provenance délictueuse (arrêt 6B_728/2010 du 1 er mars 2011 consid. 2.2).

Selon le Tribunal fédéral, la notion d'infraction contre le patrimoine au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP doit être définie en fonction de la nature du recel, qui selon la théorie dite de la perpétuation, est punissable parce qu'il a pour effet de faire durer, au préjudice de la victime du premier délit, l'état de chose contraire au droit que cette infraction a créé et qui se caractérise donc comme une atteinte au droit d'autrui de récupérer une chose dont il a été privé à la suite d'une première infraction (ATF 127 IV 79 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_793/2007 du 18 mars 2008 consid. 4.1).

2.1.2. Selon l'art. 3 al. 1 CP, le code pénal est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP). Une tentative est réputée commise tant au lieu où son auteur l'a faite qu'au lieu où, dans l'idée de l'auteur, le résultat devait se produire (art. 8 al. 2 CP).

L’acte du recel doit avoir été exécuté au moins partiellement en Suisse (art. 8 CP), à moins que les art. 6 ou 7 ne s’appliquent. L’infraction, même sous la forme de dissimulation, n’est pas un délit continu (WEISSENBERGER in Basler Kommentar Strafrecht, Jugendstrafgesetz, 4e éd., Bâle 2019, n° 7 ad art. 160).

C’est au moment de l’acte éventuellement constitutif de recel que l’intention de l’auteur doit être examinée ; le dolus subsequens est sans pertinence. Si l’auteur prend connaissance de la provenance délictueuse de la chose après son acquisition et qu’il n’est pas complètement protégé dans sa possession, l'art. 160 CP entre en considération seulement si, en accord avec le possesseur antérieur, il fournit son aide pour la revente de la chose (aide à la négociation) ou si, par une nouvelle action, il dissimule (de façon autonome) la chose. En revanche, le simple fait de rester inactif ou de garder le silence n’est pas suffisant. Comme le recel sous la forme d’une dissimulation ne constitue pas un délit continu, le simple fait de continuer à utiliser la chose après qu’un acte pouvant être qualifié objectivement de dissimulation a été commis n’est pas constitutif d’un recel, même si l’auteur apprend après coup que l’objet est d’origine délictueuse. Il faut toutefois réserver le cas où l’auteur aurait un devoir de renseigner, soit une obligation légale d’agir (HENZELIN/ MASSROURI, Commentaire romand, Code pénal II, 2017, n° 83 ad art. 160 CP).

2.1.3. Aux termes de l'art. 172ter al. 1 CP, si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende. Un élément patrimonial est de faible valeur s'il ne vaut pas plus de CHF 300.-. Le critère déterminant est l'intention de l'auteur, non le résultat. L'art. 172ter CP n'est applicable que si l'auteur n'avait d'emblée en vue qu'un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance. Lorsque l'intention de l'auteur, y compris sous la forme du dol éventuel, portait sur un montant supérieur à la valeur limite admise, l'art. 172ter CP ne trouve pas application, même si le montant du délit est inférieur à CHF 300.-. Si l'auteur commet plusieurs actes portant chaque fois sur une valeur inférieure à CHF 300.-, il faut prendre en considération le total de ces valeurs, pour autant que les actes remplissent les conditions de l'unité juridique et de l'unité naturelle d'action (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1054/2021 du 11 mars 2022 consid. 2.1.1).

L'unité naturelle d'actions existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle vise ainsi la commission répétée d'infractions - par exemple, une volée de coups - ou la commission d'une infraction par étapes successives - par exemple, le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives -, une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux. La notion d'unité naturelle d'actions doit être interprétée restrictivement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1214/2021 du 26 octobre 2022 consid. 2.1.5).

2.1.4. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, les preuves étant examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2.1. En l'espèce, l'acte d'accusation reproche à C______, de s'être rendu à Genève au domicile de AA_____ à des dates indéterminées, à tout le moins à deux reprises entre fin 2018 à fin septembre 2019, afin d'y récupérer pour le compte d'un nommé AB_____ un grand nombre de colis provenant d'infractions contre le patrimoine.

Ces faits, tels que décrits à l'acte d'accusation, impliquent à l'évidence un rattachement avec la Suisse dans la mesure où l'acte de recel, soit la prise en charge de colis provenant d'une infraction, serait intervenu à Genève.

C______ a fait des déclarations constantes sur le fait qu'il ne s'était pas rendu en Suisse depuis de nombreuses années. Il avait bien rencontré à AI_____ à deux reprises AA_____ venu de Suisse qui lui avait confié quelques colis, sa seule contradiction étant le contrôle de la marchandise, plusieurs des colis l'étant selon ses dernières déclarations alors qu'il avait déclaré le contraire à la police française, ce qu'il a expliqué par l'écoulement du temps.

AA_____ a, tout au long de la procédure, fait des déclarations contradictoires et qui ne correspondent à certains éléments ressortant du dossier. Ainsi, il a d'abord déclaré que le nommé C______ était à plusieurs reprises venu à Genève récupérer des cartons avant d'indiquer que ce n'était qu'à une reprise, puis deux, puis, devant le TP, à trois ou quatre reprises. Parallèlement, lui-même se serait rendu plusieurs fois en France pour remettre des colis à C______ soit à AI_____ soit à AJ_____. Ultérieurement, il a déclaré que les colis étaient livrés à C______ à AN_____ uniquement, et ce, jusqu'à cinquante ou soixante fois. Hors C______, il avait remis des colis à une autre personne à deux reprises, puis une fois seulement à AN_____, à une femme, puis que c'était finalement en deux occasions.

Confronté à C______, AA_____ l'a certes reconnu. Sa description initiale de l'appelant interpelle dès lors qu'elle est nettement éloignée de celle de C______ relevée par la police française, photographie à l'appui et de ce que la Cour a pu constater en audience. Par ailleurs, la description faite par AF_____ n'est pas particulièrement probante et ne permet pas d'identifier C______. Certes, ce dernier possédait un véhicule de marque AH_____ mais cela ne suffit pas à démontrer sa venue à Genève.

À cela s'ajoute que l'examen des échanges What'sApp entre AA_____ et C______ ne confirme en rien des échanges réguliers entre les intéressés lesquels seraient nombreux selon la version des faits de AA_____. En effet, il n'apparaît de contacts entre eux que début juin 2019 qui suivent le moment où le nommé AB_____ informe AA_____ du nom, de l'adresse de AI_____ [France] et du numéro de téléphone de C______, vraisemblablement pour un transport. Les seuls contacts directs What'sApp suivants entre AA_____ et C______ interviennent en octobre 2019 alors que le nommé AB_____ a déjà cessé les siens avec AA_____ à la suite de l'intervention de la police. Il faut également relever comme ressortant des échanges What'sApp entre AB_____ et AA_____, que début septembre 2019, AB_____ a fait mention du magasin AT_____ à AI_____, ce qui pourrait correspondre à une seconde rencontre entre AA_____ et C______, tel que soutenu par ce dernier. Il est également possible de questionner le fait que dans plusieurs messages What'sApp échangés (dont il ressort qu'il s'agissait de leur moyen de communication privilégié), AB_____ donne à AA_____ à diverses reprises d'autres noms ou adresses en France dont ce dernier n'a jamais fait état. À cet égard, on peut légitimement se demander s'il n'a pas masqué des informations concernant des tiers qui pourraient être impliqués. Ce qui précède permet de douter que AA_____ a fait des déclarations correspondant à la réalité, au vu de leur inconstance et de l'absence de crédibilité à leur accorder, outre que des éléments objectifs au dossier non seulement ne les corroborent pas mais les contredisent en réalité.

En définitive, les différents éléments précités ne permettent pas de retenir que C______ est effectivement venu en Suisse prendre en charge des colis provenant d'infractions contre le patrimoine, pas plus qu'ils ne soutiennent l'existence de contacts réguliers entre le précité et AA_____. Au bénéfice du doute, C______ sera donc acquitté des faits qui lui sont reprochés et le jugement réformé en ce sens.

2.2.2. A______ a fait des déclarations fluctuantes desquelles il ressort des contradictions en rapport aux éléments de la procédure quant au nombre de colis réceptionnés, de la nature de ses contacts avec AB_____, de sa rémunération, du moment de l'ouverture de colis et de sa connaissance du fait que ceux qu'il réceptionnait pour les remettre à AA_____ étaient impayés. Outre le mode opératoire très particulier de l'acheminement des colis, il est douteux qu'il n'a pas réalisé, à tout le moins dès le mois de septembre 2019, que son concours était sollicité par AA_____ dans des circonstances troubles devant l'amener à envisager que les colis provenaient d'une infraction contre le patrimoine. En effet, ses déclarations initiales et les détails donnés selon lesquels il avait commencé à s'inquiéter lorsqu'il avait reçu des factures impayées et que c'est à ce moment qu'il avait eu un contact avec AB_____ et convenu avec ce dernier d'une rémunération de CHF 10.- pour trois colis réceptionnés ne se comprennent pas autrement. Il a admis avoir conservé des colis de montres et de Y______ à son domicile, ce qu'a confirmé la perquisition effectuée.

La jurisprudence citée par la défense (arrêt 6B_1124/2014) n'est pas applicable au cas d'espèce. En effet, dans le cas cité, sous l'angle de la condition objective, il n'était pas certain qu'une partie des objets volés était d'origine délictueuse. À l'inverse, il est, au contraire, établi par la procédure que les objets livrés par la poste à l'adresse de l'appelant provenaient bien d'une infraction contre le patrimoine après usurpation de l'identité d'une personne et la commande faite en son nom.

Cela étant, il est établi que les valeurs des différentes marchandises envoyées à l'adresse de A______ pour les huit cas identifiés et retenus à l'acte d'accusation sont toutes inférieures au montant de CHF 300.-, celui des préjudices des parties lésées – non identifiées s'agissant du solde des 70 à 100 colis reçus selon l'acte d'accusation - étant inconnu à la procédure. A______ a relevé que ce n'était que lorsqu'il avait reçu des factures à son nom propre en septembre 2019 qu'il avait commencé se poser des questions et à ouvrir des colis. Dans ce contexte, il a ainsi pu prendre connaissance de la valeur individuelle de ceux-ci, de sorte que l'on ne peut exclure qu'il a pris en compte le fait que cette valeur était inférieure à CHF 300.-. La question pourrait être posée d'un dépassement de cette valeur, impliquant une unité naturelle d'action au sens de la jurisprudence, si l'on devait considérer qu'au jour de la perquisition à son domicile, A______ en détenant simultanément plusieurs montres, dont l'une sur lui, perpétuait ce jour-là l'atteinte au droit d'autrui de récupérer les choses illégalement en sa possession. Cela étant, la doctrine récente considère que le recel n'est pas un délit continu et la procédure ne permet pas non plus de savoir à quelle date les différents colis ont été reçus par A______, notamment ceux trouvés lors de la perquisition. Ainsi, une unité naturelle d'action par une prise de possession conjointe de marchandises pour une valeur d'ensemble supérieure à CHF 300.- n'est pas établie.

Au vu des incertitudes précitées, seules des infractions de faibles valeurs contre le patrimoine au sens de l'art. 172ter CP pourraient être retenues à l'encontre de A______. Dans la mesure où, s'agissant de contraventions passibles de l'amende pour lesquelles la prescription de l'action pénale est de trois ans (art. 109 CP), la procédure devra être classée. L'appel est ainsi admis et le jugement sera réformé en ce sens.

3. A______ réclame une indemnisation à hauteur de CHF 200.- par suite de son arrestation.

3.1. L'art. 429 al. 1 let. c CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subit en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.

3.2. En l'espèce, A______ n'a pas fait l'objet d'une arrestation. Il a été convoqué à la police par mandat de comparution en vue de son audition du 18 novembre 2019 à laquelle il s'est librement rendu, comme il l'a fait pour son audition à Neuchâtel le 12 mars 2020. Il n'a ainsi aucun droit à une indemnisation, n'ayant pas fait l'objet d'une mesure de contrainte.

4. C______ réclame une indemnité de CHF 7'495.80 pour ses frais de défense relatifs à la procédure de première instance, respectivement de CHF 2'450.- (hors TVA) pour la procédure d'appel.

4.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu bénéficiant d'un acquittement ou d'un classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (ATF 138 IV 205 consid. 1).

Aux termes de cette disposition, le prévenu a un droit à une indemnisation et à la réparation de son tort moral s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement. Le droit à l'indemnisation est ouvert dès que des charges pesant sur le prévenu ont été abandonnées, en tout ou partie. Dans ce dernier cas, les autorités pénales doivent avoir renoncé à poursuivre le prévenu ou à le condamner pour une partie des infractions envisagées ou des faits retenus dans l'acte d'accusation et ces infractions ou ces faits doivent être à l'origine des dépenses et des dommages subis par le prévenu. L'indemnité sera due si les infractions abandonnées par le tribunal revêtent, globalement considérées, une certaine importance et que les autorités de poursuite pénale ont ordonné des actes de procédure en relation avec les accusations correspondantes. En cas d'acte à "double utilité", il y a lieu de procéder à une répartition équitable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_80/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.1).

L'indemnité n'étant due qu’à concurrence des dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu, cela autorise la réduction de la note d’honoraires du défenseur (Message, FF 2006 1303, p. 1313 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l’usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1349 p. 889). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d’honoraires qui lui sont soumises, mais, au contraire, examiner si l’assistance d’un conseil était nécessaire puis, dans l’affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l’adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l’affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l’importance de la cause, c’est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013). Ainsi, seules les heures nécessaires passées effectivement et à bon escient à la préparation de la défense doivent être retenues, le juge devant s’inspirer des règles en vigueur en matière de défraiement de l’avocat d’office, de manière à éviter que les activités qui ne sont pas directement et raisonnablement en rapport avec les besoins effectifs de la conduite du procès soient indemnisées. Le juge dispose d’une marge d’appréciation, sans qu’il ne doive se montrer trop exigeant dans l’appréciation rétrospective qu’il porte sur les actes nécessaires à la défense du prévenu ( NIGGLI / HEER / WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, n. 19 ad art. 429 CPP ; ACPR/239/2017).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n’en a pas moins posé, à l’art. 34 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv ; RS E 6 10), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l’importance de l’affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d’étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 3, en matière d'assistance juridique, faisant référence aux tarifs usuels d'un conseil de choix à Genève ; AARP/125/2012 du 30 avril 2012 consid. 4.2 ; ACPR/178/2015 du 23 mars 2015 consid. 2.1).

4.2. En l'espèce, les relevés d'activité de la défense de C______ pour la première instance font état de multiples actes dont 14 heures de préparation à l'audience de jugement, conclusions en indemnisation, recherches juridiques et entretien avec le client préalable à l'audience, de conférences internes, de multiples entretiens téléphoniques avec la femme du client et de nombreux courriels. En regard des 27 heures et 30 minutes d'activité du stagiaire et des près de huit heures d'activité du collaborateur, il est nécessaire de relever qu'une seule audience de deux heures 35 minutes s'est tenue devant le MP, outre l'audience devant le TP. Au vu de la relative simplicité du dossier, et compte tenu de la position de C______, ainsi que de celle de AA_____ dont les contradictions ont été mises en évidence, il n'apparaît pas que la défense de l'appelant ait nécessité un nombre aussi élevé d'heures d'activité. Ainsi, une indemnisation ne sera accordée qu'à hauteur de 12 heures au tarif de stagiaire, cinq heures au tarif de collaborateur, la durée de l'audience du TP étant admise au tarif de CHF 450.- de chef d'étude, Me D______ y ayant personnellement assisté son client. L'indemnité pour la procédure de première instance sera ainsi accordée à hauteur de CHF 5'350.- plus la TVA. Pour l'instance d'appel, il sera admis huit heures d'activité de stagiaire, y compris la préparation de l'audience, ainsi que la durée de celle-ci, soit dix heures au total. L'indemnité globale due à l'appelant sera ainsi arrêtée à CHF 7'377.45 (CHF 6'850.- + TVA CHF 527.45).

5. L'état de frais de Me B______ répondant aux critères de l'assistance juridique, il y sera ajouté la durée de l'audience et la vacation au Palais de justice (CHF 100.-). Cet état de frais sera ainsi taxé à hauteur de CHF 1'077.- (CHF 1'000.- + TVA CHF 77.-).

6. Les appels ayant été admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit les appels formés par A______ et C______ contre le jugement JDTP/80/2023 rendu le 23 janvier 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/18781/2019.

Les admet.

Annule ce jugement en ce qui les concerne.

 

Et statuant à nouveau :

 

Ordonne le classement de la procédure s'agissant des faits reprochés à A______ par l'acte d'accusation du 25 mars 2022.

Acquitte C______ des faits retenus à l'acte d'accusation du 25 mars 2022.

Rejette les prétentions en indemnisation de A______.

Alloue CHF 7'377.45 à C______ à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure de première et de seconde instance.

Dit que A______ et C______ sont tous deux exemptés de payer chacun le tiers des frais de la procédure de première instance en CHF 2'812.-.

Laisse l'émolument complémentaire de jugement à la charge de l'État.

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1'077.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Secrétariat d'État aux migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).