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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/676/2022

AARP/458/2023 du 29.11.2023 sur JTDP/855/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LEI;SÉJOUR ILLÉGAL;LF CONCERNANT DES MESURES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR
Normes : CP.251; LEI.115; LEI.115; LEI.118
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/676/2022 AARP/458/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 29 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/855/2023 rendu le 28 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/855/2023 du 28 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) a classé la procédure des chefs d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) ainsi que de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) pour la période antérieure au 28 juin 2016 (en raison de la prescription), mais l'a reconnu coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal suisse [CP]), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum art. 22 al. 1 CP), le condamnant à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- l'unité, sous déduction d'une unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), frais de la procédure à sa charge.

A______ conclut à son acquittement des chefs d'infractions dont il a été reconnu coupable.

b. Selon l'ordonnance pénale du 24 octobre 2022, il lui est reproché ce qui suit :

-        le 24 octobre 2015 (la période pénale antérieure étant prescrite), il a pénétré sur le territoire suisse, puis y a séjourné, notamment à Genève, jusqu'au 24 octobre 2022, date de son interpellation, alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires ;

-        à tout le moins entre le 24 octobre 2015 (la période pénale antérieure étant prescrite) et le 24 octobre 2022, jour de son interpellation, il a régulièrement exercé une activité lucrative en Suisse auprès de plusieurs sociétés, soit notamment C______ SA et le garage D______ Sàrl, sans être titulaire des autorisations nécessaires ;

-        à Genève, le 8 mars 2019, il a produit à l'appui d’une demande d'autorisation de séjour déposée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), dans le cadre de l'opération "Papyrus", différents documents falsifiés ou contrefaits, émis par la société C______, à savoir :

·          une fausse attestation, non datée, certifiant le versement mensuel du salaire de A______ en espèces ;

·          un faux certificat de travail, établi le 1er mars 2017, attestant de son engagement au sein de l'entreprise précitée, en qualité de manœuvre, du 3 août 2015 au 28 mars 2017 ;

·          un faux contrat de travail, avec prise d'emploi le 3 août 2015, lequel mentionnait avoir été établi, au recto, le 3 août 2015 et, au verso, le 2 août 2017.

Il a indiqué faussement, pièces à l’appui, qu'il avait séjourné et travaillé de manière interrompue [recte : ininterrompue] à Genève depuis le 15 mars 2015.

De la sorte, il a tenté d'induire en erreur l'OCPM, en lui donnant de fausses indications sur ses années passées en Suisse et sur ses employeurs, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé que celle-ci ne lui a pas été délivrée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Au moyen d'un formulaire intitulé "Dénonciation – dossier post Papyrus" l'OCPM a, le 21 décembre 2021, communiqué au MP le dossier de A______ contenant notamment les certificats et contrat de travail établis, apparemment, par C______. Le dénonciateur précisait que cette entreprise apparaissait dans de nombreux dossiers Papyrus et que le prélèvement des charges sociales dues à teneur du contrat n'avait pas été effectué.

Les trois pièces précitées étaient :

-        une attestation non datée selon laquelle C______ avait versé, chaque mois et en espèce (sic) le salaire du dénoncé ;

-        un certificat de travail du 1er mars 2017, indiquant qu'il avait été engagé par l'entreprise du 3 août 2015 au 28 mars 2017 en qualité de manœuvre ;

-        un contrat de travail portant la date du 3 août 2015 au recto mais mentionnant au verso qu'il avait été établi deux ans plus tard, le 2 août 2017, en deux exemplaires.

Sur les trois documents, la raison sociale de l'entreprise est dactylographiée "C______", alors que l'accent circonflexe est absent du timbre humide, comme de l'extrait de l'inscription au registre du commerce. La signature manuscrite apposée sur le timbre humide paraît être identique sur les trois pièces. Lesdits documents portent également la signature de A______.

a.b. Il résulte par ailleurs du dossier produit par l'OCPM que A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour le 8 mars 2019 puis à nouveau le 5 novembre 2021. Par courrier du 10 novembre 2021, l'OCPM l'a informé de son intention de rejeter la demande de régularisation, au motif, notamment que le séjour antérieur à mai 2017 n'avait pu être établi.

b.a. Entendu par la police, le prévenu a déclaré qu'il avait quitté le Kosovo pour arriver en Suisse le 15 mars 2015. Il avait travaillé sur appel durant deux mois puis avait été engagé par C______, sauf erreur à compter du mois d'août 2015, jusqu'en mars 2017. Le patron lui avait remis un contrat de travail, en main propre, deux mois après ses débuts. En revanche, il n'avait jamais reçu de fiche de salaire, étant précisé qu'à l'époque, il ne savait pas comment il fallait procéder. Il avait ensuite enchaîné les "petits travaux" puis avait été engagé en décembre 2018 par le garage pour lequel il travaillait toujours, comme mécanicien. Il n'était retourné qu'à une reprise au Kosovo, durant 15 jours, en 2021, au bénéfice d'un visa de retour délivré par l'OCPM.

A______ a indiqué qu'il avait tenté à plusieurs reprises de régulariser sa situation. Il l'avait fait seul, les premières fois, convaincu qu'il remplissait les conditions dès lors que son fils était scolarisé en Suisse depuis six ans, le nombre d'années minimum étant de cinq. Il était ensuite passé par deux cabinets d'avocats de la place.

Après avoir affirmé qu'il avait reçu l'attestation certifiant du paiement régulier du salaire avec le contrat de travail, il a indiqué qu'il était allé voir son ancien patron avant de déposer sa demande de régularisation et s'était vu remettre plusieurs documents, dont les deux certificats, alors qu'il avait bien reçu le contrat en octobre 2017. Confronté aux deux dates apparaissant sur cette dernière pièce, A______ a expliqué qu'en définitive, il l'avait également reçue en 2019, en vue du dépôt de la demande de régularisation, tout en insistant sur le fait qu'il avait véritablement travaillé pour C______ entre août 2015 et mars 2017.

b.b. Devant le MP, A______ a précisé qu'il ignorait le nom de son patron au sein de C______. Afin de pouvoir le contacter, il s'était adressé à des amis de la communauté albanaise. Il s'était rendu chez lui et l'homme lui avait remis les documents. Il n'avait pas prêté attention à leur contenu. Il avait uniquement pensé à l'intérêt de sa famille mais n'avait pas voulu tromper les autorités.

Il ne connaissait ni E______, qu'il avait tout au plus pu croiser dans la rue, ni F______

b.c. Lors des débats de première instance, A______ a reconnu les infractions de séjour illégal et de travail sans autorisation mais contesté avoir produit des faux documents à l'appui de sa demande de régularisation. Il avait tenté de retrouver la personne qui lui avait remis les trois documents en cause, sans succès. Il ignorait quelle fonction elle avait occupée auprès de C______ et ne la connaissait que de vue. Il était passé par des amis, tout comme c'en était également qui lui avaient, à l'époque, signalé la possibilité de travail et "remis de l'argent". Il a d'abord indiqué qu'il ignorait s'il avait véritablement travaillé pour C______, précisant ensuite avoir voulu dire qu'au début il ne savait pas pour qui il travaillait mais qu'il s'agissait en définitive bien de ladite entreprise.

b.d. En appel, A______ a nié avoir participé à l'élaboration des documents et dit avoir ignoré qu'ils étaient faux, ce qu'il reconnaissait désormais, selon son conseil. Il a tout d'abord précisé que c'était un de ses amis rencontrés à G______ [GE] qui lui avait appris le nom de l'entreprise pour laquelle il avait travaillé, soit C______. Il ne connaissait l'identité d'aucun d'entre eux. Il a ensuite déclaré qu'il savait avoir travaillé pour C______ et cherchait à savoir si cette entreprise existait encore. Il confirmait que des amis lui "avaient trouvé cet emploi" et "payaient [son] salaire, de la main à la main" chaque mois, précisant qu'en réalité c'était toujours la même personne qui lui avait remis son salaire et qu'il ne s'agissait pas de celle qui l'avait ensuite aidé à retrouver son patron. Finalement, le contact avec son ancien employeur s'était fait par des personnes habitant le même immeuble que lui. Ces voisins, dont l'un savait que l'entreprise pour laquelle il avait travaillé était C______, avaient gracieusement fait des recherches et lui avaient donné les documents. En définitive et sur question de son conseil, il a déclaré qu'il ignorait alors aussi bien le nom de l'entreprise que celui du patron.

c. Entendus par le MP en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, E______ et F______ ont exposé :

-        pour le premier, qu'il avait été administrateur de C______ durant une année, entre 2015 et 2016 [ndr : du 9 juillet 2015 au 7 avril 2016, selon l'extrait du registre du commerce]. H______ lui avait succédé. À sa connaissance, A______ n'avait pas travaillé pour l'entreprise et celui-ci ne l'avait pas sollicité dans le contexte de sa demande de régularisation. Il n'avait jamais vu les documents émanant prétendument de C______ et la signature apposée sur le timbre humide de l'entreprise n'était pas la sienne ;

-        pour le second, qu'il avait accepté d'être administrateur de C______ du 14 juillet au 7 septembre 2015, celle-ci étant "montée" par deux de ses cousins. Il ne connaissait pas A______ et n'aurait pas de raison de taire qu'il avait travaillé pour l'entreprise si tel avait été le cas, étant précisé qu'il y avait trois ou quatre employés. Il ne reconnaissait pas les documents litigieux, qui ne portaient pas sa signature.

d. Selon l'extrait du registre du commerce, C______ est entrée en liquidation le 22 août 2017 et a été radiée le ______ 2018.

e. Le TP a retenu que A______ n'était pas crédible lorsqu'il prétendait avoir travaillé pour C______. En prolongement, la première juge a estimé que le prévenu avait produit, dans le contexte de la demande de régularisation, des documents qui indiquaient faussement qu'il avait été employé par cette entreprise (consid. 2.2.1).

C. a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il sollicite son indemnisation, en CHF 2'966.06, pour ses frais de défense en appel, correspondant à 13h30 d'activité de stagiaire au taux horaire de CHF 200.-, hors débats d'appel (lesquels ont duré 40 minutes), "frais administratifs" de 2% en sus, ainsi que, en CHF 200.-, au titre de réparation de son tort moral pour la détention d'un jour subie.

b. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. A______ est né le ______ 1985 à I______ au Kosovo, pays dont il est originaire. Il a fréquenté l'école jusqu'au niveau secondaire, puis a obtenu un diplôme en informatique. Il est marié et a deux enfants à charge, âgés de quatre et 13 ans, précisant que l'aîné a souffert d'une tumeur mais est désormais guéri, bien qu'il soit encore régulièrement contrôlé. Il travaille en qualité de mécanicien pour un revenu annuel net de CHF 45'480.-, 13ème salaire en sus, ainsi que CHF 600.- d'allocations familiales par mois. Son loyer et son assurance-maladie s'élèvent à CHF 1'450.- et CHF 552.45 par mois. Il bénéficie d'un subside d'un montant de CHF 300.-. Il n'a ni dette, ni fortune. Son épouse n'a pas d'activité professionnelle.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation, laquelle découle également des art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst. ; droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH ; droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 5.1). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1). Lorsque, par la voie de l'opposition, l'affaire est transmise au tribunal de première instance, l'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP).

Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (immutabilité de l'acte d'accusation). Il peut toutefois retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1023/2017 du 25 avril 2018 consid. 1.1, non publié in ATF 144 IV 189 ; 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 7.1).

2.2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1 et les références).

2.3.1. À l'heure de procéder à l'établissement des faits, il est tout d'abord relevé qu'il y a une contradiction entre la thèse de l'accusation, selon laquelle l'appelant aurait séjourné et travaillé en Suisse depuis le 24 octobre 2015 à tout le moins (la période antérieure étant prescrite) et celle de l'OCPM qui a retenu que le séjour n'était démontré que depuis le mois de mai 2017. La présomption d'innocence comme la cohérence, dès lors qu'il sera retenu ci-dessous que l'appelant n'a pas travaillé pour C______ jusqu'en mars 2017, commandent de retenir que ce n'est qu'à compter de mai 2017 que l'intéressé a séjourné en Suisse et enchaîné les "petites" occupations puis est entré au service du garage D______ Sàrl.

2.3.2. Lors même que, paradoxalement, l'accusation et la défense soutiennent à l'unisson que l'appelant avait précédemment travaillé pour C______, le TP a retenu que tel n'était pas le cas. À raison : comme souligné par la première juge, les déclarations de l'appelant ne sont pas crédibles : il a affirmé avoir obtenu cet emploi, via des amis, dont il n'a pas révélé l'identité ; il a aussi exposé avoir reçu "de l'argent", soit son salaire, par le même truchement et ce serait grâce à eux qu'il aurait joint son ancien patron, pour lui demander les documents utiles au dépôt de sa demande papyrus. Il n'a pas été capable de décliner l'identité dudit supposé patron. En appel, il a admis ne l'avoir jamais rencontré et dit avoir reçu les documents des mains de ses voisins. L'appelant a même concédé en première instance, avant de se rétracter, qu'il ignorait s'il avait véritablement travaillé pour C______ et varié sur ce point en appel.

Toutes ces explications se singularisent par leur imprécision et leur contradiction ce qui prive de consistance la version de l'emploi durable auprès de la même entreprise, même en tenant compte de ce qu'il serait illicite et donc non formalisé comme le serait une activité déclarée. Certes, comme l'appelant le fait valoir, les dépositions des deux administrateurs, qui ont chacun nié l'avoir employé, doivent être examinées avec circonspection dès lors qu'ils couraient le risque de s'incriminer d'emploi d'étrangers sans autorisation en admettant le contraire. Cela ne signifie cependant pas nécessairement qu'ils ont menti. Leur propos a au moins valeur d'indice, non de preuve, indice qui s'ajoute aux éléments qui précèdent.

Abstraction faite des pièces produites à l'appui de la demande de régularisation, dont il sera retenu infra qu'elles sont fausses, aucun élément n'appuie la thèse de son emploi auprès de C______, si ce n'est ses propres déclarations. On ne saurait se reposer sur elles nonobstant leur incohérence au motif qu'en les commettant, l'appelant s'est auto-incriminé, ce qui est souvent tenu pour gage de sincérité. En effet, en l'occurrence, l'intéressé a maintenu cette version dans la procédure pour se défendre de deux autres accusations, soit celles de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, tout comme il l'avait précédemment développée pour tenter d'établir un séjour en Suisse d'une durée suffisante.

En définitive, l'accusation n'apporte pas la preuve de ce que l'appelant a travaillé pour C______.

On ne saurait par ailleurs retenir en sa défaveur qu'il a été employé entre le 28 juin 2016 (date retenue par le TP en raison de la prescription) et mars 2017 par un ou plusieurs autres employeurs demeurés inconnus, car cela contreviendrait au principe d'immutabilité de l'état de fait reproché, tel que circonscrit par l'acte d'accusation, étant précisé qu'il faut retenir que l'ordonnance pénale, qui évoque une période pénale globale, renvoie implicitement aux trois phases évoquées par l'appelant dans la procédure (jusqu'à mars 2017 : activité soi-disant pour C______ ; jusqu'à décembre 2018 : enchaînement de "petits travaux" ; depuis décembre 2018 : emploi auprès du garage D______ Sàrl).

2.3.3. Les soupçons de l'OCPM au sujet de l'authenticité des pièces présentées comme émanant de C______ ont été éveillés par le fait que cette entreprise avait été impliquée dans "de nombreux dossiers Papyrus" et l'absence de paiement des cotisations sociales. À l'examen des trois pièces, il s'avère qu'elles sont en outre entachées d'incongruités : contrat censé avoir été "fait en deux exemplaires le 2 août 2017" mais daté du 3 août 2015 et remis en mars 2019 ; raison sociale dactylographiée "C______". Le signataire pour le compte de l'entreprise n'a pas pu être identifié, dès lors que ni les deux administrateurs entendus, ni l'appelant n'ont pu donner la moindre indication à son sujet. Surtout, l'appelant s'est, ici encore, contredit, affirmant tantôt avoir obtenu le contrat de travail et l'attestation relative au paiement des salaires deux mois après ses débuts, soit en octobre 2017, tantôt en même temps que le certificat de travail, en mars 2019. Enfin, comme déjà relevé, il a été très imprécis, disant ignorer l'identité de son ancien patron, qu'il n'avait pu contacter que via des amis. Il a dit qu'il s'était rendu chez ce dernier pour recevoir les pièces mais, interrogé en appel, il a finalement déclaré ne l'avoir jamais rencontré. On relèvera encore qu'il est hautement improbable qu'en mars 2019, soit plus d'une année après la radiation de la société, un ancien organe (de droit ou de fait) de C______ eût encore disposé de pièces remontant à 2015 ou 2017.

Il faut donc constater que les justificatifs produits par l'appelant à l'appui de sa demande de régularisation sont des faux.

Il ne le conteste du reste plus, soulignant lui-même que C______ est connue à Genève pour avoir "fourni des faux documents à plusieurs personnes de la communauté albanaise" dans le contexte de l'opération Papyrus (déclaration d'appel, p. 6 et précision de son avocat lors des débats d'appel). Cette position est contradictoire avec les différentes variantes données au fil des auditions. D'une part, si les documents lui avaient vraiment été remis en mains propres par son patron, leur contenu aurait été véridique. Or, il admet que les documents sont des faux. Réalisant sans doute qu'il était peu crédible que ces pièces lui aient été remises par son employeur en personne, il a modifié ses déclarations et expliqué avoir obtenu les documents par un voisin (version apparue en appel, juste après celle d'une personne rencontrée à G______ [GE]). Dans cette version, il ne saurait prétendre avoir cru qu'il s'agissait de vrais documents, alors même qu'il ne soutient pas que ce voisin eût un quelconque lien avec C______. De même, l'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il affirme avoir été payé chaque mois par un ami, dont il ne connait pas l'identité, ne dit rien de ses liens éventuels avec C______ et qui ne serait même pas la personne qui l'aurait informé de l'identité de l'entreprise pour laquelle il aurait travaillé (personne sur laquelle il a également varié en appel, toujours sans donner son identité, cf. supra).

Il est donc retenu que l'appelant a produit ces faux documents afin de pouvoir justifier d'un séjour en Suisse depuis août 2015 à l'appui de sa demande de régularisation, et ce en toute connaissance de cause. En prolongement, il faut retenir aussi qu'il savait que la durée de son séjour telle qu'il pouvait l'établir (soit depuis mai 2017), n'était pas suffisante car on ne voit pas pourquoi, s'il avait pensé de bonne foi le contraire, il se serait évertué à démontrer qu'il aurait été employé en Suisse d'août 2015 à mars 2017.

3. 3.1.1. À teneur de l'art. 115 al. 1 let. b LEtr, est puni quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

3.1.2. Sous réserve de l'argument de l'appelant tiré de ce qu'il aurait été au bénéfice d'une autorisation provisoire au sens de l'art. 17 al. 2 LEI à compter du dépôt de la première demande de régularisation, argument qui sera examiné infra consid 3.5.1, et de la question du début du séjour de l'appelant en Suisse, il est incontestable que celui-ci était illégal, au sens de la disposition qui précède, dès lors qu'il a duré plus de trois mois (art. 10 LEI) et que l'intéressé ne bénéficiait pas d'une autorisation de séjour, circonstances qu'il connaissait, tout comme il ne conteste pas avoir été conscient de ce qu'il contrevenait aux normes de police des étrangers.

Le même constat s'impose, mutatis mutandis, s'agissant de ses "petites" mais enchaînées occupations auprès d'employeurs dont il n'a pas révélé l'identité, à compter de mai 2017 (non avril car seul le séjour en Suisse depuis mai 2017 est établi selon le dossier de l'OCPM), puis pour le garage D______ Sàrl, activités prohibées par l'art. 115 al. 1 let. c LEI.

3.2. En revanche, la période pénale pertinente est plus courte que celle admise par le TP, non seulement s'agissant du travail illégal mais aussi du séjour (supra consid. 3.1.2). Il est donc retenu que l'appelant a séjourné en Suisse et travaillé sans autorisation du 1er mai 2017 au 24 octobre 2022.

3.3.1. Selon l'art. 118 al. 1 LEtr, est punissable quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d'une autorisation.

L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation ; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1).

Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée ; à défaut, il s'agit d'une tentative (AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.1).

L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est une infraction intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1 ; voir également : AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).

3.3.2. L'opération dite Papyrus, qui a pris fin au 31 décembre 2018, visait à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7).

3.3.3. La première juge doit également être suivie en ce qu'elle a retenu que l'appelant avait tenté d'induire les autorités en erreur en produisant à l'appui de ses demandes de régularisations les documents dont il a été établi supra qu'ils étaient faux. Ce faisant, il a en effet voulu justifier de ce qu'il satisfaisait aux conditions posées dans le contexte de l'opération Papyrus, alors que ce n'était pas le cas.

3.4.1. L'art. 251 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue cependant pas un faux intellectuel : le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement (ATF 146 IV 258 consid. 1.1 ; 144 IV 13 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1042/2020 du 1er décembre 2021 consid. 2.2.2).

Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, (ATF 142 IV 119 consid. 2.1 ; ATF 138 IV 130 consid. 2.1). Le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité (ATF 128 IV 265 consid. 1.1.1). Lorsqu'il y a création d'un titre faux, il est sans importance de savoir si le contenu d'un tel titre est mensonger ou non et il n'y a dès lors plus lieu d'examiner si les documents en question offrent des garanties accrues de véracité quant à leur contenu. Les documents faussement créés doivent toutefois aussi constituer des titres tels que définis par l'art. 110 ch. 4 CP.

L'art. 251 CP entre en concours réel avec l'art. 118 LEI si le comportement frauduleux à l'égard des autorités a été réalisé à l'aide de documents falsifiés (M.S. NGUYEN / C. AMARELLE [éds], Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers [LEtr], Berne 2017, ch. 3 ad art. 118).

3.4.2. À raison, l'appelant ne conteste pas que les documents litigieux sont des titres, dès lors qu'ils tendaient à établir un fait ayant une portée juridique (son activité salariée d'août 2015 à mars 2017 et, par ricochet, son séjour).

On ignore qui est l'auteur de ces documents, mais il est établi qu'il ne s'agissait pas d'un organe de prétendu employeur, puisqu'ils ont été forgés aux fins du dépôt de la première demande de régularisation de l'appelant, à un moment où l'entreprise avait été radiée. Il s'ensuit qu'il s'agit de titres faux dont l'auteur réel ne correspond pas à l'auteur apparent, soit des faux matériels. Il n'est ainsi pas nécessaire de déterminer s'ils étaient de surcroît de nature à revêtir une crédibilité accrue et si leur destinataire pouvait s'y fier raisonnablement, ce qui en ferait également des faux intellectuels.

Il a été estimé au stade de l'établissement des faits que l'appelant, contrairement à ce qu'il soutient, a agi intentionnellement, dès lors qu'il savait nécessairement qu'il ne les avait pas obtenus de son ancien patron. Il en a fait usage afin d'obtenir un avantage indu, soit l'octroi d'un permis de séjour selon le processus Papyrus alors qu'il n'en remplissait pas les conditions.

3.5.1. En principe, l'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 consid. 2.1). Selon le message du Conseil fédéral, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il ne remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535).

L'art. 17 al. 2 LEI prévoit, en effet, que l'autorité cantonale compétente peut autoriser l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'admission sont manifestement remplies.

L'art. 30 LEI consacre une liste de situations dans lesquelles il est possible de déroger aux conditions d'admission posées aux art. 18 à 29 de la loi.

Encore récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que le cadre légal de l'opération Papyrus s'apparentait à celui de l'art. 30 LEI, qui ne confère aucun droit de séjour en raison de sa nature potestative de sorte que les documents fournis par l'OCPM après le dépôt d'une demande de régularisation ne valaient pas permis de séjour et que l'étranger ne pouvait se prévaloir de la bonne foi afin d'éviter une condamnation pour séjour et travail illégal postérieure au dépôt de la requête si la demande de régularisation était rejetée, ce d'autant plus s'il avait commis des infractions dans le cadre de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_680/2023 du 1er septembre 2023, consid. 2.2).

3.5.2. Pour sa part, la présente autorité a certes jugé que l'étranger qui n'avait pas adopté de comportement frauduleux dans le cadre d'une requête Papyrus ne pouvait être condamné pour les infractions à l'art. 115 LEI commises avant le dépôt de la requête, car les autorités administratives et pénales n'avaient eu connaissance du séjour et du travail irréguliers qu'au travers de sa demande de régularisation, de sorte qu'une condamnation de l'appelant de ce chef violerait manifestement les principes de non incrimination et de bonne foi des autorités (AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid 3.2.2). Elle a cependant confirmé, comme cela découlait du reste déjà du considérant topique de son précédent arrêt, que ce raisonnement ne s'appliquait qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération.

3.5.3. Au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral et genevoise qui précède, l'appelant invoque en vain l'art. 17 al. 2 LEI et l'obligation de bonne foi de l'autorité, consacrée par l'art. 5 al. 3 Cst. et, en droit pénal, par l'art. 3 al. 2 let. a CPP, que ce soit pour ses agissements illicites antérieurs ou subséquents au dépôt de sa première demande de régularisation.

3.6. En prolongement, il ne saurait pas non plus être suivi lorsqu'il proteste que la poursuite des infractions portées à la connaissance des autorités, dans le contexte de la procédure de régularisation, par leurs auteurs eux-mêmes, relèverait de la fishing expedition proscrite par l'art. 140 CPP. Contrairement à ce qu'il paraît soutenir, l'opération de régularisation n'a pas été utilisée pour amener les étrangers contrevenant à l'art. 115 LEI à se dénoncer et de la sorte mieux les poursuivre. Elle avait l'objectif annoncé, qui était de régulariser les étrangers bien intégrés et répondants aux critères. Ces requérant-là ont bénéficié non seulement de la régularisation, mais aussi d'une protection, dans la mesure où ils n'ont pas été sanctionnés, étant relevé que l'appelant ne cite aucun cas où cela serait arrivé. À tout le moins, même le prévenu dans la procédure à l'origine de l'arrêt AARP/118/2023 a, in fine, bénéficié de cette protection, lors même qu'il s'est avéré que sa requête reposait sur des indications en partie fausses, parce qu'il a été jugé qu'il avait été de bonne foi. En revanche, les individus, dont l'appelant, qui ont tenté de détourner l'opération, briguant une régularisation à laquelle ils savaient qu'ils ne pouvaient prétendre, qui plus est dans son cas en produisant à cette fin des faux dans les titres, ne peuvent prétendre à l'inexploitabilité des informations qu'ils ont fournies car ils l'ont fait en toute connaissance de cause. Il n'y a aucune ruse ou démarche déloyale de la part des autorités.

3.7. En conclusion, l'appel du verdict de culpabilité n'est que partiellement admis, d'office, la période pénale des infractions de séjour et de travail illégaux étant réduite de quelques neuf mois.

4. 4.1. Le faux dans les titres est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 251 ch. 1 CP). Le séjour illégal (let. b) et le travail sans autorisation (let.c) sont sanctionnés d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 115 al. 1 LEI). Le comportement frauduleux à l'égard des autorités est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 118 al. 1 LEI).

4.2. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

4.3. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.4. La faute de l'appelant est sérieuse. Il a fourni des informations mensongères aux autorités compétentes dans le but d'obtenir un titre de séjour et/ou de travail. De ce fait, il a porté atteinte à la confiance que l'administration est en droit d'attendre de l'administré, ainsi qu'à la bonne foi dans les rapports entre celui-ci et l'État. Il a en outre persisté à séjourner et travailler sur le territoire suisse sans bénéficier des autorisations nécessaires, ce dont il avait parfaitement conscience. La période pénale, de plus de cinq ans pour ces deux dernières infractions, est longue.

Le fait que la commission de l'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités en soit restée au stade de la tentative n'est dû qu'à des circonstances indépendantes de la volonté de l'appelant, si bien qu'il n'en sera tenu compte que dans une faible mesure dans la fixation de la peine.

Les mobiles de l'appelant résident de manière générale dans son intérêt personnel à demeurer en Suisse par convenance personnelle, au mépris des autorités et des lois en vigueur.

Sa collaboration est sans particularité. Il a fourni des explications contradictoires et évasives au fil de la procédure. Sa prise de conscience n'est que peu amorcée, puisque, même s'il a admis finalement avoir fourni des faux documents à l'OCPM, il a persisté à nier le caractère répréhensible de ses actes, tout en en faisant porter à autrui la responsabilité et ce, jusqu'en appel.

Sa situation personnelle, certes précaire sur le plan administratif, ce qui avait des répercussions pour toute la famille, ne justifie aucunement ses actes.

Il n'a pas d'antécédent, ce qui a un effet neutre.

Il y a plusieurs infractions passibles du même type de peine, d'où le bénéfice du principe d'aggravation (art. 49 CP).

4.5. La peine de 90 jours-amende prononcée par la première juge pour l'infraction de faux dans les titres se justifie. Elle sera augmentée de deux fois 25 jours-amende (peine hypothétique : 40 jours-amende) pour les infractions de séjour illégal et de travail sans autorisation, ainsi que de 20 jours-amende (peine hypothétique : 30 jours-amende) pour la tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités. Aussi, une peine globale de 160 jours-amende sera prononcée.

L'octroi du sursis, dont la durée du délai d'épreuve fixée par le TP est adéquate, est acquis à l'appelant (cf. art. 391 al. 2 CPP). Le montant du jour-amende (CHF 30.- l'unité), conforme à la situation patrimoniale du prévenu, sera également confirmé.

5. L'appelant, qui succombe pour l'essentiel car il perd sur le principe mais voit la période pénale et, partant, la peine réduites d'office s'agissant des infractions à l'art. 115 al. 1 LEI, supportera 80% des frais de la procédure d'appel envers l'État (art. 428 al. 1 CPP), lesquels comportent un émolument de décision de CHF 1'500.-. L'émolument complémentaire de jugement, arrêté à CHF 600.- par le TP, suivra le même sort.

Compte tenu de la confirmation des verdicts de culpabilité, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 426 al. 1 CPP).

6. 6.1. Le prévenu acquitté totalement ou en partie, a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure et/ou une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (art. 429 al. 1 let. a et c CPP).

La question de l'indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) doit être traitée en relation avec celle des frais (art. 426 CPP).

La Cour de justice applique un taux horaire de CHF 150.- pour les stagiaires (AARP/65/2017 du 23 février 2017).

6.2. À l'instar de ce qui vaut pour la répartition des frais, aucune indemnité n'est due pour la procédure préliminaire et de première instance.

6.3. Pour l'appel, le prévenu peut prétendre à l'indemnisation de 20% de ses frais d'avocat.

Un taux horaire de CHF 150.- sera retenu pour l'activité de l'avocate-stagiaire conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus.

Une indemnité de CHF 466.90 sera arrêtée, soit 2h50 d'activité de stagiaire (14h10 x 20%) à CHF 150.-/heure (CHF 425.-), plus les frais forfaitaires facturés (CHF 8.50) et la TVA au taux de 7.7% (CHF 33.40).

L'indemnité sera compensée, à due concurrence, avec les frais mis à la charge de l'appelant (art. 442 al. 4 CPP).

6.4. Vu les verdicts de culpabilité, les conclusions en réparation d'un prétendu tort moral de l'appelant seront rejetées.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/855/2023 rendu le 28 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/676/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure des chefs d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), ainsi que de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) pour la période antérieure au 28 juin 2016.

Acquitte A______ de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) entre le 28 juin 2016 et le 30 avril 2017.

Déclare A______ coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de travail sans autorisation (art.115 al. 1 let. c LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum art. 22 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 160 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 et art. 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, arrêtés par la première juge à CHF 876.- (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que la première juge a arrêté à CHF 600.- l'émolument complémentaire de jugement de première instance.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'685.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-.

Met 80% des frais d'appel, soit CHF 1'348.-, ainsi que 80% de l'émolument complémentaire de jugement de première instance, soit CHF 480.-, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Rejette les conclusions de A______ en indemnisation pour la procédure préliminaire et de première instance, ainsi que pour la détention subie (art. 429 CPP).

Alloue à A______ une indemnité de CHF 466.90 pour ses frais de défense en appel (art. 429 et 436 CPP).

Compense les frais de procédure à la charge de A______ avec l'indemnité pour ses frais de défense en appel (art. 442 al. 4 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1476.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'685.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'161.00