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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19767/2021

AARP/322/2023 du 21.08.2023 sur JTDP/217/2023 ( PENAL ) , REJETE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19767/2021 AARP/322/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

C______, domiciliée ______ [GE], comparant par MD______, avocate,

appelantes,

 

contre le jugement JTDP/217/2023 rendu le 17 février 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 17 février 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 et 2 du Code pénal suisse [CP]) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende, à CHF 30.- au bénéfice du sursis (délai d'épreuve : trois ans). Le TP l'a également condamnée à payer à C______ CHF 15'000.-, avec intérêts à 5% dès le 13 septembre 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 du Code des obligations suisse [CO]), cette dernière étant renvoyée à agir par la voie civile pour le surplus (art. 126 al. 2 du Code de procédure pénale suisse [CPP]). Enfin, le TP a rejeté ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP) et a mis la totalité des frais à sa charge (art. 426 al. 1 CPP).

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et au versement d'une indemnité pour ses frais de défense dans la présente procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

a.b. Egalement en temps utile, C______ appelle du jugement susmentionné et l'entreprend partiellement en tant qu'il porte sur le montant de l'indemnité octroyée à titre de réparation pour tort moral. Elle conclut à la condamnation de A______ à lui verser la somme de CHF 50'000.- à ce titre et au versement d'une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel (art. 138 CPP).

b. Selon l'ordonnance pénale du 17 décembre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 13 septembre 2021, à Genève, aux alentours de 16h03, à la hauteur du n° 54 de la rue de Monthoux, alors qu'elle circulait au volant de son véhicule automobile immatriculé GE 1______, A______ a omis d'accorder la priorité à C______, laquelle était engagée sur un passage pour piétons, et l'a ainsi percutée, lui occasionnant notamment, par négligence, une fracture du pied et de multiples dermabrasions, lesquelles ont été constatées médicalement le 13 septembre 2021.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

À propos de l'accident de la circulation

a. Le 13 septembre 2021 à 16h03, la police est intervenue à la rue de Monthoux 54 à Genève suite à un accident de la circulation. A______, circulant au volant de son véhicule en direction de la rue de Lausanne, avait heurté C______, piétonne, qui s'était engagée sur un passage pour piétons, de droite à gauche par rapport à son sens de marche.

À cet endroit, la vitesse est limitée à 30km/h. La chaussée est en ligne droite, plate, sèche et la visibilité était normale. Il faisait beau et jour. Le véhicule de A______ avait été déplacé sans que sa position ne soit marquée sur la chaussée, aucune trace de freinage ou de ripage n'était visible sur la chaussée.

b. Les faits ont été filmés par la caméra de vidéosurveillance situé au niveau du croisement entre la rue de Monthoux et la rue de Fribourg offrant ainsi une vue complète du lieu où le heurt s'est produit. Il ressort des images de vidéosurveillance ce qui suit :

- C______ arrive à la hauteur du passage pour piétons alors que A______ n'est pas encore au niveau de l'intersection entre la rue de Monthoux et la rue de Neuchâtel ; la première se tourne et marque alors un temps d'arrêt – le corps positionné face au passage pour piétons et au ras de la chaussée – alors que A______ arrive à la hauteur de l'intersection susmentionnée. Il est 16h01min et 47sec lorsque C______ marque son temps d'arrêt ;

- C______ s'engage sur le passage pour piétons à 16h01min et 49sec. À ce moment-là, A______ est déjà engagée dans l'intersection entre la rue de Monthoux et la rue de Neuchâtel, laquelle précède le passage pour piétons. Sur la voie opposée, un scooter se situe dans l'espace qui sépare la voiture de A______ et C______ lorsque celle-ci s'engage ;

- Au moment où A______ arrive à la hauteur du passage pour piétons et qu'elle s'apprête à heurter C______, déjà engagée de deux pas sur ledit passage, elle tente de se déporter légèrement sur la droite. Elle lui roule tout de même sur le pied et la heurte sur le côté gauche, C______ tombe sur le côté droit et reste au sol.

c. Il ressort des images de la vidéosurveillance que l'attention de C______ est porté sur son téléphone, qu'elle tient dans sa main, tout au long de la scène susdécrite. Toutefois, à son arrivée à hauteur du passage pour piétons, C______ relève la tête sans qu'il soit pour autant possible d'affirmer qu'elle jette un coup d'œil en direction de A______ ni de l'exclure.

d. A______ a expliqué à la police que, lorsqu'elle était arrivée à la hauteur du passage pour piétons, elle avait vu qu'une femme se trouvait sur le trottoir et que celle-ci était sur son téléphone portable. La piétonne s'était "élancée" sur le passage pour piétons alors qu'elle-même s'y trouvait déjà, causant un heurt. Avant de passer le passage pour piétons en voiture, elle avait vu cette femme qui attendait sur le trottoir avec son téléphone mais elle ne savait pas "si elle souhaitait traverser la route ou non", celle-ci n'avait montré "aucun signe pouvant laisser présager sa traversée du passage pour piétons".

e. À l'audience de jugement, A______ a déclaré qu'elle avait constaté la présence d'un passage pour piétons et qu'elle avait vu que C______ était positionnée devant mais, pour elle, cette dernière n'allait pas traverser car elle regardait son téléphone. C______ n'avait fait aucun signe. Elle-même roulait à 30 km/h et se trouvait à "1 ou 2 mètres" du passage pour piétons lorsqu'elle avait vu la piétonne. Constatant à son arrivée à hauteur du passage pour piétons que C______ était occupée sur son téléphone, elle avait décidé de s'engager. Par la suite, elle n'avait pas eu le temps de freiner. Elle a déclaré, sur question, avoir ralenti à l'approche du passage pour piétons.

f. C______ a déclaré qu'elle était avec son téléphone, qu'elle avait traversé et que la prévenue était arrivée à "une vitesse immense" et l'avait fait "vol[er] en l'air". Elle avait été amendée pour l'utilisation de son téléphone. Elle avait regardé avant de traverser mais n'avait pas vu arriver la voiture de A______, cette dernière était survenue "à grande vitesse".

À propos des conséquences sur l'état de santé de C______

g. Suite au heurt, C______ est tombée et s'est blessée. Le jour même, elle est allée consulter au Centre d'urgence de la clinique E______. Le certificat médical établi a mis en évidence une fracture de la base du cinquième métatarsien du pied droit, une probable entorse de la cheville droite, de multiples dermabrasions au niveau des membres supérieurs des deux côtés, des contusions au niveau des membres supérieurs des deux côtés et du genou droit.

h. Le 1er décembre 2021, C______ a déposé une plainte pénale contre A______ du chef de lésions corporelles graves, se constituant partie plaignante au civil et au pénal.

À l'appui de sa plainte, elle expliquait qu'elle avait perdu toute mobilité dans les semaines ayant suivies l'accident et qu'elle avait dû rester "cloîtrée" dans son appartement. L'IMAD lui apportait quotidiennement les repas du midi et effectuait toutes les tâches ménagères à son domicile. Les repas du soir étaient pris en charge par l'assurance responsabilité civile de la conductrice. Deux mois après l'accident, elle n'avait toujours pas récupéré une mobilité complète, elle se déplaçait toujours avec des béquilles, peinait à poser le pied à terre et devait porter une botte orthopédique. Cet accident avait également eu des répercussions sur sa santé psychique, aggravant son état dépressif.

i.a. En vue de l'audience de jugement, C______ a déposé des conclusions civiles à l'appui desquelles elle explique souffrir d'une atteinte grave à son intégrité physique – douleurs invalidantes qui n'étaient soulagées par aucun antalgique – ainsi que d'un état dépressif. Plusieurs mois après l'accident, elle n'avait toujours pas récupéré une mobilité complète et le pronostic des médecins à court terme était défavorable, le pronostic à moyen et à long terme était quant à lui réservé. Les médecins n'excluaient pas une invalidité totale ou partielle, permanente. Depuis l'accident, elle avait dû faire l'objet de plusieurs hospitalisations et interventions chirurgicales et médicales. Aussi, elle devait être quotidiennement assistée dans ses tâches ménagères et ses courses. L'accident avait eu des répercussions extrêmement importantes sur sa vie quotidienne et ses perspectives d'avenir.

i.b. Il ressort des rapports/certificats médicaux établis par les différents professionnels de santé consultés par C______ depuis son accident que :

Le jour de l'accident, après sa consultation à la clinique E______, elle a été victime de deux malaises, le premier en sortant des urgences et le second chez elle. Elle avait donc dû retourner aux urgences le soir même et avait ensuite été adressée au département de médecine aiguë – où elle avait été hospitalisée jusqu'au lendemain – pour une surveillance neurologique. Le scanner a toutefois permis de conclure à l'absence de saignements intracrânien et de fracture de la boîte crânienne. Le retour à domicile a été préconisé avec attelle, béquilles et prescription d'un anticoagulant. Pour la blessure au pied droit, un suivi ambulatoire était organisé avec des orthopédistes et prescription d'un nouveau scanner (pièce 2 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Le 16 décembre 2021, le scanner effectué mettait en évidence le fait que la fracture du cinquième métatarsien dont souffrait la patiente était en cours de consolidation, toutefois estimée à moins de 50% (pièce 6 du chargé de pièces du 13 février 2023).

En janvier 2022, le Dr F______, spécialiste de la chirurgie orthopédique et traumatologique, indiquait dans son rapport que le scanner du mois de décembre mettait en évidence "une pseudarthrose ou en tout cas, un retard de consolidation de cette avulsion du 5ème métatarsien associé à des signes d'une éventuelle fracture de fatigue du cuboïde". Il notait surtout "une douleur très importante de tout le pied à la palpation, à l'effleurement avec, à l'anamnèse, des signes compatibles avec une algoneurodystrophie". Pensant que c'était de ce dernier diagnostic, plus que de la fracture, que la patiente souffrait, il déconseillait la chirurgie qui n'apporterait aucune amélioration. Il orientait cette dernière vers un traitement plus complet des douleurs liées au syndrome (pièce 7 du chargé de pièces du 13 février 2023). Dans son rapport subséquent du 8 mars 2022, le médecin faisait état de la consolidation de la fracture – certes lente – mais rassurante. Il confirmait que les douleurs très importantes du pied droit parlaient en faveur d'une algodystrophie, à laquelle elles étaient principalement liées. Il faisait mention de symptômes très violents chez la patiente avec une impossibilité de marcher correctement, l'utilisation de béquille et d'une botte. Elle était suivie "avec une prise en charge lourde et spécifique concernant ses douleurs". Le scanner mettait aussi en évidence une amélioration des signes d'algodystrophie, mais il était surtout question d'un suivi clinique lié à ce symptôme (pièce 8 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Le 5 juillet 2022, un nouveau scanner du pied droit et une scintigraphie osseuse planaire avec perfusion mettaient en évidence une consolidation partielle de la fracture à la base du cinquième métatarsien et des observations compatibles avec une algodystrophie subaiguë dans le contexte clinique (pièce 9 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Le Dr G______, spécialiste pied et cheville, confirmait, en août 2022, que la patiente présentait deux problématiques : un syndrome douloureux chronique, pour lequel il préconisait la mise en œuvre d'un traitement et d'une évaluation par une physiothérapeute spécialisée, et une arthrose post-traumatique au niveau de la base du cinquième métatarsien, pour laquelle il prescrivait une infiltration de cortisone (pièces 10 et 12 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Le 28 octobre 2022, C______ avait dû se rendre à nouveau aux urgences suite à un épisode douloureux aigu en lien avec l'algodystrophie sévère du pied droit dont elle souffrait. L'examen clinique mettait en avant une douleur à la moindre mobilisation du pied, une hyperalgésie et une allodynie au niveau du bord externe du pied droit, un enraidissement du médio-pied et des orteils et une décoloration et une atrophie de la peau face dorsale des quatrième et cinquième métatarsiens. La majorité des axes thérapeutiques étaient déjà en cours d'exploration pour la patiente mais, au vu de la décompensation des douleurs et de la détresse psychologique, une nouvelle prise en charge antalgique était proposée de même qu'une rotation du traitement anti-dépresseur et l'ajout d'anxiolytiques. Le suivi auprès des différents spécialistes référents devait être poursuivi (pièce 11 du chargé de pièces du 13 février 2023).

En novembre 2022, le Dr G______ expliquait que l'on pouvait s'attendre à une récupération longue du syndrome douloureux chronique qui était connu pour prendre plusieurs mois pour s'améliorer. Il existait également une probabilité d'avoir un phénomène d'arthrose post-traumatique au niveau de l'articulation du cinquième métatarsien au vu de la fracture subie.

Le Dr H______, médecin traitant de C______, faisait état, le 10 novembre 2022, de douleurs persistantes et fortement handicapantes dans le contexte de guérison compliqué de la fracture du pied de sa patiente avec développement probable d'une algoneurodystrophie. Cette dernière était suivie par plusieurs spécialistes. Différents traitements avaient été tentés avec malheureusement peu d'effet sur la douleur. Sa patiente se déplaçait toujours à l'aide de béquilles et avait besoin d'aide pour ses activités quotidiennes. En outre, elle avait dû suspendre toute activité professionnelle et de formation. L'accident et les souffrances en découlant avaient détérioré l'état psychologique de C______, déjà fragile auparavant (pièce 14 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Dans son rapport de traitement du 11 novembre 2022, I______, physiothérapeute, faisait état d'importantes douleurs neurogènes, de manifestations diurne et nocturne qui n'avaient pas pu être soulagées par un traitement antalgique médicamenteux efficace. C______ souffrait d'un "CRPS (complex regional pain syndrom)" accompagné d'une allodynie mécanique importante assez étendue allant de la mi-jambe jusqu'à la base des orteils, englobant la cheville et une partie de la plante du pied, rendant tout contact avec cette zone impossible. Les douleurs l'empêchaient d'assumer son quotidien (activités ménagères, courses, activités sociales, déplacements limités seulement avec des béquilles). Ce syndrome pouvait se manifester sur une période allant jusqu'à deux ans et parfois même au-delà avec des séquelles impossibles à prédire ce jour. En parallèle, elle souffrait de douleurs mécaniques du pied conséquentes au développement d'arthrose post-traumatique (pièce 15 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Le 10 février 2023, le Dr H______ déplorait une situation clinique malheureusement inchangée. Depuis plusieurs mois, différentes molécules antalgiques avaient été essayées mais aucun soulagement n'était noté et les douleurs persistaient malgré de fortes doses atteintes. La patiente était suivie à la consultation de la douleur, des perfusions d'antalgiques étaient administrées toutes les deux semaines mais il n'y avait plus de traitement médicamenteux de fond, faute d'efficacité. La prise en charge s'avérait difficile pour les spécialistes, des séances d'ergo-physiothérapie restaient indiquées de manière rapprochée et au long terme des séances de perfusion avec des doses d'antalgiques adaptées (pièce 16 du chargé de pièces du 13 février 2023).

Enfin, dans une attestation non datée, sa psychiatre, le Dr J______, affirmait que, depuis l'accident, l'état psychique de la patiente "s'[était] dégradé de manière définitive sans pouvoir envisager, à l'heure actuelle une amélioration". Cette dernière avait subi un choc psychologique, une perte soudaine de toute autonomie dans son quotidien et ne pouvait plus marcher sans moyens auxiliaires. Elle souffrait d'une dépression sévère sans amélioration malgré un traitement adéquat et les doses maximales prescrites. La patiente faisait face à une situation d'incertitude prolongée quant aux diagnostics et traitements possibles, aux délais et pronostics de ces traitements et d'imprévisibilité quant à sa santé et son avenir professionnel. Tous ces facteurs d'incertitude et d'impuissance la maintenait dans sa détresse psychologique (pièce 5 du chargé de pièces du 13 février 2023).

i. À l'audience de jugement, C______ a expliqué qu'elle avait subi une fracture au pied, laquelle n'était toujours pas consolidée un an et demi après les faits. Elle souffrait également d'une maladie qui affectait le nerf du pied et l'empêchait de marcher. Elle devait prendre son bain sur une chaise en plastique. Les médecins lui disaient que cela pouvait durer cinq ou dix ans, voire devenir chronique. Elle devait faire des intraveineuses de lidocaïne et de morphine tous les 15 jours pour soulager un peu la douleur liée à l'inflammation du pied. Avant l'accident, elle allait commencer une formation horlogère. Depuis l'accident, A______ l'avait appelée quatre fois pour lui présenter des excuses et lui dire qu'elle n'en dormait plus la nuit.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, chiffre l'indemnité réclamée en vertu de l'art. 429 CPP à CHF 7'113.90 – correspondant à l'activité déployée par son Conseil – et conclut en outre au rejet des conclusion en indemnisation de C______.

C______ s'était approchée d'un passage pour piétons situé à la rue de Monthoux mais elle s'était arrêtée – au moins quatre secondes – sur le bord de la chaussée pour pianoter sur son téléphone portable. À ce moment-là, elle circulait quant à elle sur la rue de Monthoux en direction dudit passage pour piétons, elle avait vu la piétonne absorbée par son téléphone portable et constaté qu'elle ne s'engageait pas sur le passage protégé, sans faire de signe en ce sens. Elle n'avait donc pas anticipé que C______ se déciderait finalement à traverser et encore moins sans un regard pour la circulation, ayant "les yeux toujours rivés sur son téléphone portable qu'elle tenait dans sa main". De plus, elle n'avait pas pu éviter la collision, ce qu'elle avait pourtant essayé en se déportant sur la gauche. En effet, lorsque C______ s'était engagée, elle se trouvait quant à elle à environ deux mètres du passage pour piétons, distance ne lui permettant pas de s'arrêter à temps pour éviter la collision étant rappelé que la distance d'arrêt à 30km/h est de 15.75m.

Le TP avait retenu à tort une violation du devoir de diligence en lien avec les art. 26 et 33 de la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR) et l'art. 6 al. 1 de l'Ordonnance fédérale sur les règles de la circulation routière (OCR). C______, de par son comportement, avait renoncé de manière reconnaissable et sans ambiguïté à exercer sa priorité ; celle-ci ne s'était ni engagée, ni arrêtée avec la visible intention de traverser de sorte qu'elle n'avait pas l'obligation de réduire sa vitesse et aucune raison de le faire. L'art. 26 al. 2 LCR ne trouvait pas à s'appliquer car l'arrêt prolongé de C______ devant la chaussée démontrait qu'elle avait conscience de la proximité de la route et du danger pour un piéton inattentif. Dans ces conditions, elle ne pouvait pas imaginer que C______ allait s'engager soudainement et sans lever les yeux. Elle pouvait légitimement s'attendre à ce que C______ se conforme au devoir de prudence découlant de l'art. 47 al. 2 OCR et vérifie la circulation avant de s'élancer ce qui lui aurait permis de constater que le véhicule se trouvait à une distance insuffisante pour pouvoir s'arrêter. Le comportement de C______, imprévisible et fautif, était propre à rompre le lien de causalité entre son comportement et les lésions corporelles causées. En outre, il fallait, cas échéant, tenir compte de la faute concomitante de C______ dans le cadre d'une éventuelle fixation d'indemnité pour tort moral.

c.a. Selon son mémoire d'appel, C______ persiste dans ses conclusions et chiffre l'indemnité de procédure réclamée à CHF 600.-. Elle conclut également à la condamnation de A______ à tous les frais de la procédure d'appel et au rejet des conclusions de cette dernière.

Son état de santé ne s'était toujours pas amélioré depuis l'audience de jugement. Dans un dernier espoir de remédier à ses douleurs persistantes depuis l'accident, une stimulation médullaire était envisagée ce qui impliquait deux nouvelles opérations sans garantie de résultat (cf. pièce 17 annexée à son mémoire).

Le montant alloué par l'instance inférieure à titre de réparation du tort moral était insuffisant compte tenu des souffrances subies et de la jurisprudence en la matière. Un montant de 40'000.- avait été confirmé pour une victime d'un accident de la route souffrant de douleurs persistantes après l'accident malgré deux opérations pour consolider une fracture (ATF 4A_437/2017 consid. 6.3), une indemnité de CHF 25'000.- avait été jugée équitable pour une victime d'un accident de la route hospitalisée durant deux semaines et souffrant de séquelles non invalidantes trois ans après les faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_987/2017 du 12 février 2018, consid. 6), une indemnité de CHF 40'000.- avait été allouée à une victime d'agression ayant subie de multiples fractures, plusieurs interventions chirurgicales, une hospitalisation de cinq semaines et des lésions permanentes (AARP/258/2016 du 1er février 2016, consid. 4.3.1.). En l'occurrence, il ressortait de la procédure que ses souffrances étaient particulièrement importantes. Depuis une année et demie, elle ne pouvait plus assumer seule les tâches de son quotidien, elle ne pouvait plus se déplacer sans aide, elle souffrait en permanence et sa vie sociale était devenue quasi inexistante. Elle avait dû mettre entre parenthèses ses projets d'études et sa future vie professionnelle. Elle avait dû être hospitalisée et opérée, passer de nombreux examens médicaux, se rendre aux urgences à plusieurs reprises et elle allait devoir subir prochainement deux nouvelles opérations. Elle souffrait en permanence et aucun des traitements proposés n'avait pu mettre fin à ses douleurs. Elle avait régulièrement besoin d'intraveineuses de lidocaïne et de morphine. La dégradation de son état psychique était considérée comme étant définitive. L'accident de la route lui avait causé un traumatisme important et durable de sorte que l'indemnité fixée en première instance apparaissait largement inférieure au montant qui aurait dû lui être alloué.

c.b. Dans le cadre de son mémoire de réponse, C______ conclut au déboutement de A______ et réévalue l'indemnité de procédure due à CHF 1'000.-.

A______ l'avait vue marcher en direction du passage pour piétons et s'arrêter devant celui-ci, elle avait eu le temps de réfléchir au comportement à adopter et décidé de ne pas réduire sa vitesse et de prendre le risque de ne pas pouvoir s'arrêter à temps si la piétonne décidait de s'engager. Ainsi, la conductrice n'avait pas été surprise par un piéton qui se serait "jeté" sous ses roues. Vu les circonstances, celle-ci aurait dû faire preuve d'un devoir de prudence accru et si le comportement du piéton n'était pas clair, il lui appartenait de s'en assurer avant de continuer. Il n'y avait pas de compensation des fautes en droit pénal de sorte que le comportement du piéton – qu'il soit inattentif, impulsif ou ambigu – n'enlevait rien aux obligations de diligence du conducteur. Enfin, il n'y avait pas de rupture du lien de causalité dans la mesure où son comportement n'avait rien d'extraordinaire et son éventuelle inattention ne diminuait pas la faute de A______, respectivement n'était pas propre à rompre la causalité.

d. Le Ministère public (MP) conclut au rejet de l'appel de A______ et s'en rapporte à justice quant à celui de C______.

A______ avait admis avoir vu C______ au bord de la chaussée mais avoir considéré que celle-ci n'allait pas s'engager. Son devoir de diligence requérait qu'elle diminue sa vitesse voire qu'elle s'arrête, ce qui lui était possible vu la vitesse peu élevée à laquelle elle circulait. À l'abord d'un passage pour piétons, elle avait le devoir de redoubler de vigilance ce qu'elle n'avait pas fait. En outre, le lien de causalité naturelle et adéquate était réalisé. Les faits s'étaient déroulés de jour, sur un passage pour piétons, lieu où tout conducteur devait s'attendre à ce qu'un piéton soit présent, même de manière inopinée ; ce qui n'était d'ailleurs pas le cas de C______, celle-ci ayant marqué un temps d'arrêt avant de s'engager sur le passage pour piétons et ayant indiqué, de par sa position, qu'elle allait s'engager. Le comportement de C______ ne laissait aucune place au doute.

D. A______, née le ______ 1934, est de nationalité suisse. Elle est veuve et vit seule. Elle touchait, au moment des faits, une rente AVS ainsi que des prestations complémentaires pour un revenu mensuel de CHF 3'011.-. Ses charges mensuelles étaient composées de son loyer (CHF 836.-) et de son assurance-maladie (CHF 619.75).

À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ n'a pas d'antécédent.

E. Me D______, conseil juridique gratuit de C______, ne dépose pas d'état de frais pour la procédure d'appel mais fait état dans son mémoire d'appel d'une activité de deux heures au titre de rédaction et de deux entretiens de 20 minutes. Dans son mémoire réponse, elle amplifie ses conclusions fondées sur l'art. 138 al. 2 CPP mais ne détaille pas l'activité supplémentaire déployée.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. L'art. 125 al. 1 et 2 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. Elle suppose la réalisation de trois conditions : une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.

2.2. La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur viole les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui. Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée. En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 ; 133 IV 158 consid. 5.1).

2.3. Conformément à l'art. 26 al. 1 LCR, chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. Une prudence particulière s'impose à l'égard des enfants, des infirmes et des personnes âgées, et de même s'il apparaît qu'un usager de la route va se comporter de manière incorrecte (art. 26 al. 2 LCR).

Le principe de la confiance, qui découle de l'art. 26 al. 1 LCR, permet à l'usager, qui se comporte réglementairement, d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 125 IV 83 consid. 2b p. 87 ; ATF 118 IV 277 consid. 4a p. 280 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_959/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.2). Seul celui qui s'est comporté réglementairement peut invoquer le principe de la confiance. Celui qui viole des règles de la circulation et crée ainsi une situation confuse ou dangereuse ne peut pas attendre des autres qu'ils parent à ce danger par une attention accrue. Cette limitation n'est cependant plus applicable lorsque la question de savoir si l'usager a violé une règle de la circulation dépend précisément de la possibilité qu'il a d'invoquer le principe de la confiance, en d'autres termes, si et dans quelle mesure il pouvait se fonder sur le comportement de l'autre usager (ATF 125 IV 83 consid. 2b p. 87 s. ; ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa p. 254 ; ATF 143 IV 500 consid. 1.2.4).

Le principe de la confiance ne s'applique pas à l'égard des personnes visées par l'art. 26 al. 2 LCR (ATF 129 IV 282 consid. 2.2.1 p. 285 ; ATF 115 IV 239 consid. 2 p. 239 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_770/2017 du 11 janvier 2018 consid. 3.1).

2.4. Aux termes de l'art. 33 LCR, le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée (al. 1). Avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou qui s'y engagent (al. 2).

L'inobservation de ces prescriptions est une violation des règles de la circulation, punissable selon l'art. 90 LCR.

Selon la jurisprudence, le conducteur doit vouer à la route et au trafic toute l'attention possible, le degré de cette attention devant être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 103 IV 101 consid. 2b p. 104). La "prudence particulière" avant les passages pour piétons que doit adopter le conducteur selon l'art. 33 al. 2 LCR signifie qu'il doit porter une attention accrue à ces passages protégés et à leurs abords par rapport au reste du trafic et être prêt à s'arrêter à temps si un piéton traverse la chaussée ou en manifeste la volonté (cf. ATF 121 IV 286 consid. 4b p. 291/292 ; ATF 115 II 283 consid. 1a p. 285). En règle générale, le conducteur n'est pas obligé de réduire sa vitesse à l'approche d'un passage pour piétons lorsque personne ne se trouve à proximité, si ce conducteur peut admettre qu'aucun piéton ne va surgir à l'improviste ou si on lui fait clairement comprendre qu'il a la priorité. La visibilité du conducteur doit néanmoins porter sur toute la chaussée et sur le trottoir à proximité du passage. Si le conducteur ne bénéficie pas d'une pareille visibilité, il doit ralentir de manière à pouvoir accorder la priorité aux piétons dissimulés derrière l'obstacle (arrêts du Tribunal fédéral 6B_108/2015 du 27 novembre 2015 consid. 3 ; 1C_425/2012 du 17 décembre 2012 consid. 3.2).

Le devoir de prudence du conducteur ne disparaît pas même à l'égard d'un piéton qui s'élance sur un passage piéton de manière contraire aux règles (arrêts du Tribunal fédéral 6B_250/2012 du 1er novembre 2012 consid. 3.2.2 ; 6B_922/2008 du 2 avril 2009 consid. 3.4).

La règle prescrite à l'art. 33 al. 2 LCR constitue en principe une règle fondamentale de la circulation, dont la violation tombe généralement sous le coup de l'art. 90 al. 2 LCR, sous réserve des circonstances concrètes du cas d'espèce (A. BUSSY / B. RUSCONI et al., Code suisse de la circulation routière : commentaire, 4e éd., Lausanne 2015, N 2.9 ad. art. 33 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.265/22005 du 1er décembre 2005).

2.5. L'art. 49 al. 2 LCR prescrit que les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons. Ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste.

2.6. À teneur de l'art. 6 al. 1 OCR, avant d'atteindre un passage pour piétons où le trafic n'est pas réglé, le conducteur accordera la priorité à tout piéton (…) qui est déjà engagé sur le passage ou qui attend devant celui-ci avec l'intention visible de l'emprunter. Il réduira à temps sa vitesse et s'arrêtera, au besoin, afin de pouvoir satisfaire à cette obligation.

2.7. Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps (art. 47 al. 2 OCR).

2.8. En vertu du principe selon lequel, en droit pénal, les fautes ne se compensent pas, une éventuelle faute concomitante de la victime ou d'un tiers n'intervient dans l'analyse de la causalité que lorsqu'elle est si extraordinaire et imprévisible que l'enchaînement des faits en perd sa portée juridique. Encore faut-il que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 125 IV 17 consid. 2c/bb p. 23 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_69/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2.3.2).

2.9. En l'espèce, la plaignante se trouvait déjà aux abords du passage pour piétons avant que la prévenue ne s'y engage et elle était bien visible depuis la chaussée. En effet, la prévenue a eu le temps de voir la plaignante s'approcher dudit passage, se tourner de manière à faire face à la route et marquer un temps d'arrêt au ras de celle-ci. La plaignante arrivait d'ailleurs déjà au niveau du passage pour piétons alors que la prévenue n'était pas encore engagée dans l'intersection le précédant de sorte que cette dernière – ayant aperçu suffisamment tôt la présence d'une piétonne aux abords du passage pour piétons – aurait pu et dû ralentir, afin d'être en mesure de s'arrêter à temps afin de la laisser passer si nécessaire.

En effet, une telle configuration commandait une prudence toute particulière de la conductrice. Le fait de rouler à la vitesse autorisée de 30 km/h n'était pas suffisant eu égard aux circonstances pour satisfaire à son devoir de prudence, étant relevé que la vitesse adoptée n'a manifestement pas permis d'éviter l'accident.

L'appelante allègue que c'est le comportement de la plaignante, dont l'attention était portée exclusivement sur son téléphone portable, qui aurait causé l'accident, cette dernière s'étant élancée sur la chaussée alors que le véhicule était déjà trop proche du passage pour piétons pour pouvoir s'arrêter à temps. Or, à teneur des images de vidéosurveillance, bien que la plaignante porte son attention sur son téléphone, il n'apparaît pas qu'elle aurait couru ou aurait brusquement surgi pour s'engager sur la chaussée. Au contraire, elle est arrivée à la hauteur du passage pour piétons, s'est tournée face audit passage et a marqué un arrêt de sorte qu'elle était bien visible par la prévenue. Ainsi, quand bien même la plaignante s'est engagée en faisant preuve d'une certaine inattention, son comportement n'était pas si extraordinaire et imprévisible que l'appelante n'aurait pu s'y attendre, et n'a donc pas interrompu le lien de causalité. La faute, légère, de la piétonne ne saurait reléguer à l'arrière-plan la faute de la conductrice.

Les fautes n'étant par ailleurs pas compensées en droit pénal, une inattention de la piétonne ne dispensait pas l'appelante de faire preuve de prudence aux abords du passage pour piétons. Au contraire, cette situation aurait commandé de rouler avec une prudence toute particulière et au besoin de s'arrêter en cas de doute sur les intentions de la plaignante qui – à suivre le raisonnement de la prévenue – usait d'un comportement inadéquat. Dans ces circonstances, elle n'est pas habilitée à invoquer l'art. 26 al. 1 LCR. À tort, elle a considéré que la piétonne n'allait pas s'engager alors que cette intention n'était pas objectivement reconnaissable et qu'elle a admis par ailleurs que la piétonne semblait distraite.

Partant, la prévenue a manqué de prudence en ne s'approchant pas suffisamment lentement du passage pour piétons aux abords duquel il y avait un piéton dont elle ignorait les intentions et dont il n'apparaissait pas clairement – contrairement à ce qu'elle affirme – qu'il n'entendait pas traverser. Ainsi, la prévenue a violé le devoir de prudence qui lui incombait, découlant de l'art. 33 al. 2 LCR. Son manque de prudence relève d'une négligence. Si elle a manqué de distance pour pouvoir s'arrêter avant le heurt, c'est uniquement de sa faute car elle n'avait pas adapté sa vitesse aux circonstances.

L'imprévoyance de la prévenue est en lien de causalité, naturelle et adéquate, avec la survenance de l'accident au cours duquel la plaignante a subi plusieurs lésions. Celles-ci ne sauraient être contestées au regard des certificats médicaux produits.

En vertu ce qui précède, la culpabilité de la prévenue pour lésions corporelles par négligence sera confirmée, étant rappelé qu'une plainte pénale a été déposée en temps utile. De cette manière, la qualification des lésions corporelles, graves ou simples, n'est pas déterminante.

3. 3.1. L'infraction à l'art. 125 CP et passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.).

3.3. En l'espèce, la faute commise par la prévenue relève d'une infraction par négligence certes, mais son inattention et son manque de prudence aux abords d'un passage pour piétons ont créé un danger sérieux pour la sécurité du trafic et ont conduit à un accident, lors duquel la plaignante a été blessée. La prévenue a agi au mépris des règles de la circulation routière et négligé des règles élémentaires de prudence même si elle roulait à la vitesse autorisée et qu'elle a tenté une manœuvre d'évitement. Sa collaboration dans la procédure a été sans particularité. Sa prise de conscience fait défaut, celle-ci persistant à nier ses torts et à reporter la faute sur la plaignante. Néanmoins, à teneur des déclarations de cette dernière, elle l'aurait appelée à plusieurs reprises après l'accident pour lui présenter des excuses.

Compte tenu de la situation personnelle de la prévenue et de l'absence d'antécédent, une peine pécuniaire entre en ligne de compte. La quotité de la peine, arrêtée à 30 jours-amende par l'instance inférieure, est conforme au droit et sera confirmée. Le montant du jour-amende, à CHF 30.-, est en adéquation avec la situation financière de la prévenue.

L'octroi du sursis lui est acquis (art. 391 al. 2 CPP) et la fixation du délai d'épreuve à trois ans n'est pas critiquable.

4. 4.1. Conformément à l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.

Le tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 CPP).

4.2. La plupart du temps, le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41 ss CO. La partie plaignante peut ainsi réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_11/2017 du 29 août 2017 consid. 1.2 ; 6B_269/2016 du 15 février 2017 consid. 6.1).

4.3.1. Aux termes de l'art. 47 du code des obligations (CO), le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante du lésé (ATF 141 III 97 consid. 11.2 p. 98). À titre d'exemple, une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants sont des éléments déterminants (arrêt 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.2, non publié in ATF 134 III 97 ; 132 II 117 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

4.3.2. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 141 III 97 consid. 11.2 ; 130 III 699 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.1 ; 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2). Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 in limine ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_188/2010 du 4 octobre 2010).

4.3.3. L'indemnité due à titre de réparation du tort moral peut être fixée selon une méthode s'articulant en deux phases. Si le Tribunal fédéral admet cette méthode, à condition qu'elle ne conduise pas à une standardisation ou une schématisation des montants alloués, il ne l'impose pas non plus (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1218/2013 du 3 juin 2014 consid. 3.1.1). Dans la première phase, le juge examine la gravité objective de l'atteinte pour fixer un montant de base indicatif selon le degré de l'atteinte à l'intégrité. Pour obtenir un montant objectif, le juge compare les faits qui lui sont soumis aux différents cas d'espèce déjà jugés et, en particulier, se fonde sur les tables que la pratique a établies (F. WERRO, La responsabilité civile, 3e éd., 2017, ch. 1426 ss et 1446). Dans la seconde phase, le juge adapte le montant de base, vers le haut ou vers le bas, pour prendre en compte tous les éléments propres au cas d'espèce. De la sorte, le montant finalement alloué tient compte de la souffrance effectivement ressentie par le demandeur, ce qui revient à reconsidérer les éléments déterminants pour décider de l'octroi ou non d'une indemnité en réparation pour tort moral (C. WIDMER LÜCHINGER / D. OSER [éds], Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7ème éd., Bâle 2020, n. 20 ad art. 47 ; F. WERRO, op. cit., ch. 1447. ; A. GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident : une mise à jour, SJ 2013 II 215, p. 242s.).

4.3.4. Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Il est ainsi particulièrement hasardeux de mettre en parallèle les souffrances vécues par des victimes d'infractions contre l'intégrité corporelle, même lorsque les circonstances peuvent apparaître à première vue semblables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_128/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.5). Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 138 III 337 consid. 6.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1). Le Tribunal fédéral a jugé qu'en principe, des montants dépassant CHF 50'000.- n'étaient alloués que si le lésé était totalement invalide ou encore que des montants de CHF 40'000.- n'étaient alloués qu'aux victimes ayant perdu toute capacité de travail ou de gain (arrêts du Tribunal fédéral 4A_463/2008 du 20 avril 2010 consid. 5.2 non publié in ATF 136 III 310 et 4A_481/2009 du 26 janvier 2010 consid. 6.2.1 ; cf. O. PELET, Le prix de la douleur, in C. CHAPPUIS / B. WINIGER [éds], Le tort moral en question, 2013, p. 152). Le message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 9 novembre 2005 (FF 2005 6683 ss, p. 6746) précise que les montants attribués aux victimes d'atteintes à l'intégrité corporelle devraient se situer entre CHF 20'000.- et CHF 40'000.- en cas de perte d'une fonction ou d'un organe importants (par ex. hémiplégie, perte d'un bras ou d'une jambe, atteinte très grave et douloureuse à la colonne vertébrale, perte des organes génitaux ou de la capacité de reproduction, grave défiguration) et moins de CHF 20'000.- en cas d'atteintes de gravité moindre (par ex. perte d'un doigt, de l'odorat ou du goût).

La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a prononcé une indemnité de CHF 10'000.- en faveur d'une jeune femme d'une vingtaine d'années percutée par un véhicule, souffrant de séquelles aux jambes ayant pour effet qu'elle ne pouvait plus porter de talons et qu'elle gardait des cicatrices des interventions chirurgicales subies, ainsi qu'au moment du jugement une excroissance au niveau de la cuisse (AARP/22/2015 du 12 janvier 2015 consid. 6.2). Dans un arrêt plus récent (AARP/110/2023 du 10 mars 2023), la CPAR a arrêté à CHF 15'000.- l'indemnité pour tort moral d'un cycliste ayant subi, du fait de l'accident, une fracture des cervicales, ayant nécessité une intervention chirurgicale sans complications, un traumatisme crânien, une contusion interne duodéno-pancréatique, ainsi que des plaies superficielles à la tête, à l'oreille gauche, aux bras et aux mains. Après une hospitalisation de quelques jours, il avait dû porter une minerve pendant six semaines. Plus de trois ans après l'accident, il était encore limité dans ses activités puisqu'il ne pouvait plus porter de charges de plus de 5 kilogrammes, souffrait de pertes de mémoire et d'un état de stress post-traumatique chronique. Toutefois, il était âgé de 69 ans et ses blessures n'avaient ainsi aucun impact sur carrière professionnelle (consid. 3.2.4. et 5.4.1).

4.4. D'après l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque les faits dont la partie lésée est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur.

Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre les mesures raisonnables aptes à contrecarrer la survenance ou l'aggravation du dommage (ATF 107 Ib 155 consid. 2b ; A. VON TUHR / H. PETER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts I, § 14 p. 108). Par sa façon d'agir, la victime favorise la survenance du fait dommageable. Sa "faute" s'insère dans la série causale aboutissant au préjudice, de sorte que le comportement reproché au lésé est en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du dommage (ATF 126 III 192 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_406/2015 du 5 avril 2016 consid. 2.2). La faute concomitante suppose que l'on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d'attention ou une attitude dangereuse, alors qu'il n'a pas déployé les efforts d'intelligence ou de volonté que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_406/2015 du 5 avril 2016 consid. 2.2 ; 4A_66/2010 du 27 mai 2010 consid. 2.2). La faute concomitante de la victime constitue un facteur de réduction de l'indemnité lorsqu'elle n'est pas grave au point d'interrompre le lien de causalité adéquate et de libérer l'auteur de toute responsabilité (ATF 116 II 519 consid. 4 = JdT 2005 I 3). Quand l'auteur répond sur la base d'une faute, le juge doit comparer celle-ci avec la faute de la victime. Le Tribunal fédéral admet qu'une faute légère de la victime exclut en principe une réduction des dommages-intérêts (ATF 132 III 249, c. 3.5, JdT 2006 I 468). La règle n'est cependant pas absolue. Il appartient au juge d'apprécier, au regard de l'ensemble de circonstances, si une telle faute doit ou non conduire à une réduction de l'indemnité. Lorsque la disproportion entre la faute (légère) de la victime et celle (grave) commise par le responsable est manifeste, on admet en principe la réparation intégrale du dommage (L. THÉVENOZ / F. WERRO (éds), Commentaire romand : Code des obligations I, 3ème éd., Bâle 2021 N 17 ad art. 44).

Dans un arrêt 6B_987/2017 du 12 février 2018, le Tribunal fédéral a confirmé une réduction de 20% pour faute concomitante de l'indemnité pour tort moral accordée au piéton, grièvement blessé alors qu'il traversait un passage piétons à la phase rouge pour rejoindre un bus à l'arrêt, par un automobiliste circulant en soirée à une vitesse ahurissante au centre-ville de Genève. La CPAR avait à bon droit relativisé la faute du piéton dès lors que le choc entre le véhicule et celui-ci n'avait pas résulté d'une traversée de la route inopinée, mais bien plutôt d'une perte totale de maîtrise du véhicule automobile impliqué due à sa vitesse excessive et au coup de volant à l'aveugle de son conducteur.

La CPAR a récemment retenu une faute concomitante du lésé à hauteur de 50% dans le cas d'un cycliste qui, venant d'un chemin débouchant sur la piste cyclable et piétonne longeant la route, avait emprunté celle-ci à contre-sens sur quelques mètres et s'était ensuite engagé – soudainement – sur le passage pour piétons sans s'être arrêté au préalable (AARP/110/2023 du 10 mars 2023 consid. 5.4.2).

4.3. En l'espèce, la partie plaignante est fondée à obtenir la réparation de son tort moral résultant de l'accident dont la responsabilité est pénalement imputable à la prévenue.

Les lésions corporelles occasionnées à la plaignante sont établies par les rapports médicaux. Elle a subi, en substance, une fracture de la base du cinquième métatarsien du pied droit, plusieurs dermabrasions et contusions au niveau des membres supérieurs des deux côtés et du genou droit. La plaignante a ensuite développé une pseudarthrose consécutivement à sa fracture ainsi qu'une algodystrophie dont les conséquences sont "des douleurs persistantes et fortement handicapantes" à la moindre mobilisation du pied. Les différents spécialistes consultés ont mis en avant le fait que la patiente souffrait principalement de l'algodystrophie, laquelle engendrait une "récupération longue" de plusieurs mois, l'un d'eux précisant que ce syndrome pouvait se manifester "sur une période allant jusqu'à deux ans et parfois même au-delà". Depuis l'accident, ses douleurs avaient nécessité deux visites aux urgences, dont l'une avait entraîné une hospitalisation d'une nuit, et un suivi ambulatoire conséquent dans la mesure où son état avait nécessité la consultation de différents spécialistes et la mise en place de divers traitements. En février 2023, la situation clinique demeurait inchangée et aucun traitement ne soulageait la douleur de la patiente qui devait se soumettre à des perfusions d'antalgiques toutes les deux semaines. En outre, des séances d'ergo-physiothérapie restaient indiquées "de manière rapprochée".

L'accident a impacté sa vie quotidienne dans la mesure où il lui est impossible de marcher correctement sans moyens auxiliaires, qu'elle a besoin d'une assistance dans ses activités quotidiennes (tâches ménagères, courses) et que son état dépressif s'est aggravé en raison de la situation d'incertitude prolongée dans laquelle elle se trouvait quant aux traitements envisageables et les conséquences sur sa santé et son avenir professionnel – bien que cet état était préexistant à la survenance de l'accident.

À ce jour, un traitement par stimulation médullaire est envisagé dans l'espoir de remédier aux douleurs persistantes depuis l'accident. Ce traitement implique a minima deux nouvelles opérations, s'effectuant en général lors d'une hospitalisation ambulatoire, puis un suivi avec des rendez-vous en ambulatoire. Le médecin estime que les chances d'amélioration des douleurs de la plaignante par cette technique sont "réelles", toutefois il précise qu'il soit possible que l'amélioration soit "faible, voire nulle".

Sans que les souffrances de la plaignante ne soient remises en cause, ces lésions ne sont pas assimilables à une atteinte permanente ou à tout le moins durable d'une faculté humaine. Sa vie n'a pas non plus été mise en danger, elle n'a pas subi plusieurs mois d'hospitalisation et le heurt n'a pas été d'une grande violence, bien que la Cour ne nie pas son caractère traumatisant. Le montant de CHF 50'000.- réclamé par la plaignante dépasse largement les montants admis par la jurisprudence et par le Conseil fédéral pour des atteintes modérées. Cela étant, l'atteinte à son intégrité physique et psychique demeure bien réelle, plus d'une année et demie après les faits. Les souffrances de la plaignante semblent principalement dues au développement d'une algoneurodystrophie et de post-arthrose consécutivement à la fracture subie au pied droit. Ces complications, bien que liées à l'accident, sont rares et les douleurs subies sont disproportionnées au regard de la faute de la conductrice. Son quotidien a toutefois été impacté d'une manière assez conséquente dans la mesure où elle doit faire usage de béquilles systématiquement, qu'elle a besoin d'une assistance pour les courses, les tâches ménagères et qu'elle peine à se doucher seule. En outre, les différents traitements proposés jusqu'à ce jour ne permettent pas de réduire efficacement les douleurs et impliquent un suivi ambulatoire conséquent impactant de manière non négligeable son quotidien. Toutefois, il semblerait que l'algodystrophie dont elle souffre et qui lui occasionne la majeure partie de ses douleurs ne soit pas permanente. Il sera également tenu compte de l'impact psychologique de l'accident et de ses conséquences sur la plaignante mais cet aspect sera relativisé dans la mesure où elle souffrait déjà avant l'accident d'une certaine vulnérabilité psychologique. À teneur du certificat médical de son médecin traitant, l'accident l'aurait également contrainte à suspendre toute activité professionnelle et de formation. La Cour estime toutefois manquer d'éléments à l'appui de ces assertions et n'a aucun élément tangible concernant la situation professionnelle de la plaignante avant l'accident, elle ignore même si cette dernière travaillait.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît justifié de confirmer le montant de CHF 15'000.- alloué par le premier juge.

4.4. Reste à trancher si ce montant doit être réduit pour tenir compte d'une éventuelle faute concomitante de la plaignante.

À teneur des images de vidéo-surveillance, la Cour relève que l'attention de la plaignante était certes portée principalement sur son téléphone portable au moment des faits mais qu'il n'est pas non plus possible d'exclure un coup d'œil en direction de la circulation avant son engagement sur le passage pour piétons. Quoi qu'il en soit, à son arrivée à la hauteur dudit passage, A______ n'était pas encore engagée dans l'intersection le précédent de sorte que la piétonne – qui avait pris le soin de marquer un arrêt avant de s'engager – pouvait légitimement penser que tout conducteur allait ralentir et s'arrêter afin de lui céder la priorité, ce que A______ aurait dû faire au demeurant. Dans ces circonstances, le fait que la plaignante ait eu ou non son attention portée sur son téléphone portable n'est pas relevant puisque ce n'est pas sa façon d'agir qui a favorisé la survenance du dommage. À ce propos, il sied de constater le caractère banal, de nos jours, de piétons circulant en ville tout en consultant leur téléphone portable, cette attitude n'a en effet plus rien d'extraordinaire. Même à considérer que la plaignante ait commis une faute, celle-ci devrait donc être qualifiée de très légère et la disproportion entre sa faute et celle de A______ exclurait une réduction de l'indemnité allouée.

5. C______ et A______, appelantes, succombent toutes deux intégralement dans leurs conclusions. Dans ces conditions, elles supporteront les frais de la procédure envers l'État, comprenant un émolument de CHF 1'500.-, à raison de moitié chacune (art. 428 CPP et art. 14 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de revenir sur la répartition des frais de première instance.

6. 6.1.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434. Ainsi, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

6.1.2. Vu l'issue de l'appel, les prétentions en indemnité de A______ seront intégralement rejetées (art. 429 al. 1 let. a CPP a contrario).

6.2.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

6.2.2. Me D______, conseil juridique gratuit de C______, n'a pas produit d'état de frais. Elle sollicite toutefois une indemnité équivalente à CHF 1'000.- pour les frais de défense en appel dans son mémoire réponse, soit l'équivalent de cinq heures d'activité à CHF 200.-/heure. Dans la mesure où elle a expliqué avoir eu deux entretiens de 20 minutes chacun et consacré deux heures à la rédaction de son mémoire d'appel motivé, il en résulte une activité de rédaction de deux heures et 20 minutes pour le mémoire réponse motivé.

Cette activité paraît adéquate et conforme aux exigences de l'assistance judiciaire.

Partant, la rémunération de Me D______ sera arrêtée à CHF 1'292.40 correspondant à cinq heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'000.-) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 200.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 92.40).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par A______ et C______ contre le jugement JTDP/217/2023 rendu le 17 février 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/19767/2021.

Les rejette.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'695.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Condamne A______ à raison de la moitié de ses frais, soit CHF 847.50, et C______ à l'autre moitié, soit CHF 847.50.

Arrête à CHF 1'292.4, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me D______, conseil juridique gratuit de C______, pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

" Déclare A______ coupable de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 et 2 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction de 1 jour-amende, correspondant à 1 jour de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à payer à C______ CHF 15'000.-, avec intérêts à 5% dès le 13 septembre 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).

Renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile pour le surplus (art. 126 al. 2 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Fixe à CHF 4'394.15 l'indemnité de procédure due à Me D______, conseil juridique gratuit de C______ (art. 138 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 970.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

(…)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'570.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'695.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'265.00