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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23642/2020

AARP/350/2022 du 25.11.2022 sur JTDP/649/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : IMPUTATION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CP.51; CPP.429.al1.letc; CPP.431.al2; CPP.3.al2.leta; CPP.5
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23642/2020 AARP/350/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 novembre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu en exécution de peine à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/649/2022 rendu le 8 juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 8 juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de contravention à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup) mais l'a acquitté de rupture de ban (art. 291 du Code pénal [CP]) et a classé la procédure s'agissant des faits visés sous chiffres 1.1.2. (appropriation illégitime, art. 137 ch. 2 CP) et 1.1.3. (dommages à la propriété, art. 144 al. 1 CP) de l'acte d'accusation du 21 janvier 2021. A______ a été condamné à une amende de CHF 100.-, avec peine privative de liberté de substitution d'un jour. Le TP a imputé la détention avant jugement subie par l'intéressé (171 jours) sur la peine prononcée à son encontre le 12 avril 2022 par le Ministère public de Genève (MP) dans la procédure P/1______/2022. Il a rejeté les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 let. c du Code de procédure pénale [CPP]) et laissé les frais à la charge de l'État.

A______ entreprend partiellement ce jugement, contestant l'imputation de sa détention provisoire sur la peine prononcée le 12 avril 2022 et par conséquent le refus d'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP. Il conclut à l'allocation d'une telle indemnité pour tort moral, qu'il chiffre à hauteur de CHF 34'200.- (171 jours x CHF 200.-), plus intérêts à 5% à compter de la date moyenne des périodes de détention, soit le 10 novembre 2020.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été arrêté le 28 juillet 2020, étant soupçonné de la commission d'un cambriolage sans effraction à Genève et sous le joug de deux mesures d'expulsion judiciaire prononcées le 4 mai 2018, respectivement le 4 mars 2020, puis placé en détention provisoire jusqu'au 26 novembre 2020 dans le cadre de la présente procédure (ndr : 122 jours de détention).

b. Le 24 novembre 2020, A______ a fait part au MP de sa surprise en ce sens que celui-ci envisageait le dépôt d'un acte d'accusation pour rupture de ban, le cambriolage reproché devant faire l'objet d'un classement, alors que, d'une part, l'Algérie – pays dont il était ressortissant – avait fermé toutes ses frontières depuis le 17 mars 2020 et que, d'autre part, la période pénale allait du 22 au 28 juillet 2020. Sa libération s'imposait, faute de charges suffisantes.

Le 26 novembre 2020, le MP a ordonné la mise en liberté de A______ et le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) a rayé de son rôle la demande de prolongation de détention provisoire dont il avait été saisi la veille.

c. A______ a à nouveau été arrêté les 5, 8 et 9 décembre 2020.

c.a. Le 5 décembre 2020, il a été interpellé alors qu'il consommait de la cocaïne dans les environs du Quai 9 à proximité de la gare de D______, arrêté à 17h25 puis relaxé le même jour à 22h50 (ndr : toute arrestation provisoire dépassant trois heures doit conduire à l'imputation d'un jour de détention – cf. art. 217 CPP et ATF 143 IV 339 consid. 3.2).

c.b. Le 8 décembre 2020, il a été contrôlé à la rue de Lausanne no. ______, soupçonné d'infraction à la loi sur les étrangers et l'intégration (LEI) et de rupture de ban, arrêté à 15h30 avant d'être libéré, une fois après avoir été auditionné par la police, à 17h44 (ndr : l'appréhension ayant duré moins de trois heures ne donne pas lieu à imputation d'une détention).

c.c. A______ a fait l'objet d'une arrestation le 9 décembre 2020 à la rue du Cercle no. ______, avant d'être mis en détention jusqu'au 12 janvier 2021. Il s'est opposé à sa mise en détention provisoire, contestant l'existence de charges suffisantes de rupture de ban pour la période allant du 3 au 9 décembre 2020, ayant indiqué être sorti de prison le 2 décembre précédent. Le 8 janvier 2022, la détention a été prolongée jusqu'au 26 du même mois. À cette dernière date, le TMC a refusé d'ordonner la mise en détention pour des motifs de sûreté et mis en liberté A______ (ndr : après 49 jours), la proportionnalité de la détention n'étant plus en adéquation avec la gravité des délits et la sanction prévisible.

d. A______ a ainsi été détenu durant 172 jours avant jugement.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b.a. Selon son mémoire, A______ avance qu'en raison de son appel, l'imputation prononcée par le TP n'était pas exécutoire et qu'il disposait de la possibilité d'éteindre par paiement la peine pécuniaire sur laquelle les jours de détention subis dans la présente affaire avaient été imputés, ce qu'il avait mis à exécution en s'acquittant, auprès du Service des contraventions, du montant de CHF 1'800.- correspondant aux 180 jours-amende à CHF 10.- dus.

Il avait encore éteint par paiement la peine pécuniaire de CHF 900.- (90 jours-amende à CHF 10.-) qu'il devait suite à sa condamnation par ordonnance pénale du 11 février 2022 (procédure P/2______/2022) et partiellement, à hauteur de CHF 100.-, celle de 90 jours-amende à CHF 10.- à laquelle il avait été condamné dans la procédure P/3______/2022.

Il estimait que le TP avait tardé à le juger et que la durée de 18 mois qui s'était ainsi écoulée entre l'acte d'accusation et son procès était inconciliable avec le principe de célérité, sans toutefois prendre de conclusions à cet égard. Ce délai avait permis opportunément de rendre l'imputation décidée possible. Il observait que "la compensation opérée – d'une indemnité de plusieurs dizaines de milliers de francs par une peine de quelques centaines, ne mérit[ait] aucune protection".

Il prétendait dès lors et toujours au versement d'une indemnité pour la détention subie à tort.

b.b. À l'appui d'une réplique, A______ réitère avoir été en droit de régler une partie de ses peines pécuniaires. Il était "aberrant" que le MP lui reprochât le comportement qu'on attendait de lui. Il persiste pour le surplus dans ses conclusions en indemnisation.

b.c. Dans une dernière écriture du 14 novembre 2022 faisant suite à son incarcération du 9 octobre précédent (selon écrou du Service de l'application des peines et mesures [SAPEM]) aux fins de purger la peine privative de liberté de 120 jours à laquelle il a été condamné le 30 août 2022, A______ persiste dans ses conclusions. Il fait valoir avoir, dans l'intervalle, payé les peines pécuniaires auxquelles il a été condamné en dates des 26 avril, 20 juin, 7 septembre et 12 septembre 2022. Dès lors, l'autorité judiciaire n'était plus en mesure de compenser la détention injustement subie dans la procédure P/23642/2020 avec une peine pécuniaire "ouverte". Il convenait en définitive d'imputer pour partie cette détention sur l'exécution de la peine privative de liberté de 120 jours dont il avait débuté l'exécution, respectivement d'indemniser le solde de la détention qui ne pourrait pas l'être.

Il maintient sa demande d'indemnisation à hauteur de CHF 200.- par jour de détention subie en trop, indiquant résider en Europe et n'avoir aucun domicile à l'étranger.

c. Le MP conclut à l'admission du recours [recte : de l'appel]. Nombre d'occurrences au casier judiciaire de A______ – inscrites depuis le jugement prononcé – permettait à la Cour de céans de procéder à l'imputation des jours de détention purgés en trop par le précité, la situation de fait devant être appréhendée au moment de rendre un nouveau jugement, conformément à l'art. 408 CPP.

Dans l'hypothèse où A______ devait procéder au paiement de l'intégralité des peines pécuniaires dues afin d'éviter l'imputation, il convenait de se poser la question de sa bonne foi, son comportement étant contraire à celle-ci. Le précité, dans le but de s'enrichir, détournait le principe selon lequel les jours de détention se voyaient attribuer une valeur monétaire, alors que cette valeur monétaire variait selon qu'un prévenu était condamné à un jour-amende ou était détenu à tort avant jugement. Ce paradoxe découlait du fait que les fondements du calcul de la valeur du jour étaient différents.

Il était choquant et contraire au principe de la légalité – une unité pénale restant une unité pénale – qu'un justiciable utilise cette compensation entre des jours-amende et des jours de détention pour dégager un revenu. Si l'imputation était rendue impossible du fait du paiement des jours-amende, il fallait alors fixer le tort moral à un montant inférieur à celui de CHF 200.-, soit au montant de CHF 10.- le jour, de sorte à contrer cet usage abusif du droit et proscrire tout enrichissement dans le cadre de l'exécution de peines.

d. Le TP n'a pas formulé d'observations et s'est intégralement référé à son jugement.

D. A______ est né le ______ 1988 en Algérie, pays dont il est originaire. Il est célibataire et sans enfant. Il n'a pas été scolarisé et a travaillé dans la maçonnerie. À l'âge de 15 ans, il s'est rendu en Italie, où il a vécu durant dix ans, avant de venir en Suisse en 2010.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné à 26 reprises entre le 8 novembre 2012 et le 12 septembre 2022, notamment pour vol, rupture de ban, infractions à la LStup et à la LEI, les dernières fois :

-     le 18 septembre 2020, par la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) de Genève, à une peine privative de liberté de trois mois (détention préventive : un jour) (ndr : purgée, cf. arrêt AARP/320/2020 du 18 septembre 2020) et à une amende de CHF 300.- (peine privative de liberté de substitution de trois jours), pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. d LStup) et contravention à l'art. 19a LStup ; l'amende n'a pas été payée ;

-     le 11 février 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- (détention préventive : deux jours) et à une amende de CHF 100.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour), pour rupture de ban et contravention à l'art. 19a LStup ; la peine pécuniaire a été purgée ensuite d'un paiement opéré par A______ le 12 septembre 2022 ; l'amende n'a été payée qu'à hauteur de CHF 20.- ;

-     le 12 avril 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 10.- (détention préventive : un jour) et à une amende de CHF 500.- (peine privative de liberté de substitution de cinq jours), pour rupture de ban et contravention à l'art. 19a LStup ; la peine pécuniaire a été purgée ensuite d'un paiement du 12 septembre 2022 ; l'amende n'a été payée qu'à hauteur de CHF 10.- ;

-     le 26 avril 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- (détention préventive : deux jours), pour rupture de ban ; la peine pécuniaire a été purgée ensuite d'un paiement du 14 novembre 2022 ;

-     le 20 juin 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- (détention préventive : un jour), pour rupture de ban ; la peine pécuniaire a été purgée ensuite des paiements des 12 septembre et 14 novembre 2022 ;

-     le 30 août 2022, par le MP, à une peine privative de liberté de 120 jours (détention préventive : deux jours) et à une amende de CHF 100.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour), pour rupture de ban, délit contre la LStup (art. 19 al. 1 let. c LStup) et contravention à l'art. 19a LStup ; cette peine fait l'objet d'une injonction d'exécuter du 30 septembre 2022 ; l'amende n'a pas été payée ;

-     le 7 septembre 2022, par le MP, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- (détention préventive : un jour), pour rupture de ban et empêchement d'accomplir un acte officiel ; la peine pécuniaire a été purgée ensuite du paiement du 14 novembre 2022 ;

-     le 12 septembre 2022, par le TP, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- (détention préventive : 29 jours) et à une amende de CHF 100.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour), pour rupture de ban et contravention à l'art. 19a LStup; la peine pécuniaire a été purgée ensuite d'un paiement du 14 novembre 2022 ; l'amende n'a pas été payée.

Selon courrier du 4 octobre 2022 du SAPEM, les peines (privatives de liberté et pécuniaires) infligées à A______ antérieurement à celles susvisées ont été purgées ou en voie de l'être, si ce n'est qu'aucune information ne ressort de ses dossiers s'agissant de la peine privative de liberté de 60 jours prononcée le 8 novembre 2012 par le Staatsanwaltschaft du Valais (Amt der Region Oberwallis).

Par courriel du 4 novembre 2022, le SAPEM a communiqué à la CPAR un "ordre d'exécution" du 24 octobre 2022, annulant et remplaçant celui du 11 octobre précédent, dont il résulte que A______ a commencé à purger le 9 octobre 2022 à la Prison de B______ :

-     la peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- et l'amende de CHF 300.- prononcées le 21 juillet 2021 par le Ministère public de la Confédération, converties en peines privatives de liberté de substitution (23 jours) ;

-     la peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, infligée le 30 août 2022 par le MP.

Le SAPEM a également précisé que la peine privative de liberté susmentionnée de 60 jours du 8 novembre 2012 était, "au vu de la date de condamnation et de la quotité de peine", prescrite depuis 2017.

Au jour du présent arrêt et selon l'"ordre d'exécution" susvisé, A______ doit encore purger 94 jours (23 + 118 – 47 jours au 25 novembre 2022).

E. MC______, défenseur d'office de A______, a indiqué renoncer à toute indemnité pour la procédure d'appel, à l'exception d'une visite à son client à la Prison de B______ le 10 novembre 2022 (1h30 au tarif de l'avocat-stagiaire), plus indemnisation forfaitaire et TVA.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende. La méthode de calcul est imposée par le législateur (arrêts du Tribunal fédéral 6B_389/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.1 ; 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.3).

Tout comme les règles régissant la fixation de la peine, l'art. 51 CP doit être appliqué d'office, l'imputation étant obligatoire et inconditionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1033/2018 du 27 décembre 2018 consid. 2.4 ; 6B_772/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3.2).

Il découle de cette disposition que la détention avant jugement (cf. art. 110 al. 7 CP) doit être imputée sur la peine même si cette détention résulte d'une procédure antérieure (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 p. 239 ; ATF 133 IV 150 consid. 5.1 p. 155). Contrairement à ce qui prévalait sous l'ancien droit, en vigueur jusqu'en 2007, l'art. 51 CP n'exige pas une identité de fait ou de procédure entre la détention avant jugement subie et la peine prononcée (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 p. 239 ; ATF
135 IV 126 consid. 1.3.9 p. 130). La privation de liberté à subir doit ainsi toujours être compensée, pour autant que cela soit possible, avec celle déjà subie (ATF
133 IV 150 consid. 5.1 p. 155). La détention avant jugement doit être imputée sur la peine, indépendamment du fait que celle-ci soit assortie du sursis ou non et qu'il s'agisse d'une peine pécuniaire ou privative de liberté (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 p. 239 ; ATF 135 IV 126 consid. 1.3.6 p. 129). En présence de peines de types différents, l'imputation de la détention avant jugement s'opère en premier lieu sur la peine privative de liberté, puis en cas d'excédent sur la peine pécuniaire, cela indépendamment d'une identité entre cette dernière et la détention avant jugement subie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_983/2013 du 24 février 2014 consid. 6.2). Lorsque la durée de la détention avant jugement est supérieure à celle de la peine privative de liberté ou du nombre de jours-amende, une imputation sur une amende (art. 106 CP) est admissible. Le taux de conversion d'un jour de détention est le même que celui par lequel le juge détermine la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende selon l'art. 106 al. 3 CP (ATF 135 IV 126 consid. 1.3.9 p. 130).

La question d'une indemnisation financière (art. 431 al. 2 CPP) d'une détention injustifiée ne se pose donc en principe que si une imputation suffisante de cette détention sur une autre sanction au sens de l'art. 51 CP n'est plus possible ; l'indemnisation financière est ainsi subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 p. 239 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.1). L'intéressé n'a pas le droit de choisir entre les deux formes d'indemnisation (arrêts du Tribunal fédéral arrêts du Tribunal fédéral 6B_389/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.1 ; 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.1 ; 6B_431/2015 du 24 mars 2016 consid. 2.2 ; 6B_84/2014 du 13 août 2014 consid. 5.1).

2.2. En l'espèce, vu l'effet suspensif légal de l'appel (cf. art. 402 CPP), l'appelant était en droit d'éteindre par paiement des peines pécuniaires en force, inscrites à son casier, à l'instar des sommes de CHF 2'800.- et CHF 2'470.- qu'il a faites parvenir les 12 septembre et 14 novembre 2022 au Service des contraventions, ce qui lui a permis de purger entièrement les peines pécuniaires prononcées les 11 février, 12 avril, 26 avril, 20 juin, 7 et 12 septembre 2022 (cf. supra let. D.).

Seules demeurent non encore exécutées ou partiellement exécutées, à ce jour, la peine pécuniaire et l'amende de CHF 300.- prononcées le 21 juillet 2021 par le Ministère public de la Confédération, converties en peines privatives de liberté de substitution (23 jours), la peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, infligée le 30 août 2022 par le MP (118 jours) et en cours d'exécution, soit 94 jours au jour du présent arrêt, ainsi que les amendes prononcées les 18 septembre 2020, 11 février 2022, 12 avril 2022, 30 août 2022 et 12 septembre 2022, lesquelles représentent, au total, CHF 1'070.-, soit 11 jours de peine privative de liberté au taux de leur conversion.

Ces 105 jours doivent ainsi être imputés sur les 172 jours de détention avant jugement injustement subis par l'appelant, le solde de 67 jours devant être indemnisé conformément aux art. 51 CP, 429 al. 1 let. c et 431 al. 2 CPP.

3. 3.1. L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par l'intéressé et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 146 IV 231 consid. 2.3.1 ; 143 IV 339 consid. 3.1). Lorsque la victime a subi des atteintes pendant une période prolongée, les intérêts sur l'indemnité courent, en général, à partir d'une date moyenne (ATF
129 IV 149 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2020 du 26 novembre 2020 consid. 10.6).

Pour le Tribunal fédéral, une indemnité journalière de CHF 200.- constitue en principe une réparation appropriée en cas de détention injustifiée de courte durée (art. 429 CPP), à condition qu'il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (arrêts du Tribunal fédéral 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.2 ; 6B_547/2011 du 3 février 2012 consid. 2 ; 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2 ; 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.2). Lorsque la durée de détention est de plusieurs mois, il convient en règle générale de réduire le montant journalier de l'indemnité (ATF 113 Ib 155 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2).

Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Une réduction de l'indemnité pour tort moral est exclue lorsque le bénéficiaire entretient des relations particulières avec la Suisse, par exemple lorsqu'il y travaille, y vit ou lorsqu'il peut y séjourner en tant que proche du lésé (ATF 125 II 554 consid. 3b p. 558; 123 III 10 consid. 4c/bb p. 14). Certaines circonstances, comme la possibilité que l'intéressé puisse un jour essayer de trouver une formation en Suisse, ne suffisent en revanche pas pour exclure une réduction de l'indemnité.

Le Tribunal fédéral a admis une réduction, non schématique, de l'indemnité pour tort moral, lorsque les frais d'entretien au domicile de l'intéressé étaient beaucoup plus bas (ATF 125 II 554 consid. 4a p. 559 : Voïvodine (Serbie), pouvoir d'achat 18 fois plus élevé, permettant une réduction de l'indemnité, réduction toutefois ramenée de 14 à deux fois ; arrêts du Tribunal fédéral 1A.299/2000 du 30 mai 2001 consid. 5c : Bosnie-Herzégovine, pouvoir d'achat 6 à 7 fois plus élevé permettant une réduction de l'indemnité de 75% ; 1C_106/2008 du 24 septembre 2008 consid. 4.2 : Portugal, coût de la vie correspondant à 70% du coût de la vie suisse ne justifiant pas de réduction).

Ainsi, la juridiction d'appel a diminué de 60% l'indemnité de CHF 100.- par jour pour tort moral dans le cas d'un ressortissant albanais qui avait subi 89 jours de détention (AARP/120/2015 du 3 mars 2015 consid. 4.2.3 qui constate une différence de niveau de vie d'un facteur 26), de 70% dans le cas d'un ressortissant kosovar qui avait subi 76 jours de détention (AARP/376/2012 du 16 novembre 2012 consid. 3.6.1), de 65% dans le cas d'un ressortissant tunisien qui avait subi 183 jours de détention (AARP/605/2013 du 30 décembre 2013 pour une différence de facteur 20 ; ACPR/434/2014 du 29 septembre 2014).

Le produit intérieur brut (PIB) ainsi que le PIB par habitant sont des indicateurs de l'activité économique qui permettent de mesurer et de comparer les degrés de développement économique des différents pays. Le PIB par habitant est habituellement utilisé comme indicateur du niveau de vie d'un pays.

Pour l'année 2021, le PIB par habitant suisse était de l'ordre de CHF 84'055.- (cf. Office fédéral de la statistique, produit intérieur brut par habitant, disponible sur www.bfs.admin.ch/) et en Algérie d'environ USD 3'765.- (cf. PIB par habitant – Algeria Data (banquemondiale.org) en 2021), soit env. CHF 3'559.- (au taux du 25 novembre 2022 – 0.95).

3.2. En l'espèce, l'appelant a subi une détention excessive de 67 jours à indemniser sur les 172 jours de détention subis à tort.

Comme il résulte de la jurisprudence, le montant de CHF 200.- par jour constitue une indemnité appropriée en cas de détention injustifiée de courte durée, mais qui, sous réserve de circonstances particulières, n'est pas adaptée lorsque la détention s'étend sur une longue période, soit lorsqu'elle équivaut ou dépasse un laps de temps de l'ordre de six mois. En l'espèce, l'appelant est resté incarcéré sans droit durant un peu moins de six mois, alors qu'il convient d'indemniser une détention injustifiée d'un peu plus de deux mois, de sorte qu'il convient de retenir le montant susvisé comme approprié pour l'indemnité journalière à fixer, sous réserve de ce qui suit.

L'appelant est originaire d'Algérie et devra être refoulé dans ce pays, dont il est ressortissant, vu les mesures d'expulsion en force à son endroit, alors qu'il n'a constitué aucun domicile en Europe. Il n'entretient au demeurant aucune relation particulière avec la Suisse, si ce n'est d'y résider dans l'illégalité depuis de nombreuses d'années, en y commettant des infractions.

Il ressort de la comparaison entre le produit intérieur brut par habitant en Suisse et celui en Algérie que le niveau de vie dans cet État est plus de 23 fois moins élevé qu'en Suisse.

Vu cette différence conséquente, il se justifie de réduire de 70% le montant de l'indemnité journalière.

Partant, une indemnité journalière de CHF 60.- (CHF 200.- x 70%) pour les 67 jours de détention injustifiée sera octroyée, soit un total de CHF 4'020.-. Ce montant portera intérêt au taux de 5% dès le 10 novembre 2020 (date moyenne).

Pour le surplus, les circonstances de la privation de liberté de l'appelant n'ont pas été particulièrement difficiles ou attentatoires à son intégrité physique, psychique ou à sa sensibilité.

4. 4.1. Le principe de la bonne foi, concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP, ne concerne, en procédure pénale, pas seulement les autorités pénales, mais, le cas échéant, les différentes parties, y compris le prévenu. On déduit en particulier de ce principe l'interdiction des comportements contradictoires (ATF 131 I 185 consid. 3.2.4 p. 192 ; arrêts du Tribunal 6B_1122/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.3 ; 6B_21/2011 du 13 septembre 2011 consid. 4.1.3).

Le principe de la bonne foi a pour corollaire l'interdiction de l'abus de droit, lequel consiste notamment à utiliser une institution juridique à des fins étrangères à son but pour réaliser des intérêts que cette institution ne veut pas protéger, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 125 IV 79 consid. 1b p. 81 ; ATF 121 II 97 consid. 4 p. 103 s. ; ATF 107 Ia 206 consid. 3a p. 211 s.). L'abus manifeste des droits reconnus par la loi peut conduire notamment à la suppression du droit conféré par la loi (cf. par ex. ATF 130 IV 72) ou à l'irrecevabilité du recours (cf. par ex. ATF 111 Ia 148).

4.2. La question pourrait se poser d'un dévoiement de sa finalité du système consacré par la jurisprudence relative aux dispositions en cause dans une course visant à l'obtention d'une indemnisation pour tort moral, dont la valeur est forcément élevée pour une personne vivant en-dessous du minimum vital. Une telle situation pourrait consacrer un abus de droit manifeste conduisant à l'irrecevabilité de l'appel, ce qui n'est pas méconnu de l'appelant au vu de la critique formulée dans son mémoire à l'égard du premier juge.

Cela étant, l'appelant s'est opposé à sa mise en détention et n'a pas choisi de subir une privation de liberté avant jugement. Il ne peut donc être considéré qu'il a voulu "s'enrichir" en choisissant de thésauriser les jours de détention en question, de sorte à les convertir ultérieurement en espèces sonnantes et trébuchantes, étant rappelé que l'indemnisation financière est subsidiaire à l'imputation.

5. 5.1. À teneur de l'art. 5 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié (al. 1). Lorsqu'un prévenu est placé en détention, la procédure doit être conduite en priorité (al. 2).

Une violation du principe de célérité conduit, le plus souvent, à une réduction de peine, parfois à l'exemption de toute peine et en ultima ratio, dans les cas extrêmes, au classement de la procédure (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1). Ce n'est qu'en cas de classement qu'une renonciation aux frais de procédure ou qu'une réduction de ceux-ci entrent en ligne de compte (principe du caractère accessoire des coûts), respectivement, une réparation financière au sens d'un tort moral (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.2). La violation du principe de célérité peut être réparée – au moins partiellement – par la constatation de cette violation et la mise à la charge de l'État des frais de justice (ATF 137 IV 118 consid. 2.2 in fine p. 121 s. et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.6 ; 6B_380/2016 du 16 novembre 2016 consid. 8).

L'autorité judiciaire doit mentionner expressément la violation du principe de célérité dans le dispositif du jugement et, le cas échéant, indiquer dans quelle mesure elle a tenu compte de cette violation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.6 ; 6B_790/2017 du 18 décembre 2017 consid. 2.3.2 et les références citées, en particulier ATF 136 I 274 consid. 2.3 p. 278).

Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ATF 124 I 139 consid. 2c p. 144 ; 119 IV 107 consid. 1c p. 110). Le principe de la célérité peut être violé, même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute. Celles-ci ne sauraient donc exciper des insuffisances de l'organisation judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 6S.66/2005 du 14 avril 2005, consid.3.2 ; DCPR/86/2011 du 29 avril 2011).

Les mêmes principes ont été appliqués par le Tribunal fédéral pour constater la violation du principe de célérité en cas de durée excessive s'étant écoulée entre l'ordonnance de renvoi et l'audience de jugement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_419/2011 du 13 septembre 2011).

5.2. Le TP a été saisi par le dépôt de l'acte d'accusation du 21 janvier 2021 (cf. art. 328 al. 1 CPP). Or, l'audience de jugement n'a été convoquée qu'en date du 6 avril 2022, avant de faire l'objet d'une nouvelle convocation le 27 avril suivant pour le 8 juin 2022.

Il s'est donc écoulé un peu plus de 14 mois sans aucune activité, ce qui consacre une violation du principe de célérité, laquelle doit conduire à son constat ainsi qu'à la mise à la charge de l'État des frais de justice de première instance et d'appel, étant précisé que n'obtenant que partiellement gain de cause, une partie de ceux-ci aurait pu être mise à sa charge (cf. art. 428 CPP).

6. La demande d'indemnisation de MC______, défenseur d'office de A______, est conforme aux exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

En conséquence, celle-ci sera arrêtée à CHF 213.25 correspondant à une heure et 30 minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 165.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 33.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 15.25).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/649/2022 rendu le 8 juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/23642/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP).

Classe la procédure s'agissant des faits reprochés sous 1.1.2. et 1.1.3. de l'acte d'accusation (art. 329 al. 5 CPP).

Constate une violation du principe de célérité.

Déclare A______ coupable de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que les 172 jours de détention effectués par A______ dans la présente procédure sont imputés à hauteur de 105 jours sur la peine privative de liberté prononcée le 30 août 2022 par le Ministère public de Genève (procédure P/4______/2022), sur la peine pécuniaire et l'amende prononcées le 21 juillet 2021 par le Ministère public de la Confédération (procédure 5______ AEC) et sur les amendes prononcées le 18 septembre 2020 par la Chambre pénale d'appel et de révision de Genève (procédure P/6______/2018) ainsi que les 11 février, 12 avril, 30 août et 12 septembre 2022 par le Ministère public de Genève (procédures P/2______/2022, P/1______/2022, P/4______/2022 et P/7______/2022).

Alloue à A______ une indemnité de CHF 4'020.-, avec intérêts à 5% dès le 10 novembre 2020, à titre de réparation du tort moral pour la détention subie en trop.

Ordonne la confiscation et la destruction des médicaments et de la drogue figurant sous chiffres 2 à 4, 6 à 8 de l'inventaire n° 8______ du 5 décembre 2020 (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à son ayant droit, lorsqu'il sera connu, de la montre figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 9_____ du 28 juillet 2020 (art. 267 al. 1 et 6 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______, a été arrêtée à CHF 4'290.75 pour la procédure de première instance et payée (art. 135 CPP).

Arrête à CHF 213.25, TVA comprise, la rémunération de Me C______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Laisse l'entier des frais de la procédure de première instance et d'appel à la charge de l'État (art. 423 al. 1 et 428 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).