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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/12024/2021

AARP/331/2022 du 02.11.2022 sur JTDP/132/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;MISE EN ACCUSATION;PRINCIPE DE L'ACCUSATION
Normes : LCR.90.al1; LCR.93.al2.leta; CPP.433.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12024/2021 AARP/331/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 2 novembre 2022

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/132/2022 rendu le 9 février par 2022 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié c/o M. B______, chemin ______,
______[GE], comparant par Me C______, avocat, ______, Genève,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement JTDP/132/2022 rendu le 9 février 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 43 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR] cum art. 90 al. 1 LCR ; art. 219 al. 2 let. f de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers [OETV] cum art. 93 al. 2 let. a LCR) et l'a condamné à une amende de CHF 140.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution d'un jour, ainsi qu'aux frais de la procédure.

Le MP entreprend intégralement ce jugement, concluant à son annulation et au prononcé d'un verdict de culpabilité pour deux infractions à l'art. 90 al. 1 LCR (en lien respectivement avec les art. 26 et 31 LCR pour l'une et les art. 27 al. 1, 43 al. 2 LCR et 33 et 74a de l'ordonnance sur la signalisation routière [OSR] pour l'autre) ainsi qu'une infraction à l'art. 93 al. 2 let. a LCR (en lien avec les art. 29 LCR, 34 et 219 OETV). En outre, il conclut au prononcé d'une amende de CHF 1'190.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 11 jours.

b. Selon l'ordonnance pénale du 2 mars 2021, valant acte d'accusation, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le mercredi 26 août 2020 à 19h03, au niveau du numéro ______[n°] de la route de Meyrin à Genève, il a utilisé une piste cyclable avec un véhicule non admis, soit son motocycle immatriculé GE 1______, avec accident et dégâts matériels légers, et n'a pas annoncé à l'autorité compétente les transformations apportées à son véhicule.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 26 août 2020, A______ circulait en motocycle, route de Meyrin en direction de la rue de la Servette, sur la piste cyclable. D______, qui circulait dans la même direction et en motocycle également, a décidé d'emprunter la piste cyclable, située sur la droite de la chaussée, afin de remonter la file de véhicules à l'arrêt située devant lui. Alors que D______ s'engageait sur la piste cyclable, un heurt s'est produit à 19h03 entre le flanc droit de son motocycle et le flanc gauche de celui de A______. Suite au heurt, D______ a chuté mais n'a pas été blessé tandis que A______ n'a pas chuté mais a été légèrement blessé (plaie à l'avant-bras gauche).

a.b. Lors des contrôles d'usage, il s'est avéré que A______ était titulaire d'un permis d'élève conducteur pour la catégorie A, limité à 35 kW, alors que le permis de circulation de son motocycle mentionnait une puissance de 75 kW. A______ était en possession d'une attestation de modification de puissance pour motocycles mentionnant que la puissance de son engin avait été abaissée à 25 kW. Toutefois, il n'avait pas annoncé cette modification à l'autorité compétente.

a.c. À teneur du rapport d'accident établi par la police routière, il a notamment été reproché à D______ de ne pas avoir prêté toute l'attention nécessaire au moment de s'engager sur la piste cyclable. Rien de tel n'est reproché à A______. Pour le surplus, le rapport fait état de bonnes conditions au moment de l'accident, s'agissant de l'état de la route, du tracé de celle-ci, de la visibilité ainsi que des conditions météorologiques et lumineuses.

b. Le 2 mars 2021, le Service des contraventions (SDC) a rendu l'ordonnance pénale n° 2______, laquelle condamne A______ à une amende de CHF 1'190.-, majorée d'un émolument de CHF 150.-, pour violation des dispositions légales suivantes : "Art. 26 – 27 – 43 – 90, Art. 29 – 93 LCR Art. 34 – 219 OETV Art. 33 – 74a OSR".

c. A______ y a formé opposition et a sollicité une nouvelle décision qui tiendrait compte de sa situation personnelle et financière. À ces fins, il a produit un décompte de salaire, un extrait de son compte bancaire attestant de ses charges personnelles ainsi que son avis de taxation fiscale 2018.

d. Le 10 juin 2021, le SDC a rendu une ordonnance sur opposition maintenant son ordonnance pénale et transmettant la procédure au TP afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.

e. Aux débats de première instance, A______ a reconnu les faits qui lui étaient reprochés, soit avoir remonté la file de voitures sur la piste cyclable avec son motocycle et avoir limité la puissance de ce dernier sans l'annoncer à l'Office cantonal des véhicules car la modification était récente et qu'il n'avait pas eu le temps de la notifier. Il contestait uniquement le montant de l'amende qui était trop élevé compte tenu de sa situation financière.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite (art. 406 al. 1 let. c du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, le MP persiste dans ses conclusions.

Le choc entre les deux motocycles démontrait que A______ n'avait pas prêté l'attention nécessaire à la circulation (art. 31 al. 1 LCR). Ce dernier aurait dû adapter sa conduite aux circonstances, soit la densité du trafic et la proximité d'un grand carrefour. Il n'était pas inhabituel de voir des motocycles déboîter sur la piste cyclable afin de remonter des files de voitures, de sorte que A______ devait s'attendre au danger créé par le comportement d'D______, ce d'autant plus qu'il adoptait le même comportement.

En outre, A______ était remonté avec son motocycle le long de la colonne de voitures, sur la piste cyclable, et avait ainsi violé l'art. 43 al. 1 et 2 LCR. Il avait également modifié la puissance de son véhicule afin qu'il soit conforme à son permis de conduire sans l'annoncer à l'autorité d'immatriculation, alors qu'il était tenu de la lui notifier, violant ainsi l'art. 93 al. 2 let. a LCR.

c. A______ conclut au rejet de l'appel, à ce que les frais soient laissés à la charge de l'État et à l'octroi d'une indemnité de CHF 1'050.- correspondant à l'activité déployée par son conseil pour la procédure d'appel, soit deux heures de rédaction du mémoire réponse, 30 minutes de consultation et d'étude du dossier ainsi que 30 minutes de conférence avec le client au tarif de CHF 350.-/h.

Les conclusions prises par le MP violaient le principe d'accusation (cf. art. 353 CPP), il n'avait jamais été question d'une infraction à l'art. 31 LCR dans le cadre de la procédure de première instance, la prétendue perte de maîtrise n'ayant jamais été mentionnée avant la déclaration d'appel. L'ordonnance pénale qui tenait lieu d'acte d'accusation ne contenait pas une description des faits permettant de fonder une infraction à l'art. 31 LCR. De surcroît, ni la police ni le SDC n'avait exposé des faits fondant une violation des devoirs de prudence par ses soins ; à teneur du rapport de police, c'était D______ qui avait perdu la maîtrise de son véhicule en le heurtant et en provoquant une collision. Le seul fait qu'il y avait eu une collision ne prouvait pas qu'il avait perdu la maîtrise de son motocycle. Le MP n'indiquait pas concrètement quel comportement était constitutif d'une perte de maîtrise hormis celui d'avoir emprunté la piste cyclable, constitutif d'une infraction déjà retenue. Une perte de maîtrise ne pouvait pas entrer en considération si, en fonction de la dynamique de la collision et de la visibilité du véhicule de D______, il lui était objectivement impossible de procéder à une manœuvre d'évitement ou de freinage d'urgence. Or, rien au dossier n'établissait le contraire.

Sa faute était légère, de sorte qu'il n'y avait pas de raison de s'écarter des montants figurant aux chiffres 304.21 et 500 de l'ordonnance sur les amendes d'ordre (OAO). En outre, il se trouvait dans une situation financière modeste.

d. Le TP se réfère intégralement au jugement entrepris et relève que le MP ne consacrait aucun développement relatif à la fixation de la peine, soit dans quelle mesure la quotité de l'amende requise tenait compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP et 398 al. 4 CPP).

D. A______, né le ______ 1997, ressortissant suisse, est célibataire et père d'un enfant qui vit avec sa mère. Il travaille en qualité d'employé de commerce pour un revenu mensuel net d'environ CHF 3'600.-. Il vit chez son frère et participe au loyer à hauteur de CHF 500.- par mois. Il verse une pension alimentaire de CHF 300.- et a des poursuites pour un montant total de CHF 2'500.-.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 29 août 2018, par le MP, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 200.- pour délit contre la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 LArm).

EN DROIT :

1. 1.1. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la Loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, le juge exerçant la direction de la procédure est compétent pour statuer.

Dans ces mêmes conditions, la juridiction d'appel peut décider de traiter l'appel en procédure écrite. Dans ce cas, la direction de la procédure fixe à la partie qui a déclaré l'appel un délai pour déposer un mémoire d'appel motivé (art. 406 al. 1 let. c et al. 3 CPP).

1.2. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du CPP).

1.3. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Le libre pouvoir de cognition dont elle dispose en droit confère à l'autorité cantonale la possibilité, si cela s'avère nécessaire pour juger du bien-fondé ou non de l'application d'une disposition légale, d'apprécier des faits que le premier juge a omis d'examiner, lorsque ceux-ci se révèlent être pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 1.3).

2. 2.1.1. Aux termes de l'art. 356 al. 1 CPP, lorsque le ministère public décide de maintenir l'ordonnance pénale, le ministère public transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats. L'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation.

Les autorités administratives instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions ont les attributions du ministère public (art. 357 al. 1 CPP). Les dispositions sur l'ordonnance pénale sont applicables par analogie à la procédure pénale en matière de contravention (al. 2).

2.1.2. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation, laquelle découle également des art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) (droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_461/2018 du 24 janvier 2019 consid. 5.1). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1).

2.1.3. L'art. 333 al. 1 CPP prévoit que le tribunal donne au ministère public la possibilité de modifier l'accusation lorsqu'il estime que les faits y exposés pourraient réunir les éléments constitutifs d'une autre infraction mais que l'acte d'accusation ne répond pas aux exigences légales.

Il s'agit donc d'une faculté, qui ne peut s'appliquer que lorsque le Tribunal "entend retenir" une autre qualification juridique que celle figurant dans l'acte d'accusation. Cette disposition ne constitue pas un cadre dans lequel le ministère public pourrait élargir l'accusation à d'autres faits. La ratio legis de cette disposition est notamment d'empêcher des acquittements injustifiés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2017 du 1er février 2018 consid. 2.3 in fine = RSJ/SJZ 114/2018 p. 175).

L'art. 333 CPP s'applique devant la juridiction d'appel (L. MOREILLON / 
A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4a ad art. 333 ; AARP/278/2018 du 12 septembre 2018 consid. 1.2.1 in fine), pour autant que la culpabilité soit contestée en appel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_777/2011 du 10 avril 2012 consid. 2 in medio). La juridiction d'appel donne alors au ministère public la possibilité de modifier l'accusation lorsqu'elle estime que les faits exposés dans l'acte d'accusation pourraient réunir les éléments constitutifs d'une infraction différente (changement de qualification) ou, en cas de concours réel, d'une infraction supplémentaire, mais que l'acte d'accusation ne répond pas aux exigences légales. Le renvoi au ministère public n'a pas pour but de permettre la prise en compte d'autres agissements qui ne faisaient pas jusque-là l'objet de la poursuite pénale (ATF 147 IV 167 consid. 1.4 in JdT 2022 IV p. 19 ss).

2.1.4. Conformément à l'art. 344 CPP, lorsque le tribunal entend s'écarter de l'appréciation juridique que porte le ministère public sur l'état de fait dans l'acte d'accusation, il en informe les parties présentes et les invite à se prononcer.

Cette disposition ne trouve toutefois application qu'autant que les conditions conduisant impérativement à une modification de l'acte d'accusation ne sont pas réunies. Par exemple, l'art. 333 al. 1 CPP n'entre pas en considération lorsque l'état de fait figurant dans l'acte d'accusation contient d'ores et déjà tous les éléments de fait nécessaires au jugement de l'infraction pénale nouvellement envisagée, alors que celle-ci n'est pas désignée expressément par l'acte d'accusation. Dans une telle configuration, si l'autorité de jugement est, en effet, liée par le complexe de faits décrit dans l'acte d'accusation (principe d'immutabilité), elle n'en conserve pas moins toute latitude quant à l'application du droit (art. 350 al. 1 CPP), pour peu que soient garantis les droits des parties, autrement dit que celles-ci soient informées du changement envisagé et aient la possibilité de s'exprimer (art. 344 al. 1 in fine CPP).

2.2.1. En l'espèce, il sied d'examiner la teneur de l'acte d'accusation, soit l'ordonnance pénale du 2 mars 2021, à l'aune des éléments constitutifs de l'infraction de perte de maîtrise (art. 31 LCR) invoquée par le MP au stade de l'appel mais que la première juge n'a pas retenue à l'encontre de l'intimé et qui n'a jamais été soulevée à un stade antérieur de la procédure.

Il ne saurait être retenu que la simple évocation dans l'ordonnance pénale de ce qu'il y a eu un accident avec "dégâts matériels légers" aurait dû permettre à l'intimé de comprendre qu'une perte de maîtrise lui était reprochée, tout accident n'étant pas nécessairement précédé d'une perte de maîtrise. Au contraire, le reproche fait à l'intimé aux termes de l'ordonnance pénale était clairement d'avoir utilisé une piste cyclable avec un véhicule non admis et ne pas avoir annoncé à l'autorité compétente les transformations apportées à son véhicule.

Ainsi, les éléments permettant une extension de l'acte d'accusation à une violation de l'art. 31 cum 90 LCR ne sont pas réunis. Pour permettre une telle condamnation, l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation aurait dû être complété par un autre comportement fautif, soit la perte de maîtrise d'un véhicule, qui n'est pas nécessairement compris dans celui décrit dans l'ordonnance pénale, soit l'utilisation d'une piste cyclable avec un véhicule non admis.

Il s'ensuit que l'acte d'accusation, en l'état, ne répond pas aux exigences de description d'une accusation de perte de maîtrise d'un véhicule (art. 31 LCR) au sens de l'art. 325 CPP.

2.2.2. Un complément à l'acte d'accusation serait donc nécessaire pour une éventuelle extension à ce chef d'infraction, avec des ajouts substantiels à l'état de fait retenu, ce qui nécessiterait d'inclure précisément la description de la perte de maîtrise de son véhicule reprochée à l'intimé.

La jurisprudence susmentionnée (cf. supra consid. 2.1.3) admet l'application de l'art. 333 al. 1 CPP en procédure d'appel – à l'exclusion d'une extension à des faits nouveaux (hypothèse visée par l'art. 333 al. 2 CPP) – afin de donner la possibilité au MP de modifier l'accusation si l'autorité de seconde instance estime que les faits exposés dans l'acte d'accusation pourraient réunir les éléments constitutifs, par exemple, d'une infraction supplémentaire en concours réel. La Cour estime néanmoins que la transposition de cette jurisprudence en matière contraventionnelle est problématique dans la mesure où la juridiction d'appel dispose d'un pouvoir de cognition limité et que, ce faisant, un double degré de juridiction ne serait plus respecté. Cette question souffre toutefois de demeurer ouverte vu ce qui suit (cf. infra consid. 2.2.3.3).

2.2.3.1. Le principe "in dubio pro reo", qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a p. 40 s.).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que le doute doit profiter au prévenu (cf. ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_377/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 p. 82 ; 127 I 38 consid. 2a p. 41 ; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s.).

2.2.3.2. À teneur de l'art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. Cela signifie qu'il doit être à tout moment en mesure de réagir utilement aux circonstances. L'art. 3 al. 1 OCR précise que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Le degré de l'attention requise par l'art. 3 al. 1 OCR s'apprécie au regard des circonstances d'espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 p. 295 ; arrêts du Tribunal fédéral fédéral 6B_69/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2.2.1 et 6B_665/2015 du 15 septembre 2016 consid. 2.2).

2.2.3.3. En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de retenir que l'intimé aurait perdu la maîtrise de son véhicule.

Si le rapport d'accident reproche à D______ de ne pas avoir prêté toute l'attention requise par les circonstances, il n'en est rien concernant l'intimé. En outre, ledit rapport fait état de bonnes conditions de circulation au moment de l'accident ; aucun indice au dossier ne permet de dire que l'intimé n'aurait pas adapté sa vitesse aux circonstances ou qu'il n'aurait pas eu la réaction exigée par elles. Contrairement à ce qu'affirme le MP, l'existence d'une collision entre les deux motocycles ne démontre pas à elle seule le défaut d'attention. En effet, le dossier ne fait pas état des circonstances de la collision, de sorte qu'on ignore si celle-ci résulte du fait que D______ est sorti à vive allure de sa file et s'est inséré sur la voie de droite sans prêter attention à la priorité accordée aux usagers y circulant déjà ou bien du fait que l'intimé n'a pas prêté attention à la route et n'a pas réagi utilement. Comme l'intimé le relève à juste titre, selon les conditions, il lui était peut-être objectivement impossible de procéder à une manœuvre d'évitement ou à un freinage d'urgence. L'absence d'indications précises quant aux circonstances de la collision doit conduire à retenir à l'encontre de l'intimé un doute qui doit lui profiter.

Ainsi, il ne peut être tenu pour établi, au-delà de tout doute raisonnable, que l'intimé aurait perdu la maîtrise de son véhicule au sens de l'art. 31 LCR, de sorte que l'appel du MP sera rejeté sur ce point.

2.3. Du reste, l'intimé ne conteste pas le verdict de culpabilité de violation simple des règles de la circulation routière prononcé par le TP (art. 43 LCR cum art. 90 al. 1 LCR ; art. 219 al. 2 let. f OETV cum art. 93 al. 2 let. a LCR).

Il ressort clairement de la motivation du jugement entrepris que l'intimé est reconnu coupable, d'une part, d'une violation de l'art. 90 al. 1 LCR, et, d'autre part, d'une violation de l'art. 93 al. 2 let. a LCR, et que la peine a été fixée sur la base d'un verdict de culpabilité concernant ces deux infractions. Une erreur de plume lors de la rédaction du dispositif est manifestement intervenue : il y a dès lors lieu de procéder à sa rectification d'office dès lors que ce ne sont pas deux violations simples des règles de la circulation qui sont imputées au prévenu mais une violation simple des règles de la circulation routière (art. 43 LCR cum art. 90 al. 1 LCR) et la conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (art. 219 al. 2 let. f OETV cum art. 93 al. 2 let. a LCR), étant relevé que la peine menace pour ces deux infractions est l'amende.

Ainsi, il ne sera pas fait droit à la conclusion du MP visant le prononcé d'un verdict de culpabilité pour deux infractions à l'art. 90 al. 1 LCR. Le dispositif du jugement entrepris sera toutefois modifié dans le sens qui précède.

3. 3.1.1. Les infractions de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (art. 219 al. 2 OETV cum art. 93 al. 2 let. a LCR) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 43 LCR cum art. 90 al. 1 LCR) sont passibles de l'amende.

3.1.2. Selon l'art. 47 du Code pénal suisse (CP), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.3. Conformément à l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives. Une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose, à la différence de l'absorption et du cumul des peines, que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits. Le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'est pas possible (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 144 IV 217 consid. 3.5 ; 127 IV 101 consid. 2b p. 104 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1 ; 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio).

3.1.4. À teneur de l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (al. 1).

Celle-ci, de même que la peine privative de liberté de substitution, doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3). À l'instar de toute autre peine, l'amende doit donc être fixée conformément à l'art. 47 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_337/2015 du 5 juin 2015 consid. 4.1 ; 6B_988/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1 et 6B_264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 4.5). Le juge doit ensuite, en fonction de la situation financière de l'auteur, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 = JdT 2005 IV p. 215 ; 119 IV 330 consid. 3). La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4).

Un jour de peine privative de liberté de substitution (art. 106 al. 2 CP) correspond schématiquement à CHF 100.- d'amende (AARP/298/2022 du 29 septembre 2022 consid. 3.2.2 et les références citées ; L. MOREILLON / N. QUELOZ / A. MACALUSO / N. DONGOIS [éds], Commentaire romand, Code pénal I : art. 1-100 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 19 art. 106).

3.2. En l'espèce, la faute de l'intimé peut être qualifiée de légère. Il a contrevenu aux règles de la circulation routière en circulant, en violation de la signalisation en vigueur, sur une piste cyclable alors qu'il conduisait un motocycle. S'il n'a, certes, pas gravement mis en danger la sécurité des autres usagers de la route, il a agi par pure convenance personnelle, afin de remonter plus rapidement la file de véhicules qui le précédaient, et sans prendre la mesure de ses agissements. S'agissant du défaut d'annonce du changement de puissance à l'autorité compétente, s'il est regrettable et punissable, il sied toutefois de constater que ledit changement avait permis de mettre en conformité le motocycle de l'intimé avec le permis qui lui avait été délivré.

Si l'ordonnance sur les amendes d'ordre (OAO) ne s'applique pas, il n'y a toutefois aucune raison de s'écarter arbitrairement du montant de l'amende que celle-ci préconise en cas de violation du signal de prescription "Piste cyclable" (ch. 304.21), en l'absence de faute importante de l'intimé ou d'une situation financière favorable.

Au vu de ce qui précède, une amende de CHF 100.- pour sanctionner la violation simple des règles de la circulation routière était justifiée, laquelle devait être augmentée, en tenant compte des règles sur le concours, de CHF 40.- pour sanctionner l'infraction de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (peine hypothétique de CHF 50.-). Ainsi, l'amende de CHF 140.- fixée par le TP consacre une application correcte de l'art. 106 al. 3 CP. Il en va de même de la peine privative de substitution d'un jour.

L'appel du MP sera donc également rejeté sur ce point.

4. 4.1. Lorsque le ministère public interjette recours mais succombe, le prévenu n'a, en principe, pas à supporter les frais de la procédure de recours et a, en outre, droit à une indemnité en rapport avec celle-ci (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 5 ad art. 436).

L'appel formé par le MP étant rejeté, les frais de la procédure d'appel, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'000.-, seront laissés à la charge de l'État. La répartition des frais de première instance sera confirmée vu la culpabilité inchangée, la rectification du dispositif n'étant fondée que sur une erreur formelle, sans incidence sur la culpabilité ou la peine prononcée (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale ; E 4 10.03).

4.2.1. À teneur de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1 ; 6B_620/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.2.2 ; 6B_792/2016 du 18 avril 2017 consid. 3.3).

4.2.2. En l'espèce, vu l'issue de la procédure, il se justifie d'allouer une indemnité à l'intimé pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en appel.

Le montant des honoraires réclamés est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause de sorte qu'une indemnité de CHF 1'130.85, correspondant à trois heures d'activité à CHF 350.-/h, plus la TVA au taux de 7.7%, sera allouée en faveur de l'intimé.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/132/2022 rendu le 9 février par 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/12024/2021.

Le rejette.

Rectifie le dispositif en ce sens que A______ est reconnu coupable de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (art. 219 al. 2 OETV cum art. 93 al. 2 let. a LCR) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 43 LCR cum art. 90 al. 1 LCR).

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, la somme de CHF 1'130.85, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de défense dans le cadre de la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif après rectification est le suivant :

"Déclare A______ coupable de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (art. 219 al. 2 OETV cum art. 93 al. 2 let. a LCR) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 43 LCR cum art. 90 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une amende de CHF 140.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 1 jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure arrêtés à CHF 60.- (art. 426 al. 1 CPP)."

 

 

 

 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.