Décisions | Tribunal pénal
JTDP/387/2024 du 25.03.2024 ( PENAL ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE Chambre 2
|
MINISTÈRE PUBLIC
A______ LTD, partie plaignante, assistée de Me B______
LA MASSE EN FAILLITE DE LA BANQUE F______ SA EN LIQUIDATION, tiers saisi, assistée de Me C______
contre
Monsieur X______, né le ______1961, domicilié ______ [Valais], prévenu, assisté de Me D______
Monsieur Y______, né le ______1971, domicilié ______ [Zurich], prévenu, assisté de Me E______
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité de Y______ et de X______ de gestion déloyale aggravée, subsidiairement d'abus de confiance qualifié, avec la circonstance atténuante du temps écoulé selon l'art. 48 let. e CP, à ce qu'ils soient condamnés à une peine privative de liberté de 18 mois, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans, à ce qu'un accueil favorable soit réservé aux conclusions civiles de la partie plaignante, à la levée du séquestre sur le compte n°1______ ouvert au nom de F______ auprès de G______, à ce que les fonds soient restitués à A______ LTD à concurrence de son dommage résiduel, à ce que les prévenus soient condamnés solidairement aux frais de la procédure et au rejet de leurs conclusions en indemnisation.
LA MASSE EN FAILLITE DE LA BANQUE F______ SA EN LIQUIDATION, par la voix de son Conseil, conclut à ce que le Tribunal constate que les éléments constitutifs des infractions reprochées aux prévenus ne sont pas remplis, à ce qu'il constate que le montant des avoirs de A______ LTD est tombé dans la masse en faillite, à ce que la demande de restitution à A______ LTD de USD 55'160'445.14, respectivement le montant équivalent en francs suisses déposé sur le compte n°1______ soit rejetée, à ce que le séquestre sur ces fonds soit levé, à ce que les parties soient déboutées de toutes autres conclusions et à ce qu'une indemnité soit allouée à sa mandante selon les conclusions déposées, en application de l'art. 434 al. 1 CPP, auxquelles il y a lieu d'ajouter les heures d'audience.
A______ LTD, par la voix de ses Conseils, conclut à ce que les prévenus soient reconnus coupables de gestion déloyale aggravée, subsidiairement d'abus de confiance qualifié, et qu'ils soient condamnés aux peines de droit, à la restitution des fonds de A______ LTD et à la levée du séquestre. Elle persiste dans ses conclusions civiles déposées et dans ses conclusions en indemnisation pour ses frais.
Y______, par la voix de ses Conseils, conclut à son acquittement, au rejet des conclusions civiles et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions en indemnisation, en précisant qu'il convient d'ajouter à la note d'honoraires le temps d'audience pour les deux conseils, le temps de plaidoirie ne devant être comptabilisé qu'au tarif de chef d'étude.
X______, par la voix de ses Conseils, conclut à son acquittement, à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat, au rejet intégral des conclusions civiles de la partie plaignante et à l'octroi d'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP d'un montant de CHF 89'982.40, auquel s'ajoute le temps de l'audience.
A.a. Par acte d'accusation du 26 mai 2023, il est reproché à Y______, en sa qualité de Directeur financier (CFO), de membre de la Direction et du Comité exécutif (COMEX) de la banque F______ SA (ci-après: la Banque), aujourd'hui en liquidation, d'avoir, à Genève, le 23 octobre 2015, de concert avec X______, malgré l'ordre reçu le 21 octobre 2015 de A______ LTD (ci-après: A______ LTD) de transférer immédiatement ses avoirs déposés sur un compte global ouvert au nom de la Banque auprès de G______ SA (ci-après: G______) - composés essentiellement de dépôts fiduciaires et totalisant, au 21 octobre 2015, USD 89'245'800.- - vers un compte ouvert auprès d'une banque tierce, et malgré le risque de faillite imminent de la Banque, volontairement repoussé au 26 octobre 2015 l'exécution dudit transfert dans le but de procurer un enrichissement illégitime à son employeur et de lui permettre de conserver les avoirs sous gestion en vue de négociations avec d'éventuels repreneurs, ainsi que, cas échéant, d'augmenter la masse disponible en cas de faillite, ce alors que la totalité des fonds de A______ LTD était à disposition de la Banque le 23 octobre 2015, à 14h34 - ce que Y______ savait ou aurait dû savoir en procédant aux vérifications usuelles -, allant ainsi à l'encontre de l'instruction du client et agissant de façon contraire à ses intérêts en acceptant le risque que ses avoirs tombent dans la masse en faillite de la Banque, risque qui s'est concrètement réalisé en l'espèce puisque la faillite a été déclarée le 26 octobre 2015, à 8h00, occasionnant de la sorte un dommage d’à tout le moins CHF 89'245'800.- (recte: USD 89'245'800.-) à A______ LTD, faits qualifiés de gestion déloyale aggravée au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP, subsidiairement d'abus de confiance qualifié au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 et ch. 2 CP.
b. Par le même acte d'accusation, il est reproché à X______ - occupant les fonctions de Head of Private Banking, de membre de la Direction et du COMEX de la Banque -, en sa qualité de gestionnaire des avoirs de A______ LTD et dans les circonstances décrites supra a, d'avoir, à Genève, le 23 octobre 2015, de concert avec Y______, omis d'exécuter immédiatement l'ordre de transfert de A______ LTD ou, à tout le moins, omis de prendre les mesures nécessaires pour que cet ordre soit exécuté le jour même, sachant que la faillite pouvait être prononcée à tout moment et acceptant le risque - lequel s'est réalisé - que les avoirs de A______ LTD tombent dans la masse en faillite de la Banque, ce dans le but de procurer un enrichissement illégitime à son employeur et de lui permettre de conserver les avoirs sous gestion en vue de négociations avec d'éventuels repreneurs, ainsi que, cas échéant, d'augmenter la masse disponible en cas de faillite et de diminuer la responsabilité des actionnaires - dont il faisait partie -, occasionnant de la sorte un dommage d’à tout le moins CHF 89'245'800.- (recte: USD 89'245'800.-) à A______ LTD, étant de surcroît relevé que X______ a également violé son obligation d'information envers A______ LTD en affirmant de façon mensongère ou, à tout le moins, manifestement inexacte, que ses avoirs avaient été transférés auprès d'une banque tierce conformément à ses instructions, ce qui n'était pas le cas et ce qu'il savait ou aurait dû savoir en procédant à des vérifications élémentaires, faits qualifiés de gestion déloyale aggravée au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP, subsidiairement d'abus de confiance qualifié au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 et ch. 2 CP.
B. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure:
a. Des parties
a.a. A______ LTD est une société offshore incorporée aux Iles Vierges Britanniques dont H______ est l'unique directeur et actionnaire. En juillet 2008, ce dernier (ayant droit économique) a procédé à l'ouverture d'un compte de dépôt n°2______ au nom de A______ LTD auprès de la Banque (PP. 210'005 ss).
Au moment des faits, les avoirs déposés sur cette relation bancaire étaient essentiellement détenus sous forme de placements fiduciaires répartis comme suit (P. 210'111):
- USD 34 millions déposés auprès de I______;
- USD 10 millions déposés auprès de J______;
- USD 43 millions et USD 240'000.- déposés auprès du K______;
- USD 2 millions déposés auprès L______.
a.b. X______, né le ______ 1961, en France, au bénéfice d'une formation en droit, a rejoint la Banque en 1996. En 2015, il occupait les fonctions de Directeur Private Banking, de membre de la Direction et du Comité exécutif (COMEX) de la banque précitée, et était en outre chargé la relation bancaire n°2______ ouverte au nom de A______ LTD.
Conformément au Règlement interne de la Banque, le Directeur Private Banking assure une bonne coordination entre tous les membres du métier et leur apporte le soutien nécessaire dans la conduite de leur activité. Il coordonne les tâches relevant du contact avec la clientèle et du suivi de leur portefeuille (art. 21 ch. 2 du Règlement interne). Il rapporte au Président du Comité de direction et doit en particulier l'aviser directement et sans délai de tout événement important relevant de son domaine de compétences (art. 21 ch. 3 du Règlement interne).
a.c. Y______, né le ______ 1971 en Suisse, au bénéfice d'une licence en sciences économiques, a rejoint la Banque en 2008. En 2015, il occupait les fonctions de Directeur financier, de membre de la Direction et du COMEX de la banque précitée.
Selon le Règlement interne de la Banque, le Directeur financier est responsable du reporting financier, du budget et de la planification. Il veille au respect des exigences légales et réglementaires en matière de tenue de la comptabilité et de publication des comptes. Il est responsable des activités de trésorerie et s'assure du respect des normes réglementaires de liquidités et de fonds propres. Il est en outre responsable de la gestion et du contrôle des aspects fiscaux liés aux activités de la banque (art. 18 ch. 1 du Règlement interne). Il rapporte au Président du Comité de direction et doit en particulier l'aviser directement et sans délai de tout événement important relevant de son domaine de compétences (art. 18 ch. 4 du Règlement interne).
b. Chronologie des faits pertinents
b.a. En proie à des difficultés de trésorerie, la Banque se trouvait, depuis le 1er juillet 2015, dans une phase d'assainissement ordonnée par la FINMA. Suite à l'échec de son projet de recapitalisation au moyen d'une augmentation de capital, l'établissement a tenté de se procurer les fonds nécessaires pour procéder à une liquidation solvable par la vente d'actifs commerciaux ("Asset Deal") et, dans ce contexte-ci, a entamé des négociations notamment avec la AA______ LTD(ci-après: la AA______ LTD) (cf. notamment PP. 203'015 ss, 203'035 ss, 203'047 ss, 203'113 ss, 203'116 ss, 203'136 ss, 203'140 ss et 600'081 ss).
b.b. Le 6 octobre 2015, H______ a rédigé une instruction de transfert immédiat de tous ses avoirs - y compris ceux détenus par ses sociétés - déposés auprès de la Banque, précisant cependant qu'il était prêt à suspendre très temporairement dite instruction à condition d'être tenu quotidiennement informé de la situation de la Banque. Par une note manuscrite datée du même jour et apposée directement sur ledit document, X______ s'est engagé à faire le nécessaire pour se conformer au souhait de son client ("[…] Je vous confirme que le nécessaire sera fait comme vous le souhaitez. Je reviens demain après-midi vous tenir informé des derniers développements") (P. 100'031).
b.c. Par courrier daté du 9 octobre 2015, la FINMA a informé la Banque qu'une procédure de faillite était imminente et l'a rendue attentive au fait que certaines transactions pourraient être sujettes à révocation en cas de faillite, lui impartissant un délai au 14 octobre 2015 pour présenter un accord avec la AA______ LTD répondant aux conditions préconisées (PP. 600'093 ss).
b.d. Le 15 octobre suivant, la FINMA a informé la Banque que la transaction qui lui avait été soumise ne remplissait pas les exigences requises et qu'il convenait d'ouvrir une procédure de faillite, impartissant à l'établissement précité un délai au lendemain pour présenter ses observations, lequel a par la suite été reporté au 18 octobre 2015 (PP. 600'097 et 220'112 ss).
b.e. Le 19 octobre 2015, le Conseil d'administration de la Banque s'est réuni, étant relevé que X______ et Y______ ont assisté à cette séance en qualité d'invités. Le Président a informé les divers participants du fait que la Banque avait reçu, le jour même, un message de la FINMA indiquant qu'une décision interviendrait dans les prochains jours, rappelant pour le surplus les points cruciaux dont celle-ci allait dépendre, soit en particulier la capacité de la Banque de procéder à une liquidation ordonnée menant à un résultat de liquidation positif (PP. 500'056 ss).
Par courriel daté du même jour, M______ (actionnaire et membre du COMEX) a informé les membres du Conseil d'administration ainsi que X______ que la FINMA se donnait quelques jours de réflexion pour statuer sur leur sort - ce qu'il trouvait encourageant - et que les quelques jours/heures qui suivraient seraient dès lors utilisés pour solidifier le dossier (P. 220'111).
b.f. Le 20 octobre 2015, Y______ et X______ ont été informés par M______ que la FINMA était supposée rendre une décision le lundi 19 octobre 2015, à 8h30, mais qu'elle allait finalement prendre quelques jours de plus - au mieux jusqu'au jeudi 22 octobre 2015 - pour réfléchir à la situation ("[…] The FINMA was supposed to statute on our situation Monday at 8h30. They are taking an extra few days (I assume until tomorrow at best Thursday) to reflect on our situation […]") (P. 220'125).
Le même jour, à 11h29, X______ a demandé à ce que son salaire lui soit désormais versé sur son compte auprès de l'UBS (P. 500'105).
b.g. Par courrier daté du 16 octobre 2015, remis en mains propres à X______ le 21 octobre 2015, H______, agissant pour le compte de A______ LTD, a instruit la Banque de "transférer immédiatement dès réception de la présente lettre les dépôts fiduciaires et le cash détenus sur le compte mentionné ci-dessus [2______] au compte cité ci-après [ouvert au nom de la banque N______ SA (ci-après : N______)]") (P. 100'032).
A réception de l'ordre, l'assistante de X______, O______, a saisi celui-ci dans le système informatique de la Banque, le "Détail de l'ordre", créé le 21 octobre 2015, à 14h57, mentionnant un montant de USD 89'245'800.- comme montant à débiter et le 23 octobre 2015 comme date valeur (P. 100'033).
A 15h33, l'ordre a été transmis à Y______ pour validation (P. 220'189).
b.h. Les échanges suivants ont notamment eu lieu au cours de la journée du 21 octobre 2015:
- dans un courriel intitulé "Paiements / ordres de clients", adressé à 16h01 à P______ (CEO et membre du COMEX) et à Q______ (Président du Conseil d'administration), l'un des avocats de la Banque a en particulier écrit:
"[…] j''ai contacté l'un de nos collègues à Zurich spécialisé en LP, qui me confirme que, dans une telle situation, seuls les transferts de titres ainsi que les paiements jusqu'à CHF 100'000 devraient être autorisés, tout paiement excédant ces montants étant sujet à action révocatoire. Plus encore, il indique une décision - contestée en doctrine - du Tribunal fédéral retenant une responsabilité des organes ayant autorisé de tels transferts et ainsi porté atteinte aux intérêts des créanciers. Je n'ai pas encore eu le temps d'examiner la jurisprudence ci-dessus. Il convient néanmoins de se demander si la prudence ne dicterait pas de surseoir aux virements de fonds dans l'attente de la décision de la Finma […] Cette situation est destructrice de valeur et potentiellement dévastatrice pour la Banque et ses organes […] (P. 220'193);
- dans un courriel intitulé "Our today's phone call", adressé à 19h34 à la FINMA - dont Y______ était en copie -, P______ a indiqué prendre note de la recommandation émanant de cette autorité de s'en référer au Conseil d'administration de la Banque s'agissant de la validation de l'ordre de transfert de A______ LTD - soit "leur plus gros client à Genève" -, ainsi que du fait que la FINMA n'interviendrait pas dans le cadre de l'exécution de ces paiements. Il a pour le surplus souligné avoir pris acte du fait que la Banque recevrait des instructions plus précises le lendemain ("[…] This morning our biggest client in Geneva has requested that his long standing 48H call fiduciary deposits be redeemed (total amount approx. CHF 90mio) and transferred to Bank N______ […] We have noted through our conversation with your authority that your recommendation is to seek guidance of the Board of the Bank (process initiated) and that FINMA will, for the time being, not intervene or request the Bank to, block these payments […] Nonetheless, we understand that it is your intention to revert back to us tomorrow, in the course of the business day, with a more precise guidance") (P. 220'202).
- dans un courriel intitulé "Paiements / ordres de clients" adressé à 21h39 à Q______, dont Y______ et X______ étaient en copie, P______ a notamment écrit:
"[…] Par prudence nous avons suspendu les opérations en question et nous ne sommes pas vraiment en urgence mais nous devons avoir d'ici jeudi soir une claire instruction sur l'attitude à adopter, tant il est vrai qu'entretemps nous pourrions avoir des nouvelles de la FINMA. Etant donné que ces transactions sont tout de même assez techniques et sujettes à diverses interprétations, notamment pour ce qui est des dépôts fiduciaires, je vous propose d'organiser demain matin une conférence téléphonique avec les membres du CA et du Comex […]" (P. 220'200).
b.i. Une réunion extraordinaire du COMEX s'est tenue le jeudi 22 octobre 2015 au matin, lors de laquelle a notamment été évoqué le fait que les deux plus gros clients avaient sollicité le transfert de leurs fonds - ce qui diminuait les avoirs sous gestion et le montant attendu de la part de la AA______ LTD dans le cadre d'une éventuelle transaction -, la Banque se trouvant désormais face au "pire scénario" ("[…] These actions worsens our AuM base and therefore reduces the amounts anticipated to be received by AA______ LTD (Asset Sale). We now need to base our assumptions on the worst case scenario […]"). Le COMEX a pour le surplus décidé d'exécuter les ordres de transfert faisant suite à des remboursements de dépôts fiduciaires, ce sous réserve d'une instruction contraire de la part du Conseil d'administration ("We have received from AB______clarification (see above) as to client transfers subsequently to a reimbursement of fiduciary deposits therefore we will execute such client orders unless the Board instructs us differently" (PP. 600'026 ss).
Le même jour, à 17h52, Y______ a informé X______ et M______ avoir ordonné au middle-office de surseoir à l'exécution des transactions supérieures à CHF 100'000.- dans l'attente des instructions du Conseil d'administration, conformément à ce qui avait été décidé lors du COMEX extraordinaire ("[…] I have given the order to mid office not to process transactions over 100TCHF as decided in the EXCO awaiting instructions of the Board […]") (P. 220'229).
b.j. Le vendredi 23 octobre 2015:
- à 10h30, le Conseil d’administration de la Banque s'est réuni et X______, qui y assistait en qualité d'invité, a demandé que celui-ci se prononce sur l'ordre de transfert de A______ LTD. Plusieurs membres du Conseil d'administration ont soutenu la position de principe consistant à considérer que la situation des créanciers n'était pas péjorée par le remboursement d'un placement fiduciaire - lequel était soustrait en cas de faillite - et il a pour le surplus été précisé que la FINMA n'avait pas réagi lorsque Y______ lui avait mentionné le cas (PP. 600'031 ss);
- à 11h28, R______, cheffe du middle-office de la Banque, a contacté le service de trésorerie de G______ s'agissant de l'ordre de transfert de A______ LTD et l'a en particulier prié de bien vouloir lui confirmer la réception des fonds provenant de la contrepartie ("[…] For Cash Management reasons we need the confirmation that the money from the counterparty has effectively been credited/ received. To whom it may concern: could you please confirm that you have received the money? […]") (PP. 500'073 et 500'074);
- à 11h45, S______ (G______) a adressé le courriel suivant à R______:
"Technically USD can be paid till late in the night, so we will only be certain on Monday to have received all those funds. Nevertheless, I can tell you that for the fiduciaries you have with K______ and L______ they are executed within our account with them, so this shouldn't generate any problem. For I______ and J______, it's still too early for us to know. Though, I just spoke with W______, who informed me that he'd never had any issue with these banks" (pièce 500'073).
Traduction libre du Tribunal: "Techniquement, les USD peuvent être payés jusque tard dans la nuit, de sorte que nous ne serons certains d'avoir reçu tous ces fonds que lundi. Néanmoins, je peux vous dire, s'agissant des dépôts fiduciaires auprès du K______ et de L______, que ces derniers sont exécutés dans nos comptes auprès de ces établissements et que, par conséquent, cela ne devrait pas poser de problème. Pour I______ et J______, il est encore trop tôt pour le savoir. Toutefois, je viens de parler avec W______, qui m'a indiqué n'avoir jamais eu de problème avec ces banques";
A 11h49, R______ a transféré ce courriel à Y______ (P. 500'073);
- dans un courriel intitulé "Payment today to be released on Monday", adressé à 12h44 au service de trafic des paiements, R______ a demandé comment procéder pour qu'un paiement inséré dans le système le jour même ne soit pas exécuté avant le lundi suivant - en raison d'un encaissement en cours -, et en particulier s'il convenait d'apposer une mention précisant que le paiement n'était pas supposé intervenir avant lundi ("We would like to have them in the system today but would make sure that the payment leaves your bank not before Monday (due to a pending incoming) […] Is it enough to wait until cutoff today or should we write a text for you that the payment is supposed to be released only on Monday ?") (P. 220'234);
- à 13h36, T______, du service de trafic des paiements, a répondu à R______ qu’il convenait d'apposer la mention "Do not release before Monday 26 oct. 2015" sur l'ordre de transfert (P. 220'235); à 13h41, R______ a transféré ce courriel, avec la mention "FYI" ("pour votre information"), à Y______ (P. 220'236), lequel l'a à son tour transféré, à 14h47, à P______, à M______ et à X______, avec la mention "Please see below" (P. 220'238);
- à 15h02, X______ a, à son tour, transféré le courriel susvisé à M______, tout en lui demandant de valider le transfert de A______ LTD et en lui rappelant que celui-ci avait été approuvé par le Conseil d'administration ("Please validate the payment from A______ of US 89'245'800; this transfer had been approved by the board of directors of our bank this morning"), étant relevé que l'objet du courriel a été modifié comme suit: "FW: Payment today to be released on Monday A______ LTD [soulignement par le Tribunal]" (P. 220'018);
- à 15h07, O______, a transmis l'ordre de virement de A______ LTD à M______ afin que ce dernier le valide, l'objet du courriel en question mentionnant "A______ LTD. / Virement à valider" (P. 220'010);
- à 15h37, R______ a adressé le courriel suivant à Y______:
"Wir haben die Zahlung über 89 Mio USD erhalten, Valuta Montag, TEXT: Do not release before Monday 26 oct. 2015. Wir werden erst nach 16 Uhr die Zahlung freigeben und zusätzlich noch einmal G______ informieren, dass erst Montag released wird."
Traduction libre du Tribunal: "Nous avons reçu le paiement de USD 89 mio, date valeur lundi, TEXTE: Do not release before Monday 26 oct. 2015. Nous ne libérerons le paiement qu'après 16 heures et informerons en outre une nouvelle fois G______ que le paiement ne sera pas libéré avant lundi." (P. 220'239);
- à 16h28, O______ a informé les membres du Conseil d'administration, ainsi que X______ et Y______, de la tenue d'une séance extraordinaire le lundi 26 octobre 2015, à 9h30, un point de situation concernant les discussions avec la FINMA étant notamment prévu à l'ordre du jour (P. 220'241);
- à 16h35, R______ a une nouvelle fois demandé au service de trafic des paiements de n'exécuter l'ordre de transfert que le lundi 26 octobre 2015 ("Thank you for releasing it on Monday, 26.10.2015") (P. 220'243);
- à 16h43, O______ a saisi l'ordre de transférer les USD 89'245'800.- dans le logiciel, avec la mention "Do not release before Monday 26 oct. 2015" et précisant, comme date valeur, le 26 octobre 2015 (P. 201'074);
b.k. Par décision datée du 23 octobre 2015, la FINMA a prononcé la faillite de la Banque, le délai d'ouverture de la faillite étant fixé au 26 octobre 2015, à 8h00 (PP. 600'101 ss).
b.l. L'ordre de transfert des fonds de A______ LTD a été traité et validé par G______ le lundi 26 octobre 2015, entre 8h45 et 8h58 (P. 201'074), et le message SWIFT y relatif a été émis à 9h00 (PP. 201'075 et 201'076). A 10h22, soit après avoir été informée de la faillite de la Banque, G______ a annulé l'instruction de transfert (PP. 201'074, 201'077 et 201'078). Les fonds de A______ LTD sont dès lors tombés dans la masse en faillite.
b.m. Le 25 janvier 2016, A______ LTD et H______ ont déposé plainte pénale contre inconnu pour ces faits.
b.n. Interpellée par le Ministère public, la FINMA a, par courrier daté du 21 avril 2016, répondu par la négative à la question de savoir si les organes de la Banque avaient été informés à l'avance du fait que la faillite serait prononcée le 26 octobre 2015. Elle a pour le surplus précisé que ni la Banque ni ses organes n'avaient été soumis à des restrictions s'agissant de la gestion courante des affaires, les virements et les clôtures de comptes ne nécessitant dès lors pas l'approbation de la FINMA, et que ce n'était que dans le cadre de la surveillance permanente des liquidités de la Banque que la FINMA avait été informée des sorties de fonds importantes, sans que les noms des clients ne lui aient toutefois été communiqués ("Der Bank und ihren Organen wurden seitens der FINMA keine Beschrankungen hinsichtlich der laufenden Geschaftsführung auferlegt. Daher bedurften Überweisungen und Kontenschliessungen keiner Zustimmung der FINMA […] Nur im Rahman der laufenden Überwachung der Liquiditat der Bank wurde die FINMA über grôssere Abflüsse informiert, Namen von Kunden wurden hierbei jedoch nicht genannt.") (P. 203'003).
b.o. Faisant suite à divers ordres de dépôts du Ministère public, G______ a notamment exposé ce qui suit:
- la saisie du message "do not release before Monday 26 oct. 2015" avait eu pour effet de stopper l'exécution automatique de l'ordre et de remplacer ce traitement automatique par un traitement manuel le 26 octobre 2015, étant précisé qu'"à défaut d'une telle mention, l'ordre aurait été traité à l'interne le 23 octobre 2015 (prise en charge et validation interne), il aurait été transmis à U______ le 23 octobre 2015 (valeur 26 octobre 2015) et les écritures comptables auraient été passées par [la] Banque le 23 octobre 2015 (valeur le 26 octobre 2015)" (cf. courrier de G______ au Ministère public du 3 mai 2016 et annexes, PP. 201'014 ss);
- le compte de la Banque avait été automatiquement crédité "sauf bonne fin" et les avis de crédit, datés du 21 octobre 2015, avaient été générés automatiquement lors du traitement de nuit du 21 au 22 octobre, avec une date valeur au 23 octobre 2015, étant pour le surplus relevé que "les dépôts fiduciaires [avaient] été crédités par [leurs] banques dépositaires sur [leur] compte auprès de U______, New York (en ce qui concern[ait] les dépôts fiduciaires avec I______ et J______), respectivement auprès de [leurs]comptes ouverts auprès du K______ et L______ aux dates et heures indiquées dans le tableau ci-annexé [à teneur duquel les messages SWIFT relatifs aux cinq placements fiduciaires ont été reçus entre le 23 octobre 2015, à 21h05, et le 24 octobre 2015, à 2h28]" (cf. courrier de G______ au Ministère public du 21 novembre 2017 et annexes, PP. 201'022 ss);
- le message SWIFT MT50 correspondait à un relevé de compte quotidien et les montants étaient considérés comme crédités dès réception de celui-ci; G______ ne disposant pas d'un accès direct à ses comptes nostro auprès de L______ et K______, il ne lui était pas possible de connaître l'heure effective de réception du remboursement des dépôts fiduciaires de USD 2 millions, respectivement de USD 43 millions et USD 240'000.-, par les deux établissements précités; concernant les dépôts fiduciaires de USD 34 millions auprès de I______ et de USD 10 millions auprès de J______, l'utilisation (a posteriori) de l'accès direct dont disposait G______ sur son compte auprès U______ - utilisé qu'occasionnellement - lui avait permis de retrouver l'heure exacte du crédit des montants concernés: ainsi, les USD 10 millions (J______) avaient été crédités le 23 octobre 2015, à 13h05, tandis que les USD 34 millions (I______) avaient été crédités le 23 octobre 2015, à 14h34, (cf. courrier de G______ au Ministère public du 18 juin 2021 et annexes, PP. 201'077 ss).
c. Audiences devant le Ministère public
c.a. Entendu les 21 avril 2016, 11 janvier, 23 novembre, 14 décembre 2017 et 21 septembre 2021 par le Ministère public, H______, a confirmé la teneur de la plainte pénale déposée le 25 janvier 2016. Il a pour le surplus déclaré qu'au moment des faits, le bruit courait depuis longtemps que la Banque allait être rachetée ou faire l'objet d'une fusion, ce qui l'avait rendu inquiet. Avant la transmission de son ordre daté du 6 octobre 2015, il avait contacté son gestionnaire, X______, pour lui faire part de ses craintes et le précité l'avait alors rassuré et prié de ne pas procéder au transfert, ce qu'il avait fini par accepter à la condition d'être tenu très régulièrement informé de la situation de la Banque. Par la suite, il avait eu besoin de pouvoir disposer de la somme d'environ USD 90 millions dans le cadre de son activité professionnelle et avait établi l'ordre daté du 16 octobre 2015, mais remis en mains propres à X______ le 21 octobre 2015, aux alentours de 11h00, étant relevé qu'il lui avait alors bien spécifié que le transfert devait être immédiat. X______ n'avait pas tenté de gagner à nouveau du temps, mais lui avait indiqué qu'il ferait le maximum et que le transfert serait en tout état effectué au plus tard à la date valeur du 23 octobre 2015. Le 23 octobre 2015, son banquier chez N______ l'avait informé que l'argent n'était pas encore arrivé et il avait donc repris contact avec X______, lequel lui avait alors garanti que les fonds étaient partis. L'instruction transmise à la Banque le 21 octobre 2015 ne devait pas être interprétée comme un ordre de transfert global portant sur USD 89 millions, mais comme un ordre de transférer immédiatement "les dépôts fiduciaires et le cash" déposés sur le compte de A______ LTD. Au moment des faits, X______ lui avait garanti que la Banque était en négociations avec des repreneurs et n'avait aucunement évoqué une faillite. Il considérait que ce dernier lui avait menti en lui affirmant que ses fonds avaient été transférés le vendredi 23 octobre 2015, alors même que tel n'était pas le cas. Les faits étaient d'autant plus graves qu'il avait appris par la procédure que les fonds étaient à disposition de la Banque depuis le 23 octobre 2015, à 14h34. Aux fins de préserver ses droits, il avait initié une procédure en revendication dans le canton de Zurich, mais celle-ci était suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
c.b.a. Entendu les 11 janvier et 14 décembre 2017 devant le Ministère public en qualité de personne appelée à donner des renseignements, Y______ a déclaré qu'il n'avait aucun contact avec la clientèle dans le cadre de ses fonctions au sein de la Banque à l'époque des faits. Même si son rôle de CFO n'impliquait pas une vérification quotidienne des mouvements sortants de la Banque, il devait néanmoins être tenu informé des sorties importantes, ce qui était d'autant plus vrai lors des faits, dans la mesure où il y avait une obligation de renseignements quotidienne à l'égard de la FINMA. S'agissant de l'ordre de transfert de A______ LTD, il se souvenait avoir donné pour instruction à R______ de vérifier si les dépôts fiduciaires avaient été remboursés avant d'exécuter celui-ci, l'idée étant d'éviter d'accorder un crédit temporaire en blanc. En effet, une telle sortie n'était pas couverte par les fonds propres de la Banque et leur marge de manœuvre se limitait à CHF 2 ou 3 millions. En revanche, il n'avait jamais dit ni écrit de bloquer la transaction jusqu'au lundi suivant. Selon les informations inscrites dans le système, l'ordre de A______ LTD était un ordre de paiement global, de sorte qu'il n'y avait pas à vérifier au fur et à mesure si des fonds étaient remboursés pour pouvoir ensuite exécuter des remboursements partiels. Au moment des faits, il était conscient du risque de faillite, mais ne pouvait prévoir que celle-ci interviendrait précisément le 26 octobre 2015
c.b.b. Entendu les 25 août 2020, 19 janvier, 21 septembre et 16 novembre 2021 devant le Ministère public en qualité de prévenu, Y______ a refusé de répondre à la plupart des questions. Il s'est toutefois exprimé par écrit dans un courrier adressé le 15 octobre 2021 au Ministère public, par l'entremise de son conseil, dans lequel il a notamment indiqué ce qui suit: en matière de paiements, il convenait de distinguer la date valeur, s'apparentant à une promesse de paiement à cette même date, de la réception effective des fonds, comparable à un paiement physique. Ce n’était en effet qu’une fois les avoirs effectivement reçus sur le compte crédité "sauf bonne fin" que le transfert devenait irrévocable. Dans le cas présent, il était faux d'affirmer que tous les dépôts fiduciaires étaient déjà disponibles le vendredi 23 octobre 2015, à 14h34. Comme cela résultait des explications fournies par G______, seuls deux des cinq dépôts fiduciaires auraient pu être visibles par cet établissement, à la date et à l'heure précitée, s'il avait fait usage de son accès direct sur son compte auprès de U______ (ce que la Banque ignorait au moment des faits). En tout état, ce qui était déterminant était que la réception de l'intégralité des fonds sur le compte de la Banque auprès de G______ n'était intervenue que le lundi 26 octobre 2015, et ce indépendamment de l'instruction de blocage. Ainsi, si la Banque avait transféré les fonds à N______, "sauf bonne fin", le 23 octobre 2015 déjà, elle aurait accordé un crédit en blanc qui n'aurait été ni garanti ni couvert.
c.c.a. Entendu les 21 avril 2016 et 23 novembre 2017 devant le Ministère public en qualité de personne appelée à donner des renseignements, X______ a déclaré qu'à réception de l'ordre de transfert de A______ LTD, le 21 octobre 2015, il avait contacté H______ pour lui dire que ce n'était "pas forcément un transfert à faire à ce moment-là". Ce dernier ayant cependant insisté pour que son ordre soit exécuté au plus vite, il avait inscrit celui-ci dans le système interne de la Banque avec une date valeur au 23 octobre 2015 aux fins de tenir compte du délai de 48 heures nécessaire pour le remboursement des dépôts fiduciaires. Il avait ensuite "couru derrière" ses collègues du COMEX pendant deux jours pour tenter d'obtenir la seconde validation nécessaire à l'exécution de l'ordre et avait également soulevé la question lors du COMEX extraordinaire du jeudi 22 octobre 2015, mais aucun n'avait voulu la lui donner car Y______ s'y était opposé tant et aussi longtemps que le remboursement des dépôts fiduciaires n'était pas intervenu. C'était finalement le précité qui avait entré la seconde validation dans le système, le vendredi 23 octobre 2015 après-midi. Son cousin, M______, avait ensuite validé les instructions de transfert. Il n'avait pas effectué de vérification avant de confirmer à H______ la bonne exécution de l'ordre, lorsqu'il l'avait eu au téléphone ce jour-là, car, à ses yeux, la seconde validation entrainait le transfert automatique des fonds et qu'il ignorait sur le moment qu'une mention visant à retenir le transfert jusqu'au lundi suivant avait été apposée sur l'ordre. Une telle instruction - qu'il considérait comme "un truc de fou" - devait provenir de Y______. D'une manière générale, il était usuel de subordonner l'exécution de transactions importantes au remboursement des dépôts fiduciaires. Concernant la situation de la Banque au moment des faits, il était confiant de voir un accord de fusion signé le vendredi 23 octobre 2015 avec la AA______ LTD. Au surplus, même si la FINMA s'était montrée claire quant au fait qu'il existait un risque de liquidation, il ne s'attendait pas à ce que la faillite intervienne le 26 octobre 2015 déjà compte tenu du fait qu'ils disposaient d'une solution de rechange en cas d'échec des négociations avec la AA______ LTD.
c.c.b. Entendu les 25 août 2020 et 21 septembre 2021 devant le Ministère public en qualité de prévenu, X______ a contesté les faits qui lui sont reprochés. A aucun moment il n'avait eu l'intention d'avoir la mainmise sur les fonds de A______ LTD et il était clair pour lui que le transfert de ces derniers interviendrait le même jour que la date valeur annoncée pour le remboursement - soit en l'occurrence le 23 octobre 2015 -, comme cela avait toujours été le cas en 30 ans de carrière. À réception du courriel de Y______ du 23 octobre 2015, à 14h47, il avait téléphoné à son cousin, qui lui avait confirmé avoir validé l'ordre, mettant ainsi fin à sa mission après deux jours de combat. Il ne se souvenait pas avoir parlé avec Y______ le 23 octobre 2015 ni avoir dit à son assistante que le transfert ne serait pas exécuté avant le lundi suivant. L'objet du courriel adressé à 15h02 à son cousin (FW: Payment today to be released on Monday A______ LTD") était sans importance à ses yeux dans la mesure où l'obtention de la seconde validation entrainait le transfert automatique des fonds. Pour le surplus, il n'avait pas le souvenir d'avoir modifié celui-ci par l'ajout de la mention "A______ LTD". Il contestait avoir menti à H______, étant relevé que les informations transmises à ce dernier le 23 octobre 2015 faisaient suite à la confirmation donnée par son cousin quant à la validation de l'ordre. L'ordre de A______ LTD visant un transfert "global", la question de virements progressifs, au fur et à mesure de l’arrivée des liquidités, ne s'était pas posée. Sa relation avec A______ LTD était de type "execution only", et il ne bénéficiait donc d'aucun mandat de gestion ni de conseil. Sa demande du 20 octobre 2015 tendant à voir son salaire versé, non plus sur son compte au sein de la Banque, mais sur une relation auprès d’UBS, était motivée par des considérations d'ordre pratique mais il ne se souvenait pas pour quel motif dite instruction avait été donnée à cette date précise.
c.d. Le Ministère public a notamment procédé à l'audition des personnes suivantes en qualité de témoins:
c.d.a. O______, assistante de X______ lors des faits, a déclaré avoir entré l'instruction litigieuse dans le système de manière à ce que la libération des fonds puisse intervenir le vendredi 23 octobre 2015. Elle n'avait pas introduit d'instruction particulière visant à subordonner le transfert des fonds au remboursement des dépôts fiduciaires car les fonds ne pouvaient de toute manière pas être transférés si les dépôts fiduciaires n'avaient pas été liquidés au préalable. Après avoir introduit l'ordre dans le système, X______ avait validé celui-ci. Ils avaient ensuite attendu la seconde validation par un autre membre de la Direction, mais personne ne voulait prendre cette responsabilité, ce qui avait énervé X______. D'après ses souvenirs, X______ et Y______ s'étaient parlé au téléphone le vendredi 23 octobre 2015 et avaient décidé de ratifier l'ordre pour le lundi suivant, le second cité s'étant opposé à un transfert le jour même. La décision de reporter le transfert au lundi devait provenir de la Direction, peut-être de Y______, mais en tout cas pas de X______, lequel souhaitait que le transfert se fasse le plus rapidement possible. C'était la première fois qu'elle voyait l'exécution d'un ordre être reportée de la sorte et elle avait trouvé cela tout à fait insolite sur le moment. Il n'y avait pas de protocole à suivre au sein de la Banque quant à la manière de liquider les dépôts fiduciaires, mais, aux fins de ne pas être exposés, il fallait attendre l'arrivée des fonds sur le compte de la Banque avant de procéder à des transferts externes.
c.d.b.R______, vice-présidente et cheffe du middle-office de la Banque lors des faits, a déclaré, s'agissant de son courriel au service du trafic des paiements de G______ du 23 octobre 2015, à 12h44, que celui-ci faisait suite aux informations reçues de la part de Y______. Ce dernier lui avait effectivement indiqué qu'il ne fallait pas procéder au transfert tant que le remboursement des dépôts fiduciaires n'était pas intervenu et, que si tel n'était pas le cas lors du "cut-off time", il faudrait exécuter le paiement le lundi suivant. Quand bien même cela était relativement rare, il était déjà arrivé que Y______ lui demande de retarder l'exécution d'un paiement.
c.d.c. M______, membre du COMEX de la Banque lors des faits, a en particulier déclaré se souvenir d'avoir introduit la deuxième validation dans le système le vendredi, vers 15h ou 16h, à la demande expresse de O______, à la suite de quoi il ne s'était plus préoccupé des démarches entreprises par les autres départements pour finaliser l'exécution de l'ordre. Il ignorait que Y______ avait décidé de faire introduire une instruction dans le système aux fins d'empêcher le transfert des fonds avant le lundi 26 octobre 2015. S'agissant de la situation de la Banque lors des faits, il était clair pour lui que les chiffres étaient mauvais et que la patience de la FINMA semblait être à bout.
c.d.d. P______, membre du COMEX et CEO de la Banque lors des faits, a expliqué que le COMEX extraordinaire du 22 octobre 2015 avait notamment été organisé en raison de la multiplication des demandes de clients souhaitant quitter la Banque. Le cas de A______ LTD avait effectivement été discuté à cette occasion, mais, dans la mesure où ils souhaitaient agir avec prudence et où la FINMA - qui leur avait demandé de maintenir la substance de la Banque - avait recommandé d'obtenir l'aval du Conseil d'administration, ils avaient décidé de s'en remettre à celui-ci. Ce n'était finalement que le lendemain, soit le vendredi 23 octobre 2015, que le Conseil d'administration avait voté l'acceptation des instructions de A______ LTD, après avoir recueilli l'avis des avocats de la Banque. Rien ne leur avait laissé penser que Y______ interviendrait ensuite pour bloquer le transfert, étant relevé qu'il n'était pas usuel pour un CFO d'intervenir de la sorte. Au moment des faits, il avait conscience du risque de faillite, à très court terme, de la Banque. Il n'en avait toutefois été informé qu'au moment de la visite du liquidateur, le lundi 26 octobre 2015 au matin.
c.d.e. V______, conseillère juridique chez G______, s'est exprimée sur le processus de dénonciation des dépôts fiduciaires et a notamment indiqué qu'après l'envoi des messages SWIFT aux contreparties étrangères, ces dernières créditaient, sous 48 heures, soit le compte de G______ - si elle en possédait un auprès de la contrepartie concernée -, soit le compte de la banque correspondante, qui en l'espèce était U______. Le compte global de la Banque ouvert dans les livres de G______ était crédité « sauf bonne fin », ce qui signifiait que les écritures bancaires étaient passées immédiatement, mais que, si par hypothèse les banques étrangères ne se voyaient pas créditer les montants en question, le crédit était alors annulé. Conformément aux instructions reçues dans le cas d'espèce, les écritures n'avaient pas été passées le 23 octobre 2015, mais bien le 26 octobre 2015. Le courriel de S______ à R______ du 23 octobre 2015, à 11h45, ne devait pas être compris comme une confirmation de réception du remboursement des dépôts fiduciaires auprès du K______ et de L______, mais plutôt comme une explication du processus de remboursement des dépôts.
c.d.f. S______, en charge de la trésorerie chez G______ lors des faits, a déclaré qu'il arrivait que le produit des remboursements des dépôts fiduciaires n'arrive pas à la "date de fin" indiquée, notamment en présence de contreparties étrangères. S'agissant du cas d'espèce, il était douteux que G______ ait pu recevoir pour instruction d'exécuter le transfert de presque USD 90 millions avant même d'avoir reçu la confirmation de la réception des fonds. Son courriel à R______ du 23 octobre 2015, à 11h45, faisait vraisemblablement suite à un entretien qu'elle avait eu avec W______ quant aux risques de retard dans l'exécution des transferts, étant précisé qu'il ressortait dudit message que l'intéressé l'avait rassurée sur ce point.
c.d.g. W______, responsable du service administratif, marché monétaire et Forex au sein de G______ lors des faits, a déclaré qu'il était déjà arrivé que le délai de 48 heures pour la dénonciation d'un dépôt fiduciaire ne soit pas respecté. G______ n'avait pas de compte ouvert auprès de I______ et de J______, ce qui ne signifiait pas pour autant que les opérations étaient plus lentes qu'avec les banques auprès desquelles ils détenaient des comptes. A sa connaissance, les deux établissements précités payaient dans les temps qui leur étaient impartis.
d. Séquestre et levées partielles subséquentes
d.a. Par ordonnance datée du 27 janvier 2016, le Ministère public a ordonné le séquestre de l'ensemble des avoirs détenus dans les livres de la Banque au nom et/ou pour le compte de A______ LTD. Suite à cette décision, le compte global n°1______ ouvert au nom de la Banque dans les livres de G______ a été séquestré à hauteur de CHF 87'755'978.19, montant correspondant à la conversion, en francs suisses, du produit de la dénonciation des dépôts fiduciaires (USD 89'245'800.-) (cf. PP. 202'000 ss et courrier des conseils de LA MASSE EN FAILLITE DE LA BANQUE F______ SA EN LIQUIDATION [ci-après: LA MASSE EN FAILLITE] au Tribunal de céans du 9 janvier 2024).
d.b. Dans le prolongement de diverses demandes émanant des conseils de LA MASSE EN FAILLITE, le Ministère public a autorisé divers transferts en faveur de A______ LTD, à savoir CHF 100'000.- le 16 novembre 2016 (P. 600'007), CHF 26'296'793.46 le 9 août 2017 (P. 202'039) et CHF 7'012'478.26 le 28 septembre 2018 (P. 202'044).
e. Autres éléments de procédure
e.a. Par décision du 4 février 2019, le Ministère public a rejeté la qualité de partie plaignante de H______ et classé les faits dénoncés par A______ LTD.
L'ordonnance de classement a fait l'objet d'un recours auprès de la Chambre pénale de recours, laquelle a, par arrêt ACPR/165/2020 du 4 mars 2020, renvoyé la cause au Ministère public pour complément d'instruction, enjoignant notamment à cette autorité de procéder à l'audition de Y______ et de X______ en qualité de prévenus. Il résulte des considérants en fait de cet arrêt que la Chambre pénale de recours a considéré le courriel envoyé par S______ à R______ le 23 octobre 2015, à 11h45 (P. 500'073), comme une confirmation de la bonne réception des dépôts fiduciaires auprès du K______ et de L______ (cf. ACPR/165/2020 du 4 mars 2020, p. 8).
e.b. Le 6 avril 2022, le Ministère public a rendu une ordonnance de classement à l'égard de X______. Par arrêt ACPR/670/2022 du 29 septembre 2022, la Chambre pénale de recours a admis le recours interjeté par A______ LTD à l'encontre de cette décision, considérant qu'aucun élément nouveau ne justifiait le prononcé d'un classement et enjoignant au Ministère public de renvoyer le prévenu en jugement. L'appréciation faite par la Chambre pénale de recours le 4 mars 2020 s'agissant du courriel mentionné supra e.a. est demeurée inchangée (cf. ACPR/670/2022 du 29 septembre 2022, p. 4).
C. L'audience de jugement s'est tenue les 17 et 18 janvier 2024.
a. Sur questions préjudicielles, les conseils de A______ LTD ont sollicité l'exclusion des débats de F______ EN LIQUIDATION, vu l'absence d'intérêt juridique protégé. Ils ont pour le surplus réitéré leurs réquisitions de preuve tendant à la production, par G______, des pièces 201'132 à 201'144 sous une forme non caviardée.
Après avoir donné la parole aux autres parties puis délibéré, le Tribunal a rejeté les questions préjudicielles par une motivation figurant au procès-verbal et développée dans la partie "En droit" du présent jugement.
b.a.Y______ a contesté les faits qui lui sont reprochés. Le remboursement des valeurs fiduciaires était intervenu après le "cut-off time" (heure de clôture), dans la nuit du 23 au 24 octobre 2015. D'une manière générale, un ordre de paiement nécessitait deux autorisations, la première validation intervenant au travers des entités du back-office, dont faisait notamment partie le service de compliance, la seconde provenant du middle-office, lequel était en l'occurrence géré par R______. Enfin, le private banking - qui était responsable de vérifier l'existence et la couverture des avoirs et qui intervenait tant au début qu'à la fin du processus - devait également valider l'ordre avant sa transmission au back-office de G______. En l'occurrence, la seconde validation avait pris plus de temps que d'ordinaire et était intervenue le vendredi, par l'intermédiaire de M______. D'une manière générale, il s'assurait toujours de l'arrivée des fonds avant d'autoriser un paiement, et c'était ce qu'il avait fait dans le cas concret, en indiquant à R______ que le paiement ne pouvait et ne devait intervenir qu'après le remboursement. Aux fins de s'assurer du respect de cette condition, la précitée avait introduit l'ordre dans le système après le "cut-off time". L'ajout de la mention "Please do not release before Monday 26 oct." était cependant une recommandation émanant de G______ qui devait à son sens être interprétée comme une "double sécurité". Il reconnaissait pour le surplus avoir discuté avec X______ du fait que le paiement ne pouvait intervenir qu'après le remboursement des dépôts fiduciaires, étant relevé que le paiement de 89 millions sans remboursement préalable aurait constitué un octroi de crédit auquel personne n'aurait consenti. Après avoir dans un premier temps affirmé que le risque que G______ exécute le paiement avant le remboursement des dépôts fiduciaires existait bel et bien, le prévenu a dans un second temps déclaré que cet établissement procédait également à un contrôle d'entrée de son côté. Lors des faits, il n'avait pas songé à l'éventualité que la faillite soit déclarée avant l'exécution de l'ordre et, dans la mesure où son rôle consistait uniquement à s'assurer de la couverture et du respect de l'ordonnance sur les fonds propres, il ne s'était pas interrogé sur le risque du client de ne pas pouvoir récupérer ses fonds. Il considérait avoir fait preuve de toute la diligence requise et ne comprenait pas la raison pour laquelle il s'était retrouvé prévenu dans cette procédure, laquelle avait été une épreuve difficile dans le cadre de sa vie familiale et, sur le plan professionnel, l'avait privé de la possibilité de rejoindre la Direction de la banque dans laquelle il travaillait actuellement. Il s'était en outre souvent senti incompris dans le cadre de l'instruction - les traductions étant parfois manquantes ou incompréhensibles et les processus bancaires difficiles à expliquer à l'oral -, raison pour laquelle il avait d'ailleurs préféré garder le silence à certaines occasions.
b.b. Y______ a conclu à l'octroi d'un montant de CHF 268'202.58 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure correspondant à ses frais d'avocats, montant auquel il convenait d'ajouter le temps relatif à l'audience de jugement. Il a conclu à l'octroi de CHF 94'204.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2023 (gain manqué pour l'année 2022), de CHF 104'374.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2024 (gain manqué pour l'année 2023), et de CHF 8'993.68 avec intérêts à 5% l'an dès le 17 janvier 2024 (frais de déplacement, de logement et de repas assumés pour pouvoir participer à la procédure) à titre d'indemnités pour le dommage économique subi. Enfin, le prévenu a sollicité l'octroi d'un montant de CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 25 août 2020, à titre d'indemnisation pour le tort moral subi.
Par l'entremise de son conseil, le prévenu a produit un chargé de pièces à l'appui de ses prétentions en indemnisation parmi lesquelles figurent notamment un courriel de la AC______, daté du 27 novembre 2023, exposant que l'intéressé s'est vu proposer un poste au sein de la Direction de cette banque à compter du 1er mars 2022 et qu'il n'a finalement pas pu en bénéficier en raison de la procédure pénale en cours, ainsi qu'un tableau comparatif relatif à son salaire et à celui des membres de la Direction.
c.a. X______ a persisté à nier les faits qui lui sont reprochés. Il ne se rappelait plus précisément ce qu'il avait dit à H______ le 21 octobre 2015, mais, d'une manière générale, le rôle d'un conseiller à la clientèle, à réception d'un ordre, était de s'assurer de l'intention du client et de rassurer celui-ci quant au fait que ses fonds étaient entre de bonnes mains. Dans la mesure où la relation avec H______ était de type execution only, son rôle se limitait à exécuter les instructions. Il veillait toujours à ce que le paiement au client intervienne à la même date valeur que le remboursement des dépôts fiduciaires et faisait confiance à ses collègues du back-office pour que tout se déroule ensuite comme prévu, étant relevé que, de toute sa carrière, il ne s'était jamais préoccupé de cette question. Selon lui, la deuxième validation entrainait le virement des fonds sur le compte du client à la date valeur indiquée dans l'ordre de paiement et ce indépendamment de la question de savoir si les dépôts fiduciaires avaient été remboursés. Il se souvenait avoir parlé avec Y______ le 21 octobre 2015 et que ce dernier lui avait indiqué qu'il convenait d'attendre le remboursement des dépôts fiduciaires, ce que lui-même avait alors considéré comme un "non-sujet" dans la mesure où il avait déjà dénoncé les dépôts fiduciaires dans le système. S'agissant du courriel de T______, mentionnant expressément qu'il fallait apposer l'instruction "Do not release before Monday 26 oct. 2015", que Y______ lui avait transféré le 23 octobre 2015, à 14h47, et que lui-même avait transféré à son tour à son cousin 15 minutes plus tard, il se souvenait qu'à ce moment-là, il n'avait pas encore obtenu la deuxième validation et que, dans sa réponse, il avait insisté pour obtenir celle-ci. Son cousin avait inséré la seconde validation dans le système à 15h. Dès l'instant où il en avait été informé, il était parti du principe que les fonds seraient libérés immédiatement et n'avait donc procédé à aucune vérification. Il n'avait pas envisagé que le transfert ne serait pas exécuté le vendredi et que la faillite interviendrait le lundi matin déjà. Il considérait avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour honorer l'ordre de H______, étant précisé qu'après plus de 20 ans à son service, il avait toujours traité le précité avec diligence, de manière professionnelle et cordiale.
c.b. X______ a conclu à l'octroi d'un montant de CHF 89'982.40 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure correspondant à ses frais d'avocats, montant auquel il convenait d'ajouter le temps relatif à l'audience de jugement.
d.a. La partie plaignante, soit pour elle H______, a confirmé sa plainte pénale et les déclarations faites à la procédure, précisant pour le surplus, que lorsque X______ était venu dans son bureau, le 21 octobre 2015, pour la remise de l'ordre, il avait parlé de fusion, et non de liquidation. Il ne se rappelait pas avoir entendu le précité lui dire qu'il ne s'agissait "pas forcément [d']un transfert à faire à ce moment-là" ni d'avoir eu la moindre inquiétude sur le moment.
d.b. La partie plaignante a conclu à ce que les prévenus soient condamnés, conjointement et solidairement, à lui verser un montant de CHF 1'089'813.50, plus intérêts à 5% à compter de la date du verdict, à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.
e. Par l'entremise de ses conseils, le tiers saisi a sollicité la levée du séquestre ordonné sur le compte n°1______, les éléments constitutifs des infractions reprochées aux prévenus n'étant pas réalisés. Il a en outre sollicité l'octroi d'une indemnité pour les dépenses occasionnées au titre de sa participation à la procédure, correspondant à l'état de frais déposé à l'audience, d'un montant total de CHF 103'547.37 (incluant une estimation du temps relatif à l'audience de jugement), auquel il convenait d'ajouter le temps effectif consacré à l'audience de jugement.
f. Au terme des débats, la cause a été gardée à juger.
D.a. Y______ est né le ______ 1971 à ______[Zurich]. Il est marié et père de deux enfants majeurs dont il assume encore la charge. Au bénéfice d'une licence en sciences économiques délivrée par l'Université de Zurich, il a rejoint la Banque F______ en 2008 et en est devenu le CFO fin 2011 ou début 2012. Il travaille actuellement pour une banque au Lichtenstein, où il occupe les fonctions de chef de la compatibilité et de chef du département des crédits. En 2022, son salaire annuel net s'est élevé à CHF 190'229.-, incluant le versement d'un bonus (cf. pièce 1 du chargé de pièces du 17 janvier 2024). Ses charges mensuelles s'élèvent à environ CHF 10'000.-. Il possède une maison avec son épouse dont le prix d'achat était de CHF 1.2 mio 12 à 14 ans auparavant et dont l'hypothèque s'élève à CHF 550'000.-. Son frère et lui possèdent en outre un immeuble dont il ignore la valeur et qui fait l'objet d'un usufruit. Il n'a pas d'autres dettes que celles liées à son crédit hypothécaire.
Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, Y______ n'a pas d'antécédent.
b. X______ est né le ______ 1961 à ______, en France, et est de nationalités suisse et française. Il est séparé et père de trois enfants majeurs qui ne sont plus à sa charge. Il a suivi une formation en droit et bénéficie d'une expérience professionnelle dans le domaine bancaire de plus de 30 ans au sein de différents établissements bancaires. Il a rejoint la banque F______ en 1996 et, à compter de l'année 2012, a occupé la fonction de head of private banking. Après la faillite de l'établissement, il a travaillé pour la banque AD______ en tant que directeur chargé des relations avec les clients repris de la banque F______. Depuis son licenciement, intervenu trois ans auparavant, il ne perçoit plus de revenus et se consacre exclusivement à des activités de bénévolat. Ses charges mensuelles s'élèvent à environ CHF 6'000.-. Il possède un appartement à ______ [Valais], dont il est propriétaire à raison de 80%, et un appartement à Genève, dont il est propriétaire à raison de 75%, étant précisé que la valeur fiscale de chacun de ces biens immobiliers s'élève à environ CHF 3 mio. Il détient également un portefeuille d'actions d'une valeur de CHF 550'000.-. Il n'a pas d'autres dettes que celles liées à son crédit hypothécaire, lesquelles s'élèvent à CHF 2'500'000.-.
Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, X______ n'a pas d'antécédent.
Questions préjudicielles
1. A titre préjudiciel, la partie plaignante a sollicité l'exclusion des débats de la banque F______ SA EN LIQUIDATION, vu l'absence d'intérêt juridique protégé, et a réitéré ses réquisitions de preuve tendant à la production, par la banque G______, des pièces 201'132 à 201'144 sous une forme non caviardée.
1.1.1. Conformément à l'art. 105 al. 1 let. f CPP, participent également à la procédure les tiers touchés par les actes de procédure. Lorsque des participants à la procédure visés à l’al. 1 sont directement touchés dans leurs droits, la qualité de partie leur est reconnue dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts.
Cette disposition constitue une clause générale et englobe toutes les personnes qui ne tombent pas dans l'une des autres catégories, alors qu’elles sont pourtant directement touchées par un acte ou une décision de l’autorité. Tel est notamment le cas des personnes qui, sans être soupçonnées d'une infraction, font l'objet d'une mesure de contrainte. Les personnes touchées par une telle mesure ont les mêmes droits qu’une partie, en particulier celui d’être entendu, d’être assisté et de recourir contre une décision les concernant. Elles n’ont toutefois cette qualité de partie que dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts. Ainsi, des personnes touchées par un acte de procédure, comme le séquestre de leurs avoirs, ne sauraient prétendre à un droit à la consultation de l’intégralité du dossier de la procédure pénale, mais uniquement aux éléments du dossier pertinents pour l’exercice de leurs droits de défense (Jeanneret et al., Commentaire romand du Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2019, n°22-24 ad art. 105 CPP). Le tiers objet d’une mesure de séquestre ne peut faire état que de son propre préjudice dans la mesure où il est directement et personnellement touché par la mesure (Moreillon / Parein-Reymond, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n°11 ad art. 105 CPP).
1.1.2. Selon l'art. 10 al. 2 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure.
Conformément à l'art. 343 CPP, le tribunal procède à l'administration de nouvelles preuves ou complète les preuves administrées de manière insuffisante (al. 1). Il réitère l'administration des preuves qui, lors de la procédure préliminaire, n'ont pas été administrées en bonne et due forme (al. 2).
Il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (art. 139 al. 2 CPP).
Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comporte notamment le droit d'obtenir l'administration de preuves de nature à influer sur le sort de la décision à rendre. Il a pour corollaire que l'autorité doit en principe donner suite aux offres de preuve présentées en temps utile et dans les formes prescrites. Il n'y a toutefois pas violation du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (ATF 134 I 140 consid. 5.3.).
1.2.1. Le Tribunal constate en premier lieu que la qualité de tiers saisi revient exclusivement à LA MASSE EN FAILLITE, seule visée par la mesure de séquestre.
En cette qualité, la précitée bénéficie du droit d'être entendu et de participer aux débats dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts, lesquels sont en l'occurrence circonscrits à la question du sort des valeurs séquestrées.
Pour le surplus, la Banque F______ SA EN LIQUIDATION a été mentionnée de manière erronée dans les mandats de comparution, mais n'est pas tiers saisi. Au stade de l'ouverture des débats, seule la MASSE EN FAILLITE revêt la qualité de tiers saisi, ce que le conseil de la Banque - qui est le même que celui de la MASSE EN FAILLITE - ne conteste au demeurant pas.
Il n'y a donc pas lieu d'exclure formellement la Banque F______ SA EN LIQUIDATION des débats, celle-ci n'étant de facto pas partie à la procédure.
1.2.2. En ce qui a trait à la deuxième question soulevée à titre préjudiciel, la production, à des fins de comparaison, de documents non caviardés par G______ pour déterminer le traitement d'éventuels autres placements fiduciaires concernant d'autres clients n'est pas pertinente pour déterminer si le comportement des prévenus décrit dans l'acte d'accusation réalise les éléments constitutifs d'une infraction pénale et, par voie de conséquence, n'apparait pas nécessaire au prononcé du jugement.
Il appartiendra ainsi au Tribunal d'apprécier librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure
1.2.3. Partant, les questions préjudicielles ont été rejetées.
Culpabilité
2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).
2.1.2. Selon l'art. 138 ch. 1 al. 2, quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées, est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Si l’auteur agit en qualité de membre d’une autorité, de fonctionnaire, de tuteur, de curateur, de gérant de fortunes ou dans l’exercice d’une profession, d’une industrie ou d’un commerce auquel les pouvoirs publics l’ont autorisé, il est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire (art. 138 ch. 2 al. 1 CP).
La jurisprudence définit la chose confiée comme une chose remise ou laissée à l'auteur, en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique, pour qu'il l'utilise de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la conserver, l'administrer ou la livrer, selon les termes exprès ou tacites du rapport de confiance (ATF 133 IV 21 consid. 6.2; 120 IV 276 consid. 2; 120 IV 117 consid. 2b, JdT 1996 IV 35). L'établissement d'un rapport de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 1 repose sur deux éléments: d'une part, l'ayant droit a totalement renoncé à sa maîtrise sur la chose; d'autre part, ce renoncement étant assorti d'une obligation reposant sur la loi ou sur un contrat, le nouveau maître est astreint à respecter le droit de propriété "légitime" (Hurtado Pozo, Droit pénal - Partie spéciale, Genève - Zurich - Bâle 2009, p. 254). Selon la jurisprudence, un compte bancaire sur lequel on accorde une procuration constitue, en particulier, une valeur patrimoniale confiée. Il importe peu que le titulaire du compte puisse encore en disposer. Il suffit, pour que le compte soit confié, que l'auteur soit mis en situation d'en disposer seul, soit sans l'intervention de l'ayant droit (ATF 133 IV 21 consid. 6.2). Ont également la maîtrise d'une chose confiée l'usufruitier, le locataire, l'emprunteur et le dépositaire. La chose n'est cependant pas confiée lorsque l'ayant droit conserve un contrôle ou une surveillance sur celle-ci (Hurtado Pozo, Droit pénal - Partie spéciale, Genève - Zurich - Bâle 2009, p. 254).
L'abus de confiance implique que l'auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. L'al. 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1; 121 IV 23 consid. 1c; 119 IV 127 consid. 2)
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Cette dernière condition est remplie lorsque celui qui devait tenir en tout temps le bien confié à disposition de l'ayant droit l'a utilisé à son profit ou au profit d'un tiers sans avoir à tout moment la volonté et la possibilité de le restituer immédiatement. S'il devait la tenir à disposition de l'ayant droit à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé, il doit avoir eu la volonté et la possibilité de la restituer à ce moment ou à cette échéance (ATF 133 IV 21 consid. 6.1.2; 118 IV 27 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 6B_809/2011 du 20 juillet 2012 consid. 1.1; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1). L'élément subjectif de l'infraction n'est ainsi pas donné en cas de capacité de restituer (Ersatzbereitschaft), par quoi l'on désigne l'état dans lequel se trouve l'auteur qui peut justifier d'avoir eu à tout moment la volonté et la possibilité de restituer ou de transférer l'équivalent du bien confié (ATF 118 IV 32 consid. 2a). Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 27 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_809/2011 du 20 juillet 2012 consid. 1.1). Tel est le cas lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 105 IV 29 consid. 3a).
L'art. 138 ch. 2 CP prévoit un cas aggravé, passible d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire, lorsque l'auteur a agi, notamment, en qualité de gérant de fortune. Le simple fait de gérer les avoirs d’autrui dans le cadre de sa profession n’est pas suffisant pour être qualifié de gérant de fortune professionnel. La gestion des avoirs d’autrui doit être précisément la profession de l’auteur. Cette activité peut être accessoire, il faut toutefois qu’elle représente une part importante de l’activité professionnelle du gérant de fortune (Macaluso et al., Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, n°58 ad art. 138 CP). Est notamment considéré comme gestionnaire de fortune professionnel au sens de l'art. 138 ch. 2 CP l'employé de banque coresponsable de l'administration des biens de clients (ATF 120 IV 182 consid. 1b, JdT 1996 IV 10).
2.1.3. A teneur de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, quiconque, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu’ils soient lésés est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Si l’auteur agit dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, il est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 158 ch. 1 al. 3 CP).
Cette infraction ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui. La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise. Même s'il n'en est pas investi formellement, celui qui dispose de fait d'un tel pouvoir a la qualité de gérant (ATF 142 IV 346 consid. 3.2; 129 IV 124 consid. 3.1; 123 IV 17 consid. 3b; 120 IV 190 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1381/2021 du 24 janvier 2022 consid. 4.1.2; 6B_1035/2014 du 25 janvier 2016 consid. 3.2; 6B_830/2011 du 9 octobre 2012 consid. 2.1). Cinq éléments caractéristiques sous-tendent la notion de gérant au sens de l'art. 158 ch. 1 CP: premièrement, l'activité de l'auteur doit se rapporter à la gestion ou à la protection d'intérêts pécuniaires d'une tierce personne; deuxièmement, l'auteur est non seulement censé administrer le patrimoine d'une tierce personne, mais il est supposé, de surcroît, le gérer dans l'intérêt d'autrui; troisièmement, les intérêts pécuniaires gérés doivent revêtir une certaine importance, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif; quatrièmement l'auteur doit revêtir une position de garant et être lié par un devoir de protection relatif aux intérêts en cause, ce qui suppose que le devoir de sauvegarder des intérêts pécuniaires ou de veiller sur de tels intérêts représente un aspect caractéristique et essentiel du rapport liant l'auteur au titulaire du patrimoine géré; cinquièmement, l'auteur doit bénéficier d'un degré d'indépendance relativement important et d'un pouvoir de disposition autonome sur les intérêts pécuniaires gérés (Dupuis et al., op. cit., n°8 ad art. 158 CP et les références citées). En d'autres termes, le devoir de gestion implique un pouvoir sur les biens d'autrui comportant une indépendance suffisante, un droit de disposition autonome et une certaine latitude qui caractérise le devoir de fidélité dont la violation est punissable (ATF 123 IV 17 consid. 3b; arrêt 1B_678/2011 du 30 janvier 2012).
Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 consid. 3c), ce qui implique de déterminer, au préalable et pour chaque situation particulière, le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (arrêts du Tribunal fédéral 6B_845/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2; 6B_967/2013 du 21 février 2014 consid. 3.2; 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.2; 6B_446/2010 du 14 janvier 2010 consid. 8.4.1). Pour apprécier le comportement de l'auteur dans le cadre de l'art. 158 CP, il faut tenir compte des risques nécessairement inhérents à la gestion d'intérêts pécuniaires et à la vie des affaires en général. Tant que la prise de risque assumée par le gérant demeure conforme aux règles applicables, il est exclu de parler de violation d'un devoir de gestion. Une telle violation ne saurait être admise du seul fait que le comportement adopté par le gérant s'avère ultérieurement préjudiciable. Au contraire et comme le résume clairement le Message du Conseil fédéral, l'art. 158 CP n'est censé punir que les comportements impliquant une prise de risque "qu'un gérant d'affaires avisé n'aurait jamais pris dans la même situation", et ce, compte tenu d'une appréciation ex ante du comportement considéré (Dupuis et al., op. cit., n°21 ad art. 158).
Dans le cadre d'une relation de type execution only, la banque n'est pas tenue à une sauvegarde générale des intérêts de son client, ni d'assumer un devoir général d'information tant au sujet des ordres donnés par celui-ci que sur le développement probable des investissements choisis et sur les mesures à prendre pour limiter les risques. Elle n'a pas à vérifier le caractère approprié de l'opération demandée par le client, ni l'adéquation de celle-ci par rapport à l'ensemble de son portefeuille. Tel est le cas lorsque le client dispose des connaissances et de l'expérience requises, qu'il n'a pas besoin d'être informé puisqu'il connaît déjà les risques liés aux placements qu'il opère et qu'il peut assumer financièrement les risques du placement. Dans des situations exceptionnelles, il y a cependant lieu d'admettre que la banque a un devoir de mise en garde. C'est le cas lorsque la banque se rend compte ou devait se rendre compte, en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances, que le client n'a pas identifié le risque lié au placement qu'il envisage. C'est également le cas lorsque, dans le cadre d'une relation d'affaires durable entre le client et la banque, un rapport particulier de confiance s'est développé, en vertu duquel le premier peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre des avertissements de la seconde, même s'il ne les a pas demandés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_593/2015 du 13 décembre 2016 consid. 7.1.4; arrêt de la Cour de justice ACJC/167/2016 du 12 février 2016 consid. 3.1.1 et les références citées).
L'infraction n'est consommée que s'il y a eu préjudice. Tel est le cas lorsqu'on se trouve en présence d'une véritable lésion du patrimoine, c'est-à-dire d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou d'une non-augmentation de l'actif, ou d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 142 IV 346 consid. 3.2). Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant (ATF 122 IV 279 consid. 2a). Comme pour toute infraction matérielle, un lien de causalité doit être établi entre le comportement délictueux de l’auteur et le résultat. Autrement dit, le lien de causalité doit être établi entre la violation du devoir de gestion ou de sauvegarde et le dommage (Macaluso et al., op. cit., n°62 ad art. 158 CP).
Sur le plan subjectif, la conscience et la volonté de l'auteur doivent englober la qualité de gérant, la violation du devoir de gestion et le dommage (ATF 129 IV 124 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.3). Le dol éventuel suffit; vu l'imprécision des éléments constitutifs objectifs de l'infraction, la jurisprudence se montre toutefois restrictive, soulignant que le dol éventuel doit être nettement et strictement caractérisé afin d'éviter qu'il ne se confonde avec la négligence consciente (ATF 123 IV 17 consid. 3e; 86 IV 12 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.5; 6B_412/2016 du 10 février 2017 consid. 2.5). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable ou la réalisation de l'infraction et passe néanmoins à l'action, car il accepte le résultat au cas où il se produirait et s'en accommode, même s'il ne le souhaite pas. Il s'agit d'une forme d'intention, qui se distingue de la négligence consciente sur le plan volitif, non pas cognitif. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte pour le cas où il se produirait. Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable. Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 125 IV 242 consid. 3c).
L’existence du dessein d’enrichissement illégitime constitue une circonstance aggravante. La notion d’enrichissement illégitime doit être comprise comme pour les autres infractions contre le patrimoine, soit toute amélioration même temporaire d’une situation patrimoniale acquise de manière contraire à l’ordre juridique. L'art. 158 ch. 1 al. 3 CP peut être réalisé par dessein éventuel; tel est le cas lorsque l’auteur envisage l’enrichissement comme possible et, même s’il ne le souhaite pas, agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait (Macaluso et al., op. cit., n°69 et 71 ad art. 158 CP).
2.1.4. L’abus de confiance et la gestion déloyale sont deux dispositions voisines qui requièrent toutes deux un lien de confiance particulier. Selon la jurisprudence et la doctrine majoritaire, l’infraction d’abus de confiance prime celle de gestion déloyale. L’analyse porte sur la relation entre l’auteur et le patrimoine qu’il doit administrer. Il faut examiner si le patrimoine lui est confié ou s’il dispose de l’indépendance idoine pour l’administrer. Si l’auteur provoque un dommage dans le cadre de ses prérogatives de gérant, l'art. 158 CP sera applicable. Si l’auteur détourne des choses mobilières ou des valeurs patrimoniales en dehors de ses prérogatives de gérant, l'art. 138 CP sera applicable. L’abus de confiance requérant le dessein d’enrichissement illégitime, un concours ne serait, cas échéant, envisageable que pour la forme aggravée de la gestion déloyale (art. 158 ch. 1 al. 3 CP). Enfin, si l’auteur, sans dessein d’enrichissement illégitime, adopte un comportement contraire à son devoir, si les valeurs litigieuses ne lui ont pas été confiées ou sans acte d’appropriation, seule la gestion déloyale au sens de l'art. 158 ch. 1 CP serait applicable (Macaluso et al., op. cit., n°101 à 104 ad art. 138 CP).
2.2. En l'espèce, et à titre liminaire, plusieurs considérations s'imposent s'agissant du contexte dans lequel les faits se sont déroulés:
Il est tout d'abord établi par les éléments du dossier qu'au moment des faits, la Banque se trouvait sous la menace d'une faillite imminente et s'attelait à trouver un repreneur répondant aux conditions posées par la FINMA. Elle avait en outre été rendue attentive par cette autorité au risque que certaines transactions puissent être sujettes à révocation dans le cadre d'une faillite. Cette situation était connue des deux prévenus.
Il ressort également des déclarations des parties et échanges de courriels versés à la procédure que A______ LTD faisait partie des clients les plus importants de la Banque - elle était "le plus gros client à Genève", pour reprendre les propos de P______ dans son courriel à la FINMA du 21 octobre 2015 - et que, partant, la décision de transférer l'intégralité de ses avoirs auprès d'une banque tierce (N______) ne pouvait engendrer qu'un impact négatif pour l'établissement, qui a d'ailleurs qualifié cette situation de "pire scénario", dans la mesure où dite transaction engendrait une diminution des avoirs sous gestion et, par voie de conséquence, du montant à percevoir dans le cadre d'un éventuel asset deal, comme cela a été évoqué lors de la séance extraordinaire du COMEX du 22 octobre 2015.
Il est en outre établi qu'au regard du risque connu de la Banque quant à une éventuelle action révocatoire et des incertitudes liées à la manière d'appréhender le traitement de dépôts fiduciaires dans ce contexte-ci, il a été décidé, dans un premier temps, de solliciter l'aval de la FINMA, puis, dans un second temps, celui du Conseil d'administration - sur recommandation de l'autorité précitée -, avant d'autoriser l'exécution de l'ordre litigieux. Deux jours se sont ainsi écoulés entre la réception de l'instruction, le 21 octobre 2015, et l'aval donné par le Conseil d'administration lors de sa séance du 23 octobre 2015, à 10h30.
Il résulte enfin des déclarations des parties et des divers intervenants entendus par le Ministère public qu'aucune personne au sein de la Banque ne disposait d'une vision complète sur l'ensemble des opérations induites par un ordre de transfert portant sur des dépôts fiduciaires, ce type d'instruction impliquant l'intervention de plusieurs services.
Dans le cas présent, sont notamment intervenus les personnes et organes suivants:
- à réception de l'ordre de transfert, le 21 octobre 2015, X______ et O______ ont introduit celui-ci dans le système informatique de la Banque, le détail de l'ordre y relatif mentionnant comme date valeur le 23 octobre 2015; au vu du libellé de l'instruction litigieuse, il ne peut être reproché aux intéressés d'avoir traité celle-ci comme un ordre global, ni, a fortiori, déduire de cette manière de procéder une quelconque intention délictuelle;
- X______ a ensuite cherché à obtenir la seconde validation par un autre membre du COMEX, ce qui a conduit P______ à prendre contact, le jour même, avec la FINMA, laquelle a recommandé de s'en référer au Conseil d'administration, tout en précisant qu'elle n'interviendrait pas pour bloquer la transaction litigieuse;
- le COMEX a tenu une séance extraordinaire le lendemain, soit le 22 octobre 2015, et a donné son accord de principe quant à l'exécution de l'instruction de A______ LTD, réservant cependant l'hypothèse d'une instruction contraire du Conseil d'administration,
- le Conseil d'administration s'est réuni le vendredi 23 octobre 2015, à 10h30, et ne s'est pas opposé à la poursuite de la liquidation des dépôts fiduciaires et du transfert des fonds de A______ LTD;
- après avoir été instruite par Y______ de s'assurer que le remboursement des fonds de la part des dépositaires avait eu lieu avant de procéder au paiement des fonds, R______ a, dans un premier temps (11h28), cherché à obtenir une confirmation de la réception des fonds auprès de G______ - il sera revenu ci-après sur la réponse qui lui a alors été donnée -, puis, dans un second temps (12h44), a contacté le service de trafic des paiements de G______ pour se renseigner quant à la manière de procéder pour éviter que le paiement soit exécuté avant le 26 octobre 2015, ce à quoi il lui a été répondu qu'il convenait d'apposer la mention "Please do not release before Monday 26 oct. 2015" sur l'ordre;
- après s'être vu transférer la réponse réservée par le service de trafic des paiements à R______, Y______ a, à son tour (14h47), transféré celle-ci à X______, P______ et M______, tout en les priant de s'y référer ("Please see below"); le même courriel a été transféré une seconde fois à M______ par X______ (15h02), qui a prié l'intéressé de bien vouloir valider le transfert, tout en lui rappelant que celui-ci avait été approuvé par le Conseil d'administration;
- à 15h07, O______ a transmis l'ordre de virement de A______ LTD à M______ afin que celui-ci le valide, puis, à 15h43, l'a saisi dans le logiciel avec la mention "Do not release before Monday 16 oct. 2015", la date valeur indiquée étant fixée au 26 octobre 2015;
- G______ a traité et exécuté l'ordre le 26 octobre 2015 au matin, moins d'une heure après le prononcé de la faillite.
S'agissant du courriel adressé par S______ (G______) à R______ le 23 octobre 2015, à 11h45, le Tribunal relève qu'une traduction mot pour mot de celui-ci ne permet pas de considérer que celui-ci équivaudrait à une confirmation de la réception des dépôts fiduciaires versés sur les comptes nostro de G______ auprès de L______ et du K______. Au contraire, il s'agissait pour S______ d'expliquer à R______ le processus de remboursement des dépôts fiduciaires et d'attirer son attention quant au fait que, dans la mesure où G______ était titulaire de comptes nostro auprès des deux établissements précités, le remboursement des dépôts fiduciaires placés auprès de ces derniers ne devait en principe générer aucun problème ("so this should'nt generate any problem"). L'intéressée a pour le surplus expressément indiqué, dans ledit courriel, qu'une certitude quant à la réception de l'intégralité des fonds ne pourrait être acquise avant le lundi suivant ("we will only be certain on Monday to have received all those funds").
Ce constat est en adéquation avec les explications fournies par V______ lors de son audition devant le Ministère public - à teneur desquelles il fallait comprendre le courriel de S______ comme une explication sur le processus de dénonciation des dépôts fiduciaires - ainsi qu'avec celles fournies par G______ dans son courrier au Ministère public du 18 juin 2021. Cette banque a en effet indiqué qu'il était impossible de connaître l'heure effective de réception du remboursement des dépôts fiduciaires de USD 2 millions, respectivement de USD 43 millions et USD 240'000.-, par K______ et L______, ne disposant pas d'un accès direct à ses comptes nostro auprès de ces deux établissements. A l'inverse, elle a été en mesure de renseigner le Ministère public quant aux heures exactes de réception du remboursement des dépôts fiduciaires placés auprès de J______ (13h05) et de I______ (14h34) en faisant usage, a posteriori, de son accès direct sur le compte à U______. G______ n'avait donc pas encore cette information le 23 octobre 2015, lors des échanges précités.
A l'aune de ce qui précède et en l'absence d'autre élément matériel, il convient de s'écarter, pour la suite du raisonnement, du postulat selon lequel l'intégralité des fonds de A______ LTD aurait été à disposition de la Banque dès le 23 octobre 2015, à 14h34.
Il convient désormais d'examiner les faits reprochés à chaque prévenu, distinctement, dans la mesure où ils assumaient des fonctions différentes et où ils ne sont pas intervenus au même stade dans le cadre du processus d'exécution de l'ordre de transfert. Dès lors que le Ministère public conclut, à titre principal, à ce que les prévenus soient condamnés du chef de gestion déloyale, c'est cette infraction qui sera examinée dans un premier temps par le Tribunal, l'abus de confiance étant analysé dans un second temps.
2.2.1. S'agissant des faits reprochés à Y______, il est tout d'abord établi qu'au regard de sa fonction de CFO, celui-ci était notamment responsable des activités de trésorerie et de s'assurer du respect des normes réglementaires en matière de liquidités et de fonds propres. En revanche, il n'avait aucun rôle à l'égard de la clientèle et n'entretenait aucun contact avec cette dernière, ce qui est vrai, en particulier, s'agissant de A______ LTD. La qualité de gérant, d'un point de vue formel, fait dès lors défaut en l'espèce.
Se pose la question de savoir si le prévenu aurait revêtu, de facto, une telle qualité à l'égard de A______ LTD au moment des faits. Or, tel n'est pas le cas. Aucun élément au dossier ne démontre en particulier que Y______ se serait vu attribuer, à un quelconque moment, un devoir de garant à l'égard des intérêts pécuniaires de la partie plaignante - avec laquelle il n'entretenait au demeurant aucun rapport -, ni, a fortiori, qu'il aurait bénéficié d'un pouvoir de disposition autonome sur ces derniers. La première condition objective de l'infraction de gestion déloyale n'est dès lors pas réalisée.
En tant que de besoin, il sera relevé que les autres conditions requises pour pouvoir retenir une infraction de gestion déloyale font également défaut. En effet, on ne voit pas quel devoir de gestion Y______ aurait violé à l'égard de A______ LTD. Comme relevé ci-dessus, son rôle, en tant que CFO, était de protéger les intérêts de la Banque en s'assurant notamment du respect des exigences réglementaires en matière de liquidités et de fonds propres. Or, si le prévenu avait accepté de transférer les fonds litigieux alors que les dépôts fiduciaires n'avaient pas encore été intégralement remboursés, on aurait pu lui reprocher d'avoir accordé à A______ LTD un crédit en blanc, ce qui aurait pu engager sa responsabilité et être considéré comme un acte de gestion déloyale envers la Banque.
La question de savoir si Y______ a expressément demandé à ce que l'ordre litigieux ne soit pas exécuté avant le lundi - ainsi que cela semble résulter des échanges entre R______ et T______ ayant abouti à l'apposition de la mention "Do not release before Monday 26 oct. 2015", ainsi que des déclarations de O______ selon lesquelles l'intéressé se serait expressément opposé à un paiement le vendredi - ou s'il s'est simplement contenté d'indiquer que le paiement ne devait pas intervenir avant d'avoir obtenu la confirmation du remboursement intégral des dépôts fiduciaires peut demeurer ouverte, étant relevé que la mention litigieuse a été suggérée par T______ suite à une question de R______, sans que Y______ n'intervienne activement à ce sujet.
En effet, comme cela a été relevé supra 2.2., l'heure exacte de réception du remboursement des dépôts fiduciaires auprès du K______ et de L______ n'est pas connue, de sorte que l'on ignore si, dans les faits, l'intégralité des fonds était déjà disponible avant le "cut-off time" du vendredi 23 octobre 2015. Par ailleurs, même à supposer que les fonds auraient été disponibles à ce moment, on ne voit pas comment Y______ aurait pu vérifier cette information dès lors que même G______ l'ignorait. Certes, on peut se demander si des mesures n'auraient pas dû être prises aux fins d'obtenir un suivi, en temps réel, quant à la réception du remboursement des dépôts fiduciaires. Cela étant, on se heurte ici encore à des incertitudes quant à la faisabilité de telles démarches.
Le Tribunal ne dispose ainsi pas de suffisamment d'éléments pour pouvoir affirmer, au-delà de tout doute sérieux et irréductible, qu'en l'absence de l'apposition de la mention "Do not release before Monday 26 oct. 2015", les fonds auraient été transférés sur le compte de H______ chez N______ le vendredi 21 octobre 2015 déjà. Ce constat s'impose par ailleurs indépendamment de la date valeur mentionnée sur l'ordre, laquelle permet uniquement de déterminer le moment à partir duquel le crédit effectué porte intérêts concernant uniquement le départ des intérêts (cf. not. Lombardini, Droit bancaire suisse, 2ème éd., Genève - Zurich - Bâle 2008, p. 450 s.). En outre, les écritures ayant été passées "sauf bonne fin", le transfert aurait vraisemblablement été annulé si G______ n'avait pas été préalablement crédité des fonds correspondants.
En somme, s'il ne fait aucun doute que la partie plaignante a subi un dommage, le lien de causalité entre ce préjudice et le comportement du prévenu n'est pas établi. Si la faillite n'avait pas été prononcée le lundi 26 octobre 2015 au matin - événement sur lequel le prévenu n'avait aucune maîtrise -, aucun acte de gestion déloyale n'aurait d'ailleurs pu lui être reproché. L'issue de cette affaire résulte ainsi d'un malheureux concours de circonstances.
Même si un examen a posteriori suscite des interrogations sous l'angle du respect du devoir de diligence - la question se pose notamment de savoir si le prévenu n'aurait pas dû se montrer plus proactif pour s'assurer de la réception du remboursement des dépôts fiduciaires et permettre ainsi que le paiement à A______ LTD intervienne déjà le vendredi 23 octobre 2015, fût-ce partiellement, ce aux fins d'éviter que le risque qui s'est finalement réalisé ne se produise -, ce comportement ne peut encore être qualifié de relevant sous l'angle pénal.
Quand bien même le raisonnement pourrait s'arrêter là, il y a lieu de souligner, d'un point de vue subjectif, qu'il n'est pas établi que Y______ aurait envisagé qu'une décision de faillite interviendrait le lundi 26 octobre 2015 déjà. Au contraire, le comportement des membres du COMEX et leurs déclarations à la procédure rendent vraisemblable qu'entre le 21 et le 23 octobre 2015, ils étaient parfaitement au courant des risques de faillite mais qu'ils n'envisageaient pas la notification d'une telle décision en date du 26 octobre 2015, ce en particulier compte tenu de la possibilité de reprise de la banque par la AA______ LTD. La FINMA a par ailleurs confirmé dans un courrier adressé au Ministère public le 21 avril 2016 que les organes de la Banque ignoraient qu'une décision de faillite serait prononcée à la date concernée.
Dans ces circonstances, on ne discerne pas quel aurait été l'intérêt pour Y______ de retarder l'exécution du transfert et il s'impose de constater l'absence de toute intention délictuelle, même par dol éventuel.
A plus forte raison, tout dessein d'enrichissement illégitime - tel que requis à l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP - fait également défaut en l'espèce. L'hypothèse selon laquelle les deux prévenus se seraient soudainement concertés, le vendredi après-midi, aux fins de différer le paiement à A______ LTD et favoriser ainsi les négociations avec la AA______ LTD ne trouvant aucune assise dans le dossier. Par ailleurs, le Tribunal doute qu'un tel report de paiement aurait effectivement permis de favoriser les discussions avec la banque précitée, les fonds de A______ LTD ne faisant que transiter par la Banque et, partant, ne permettant aucunement de revaloriser celle-ci.
Tout acte de gestion déloyale doit dès lors être écarté.
S'agissant de l'abus de confiance reproché à titre subsidiaire à Y______, il y a lieu de constater que celui-ci ne s'est jamais vu confier, à quelque titre que ce soit, les avoirs de la plaignante et que, a fortiori, il n'a jamais reçu la moindre instruction quant à leur utilisation, ce qui exclut la réalisation de l'infraction d'un point de vue objectif.
Sous l'angle subjectif, les considérations qui précèdent s'agissant de l'infraction de gestion déloyale peuvent être reprises mutatis mutandis.
L'infraction d'abus de confiance doit par conséquent également être écartée et Y______ devra être acquitté des faits qui lui sont reprochés.
2.2.2. S'agissant des faits reprochés à X______, il n'est pas contesté que celui-ci, de par sa fonction de Directeur Private Banking, était en charge du contact avec les clients et du suivi de leur portefeuille et, qu'à ce titre, il supervisait la relation n°2______ ouverte au nom de A______ LTD.
A teneur des pièces figurant au dossier, A______ LTD était liée à la Banque par un simple contrat de dépôt (execution only) et ne bénéficiait d'aucun mandat de gestion ni de conseil en placements, ce qui implique que le seul à pouvoir donner des instructions quant à la gestion de ses avoirs était son ayant droit économique, soit H______. X______ était pour sa part tenu d'exécuter les ordres de sa cliente et ne bénéficiait d'aucun droit de disposition autonome sur ses avoirs.
A l'aune de ces constats et de la jurisprudence rappelée ci-dessus, la question de savoir si X______ peut se voir attribuer la qualité de gérant au sens de l'art. 158 CP paraît douteuse. Cela étant, elle peut demeurer ouverte au regard des considérations qui suivent.
En premier lieu, il résulte de la procédure que le prévenu s'est démené pendant deux jours pour tenter d'obtenir la seconde validation, notamment en intervenant auprès de ses collègues du COMEX et en sollicitant du Conseil d'administration qu'il se détermine sur cette question lors de la séance extraordinaire du 23 octobre 2015, puis en contactant son cousin afin de s'assurer de l'obtention de la seconde validation. Le prévenu a pour le surplus exposé que, dès l'instant où il avait obtenu la confirmation par son cousin, il était certain que les fonds seraient libérés, de sorte que le courriel de R______ mentionnant que le paiement ne devrait intervenir que le lundi était pour lui devenu sans objet. Il a en outre indiqué n'avoir jamais rencontré, de toute sa carrière, le moindre problème de délai en matière de remboursement de dépôts fiduciaires. Il n'y a pas de raison de douter de ces explications et on ne décèle au demeurant aucune volonté de nuire dans le fait que X______ ait affirmé à son client, le 23 octobre 2015, que les fonds étaient partis, puisque tel était précisément le cas à ses yeux.
Certes, la question se pose - suite à un examen a posteriori des faits litigieux - de savoir si le prévenu n'aurait pas dû franchir une étape supplémentaire, au regard de l'importance des montants en jeu, et lever tout doute quant à la mention "Do not release before Monday 26 oct. 2015", ce qui lui aurait permis de s'assurer que le paiement serait effectivement traité le vendredi. Cela étant, même à admettre que tel aurait dû être le cas, c'est tout au plus une négligence qui pourrait alors lui être reprochée, qui ne remplit pas encore les conditions objectives et subjectives de l'art. 158 CP. Pour le surplus, la partie plaignante reproche au prévenu de ne pas l'avoir averti du risque de faillite. Or, force est de constater que l'intéressé n'était pas supposé lui communiquer pareille information, sauf à violer ses propres obligations envers la Banque, étant relevé que le paiement litigieux aurait alors été sujet à une action révocatoire.
Ainsi, même à admettre que le prévenu revêtirait la qualité de gérant, son comportement ne peut pas encore être qualifié de violation du devoir de gestion au sens pénal du terme.
S'agissant du préjudice subi par A______ LTD, on cherche en vain un lien de causalité entre celui-ci et les agissements du prévenu, étant en particulier rappelé que l'on ignore si l'intégralité des fonds était à disposition de la Banque avant le cut-off time du vendredi 23 octobre 2015 (cf. supra 2.2). Les conditions objectives de l'infraction de gestion déloyale ne sont dès lors pas réunies.
A titre superfétatoire, il sera souligné que, le vendredi 23 octobre 2015, X______ croyait encore en un accord de fusion avec la AA______ LTD et était pour le surplus convaincu de l'existence d'une "solution de rechange" en cas d'échec des négociations. Une séance extraordinaire de Conseil d'administration était en outre prévue le lundi 26 octobre 2015, à 9h30, aux fins de faire un point de situation concernant les discussions avec la FINMA, ce qui prouve encore - si besoin était - qu'aux yeux de la Banque, il n'était pas question d'entrer en faillite le lundi matin. La FINMA a enfin confirmé que personne au sein de la Banque n'était au courant de cette décision avant la notification de celle-ci, le 26 octobre 2015 au matin.
X______ ne se trouvait dès lors pas, au moment des faits, dans une situation dans laquelle il aurait pu envisager avec une haute vraisemblance que la Banque tomberait en faillite le lundi 26 octobre 2015 au matin juste avant l'exécution de l'ordre par G______ et on ne peut ainsi pas affirmer qu'il aurait envisagé le résultat dommageable, ni qu'il s'en serait accommodé, de sorte que l'élément subjectif fait également défaut.
A fortiori, la condition du dessein d'enrichissement illégitime requise à l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP n'est pas non plus réalisée. Comme cela a déjà été souligné supra 2.2.1., la thèse d'une concertation entre les deux prévenus tendant à différer le paiement pour favoriser un accord avec le repreneur ne trouve aucune assise dans le dossier et rien ne permet au demeurant d'affirmer que le fait de repousser l'exécution du paiement à A______ LTD aurait effectivement permis de favoriser les discussions avec la AA______ LTD.
Il convient ainsi d'écarter tout acte de gestion déloyale.
S'agissant de l'abus de confiance subsidiairement reproché au prévenu, comme cela résulte des considérations qui précèdent, la procédure a permis d'établir que l'intéressé a œuvré pendant deux jours aux fins d'obtenir la seconde validation et de s'assurer que les valeurs patrimoniales litigieuses arrivent à destination le plus rapidement possible. Loin de s'écarter de l'instruction de sa cliente, le prévenu a tout fait pour que celle-ci soit respectée, de sorte qu'il n'y a pas de place pour une infraction d'abus de confiance.
Sous l'angle subjectif, les considérations qui précèdent s'agissant de l'infraction de gestion déloyale peuvent être reprises mutatis mutandis, ce qui amène à retenir une absence de volonté délictuelle chez le prévenu.
Les conditions requises pour retenir un abus de confiance font dès lors également défaut.
Par voie de conséquence, X______ sera acquitté des faits qui lui sont reprochés.
Séquestre
3.1. A teneur de l'art. 267 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l’ayant droit (al. 1).
3.2. Vu les acquittements prononcés, le séquestre portant sur le compte n°1______ ouvert au nom de F______ SA auprès de G______ SA sera levé.
Conclusions civiles, conclusions en indemnisation et frais
4.1. Selon l'art. 122 al. 1 CPP, la partie plaignante peut faire valoir ses conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.
En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.
4.2. Compte tenu des acquittements prononcés, les conclusions civiles et en indemnisation de la partie plaignante seront rejetées.
5.1.1. Selon l'art. 429 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
5.1.2. S'agissant de l'indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable des droits de procédure, les honoraires se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client.
Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire de CHF 400.- à CHF 450.- pour un chef d'Etude, de CHF 350.- pour un collaborateur et de CHF 150.- pour un stagiaire (AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7.2.4.).
5.1.3. En ce qui a trait à l'indemnité pour le dommage économique subi par le prévenu au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale, en l’absence de règles propres à la procédure pénale, il convient d'appliquer les principes généraux du droit de la responsabilité civile (Jeanneret et al., op. cit., n°20 ad art. 429 CPP).
Conformément aux principes généraux, le dommage correspond à la diminution involontaire de la fortune nette. Il peut consister dans une réduction de l'actif, en une augmentation du passif ou dans un gain manqué; il équivaut à la différence entre le montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Le responsable n'est tenu de réparer que le dommage qui se trouve dans un rapport de causalité adéquate avec l'acte qui fonde sa responsabilité. Il appartient au lésé de prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais aussi le lien de causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (ATF 139 V 176 consid. 8.1.1; ATF 133 III 462 consid. 4.4.2).
Le dommage économique subi est évalué selon les règles ordinaires en matière de responsabilité civile, la preuve du lien de causalité entre la procédure pénale et le dommage économique ne devant pas être soumises à des exigences trop strictes et pouvant se limiter à la haute vraisemblance (Jeanneret, op. cit., n°41 ad art. 429 CPP). Si le temps pris pour étudier le dossier ne sera habituellement pas indemnisé, tel sera en règle générale le cas du temps nécessaire à la participation aux actes de la procédure lorsqu'une perte de gain est éprouvée (SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung - Praxiskommentar, Zurich - St-Gall 2009, n°8 ad art. 429 CPP). Concernant l’incapacité de gain, une certaine obligation de diminuer le dommage peut être exigée du prévenu (Jeanneret, op. cit., n°42 ad art. 429 CPP). La perte de gain se calcule sur le salaire net de l’intéressé, ce qui implique que la totalité des cotisations aux assurances sociales doivent être déduites du salaire brut déterminant, soit celles de l’AVS, de l’AI, de l’APG et de l’assurance-chômage, ainsi que les contributions de l’employé au deuxième pilier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2009 du 26 janvier 2010 consid. 3.2; ATF 129 III 135 consid. 2.3.2.).
À teneur de l'art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut pas être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette disposition édicte une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l'établissement du dommage. Elle s'applique aussi bien à la preuve de l'existence du dommage qu'à celle de son étendue. L'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, mais ne dispense pas le lésé de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant l'évaluation ex aequo et bono du montant du dommage. Les circonstances alléguées par le lésé doivent faire apparaître un dommage comme pratiquement certain; une simple possibilité ne suffit pas pour allouer des dommages-intérêts. L'exception de l'art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1016/2013 du 10 juin 2014 consid. 3.1).
5.1.4. L'indemnisation prévue par l'art. 429 al. 1 let. c CPP vise la compensation des pertes patrimoniales ainsi que la réparation du dommage immatériel tel que les souffrances psychiques et physiques subies par le prévenu. Pour que la réparation soit accordée au prévenu, celui-ci doit avoir subi une atteinte particulièrement grave à ses droits de la personnalité au sens des articles 28 CC ou 49 CO (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_361/2018 du 15 juin 2018 consid. 7.1; Moreillon / Parein-Reymond, op. cit., n°21-22 ad art. 429 CPP).
La jurisprudence du Tribunal fédéral mentionne, comme grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (arrêts du Tribunal fédéral 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.1; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1).
La preuve de l'existence du dommage, son ampleur et sa relation de causalité adéquate avec la poursuite pénale introduite à tort incombent au requérant (ATF 135 IV 43 consid. 4.1; 117 IV 209 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_596/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2).
5.2.1.Y______ ayant obtenu gain de cause, il se justifie, dans le principe, de donner une suite favorable à ses prétentions en indemnisation en lien avec ses frais de défense. Celles-ci seront toutefois notablement réduites au regard du tarif applicable dans le canton de Genève et considérant que la nature de l'affaire - en particulier le degré de complexité des faits, l'appréhension sous l'angle juridique, le volume de l'instruction, la quantité des démarches nécessaires à accomplir - ne justifiait pas de recourir aux services de deux avocats. Statuant ex aequo et bono, le Tribunal tiendra compte d'un forfait de CHF 90'000.- pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, correspondant à 200 heures d'activité au tarif horaire de chef d'Etude (CHF 450.-). Vu le changement du taux de la TVA intervenu au 1er janvier 2024, un taux de 7.7% sera appliqué aux ¾ de l'activité déployée, tandis qu'un taux de 8.1% sera appliqué pour le surplus (¼ de l'activité déployée), ce qui amène le montant susvisé à CHF 97'020.-. Il sera en outre tenu compte d'un montant de CHF 6'972.45, correspondant à 14h20 au tarif de CHF 450.-, au titre du temps consacré à l'audience de jugement, TVA incluse.
Y______ se verra ainsi allouer un montant de CHF 103'992.45 à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.
En ce qui a trait aux frais encourus par le prévenu au titre de sa participation obligatoire à la procédure (frais de déplacement, de logement et de nourriture, ainsi que manque à gagner du fait de la participation aux audiences), le montant réclamé à ce titre s'avère ici aussi disproportionné et il convient de le revoir à la baisse. S'agissant des frais de déplacement du prévenu pour sa participation à l'audience du 11 janvier 2017, le Tribunal tiendra compte du tarif d'un billet CFF aller-retour Genève/Zürich, plein tarif, avec option City à Genève (CHF 190.-), en deuxième classe, en lieu et place du tarif applicable à la première classe. S'agissant des frais de déplacement pour la participation aux audiences du Ministère public des 25 août 2020, 19 janvier 2021, 4 mai 2021, 21 septembre 2021 et 16 novembre 2021, ainsi qu'à l'audience de jugement, il sera fait droit aux montants réclamés à ce titre par le prévenu, totalisant CHF 643.-, quand bien même il s'agissait de billets première classe, car l'intéressé était alors au bénéfice d'un abonnement demi-tarif. Il ne sera pas entré en matière pour les frais de déplacements du 12 janvier 2024 et le jour de congé pris à cette même date, dans la mesure où le prévenu aurait pu se satisfaire d'une visioconférence en vue de la préparation de l'audience de jugement et éviter ainsi un déplacement inutile de même qu'une journée d'absence au travail. S'agissant des autres frais dont le prévenu se prévaut au titre de sa participation à la procédure, un montant de CHF 200.- lui sera octroyé pour les frais de séjour pendant l'audience de jugement. Il sera enfin fait droit, dans le principe, à ses prétentions en lien avec le manque à gagner pour les journées des 11 janvier 2017, 25 août 2020, 19 janvier 2021, 4 mai 2021, 21 septembre 2021, 16 novembre 2021, 17 et 18 janvier 2024, étant cependant relevé que ce sont les salaires nets résultant des certificats de salaire produits pour les années 2020 à 2022 qui seront pris en considération pour le calcul du salaire journalier, ce qui aboutit à un total de CHF 5'757.75.- (CHF 650.- + CHF 720.25 + [4 x CHF 732.45] + [2 x CHF 728.85]).
Partant, c'est un montant de CHF 6'790.75, avec intérêts à 5% l'an dès le 17 janvier 2024, que le prévenu se verra allouer pour ce poste de dommage.
S'agissant du manque à gagner dont le prévenu se prévaut pour les années 2022 et 2023, s'il est établi que la procédure pénale l'a privé de la possibilité d'accéder à un poste au sein de la direction de la banque qui l'emploie actuellement, les documents produits à l'appui de ses prétentions - en particulier un tableau comparatif établi par ses soins - ne permettent pas d'établir à satisfaction de droit le manque à gagner pour les années concernées. Le Tribunal ne dispose en effet d'aucune donnée concernant les autres salariés dont les revenus ont été insérés dans le tableau à des fins de comparaison. Pour le surplus, rien n'empêchait le prévenu de produire un document officiel de son employeur pour attester de la perte de gain exacte subie du fait de la procédure pénale.
Par voie de conséquence, cette perte de gain sera fixée, ex aequo et bono, à un montant de CHF 100'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2023, date moyenne.
Pour le surplus, le prévenu n'ayant pas démontré avoir subi une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, il ne sera pas entré en matière sur le montant de CHF 10'000.- réclamé à titre de réparation du tort moral.
5.2.2. Vu le verdict d'acquittement, X______ peut également prétendre à une indemnisation en lien avec ses frais de défense. A ce titre, il sera fait intégralement droit à ses conclusions en indemnisation pour un montant de CHF 89'982.40, lequel apparaît adéquat au regard de la complexité et du volume du dossier. Un montant de CHF 6'972.45, correspondant à 14h20 au tarif de CHF 450.-, TVA incluse, lui sera en outre octroyé au titre du temps consacré à l'audience de jugement.
C'est ainsi un montant de CHF 96'954.85 que l'Etat de Genève se verra condamné à payer au prévenu à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
6.1. Conformément à l'art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d’actes de procédure ou du fait de l’aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n’est pas couvert d’une autre manière, ainsi qu’à une réparation du tort moral. L’art. 433, al. 2, est applicable par analogie.
La notion de juste compensation du dommage se réfère aux principes généraux du droit de la responsabilité civile, à l'instar de ce qui prévaut pour l'indemnisation du prévenu (art. 429 ss CPP). Il s'agit en principe d'une pleine indemnité pour les inconvénients subis. Le dommage susceptible d'être compensé consiste dans une diminution du patrimoine du tiers lésé, qui pourra être matérielle, économique ou encore provoquée par les frais de défense et de procédure engagés pour faire valoir ses droits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1360/2016 du 10 novembre 2017 consid. 2 et les références citées).
Il s'agit d'un chef de responsabilité causale de l'Etat (Schmid, Praxiskommentar, Zurich 2013, n°4 ad art. 434). L'indemnisation des tiers incombe exclusivement à l'Etat et ne constitue pas des frais de la procédure, selon l'art. 422 CPP, qui peuvent être mis à la charge du prévenu au sens de l'art. 426 CPP (Jeanneret / Kuhn, Précis de procédure pénale, Berne 2013, p. 131, n°5079).
6.2. En l'espèce, il se justifie d'allouer à LA MASSE EN FAILLITE une juste compensation pour les dépenses occasionnées du fait de sa participation à la procédure pénale. Cela étant, dans la mesure où elle intervient uniquement en tant que tiers faisant l'objet d'une mesure de séquestre, il se justifie de réduire le montant réclamé, correspondant à environ 200 heures d'activité, à un forfait de CHF 27'000.-, correspondant à 60 heures d'activité au tarif horaire de chef d'Etude reconnu par la jurisprudence (CHF 450.-), montant auquel il conviendra d'ajouter la TVA - un taux de 7.7% étant appliqué aux ¾ de l'activité et un taux de 8.1 % étant appliqué à ¼ de l'activité -, soit un total de CHF 29'106.-. Il sera en outre tenu compte d'un montant de CHF 6'972.45, correspondant à 14h20 au tarif de CHF 450.-, au titre du temps consacré à l'audience de jugement, TVA incluse.
En définitive, c'est un montant de CHF 36'078.45 que l'Etat de Genève se verra condamné à payer au tiers saisi à titre de juste indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
7. Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant contradictoirement :
Acquitte Y______ de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), subsidiairement d'abus de confiance qualifié (art. 138 ch. 1 al. 2 et ch. 2 CP).
Acquitte X______ de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), subsidiairement d'abus de confiance qualifié (art. 138 ch. 1 al. 2 et ch. 2 CP).
Déboute A______ LTD de ses conclusions civiles et en indemnisation.
Ordonne la levée du séquestre portant sur les avoirs déposés sur le compte n°1______ au nom de F______ SA auprès de G______ SA.
Condamne l'Etat de Genève à verser à Y______ CHF 103'992.45, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Condamne l'Etat de Genève à verser à Y______ CHF 6'790.75, avec intérêts à 5% dès le 17 janvier 2024, respectivement CHF 100'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2023, à titre d'indemnité pour le dommage économique subi (art. 429 al. 1 let. b CPP).
Rejette pour le surplus les conclusions en indemnisation de Y______ (art. 429 CPP).
Condamne l'Etat de Genève à verser à X______ CHF 96'954.85, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Rejette pour le surplus les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).
Condamne l'Etat de Genève à verser à LA MASSE EN FAILLITE DE LA BANQUE F______ SA EN LIQUIDATION CHF 36'078.45 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 434 al. 1 CPP).
Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
La Greffière Amelia CAGNEUX | La Présidente |
Voies de recours
Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais du Ministère public | CHF | 2'807.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 135.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 56.00 |
Emolument de jugement | CHF | 2'000.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 35.00 |
Total | CHF | 5'083.00 |
Notification par voie postale à/au:
- X______, soit pour lui son conseil
- Y______, soit pour lui son conseil
- A______ LTD, soit pour lui son conseil
- LA MASSE EN FAILLITE DE LA BANQUE F______ SA EN LIQUIDATION, soit pour elle son conseil
- Ministère public