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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1836/2024

JTAPI/996/2024 du 08.10.2024 ( LCR ) , ADMIS

REJETE par ATA/176/2025

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;PÉRIODE D'ESSAI;RETRAIT DE PERMIS
Normes : LCR.15a.al4; LCR.16; LCR.26; LCR.31.al1; OCR.3.al1; LCR.16a.al1.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1836/2024 LCR

JTAPI/996/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Yves MABILLARD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2002, est titulaire d'un permis de conduire pour véhicules de catégorie B, délivré le ______ 2021.

Il a par ailleurs été au bénéfice d’un permis de conduire provisoire pour la catégorie A lequel était échu le 26 mai 2022.

2.             Le jour en question, à 16h50, M. A______ a été interpellé par la police à Genève, alors qu’il conduisait un motocycle de la catégorie A sans être titulaire du permis de conduire de la catégorie correspondante.

3.             Le 2 décembre 2022, M. A______ a requis un nouveau permis de conduire provisoire pour la catégorie A. Ayant passé les cours théoriques, il disposait d'un délai d'un an, soit au 1er avril 2024, pour passer l'examen pratique.

4.             Par décision du 24 février 2023, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré les permis de conduire et d’élève conducteur pour la catégorie A de M. A______ pour une durée d’un mois en raison des faits du 26 mai 2022. Il était retenu qu’il s’agissait d’une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière. La période de retrait était fixée du 24 avril au 23 mai 2023. Par ailleurs, la période probatoire du permis de conduire à l'essai était prolongée d'un an pour arriver à échéance le 22 avril 2025.

5.             Le 10 octobre 2023, à 17h45, M. A______ a été interpellé par la police alors qu’il roulait au guidon de son scooter sur la route des Jeunes, à Genève, en pianotant sur son téléphone portable. Il avait par ailleurs été constaté que son véhicule était muni d’un seul rétroviseur (côté gauche). L’intéressé a été déclaré en contravention sur le champ.

6.             Par ordonnance pénale du service des contraventions du 2 novembre 2023, M. A______ a été condamné à une amende de CHF 310.- en raison de faits précités. Il était retenu : inattention (art. 31 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; LCR - RS 741.01 et 3 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 ; OCR - RS 741.11) et motocycle (…) rétroviseur(s) prescrit(s) non conforme(s), défectueux ou manquant(s) (art. 29, 112, 143 et 219 de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers du 19 juin 1955 ; OETV - RS 741.41), en application des art. 90 al. 1 et 93 LCR.

7.             Par courrier du 29 février 2024, l’OCV a informé M. A______ de ce que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l'infraction du 10 octobre 2023. Les constatations des organes de police pouvaient aboutir à une mesure administrative, tout à fait indépendante de l'amende ou d'une autre sanction pénale que les autorités judiciaires compétentes pouvaient prononcer. Un délai de 15 jours lui était accordé pour lui faire part de ses observations.

8.             M. A______ n’a pas présenté d’observations dans le délai imparti.

9.             Le 29 avril 2024, l'OCV a rendu une décision de caducité du permis de conduire à l'essai toutes catégories et sous-catégories ainsi que du permis d’élève conducteur pour la catégorie A, nonobstant recours, à l'encontre de M. A______. Une demande de nouveau permis d'élève conducteur pourrait intervenir au plus tôt un an après l'infraction commise et uniquement sur présentation d'un rapport d'expertise favorable établi par un psychologue du trafic.

Il était retenu à titre d’infraction : ne pas vouer toute l’attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant un téléphone portable, le 10 octobre 2023 à 17h45, sur la route des Jeunes aux Acacias, au guidon d’un motocycle. L’intéressé ne pouvait pas justifier d’une bonne réputation et « selon l’art. 15a al. 4 LCR le permis de conduire à l’essai est caduc si le titulaire commet une nouvelle infraction moyennement grave ou grave durant la période probatoire ».

10.         Le courrier d’accompagnement du même jour indiquait à M. A______ que dès réception de la présente le permis de conduire à l’essai était caduc et qu’il devait déposer son permis de conduire au plus tard le 10 mai 2024.

11.         M. A______ a déposé ses permis le 10 mai 2024.

12.         Par acte du 30 mai 2024, sous la plume d’un conseil, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que l’infraction commise le 10 octobre 2023 était une infraction bagatelle laquelle ne devait pas être sanctionnée en application de l’art. 16a al. 4 LCR, soit subsidiairement, à ce qu’il soit constaté que l’infraction précitée était une infraction légère au sens de l’art. 16a LCR et que, dans les deux cas, l’art. 15a LCR ne s’appliquait pas. Préalablement, il a requis la restitution de l'effet suspensif au recours.

L’ordonnance pénale du 2 novembre 2023 retenait une « inattention » sans en préciser les raisons, raison pour laquelle il ne s’y était pas opposé. Il contestait avoir conduit de manière inattentive en manipulant son téléphone. Son absence d’opposition n’était dès lors aucunement un acquiescement ou une reconnaissance des faits retenus par l’intimé. On ne saurait par ailleurs lui reprocher de ne pas s'être opposé à l'ordonnance précitée pour élucider cette question d'inattention au vu du faible montant de l'amende, qui plus était en lien avec l’infraction du rétroviseur, admise et non contestée. Pour l'autorité pénale l'infraction d'inattention était une faute bagatelle et l’OCV, en application des principes d'unité et de la sécurité du droit, ne pouvait s'écarter de cette appréciation.

En tout état, la manipulation de son téléphone portable au guidon de son motocycle n'était pas, en l’espèce, une infraction moyennement grave, dans la mesure où il n'avait jamais détourné son regard de la route, ni mis en danger un autre usager de la route, ni blessé une personne ou causé un dommage. Le seul fait de tenir son téléphone portable dans une main au guidon de son motocycliste aurait dû être sanctionnée d'une simple amende, en application de la loi sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03). Partant, faute d'avoir réalisé une deuxième infraction moyennement grave dans la période probatoire, l'art. 15a al. 4 LCR ne trouvait pas application et c’était à tort que l'OCV avait déclaré la caducité de ses permis de conduire catégorie A et B et exigé leur dépôt.

Il relevait encore qu’il travaillait comme assistant administratif pour la société B______ SA et que dans ce cadre il se rendait tous les jours en véhicule auprès des clients et des agences qui se trouvaient à Genève, mais également dans les autres cantons. Compte-tenu de son besoin professionnel, la restitution de l'effet suspensif du présent recours s'imposait.

Il a joint un chargé de pièces dont une attestation de son employeur du 13 mai 2024 attestant que le poste occupé par l’intéressé nécessitait régulièrement l’utilisation d’un véhicule, ce dernier étant notamment amené à se déplacer sur Genève et alentours pour se rendre dans leurs différentes agences et chez leurs clients.

13.         Dans ses observations du 11 juin 2024, l'OCV s'est fermement opposé à la restitution de l'effet suspensif. Il a transmis son dossier.

Il était reproché au recourant de ne pas avoir voué toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation routière en manipulant un téléphone portable au guidon d'un motocycle le 10 octobre 2023 à 17h45, sur la route des Jeunes. Le rapport de contravention dressé par la police précisait que le recourant « [...] a ôté son regard de la circulation pour pianoter sur son téléphone » et la jurisprudence accordait généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments objectifs permettent de s'en écarter. Par ordonnance pénale du 2 novembre 2023, le recourant avait été reconnu coupable pour ces faits, étant rappelé qu’il ne justifiait pas d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC-Mesures) faisant apparaître un retrait du permis de conduire à l'essai avec prolongation de la période probatoire prononcé par décision du 24 février 2023, en raison d'une infraction moyennement grave, mesure dont l'exécution a pris fin le 23 mai 2023.

La mesure prononcée le 29 avril 2024 constituait un retrait de sécurité pour inaptitude caractérielle irréfragablement présumée dès lors que l'incapacité caractérielle se fondait sur une présomption légale née de la commission d'une seconde infraction dans le délai d'épreuve de l'art. 15a al. 4 LCR. La restitution de l'effet suspensif au recours supposait que le recourant démontre que ses intérêts seraient gravement menacés et l'absence d'intérêt public prépondérant opposé, conditions non remplies en l’espèce. En effet, aucun besoin professionnel de conduire ne pouvait être pris en considération dans le cadre d'un retrait de sécurité et l’intérêt public à la sécurité routière à la base de la mesure prononcée l'emportait ici sur l'intérêt du recourant à pouvoir continuer à conduire jusqu'à droit connu sur le présent recours.

14.         Le 20 juin 2024, le recourant a persisté dans sa demande en restitution de l'effet suspensif. Il contestait la position de l’OCV. En substance, aucune infraction grave ou moyennement grave n’avait été commise en l’espèce. Les deux infractions retenues dans l’ordonnance du 2 novembre 2023 ne figuraient pas dans la liste des art. 16b et 16c LCR. Devant tout au plus être qualifiées de légères, elles n’étaient pas susceptibles de causer un risque pour les autres passagers de la route s’il conduisait durant la procédure. Faute de suspicion d’une inaptitude caractérielle à la conduite, l’intérêt public ne saurait prévaloir sur son intérêt privé à ne pas voir son emploi menacé.

15.         Par décision DITAI/370/2024 du 25 juin 2024, le tribunal a rejeté la demande d'effet suspensif au recours formé par M. A______.

16.         Dans ses observations du 22 juillet 2024, l'OCV a persisté dans les termes de sa décision du 29 avril 2024, sous suite de frais et dépens.

Le degré de l'attention requise par l'art. 3 al. 1 OCR s'appréciait au regard des circonstances d'espèce, telles que la configuration des lieux, l'heure et les sources de danger prévisibles. A cet égard, il avait notamment été tenu compte du fait que la conduite et le maniement des motocycles à 2 roues nécessitaient une maîtrise plus importante de l'engin par rapport à la conduite des véhicules possédant 4 roues notamment. La mise en danger était ainsi d'autant plus importante.

Pour le surplus, de jurisprudence constante, pour les nouveaux conducteurs, l'annulation du permis de conduire à l'essai ne dépendait pas de la gravité de l'infraction. L'élément déterminant était plutôt la présence d'une première infraction ayant entraîné le retrait du permis (et la prolongation de la période d'essai) et d’une seconde infraction conduisant elle aussi à un retrait, qui montrait que la personne ne disposait pas de la maturité nécessaire pour conduire un véhicule. Or, en l’espèce, le recourant avait déjà fait l'objet d’un retrait de permis en raison d'une infraction moyennement grave à la circulation routière dans le cadre de la période probatoire de son permis de conduire, mesure dont l'exécution avait pris fin moins de 5 mois avant la commission des nouveaux faits litigieux. Ainsi, la seconde infraction moyennement grave à la LCR commise durant la période probatoire prolongée de son permis de conduire à l'essai entraînait un nouveau retrait du permis de conduire et, dans une telle situation, l'art. 15a LCR obligeait l'autorité à prononcer la caducité dudit permis et à exiger de la personne concernée la réalisation d'une expertise psychologique attestant de son aptitude à conduire afin de permettre la délivrance d'un nouveau permis d'élève conducteur, sans qu’il ne dispose à cet égard d'aucune marge d'appréciation.

17.         Dans le délai prolongé au 28 août 2024 pour sa réplique, le recourant a expliqué n’avoir pris connaissance du contenu du rapport de police que dans le cadre de la présente procédure et relevé que l'infraction retenue par les gendarmes justifiant une contravention était l'absence de conformité du véhicule.

Au fond, à partir du 1er octobre 2023, l'art. 15a al. 4 LCR avait vu son libellé modifié (RO 2023 453) en ce sens que la caducité du permis de conduire à l'essai n’était plus conditionnée par la commission d'une seconde infraction entrainant un retrait de permis, mais par la réalisation d'une nouvelle infraction moyennement grave ou grave (FF 2021 3026 p. 59). La lettre et l'esprit du nouvel art. 15a al. 4 LCR étaient clairs et univoques : le législateur avait sciemment et volontairement exclu la commission des infractions légères comme condition à la caducité du permis de conduire à l'essai. L'ATF 136 II 447 datant du 31 août 2020 cité par l’OCV ne permettait pas de retenir le contraire, étant antérieur, respectivement contraire à la modification législative susmentionnée. En l’occurrence, il avait commis sa seconde infraction le 10 octobre 2023, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du nouvel art. 15a al. 4 LCR, lequel devait s'appliquer dans la mesure où il n'y avait pas de droit transitoire spécifique. Or, il contestait la qualification d’infraction moyennement grave retenue par l’OCV. L'ordonnance pénale n'indiquait qu'une « inattention » et un « motocycle non conforme » et le rapport de contravention mentionnant « […] a ôté son regard de la circulation pour pianoter sur son téléphone » ne lui avait pas été communiqué, sauf quoi il aurait contesté l’infraction. Au vu du montant de l'amende (CHF 310.- pour deux infractions) qui lui avait été infligé, il ne pouvait par ailleurs penser qu'on lui reprochait un comportement moyennement grave. En l'occurrence, malgré la lecture du rapport de police, on ignorait tout des circonstances de cette infraction d'inattention. Le montant de l'amende permettait en revanche de retenir que l'autorité pénale avait considérer l’infraction excessivement légère et seule une infraction bagatelle, voire légère, pouvait être retenue contre lui, qui n'avait pas à être sanctionnée administrativement.

18.         Par duplique du 16 septembre 2024, l'OCV a persisté intégralement dans les termes de sa décision, renvoyant à ses précédentes écritures.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCV (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Selon l'art. 15a LCR, le permis de conduire est tout d'abord délivré à l'essai pour trois ans (al. 1) ; lorsque le permis de conduire à l’essai est retiré au titulaire parce qu’il a commis une infraction moyennement grave ou grave, la période probatoire est prolongée d’un an. Si le retrait expire après la fin de cette période, la prolongation commence à compter de la date de restitution du permis de conduire (al. 3) ; le permis de conduire à l'essai est caduc lorsque son titulaire commet une nouvelle infraction moyennement grave ou grave durant la période probatoire (al. 4) ; un nouveau permis d'élève conducteur peut être délivré à la personne concernée au plus tôt un an après l'infraction commise et uniquement sur la base d'une expertise psychologique attestant son aptitude à conduire, étant précisé que ce délai est prolongé d'un an si la personne concernée a conduit un motocycle ou une voiture automobile pendant cette période (al. 5).

5.             La teneur actuelle de l'art. 15a al. 4 LCR résulte d’une modification législative du 17 mars 2023, entrée en vigueur au 1er octobre 2023, prévoyant que la caducité du permis de conduire à l'essai n’est plus conditionnée par la commission d'une seconde infraction entrainant un retrait de permis, mais par la réalisation d'une nouvelle infraction moyennement grave ou grave (RO 2023 453 ; FF 2021 3026 p. 59).

6.             En lien avec ce changement législatif, il sera rappelé, qu’en principe, le nouveau droit s’applique à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 132 n. 403). Selon les principes généraux, sont applicables, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1). En revanche, si la législation change après la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, la situation doit rester réglée selon l’ancien droit (ATF 136 V 24 consid. 4.3). Sont réservées les dispositions éventuelles du droit transitoire prescrivant un régime juridique qui s’écarte de ces principes.

7.             Le permis de conduire à l'essai a été introduit avec la révision de la LCR entrée en vigueur le 1er décembre 2005. Celle-ci avait pour but d'améliorer la formation à la conduite automobile en vue d'aider les groupes les plus « accidentogènes » à s'intégrer plus sûrement dans la circulation. Il était prévu d'inviter les conducteurs à un comportement plus respectueux des règles de la circulation et de diminuer les risques d'accident en sanctionnant par des mesures plus sévères - pouvant aller jusqu'à l'annulation du permis de conduire - ceux et celles qui compromettent la sécurité de la route par des infractions (Message concernant la modification de la LCR, in FF 1999 IV 4106, spéc. 4108 ; cf. également ATF 136 II 447 consid. 5.1 et 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_97/2016 du 2 juin 2016 consid. 2.2.2 ; 1C_559/2008 du 15 mai 2009 consid. 3.1, publié in JdT 2009 I 516).

8.             L'art. 15a LCR oblige les nouveaux conducteurs à démontrer leurs aptitudes pratiques en matière de conduite pendant une période probatoire de trois ans avant qu'un permis de conduire de durée illimitée ne leur soit définitivement octroyé. Au cours de la période probatoire, le nouveau conducteur doit faire la démonstration d'un comportement irréprochable dans la circulation. Les infractions aux règles de la circulation commises par les titulaires de permis de conduire de durée limitée ne déclenchent ainsi pas uniquement des sanctions pénales et des mesures administratives; durant la période probatoire, elles rendent également plus difficile l'octroi du permis de conduire de durée illimitée (ATF 136 I 345 consid. 6.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_226/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2 et la référence).

9.             Ce nouvel instrument poursuit une fonction éducative et son but est notamment de diminuer les accidents en sanctionnant de manière plus sévère ceux qui compromettent la sécurité routière (ATF 136 II 447 consid. 5.1 et 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_226/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2 ; 1C_559/2008 du 15 mai 2009 consid. 3.1, in JdT 2009 I 516). Il équivaut à un retrait de sécurité pour déficience caractérielle, dont l'exécution répond à un objectif de sécurité routière (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_526/2016 du 21 décembre 2016 consid. 7.5), étant en effet souligné que cette mesure ne tend pas, en tant que telle, à réprimer une infraction fautive à une règle de la circulation, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs considérés comme inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

10.         L'art. 15a al. 4 LCR définit ainsi une présomption d'inaptitude à la conduite en cas de seconde infraction entraînant un retrait pendant la période probatoire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_526/2016 du 21 décembre 2016 consid. 7.1 ; 1C_97/2016 du 2 juin 2016 consid. 2.2.2 ; 1C_67/2014 du 9 février 2015 consid. 4.1 ; cf. également C. MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, n. 82.2.3 p. 640 s. et les références). Il prévoit impérativement la caducité du permis de conduire à l'essai si le conducteur concerné fait l'objet d'un second retrait de permis ; aucune solution moins contraignante n'est autorisée. Cette mesure d'annulation du permis à l'essai résulte en effet d'un choix délibéré du législateur justifié par le danger que représentent pour les divers usagers de la route les conducteurs visés par cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 1C_97/2016 du 2 juin 2016 consid. 2.4 ; 1C_361/2014 du 26 janvier 2015 consid. 4.2).

11.         Lorsque la qualification juridique d'un acte ou la culpabilité est douteuse, il convient de statuer sur le retrait du permis de conduire après seulement que la procédure pénale soit achevée par un jugement entré en force ; fondamentalement, en effet, c'est au juge pénal qu'il appartient de se prononcer sur la réalisation d'une infraction (ATF 129 II 312 consid. 2. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1). Les autorités administratives appelées à prononcer un retrait du permis de conduire ne peuvent en principe pas s’écarter des constatations de fait d’une décision pénale entrée en force. La sécurité du droit commande en effet d’éviter que l’indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 ; 109 Ib 203 consid. 1 ; 96 I 766 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_636/2013 du 7 août 2013 consid. 2.1 ; 1C_567/2011 du 12 mars 2012 consid. 3.1 ; 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).

12.         L’autorité administrative ne peut dès lors s’écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n’ont pas été prises en considération par celui-ci, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; 123 II 97 consid. 3c/aa ; 119 Ib 158 consid. 3c/aa ; 105 Ib 18 consid. 1a ; 101 Ib 270 consid. 1b ; 96 I 766 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_567/2011 du 12 mars 2012 consid. 3.1 ; 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/23/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).

Tout en rappelant que l’autorité administrative n’est pas liée par le jugement pénal pour les questions de droit, en particulier pour l’appréciation de la faute, le Tribunal fédéral a précisé que malgré son indépendance, l’autorité administrative se doit d’éviter le plus possible des décisions contradictoires, ce qui requiert qu’elle se rattache à l’appréciation du juge pénal si celle-ci est soutenable, même si elle-même aurait apprécié la faute différemment (arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2012 du 15 janvier 2015).

13.         Selon l'art. 16 LCR, les permis et les autorisations seront retirés lorsque l'autorité constate que les conditions légales de leur délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies; ils pourront être retirés lorsque les restrictions ou les obligations imposées dans un cas particulier, lors de la délivrance, n'auront pas été observées (al. 1). Lorsque la procédure prévue par la loi sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d’élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR). Les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis d'élève conducteur ou du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite (al. 3).

14.         Aux termes de l'art. 26 al. 1 LCR, chacun doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.

15.         Selon l'art. 31 al. 1 LCR, le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule, de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de prudence. Cela signifie qu'il doit être à tout moment en mesure de réagir utilement aux circonstances. En présence d'un danger, et dans toutes les situations exigeant une décision rapide, il devra réagir avec sang-froid et sans excéder le temps de réaction compatible avec les circonstances.

16.         L'art. 3 al. 1 OCR précise que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation ; il évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule ; il veillera en outre à ce que son attention ne soit distraite, notamment, ni par un appareil reproducteur de son ni par un quelconque système d'information ou de communication. Le degré de l'attention requise par l'art. 3 al. 1 OCR s'apprécie au regard des circonstances d'espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_512/2017 du 28 février 2018 consid. 3.2 ; 6B_69/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2.2.1). L’attention requise du conducteur implique qu’il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l’intégrité corporelle ou les biens matériels d’autrui.

17.         En l'occurrence, il ressort de l’ordonnance pénale du 2 novembre 2023, en force, que l’infraction d’inattention a notamment été retenue à l’encontre du recourant. Référence était faite aux art. 31 LCR (maitrise du véhicule) et 3 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11 ; conduite du véhicule).

Le recourant soutient qu’il n’a pas recouru contre cette ordonnance car elle n’indiquait qu'une « inattention » et un « motocycle non conforme ». Si le rapport de contravention mentionnant « […] a ôté son regard de la circulation pour pianoter sur son téléphone » lui avait été communiqué, il aurait contesté l’infraction. Il fait encore valoir qu’au vu du montant de l’amende infligée (CHF 310.- pour deux infractions) il ne pouvait imaginer qu’on lui reprochait un comportement moyennement grave et qu’on ignorait tout des circonstances de cette infraction d'inattention.

Il ne saurait être suivi. D’une part, ayant été intercepté par la police le jour de l’infraction et déclaré en contravention sur le champ tant pour l’inattention que pour le motocycle défectueux, il est pour le moins douteux qu’à cette occasion, le recourant n’ait pas reçu d’information, respectivement ne se soit pas enquis de ce qui lui était reproché. Quoiqu’il en soit, il a bel et bien été condamné pour inattention en application des art. 31 LCR et 3 OSR qui stipulent notamment que le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence, respectivement vouer son attention à la route et à la circulation, et il lui appartenait, s’il estimait « tout ignorer des circonstances de cette infraction d’inattention », de se renseigner à ce sujet puis, cas échéant, de recourir à l’encontre de l’ordonnance pénale. Ne l’ayant pas fait, il ne saurait aujourd’hui remettre en cause cette dernière, pas plus que les éléments retenus dans le rapport de contravention.

18.         Reste toutefois à examiner la gravité des faits reprochés au recourant, dès lors que celui-ci prétend que sa faute serait bénigne.

19.         La LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

20.         Selon l’art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d’autrui alors que seule une faute bénigne peut lui être imputée.

21.         À teneur de l'art. 16b al. 1 let. a LCR, commet une infraction moyennement grave la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

22.         Une infraction moyennement grave est donnée lorsque la faute du conducteur, soit la mise en danger qu’elle a induite, soit encore l’une et l’autre ne peuvent être qualifiées de légères, sans pour autant être les deux graves (ATF 136 II 447 consid 3.2).

23.         Selon la doctrine, l’autorité administrative peut retenir une infraction moyennement grave en fonction d’une constellation allant de la mise en danger légère à la mise en danger grave combinée à une faute légère à moyennement grave, (Cédric MIZEL in André BUSSY et al. [éd.], Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, p. 253).

24.         Par jugement du 17 octobre 2022 (JTAPI/1078/2022), le tribunal a confirmé une décision de l’OCV prononçant le retrait du permis de conduire pour une durée d'un mois d’un automobiliste avec antécédents n’ayant pas voué toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant un téléphone portable et ayant circulé avec deux pneus dans un état insuffisant, retenant après lui qu’il s’agissait d’une infraction légère aux règles de la circulation routière. Il a également retenu des infractions légères à l’encontre d’automobilistes ayant fait preuve d’inattention en manipulant leur téléphone portable (JTAPI/1020/2022 du 29 septembre 2022 et JTAPI/666/2022 du 23 juin 2022). Des fautes moyennement graves, voire graves ont en revanche été retenues dans des cas d’inattention avec perte de maitrise et/ou accidents (JTAPI/852/2023 du 14 août 2023 ; JTAPI/804/2023 du 21 juillet 2023 ; JTAPI/246/2023 du 6 mars 2023).

A également été considérée comme une faute légère provoquant une mise en danger abstraite accrue légère, le fait pour un conducteur d’avoir détourné son attention de la route (sur un trajet de 400 mètres environ) pour regarder le GPS sur l'écran de son téléphone portable (Arrêt du 7 juillet 2020 de la Cour de droit administratif et public vaudoises CR.2020.0006).

25.         En l'espèce, sur la base de la pratique de l’OCV rappelée ci-dessus, force est de retenir que les faits reprochés au recourant n’atteignent pas la gravité que l'OCV leur prête, et ce en retenant que ce dernier, au volant de son motocycle, a effectivement « ôté son regard de la circulation pour pianoter sur son téléphone ».

En effet, il doit être retenu des jurisprudences précitées qu’est qualifié de faute légère, le fait de ne pas vouer toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant un téléphone portable, en l’absence d’autres circonstances devant être prises en considération, telles que notamment la vitesse, la perte de maître, la réalisation d’un accident etc. Le fait que le véhicule concerné soit un véhicule à deux roues et non à quatre, ne saurait, à lui seul, suffire à faire basculer le manquement reproché au recourant dans la catégorie des fautes moyennement graves, en l’absence notamment de perte de maître et de mise en danger concrète. Il n’en vas pas différemment de la défectuosité constatée sur le scooter de l’intéressé.

Dans ces conditions, l’OCV a abusé de son pouvoir d’appréciation en qualifiant la faute du recourant de moyennement grave et non de légère.

26.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision querellée annulée, la condition de l'art. 15a al. 4 LCR dans sa teneur au 10 octobre 2023 applicable au cas d’espèce, prévoyant la caducité du permis de conduire à l'essai au motif de la réalisation d'une nouvelle infraction moyennement grave ou grave, n’étant en l’occurrence pas remplie.

27.         Dans la mesure où il obtient gain de cause, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Son avance de frais de CHF 500.- lui sera restituée.

Une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’OCV, lui sera par ailleurs allouée à titre de dépens (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 29 avril 2024 ;

2.             l’admet ;

3.             ordonne la restitution au recourant de l’avance de frais de CHF 500.- ;

4.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’office cantonal des véhicules, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions de la recourante. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose la recourante.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière