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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2990/2013

ATA/23/2015 du 06.01.2015 sur JTAPI/195/2014 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE ; FAUTE GRAVE ; PERMIS DE CONDUIRE; RECONNAISSANCE DU PERMIS ; NÉCESSITÉ ; PROFESSION ; RÉCIDIVE(INFRACTION)
Normes : CONVENTION SUR LA CIRCULATION ROUTIÈRE.42.al1 ; CP.13.al1 ; CP.21 ; LCR.16a.al1.leta ; LCR.16.al3 ; LCR.16b.al1.leta ; LCR.16c.al1.letf ; LCR.16c.al2.letc ; LCR.22.al1 ; LCR.22.al3 ; OAC.45.al1
Résumé : Lorsqu'une personne, quel que soit son domicile, commet une infraction aux règles de la circulation routière en Suisse, les autorités suisses sont compétentes pour prononcer une mesure administrative avec effet en Suisse. Par ailleurs, lorsqu'elle déplace son domicile au cours d'une procédure de retrait, la compétence de l'autorité saisie demeure. Les permis de conduire qui ont été délivrés par des autorités étrangères ne peuvent pas faire l'objet d'un retrait en Suisse, mais leurs détenteurs peuvent se voir refuser le droit d'en faire usage en Suisse. Circuler en Suisse sous le coup d'une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger constitue une infraction grave au sens de la LCR. La durée minimale légale de douze mois d'interdiction prévue dans ce cas étant irréductible à teneur de l'art. 16 al. 3 LCR et de la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière, les besoins professionnels et familiaux de disposer d'un permis de conduire ne peuvent pas être pris en considération.
En fait
En droit

blique et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2990/2013-LCR ATA/23/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 janvier 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Hervé Crausaz, avocat

contre

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2014 (JTAPI/195/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______, juriste bancaire, né le ______ 1969, de nationalité suisse, est actuellement domicilié à la route de B______ n° 1______, 74'350 Cernier, France.

2) Le 24 octobre 1988, M. A______ s'est vu délivrer un permis de conduire suisse.

3) Le 2 mars 2007, le service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud (ci-après : le service vaudois) a prononcé un retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée d'un mois en raison d'une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière. L'exécution de ce retrait a pris fin le 28 septembre 2007.

4) Le 24 avril 2011, M. A______, circulant en direction de Berne au volant d'une voiture immatriculée VD 2______, a été contrôlé à une vitesse de 161 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon de l'autoroute A1 limité à 120 km/h situé dans la commune d'Oberbuchsiten dans le canton de Soleure.

5) Le 21 juin 2011, le service de contrôle des habitants de la commune de Nyon a attesté que M. A______ avait habité dans cette commune du 1er octobre 2009 au 20 juin 2011.

6) Le 23 juin 2011, la mairie de Cernier en Haute-Savoie, France, a attesté que M. A______ était domicilié dans cette commune depuis le 20 juin 2011.

7) Le 12 septembre 2011, le Ministère public du canton de Soleure a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de quinze jours-amendes à CHF 60.- par jour avec sursis durant deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 400.-, pour violation grave des règles de la circulation routière en raison du dépassement de 41 km/h de la vitesse autorisée, marge de sécurité déduite, intervenu le 24 avril 2011.

8) Le 8 décembre 2011, le service vaudois a annoncé à M. A______ l'ouverture d'une procédure en vue de prononcer une mesure administrative à son encontre en raison des faits du 24 avril 2011.

9) Le 20 janvier 2012, les autorités françaises ont échangé le permis de conduire suisse de M. A______ contre un permis de conduire français de catégorie B.

10) Le 27 avril 2012, le service vaudois a prononcé à l'encontre de M. A______ un retrait de son permis de conduire [suisse] pour une durée de six mois, valable du 24 octobre 2012 au 23 avril 2013.

Circulant au volant d'une voiture immatriculée VD 2______, le 24 avril 2011, il avait roulé à une vitesse de 161 km/h sur un tronçon limité à 120 km/h, dépassant de 41 km/h la limite autorisée, marge de sécurité déduite.

Il avait la possibilité d'exécuter la mesure avant la période fixée en adressant un courrier au service concerné. En cas de conduite d'un véhicule automobile pendant l'exécution de la mesure, une nouvelle sanction plus sévère serait prise contre lui.

11) Le 19 juillet 2012, le service vaudois a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de faire usage de son permis de conduire français sur le territoire suisse pour une durée de six mois, valable du 15 janvier 2013 au 14 juillet 2013.

Cette mesure remplaçait la décision de retrait du permis de conduire prononcée le 27 avril 2012. La conduite de tous les véhicules automobiles était interdite à M. A______ pendant l'exécution de la mesure sur le territoire suisse et celui de la Principauté du Liechtenstein.

12) Le 4 février 2013, M. A______ a été intercepté par les gardes-frontières de Bardonnex au volant d'une voiture immatriculée GE 3______.

Auditionné par la police, le même jour, M. A______ a déclaré être sous le coup d'une interdiction de circuler en Suisse en raison d'un contrôle de vitesse sur l'autoroute dans le canton de Soleure, au début de l'année 2012 (recte : le 24 avril 2011). Il croyait être en droit de circuler sur sol suisse jusqu'au 28 février 2013. Il avait souvenir de cette date dans un courrier reçu en avril 2012. La mesure lui avait été notifiée depuis longtemps, ce qui l'avait induit en erreur. Il s'était organisé avec sa compagne se trouvant à New York afin d'être véhiculé dès le 28 février 2013 chaque jour par elle jusqu'à son lieu de travail, celle-ci devant revenir en Suisse le 15 février 2013. Il se rendait tous les matins à son lieu de travail au volant de sa voiture. Il n'avait pas eu connaissance de la date du 15 janvier 2013 comme début de son interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse. Il n'avait pas eu la volonté de violer la mesure d'interdiction de circuler. Il avait circulé de bonne foi.

13) Par ordonnance pénale du 25 février 2013, M. A______ a été condamné par le Ministère public genevois à une peine pécuniaire de soixante jours-amendes à CHF 120.- par jour pour conduite d'un véhicule automobile alors qu'il faisait l'objet d'une mesure d'interdiction de circuler en Suisse.

14) Le 2 avril 2013, M. A______ a fait opposition contre cette ordonnance pénale.

Il n'avait eu ni conscience ni volonté de commettre les faits qui lui étaient reprochés. Il requérait un sursis à sa condamnation.

15) Le 22 avril 2013, M. A______ a requis du service vaudois, la suspension de la procédure administrative dans l'attente de l'issue pénale de son opposition à l'ordonnance pénale du 25 février 2013.

16) Le 25 avril 2013, le service vaudois a informé M. A______ qu'il suspendait la procédure administrative dans l'attente de l'issue pénale des faits qui lui étaient reprochés.

Pour prononcer sa décision, l'autorité administrative retenait l'état de fait établi par le juge pénal. Il appartenait à l'intéressé de faire valoir tous ses droits auprès de celui-ci.

17) Par ordonnance pénale du 10 mai 2013, le Ministère public du canton de Genève a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de soixante jours-amendes à CHF 60.- par jour pour conduite sous retrait, refus ou interdiction du permis de conduire. L'ordonnance pénale n'a pas fait l'objet d'une opposition.

M. A______ admettait avoir commis une confusion quant à la date d'entrée en vigueur de la mesure d'interdiction, ayant voulu s'y conformer et commis une erreur sur les faits. Toutefois, ses motivations relevaient de la pure désinvolture vis-à-vis des règles instaurées par la législation en matière de circulation routière. Une peine ferme paraissait nécessaire pour le détourner d'autres crimes ou délits. Le sursis accordé par le Ministère public soleurois le 12 septembre 2011 ne devait pas être révoqué. Un avertissement formel devait cependant lui être adressé et le délai d'épreuve du sursis antérieur devait être prolongé.

18) Le 5 juillet 2013, le service vaudois a informé M. A______ de la réouverture de la procédure administrative et de son intention de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de conduire en Suisse suite aux faits du 4 février 2013 et lui a accordé un délai de vingt jours pour se déterminer.

Pour la forme, il lui était rappelé l'interdiction de conduire tout véhicule automobile sur le territoire suisse et celui de la Principauté du Liechtenstein.

19) Le 25 juillet 2013, M. A______ a formulé ses observations.

Il contestait la compétence du service vaudois, n'étant plus titulaire d'un permis de conduire suisse et l'infraction ayant été commise à Genève. Il avait déménagé en France en 2011 et avait, en janvier 2012, obtenu un permis de conduire français. En outre, il n'était ni titulaire d'un permis de conduire vaudois ni domicilié dans ce canton au moment de la décision du 19 juillet 2012 et l'infraction reprochée avait été commise dans le canton de Soleure. À la fin de l'été 2012, il avait changé de téléphone mobile et effectué une migration complète de ses données. Certaines dates et échéances n'avaient pas été reportées, mais il ne s'en était pas aperçu. Il avait inscrit par erreur la date du 28 février 2013 comme début de la mesure infligée le 19 juillet 2012 à la place du 15 janvier 2013. Il s'était organisé avec sa fiancée pour ses déplacements professionnels à partir du 28 février 2013.

Suite à son opposition à l'ordonnance pénale du 25 février 2013, le juge pénal avait réduit le montant des jours-amende de CHF 120.- à CHF 60.- par jour. Il s'était effectivement rendu coupable d'une infraction de conduite sous mesure d'interdiction, mais avait commis une erreur sur l'illicéité de son comportement. Les autorités administratives devaient tenir compte de cette erreur dans le cadre du retrait de permis de conduire. Une interdiction de circuler de quatre, voire de six mois au plus devait être prononcée. Il habitait à quarante-cinq minutes de la frontière, dans un endroit isolé et non desservi par les transports publics et exerçait, toutes les semaines, un droit de visite sur sa fille domiciliée à Nyon.

20) Le 30 juillet 2013, le service vaudois a, pour des raisons de compétence, transmis le dossier de M. A______ à l'office cantonal des véhicules du canton de Genève, devenu le service cantonal des véhicules (ci-après : SCV), l'intéressé habitant en France et l'infraction ayant été commise à Genève.

Il annulait son avis d'ouverture de la procédure d'interdiction de faire usage d'un permis de conduire étranger sur le territoire suisse adressé à M. A______ le 25 avril 2013.

21) Par décision du 8 août 2013, le SCV a prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée de douze mois.

M. A______, soumis à une mesure d'interdiction de conduire, avait, le 4 février 2013 à 8h56, fait usage d'un permis de conduire étranger sur le territoire suisse au volant d'une voiture, sur le chemin des Epinglis à la douane de Bardonnex, sur l'autoroute A1. Il s'agissait d'une infraction grave aux règles de la circulation routière. Il ne pouvait soutenir valablement, suite à la perte de ses données de son téléphone mobile, avoir été dans l'erreur sur la date du début de l'exécution de la précédente mesure du 19 juillet 2012. En effet, il lui revenait de s'assurer de cette échéance auprès du service vaudois. Le 10 mai 2013, il avait été condamné par le Ministère public genevois pour conduite sous interdiction de circuler sur le territoire suisse. Il ne pouvait pas non plus justifier d'une bonne réputation, le registre fédéral des mesures administratives (ci-après : le registre ADMAS) faisant apparaître une interdiction de circuler sur le territoire suisse prononcée par le service vaudois, par décision du 19 juillet 2012, pour une durée de six mois en raison d'une infraction grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 14 juillet 2013, et un retrait du permis de conduire par décision du 2 mars 2007, pour une durée d'un mois, en raison d'une infraction moyennement grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 28 septembre 2007.

L'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse durant douze mois ne s'écartait pas du minimum légal.

22) Par acte expédié le 16 septembre 2013, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant principalement à son annulation et subsidiairement au prononcé d'une interdiction de conduire d'une durée de six mois à compter du 15 juillet 2013.

Le service vaudois n'avait pas compétence de rendre la décision du 19 juillet 2012, celle-ci était par conséquent nulle. En outre, il avait commis une erreur sur l'illicéité de son comportement qui justifiait une atténuation libre de la peine. Il n'avait pas agi avec conscience et volonté de conduire sous une mesure d'interdiction. L'infraction commise devait être considérée comme moyennement grave ou être ramenée à une infraction grave avec atténuation libre de la mesure à prononcer.

23) Le 26 septembre 2013, le SCV a conclu au rejet du recours.

La décision du service vaudois du 19 juillet 2012 avait été notifiée régulièrement au mandataire de M. A______ et était valable. Elle n'avait pas fait l'objet d'un recours. L'intéressé avait été en outre prêt à s'y soumettre.

24) Le 19 décembre 2013, M. A______, sur demande du TAPI, a complété son dossier en produisant notamment une copie du permis de circulation du véhicule immatriculé VD 3______ (recte : VD 2_______), une copie des certificats d'immatriculation français du même véhicule, un permis de circulation GE 14'069 qui a remplacé le permis de circulation GE 13'500.

25) Le 7 janvier 2014, le SCV a persisté dans les termes de sa décision.

M. A______ avait été condamné par une ordonnance pénale du 10 mai 2013 pour violation d'une mesure d'interdiction de conduire et la décision du service vaudois du 19 juillet 2012 n'avait pas été contestée.

26) Par jugement du 27 février 2014, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Au moment de l'infraction commise dans le canton de Soleure, M. A______ était au volant d'une voiture immatriculée à son nom dans le canton de Vaud. Il n'avait cependant plus de domicile dans ce dernier canton et travaillait dans celui de Genève. Le service vaudois s'étant saisi en premier du cas, il était compétent pour rendre la décision du 19 juillet 2012. Celle-ci était donc valable et entrée en force faute de recours. Le Ministère public genevois avait retenu dans son ordonnance pénale du 10 mai 2013 une conduite sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire et avait condamné l'intéressé à une peine pécuniaire de soixante jours-amende. Selon cette autorité pénale, les arguments de M. A______ relevaient de la désinvolture vis-à-vis des règles instaurées par la législation sur la circulation routière. Cette ordonnance pénale n'avait pas fait l'objet d'une opposition.

Aucun élément ne permettait de s'écarter de l'appréciation juridique faite par le juge pénal. M. A______ conduisait sur sol suisse malgré une interdiction de conduire en force. Il avait commis une infraction grave. Un retrait de son permis devait être prononcé pour une durée minimale de douze mois. La sanction prononcée était justifiée.

27) Par courrier du 6 mars 2014, le SCV a invité M. A______ à ne pas faire usage de son véhicule sur le territoire suisse et celui de la Principauté du Liechtenstein dès le 6 mai 2014 pour une durée de douze mois.

Le TAPI avait rendu son jugement confirmant l'interdiction de conduire. Un recours contre celui-ci restait réservé. M. A______ était également invité à informer le SCV en cas de recours.

28) Par acte expédié le 4 avril 2014, M. A______ a recouru contre le jugement du TAPI du 27 février 2014 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) concluant à son annulation et à celle de la décision du SCV et au prononcé d'une interdiction de conduire en Suisse d'une durée de six mois au maximum.

L'autorité administrative ne devait pas appliquer mécaniquement des dispositions légales. Elle disposait d'un pouvoir d'appréciation. L'absence d'un motif atténuant la sanction devant le juge pénal ne liait pas l'autorité administrative dans la mesure où l'état de fait n'était pas modifié et la qualification juridique demeurait identique.

Le TAPI n'avait pas examiné s'il avait commis une erreur sur l'illicéité de son comportement. Une telle erreur justifiait pourtant une atténuation de la sanction. Pour lui, la mesure d'interdiction prononcée le 19 juillet 2012 à son encontre prenait effet le 15 février 2013 (sic !). Il s'était préparé en conséquence. Il n'avait pas commis d'infraction de manière consciente, ignorant le caractère illicite de son comportement. La gravité de sa faute devait être mesurée conformément à son appréciation de la situation. Il fallait tenir compte de son erreur et atténuer librement la mesure à prononcer.

Objectivement, la conduite sous mesure d'interdiction commise avec conscience et volonté constituait un cas grave. Il n'avait cependant pas agi avec la conscience et la volonté de violer l'interdiction prononcée contre lui. La nouvelle mesure à prononcer devait par conséquent être réduite à six, voire quatre mois.

Il convenait en outre d'imputer de l'interdiction une période allant du 15 juillet 2013 au 7 janvier 2014 durant laquelle il n'avait pas repris son véhicule, se conformant ainsi à l'injonction du SCV du 5 juillet 2013.

29) Le 10 avril 2014, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

30) Le 15 avril 2014, le SCV a persisté dans les termes de sa décision.

Un recours contre sa décision avait un effet suspensif. Aucune demande d'interdiction de circuler ne lui était parvenue. M. A______, assisté par un mandataire professionnel, n'ignorait pas les règles applicables à ce sujet.

31) Le 30 avril 2014, la juge déléguée a transmis à M. A______ les observations du SCV et lui a accordé un délai au 23 mai 2014 pour formuler toute requête complémentaire.

32) M. A______ n'ayant pas fait usage de cette possibilité, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité à la loi d'une interdiction de faire usage d'un permis de conduire français sur le territoire suisse et celui de la Principauté du Liechtenstein durant douze mois suite à une violation d'une précédente mesure d'interdiction de conduire.

3) a. À teneur de l'art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10) entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 9 décembre 1971, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur, qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation, le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international, dont il est titulaire.

b. En l'espèce, la convention susmentionnée est en vigueur en Suisse et en France. Le recourant est titulaire d'un permis de conduire français. Les faits qui lui sont reprochés ont été commis en Suisse. La mesure dirigée contre lui doit par conséquent être prononcée en vertu de la législation suisse sur la circulation routière.

4) Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

5) Depuis le 1er janvier 2005, les infractions à la LCR ont été réparties en fonction de leur gravité en trois catégories distinctes, assorties de mesures administratives minimales (ATA/479/2014 du 24 juin 2014 ; ATA/552/2012 du 21 août 2012).

a. Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée.

b. À teneur de l'art. 16b al. 1 let. a LCR, commet une infraction moyennement grave la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

c. Aux termes de l'art. 16c al. 1 let. f LCR, commet une infraction grave la personne qui conduit un véhicule automobile alors que le permis de conduire lui a été retiré.

d. En l'espèce, le recourant a conduit un véhicule automobile sur sol suisse alors qu'il était sous le coup d'une mesure d'interdiction de conduire, ce qui est constitutif d'une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. f LCR.

6) a. Aux termes de l'art. 16c al. 2 let. c LCR, le permis d'élève-conducteur ou le permis de conduire est retiré pour douze mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d'une infraction grave ou à deux reprises en raison d'infractions moyennement graves. Les circonstances concrètes doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis d'élève conducteur ou du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile (ATA/479/2014 précité).

b. L'usage d'un permis de conduire étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 - OAC - RS 741.51 ; ATA/591/2012 du 4 septembre 2012).

7) L'art. 16 al. 3 LCR prévoit que la durée minimale du retrait du permis de conduire ne peut être réduite. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral une telle règle s'impose aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte de besoins professionnels particuliers du conducteur (ATF 132 II 234 consid. 2 p. 235 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_585/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1). Si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale ne peut pas être réduite (ATF 135 II 334 consid. 2.2 p. 336 ; 132 II 234 consid. 2.3 p. 236 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_188/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.1 ; ATA/552/2012 précité).

8) a. Aux termes de l'art. 22 al. 1 LCR, les permis sont délivrés et retirés par l'autorité administrative. Cette compétence appartient au canton de stationnement pour les permis de circulation et au canton de domicile pour les permis de conduire. Cette règle vaut également en matière d'interdiction d'usage en Suisse d'un permis de conduire étranger (art. 45 al. 1 OAC). Lorsqu'un véhicule n'a pas de lieu de stationnement fixe en Suisse ou qu'un conducteur n'y est pas domicilié, la compétence se détermine d'après le lieu où ils se trouvent le plus fréquemment. Dans le doute, le canton compétent est celui qui s'est saisi le premier du cas (art. 22 al. 3 LCR).

b. Lorsqu'une personne, quel que soit son domicile, commet une infraction aux règles de la circulation routière en Suisse, les autorités suisses sont compétentes pour prononcer une mesure administrative avec effet en Suisse
(BL-GVE 2002/2003 365 = JdT 2005 I 465 ; Franz WERRO/Thomas PROBST [éd.], Journées du droit de la circulation routière, 2012, p. 59).

c. Les permis de conduire qui ont été délivrés par des autorités étrangères ne peuvent pas faire l'objet d'un retrait en Suisse. Mais le détenteur d'un permis étranger peut se voir refuser le droit d'en faire usage en Suisse (ATF 102 Ib 290 consid. 1 p. 292). Par ailleurs, lorsqu'une personne déplace son domicile au cours d'une procédure de retrait, la compétence de l'autorité saisie demeure (ATF 102 Ib 290 consid. 1 p. 292 ; Philippe WEISSENBERGER, Kommentar zum Strassenverkehrsgesetz, 2011, p. 144).

9) a. En l'espèce, le recourant ne conteste pas les faits. Il reconnaît avoir conduit sur le territoire suisse alors qu'il était sous le coup d'une décision d'interdiction de conduire prononcée le 19 juillet 2012 pour faute grave à la législation sur la circulation routière. Il a dès lors commis une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. f LCR sanctionné par un retrait du permis de conduire pour douze mois au moins. Détenteur d'un permis de conduire français, celui-ci ne peut pas lui être retiré. Néanmoins, son usage en Suisse peut lui être interdit. C'est par conséquent à bon droit que le service vaudois lui a signifié l'interdiction de faire usage de son permis français sur le territoire suisse le 19 juillet 2012 en remplacement du retrait du permis de conduire qui avait été prononcé le 27 avril 2012.

b. Le recourant, dans une argumentation quelque peu contradictoire, considère, d'une part, que l'interdiction prononcée par le service vaudois le 19 juillet 2012 était nulle, ayant été décidée par une autorité incompétente et, d'autre part, que cette mesure était « objectivement réelle ». Il conteste ainsi la validité de la mesure prononcée par les autorités vaudoises. Cependant, il omet d'indiquer que lors de l'infraction qu'il a commise le 24 avril 2011 dans le canton de Soleure, il conduisait une voiture immatriculée dans le canton de Vaud. En outre, il ressort du dossier de la procédure qu'il était toujours domicilié dans ce canton jusqu'au 20 juin 2011 et qu'il était titulaire d'un permis de conduire suisse jusqu'au 20 janvier 2012. Dans la mesure où les faits qui lui étaient reprochés avaient été commis sur le territoire suisse et qu'à cette époque le centre de ses intérêts se trouvait dans le canton de Vaud, le service vaudois était dès lors compétent pour prononcer l'interdiction, le déplacement subséquent de son domicile en France ne modifiant pas la compétence de cette autorité cantonale.

10) a. À teneur de l'art. 13 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP -RS 311.0), quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. L'erreur sur les faits est une erreur commise par un auteur qui réalise des éléments constitutifs de l'infraction mais dont l'intention ne s'étendrait pas à tous les éléments (ATA/634/2009 du 1er décembre 2009 ; ATA/19/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/561/2007 du 30 octobre 2007 ; ATA/473/2007 du 18 septembre 2007). L'appréciation erronée de la situation ne doit cependant pas être admise à la légère par le juge et il appartient à celui qui se prévaut de celle-ci de prouver les circonstances qu'il allègue (ATA/634/2009 précité).

b. Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable. Une erreur sur l'illicéité n'est pas encore réalisée lorsque l'auteur tient par erreur son comportement pour non punissable, mais seulement s'il ne sait pas et ne peut pas savoir qu'il se comporte de manière contraire au droit (ATF 138 IV 13 consid. 8.2 p. 27 = JdT 2012 IV 263 consid. 8.2 p. 276).

c. Le juge administratif ne peut s'éloigner du jugement pénal que s'il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne connaissait pas ou qu'il n'a pas pris en considération, s'il existe de preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si ce dernier n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1 ; ATA/210/2014 du 1er avril 2014 ; ATA/44/2010 du 26 janvier 2010).

d. En l'occurrence, le recourant soutient qu'il s'est mépris sur le moment auquel devait débuter l'exécution de la mesure du 19 juillet 2012 indiquant tour à tour les dates du 15 janvier 2013 dont, selon lui, il ignorait l'existence, du 15 février 2013, jour du retour de sa compagne de New York et du 28 février 2013 qu'il aurait par mégarde noté dans ses agendas. Au cours de son audition du 10 mai 2013 devant le Ministère public genevois, il s'est prévalu d'une erreur sur les faits, alors que, dans ses recours au TAPI et par-devant la chambre de céans, il se prévaut d'une erreur sur l'illicéité de son comportement. Néanmoins, il ressort du dossier que l'interdiction de circuler prononcée le 19 juillet 2012 en force lorsqu'il a été intercepté par les gardes-frontières lui avait été régulièrement notifiée par le biais de son mandataire et prenait effet dès le 15 janvier 2013.

S'agissant de l'erreur sur les faits, le recourant n'est pas parvenu à l'établir, le juge pénal qui l'a auditionné, ayant considéré ses affirmations comme de la désinvolture aux règles de la circulation routière. La chambre de céans ne s'écartera pas de l'appréciation du juge pénal du 10 mai 2013, aucune des hypothèses retenues par la jurisprudence précitée n'étant réalisée. Le recourant reconnaît du reste dans ses écritures que, depuis sa condamnation pénale, l'état de fait n'avait pas été modifié et que la qualification juridique demeurait identique.

Pour ce qui est de l'erreur sur l'illicéité de son comportement, auditionné par les garde-frontières le 4 février 2013, le recourant a déclaré se savoir être sous le coup d'une interdiction de circuler en Suisse. Son argument sur sa prétendue erreur sur l'illicéité de son comportement ne peut pas dès lors être suivi. En effet, en faisant usage de son permis de conduire français sur le territoire suisse, il savait que son comportement était punissable.

11) Enfin, le recourant requiert la prise en considération de la période du 15 juillet 2013 au 7 janvier 2014 durant laquelle il n'aurait pas fait usage de son permis de conduire français sur le territoire suisse, se soumettant ainsi à l'injonction du SCV du 5 juillet 2013. Néanmoins, il ne rend pas un tel fait vraisemblable ni n'établit par pièce qu'il aurait rendu son permis de conduire aux autorités françaises à l'intention du SCV qui a prononcé l'interdiction.

12) Au vu de l'ensemble des éléments du dossier, l'appréciation faite par le TAPI qui a confirmé la décision du SCV ne souffre aucune critique. Le recourant a circulé sur le territoire suisse sous le coup d'une interdiction valable de faire usage de son permis de conduire français. Dans ces circonstances, quels que soient ses besoins professionnels et familiaux de disposer d'un permis de conduire et indépendamment de son éventuelle erreur sur les faits, voire sur l'illicéité de son comportement, ses arguments ne peuvent pas être pris en considération. La durée de l'interdiction prononcée par le SCV de faire usage de son permis de conduire français sur le territoire suisse correspondant au minimum légal irréductible s'imposant aux tribunaux sans dérogation possible à teneur de l'art. 16 al. 3 LCR et de la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière, la mesure ne peut qu'être confirmée dans sa durée.

13) Ce qui précède conduit au rejet du recours.

Vu l'issue du litige, un émolument de procédure de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 avril 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Hervé Crausaz, avocat du recourant, au service cantonal des véhicules, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office fédéral des routes.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :