Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/987/2024 du 07.10.2024 ( OCPM ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 7 octobre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par DCS-SPAd, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Par courrier du 22 septembre 2022, le service de protection de l'adulte (ci-après : SPAd), au sein du département de la cohésion sociale du canton de Genève, a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d'une demande de permis humanitaire en faveur de Monsieur B______ (sic), né le ______ 1940.
À l'appui de cette demande, le SPAd a expliqué qu'une ordonnance rendue le 30 juillet 2019 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) avait institué en faveur du précité une curatelle de représentation afin d'établir sa véritable identité et afin qu'il bénéficie d'un statut en Suisse. Il disait être Espagnol, mais l'ambassade ne reconnaissait pas son identité d'après son nom et sa date de naissance. Cela faisait plusieurs années que le SPAd essayait d'organiser une prise d'empreintes, mais M. B______ n'était pas collaborant en raison des troubles psychiques d'ordre persécutoire dont il souffrait. Il s'agissait d'une personne âgée avec de gros problèmes de santé, notamment cardiaques. Son statut ne lui permettait pas d'accéder à des soins corrects ni à un lieu de vie adaptée. Cela faisait plusieurs années qu'il dormait au foyer C______. Tout son réseau était d'avis qu'il devrait entrer dans un établissement médico-social afin d'y recevoir une prise en charge adaptée à ses problèmes de santé.
2. Par courriel du 11 octobre 2022 adressé au SPAd, l'OCPM a requis différents renseignements, soulignant que l'intéressé devait justifier de son identité et que s'il se montrait récalcitrant à collaborer, cela pourrait lui être reproché, l'autorité étant ensuite tenue de prononcer un refus.
3. En réponse, par courrier du 20 décembre 2022, le SPAd a souligné que M. B______ était de moins en moins autonome en raison de son état de santé et qu'il séjournait actuellement dans un dispositif d'urgence. À l'appui de ce courrier, outre un formulaire M daté du 29 novembre 2022, le SPAd a produit :
une attestation du département de la cohésion sociale et de la solidarité de la Ville de Genève, daté du 28 novembre 2022, retraçant les séjours quasi continus qu'avait effectués M. B______ dans les structures d'hébergement d'urgence depuis novembre 2017, ainsi que deux séjours effectués de novembre 2015 à avril 2016, ainsi que de novembre 2016 à mars 2017 ;
un certificat médical établi par le département de médecine communautaire de premier recours et des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en date du 21 novembre 2022, décrivant M. B______ comme un patient de 82 ans connu, sur le plan cardiovasculaire, pour une sténose sévère de la valve aortique, ce qui limitait sa mobilité avec difficulté à respirer à l'effort avec risque de malaise et chute. Au vu de la sévérité de la sténose, il était préconisé un changement de la valve en raison d'un risque d'atteinte cardiaque avec plusieurs hospitalisations. Pour éviter une infection cardiaque, une telle intervention nécessitait une extraction dentaire en raison de caries dentaires complexes. Chez ce patient déjà atteint d'une malnutrition protéino-énergétique modérée, une prothèse dentaire serait nécessaire afin qu'il puisse s'alimenter correctement. Il était également connu pour une hypertension artérielle et fibrillation auriculaire, ce qui nécessitait un suivi régulier afin d'éviter des complications éventuelles comme un accident vasculaire cérébral. Il présentait une bronchopneumopathie chronique obstructive probable sur tabagisme active. Il souffrait également d'ostéoporose avec multiples fractures : fracture de la hanche droite en 2018, de la colonne vertébrale en 2019, de l'arc latéral de la 10e côte droite en 2022 et de la hanche gauche opérée en septembre 2022. Actuellement, il se mobilisait à l'aide d'un tricycle et présentait un risque imminent de refracture non négligeable, ce qui nécessitait un traitement spécifique. Il présentait des douleurs articulaires chroniques (dos, genou, hanche) en raison d'arthrose. Il présentait également une hernie ombilicale symptomatique irréductible avec une indication opératoire au vu du risque de complications comme l'étranglement herniaire pouvant entraîner une occlusion intestinale. Sur le plan psychiatrique, une évaluation datant de 2018 suspectait un trouble délirant persistant. Il présentait des troubles cognitifs nécessitant un bilan étiologique. En résumé, il s'agissait d'un patient en situation de santé fragile. Au cours de l'année 2022, il avait été hospitalisé à quatre reprises, dont deux fois pour une décompensation cardiaque, une fois pour une douleur dans un contexte de gonarthrose et une fois suite à une fracture de la hanche gauche.
4. Suite à un courriel de l'OCPM rappelant que l'identité et la nationalité de M. B______ restaient inconnus, le SPAd a répondu par courriel du 30 mai 2023 qu'il refusait toujours la prise d'empreintes et tout contact avec le consulat espagnol. Depuis son arrivée à Genève, il n'avait plus voyagé en Espagne. Il n'avait apparemment pas de réseau familial en Espagne.
5. Par courriel du 18 juillet 2023, le SPAd a informé l'OCPM que l'identité exacte de M. B______ (à savoir Monsieur A______, ressortissant espagnol né le ______ 1940) avait pu être établie par les autorités de son pays. L'intéressé n'était cependant pas disposé à se rendre au consulat pour établir de nouveaux documents d'identité.
6. Il ressort par ailleurs d'un courrier adressé au SPAd par le TPAE en date du 11 novembre 2023 que les autorités espagnoles ne disposaient à son sujet que d'un numéro DNI, mais pas d'autres éléments administratifs ni d'informations sur sa filiation ou des rentes éventuelles.
7. Par courrier du 10 novembre 2023, l'OCPM a informé le SPAd de son intention de refuser l'octroi d'une autorisation de séjour à M. A______, soulignant notamment que seules cinq années de séjour quasi continues avaient été démontrées.
8. Au nom de ce dernier, le SPAd a exercé son droit d'être entendu par courrier du 13 décembre 2023. Tout d'abord, il était arrivé en Suisse en 2001, ainsi qu'en attestait par acte du 11 décembre 2023 le service de médecine de premier recours des HUG. Selon ce document, M. A______ était connu de ce service depuis 2014, où il avait consulté pour la première fois en août. Toutefois, lors des différentes rencontres et entretien qui s'étaient déroulés avec lui, il avait toujours informé être à Genève depuis l'année 2001 dans une alternance de nuits dans la rue et dans des églises. Il était suivi par le service de manière ininterrompue depuis août 2014. Comme cela avait pu être constaté tout au long de ces années, il n'entretenait plus aucun lien avec l'Espagne.
Par ailleurs, M. A______ était actuellement hospitalisée auprès des HUG, ce qui était démontré par attestation du 5 décembre 2023, document qui mentionnait notamment qu'à sa sortie, il ne serait pas apte à voyager seul en raison de son état de dépendance.
Au vu de la fragilité de son état de santé, son hospitalisation était maintenue en attente d'un placement dans un EMS, seul lieu de vie adaptée à ses besoins. Les hébergements d'urgence ne pouvaient plus fournir un encadrement adéquat.
Vivant en Suisse depuis 2001, soit depuis plus de 20 ans, et n'ayant conservé aucune attache ni lien en Espagne, il était inimaginable qu'il y retourne. Enfin, on ne pouvait lui reprocher de n'avoir pas exercé de quelconque activité lucrative en Suisse, étant donné qu'il y était arrivé en ayant quasiment atteint l'âge de la retraite.
9. Par décision du 1er mars 2024, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour en faveur de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.
Les conditions d'admission sans activité lucrative d'un ressortissant européen n'étant pas réalisées, la situation du précité devait être examinée sous l'angle des dispositions légales relatives au cas individuel d'extrême gravité. Cependant, M. A______ n'en remplissait pas non plus les conditions. Si sa curatrice affirmait qu'il était en Suisse depuis 2001, aucun document ne le démontrait et cette affirmation ne reposait dès lors que sur les déclarations de l'intéressé. Les services d'hébergement de la Ville de Genève n'attestaient sa présence continue que depuis 2018. Quand bien même M. A______ aurait démontré sa présence en Suisse depuis 2001, il n'avait pas démontré qu'il était particulièrement intégré. De plus, bien qu'âgé et malade, rien n'empêchait son retour en Espagne, pays dont les structures médico-sociales étaient comparables à celles de la Suisse. Même si, en raison de sa dépendance, un retour en Espagne seul n'était pas recommandé, il n'avait pas été démontré que son rapatriement accompagné serait impossible. Enfin, bien qu'il indiquât ne plus avoir d'attaches en Espagne, il n'en avait pas non plus en Suisse et son souhait d'y rester relevait de la convenance personnelle.
10. Représenté par le SPAd, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) par acte du 15 avril 2024, concluant à l'annulation de cette décision.
Outre les faits mentionnés plus haut, il fallait ajouter que M. A______ avait été hospitalisé le 23 octobre 2023. Il avait pu sortir le 20 novembre suivant et avait dû être réadmis dès le lendemain, son état de santé n'étant pas compatible avec un accueil dans le dispositif d'urgence. Il avait été transféré à l'hôpital de ______ dès le 7 janvier 2024. Le 23 mars 2024, il avait dû être transféré aux urgences puis au service de cardiologie des HUG en raison d'une décompensation cardiaque globale. Il avait actuellement besoin d'une intervention pour remplacer la valve aortique par une prothèse biologique, selon rapport médical du 26 mars 2024 joint au dossier.
Etaient également jointes au recours une attestation du Service social de la Ville de Genève du 7 décembre 2023 et une attestation des HUG du 11 décembre 2023 indiquant que M. A______ était connu de ces institutions depuis 2014, la seconde de ces attestations précisant, d'une part, qu'il avait toujours indiqué être arrivé en Suisse en 2001 et, d'autre part, qu'il était suivi de manière ininterrompue depuis 2014.
11. Par acte du 8 mai 2024, le SPAd a complété le recours en produisant une attestation rédigée le 30 avril 2024 par Madame D______, infirmière en psychiatrie auprès du service de médecine de premier recours des HUG. Celle-ci indiquait qu'elle avait créé, plus de sept ans auparavant, une consultation dans les hébergements d'urgence pour personnes sans-abri. C'était à ce moment-là qu'elle avait rencontré M. B______ (sic). Il était déjà connu depuis de nombreuses années des lieux d'hébergement. Encore plus anciennement, il « vivait » à l'aéroport et était connu des maraudes hivernales. Elle avait pu établir avec lui une relation de confiance tout au long de ces années et avait pu également constater sa dégradation somatique et psychique en lien avec la vie dans la rue. Il présentait désormais de nombreuses difficultés pour se déplacer, même avec l'aide d'un rollator et ne pouvait monter des escaliers que très difficilement. En septembre 2023, lors d'un accompagnement à un rendez-vous médical, il avait mis plus de 45 minutes à atteindre l'arrêt de bus situé à 230 m. Lors de sa dernière visite rendue à M. B______ (sic) le 26 avril précédent, il avait mis 15 minutes pour se déplacer sur une dizaine de mètres. Depuis plusieurs années, il nécessitait aussi un accompagnement pour les soins d'hygiène. Hormis ces éléments d'autonomie, elle avait pu constater au fil des années la dégradation psychique du précité. Il présentait les premières années des signes d'un voyage pathologique, et ces dernières années certains troubles cognitifs, puisqu'il la prenait par exemple pour des membres de sa famille décédés depuis longtemps ou qu'il affirmait avoir des réunions avec les plus hautes instances politiques de la Catalogne. Par ailleurs, il avait développé au fil du temps un syndrome de précarité, de type auto-exclusion, qui ne lui permettait pas, par lui-même, de se mobiliser socialement ou de recourir à des prestations. Elle avait également pu constater des angoisses et une anxiété importante lorsque le projet d'un retour en Espagne était abordé avec lui. En effet, il n'avait plus aucun lien dans ce pays depuis de très nombreuses années, ni aucun parent.
12. Par écritures du 12 juin 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours en renvoyant en substance au motif de sa décision litigieuse. Il fallait notamment observer qu'aucune pièce du dossier ne permettait d'établir qu'une prise en charge ne pourrait être assurée en Espagne, pays disposant d'infrastructure médicales et sociales comparables à la Suisse. À cet égard, le SPAd pourrait prendre contact avec les autorités compétentes espagnoles afin d'organiser un transfert médicalisé du recourant dans son pays.
13. Par réplique du 8 juillet 2024, le SPAd, renvoyant au contenu de l'attestation de Mme D______, a relevé pour le surplus que M. A______ avait établi des rapports de confiance avec les professionnels qui l'avaient aidé à Genève et qu'il devait pouvoir continuer son existence dans le lieu où il avait créé des attaches lors des dernières 23 années de sa vie. Un retour en Espagne constituerait un choc important eu égard au caractère inimaginable d'un tel changement de vie pour lui.
14. Par courrier du 22 juillet 2024, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observation supplémentaire à formuler.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. La décision litigieuse retient que le recourant ne remplit pas les conditions d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Contestant cette conclusion, le recourant ne remet cependant pas en cause les constatations de la décision litigieuse selon lesquelles il ne remplit pas les conditions d'une autorisation de séjour au sens de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).
Seul sera donc examiné ci-après si c'est à raison que la décision litigieuse refuse au recourant l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.
4. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.
L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière, ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de sa réintégration dans l'État de provenance (let. g).
5. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).
6. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).
7. La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger a séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y est bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'a pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).
8. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).
Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).
9. S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).
10. Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).
Il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté de manière correcte, qu'il ait tissé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit ainsi pas pour qualifier son intégration socio-culturelle de remarquable (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).
L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).
11. On rappellera par ailleurs qu'aux termes de l'art. 8 CEDH, dont la teneur est à cet égard identique à l'art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale, chacun de ces deux domaines étant traité de manière spécifique par la jurisprudence.
12. S'agissant de la protection de la vie privée, selon la jurisprudence, la question de l'existence d'un droit à demeurer en Suisse au bénéfice d'une autorisation de séjour en raison d'un enracinement particulier dans le pays implique de se demander, dans chaque cas, si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale. Si tel est le cas, il convient de procéder à une pesée globale des intérêts en présence plaidant en faveur ou en défaveur d'une autorisation de séjourner en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1; ATF 130 II 281 consid. 3.2.1; ATF 126 II 377 consid. 2c; ATF 120 Ib 16 consid. 3b; cf. aussi ATF 138 I 246 consid. 3.2.1).
Un droit à une autorisation de séjour fondée sur ce droit fondamental dépend en règle générale de la durée pendant laquelle la personne requérante a déjà vécu en Suisse. Lorsqu'elle réside légalement dans le pays depuis plus de dix ans, il y a lieu de présumer que les liens sociaux qu'elle y a développés sont à ce point étroits qu'un refus de renouvellement d'autorisation de séjour, respectivement la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux (ATF 146 II 185 consid. 5.2 ; ATF 144 I 266 consid. 3). Cependant, la reconnaissance finale d'un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH peut s'imposer même sans séjour légal de dix ans en cas d'intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9; aussi arrêt 2C_666/2019 du 8 juin 2019 du consid. 4.2). Autrement dit, dans les situations où la personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un précédent séjour légal de dix ans en Suisse, la question d'un éventuel droit de séjour issu du droit au respect de la vie privée reste régie par la jurisprudence originelle impliquant de se demander si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale, avant de procéder à une pesée des intérêts en présence (cf. supra consid. 5.3.1).
Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé que la notion de "séjour légal" de dix ans, qui n'inclut évidemment pas les années passées en clandestinité dans le pays, ne comprend pas non plus le temps passé en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance (cf. notamment arrêts 2D_19/2019 du 20 mars 2020 consid. 1.3 et 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2).
Le Tribunal fédéral a ensuite posé le principe que la personne qui quitte le pays pour une longue période et qui voit pour cette raison son titre de séjour s'éteindre conformément à l'art. 61 al. 2 LEI, ne peut plus se prévaloir de la durée de son séjour légal en Suisse au sens de l'ATF 144 I 266 pour prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour fondé sur la protection de la vie privée garantie par l'art. 8 CEDH (ATF 149 I 66, consid. 4.8). Retenir le contraire et permettre de facto à toute personne étrangère ayant quitté la Suisse de se prévaloir d'un droit à récupérer un titre de séjour issu de la protection de la vie privée, au seul motif qu'elle a déjà séjourné plus dix ans dans le pays, viderait en effet l'art. 61 LEI de sa substance.
Dans l'ATF 149 I 72, le Tribunal fédéral a souligné que le droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans - tel qu'il découle de la garantie de la vie privée sous l'angle de l'ATF 144 I 266 - ne concerne que les cas de prolongation et de renouvellement d'autorisations de séjour, à l'exclusion des situations dans lesquelles de nouveaux titres de séjour en Suisse sont appelés à être délivrés. Cette dernière jurisprudence clarifie le fait qu'une personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH, tel que reconnu par l'ATF 144 I 266, lorsqu'elle a vécu sans autorisation en Suisse ou a refusé de quitter le pays malgré une décision de révocation ou de refus de renouvellement de son permis entrée en force (cf. arrêt précité consid. 2.1.3). Le Tribunal fédéral souligne toutefois l'importance de garder à l'esprit que, dans toutes les situations qui viennent d'être décrites, seule la présomption d'enracinement en Suisse posée par l'ATF 144 I 266 n'entre pas en ligne de compte. La jurisprudence ancienne, déduite du respect de la vie privée et reconnaissant un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour tiré de l'art. 8 CEDH en cas d'intégration particulièrement réussie en Suisse, reste en tous les cas applicable (cf. supra consid. 5.3.1 et 5.3.2). Il n'est ainsi pas exclu qu'une personne étrangère puisse invoquer son droit à la protection de sa vie privée garanti par l'art. 8 CEDH en vue d'obtenir une autorisation de séjour initiale ou un nouveau titre de séjour dans le pays après en avoir perdu un précédent, en alléguant notamment avoir vécu longtemps en Suisse (cf. d'ailleurs ATF 147 I 268 consid. 1 et 4 et arrêt 2D_19/2022 du 16 novembre 2022 consid. 1.2.3), ce même s'il est vrai que le respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH ne donne "en règle générale" pas droit à entrer ou à revenir dans le pays (cf. arrêt 2C_89/ 2022 du 3 mai 2022 consid. 2.2.3).
Enfin, dans l'ATF 149 I 207, le Tribunal fédéral a encore précisé que les auteurs de doctrine qui interprètent la jurisprudence fédérale en ce sens que, désormais, le droit à la protection de la vie privée garanti à l'art. 8 CEDH ne s'appliquerait qu'en cas de prolongation d'une autorisation de séjour et qu'il ne pourrait plus être invoqué en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour initiale ou d'un nouveau titre de séjour dans le pays, perdent ainsi de vue que l'objectif de l' ATF 144 I 266 n'était pas de fixer de manière exhaustive les conditions auxquelles une personne d'origine étrangère peut invoquer le droit au respect de la vie privée consacré à l'art. 8 CEDH pour obtenir le droit de vivre légalement en Suisse, mais de simplifier l'application de ce dernier et d'en renforcer la portée pratique en présence d'un séjour légal d'au moins dix ans. l n'en va pas autrement des arrêts postérieurs - dont les ATF 149 I 66 et ATF 149 I 72 - qui n'ont fait que clarifier ou "préciser" cette jurisprudence, en délimitant le champ d'application de la présomption d'enracinement en Suisse et du droit de demeurer dans le pays qu'elle reconnaît (ATF 149 I 207 consid. 5.3.5 p. 213 et réf. cit.). Et le Tribunal fédéral d'ajouter, dans ce même arrêt, qu'il serait d'ailleurs contraire à la pratique de la CourEDH de considérer que le droit à la protection de la vie privée au sens de l'art. 8 CEDH ne peut jamais être invoqué à l'appui d'une requête tendant à la délivrance d'une autorisation de séjour initiale ou d'un nouveau titre de séjour en Suisse, la jurisprudence de la CourEDH ayant précisément admis que le respect d'un tel droit pouvait dans certaines circonstances contraindre l'Etat à régulariser le statut de personnes étrangères séjournant illégalement dans le pays ou souffrant d'une situation juridique précaire (ATF 149 I 72 consid. 2.2.2, et les diverses références à la jurisprudence de la CourEDH).
13. En l'espèce, il convient tout d'abord de se pencher sur la durée de la présence du recourant en Suisse. L'autorité intimée conteste qu'il faille retenir que cette présence remonterait à 2001, relevant que cela ne découle que des allégations du recourant et que sa présence en Suisse n'est documentée qu'à travers les attestations des institutions qu'il a fréquentées à partir de 2018. Le tribunal relèvera tout d'abord que conformément aux attestations rédigées par la Ville de Genève le 7 décembre 2023 et par les HUG le 11 décembre 2023, le recourant est connu de ces institutions depuis 2014 et même suivi depuis lors de manière ininterrompue par la seconde des deux. En réalité, la présence du recourant en Suisse à partir d'une époque même antérieure à l'année 2014 apparaît documentée de manière suffisante à travers l'attestation établie le 30 avril 2024 par Mme D______, infirmière en psychiatrie auprès des HUG, qui a expliqué connaître le recourant depuis longtemps et a précisé qu'auparavant, il avait fréquenté pendant de nombreuses années les lieux d'hébergement (c'est-à-dire ceux desquels il était connu depuis 2014). A une époque encore antérieure, il « vivait » à l'aéroport et était connu des maraudes hivernales. Si cette dernière information ne permet pas clairement de faire remonter l'arrivée du recourant en Suisse à l'année 2001, il faut cependant relever que, contrairement aux allégations dont un administré se prévaut pour les besoins de sa cause, les explications données par le recourant au sujet de son arrivée en Suisse en 2001 sont antérieures de plusieurs années à sa demande d'octroi d'une autorisation de séjour, comme l'indique l'attestation des HUG du 11 décembre 2023. On ne voit pas pour quelle raison le recourant aurait menti à ce sujet, puisque durant de nombreuses années et jusqu'à ce que le SPAd le fasse à sa place, il ne s'est lui-même jamais préoccupé de demander à l'autorité intimée la régularisation de son séjour en Suisse.
14. Au vu de ces éléments, la décision litigieuse sous-estime considérablement la durée du séjour en Suisse du recourant, qui n'a pas commencé en 2018, mais en tout cas quelques années avant 2014, voire déjà en 2001. Ainsi, c'est une durée que l'on peut situer approximativement entre une douzaine et plus d'une vingtaine d'années qui s'est à présent écoulée depuis l'arrivée en Suisse du recourant. Sous l'angle de l'art. 8 § 1 CEDH et de la jurisprudence qui en découle, telle que rappelée plus haut dans sa teneur la plus récente, cette durée est amplement suffisante pour conférer au recourant la protection de sa vie privée contre une ingérence de l'Etat, étant cependant souligné qu'il convient encore d'examiner les conditions de son intégration sociale, respectivement les conséquences qu'un renvoi de Suisse pourrait avoir pour lui.
15. Sous l'angle de son intégration, la décision litigieuse retient, de manière conforme à la réalité objective, qu'elle ne peut être qualifiée de bonne et encore moins d'exceptionnelle, le recourant n'ayant vraisemblablement pas eu de parcours professionnel en Suisse, et n'y ayant apparemment pas non plus noué de liens affectifs ou sociaux particuliers – du moins à défaut d'en faire lui-même mention. Cela étant, la décision litigieuse omet d'apprécier ce manque d'intégration en prenant en considération la situation très particulière du recourant, dont le parcours de personne sans abri, très tôt prise en charge par des services d'urgence sociale, permet de soupçonner avec un certain degré de vraisemblance qu'il était depuis longtemps atteint de troubles psychiques, voire psychiatriques, comme l'indiquent d'ailleurs ses curateurs dans leur demande de permis de séjour, et comme en attestent les HUG en faisant allusion à un possible trouble délirant persistant. Ainsi, non seulement le défaut d'intégration que constate la décision litigieuse n'est pas dû au désintérêt du recourant pour son lieu de séjour ou à un quelconque manque d'engagement, mais plutôt à des problèmes personnels dont il est lui-même victime, mais en outre, ces mêmes problèmes l'auraient sans doute conduit à se marginaliser tôt ou tard dans son propre pays.
16. Enfin, la décision litigieuse retient qu'il n'existe aucun obstacle réel au retour du recourant en Espagne, pays dans lequel les structures médico-sociales sont comparables à celles de la Suisse. La décision litigieuse précise également que le recourant pourrait bénéficier d'un accompagnement pour le voyage qui le ramènerait en Espagne. Ce faisant, cette décision néglige complètement le fait que l'encadrement et l'assistance dont bénéficie le recourant en Suisse, de la part du SPAd (hormis les soins médicaux qu'il reçoit depuis longtemps de la part de différents établissements hospitaliers), n'ont cours qu'en Suisse, et que même en organisant un voyage accompagné jusqu'en Espagne, le SPAd n'aurait pas vocation à y poursuivre l'aide apportée jusqu'à présent au recourant. En d'autres termes, sitôt arrivé en Espagne, ce dernier serait laissé à lui-même. Dans ce cas, vu son âge très avancé et son état de santé actuellement très dégradé aussi bien sur le plan psychique et physique, vu également le syndrome d'auto-exclusion auquel a fait allusion l'infirmière en psychiatrie qui s'est occupée de lui durant plusieurs années, il est tout à fait clair que le recourant se retrouverait immédiatement dans une situation de détresse aigüe. Seule une prise en charge rapide par les services sociaux et médicaux espagnols pourrait l'en sauver. Cependant, étant donné que le dossier ne fait pas apparaître la moindre coordination avec les structures médico-sociales espagnoles, une telle prise en charge n'apparaît pas davantage vraisemblable que celle d'un total abandon du recourant et d'une dégradation rapide et grave de son état, susceptible de le conduire à une situation de souffrance puis à la mort, compte tenu en particulier des nombreuses décompensations cardiaques dont il a été victime ces dernières années.
17. Compte tenu de l'incapacité du recourant à se prendre lui-même en charge, la décision litigieuse devait, contrairement à ce qui est usuellement le cas dans les renvois de personnes vers leur pays d'origine, établir non pas simplement qu'il existe en Espagne des structures offrant un encadrement et des soins suffisants, mais le fait que le recourant en bénéficierait concrètement dès son arrivée dans ce pays, sans que cela dépende de démarches qu'il devrait lui-même accomplir. Faute d'avoir apporté cette démonstration, la décision litigieuse tient insuffisamment compte de la réalité du dossier et retient une solution qui risque fortement d'exposer le recourant à une situation de grave détresse.
18. Dans cette mesure, le recours sera admis et la décision annulée, le dossier étant renvoyé à l'autorité intimée afin qu'elle préavise favorablement auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.
19. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni alloué d'indemnité de procédure étant donné que le recourant est assisté par un service de l'Etat (art. 87 al. 2 LPA).
20. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 15 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 1er mars 2024 ;
2. l'admet ;
3. annule la décision l'office cantonal de la population et des migrations du 1er mars 2024 ;
4. renvoie le dossier à l'autorité intimée afin qu'elle préavise favorablement auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité ;
5. renonce à percevoir un émolument ;
6. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
7. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |