Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1602/2024

JTAPI/778/2024 du 15.08.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;RECONSIDÉRATION;AUTORISATION DE SÉJOUR;ATTEINTE À LA SANTÉ;MODIFICATION DES CIRCONSTANCES
Normes : LPA.48.al1.letb; LPA.80.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1602/2024

JTAPI/778/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 août 2024

 

dans la cause

Monsieur A______, représenté par Me Michel CELI VEGAS, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1966, est ressortissant de Colombie.

2.             Le 12 décembre 2017, par le biais de son mandataire, il a adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjours en sa faveur. Subsidiairement, il a requis son admission provisoire, son renvoi n’étant pas possible, ni exigible.

En novembre 2017, souffrant de douleurs à la jambe, il s'était rendu aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Un lymphome « B non Hogkinien » lui avait été alors été diagnostiqué et une neurochirurgie décompressive avait dû être effectuée en urgence, suivie d'un premier cycle de chimiothérapie. Depuis lors, il nécessitait des contrôles réguliers. Il était indispensable que le traitement puisse être entrepris rapidement au vu du « potentiel évolutif » de sa maladie. En effet, sans traitement, la progression de la tumeur pouvait entraîner la perte totale de la motricité et de la sensibilité de ses jambes et aboutir à son décès. En revanche, avec un traitement adéquat et rapide, une rémission et guérison complètes étaient possibles, sans séquelles.

A l’appui de sa requête, il a joint un formulaire M et un rapport médical établi par les HUG le 24 novembre 2017.

3.             Par la suite, à la demande de l’OCPM, M. A______ lui a fourni plusieurs rapports médicaux.

4.             Le 12 mai 2022, le médecin conseil de l’ambassade de Suisse en Colombie a confirmé à l’OCPM, en substance, que les traitements médicamenteux de M. A______ (Zolpidem, Tramadol, Mydocalm, Paracetamol et Lisitril) étaient disponibles en Colombie et qu’ils pouvaient, en principe, être pris en charge par les assurances-maladies de ce pays.

5.             Par courrier du 23 mai 2022, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au Secrétariat d'Etat aux Migrations (ci-après : SEM) et de prononcer son renvoi de Suisse, dont l'exécution apparaissait raisonnablement exigible. Un délai de trente jours lui était octroyé pour faire valoir son droit d’être entendu.

6.             Par courrier du 23 juin 2022, sous la plume de son mandataire, M. A______ a indiqué à l'OCPM qu’il nécessitait toujours un suivi en oncologie et ce jusqu'en avril 2023. Ce suivi était nécessaire et très important, car des risques de rechute existaient et devaient être anticipés. En cas de détérioration de sa santé, il devait pouvoir être pris en charge très rapidement. Il était donc important qu'il puisse être suivi par les médecins qui s’étaient occupés de lui depuis le début et qui connaissaient parfaitement sa situation médicale.

Il souffrait par ailleurs d'une lombalgie qui lui causait d'importantes souffrances, lesquelles étaient actuellement soulagées grâce aux traitements médicamenteux et physiothérapeutiques, ce qui lui permettait aujourd'hui d'être apte à effectuer un travail n’étant pas trop exigeant sur le plan physique.

Concernant son intégration à Genève, il avait fait de grands progrès dans l'apprentissage du français et il allait passer un test de français. Il avait par ailleurs trouvé un emploi comme accompagnant d'une personne atteinte de la maladie de parkinson avec laquelle il entretenait une très bonne relation.

7.             Par décision du 22 juillet 2022, l'OCPM a refusé d'accéder à la requête de M. A______ et prononcé son renvoi. Un délai au 15 octobre 2022 lui était imparti pour quitter la Suisse et rejoindre le pays dont il possédait la nationalité ou tout autre pays où il était légalement admissible.

8.             Par jugement du 12 décembre 2022 (JTAPI/1364/2022), le tribunal a rejeté le recours interjeté le 13 septembre 2022 par M. A______ à l’encontre de cette décision.

Arrivé pour la première fois en Suisse en avril 2015, le recourant y séjournait depuis lors sans autorisation et ne pouvait ainsi déduire des droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi, de sorte que la durée de son séjour doit être relativisée. Son intégration socioculturelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle et il ne pouvait se prévaloir d’une quelconque intégration professionnelle, étant rappelé qu’il bénéficiait depuis le 1er janvier 2018 d’une aide financière de l’Hospice général. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que sa réintégration en Colombie, où il avait vécu la majeure partie de sa vie, serait fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement.

S’agissant de son état de santé, il n'était pas contesté qu’il était atteint d’un lymphome, nécessitant un traitement jusqu’en avril 2023, et qu’il souffrait par ailleurs, notamment, de « cephalees persistantes », de « lombosciatalgies-gonalgies » et du syndrome du « tunnel carpien ». Il n'était cependant pas établi que les médicaments dont il avait besoin et qui, à teneur des rapport médicaux produits, permettraient une guérison sans séquelles, seraient indisponibles dans son pays d'origine. Au contraire, le médecin conseil de l'ambassade de Suisse en Colombie avait confirmé leur disponibilité dans ce pays, lequel disposait d’un système de sécurité sociale et de services sociaux complémentaires (Servicios Sociales Complementarios) fournis aux personnes économiquement vulnérables (cf. notamment https://www.cleiss.fr/docs/regimes/regime_colombie.html).

9.             Par courrier du 2 août 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a déposé auprès de l’OCPM une nouvelle demande d’autorisation de séjour. A défaut, de l’admission d’une telle demande, il l’invitait à proposer son admission provisoire au SEM et à constater le caractère impossible et inexigible de son renvoi.

Les 4 et 17 janvier 2023, lors de consultations avec la Dre B______, une lésion rénale, avec risque de progression tumorale, lui avait été découverte fortuitement. Le 20 juin 2023, il avait subi une néphrectomie totale droite, soit l'ablation totale de son rein droit. Le 23 juin 2023, le Dr C______, du département de chirurgie des HUG, avait rendu un rapport estimant que le suivi post-opératoire dépendrait de la pathologie. Plusieurs rendez-vous médicaux étaient prévus, dont un scanner de l'abdomen le 20 décembre 2023 à 9h50 et des contrôles par le service d'urologie les 20 décembre 2023, 4 et 10 janvier 2024. Ces contrôles étaient absolument nécessaires afin d'assurer sa survie et, en raison de ses problèmes de santé, il ne pouvait pas se rendre dans son pays d'origine.

Sa situation socio-professionnelle restait inchangée.

Il a joint le formulaire M dûment rempli et signé ainsi que divers rapports médicaux et convocations en lien avec ses problèmes de santé.

10.         Par courrier du 18 août 2023, l’OCPM a accusé réception de cette demande qu’il a considérée comme une demande de reconsidération de sa décision du 22 juillet 2022. Cela étant, une telle demande ne déployait ni interruption de délai ni effet suspensif et il lui appartenait dès lors de se conformer à la décision de renvoi et d’attendre la décision concernant sa demande de reconsidération en Colombie. Un visa n’étant pas nécessaire pour les séjours d’une durée de 90 jours maximum, il pourrait se rendre à ses rendez-vous médicaux. Il l’invitait dès lors à lui adresser sans délai une copie de son billet d’avion pour la Colombie, lui précisant que, sans nouvelles, il pourrait mandater les services de police en vue de l’exécution de son renvoi.

11.         Par courrier du 19 mars 2024, sous la plume de son conseil, M. A______, après avoir rappelé qu’il vivait en Suisse depuis 9 ans, a encore fait valoir qu’il travaillait actuellement en tant qu'assistant personnel chargé des prestations d'assistance pour un revenu mensuel moyen dépassant CHF 1'000.-. Son intégration en Suisse était remarquable. Il rencontrait toutefois des problèmes de santé, souffrant de cancer, toujours en cours de traitement, depuis de nombreuses années. Il avait de plus subi une néphrectomie totale droite le 20 juin 2023 qui l’avait affaibli, raison pour laquelle il devait travailler à temps partiel. Il invoquait notamment les art. 29 et 83 al. 4 LEI.

Il a joint un chargé de pièces, la plupart antérieures à 2022, dont son contrat de travail du 8 juillet 2022 et un rapport médical du SEM du 8 février 2023 indiquant en substance que le pronostic était bon (concernant sa lésion rénale) avec traitement, avec faible risque de récidive (si pathologie confirme une tumeur maligne).

12.         Par décision du 3 avril 2024, exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de M. A______.

Pour rappel, le 22 juillet 2022, l’intéressé avait fait l’objet d'une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour et de renvoi. Suite à l’entrée en force de cette décision, un nouveau délai de départ au 25 août 2023 lui avait été imparti pour quitter la Suisse et l'espace Schengen. A l’appui de sa demande de reconsidération, M. A______ indiquait remplir les conditions d’une autorisation de séjour en application des art. 30 al. let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) en raison de ses années de séjour en Suisse, de sa bonne intégration socio-professionnelle et sociale et de son état de santé. Or, tous ces éléments avaient déjà été allégués par le passé et pris en compte. Le seul élément nouveau était la découverte fortuite d’une lésion sur le rein droit pour laquelle il apparaissait toutefois qu'il avait reçu le traitement nécessaire (ablation du rein) en juin 2023. En l’absence de fait nouveau et important au sens de l'art. 80 let. a et b LPA et de modification notable de sa situation depuis l’entrée en force de sa décision du 22 juillet 2022, force était de constater que les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA n’étaient pas remplies. L’exécution du renvoi apparaissait enfin possible, licite et exigible.

13.         Par acte du 7 mai 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès du tribunal contre cette décision, concluant principalement à son annulation et, cela fait, à ce qu’il soit autorisé à disposer d’une autorisation de séjour sur le territoire suisse en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, soit, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvel examen de son dossier, le tout sous suite de frais et dépens. Préalablement, il a requis son audition ainsi que la restitution de l'effet suspensif au recours.

La décision de l’OCPM violait les art. 47 LEI et 80 LPA et était arbitraire. Ce dernier admettait l’élément nouveau de la découverte fortuite d’une lésion au rein mais estimait que le traitement nécessaire avait été effectué et que les circonstances ne s’étaient ainsi pas modifiées de manière notable. Or, l’ablation du rein en juin 2023 le contraignait désormais à des traitements de suivi au service d’urologie, avec notamment un rendez-vous prévu le 4 juillet 2024.

Il rappelait pour le surplus qu’il remplissait toutes les conditions du cas de rigueur.

14.         Dans ses observations du 22 mai 2024, l’OCPM s’est opposé à l’octroi de mesures provisionnelles. Le recourant faisait l'objet d'une décision de refus d'octroi d'autorisation de séjour et de renvoi entrée en force. L’autoriser à résider en Suisse jusqu’à droit jugé sur sa demande de reconsidération reviendrait à lui accorder une autorisation de séjour correspondant à ce qui était demandé sur le fond et à consacrer la politique du fait accompli.

Au fond, il a conclu au rejet du recours. Le recourant ne remplissait pas les conditions présidant à une entrée en matière sur reconsidération, faute de démontrer l’existence de faits importants nouveaux.

Il a transmis son dossier.

15.         Le 3 juin 2024, le recourant a répliqué sur effet suspensif persistant dans ses arguments et conclusions.

La demande d’effet suspensif répondait à des raisons humanitaires et médicales impérieuses.

Il a joint deux convocations du 4 juillet 2024 aux HUG, l’une pour un examen de radiologie EOS colonne totale et l’autre pour une consultation de la colonne vertébrale ainsi qu’un avis de sortie et une feuille de transmission du 23 mai 2024 suite à une « réhabilitation après X-ALIF [arthrodèse intervertébrale lombaire antérieure] L5-S1 », des certificats médicaux et plusieurs prescriptions de physiothérapie du Dr D______.

16.         Par décision du 5 juin 2024 (DITAI/340/2024), le tribunal a admis la demande de mesures provisionnelles tendant à la restitution de l’effet suspensif au recours formée par M. A______.

17.         Par réplique du 14 juin 2024, le recourant a réitéré que son état de santé s’était péjoré depuis la décision de l’OCPM du 22 juillet 2022 confirmée par JTAPI/1364/2022 du 12 décembre 2022.

18.         Invité à dupliquer, l’OCPM, par courrier du 3 juillet 2024, a indiqué n’avoir pas d’observations complémentaires à faire valoir.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Préalablement, le recourant sollicite son audition.

4.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) - qui n’a pas de portée différente dans ce contexte - le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 et les références citées).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; ATA/158/2016 du 23 février 2016 consid. 2a et les références citées).

Par ailleurs, il ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; ATA/1057/2018 du 9 octobre 2018 consid. 2a et les références citées).

5.             En l'espèce, le tribunal dispose de tous les éléments pertinents pour se déterminer sur l'issue du litige. En effet, les parties ont eu l’occasion de se déterminer par le biais des écritures usuelles accompagnées de pièces, auxquelles sont venus s’ajouter plusieurs échanges d’écritures et la production de documents complémentaires. Par conséquent, il n'y a pas lieu de donner suite à la conclusion du recourant tendant à sa comparution personnelle, cet acte d'instruction, en soi non obligatoire, ne s'avérant pas nécessaires pour trancher le litige.

Sa demande d’audition sera par conséquent rejetée.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

7.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             Le recourant conteste le refus de l’OCPM d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération de sa décision du 22 juillet 2022, faisant valoir que son état de santé s’est péjoré depuis le prononcé de cette dernière, confirmée par JTAPI/1364/2022 du 12 décembre 2022. Il requiert l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, dont il estime remplir les conditions.

10.         L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

11.         En l’occurrence, il convient d’emblée de rappeler que la décision querellée a pour seul objet le refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formulée par le recourant le 2 août 2023. L’examen du tribunal ne portera donc que sur cette question.

12.         Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

13.         Aux termes de l'art. 80 LPA, auquel renvoie l’art. 48 al. 1 let. a LPA, il y a lieu à révision d'une décision judiciaire lorsqu’il apparaît, dans une affaire réglée par une décision définitive, que la décision a été influencée par un crime ou un délit établi par une procédure pénale ou d'une autre manière (let. a), ou qu’il existe des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

14.         L'art. 80 let. b LPA, vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n’avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/774/2012 du 13 novembre 2012 consid. 4). Sont nouveaux au sens de cette disposition légale les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5). Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit l’autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/1335/2015 du 15 décembre 2015 consid. 3c ; ATA/866/2015 du 25 août 2015 consid. 6b ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c).

15.         Quant à l’art. 48 al. 1 let. b LPA, il faut que la situation du destinataire de la décision se soit notablement modifiée depuis la première décision. Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a).

L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). De plus, la charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande, ce qui implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

16.         Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3d). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (cf. ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (cf. Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429 p. 493).

17.         Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

18.         En l’espèce, par décision du 3 avril 2024, l’OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 22 juillet 2022 par laquelle il refusait la demande d’octroi d’une autorisation de séjour déposée le 12 décembre 2017 par le recourant - et par conséquent de soumettre le dossier avec un préavis favorable au SEM - et prononçait son renvoi de Suisse. Il convient dès lors d'examiner si les motifs invoqués par le recourant dans le cadre de la présente procédure sont de nature à justifier qu'il soit entré en matière sur sa demande de reconsidération.

Le recourant se prévaut d’une péjoration de son état de santé, expliquant avoir subi, le 20 juin 2023, l'ablation totale de son rein droit suite à la découverte fortuite, en janvier 2023, d’une lésion rénale, avec risque de progression tumorale. Depuis lors, plusieurs rendez-vous médicaux avaient eu lieu et étaient prévus, l’ablation du rein le contraignant à des traitements de suivi au service d’urologie, avec notamment un rendez-vous agendé le 4 juillet 2024.

En l’occurrence, si l’affection physique du recourant, son traitement et le suivi nécessité par l’ablation de son rein droit en juin 2023 peuvent effectivement être qualifiés de faits nouveaux « nouveaux », ils ne sauraient être qualifiés de changement notable des circonstances rendant la reconsidération obligatoire.

En effet, à teneur des documents médicaux produits par le recourant, le pronostic est bon (concernant sa lésion rénale) avec traitement, avec faible risque de récidive (si pathologie confirme une tumeur maligne) (rapport médical du SEM du 8 février 2023). Dans son rapport du 23 juin 2023, le Dr C______ a précisé que le suivi post-opératoire dépendrait de la pathologie et, depuis lors, un scanner de l'abdomen a eu lieu le 20 décembre 2023 ainsi que des contrôles par le service d'urologie, les 20 décembre 2023, 4, 10 janvier 2024, sans que la nécessité d’un suivi complémentaire au-delà de cette date n’ait été démontrée. Les documents médicaux de 2024 transmis par le recourant se réfèrent à ses problèmes lombaires (prise en charge et rendez-vous en orthopédie), connus et pris en compte par l’OCPM, puis le tribunal, dans leurs décision et jugement rendus en 2022.

Au vu de ce qui précède, en l’absence de fait nouveau et important et de modification notable des circonstances justifiant qu'il soit entré en matière sur la demande du recourant, c'est dès lors à juste titre que l'OCPM a considéré, dans la décision attaquée, que les conditions d'entrée en matière sur celle-ci n'étaient pas remplies.

A toutes fins utiles, ce raisonnement vaut mutatis mutandis s’agissant de l’exigibilité du renvoi du recourant, ce dernier n’invoquant pas de motifs de révision ni de changement notable de sa situation qui feraient obstacles audit renvoi, respectivement qui seraient de nature à modifier l’appréciation juridique du dossier à laquelle ont procédé l’OCPM puis le tribunal en 2022. Au demeurant, le recourant n’allègue pas, ni a fortiori ne démontre, que le suivi en urologie, si tant est qu’il soit toujours d’actualité, ne serait pas possible en Colombie.

19.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté et la décision confirmée.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-. Il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

21.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 3 avril 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier