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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2728/2016

ATA/291/2017 du 14.03.2017 sur JTAPI/34/2017 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2728/2016-PE ATA/291/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Agrippino Renda, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 janvier 2017 (JTAPI/34/2017)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______, est un ressortissant algérien.

2. Il a bénéficié en 2002 d’une autorisation de séjour à Genève à la suite de son mariage avec une Suissesse. Il a été mis au bénéfice d’une autorisation d’établissement en 2007. Il a divorcé en 2008.

3. Le 11 septembre 2013, le département de la sécurité, de l’emploi et de l’économie (ci-après : le département) a révoqué son autorisation d’établissement et prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision était consécutive à une condamnation à 3 ans d’emprisonnement pour lésions corporelles graves intentionnelle et plusieurs autres condamnations à de courtes peines. Tout risque de récidive n’était pas à écarter en raison de son mode de vie et de ses addictions. Son renvoi en Algérie était possible. Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 25 mars 2014 (cause A/3288/2013) puis par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 28 juillet 2015 (ATA/764/2015). Le Tribunal fédéral, par arrêt du 24 septembre 2015, a rejeté le recours de l’intéressée (arrêt 2C_825/2015).

4. Le 25 novembre 2015, M. A______ a adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de reconsidération de la décision de révocation de son permis du 11 septembre 2013. Il s’est prévalu d’un contrat de travail de durée indéterminée qu’il avait conclu en tant qu’aide jardinier avec une association le 26 octobre 2015. Selon un certificat de travail de son employeur du 23 novembre 2015, il donnait satisfaction. En rapport avec son état de santé, il poursuivait un suivi thérapeutique pour ses addictions.

5. Le 14 juin 2016, le département, auquel l’OCPM a transmis la demande de reconsidération pour raison de compétence, a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération et a fixé à M. A______ un délai de départ pour quitter la Suisse.

6. Le 25 juillet 2016, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour lésions corporelles simples à nonante jours de peine privative de liberté. Cette décision est devenue définitive. Les faits s’inscrivaient dans le cadre d’une transaction d’achat d’une boulette de cocaïne.

7. Le 18 août 2016, M. A______ a interjeté un recours auprès du TAPI contre la décision du département du 14 juin 2016 en concluant à son annulation. La décision méconnaissait son intégration professionnelle réussie et son parcours personnel exemplaire depuis le 19 janvier 2012. Un retour dans son pays mettrait sa vie en péril en raison des soins que son état de santé nécessitait.

8. Le conseil de l’intéressé a annoncé qu’il transmettrait des pièces à l’appui du recours et il a obtenu plusieurs délais successifs pour leur production. Il n’a jamais transmis cette documentation, exposant qu’il n’arrivait pas à avoir de contacts avec son mandant.

9. Le 12 janvier 2017, le TAPI a rejeté le recours. Les conditions d’une reconsidération obligatoire n’étaient pas réalisées. En particulier, les circonstances ne s’étaient pas, au sens de la jurisprudence, modifiées de manière importante. Les pièces produites ne l’établissaient pas. En particulier, la nouvelle condamnation de l’intéressé à une peine privative de liberté n’allait pas dans le sens favorable qu’il prétendait.

10. Le 21 février 2017, M. A______ a interjeté un recours auprès la chambre administrative de la Cour de justice contre le jugement du TAPI du 12 janvier 2017 reçu le 26 janvier 2017, en concluant à son annulation. Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, les éléments qu’il avait exposés en rapport avec sa nouvelle situation professionnelle et les effets positifs du suivi thérapeutique dont il bénéficiait, constituaient des circonstances nouvelles et durables, qui auraient dû conduire le département à entrer en matière sur sa demande de reconsidération, si l’on tenait compte des énormes difficultés qui avaient été les siennes durant les premières années de son séjour en Suisse. La nouvelle condamnation dont il avait fait l’objet, qui était lié à une rechute ponctuelle, n’empêchait pas de retenir que les conditions d’une reconsidération obligatoire étaient réalisées. En outre, son renvoi en Algérie était impossible en raison de ses problèmes de santé, notamment de l’épilepsie dont il souffrait et de la prise en charge psychothérapeutique qui avait été mise en place. Un retour en Algérie mettrait en péril sa vie car il ne pourrait plus bénéficier des soins adéquats. La Suisse était son pays d’attache et il n’avait plus aucun lien avec son pays d’origine, ce qui était un élément à prendre en considération.

À l’appui de son recours, M. A______ n’a fourni aucune pièce.

Dans des conclusions préalables, il demandait un délai pour compléter son recours et fournir toutes autres pièces utiles et compléter ses conclusions.

11. Le 28 février 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

12. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente pour connaître des recours contre les jugements du TAPI, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 -
LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, le recours doit comprendre des conclusions. De jurisprudence constante, il n’est pas possible à un recourant de prendre des conclusions nouvelles, sortant du cadre de celles prises dans le délai de recours. Les conclusions préalables prises par le recourant tendant à être autorisé à compléter ses conclusions sont irrecevables.

3. Le recourant conclut également à pouvoir compléter son recours et produire de nouvelles pièces. À teneur de l’art. 65 al. 2 LPA, le recours doit être motivé et les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes à celui-ci. Si tel n’est pas le cas, le juge doit donner un bref délai au recourant pour le faire.

En l’espèce, le recourant n’a produit aucune pièce devant le TAPI et n’en a pas jointes à son recours. Il ne l’a pas non plus annoncé dans son offre de preuves. Le recours a pour objet initial une demande de reconsidération de la décision du département qui doit être examiné sous l’angle des conditions de l’art. 48 LPA. Il s’agit d’une procédure particulière permettant la remise en question d’une décision déjà en force sur laquelle l’administration n’a l’obligation d’entrer en matière qu’à des conditions restrictives, soit lorsqu’il existe un motif de révision au sens de l’art. 80 al. 1 let. a ou let. b LPA (art. 48 al. 1 let. a LPA) ou si les conditions se sont modifiées de manière notable depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). ). En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417). Une demande de reconsidération ne doit pas en effet permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1417).

4. La charge de la preuve relative à l’existence d’une situation de réexamen obligatoire d’une décision en force incombe à celui qui en fait la demande. Cela implique qu’il produise d’emblée devant l’autorité qu’il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu’il allègue. La question de savoir s’il est en droit d’en produire seulement au stade de son recours contre la décision de refus peut être laissée ouverte, dans la mesure où il n’en a produits ni devant le TAPI ni devant la chambre de céans. Quant à sa demande d’être autorisé à en produire après l’échéance du délai de recours, la chambre n’y donnera pas suite, d’autant plus qu’elles ne sont même pas annoncées, compte tenu des questions juridiques qui sont à résoudre dans le cadre d’un recours contre un refus de reconsidération. La cause sera jugée sur la base du dossier existant.

5. Ainsi que déjà rappelé, l’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n’est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l’influence d’un crime ou d’un délit (art. 80. al. 1 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80. al. 1 let. b LPA). En l’espèce, aucune de ces deux conditions n’est réalisée. Le recourant n’allègue aucun élément existant à l’époque de la décision du département du 11 septembre 2013, qui aurait faussé la perception que l’autorité décisionnaire avait de la situation lorsqu’elle a décidé, ou dont elle n’aurait pas pu prendre en considération par méconnaissance de moyens de preuve qui pourtant existaient. Quant au dossier soumis à la chambre de céans, il ne recèle aucun élément permettant de conclure que l’une ou l’autre de ces situations soient réalisées.

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s’est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/36/2014 du 21 janvier 2014 consid. 2 ; ATA/811/2013 du 10 décembre 2013). Un changement de législation peut fonder le réexamen d'une décision, à condition que l'état de fait déterminant se soit essentiellement modifié après le changement législatif (ATF 136 II 177 consid. 2.2.1).

En l’espèce, les éléments nouveaux allégués par le recourant, soit une activité professionnelle récente au sein d’une association ou une mauvaise situation de santé non étayée par des certificats médicaux actualisés, alors que les maux dont il se prévaut impliquent une prise en charge dans la durée, n’entrainent pas l’admission d’une modification notable de sa situation par le département.

6. Les conditions exigées par l’art. 48 al. 1 LPA n’étant pas réalisées, c’est à juste titre que le TAPI a rejeté le recours de M. A______. La chambre administrative en fera de même, sans qu’il y ait besoin d’ouvrir une instruction, le recours étant manifestement mal fondé (art. 72 LPA).

7. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 janvier 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Agrippino Renda, avocat du recourant, au département de la sécurité et de l'économie, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.