Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3811/2024

ATA/878/2025 du 19.08.2025 ( PATIEN ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : SANTÉ;PROFESSION SANITAIRE;AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;PLAINTE À L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;MOTIVATION DE LA DÉCISION;DROIT DU PATIENT
Normes : LComPS.1; LComPS.10; LComPS.14; LS.42; LPMéd.2.al1.letd; LPMéd.40; LPTh.24.al1.leta; OMéd.41; RPTh.2; RPTh.21; RPTh.16.al2
Résumé : Annulation d’une décision de classement immédiat d’une plainte considérée comme manifestement mal fondée, par le bureau de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. La patiente reproche à son pharmacien une violation de son droit d’information et une absence de diligence dans l’aide qu’elle aurait dû recevoir en cas d’indisponibilité d’un médicament. La commission ayant motivé sa décision pour deux motifs dont le premier ne répond pas à la plainte de la patiente. Pour le second motif, la commission estime qu’on ne peut attendre d’une pharmacie qu’elle mette en place un système garantissant de fournir le médicament indisponible au patient qui s’était présenté en premier. Au vu de cette motivation et des devoirs de diligence du pharmacien qui découlent des dispositions légales applicables à la remise contrôlée de médicament, en l’occurrence de catégorie A (soumise à ordonnance non renouvelable sans l’autorisation expresse du médecin), ainsi que des règles de bonnes pratiques en la matière, il appert que la conclusion du bureau, telle qu’elle est formulée, semble peu compatible avec ces devoirs de diligence. Renvoi de la cause à la commission pour nouvelle décision au sens de l’art. 10 LComPS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3811/2024-PATIEN ATA/878/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTé ET DES DROITS DES PATIENTS intimée

_________



EN FAIT

A. a. Le 10 juillet 2024, A______ a adressé une réclamation auprès du service de la pharmacienne cantonale pour non-délivrance d’une prescription médicale par la pharmacie populaire B______(ci-après : la pharmacie) en avril-mai 2024.

b. Elle a transmis sa plainte le 15 juillet 2024 au président de la commission des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission).

Depuis plusieurs années, elle s’approvisionnait auprès de cette pharmacie pour la délivrance des médicaments qui lui étaient prescrits, dont le C______, depuis l’été 2023, sous différents conditionnements. En avril 2024, après avoir commandé le médicament manquant, le pharmacien ne lui avait délivré qu’une seule boîte de C______ en 50 mg malgré une prescription de trois mois totalisant trois boîtes de 50 mg et trois boîtes de 20 mg du même produit. Après plusieurs déplacements infructueux à la pharmacie et une réclamation téléphonique, elle avait reçu les deux boîtes de 50 mg manquantes mais s’était rendu compte en arrivant à domicile que les boîtes de 20 mg manquaient. Elle avait téléphoné au pharmacien, qui lui avait dit de passer voir si le médicament était de retour dans le stock sans lui proposer de l’avertir quand cela serait le cas, portant atteinte à la continuité de ses soins. Le pharmacien n’avait pas non plus proposé de mettre de côté son médicament une fois réapprovisionné.

Malgré la pénurie de médicaments connue et chronique depuis fin 2022, la pharmacie avait été désinvolte dans la distribution et avait fait preuve de mauvaise volonté conduisant à la priver de soins. La délivrance des médicaments devait respecter l’ordonnance transmise et l’ordre d’arrivée, sans discrimination ni favoritisme.

c. Le 18 juillet 2024, le service de la pharmacienne cantonale a répondu à A______ qu’il était pris bonne note de sa plainte, à laquelle les suites utiles seraient ordonnées. Toutefois, compte tenu du secret de fonction et du devoir de réserve, le service ne pourrait pas la tenir informée de celles-ci.

d. Le 23 octobre 2024, la commission a pris une décision de classement immédiat de la plainte de A______.

Le bureau de la commission avait examiné avec attention le courrier du 15 juillet 2024 dans lequel elle faisait grief à la pharmacie d’avoir fait preuve de désinvolture et de mauvaise volonté s’agissant de ses prescriptions médicales de C______, ce qui l’avait conduite à être privée de soins et dans lequel elle reprochait au pharmacien de n’avoir pas jugé bon de commander rapidement ce médicament malgré les pénuries.

Les faits étant rappelés, le bureau de la commission relevait que, de manière générale, une pharmacie n’était pas responsable des problèmes de pénurie de médicaments et ne pouvait dès lors être mise en cause s’agissant de l’approvisionnement des médicaments en Suisse. Il estimait par ailleurs qu’on ne saurait attendre d’une pharmacie qu’elle mette en place un système garantissant de fournir le médicament indisponible au patient qui s’était présenté en premier.

En conséquence, le bureau avait décidé de classer immédiatement cette affaire, conformément à l’art. 14 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03).

B. a. Par envoi du 13 novembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la commission, concluant à son annulation.

La décision violait son droit d’être entendue. La réponse du service de la pharmacienne cantonale tendait à contredire le caractère manifestement mal fondé de la plainte, motif du classement.

En outre, le motif invoqué d’un principe de non-garantie de fourniture ordonnée constituait un abus de pouvoir d’appréciation et reposait sur une constatation inexacte des faits pertinents. La décision violait l’interdiction de l’arbitraire et le principe de l’égalité de traitement, tout comme ceux de la bonne foi et de la proportionnalité. Elle n’avait pas réclamé la mise en place d’un « système », mais le respect de ses droits de patiente et des principes généraux prohibant l’arbitraire et l’inégalité de traitement.

Elle alléguait la violation des règles de l’art, soit une violation de ses droits de patiente. Elle dénonçait la pratique du pharmacien qui avait violé trois règles au moins, soit celle voulant qu’on lui demande si elle voulait une commande partielle ou totale de l’ordonnance et qu’on lui indique ce qui était commandé, la règle voulant que le pharmacien commande le médicament et le réserve pour la patiente s’il était indisponible le jour où elle se présentait, et enfin celle voulant que le pharmacien, sachant la situation de pénurie, fasse preuve de diligence pour aider une patiente à obtenir le médicament dans les meilleurs délais et remplisse son devoir d’information afin qu’elle puisse s’adresser à une autre pharmacie le cas échéant.

La décision méconnaissait les devoirs des professionnels de la santé. En refusant d’instruire sa plainte, la commission avait méconnu diverses dispositions légales et contrevenu au respect de sa propre compétence en matière de surveillance des professionnels de santé.

b. Le 12 décembre 2024, la commission a persisté intégralement dans les termes de sa décision, concluant au rejet du recours.

c. Les parties n’ont pas formulé de requêtes ni d’observations complémentaires dans le délai fixé et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

1.1 Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, le plaignant qui a saisi la commission en invoquant une violation de ses droits de patient peut recourir contre la décision classant sa plainte (ATA/990/2020 du 6 octobre 2020 consid. 2a ; ATA/238/2017 du 28 février 2017 consid. 1b ; ATA/558/2015 du 2 juin 2015 consid. 1b). Il ne peut en revanche pas recourir contre l'absence de sanctions prises par la commission (ATA/234/2013 du 16 avril 2013 consid. 3).

1.2 En l’espèce, le litige a pour objet le classement de la plainte formée par la recourante pour violation de ses droits de patiente. Elle dispose donc de la qualité pour recourir, de sorte que son recours est recevable.

2.             La recourante estime que c’est à tort que la commission a classé sa plainte, notamment en violation de son droit d’être entendue.

2.1 Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_935/2012 du 11 juin 2013 consid. 4.1).

2.2 Le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités). La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.5). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 4.1 ; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; 2C_458/2020 du 6 octobre 2020 consid. 4.1 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

2.3 La commission instituée par la LComPS selon son art. 1 al. 1 est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03 ; art. 1 al. 2 let. a LComPS) et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 let. b LComPS).

Dans le cadre de son mandat, elle instruit d'office ou sur requête, en vue d'un préavis ou d'une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 7 al. 1 let. a LComPS).

2.3.1 Selon l'art. 10 LComPS, la commission constitue en son sein un bureau de cinq membres, dont le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, chargé de l’examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s’est saisie d’office (al. 1). Lorsqu’il est saisi d’une plainte, le bureau peut décider d’un classement immédiat (let. a), de l’ouverture d’une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous‑commission (let. b) et, dans tous les autres cas, d’un renvoi en médiation (let. c ; al. 2).

2.3.2 Le bureau peut classer, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, les plaintes qui sont manifestement irrecevables ou mal fondées (art. 14 LComPS).

2.3.3 L'art. 20 LComPS prévoit qu'en cas de violation des droits des patients, la commission peut émettre une injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à l'art. 292 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou une décision constatatoire (al. 1). En cas de violation des dispositions de la LS, la commission est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 20'000.- (al. 2). Si aucune violation n’est constatée, elle procède au classement de la procédure (al. 3).

Il ressort des travaux préparatoires que « pour améliorer le fonctionnement de la commission et assurer une plus grande rapidité dans la gestion des dossiers, il est institué un bureau chargé de l'examen préalable des plaintes, des dénonciations et des dossiers dont elle se saisit d'office. « Les exigences concernant le classement d'une plainte sont évidemment plus importantes que celles relatives au classement d'une dénonciation ». Lors de l'adoption de l'art. 10 LPComS, « quelques commissaires avouent une certaine gêne quant à la possibilité pour le bureau de classer immédiatement un dossier sur la base de la décision de cinq membres. La discussion qui suit montre que l'art. 14 possède une valeur déclarative, donc stricte et limitative, sans réserver d'autres cas » (MGC 2003-2004/XI A 5739 s.).

2.4 Compte tenu du fait que la commission – tout comme son bureau – est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/875/2023 du 22 août 2023 consid. 2.4 et les arrêts cités).

3.             Le litige concerne la remise de médicaments par un pharmacien en lien avec les droits de la patiente.

3.1 La LS, qui a pour but de contribuer à la promotion, à la protection, au maintien et au rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes, de la population et des animaux, dans le respect de la dignité, de la liberté et de l’égalité de chacun (art. 1 al. 1 LS), définit et encourage le partenariat entre les acteurs publics et privés du domaine de la santé et régit les soins (art. 3 al. 1 LS).

Selon l'art. 42 LS, le patient a droit aux soins qu'exige son état de santé à toutes les étapes de la vie, dans le respect de sa dignité et, dans la mesure du possible, dans son cadre de vie habituel. Le droit aux soins, tel qu'il est prévu à l'art. 42 LS ne saurait être compris comme conférant un droit absolument illimité à recevoir des soins. Il faut le comprendre comme le droit pour une personne, indépendamment de sa condition économique et sociale, d'accéder équitablement aux soins qu'elle demande et de recevoir les soins qui lui sont objectivement nécessaires, pour autant que ces soins soient effectivement disponibles (MGC 2003-2004/XI A 5845 ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 6 ; ATA/778/2013 du 26 novembre 2013 consid. 5).

3.2 Au titre des devoirs professionnels, l’art. 40 LPMéd prévoit que les personnes exerçant une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle, tels les pharmaciens (art. 2 al. 1 let. d LPMéd), doivent exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation (let. a) et garantir les droits du patient (let. c).

3.3 Les devoirs professionnels ou obligations professionnelles sont des normes de comportement devant être suivies par toutes les personnes exerçant une même profession. En précisant les devoirs professionnels dans la LPMéd, le législateur poursuit un but d’intérêt public. Il ne s’agit pas seulement de fixer les règles régissant la relation individuelle entre patients et soignants, mais aussi les règles de comportement que le professionnel doit respecter en relation avec la communauté. Suivant cette conception d’intérêt public, le respect des devoirs professionnels fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités cantonales compétentes et une violation des devoirs professionnels peut entraîner des mesures disciplinaires (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022 consid. 5b ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid.7d et les références citées).

3.4 Les pharmaciens sont habilités à remettre des médicaments soumis à ordonnance, sur ordonnance médicale (art. 24 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux du 15 décembre 2000 - Loi sur les produits thérapeutiques, LPTh - RS 812.21).

Aux termes de l’art. 26 al. 2bis LPTh, la prescription de médicaments est soumise aux principes et exigences minimales suivants : l’ordonnance respecte les exigences minimales fixées par le Conseil fédéral après consultation des représentants des professions médicales concernées (let. a) ; l’ordonnance est la propriété de la personne pour laquelle elle a été délivrée ; cette personne est libre de décider de faire usage de la prestation qui lui a été prescrite ou de demander un second avis et de déterminer auprès de quel fournisseur admis elle souhaite retirer la prestation (let. b).

3.4.1 Quiconque remet des médicaments doit posséder une autorisation cantonale. L’autorisation est délivrée si les conditions relatives aux qualifications professionnelles sont remplies et s’il existe un système d’assurance-qualité approprié et adapté à la fonction et à la taille de l’entreprise (art. 30 LPTh).

3.4.2 À teneur de la « liste des médicaments autorisés à usage humain » établie par l’autorité d’autorisation et de surveillance des produits thérapeutiques, Swissmedic, le C______ est un médicament de catégorie A, soit celle dont la remise est soumise à ordonnance non renouvelable sans l’autorisation expresse du médecin (art. 41 de l’ordonnance sur les médicaments du 21 septembre 2018, OMéd - RS 812.212.21). Il s'agit d'un médicament augmentant la concentration et indiqué pour les patients souffrant de trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité (ci-après : TDAH).

3.5 À teneur de l’art. 16 al. 2 du règlement sur les produits thérapeutiques du 9 septembre 2020 (RPTh - K 4 05.12), le pharmacien responsable ou son remplaçant, au sens de l’art. 62 al. 1 règlement sur les institutions de santé du 9 septembre 2020 (RISanté - K 2 05.06), est tenu de valider toute ordonnance. La validation doit se faire en tant compte des autres prescriptions figurant dans le dossier du patient. La validation comprend notamment : l’identification du patient (let. a) ; la vérification de l’authenticité et de la validité de l’ordonnance (let. b) ; la vérification du dosage, des limitations éventuelles d’emploi et des contre‑indications (let. c) ; le contrôle des interactions (let. d) ; la prise de contact avec le prescripteur en cas de nécessité (let. e).

3.5.1 Les personnes ayant des activités avec des produits thérapeutiques doivent mettre en place les mesures adéquates pour assurer la qualité de leurs prestations. Des procédures doivent être créées et les activités documentées (art. 2 RPTh).

3.5.2 Aux termes de l’art. 21 al. 1 et 2 RPTh, le pharmacien responsable doit tenir, pour chaque patient, un dossier contenant au minimum des informations relatives notamment à la remise des médicaments des listes A et B de Swissmedic ainsi que le nom du prescripteur, le nom et la posologie des produits thérapeutiques remis.

3.6 Des règles déontologiques peuvent servir à préciser les obligations professionnelles des personnes exerçant une profession médicale mais elles ne permettent en revanche pas de les compléter (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1083/2012 du 21 février 2013 consid. 5.1 et les références citées ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 7).

3.6.1 L’association suisse des pharmaciens cantonaux a édité des « Règles de bonnes pratiques de remise de médicaments » dont la version 2 a été publiée le 4 décembre 2023 (ci-après : règles de bonnes pratiques). Celles-ci ont notamment pour but de transposer les exigences légales dans la pratique et définir une bonne pratique, de garantir un niveau de qualité et de sécurité optimal, de façon que le bon patient reçoive le bon médicament dans le bon dosage par la bonne voie d’administration au bon moment (règles des 5 b), ainsi que d’améliorer l’adhésion au traitement. Les règles de bonnes pratiques concernent la remise de produits thérapeutiques et les processus allant de l’acquisition du produit à son administration.

3.6.2 L’association de pharmaciens PharmaGenève a notamment publié un protocole intitulé : démarche lors de rupture de médicaments, en février 2023 (https://pharmageneve.swiss/_2022wp/wp-content/uploads/2024/02/Demarche-lors-de-rupture-de-medicaments_AFS.pdf, consulté le 13 août 2025), exposant le protocole à suivre pour chaque officine ou membre de l’équipe lorsqu’une rupture intervient. Ce protocole prévoit notamment de contacter le grossiste ou le fabricant, de commander un dosage différent ou une autre forme galénique et de prévenir les médecins/spécialistes prescripteurs du quartier afin qu’ils puissent adapter leurs ordonnances.

4.             En l’espèce, la recourante allègue que ses droits de patiente, en particulier son droit aux soins qu’exige son état de santé, ont été violés par le non-respect des règles de l’art en matière de remise de médicaments par le pharmacien.

Elle reproche notamment au pharmacien une violation de son droit d’information s’agissant du fait qu’une commande partielle était nécessaire, que le médicament commandé n’avait pas été réservé pour elle puisqu’il lui avait été demandé de revenir autant de fois que nécessaire à l’officine pour s’informer du sort du réapprovisionnement du médicament, et une absence de diligence dans l’aide qui aurait dû lui être apportée en cas d’indisponibilité d’un médicament, notamment l’absence de prise de contact avec son médecin prescripteur pour pallier le manque du médicament ainsi que plus généralement l’observation des usages en la matière.

Bien qu’il ne l’ait pas précisé dans sa décision, il faut comprendre que le bureau de la commission a estimé que la plainte était manifestement mal fondée. La plainte a été classée pour deux motifs : le premier étant que le pharmacien n’était pas responsable de la pénurie de médicaments, et le second qu’il ne pouvait être attendu d’une pharmacie qu’elle mette en place un « système garantissant de fournir le médicament indisponible au patient qui s’était présenté en premier ».

Même si l’art. 14 LComPS prévoit que le bureau peut classer, par une décision sommairement motivée, les plaintes, force est de constater qu’en l’espèce, le premier motif retenu dans la décision ne répond pas à la plainte de la recourante qui n’a pas reproché au pharmacien d’être responsable de la pénurie du médicament.

Elle ne lui a pas non plus reproché de n’avoir pas organisé systématiquement la remise des médicaments reçus après réapprovisionnement, mais plutôt de n’avoir pas été avertie de la disponibilité du médicament, ce qu’elle estime faire partie des règles de l’art en matière de remise de médicaments faite par un pharmacien. Elle invoque, il est vrai, qu’un pharmacien n’a pas le droit d’effectuer une allocation arbitraire d’un produit en pénurie, mais qu’il doit respecter les ordonnances déposées dans son officine, selon l’ordre si besoin.

À cet égard, le bureau semble estimer que les devoirs du pharmacien, en lien avec la remise de médicaments sur ordonnance, ne contiennent pas une obligation de valider l’entier d’une ordonnance ou à tout le moins de ne pas se préoccuper de la continuité des soins en l’absence immédiate du produit prescrit. Or, prima facie, les dispositions légales, de même que les règles de bonnes pratiques en matière de remise de médicaments qui les précisent, rappelées ci-dessus, semblent montrer que le devoir en matière de remise de produit thérapeutique est très encadré et porte également sur la commande des médicaments manquants.

La conclusion du bureau, telle qu’elle est formulée, apparaît donc peu compatible avec le devoir de diligence du pharmacien tel qu’il paraît ressortir des textes susmentionnés.

À cela s’ajoute que la question de savoir s’il pouvait s’agir, en l’espèce, d’un cas de nécessité, au sens de l’art. 16 al. 2 RPTh, impliquant un contact avec le médecin prescripteur, n’a pas été évoquée dans la décision.

Dans ces circonstances, force est de constater que la plainte déposée par la recourante ne peut pas être considérée comme « manifestement infondée », à tout le moins selon les motifs retenus dans la décision du bureau de la commission. C’est donc en violation de l’art. 14 LComPS que la commission a procédé à un classement immédiat de la plainte.

Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis. La décision de classement de la commission sera annulée et le dossier lui sera retourné afin qu’elle rende une nouvelle décision au sens de l’art. 10 al. 2 LComPS.

5.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui plaide en personne et qui ne démontre pas avoir exposé des frais (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2024 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 23 octobre 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 23 octobre 2024 ;

renvoie le dossier à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la commission des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :