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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1918/2024

ATA/366/2025 du 01.04.2025 ( LOGMT ) , REJETE

Descripteurs : IMMEUBLE D'HABITATION;LOGEMENT;LOGEMENT SOCIAL;LOYER CONTRÔLÉ;ETAT LOCATIF;LOYER ABUSIF;MOTIVATION;MOTIF DE RÉCLAMATION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;ABUS DE DROIT;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst; LPA.61; LGL.1; LGL.16.al1.letd; LGL.42; LGL.44; CCS.2.al2; Cst; LGL.47.al2; LGL.42.al6; Cst; LGL.25; LGL.27; RGL.5.al4; LGL.45; CO.269; LGL.23.al1.letb; LGL.30.al1; LGL.16.al1.letd
Résumé : Recours contre une décision modifiant l'état locatif d'immeubles soumis au régime HM à la suite d'une réclamation d'un locataire. L'intimé était en droit d'entrer en matière sur la réclamation du locataire laquelle était motivée à satisfaction de droit et répondait aux réquisits de l'art. 44 al. 2 LGL. Pas de violation du principe de la bonne foi. Le courrier de l'intimé informant que le plan financier du 18 octobre 2023 signé par la recourante était admis ne constitue pas une assurance de voir garantir le montant de CHF 413'532.- au titre de l'état locatif agréé. Cette décision n'était pas en force, dans la mesure où le loyer autorisé devait encore faire l'objet d'une notification auprès des locataires avec l'éventualité d'une réclamation de la part de ces derniers. Les calculs produits par l'OCLPF, effectués en application des directives résultant des travaux de la commission tripartite, concernant le taux de rendement admissible selon l'ArRPFOL, la majoration d'un demi-point du taux de rendement admissible et la pondération des prestations étatiques en proportion des locataires, apparaissent conformes aux exigences de la loi et de la jurisprudence en la matière. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1918/2024-LOGMT ATA/366/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er avril 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Pascal PÉTROZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé

et

B______ appelé en cause

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) est une société d'investissement à capital variable, inscrite le 12 octobre 2017 au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Vaud qui a pour but la gestion de sa fortune ou de ses compartiments sous forme de placement collectif de capital selon la législation sur les placements collectifs ainsi que la constitution de capital-actions des investisseurs et la distribution de leur actions d'investisseurs.

b. Depuis fin 2023, elle est propriétaire des immeubles des nos ______, ______A et ______B, route C______, occupant les parcelles nos 8'851, 8'856 et 8'857 de la commune de D______.

Ces immeubles sont soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), en catégorie 4, immeubles d’habitation mixte (ci-après : HM), comprenant des logements avec subvention proportionnelle aux revenus des locataires et des logements sans subvention, jusqu'au 30 juin 2027.

B. a. Le 6 octobre 2023, E______ SA (ci-après : E______), ancienne propriétaire des immeubles précités, a déposé auprès de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) une demande de modification de l'état locatif autorisé, dès le 1er janvier 2024, en raison de l'augmentation des taux d'intérêts.

b. Par décision du 30 octobre 2023, communiquée à la représentante de E______, l'OCLPF a autorisé la modification de l'état locatif des immeubles précités.

L'état locatif maximum autorisé était porté à CHF 413'532.- dès le 1er janvier 2024. Il devait être respecté et la notification au locataire du loyer autorisé devait être effectuée conformément aux dispositions légales.

c. Le 1er novembre 2023, l'OCLPF a indiqué que le plan financier, daté du 18 octobre 2023 et signé par A______, était admis.

d. Par acte notarié du même jour, E______ a vendu à A______ les immeubles précités pour un montant de CHF 8'673'000.-. La réquisition pour le registre foncier a été enregistrée le 18 décembre 2023.

e. Par avis de modification de loyer du 8 novembre 2023, E______ a notifié à B______, locataire au ______, route C______, son nouveau loyer annuel applicable dès le 1er janvier 2024 en raison de la variation du taux hypothécaire. Son loyer annuel passait de CHF 17'628.- à CHF 19'308.-.

f. Le 29 novembre 2023, B______ a formé réclamation contre cet avis, demandant qu'un calcul de rendement soit effectué sur la base du prix d'achat de l'immeuble.

La modification portait son loyer mensuel à CHF 1'609.-, hors charges. Son ancien loyer s'élevait à CHF 1'469.- par mois, hors charges. Il s'agissait d'une augmentation de presque 10%, notifiée seulement cinq mois après son emménagement dans l'appartement et la fixation du loyer initial.

Il estimait que la hausse était constitutive d'un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d'État. La hausse devait être soit « retirée » ou soit adaptée, le cas échéant.

g. Le 29 janvier 2024, A______ s'est déterminée sur la réclamation précitée, indiquant à l'OCLPF que la modification de loyer avait été appliquée en conformité avec les dispositions légales de la LGL et avait été dûment avalisée par lui. La hausse devait être maintenue.

h. Le 22 mars 2024, l'OCLPF a informé A______ que le revenu net actuel des loyers, subvention pondérée déduite, correspondrait à CHF 169'392.-. Elle s'avérerait supérieure au revenu maximum admissible, soit CHF 162'180.-.

En effet, l'état locatif initial des immeubles considérés avait été agréé par arrêté départemental du 26 octobre 2005. Selon le plan financier définitif, le prix de revient des immeubles en question s'était élevé à CHF 7'350'000.-, financés à raison de CHF 2'940'000.- par les fonds propres engagés, soit 40% du prix de revient.

Le revenu net initial des loyers correspondait à CHF 176'400.- et le rendement net autorisé sur fonds propres initiaux à 6%, conformément au plan financier.

Eu égard à l'indexation des fonds propres à l'indice suisse des prix à la consommation (ci-après : ISPC), le montant des fonds propres déterminant ascendait à CHF 3'343'925.-.

En tenant compte de l'indexation des fonds propres, le taux de rendement admissible à ce jour pour l'opération immobilière considérée, financée à hauteur de 43% de fonds propres, s'avérait être de 4,85%, conformément aux taux de rendement admissibles fixés dans l'arrêté fixant les rendements admissibles dans les plans financiers des opérations de logement soumis à la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), à la LGL et à la loi pour la construction de logements d’utilité publique du 24 mai 2007 (LUP - I 4 06) du 21 février 2018 (ArRPFOL - L 1 35.06).

La moyenne des montants versés par l'État de Genève durant les années 2020 à 2022 au titre de la subvention personnalisée, mesure d'encouragement à la construction, s'élevait à CHF 20'698.-.

Dès lors que les locataires des immeubles en question ne percevaient pas tous une telle prestation étatique, il s'imposait de pondérer les sommes acquittées à ce titre en fonction de la proportion des locataires en bénéficiant pour chacune des années pertinentes, de sorte que la moyenne en résultant correspondait à CHF 7'008.-.

Le tableau suivant exposait le calcul opéré :

Calcul :

 

Entrée moyenne des locataires (ci-après EML)

01.07.2002

Prix de revient

CHF 7'350'000.-

Fonds propres initiaux (ci-après : FP)

CHF 2'940'000.-

Revenu net initial

CHF 176'400.-

Rendement net maximum admis initial

6%

Indexation des fonds propres

CHF 2'940'000.-

Fonds propres réévalués

Rendement net maximum admis selon PA/SI/004.04

Revenu net maximum admis actualisé

Revenu net initial

Économie d'intérêts sur amortissement

Revenu net actuel

Subvention

Revenu net actuel provenant des loyers

 

CHF 3'343'925.-

4,85%

CHF 162'180.-

CHF 176'400.-

CHF 0.-

CHF 176'400.-

CHF 7'008.-

CHF 169'392

 

En tout : - CHF 7'212.-

 

 

L'augmentation de l'état locatif agréé des immeubles considérés visée dans la décision du 30 octobre 2023 devait donc être réduite de CHF 7'212.-, portant ainsi l'état locatif de CHF 377'544.- à CHF 406'320.- depuis le 1er janvier 2024.

En particulier, le loyer annuel autorisé afférent au logement d'B______ devrait être porté à CHF 18'972.- et non pas à CHF 19'308.-.

Un délai de 30 jours était accordé à A______ pour faire valoir ses éventuelles observations.

i. Le 9 avril 2024, A______ a relevé que dans la mesure où le loyer de CHF 19'308.- avait été autorisé par l'OCLPF et avait fait l'objet d'une décision le 30 octobre 2023, celui-ci devait être appliqué.

j. Par décision sur réclamation du 6 mai 2024, l'OCLPF a notamment modifié l'état locatif des immeubles sis ______, ______A et ______B, route C______ à D______ et l'a porté à CHF 406'320.-, avec effet au 1er janvier 2024 et a confirmé sa décision du 30 octobre 2023 pour le surplus.

L'OCLPF a repris les considérations détaillées dans son courrier du 22 mars précédent.

C. a. Par acte du 5 juin 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant, préalablement, à ce que l'OCLPF motive de façon compréhensible sa décision de calcul de l'état locatif et à ce qu'un délai lui soit octroyé pour se déterminer. Principalement, la décision querellée devait être annulée et celle du 30 octobre 2023 être confirmée en tant qu'elle autorisait l'état locatif porté à CHF 413'532.- dès le 1er janvier 2024.

Rien dans la réclamation d'B______ ne pouvait mener l'OCLPF à penser que sa décision du 30 octobre 2023 était erronée. L'autorité administrative était revenue sur sa décision sans aucune raison. Le locataire en question s'était uniquement dit surpris de constater une augmentation de loyer cinq mois après son emménagement. Aucun intérêt public n'exigeait que l'autorité réexamine d'office sa décision sur la base d'un courrier qui n'était pas motivé. Un tel comportement contradictoire procédait d'une violation de la bonne foi. L'art. 42 al. 6 LGL était violé et l'OCLPF avait commis un abus de droit.

A______ avait acquis les immeubles sis ______, ______A et ______B, route C______ en raison du fait que l'OCLPF avait accepté, le 1er novembre 2023, le plan financier daté du 18 octobre 2023. Le prix d'achat avait été fixé en fonction de l'état locatif agréé par l'OCLPF à la suite d'une analyse complète du dossier. Elle s'était donc fondée de bonne foi sur les assurances données par l'autorité compétente pour prendre des mesures qui lui étaient aujourd'hui préjudiciables. L'ensemble des conditions relatives à la protection de la bonne foi étaient réunies et l'OCLPF était tenu par les assurances données.

L'OCLPF avait commis un excès négatif de son pouvoir d'appréciation. La directive codifiant la pratique administrative intitulée : « taux de rendement nets initiaux admis en fonction du type de financement » du 3 avril 2007, modifiée pour la dernière fois le 21 février 2018 (ci-après : directive PA/SI/004.04) permettait à l'OCLPF d'appliquer un taux de rendement admissible allant jusqu'à 6%. La décision n'indiquait pas que les plafonds des loyers ne seraient pas respectés. La décision violait l'ArRPFOL, lequel prévoyait exclusivement des paliers de rendement en fonction des fonds propres, sans offrir de possibilité de moduler le taux de rendement au pro rata.

L'OCLPF semblait retenir une majoration d'un demi-point du taux de rendement admissible. Si cela était encore valable en 2019, le Tribunal fédéral avait depuis lors rendu un arrêt le 26 octobre 2020 modifiant sa pratique sur deux points. Les fonds propres investis devaient être revalorisés à 100% selon l'ISPC et non pas à hauteur de 40% comme auparavant. De plus, le taux de rendement admissible était de 2% en sus du taux hypothécaire de référence – et non plus 0,5% –, lorsque ce taux hypothécaire de référence était égal ou inférieur à 2%. À considérer, par impossible, que le taux de rendement admissible fût de 4,85% et non de 6%, ce taux aurait dû être majoré de 2% et non de 0,5% dans la mesure où le taux hypothécaire de référence était de 1,75% depuis le 2 décembre 2023.

La moyenne des subventions entre 2020 et 2022 s'élevait à CHF 20'698.- pour les immeubles concernés. A______ ne comprenait pas la raison justifiant la pondération des sommes acquittées au titre de subvention en proportion des bénéficiaires. Cela laissait penser que l'OCLPF faisait du sur-mesure (appartement par appartement) en lieu et place de faire l'analyse des immeubles dans leur globalité. Il serait ainsi imaginable que l'OCLPF ne procède qu'à l'analyse de l'appartement du locataire ayant fait réclamation et qu'il ne réduise le loyer que de ce dernier. Cette appréciation à géométrie variable était inacceptable. L'OCLPF ne pouvait pas prendre pour référence l'immeuble s'agissant des revenus, mais certains locataires seulement s'agissant des subventions.

b. Le 8 juillet 2024, l'OCLPF a conclu, préalablement, à l'appel en cause d'B______ et, principalement, au rejet du recours.

Même si la réclamation ne consistait qu'en un bref courrier, sommairement motivé, le locataire, qui agissait seul, avait expressément manifesté son désaccord avec la décision du 30 octobre 2023 en se prévalant d'un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d'État et la volonté de voir effectuer un calcul de rendement en vue d'annihiler ou de réduire la hausse de loyer. Il ne s'agissait pas d'une simple et unique expression de surprise quant à l'augmentation de son loyer. Sa réclamation était donc recevable. L'OCLPF n'avait donc pas procédé à un nouvel examen de son propre chef.

L'OCLPF devait fixer les critères permettant de répondre aux injonctions de la jurisprudence, en particulier, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Dans ce cadre, il établissait, sur la base du champ de comparaison étendu qui était le sien, des pratiques qui constituaient une base de gestion indispensable au traitement d'un grand volume de travail, l'examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n'étant matériellement pas possible, source d'insécurité juridique et d'inégalité de traitement. Il avait ainsi fixé les critères permettant de donner corps à la notion juridique indéterminée qui était celle de « loyer à caractère abusif » dans le complexe des loyers contrôlés. Cette notion n'était pas la même que la notion de « loyer abusif » selon les règles du droit privé. L'ensemble du système de subvention du logement social à Genève était fondé sur la stabilité de l'ensemble des coûts d'exploitation des immeubles. Cette stabilité à long terme montrait un résultat global favorable des locataires qui en bénéficiaient. Remettre en question les fondements de ce système, notamment l'instruction du plan financier, lequel était arrêté au début de la période de contrôle et n'était pas sujet aux variations de la conjecture, mettait en péril les fondements de la politique sociale du logement à Genève et les loyers globalement plus bas (que les loyers libres) que celle-ci permettait de pratiquer. Il n'était ainsi pas possible de simplement comparer les taux hypothécaires admis selon le droit du bail et les taux retenus dans les plans financiers pour les rendements servis sur les fonds propres et de parvenir à la conclusion que les loyers des logements sous contrôle de l'État auraient un « loyer abusif » au motif de cette seule différence de rendement admis. Il fallait au contraire tenir compte des éléments objectifs que l'OCLPF avait retenus et appliqués pour fixer l'état locatif de l'immeuble en cause.

Le 18 décembre 2015, le Conseil d'État avait instauré une commission d'estimation tripartite (représentants de l'État, professionnels de l'immobilier, représentants des locataires) dont la tâche était de proposer à intervalles réguliers les rendements admissibles pour les nouvelles opérations immobilières. Dans le cadre de ses travaux, ladite commission avait retenu que les rendements admissibles pour les opérations faisant l'objet d'un contrôle sur la base de plans financiers arrêtés au début de la période de contrôle devaient, compte tenu de l'exigence de devoir vérifier le « caractère non abusif » des loyers ainsi déterminés, tenir compte dans une certaine mesure de l'évolution des taux d'intérêts sur la durée. Elle avait ainsi considéré que lesdits taux devaient entrer en considération non pas dans une valeur nominale arrêtée à un jour déterminé, mais eu égard à une valeur moyenne lissée dans le temps. La période déterminante avait été arrêtée à 20 ans, compte tenu de la durée de contrôle valant pour l'essentiel des opérations entraînant un blocage des loyers. La commission avait considéré que les taux de rendement admis dans les plans financiers, fixés dans la pratique administrative applicable, devaient être revus à la baisse compte tenu de la baisse des taux hypothécaires depuis les vingt dernières années. Sur la base de ces travaux, le Conseil d'État avait pris, le 21 février 2018, un arrêté fixant les taux de rendements applicables aux immeubles neufs, non encore au bénéfice d'un accord de principe. Ces taux de rendement étaient le fruit du taux hypothécaire moyen ou lissé sur 20 ans, auquel un demi‑point était ajouté pour tenir compte du risque locatif ; s'y ajoutait un pourcentage allant d'un demi-point à 2,4 points pour tenir compte de la compensation de la restriction à la liberté économique du propriétaire, selon la quantité de fonds propres investis dans l'opération afin de tenir compte de l'effet de levier. Cet arrêté avait été traduit dans la pratique administrative PA/SI/004.04 « Taux de rendement nets initiaux admis en fonction du type de financement » du 21 février 2018. Les taux fixés étaient de 4% pour des immeubles financés à 100% de fonds propres, 4,5% pour des immeubles financés par 50% de fonds propres et 6% pour des immeubles financés par 20% de fonds propres.

L'OCLPF avait élaboré une méthode de « calcul de rendement » du montant des loyers contrôlés. Cette méthode de calcul s'inspirait autant que possible du calcul de rendement selon le droit du bail. Elle tenait compte du fait que les rendements des immeubles sous contrôle étaient déterminés dans l'état locatif initial autorisé, et ce pour toute la durée du contrôle ainsi que des dispositions légales et réglementaires relatives à la prise en compte des charges d'exploitation dans l'état locatif. Différents éléments étaient pris en compte. Il en découlait, pour les opérations financées entièrement en fonds propres, une perte de 8% de l'état locatif réduisant le rendement net de 0,45% (arrondi à 0,5%), pour les opérations financées à 50% de fonds propres une perte de 8% de l'état locatif réduisant le rendement net de 0,96% (arrondi à 1%), pour les opérations financées à 20% de fonds propres une perte de 8% de l'état locatif réduisant le rendement net de 2,40% (arrondi à 2,5%). La prime de rendement s'ajoutait à un demi-point couvrant le risque locatif de sorte que pour les opérations financées entièrement en fonds propres, la marge totale était de 1%, pour les opérations financées à 50% de fonds propres, la marge totale était de 1,5%, pour les opérations financées à 20% de fonds propres, la marge totale était de 3%. S'agissant d'un calcul de loyer fondé sur les coûts, les fonds propres investis étaient indexés au jour du calcul à raison de 40% d'entre eux au maximum. Il s'agissait enfin de comparer le rendement net initial découlant du plan financier définitif avec celui obtenu selon la méthode de calcul. Si le rendement net initial, subvention déduite, s'avérait supérieur à celui constaté au contrôle opéré par le service compétent, l'état locatif agréé était réduit à concurrence de la différence considérée.

Selon le plan financier du 18 octobre 2023, le prix de vente des immeubles avait été déterminé en fonction de leur prix de revient découlant de l'arrêté rendu le 26 octobre 2005 par le Conseil d'État, augmenté, d'une marge brute de vente de 18% (CHF 1'323'000.-) et des frais d'acquisition d'un montant de CHF 304'200.-. A______ ne pouvait donc pas soutenir avoir acquis ces biens en fonction de l'état locatif agréé par l'OCLPF dans sa décision du 30 octobre 2023. Son courrier du 1er novembre 2023 ne constituait pas une assurance de voir garantir le montant de CHF 413'532.- au titre de l'état locatif agréé. La décision du 30 octobre 2023 n'était pas entrée en force. L'état locatif d'un montant global de CHF 413'532.- n'était pas définitif.

L'investissement de fonds propres à raison de 43% du financement total de l'opération, indexation à l'ISPC comprise, autorisait un taux de rendement compris entre 4,5 et 6%, ce dernier taux étant exclusivement admis pour une proportion exacte de 20% de fonds propres. Entre 20 et 50% de fonds propres, chaque augmentation de 1% de fonds propres correspondait à un rendement abaissé de 0,05% par rapport au plafond de 6%. Entre 50 et 100% de fonds propres, chaque augmentation de 1% de fonds propres correspondait à un rendement abaissé de 0,01% par rapport au plafond de 4,5%. Ainsi, un financement à raison de 43% de fonds propres autorisait un taux de rendement sur fonds propres maximal de 4,85%.

Le changement de jurisprudence, s'agissant du taux de rendement admis, concernait les immeubles régis par le droit privé. Le demi-point retenu par la commission consultative tripartite au titre du risque locatif dans le cadre des rendements admissibles relevait du droit public et avait été jugé suffisant par le Conseil d'État. Les taux de rendement admis dans le cadre de la LGL étaient supérieurs à ceux actuellement admis par le droit du bail. Leur modification ne pouvait être faite par la simple adaptation d'une variable de droit privé sans tenir compte des objectifs de la politique sociale du logement qui visaient à fournir dans la durée des logements dont les loyers répondaient aux besoins de la population et à permettre une exploitation saine et durable du parc de logements contrôlés. Enfin, le législateur n'avait pas prévu un système dualiste de la disposition légale relative à la protection contre les loyers abusifs. Les mécanismes du droit privé s'effaçaient devant le contrôle d'office par l'autorité administrative, jugé plus incisif.

L'OCLPF avait versé, au titre de la subvention personnalisée durant les trois dernières années, CHF 23'873.85 en 2021, CHF 22'067.15 en 2022 et CHF 16'153.30 en 2023. Seule une partie minoritaire des locataires des immeubles en question avaient perçu une subvention personnalisée (35,71% en 2021 et 2022 et 28,57% en 2023). Pour chaque année, l'OCLPF avait pondéré le montant global des subventions personnalisées versées par le pourcentage de locataires en ayant bénéficié. Ainsi, une moyenne pondérée arrondie à CHF 7'008.-, à soustraire au revenu net initial en vue de le comparer avec celui admissible, déterminé selon le taux de rendement maximal selon l'ArRPFOL et la proportion des fonds investis. L'OCLPF n'avait pas adopté une approche personnalisée pour chacun des locataires des immeubles considérés mais s'était limité à tenir compte de la spécificité du régime HM. Si l'ensemble des locataires des lieux s'étaient bien acquittés du loyer, seul environ un tiers s'était vu accorder une aide en vue de réduire sa charge locative. Ce raisonnement était exempt d'arbitraire et correspondait au système particulier découlant de la catégorie HM.

c. Le 12 août 2024, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

L'OCLPF avait procédé à une révision, dont les conditions n'étaient pas réalisées.

Faute pour l’OCLPF de motiver de manière compréhensible sa décision, A______ n'avait pas d'autres choix que de persister dans ses conclusions préalables.

L'OCLPF n'ayant pas été partie prenante aux négociations privées intervenues dans le cadre de la vente des biens immobiliers, ledit service ne pouvait pas soutenir que l'état locatif n'avait pas été un élément déterminant pour A______. Elle avait attendu les décisions de modification des états locatifs des différents immeubles soumis à la LGL afin de connaître le niveau total des revenus locatifs auquel elle pouvait s'attendre.

Même si A______ avait acquis l'immeuble sans avoir la certitude que l'état locatif découlant de la décision du 30 octobre 2023 ne ferait pas l'objet d'un recours des locataires, elle ne pouvait pas savoir que l'OCLPF opérerait « en deux temps », soit avec une méthodologie de calcul dans le cadre de la demande de modification d'état locatif et une méthodologie de calcul différente à l'occasion d'une réclamation d'un locataire. L'OCLPF, étant revenu quasiment spontanément sur son calcul en appliquant une autre méthode, il avait contrevenu à des assurances données dans le cadre de sa décision du 30 octobre 2023.

Ni l'ArRPFOL, ni la directive PA/SI/004.04 ne parlaient d'une fixation du taux admissible au pro rata. Il était question de trois bornes uniquement. De plus, si les rédacteurs de l'ArRPFOL et de la directive PA/SI/004.04 avaient souhaité laisser une marge de manœuvre au pro rata, ils auraient fixé uniquement un plancher et un plafond. Enfin, l'OCLPF ne répondait toujours pas à la question de savoir si les plafonds des loyers l’empêchaient d'aller jusqu'au taux de 6%.

La jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le calcul du rendement admissible ne précisait pas qu'elle serait applicable aux immeubles régis par le droit privé exclusivement. L'interprétation de l'OCLPF contrevenait à la jurisprudence de la chambre administrative. Le service aurait dû majorer de 2 points le taux de rendement lissé sur vingt ans dans la mesure où le taux hypothécaire de référence était alors de 1,75% (<2%).

Selon les chiffres de l'OCLPF, celui-ci avait versé une moyenne de CHF 20'698.- de subventions personnalisées alors que 35,71% des locataires en 2021 et 2022 et 28,57% en 2023 auraient bénéficié de ces subventions. Si ces sommes avaient été versées, il conviendrait de les considérer dans leur intégralité. A______ ignorait si ces pourcentages étaient calculés en fonction du fait que l'on considérait un immeuble sur trois. Le calcul était trouble et il manquait certaines données aux fins de pouvoir se prononcer. L'OCLPF devait motiver et expliquer clairement son calcul.

d. Par décision du 5 décembre 2024, B______ a été appelé en cause.

Il n'a présenté aucune détermination.

e. Le 10 janvier 2025, A______ a relevé qu'B______ s'était désintéressé de la procédure. La procédure reposait, en réalité, sur une intervention d'office de l'OCLPF. Or, les conditions du « réexamen d'office » n'étaient pas réalisées.

f. Le 5 février 2025, l'OCLPF a relevé que la réclamation déposée par le locataire avait eu pour effet d'obliger l'autorité à se prononcer à nouveau sur l'affaire. En vertu du principe jura novit curia, il avait dû examiner le droit d'office et tenir compte des arguments juridiques pertinents même si ceux-ci n'avaient pas été invoqués. Il lui appartenait ainsi de procéder au calcul de rendement imposé par le droit fédéral conformément à la méthode approuvée par la chambre administrative.

La méthode de calcul liée au contrôle du rendement des fonds propres investis initialement avait été exposée dans la décision sur réclamation. Le revenu net actuel des loyers, subventions pondérées à la personne déduites, s'avérait être supérieur de CHF 7'212.- au revenu maximum admissible selon les critères retenus par l'OCLPF et admis par la chambre administrative dans sa jurisprudence.

A______ ne documentait pas que l'état locatif de l'immeuble aurait été un élément déterminant pour elle dans le cadre des négociations liées à l'acquisition des immeubles en question. L'OCLPF avait d'ailleurs démontré que le prix de vente autorisé et effectif avait été fixé en fonction de leur prix de revient découlant de l'arrêté rendu le 26 octobre 2005 par le Conseil d'État, augmenté d'une marge brute de vente de 18% et des frais d'acquisition, et non en fonction de leur état locatif. L'OCLPF n'était pas revenu sur un supposé calcul de rendement avant de rendre sa décision du 30 octobre 2023 mais y avait procédé pour la première fois à la suite de la réclamation du locataire avec la même méthode que celle systématiquement mise en œuvre depuis le cas visé par la chambre administrative (ATA/59/2019 du 22 janvier 2019).

Les taux de rendement admis étaient sous-tendus notamment par un risque financier induit par onze contraintes découlant du contrôle étatique et traduit en prime de rendement en fonction de la proportion de fonds propres engagés par le propriétaire pour tenir compte d'un effet de levier. L'ArRPFOL prévoyait une borne intermédiaire dans la mesure où l'intervalle en-deçà et au-delà de cette dernière n'impliquait pas la même réduction du taux de rendement à chaque augmentation des fonds propres à raison de 1%. A______ ne pouvait pas prétendre à un taux de rendement de 6% compte tenu des taux approuvés par le Conseil d'État dans l'ArRPFOL et fixés sur la base des critères admis par la chambre administrative. Ces taux de rendement étaient l'addition d'un taux hypothécaire lissé sur une durée de vingt ans, d'une marge admise pour les risques locatifs, et d'une compensation pour les restrictions à la liberté économique des investisseurs dans ce type de logement, compris entre 0,48% et 2,40% selon le pourcentage de fonds propres investis initialement.

Les taux de rendement admis dans l'ArRPFOL découlaient notamment d'un taux hypothécaire moyen ou lissé, étant précisé que l'application directe du taux de référence pour l'année concernée ne permettait pas la prise en compte des efforts consentis dans la durée. Dès lors que le taux de référence lissé – pertinent in casu et retenu dans l'ArRPFOL – correspondait à 3,04% et qu'il était supérieur à 2%, l'argumentation de l'intéressée tombait à faux.

Les motifs de droit civil justifiant la hausse du pourcentage à titre de rémunération des fonds propres différaient des objectifs poursuivis par la LGL et la LGZD. Il n'était ainsi pas question d'assurer un rendement suffisant aux caisses de pension devant servir des rentes à leurs assurés ni aux propriétaires exposés aussi à des risques. En outre, le calcul du rendement ne faisait qu'instaurer un plafond (le loyer abusif) et rien n'interdisait de prévoir un loyer inférieur. Enfin, il appartenait au Conseil d'État exclusivement, sur la base des recommandations de la commission consultative tripartite, de modifier les prémisses des taux de rendement admis.

g. Dans une réplique spontanée du 17 février 2025, A______ a relevé que l'OCLPF reconnaissait avoir procédé à un examen d'office et être intervenu spontanément.

L'OCLPF ne justifiait toujours pas son calcul. Ni jurisprudence, ni doctrine, ni directives ne justifiaient un rendement net admissible au pro rata des valeurs retenues par l'ArRPFOL (de 4,85% en l'occurrence). Dès lors que les fonds investis étaient inférieurs à 50%, la directive PA/SI/004.04 permettait à l'OCLPF d'appliquer un taux allant jusqu'à 6% « pour autant que les plafonds de loyers soient respectés », ce qui était le cas. Compte tenu du principe de la confiance, il convenait de retenir un taux de rendement de 6% au regard de la première décision rendue.

S'agissant de la majoration de 2 points du taux de rendement, il était inadmissible que l'OCLPF soutienne que la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral ne trouvait pas application. La jurisprudence de la chambre administrative rappelait que le taux de rendement lissé sur vingt ans était majoré « d'un demi-point conformément à ce qui était admis en droit du bail ».

Par rapport à la pondération des prestations étatiques, l'OCLPF n'expliquait pas les raisons qui l'avaient amené à considérer un appartement en lieu et place de l'immeuble dans son ensemble.

A______ remettait bien en question les éléments chiffrés. La moyenne des subventions entre 2020 et 2022 s'élevait à CHF 20'698.- pour les immeubles concernés et non à CHF 7'008.-.

h. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante demande à ce que l'intimé motive de façon compréhensible sa décision de calcul de l'état locatif et à ce qu'un délai lui soit octroyé pour se déterminer.

2.1 La jurisprudence déduit du droit d’être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

2.2 En l'occurrence, dans une réponse de 25 pages, l'intimé a expliqué et détaillé son calcul de l'état locatif comme il sera exposé ci-dessous. La recourante a également pu répliquer le 12 août 2024 et produire également d'autres écritures les 10 janvier et 17 février 2025.

Force est donc de constater que la recourante s'est vu offrir la possibilité de s'exprimer sur ce calcul – lequel figurait déjà dans la décision attaquée – et de faire valoir ses arguments, lesquels seront discutés ci-après.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OCLPF modifiant l'état locatif des immeubles, propriétés de la recourante, avec effet au 1er janvier 2024.

4.             Conformément à l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/211/2018 du 6 mars 2018 consid. 4). L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 consid. 3 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 consid. 6a et les références citées).

5.             La recourante soutient que l'intimé a commis un abus de droit en réexaminant d'office sa décision du 30 octobre 2023.

5.1 Selon l’art. 1 LGL, l’État encourage la construction de logements d’utilité publique et s’efforce d’améliorer la qualité de l’habitat dans les limites et selon les critères fixés par la loi (al. 1). Il encourage la construction de logements, en particulier à but non lucratif, par voie notamment de caution simple d’emprunts hypothécaires, d’octroi de prêts avec ou sans intérêt, de subventions, d’avantages fiscaux, de mises à disposition, dans la mesure des disponibilités, de terrains à bâtir en droit de superficie, d’aide à l’équipement de terrains à bâtir. Il peut également faire usage des aides et moyens que les lois et ordonnances fédérales fournissent aux cantons dans le même dessein (al. 2 let. b). Il construit des logements par l’intermédiaire de fondations de droit public (al. 2 let. c) et veille à la qualité des logements et de leur environnement, ainsi qu’à l’économie des coûts de production et d’exploitation (al. 2 let. d). Il instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec son aide. Les logements et les locaux situés dans des immeubles construits avec son aide au sens de l’al. 2 let. b sont soumis à ce contrôle aussi longtemps qu’ils bénéficient de cette aide (al. 3).

Sont entre autres admis au bénéfice de la LGL les immeubles de catégorie HM (art. 16 al. 1 let. d LGL), ce qui est le cas des immeubles qui sont la propriété de la recourante. Il s'agit d'immeubles d'habitations mixtes, comprenant des logements avec subvention proportionnelle au revenu des locataires et des logements sans subvention.

5.2 L’art. 42 LGL prévoit que pendant toute la durée du contrôle des loyers institué par l’art. 1 al. 3 l’état locatif agréé de l’immeuble ne peut être modifié qu’en raison de la diminution légale des prestations de l’État et de l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien (al. 1). Aussi longtemps que les logements sont au bénéfice de la LGL, le propriétaire ne peut les louer à un loyer supérieur au loyer autorisé (al. 2). Le service compétent statue sur les demandes de modification de l’état locatif agréé présentées par le propriétaire et autorise ou refuse la demande (al. 3). Le propriétaire doit signaler au service compétent toute diminution des frais d’exploitation des immeubles, notamment les baisses du taux des intérêts des dettes hypothécaires (al. 4). Le service compétent peut diminuer l’état locatif agréé, en cas de réduction des charges d’exploitation, du taux des intérêts des dettes hypothécaires, ou d’un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d’État (al. 5). Les décisions du service compétent sont prises soit d’office, soit sur demande du propriétaire ou d’un locataire. Elles sont motivées et indiquent la voie et le délai de réclamation prévus par la loi (al. 6). Le propriétaire notifie au locataire le loyer autorisé par le service compétent en utilisant, à cette fin et sous peine de nullité, une formule officielle mentionnant notamment les motifs de la modification du loyer, le droit à obtenir une allocation de logement aux conditions fixées par la loi en s’adressant à l’autorité compétente, ainsi que la voie et le délai de réclamation prévus par la loi. Une copie conforme de la décision relative au nouveau loyer doit y être jointe (al. 7). La formule avise en outre le locataire qu’il est autorisé à consulter, auprès du service compétent, les pièces du dossier sur la base desquelles le loyer a été fixé (al. 8).

5.3 Selon l'art. 44 LGL, si le bail porte sur un logement, le locataire peut, dans le délai de 30 jours, déposer une réclamation auprès du service compétent, contre les décisions visées à l’art. 42 LGL et plus particulièrement contre les avis notifiés sur formule officielle par le propriétaire (al. 1). La réclamation est motivée par écrit et comporte, s’il y a lieu, toutes pièces justificatives. Le service compétent informe le propriétaire du dépôt de la réclamation et lui impartit un délai de dix jours pour intervenir à la procédure et faire ses observations écrites sur la réclamation, s’il s’y croit fondé, en précisant que la décision sur réclamation lui est opposable, qu’il soit ou non intervenu (al. 2). Le délai de 30 jours pour déposer une réclamation ne commence à courir que dès réception de la décision ou de la notification faite par le propriétaire en vertu de l’art. 42 al. 7 (al. 3). Le service compétent statue sur la réclamation et notifie sa décision motivée aux parties à la procédure avec indication de la voie et du délai de recours (al. 4).

5.4 L’interdiction du formalisme excessif commande de ne pas se montrer trop strict dans la formulation des conclusions et de les interpréter, cas échéant, à la lumière de la motivation (ATF 142 III 364 consid. 1.2).

5.5 L’interdiction de l’abus de droit se déduit du principe de la bonne foi (art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 et art. 9 Cst.) et s’étend à l’ensemble des domaines juridiques (ATF 131 I 185 consid. 3.2.3 ; 130 IV 72 consid. 2.2). L’interdiction de l’abus de droit s’applique ainsi, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3). Elle vise non seulement les particuliers, mais aussi l’administration (ATF 110 Ib 332 consid. 3a). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger soit manifeste (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_658/2021 du 15 mars 2022 consid. 4.2.1).

5.6 En l'espèce, dans son courrier du 29 novembre 2023, intitulé « Réclamation », le locataire a clairement indiqué qu'il s'opposait à la hausse de son loyer (10 %) du 8 novembre 2023, intervenue cinq mois seulement après son emménagement. De la même façon, il s'est prévalu de l'art. 42 al. 5 LGL opposant à cette hausse un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d'État et sollicitant un calcul de rendement sur la base du prix d'achat de l'immeuble. Il a également demandé à ce que la hausse soit « retirée » ou adaptée le cas échéant. Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans retiendra que le courrier du locataire est motivé à satisfaction de droit et répond aux réquisits de l'art. 44 al. 2 LGL. De plus, le locataire pouvait difficilement indiquer que la décision du 30 octobre 2023 était erronée ou infondée dans la mesure où il n'était pas le destinataire de celle-ci. Seul l'avis de modification de loyer lui a été notifié (art. 47 al. 2 LGL). À titre superfétatoire, l'art. 42 al. 6 LGL prévoit que les décisions de l'intimé peuvent être prises d'office. Pour ces motifs, c'est de manière conforme au droit que l'intimé est entré en matière sur la réclamation du locataire.

Le grief est infondé.

6.             La recourante considère que l'OCLPF a violé le principe de la bonne foi. Elle avait acquis les immeubles en question en raison du fait que ce service avait admis le 1er novembre 2023 le plan financier daté du 18 octobre 2023.

6.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 568).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d'abord, on doit être en présence d'une promesse concrète effectuée à l'égard d'une personne déterminée. Il faut également que l'autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n'ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, qu'elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu'elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n'ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATA/1385/2021 du 21 décembre 2021 consid. 13).

6.2 Le droit administratif connaît le principe de la force et de l’autorité de la chose décidée, auxquels correspondent, après jugement, la force et l’autorité de la chose jugée. Une décision, rendue par une autorité devient définitive à l’échéance du délai de recours, dès lors qu’aucun recours n’a été interjeté. Dès ce moment, elle a acquis la force de chose décidée, ce qui signifie qu’elle ne peut plus être remise en cause devant une autorité administrative ou judiciaire, et elle a acquis l’autorité de chose décidée par l’effet juridique qu’elle génère par son contenu (ATA/102/2025 du 28 janvier 2025 consid. 5.4.3).

6.3 En l'occurrence, le courrier de l'intimé du 1er novembre 2023 informe que le plan financier du 18 octobre 2023 signé par la recourante est admis. Ce courrier ne constitue toutefois pas une assurance de voir le montant de CHF 413'532.-, au titre de l'état locatif agréé, garanti. En effet, parallèlement, par décision du 30 octobre 2023, le service a notifié à l'ancienne propriétaire une modification de l'état locatif des immeubles. Or, cette décision n'était pas en force, dans la mesure où le loyer autorisé devait encore faire l'objet d'une notification auprès des locataires avec l'éventualité d'une réclamation de la part de ces derniers (art. 44 LGL). Le contenu de l'information contenue dans le courrier du 1er novembre 2023 ne pouvait ainsi pas revêtir la qualité d'assurance.

Le grief est mal fondé.

7.             La recourante estime que l'intimé a mésusé de son pouvoir d'appréciation en appliquant un taux de rendement admissible erroné.

7.1 Pour être admis au bénéfice de la LGL, les immeubles doivent répondre à différentes conditions énoncées à l'art. 25 LGL. Ils doivent comprendre essentiellement des logements dont les loyers soient compatibles avec la destination de logements d'utilité publique (let. a) ; ils doivent comporter un équipement confortable et répondent par leur conception et leurs caractéristiques aux besoins de la population (let. b) ; ils doivent être construits conformément aux règles de l'art et avec des matériaux de bonne qualité (let. c) ; ils doivent être de qualité, y compris pour leur environnement, et construits dans le souci de l'économie des coûts de production et d'exploitation (let. d, qui renvoie à l'art. 1 al. 2 let. d LGL).

Les plans techniques et financiers, notamment les normes applicables à l'état locatif, doivent être préalablement agréés par le Conseil d'État, qui peut déléguer cette compétence à un département. Toute modification qui intervient en cours de construction doit être signalée et faire, le cas échéant, l'objet d'un nouvel agrément (art. 27 LGL).

7.2 Selon l’art. 42 al. 1 LGL, pendant toute la durée du contrôle des loyers, l’état locatif agréé de l’immeuble ne peut être modifié qu’en raison de la diminution légale des prestations de l’État et de l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien. L’art. 42 al. 2 LGL prévoit qu’aussi longtemps que les logements sont au bénéfice de la LGL, le propriétaire ne peut les louer à un loyer supérieur au loyer autorisé. En vertu de l’art. 42 al. 5 LGL, le service compétent peut diminuer l’état locatif agréé, en cas de réduction des charges d’exploitation, du taux des intérêts des dettes hypothécaires, ou d’un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d’État. À teneur de cette disposition-ci, l’administration « peut » mais n’a pas l’obligation d’adapter l’état locatif autorisé ; elle bénéficie ainsi d’un large pouvoir d’appréciation dont elle doit faire usage dans cette perspective afin que le but d’intérêt public au maintien de logements sociaux soit préservé (ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 5).

7.3 Selon l’art. 5 al. 4 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), les loyers tiennent compte des conditions d’exploitation de l’immeuble et des frais qui en découlent, dans la mesure où ces frais sont admis par le service compétent tant dans leur genre que dans leur quotité, à l’exception du chauffage et de l’eau chaude qui sont fournis au prix coûtant selon pièces justificatives tenues à la disposition des locataires à la fin de chaque période annuelle de chauffage. Le bailleur ne peut exiger d’un locataire une prestation autre que le loyer et la participation aux frais de chauffage et de fourniture d’eau chaude, hormis le paiement, cas échéant, de parts sociales dans le cadre de coopératives d’habitation.

7.4 Dans l'arrêté de base fixant le montant de l'aide étatique, le Conseil d'État détermine l'état locatif initial autorisé en fonction des plans financiers qui lui sont soumis (art. 27 LGL). Le contrôle du loyer comporte l'examen de l'ensemble des éléments financiers qui s'y rapportent, à savoir le contrôle du prix du terrain, de la construction et du rendement des fonds. Dans le cadre de son activité de contrôle, l'OCLPF a adopté des directives visant à codifier sa pratique notamment pour la détermination des éléments à prendre en compte dans l'établissement de l'état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique (par exemple : pratique administrative de l'OCLPF, prix admis dans les plans financiers pour les terrains sis en zone de développement, PA/SI/001.05 ; coûts de construction admis dans les plans financiers des immeubles soumis à la LGZD ou à la LGL, PA/SI/036.01 ; taux de rendement nets initiaux admis en fonction du type de financement, PA/SI/004.03 ; loyers maximums par pièce pour accord de principe, PA/SI/005.03).

7.5 La chambre administrative a déjà eu l'occasion de confirmer la conformité à la LGL de telles directives, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d'un grand volume de travail, l'examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n'étant matériellement pas possible et de surcroît source d'insécurité juridique et d'inégalité de traitement (ATA/585/2017 du 23 mai 2017 consid. 7a et les références citées).

7.6 Conformément à l’ArRPFOL dans sa teneur au 21 février 2018, les rendements admissibles pour les immeubles contrôlés en application de la LGZD, de la LGL et de la LUP sont fixés à 4% pour des immeubles financés par 100% de fonds propres, 4,5% pour des immeubles financés par 50% de fonds propres et 6% pour des immeubles financés par 20% de fonds propres.

7.7 Selon l’art. 45 LGL, les locataires de logements ou de locaux soumis à la LGL bénéficient, à l’exception des règles relatives à la fixation des loyers dans les logements, de la protection instituée par le titre huitième de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) (bail à loyer). Les art. 31 à 31C LGL sont réservés.

7.8 Dans l’arrêt 1C_500/2013 du 25 septembre 2014, le Tribunal fédéral a jugé que l’art. 269 CO s’appliquait également aux loyers contrôlés par l’État. Cette disposition prévoit que les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré. Selon le Tribunal fédéral, les autorités administratives ne peuvent pas autoriser des loyers procurant au bailleur un rendement excessif des fonds propres investis dans l’immeuble ou résultant d’un prix d’achat manifestement exagéré ; elles ne doivent pas non plus prendre en compte d’autres critères de fixation du loyer que ceux relatifs aux coûts, en particulier les loyers comparatifs (art. 269a let. a CO).

Sur la base des éléments factuels du cas d’espèce relatifs au système vaudois, le Tribunal fédéral a considéré qu’en matière de locaux d’habitation en faveur desquels des mesures d’encouragement ont été prises par les pouvoirs publics, un examen de la conformité du loyer à l’art. 269 CO uniquement à un moment déterminé du bail ferait l’impasse sur les efforts consentis sur la durée par les pouvoirs publics et le cas échéant par la propriétaire (consid. 3.2). Comme, dans cette affaire, la locataire ne semblait pas avoir disposé des éléments nécessaires pour lui permettre de faire contrôler, pour la durée de l’aide des pouvoirs publics, la conformité des loyers prévus avec l’art. 269 CO, qu’un contrôle devait intervenir et qu’il ne pouvait, en l’état du dossier, pas être effectué par le Tribunal fédéral, celui-ci a renvoyé la cause au Tribunal cantonal vaudois pour que lui-même – ou sur renvoi à l’autorité de première instance – établisse les faits utiles à la solution du litige et qu’il vérifie ensuite si, compte tenu des efforts consentis par la propriétaire et les pouvoirs publics et des autres circonstances pertinentes, le loyer prévu pendant la période de contrôle violait le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité consid. 3.2.3 et 3.3).

7.9 Dans les états de faits ayant donné lieu aux ATA/845/2016 et ATA/847/2016 du 11 octobre 2016 et ATA/989/2016 du 22 novembre 2016, l'OCLPF avait procédé à une augmentation de l’état locatif maximum autorisé, en raison d’une diminution de la subvention que le Conseil d’État avait octroyée aux propriétaires respectives des immeubles concernés et qui était annuelle et dégressive sur une durée de 20 ans. Le système mis en place par l’office en application de la LGL répercutait les diminutions des subventions sur les loyers de manière quasi automatique, indépendamment des variations du taux hypothécaire de référence et donc du taux de rendement de référence. Ce mécanisme avait été prévu dans le but de faire coïncider les loyers LGL avec les loyers libres en fin de période de subventionnement pour éviter une trop forte hausse de loyer à ce moment-là. Ce système n’avait de sens que lorsque le taux hypothécaire de référence variait peu ou augmentait mais non s’il baissait de 5% à 1,75% en moins de 20 ans.

La chambre administrative a considéré que le fait de vouloir maintenir des avantages aux bailleurs de logements à loyer modéré pour inciter la construction de logements sociaux en admettant un rendement des fonds propres supérieur à celui autorisé pour les loyers privés, ne saurait se faire par simple report des charges sur le loyer payé par les locataires mais bien par le biais des mécanismes prévus par la loi ou la pratique administrative dont le subventionnement. L’application conjointe des mécanismes de la LGL et de la limite fixée par l’art. 269 CO impliquait que les loyers restent en dessous du seuil considéré comme abusif au sens de cette disposition pendant toute la période de subventionnement, et cela même si les loyers étaient en définitive fixés par des critères propres à la LGL.

Sur la base de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité, la chambre de céans a également estimé qu’il ne s’agissait pas d’appliquer sans autre le calcul de rendement prévu par l’art. 269 CO mais de transposer le principe du rendement excessif contenu dans cette norme aux loyers des logements subventionnés (ATA/845/2016 et ATA/847/2016 précités).

7.10 Pour donner suite à ces arrêts, le Conseil d’État a décidé de maintenir sa pratique et d’instituer une commission d’estimation tripartite – regroupant des représentants de l’État, des professionnels de l’immobilier et des locataires – chargée d’établir à intervalle régulier des recommandations en matière de rendement admissible dans les plans financiers des opérations de logements soumis entre autres à la LGL (Point de presse du Conseil d’État du 18 février 2015, p. 6 s). En effet, après consultation d’experts et des milieux intéressés, le Conseil d’État observait que dans le régime contractuel, le rendement admis était basé sur le taux hypothécaire de référence de la Banque nationale suisse, qui était conjoncturel (à savoir 2% en février 2015). Il ne serait pas envisageable d’ajuster les loyers à une valeur précise fixée à court terme, pouvant varier tous les trois mois, comme le taux hypothécaire de référence. Les logements soumis au contrôle de l’État retenaient ainsi un taux hypothécaire moyen basé sur une observation de longue durée (plusieurs décennies), augmenté d’une marge pour absorber l’inflation ainsi qu’une juste compensation pour les restrictions objectives à la liberté économique des investisseurs dans ce type de logements (en particulier limitation du choix du locataire, contrôle régulier des conditions d’exploitation, contraintes financières). Il ressortait d’une analyse rétrospective de cas concrets que les loyers moyens en régime subventionné étaient 30% moins élevés qu’en régime libre et que des locataires avaient économisé plus de CHF 100'000.- pour le logement qu’ils occupaient dans le cadre du régime LGL par rapport à ce qu’ils auraient payé dans un régime régi par le droit privé (Point de presse du Conseil d’État du 18 février 2015, p. 6).

7.11 Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a confirmé le mode de fixation des taux de rendements selon les critères fixés dans l’ArRPFOL (ATA/59/2019 précité consid. 9 et 10).

7.12 La chambre de céans fait preuve de retenue lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont sont traités par une administration spécialisée, en fonction de la loi voire des directives existantes, certains frais d'exploitation courants ou extraordinaires ou dont elle établit le budget, voire l'état locatif autorisé d'un immeuble. L'office est un service spécialisé chargé d’examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l'État et, en particulier, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l'amener à établir une pratique uniforme. La chambre de céans ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques. Son contrôle se limite à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/190/2018 du 27 février 2018 et les références citées). Toutefois, afin que ce contrôle puisse être effectué, le locataire puis la chambre de céans doivent avoir été mis en mesure de comprendre sur quels éléments exactement l’autorité s’est fondée pour arrêter sa décision.

7.13 En l'espèce, il est vrai que l’ArRPFOL permet d'appliquer un taux de rendement pouvant aller jusqu'à 6%, pour autant toutefois que le financement comprenne 80% de fonds étrangers et 20% de fonds propres.

Dans sa réponse au recours, l'intimé a présenté un calcul tenant notamment compte de onze contraintes auxquelles il a attribué un coût propre, correspondant à un taux de l’état locatif :

 

Contrôle et orientation sur les coûts de construction et d’exploitation 

1%

Mesures générales sur l’obligation d’entretien des immeubles 

0,5%

Frais d’exploitation examinés dans leur genre et quotité 

0,5%

Travaux importants soumis à approbation 

0,5%

Limitation dans le choix des locataires (taux d’occupation et d’effort) 

1%

Contingent d’attribution étatique 

0,5%

Contrôle de tous les loyers 

2%

Obligation d’annoncer toute économie en cours d’exploitation 

0,5%

Modification de l’état locatif suite à un examen d’office de l’État 

0,5%

Date à laquelle intervient l’État ne porte pas préjudice au locataire (mise en réserve) 

1%

Absence de garantie locative 

1%

 

Selon ses explications, le risque financier est traduit en prime de rendement compte tenu de la proportion des fonds propres engagés par le propriétaire. Pour un rendement brut de 6% valeur issue de l'analyse d'un échantillon d'immeubles sous régime LGL, avec un état locatif de 6% pour un prix de revient de 100, une perte de 1% de l'état locatif (0,06) fait passer le rendement net de 4,5%, soit le taux initial autorisé à l'accord de principe pour un financement de 100% fonds propres, à 4,4%, soit une différence de 0,06 point de pourcent. Partant, une perte de 8% de l'état locatif réduit le rendement net de 0,48 point de pourcent, arrondi à 0,5 point de pourcent.

Pour les opérations financées entièrement en fonds propres, une perte de 8% de l'état locatif réduit le rendement net de 0,48% (arrondi à 0,5%). Pour les opérations financées à 50% de fonds propres, une perte de 8% de l'état locatif réduit le rendement net de 0,96% (arrondi à 1%). Pour les opérations financées à 20% de fonds propres, une perte de 8% de l'état locatif réduit le rendement net de 2,40% (arrondi à 2,5%).

La prime de rendement s'ajoute à un demi-point couvrant le risque locatif, de sorte que pour les opérations financées entièrement en fonds-propres, la marge totale est de 1%. Pour les opérations financées à 50% de fonds propres, la marge totale est de 1,5% et pour les opérations financées à 20% de fonds propres, la marge totale est de 3%.

Les fonds propres investis sont indexés au jour du calcul à raison de 40% d'entre eux au maximum.

Enfin, il faut comparer le rendement net initial découlant du plan financier définitif avec celui obtenu selon cette méthode. Si le rendement net initial, subvention déduite, s'avère supérieur à celui constaté au contrôle opéré, l'état locatif agréé est réduit à concurrence de la différence constatée.

En l'occurrence, la recourante ne conteste pas que l'investissement de fonds propres est de 43% pour l'opération. Comme vu ci-dessus, l’ArRPFOL fixe trois échelons. Un tel investissement, indexation à l'ISPC comprise, autorise un taux de rendement compris entre 4,5% et 6%. Pour une opération engageant une proportion intermédiaire de fonds propres, entre 20 et 50% de fonds propres, chaque augmentation de 1% de fonds propres correspond à un rendement abaissé de 0,05% (1,50 [6% - 4,5%] : 30 [50% - 20%] par rapport au plafond de 6%. Par conséquent, avec un financement à raison de 43% de fonds propres, le taux de rendement sur fonds propres maximal est de 4,85% (6% - [(43% - 20%) x 0,05%]), comme l'a correctement fixé l'intimé.

La recourante perd de vue que dans la mesure où son financement de fonds propres est supérieur à 20%, elle ne peut pas revendiquer un taux de rendement admissible de 6%. De plus, la directive PA/SI/004.04 précise que les taux fixés par arrêté du Conseil d'État le 21 février 2018 sont des maxima. Cela signifie que l'intimé peut moduler le taux de rendement admissible s'il demeure dans la fourchette arrêtée correspondant au pourcentage du financement en fonds propres. Ainsi, compte tenu de ces éléments et dans la mesure où la chambre de céans ne saurait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques, c'est de manière conforme au droit que l'OCLPF a fixé le taux de rendement admissible à 4,85%.

Le grief est mal fondé.

8.             La recourante estime que l'intimé aurait mésusé de son pouvoir d'appréciation en majorant seulement d'un demi-point le taux de rendement admissible. Selon elle, le taux de rendement admissible aurait dû être majoré de 2% et non de 0,5% dans le mesure où le taux hypothécaire de référence est de 1,75% depuis le 2 décembre 2023.

8.1 Dans le cadre de la méthode du rendement net (art. 269 CO), le loyer admissible est calculé en additionnant le rendement des fonds propres aux charges immobilières (soit les intérêts hypothécaires, les frais d'entretien et les frais d'exploitation effectifs) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_288/2020 du 13 janvier 2021 consid. 5.1 et 4A_239/2018 du 19 février 2019 consid. 5.2.2). Le rendement des fonds propres correspond aux fonds propres investis, multipliés par le taux hypothécaire de référence auquel on ajoute un supplément. Ce supplément a été pendant longtemps de 0,5% jusqu'à ce que le Tribunal fédéral le porte à 2% en 2020, tant que le taux hypothécaire de référence est inférieur ou égal à 2% (ATF 147 III 14 consid. 8.4).

8.2 Comme l’a cependant rappelé le Tribunal fédéral, si le loyer d’un immeuble subventionné ne doit pas être abusif, il convient de prendre en compte dans l’examen de l’existence ou non d’un rendement excessif les circonstances pertinentes ainsi que les événements survenus pendant la période de contrôle des loyers (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité consid. 3.2.2 et 3.3.). Il ne s’agit donc pas d’appliquer sans autre le calcul de rendement prévu par l’art. 269 CO mais de transposer le principe du rendement excessif contenu dans cette norme aux loyers des logements subventionnés.

Or, comme il ressort de la réponse de l'intimé du 8 juillet 2024, les recommandations de la commission consultative tripartite ont validé une durée de lissage du taux hypothécaire de référence de 20 ans. Le taux hypothécaire moyen ou lissé sur 20 ans à fin 2017 a donc été arrêté à 3,04%. Ainsi, dans la mesure où le taux de référence lissé (3,04%) est supérieur à 2%, la jurisprudence invoquée par la recourante ne trouverait en toute hypothèse pas application en l'espèce et son argumentation tombe à faux.

Le grief est infondé.

9.             La recourante se plaint que l'intimé a abusé de son pouvoir d'appréciation en pondérant arbitrairement les prestations étatiques en proportion des locataires.

9.1 L'art. 23B al. 1 LGL prévoit que le Conseil d'État autorise, pour les immeubles de la catégorie 4 (HM), une subvention personnalisée au logement aux locataires respectant les conditions fixées à l’art. 30 LGL, pour une durée ne pouvant excéder 25 ans, à compter de la mise en exploitation de l’immeuble.

Dans les immeubles de catégorie 4 (HM), les 60% au moins des logements sont destinés, lors de la première location, à des locataires pouvant bénéficier d’une subvention personnalisée au sens de l’art. 30A LGL; en cas de relocation, la priorité doit être donnée à un locataire respectant les conditions fixées à l’art. 30A LGL, si les 60% au moins des logements ne sont plus occupés par des locataires bénéficiant d’une subvention personnalisée (art. 30 al. 1 2e phr. LGL).

9.2 En l'occurrence, si la subvention à la pierre est acquittée en main directe des propriétaires d'immeubles de catégories HBM ou HLM et qu'elle permet de réduire les loyers de l'ensemble des locataires dans la même proportion, il en va autrement des immeubles de catégorie 4 (HM) puisque ceux-ci abritent des logements avec subvention proportionnelle aux revenus des locataires et des logements sans subvention (art. 16 al. 1 let. d LGL).

Au vu du régime particulier découlant de cette catégorie d'immeuble, il convient, comme l'a fait l'autorité intimée, de pondérer le montant global des subventions personnalisées versées par le pourcentage de locataires en ayant bénéficié, étant rappelé que la chambre administrative ne peut pas substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques.

Ainsi, en 2021, l'OCLPF a versé au titre de la subvention personnalisée un montant de CHF 23'873.85, de CHF 22'067.15 en 2022 et de CHF 16'153.30 en 2023. En tenant compte des locataires ayant perçu une telle subvention pour l'année en question (35,71% en 2021 et 2022 et 28,57% en 2023), la moyenne des subventions pondérées versées est de CHF 7'008.-.

Le calcul est le suivant :

[(CHF 23'873.85 x 35,71%) + (CHF 22'067.15 x 35,71%) + (CHF 16'153.30 x 28,57%)] : 3 = CHF 7'008.-.

Ce montant est à soustraire du revenu net initial (CHF 176'400.- - CHF 7'008.- = CHF 169'392.-) en vue de le comparer avec celui admissible, déterminé selon le taux de rendement maximal selon l'ArRPFOL et la proportion de fonds investis (CHF 162'180.-). Il en découle que le revenu net actuel des loyers, subvention pondérée déduite, correspond à CHF 169'392.- et s'avère ainsi supérieur au revenu maximum admissible, soit CHF 162'180.- (- CHF 7'212.-).

Le grief est mal fondé.

Au vu de ce qui précède, l'OCLPF a, sans violer la loi ni commettre d’abus de son pouvoir d’appréciation, modifié l'état locatif maximum autorisé, dès le 1er janvier 2024, le fixant à CHF 406'320.- (CHF 413'532.- - CHF 7'212.-).

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

10.         Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juin 2024 par A______ contre la décision sur réclamation de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 6 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal PÉTROZ, avocat de la recourante, à l'office cantonal du logement et de la planification foncière ainsi qu'à B______.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :