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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2999/2017

ATA/190/2018 du 27.02.2018 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2999/2017-LOGMT ATA/190/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2018

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Nicolas Wisard, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE



EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est propriétaire des parcelles n° 1______ et 2______ de la commune du Grand-Saconnex, classées en zone de développement 3.

2) Les immeubles qui y sont construits ont été mis au bénéfice du régime prévu par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), dans le statut d’immeubles d’habitation mixte (HM, catégorie 4) au sens de l’art. 16 al. 1 let. d de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

3) Par arrêté du 23 novembre 2005, le Conseil d’État a autorisé l’état locatif à titre provisoire pour un montant total de CHF 468'300.-, comportant vingt logements, comprenant 93 pièces, 698.5 m2, 2 parkings intérieurs doubles et 26 parkings intérieurs.

4) Le même état locatif a été approuvé définitivement par arrêté du 26 mai 2010. Une subvention personnelle d’une durée de vingt-cinq ans à compter du 1er janvier 2006 a été accordée aux locataires, le propriétaire a été exempté à concurrence de 80 % de l’impôt immobilier complémentaire et mis au bénéfice d’un taux d’imposition réduit pour les impôts cantonaux et communaux pendant vingt ans.

5) À compter du 1er décembre 2011, l’état locatif autorisé a été fixé à CHF 499'008.-.

6) Début 2017, A______ a été approchée par une société de téléphonie mobile souhaitant poser une antenne relais sur le toit d’un de ses immeubles, pour un loyer annuel de CHF 15'000.-.

7) Répondant à A______ par décision du 13 juin 2017, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) l’a informée que le montant précité serait pris en compte en tant qu’élément d’exploitation à considérer lors de l’analyse du dossier en vue d’une modification éventuelle de l’état locatif. Dans la pratique, de tels revenus complémentaires étaient comptabilisés dans le calcul des réserves, au même titre par exemple que la location d’un panneau publicitaire.

8) Par acte expédié le 11 juillet 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a contesté cette décision, concluant à ce qu’il soit constaté que les revenus issus de la mise à disposition d’un espace de toiture pour l’implantation de l’antenne de téléphonie mobile ne sont pas intégrés à l’état locatif de ses deux immeubles.

L’autorisation de construire ne pouvait être refusée, d’une part. D’autre part, l’objet du contrôle de la LGZD était l’immeuble en tant qu’il était affecté aux besoins de la zone de développement, et non les éléments de valorisation de celui-ci, qui étaient étrangers aux normes de la zone de développement. L’objectif de la loi était de contrôler les coûts de construction et d’exploitation, mais n’imposait pas au propriétaire de tirer un maximum de profit de son bien. Dès lors que la LGL ne contenait pas de définition de l’état locatif, c’était sans base légale que l’OCLPF envisageait d’inclure le loyer de CHF 15'000.- dans ce dernier.

9) L’OCLPF a conclu au rejet du recours.

10) Dans sa réplique, A______ a relevé qu’elle n’avait pas installé l’antenne litigieuse, étant dans l’attente de l’issue de la présente procédure avant d’y procéder. Les charges devaient être couvertes par l’état locatif, sauf si l’immeuble générait d’autres revenus. Dans ce cas, l’état locatif correspondait au solde des charges non couvertes par les revenus. Pour le surplus, il sera revenu ci-après, dans la mesure utile à la solution du litige, sur ses arguments.

11) Par courrier du 9 octobre 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Sauf exceptions prévues par la loi ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05), la chambre administrative statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Aucune disposition de droit cantonal ou fédéral ne prévoyant en l’espèce une autre voie de recours, la chambre administrative est compétente pour statuer sur le recours. Celui-ci a, par ailleurs, été interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 let. a LPA).

Il est, donc, recevable.

2) Est litigieuse la question de savoir si le loyer issu de la location d’une antenne de téléphonie mobile implantée sur le toit d’un immeuble de type HM doit être pris en compte dans l’examen de l’état locatif au titre de réserve.

a. L’État encourage la construction de logements d’utilité publique et s’efforce d’améliorer la qualité de l’habitat dans les limites et selon les critères fixés par la loi (art. 1 al. 1 LGL). La politique d’encouragement est également assurée par la LGZD, qui impose la destination des constructions dans le périmètre fixé (art. 5 LGZD). La LGZD prescrit ainsi un certain pourcentage de logements dits sociaux au sens de la LGL (art. 4B LGZD).

L’encouragement de l’État se concrétise par voie d’octroi de subventions, d’allégement fiscaux ainsi que par la surveillance de la qualité d’immeubles subventionnés et de leur environnement, ainsi qu’à l’économie des coûts de production et d’exploitation (art. 1 al. 2 let. b et d LGL). Sont notamment admis au bénéfice de la LGL les immeubles de catégorie 4 HM (art. 16 al. 1 let. d LGL).

b. Dans l’arrêté de base fixant le montant de l’aide étatique, le Conseil d’État détermine l’état locatif initial autorisé en fonction des plans financiers qui lui sont soumis (art. 27 LGL). Le contrôle du loyer comporte l’examen de l’ensemble des éléments financiers qui s’y rapportent, à savoir le contrôle du prix du terrain, de la construction et du rendement des fonds. Dans le cadre de son activité de contrôle, l’OCLPF a adopté des directives visant à codifier sa pratique pour la détermination des éléments précités à prendre en compte dans l’établissement de l’état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique (ex : pratique administrative de l’office du logement, prix admis dans les plans financiers pour les terrains sis en zone de développement, PA/SI/001.05, coûts de construction admis dans les plans financiers des immeubles soumis à la LGZD ou à la LGL, PA/SI/036.01, taux de rendement nets initiaux admis en fonction du type de financement, PA/SI/004.03, loyers maximums par pièce pour accord de principe, PA/SI/005.03).

L’ensemble des éléments applicables à l’état locatif sont fixés par le plan financier accepté en début de la période de contrôle et dont les effets durent toute la période de contrôle (art. 27 LGL et 5 al. 2 LGZD). Toute modification des conditions fixées dans la décision de bénéfice de la LGL à titre définitif, notamment le changement de propriétaire, de ses statuts s’il s’agit d’une personne morale, ou du financement, doit être préalablement agréée par l’autorité compétente. Reste réservée la modification de l’état locatif visée à l’art. 42 LGL (art. 78 al. 4 du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01).

Au terme de cette disposition, l’état locatif ne peut être modifié qu’en fonction de l’évolution de certains critères précis, soit la diminution légale des prestations de l’État, l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux d’intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien (al. 1).

Lors de l’examen des demandes de modification de l’état locatif autorisé selon l’art. 42 LGL, l’administration peut mais n’a pas l’obligation d’adapter ce dernier. Elle bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dans l’usage de cette prérogative afin que le but d’intérêt public au maintien de logements sociaux soit préservé (art. 42 al. 5 LGL ; ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 15 ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 5 ; ATA/879/2010 du 14 décembre 2010 consid. 2d).

c. L’art. 42 al. 1 LGL impose à l’autorité administrative de prendre en compte le besoin de reconstituer la réserve lorsqu’elle fixe le nouvel état locatif. La loi ne définit toutefois pas la notion de réserve. Selon l'art. 3 al. 4 LGL, le propriétaire doit constituer des réserves pour travaux d'entretien et les déposer en banque sur un compte spécial. Les dépenses effectives étant inférieures aux dépenses budgétisées durant les premières années, il s’agit de constituer une réserve nécessaire destinée à financer des travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle (ATA M. du 24 juin 1981 consid. 4 ; ATA O. et C. du 19 décembre 1985 consid. 4). La constitution d’une provision pour travaux d’entretien et de réparation ne doit toutefois pas permettre au propriétaire d’obtenir par des voies détournées, à la fin du contrôle officiel, un rendement des fonds propres excédant celui autorisé (ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 7 ; ATA/879/2010 précité consid. 4 ; Richard BARBEY, Le contrôle officiel des loyers à Genève in RDAF 1981 p. 208 ss, p. 217)

La pratique de l’autorité intimée, qui ne figure pas dans les directives publiées par l’OCLPF sur son site internet, mais dont la recourante a produit une copie et dont l’existence ressort de la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/585/2017 du 23 mai 2017 consid. 7c ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 8 ; ATA/879/2010 précité consid. 4), retient en particulier que les budgets pour les charges d’exploitation doivent permettre de couvrir les charges courantes et de constituer des réserves pour l’entretien de l’ordre de CHF 1'000.- par pièce à mi-terme de la période légale. Ces budgets doivent également faire en sorte que, pour un immeuble normalement entretenu, la réserve tende vers zéro à la fin de la période de contrôle. Aux fins de la constitution de la réserve pour entretien, respectivement en cas de réserve insuffisante, 10 % de la moyenne considérée est retenue au titre d’alimentation de la réserve.

d. La chambre de céans a confirmé la conformité à la LGL des directives de l’OCLPF susmentionnées, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d’un grand volume de travail, l’examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n’étant matériellement pas possible et de surcroît source d’insécurité juridique et d’inégalité de traitement (ATA/585/2017 du 23 mai 2017 consid. 4 ; ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 4d ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 9 et les arrêts cités).

e. Par ailleurs, la chambre de céans fait preuve de retenue lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont sont traités par une administration spécialisée, en fonction de la loi voire des directives existantes, certains frais d'exploitation courants ou extraordinaires ou dont elle établit le budget, voire l'état locatif autorisé d'un immeuble. L'OCLPF est un service spécialisé chargé d’examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l'État et, en particulier, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l'amener à établir une pratique uniforme. La chambre de céans ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques. Son contrôle se limite à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/585/2017 précité ; ATA/879/2010 précité consid. 7 et les références citées).

f. L’art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) consacre le principe de la garantie de la propriété. Conformément à l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1; 140 I 218 consid. 6.7.1).

3) En l’espèce, il convient en premier lieu de relever que contrairement à ce qu’affirme la recourante, l’intimé ne lui a pas interdit d’ériger une antenne sur son immeuble. La décision querellée prévoit uniquement qu’il sera tenu compte, dans l’examen de l’état locatif, des revenus tirés de la location d’un espace de toiture. L’argumentation de la recourante relative à la constructibilité de la zone dans laquelle son immeuble est situé n’est ainsi pas pertinente.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la surface sur laquelle il est prévu de poser l’antenne, à savoir le toit de l’immeuble, fait partie d’un immeuble qui a pu être réalisé grâce au privilège lié à la zone de développement. De ce seul fait déjà, l’immeuble entre dans le périmètre de contrôle de l’OCLPF. La perception d’un revenu complémentaire tiré de cet immeuble fait donc partie des éléments que l’intimé doit prendre en considération, aussi longtemps que l’immeuble est sujet à son contrôle. L’arrêté définitif du Conseil d’État mettant la recourante au bénéfice des aides de l’État pour l’exploitation de ses immeubles a fixé le rendement net autorisé. Tout élément susceptible de l’affecter doit ainsi être porté à la connaissance de l’autorité intimée. Or, la perception d’un loyer complémentaire est un élément financier nouveau, susceptible d’améliorer le rendement net de l’immeuble. La décision attaquée retient ainsi à juste titre qu’il y a lieu de tenir compte de ce nouveau revenu tiré de l’immeuble dans l’examen du dossier en vue de modifier l’état locatif.

Reste à déterminer si le traitement comptable que l’autorité intimée entend réserver aux futurs revenus litigieux est admissible. L’autorité intimée a choisi, dans sa pratique, de traiter comme des réserves les revenus complémentaires tirés d’un immeuble subventionné. Elle a exposé le faire ainsi par exemple pour les revenus issus de la location de panneaux publicitaires.

Comme évoqué plus haut, la loi impose au propriétaire subventionné l’obligation de constituer des réserves (art. 42 LGL). Elle détermine également le revenu admissible que ledit propriétaire est habilité à retirer de son immeuble, en fixant, sur la base du budget et, notamment, des charges, l’état locatif (art. 27 LGL). Contrairement à ce que soutient la recourante, la limitation des revenus liés à un immeuble au bénéfice des aides de l’État repose ainsi sur une base légale. L’affectation proposée par l’intimé des revenus complémentaires résultant de la location d’un espace sur le toit de l’immeuble de la recourante répond, par ailleurs, à un besoin prescrit par la loi, à savoir la constitution de réserves. En outre, en tant que la pratique contestée vise à alimenter le compte des réserves, elle s’inscrit dans le but de la LGL, la réserve pour entretien ayant pour vocation, conformément à la jurisprudence susmentionnée, le financement des travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle et non postérieurement à la période de contrôle. Enfin, la recourante ne soutient pas que le futur loyer relatif à l’antenne de téléphonie excéderait le montant des réserves admissibles selon la pratique de l’intimé.

Au vu de ce qui précède, il n’apparaît pas que l’intimé aurait excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le loyer envisagé sera comptabilisé dans le calcul des réserves. Par conséquent, le recours sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2017 par A______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 13 juin 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Wisard, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :


la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :