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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3126/2015

ATA/845/2016 du 11.10.2016 ( LOGMT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3126/2015-LOGMT ATA/845/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2016

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par l’Association genevoise des locataires (ASLOCA), mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE

et

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L’ÉTAT DE GENÈVE, appelée en cause



EN FAIT

1. Madame A______ est titulaire d’un bail conclu le 20 décembre 2010 pour un appartement de quatre pièces dans un immeuble locatif à l’adresse ______, B______à Genève. L’immeuble en question, composé de quatre allées (_____à______,B______) est propriété de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : la propriétaire ou la CPEG) et a été construit en 1996.

2. En rapport avec la construction de l’immeuble, le Conseil d’état a accordé à la propriétaire, par arrêté du 22 août 2000, une subvention annuelle à l’exploitation dégressive de vingt ans, dès le 1er mai 1997, égale, la première année, aux 2.954 % des 80 % du prix de revient (ci-après : PR), soit une subvention de CHF 535'690.-. Dès la 5ème année, soit dès le 1er mai 2001, cette subvention serait réduite de 1/9ème tous les deux ans, pour disparaître complètement la vingt-et-unième année, soit dès le 1er mai 2017. En outre, la propriétaire était exemptée, dès le 1er mai 1998, de l’impôt immobilier complémentaire, ceci en totalité durant cinq ans, puis avec une réduction de ¼ tous les cinq ans pour disparaître entièrement dès la vingt et unième année, soit dès le 1er janvier 2018. La différence entre les charges annuelles budgétisées et le coût effectif de celles-ci constituait une réserve pour l’exécution de travaux d’entretien.

L’arrêté du Conseil d’État visait le plan financier établi pour la construction de l’immeuble, dont il ressortait les éléments suivants : le PR total de l’opération immobilière était de CHF 22'668'000.-, pour la construction de 60 logements, soit 237.5 pièces, financées entièrement par des fonds propres. L’état locatif maximal autorisé (ci-après : ELMA) était de CHF 1'092'696.-, soit CHF 925'296.- pour les logements (CHF 3'856.- par pièce) et CHF 167'400.- pour les parkings. Une subvention de CHF 535'690.- étant accordée, le rendement brut (ELMA plus subvention/PR) s’établissait à 7.18 %. Les charges, calculées à 1.18 % du PR étaient arrêtées à CHF 268'386.-. Après déduction de celles-ci, le rendement net des fonds propres correspondait à un rendement de 6 % de ceux-là (1'360’000/22'668’000).

3. Entre 1997 et 2015, l’office cantonal du logement, devenu depuis l’office cantonale du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), a autorisé des hausses de l’ELMA, selon le tableau ci-joint :

 

Date

ELMA

01.05.2001

1'152'180.-

01.05.2003

1'233'276.-

01.05.2005

1'292'940.-

01.05.2007

1'352'424.-

01.05.2009

1'469'904.-

01.05.2011

1'551'384.-

01.05.2013

1'631'052.-

4. Le 25 février 2015, la propriétaire a demandé à l’OCLPF, une augmentation de l’ELMA pour l’immeuble en raison de la nouvelle diminution de 1/9ème de la subvention prévue dès le 1er mai 2015.

5. Par décision du 9 avril 2015, l’OCLPF a autorisé l’augmentation requise. L’état locatif, augmenté de 4.11 % pour les logements subventionnés mais inchangé pour les objets non subventionnés, était porté de CHF 1'631'052.- à CHF 1'690'536.- dès le 1er juin 2015.

6. Le 27 avril 2015, la locataire, par l’intermédiaire de l’association genevoise des locataires (ASLOCA) s’est adressée au service immobilier de l’OCLPF. Elle formait une réclamation contre l’avis de modification de loyer du 20 avril 2015 qu’elle avait reçu de la propriétaire le 20 avril 2015 et qui répercutait pour son logement la hausse autorisée par l’OCLPF dès le 1er juin 2015, faisant passer le loyer annuel de CHF 23'904.- à 24'888.-, correspondant à une hausse de 4.1 %.

Elle sollicitait au contraire de cette hausse, une baisse de son loyer de 30 % dès le 1er juin 2015 en se référant à un arrêt du Tribunal fédéral du 25 septembre 2014 (1C_500/2013) qui interdisait les augmentations de loyers notifiées à un locataire, lorsque le loyer majoré procurait à la bailleresse un rendement abusif. L’OCLPF était prié de se déterminer sur cette demande de baisse de loyer et devait remettre à la locataire le calcul de rendement et toutes les pièces nécessaires audit calcul.

7. Le 24 juillet 2015, l’OCLPF a rejeté la réclamation de la locataire.

Le calcul de rendement prévu à l’art. 269 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) ne pouvait pas être transposé tel quel aux loyers d’un immeuble subventionné. Ce n’était pas un principe que les juges fédéraux avaient retenu dans l’arrêt en question. L’examen du rendement procuré devait se faire dans la durée et non pas à un moment déterminé du bail. En outre, le Tribunal fédéral n’avait pas indiqué le moment ni les conditions sous-tendant l’examen.

Dans le système genevois du contrôle des loyers, ceux-ci étaient fixés de manière nominale au moment de la mise en location de l’immeuble, ils n’étaient pas revus durant la période de contrôle. Il était nécessaire de prendre en compte les efforts fournis dans la durée par l’État de Genève dans le cadre de sa politique du logement en termes notamment de taux d’effort applicable au locataire et du contrôle qui pouvait aller de dix à cinquante ans, voire plus selon la catégorie de logements sociaux. Devait être prise en considération l’atteinte à la liberté économique des propriétaires concernés qui devaient se soumettre à un contrôle des loyers en permanence. En outre, les fonds propres du propriétaire n’étaient pas réévalués au coût de la vie pendant toute la durée du contrôle.

L’OCLPF avait établi plusieurs tableaux qu’il avait annexés à sa décision. L’un, intitulé « calcul de rendement au 31 décembre 2014 », indiquait le rendement calculé par année entre 1997 et 2014 ; un autre intitulé « comparaison loyer LGL-CO » portait sur l’évolution des loyers de 1997 à 2014 ; un troisième intitulé « estimation des rendements sur fonds propres LGL et CO sur une durée de 25 ans ».

Il ressortait de ces tableaux que, sur la base d’une période de vingt-cinq ans représentant un cycle moyen de contrôle des loyers, le rendement net sur fonds propres admis pour des immeubles subventionnés et celui des immeubles à loyers libres en application du CO étaient similaires, ceci avant déduction des prestations étatiques pour les immeubles subventionnés. En outre, les loyers des logements contrôlés étaient sur la durée du contrôle plus bas que ceux à loyers libres grâce aux efforts fournis par l’État de Genève, notamment par le biais de la subvention à l’exploitation ou de l’aide personnalisée.

L’OCLPF avait examiné la situation de la locataire en fonction des caractéristiques du financement de l’immeuble. Selon l’arrêté, le montant de la subvention relatif au logement occupé par la locataire, versé depuis la mise en location de l’immeuble, se montait au 31 décembre 2014 à CHF 102'168.-. Il en découlait un rendement sur fonds propres avoisinant 4.58 % dans la durée. Ce taux de rendement ne tenait pas compte de la réserve négative de CHF 215'114.- au 31 décembre 2014. En outre, si l’on comparait le loyer payé par les locataires depuis sa mise en location jusqu’au 31 décembre 2014 à un loyer qui aurait pu être payé durant la même période par la locataire dans un système de surveillance des loyers, en appliquant la méthode relative, il en ressortait une économie cumulée de CHF 74'286.- pour le logement contrôlé.

Le loyer de la locataire n’était pas abusif au sens de l’art. 269 CO, et la réclamation devait être rejetée.

8. Par acte posté le 14 septembre 2015, la locataire a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation de l’OCLPF précitée, qu’elle avait reçue le 27 juillet 2015.

Elle concluait à son annulation et au constat que le loyer qu’elle payait était abusif au sens de l’art. 269 CO, le loyer annuel qu’elle devait payer devait être diminué à CHF 16'732.- dès le 1er juin 2015. Elle concluait également au versement d’une indemnité de procédure.

Le Tribunal fédéral, dans l’arrêt du 25 septembre 2014, précité, avait mentionné que la différence de méthode de calcul de rendement des loyers libres et des loyers subventionnés était susceptible d’entraîner des différences au détriment du locataire d’un immeuble subventionné. Or, en prenant sa décision sur réclamation, l’OCLPF n’avait procédé à aucun calcul de rendement, même s’il y faisait référence. En outre, il n’avait pas apporté la preuve du bien-fondé des chiffres qu’il avait présentés dans ses tableaux. Ceux figurant dans le tableau relatif à la comparaison entre les loyers de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et le CO, intitulé comparaison loyers LGL-CO, permettaient de constater que le rendement de l’immeuble en 2014 était de 5.54 % alors que, selon la méthode de rendement préconisée par le CO, il devait être de 2.5 % au 1er janvier 2015 et de 2.25 % au 1er juin 2015 (taux hypothécaires de référence respectifs de 2.0 et de 1.75 %). En outre, selon le même tableau, le loyer d’un logement comparable dans un immeuble non subventionné était, au 1er mai 2013, de CHF 21'509.-, tandis qu’à la même date, il était de CHF 23'904.- pour un loyer LGL. Ce loyer avait encore été augmenté à CHF 24'888.- dès le 1er juin 2015, alors que le taux hypothécaire de référence avait baissé à 1.75 %. Dans l’hypothèse où l’on retenait comme exacts les chiffres de l’OCLPF, le loyer au 1er juin 2015 ne devrait pas dépasser CHF 21'509.-. En tout état, le calcul de rendement effectué par l’intimé était contesté. Il avait pris en considération une évolution des charges forfaitaire à raison de 1% par an, ce qui était contraire à la méthode préconisée par le CO qui se fondait sur les charges effectives.

9. Le 30 octobre 2015, l’OCLPF a conclu au rejet du recours, en sollicitant préalablement l’appel en cause de la propriétaire.

La locataire était au bénéfice d’une allocation de logement maximale d’un montant annuel de CHF 4'000.-, depuis le 1er avril 2011, à l’exception de la période comprise entre le 1er avril 2012 et le 31 août 2014.

L’arrêt du Tribunal fédéral auquel la recourante se référait, non destiné à la publication, n’était pas un arrêt de principe. En outre, il concernait une situation d’immeubles subventionnés particulière, puisqu’il s’agissait d’immeubles bénéficiant de subventions fédérales. Cet arrêt ne s’appliquait pas à la situation du logement subventionné à Genève, ce d’autant plus qu’il ne définissait aucun critère à prendre en considération dans l’examen précité.

En tout état, on ne pouvait pas appliquer de manière directe le principe définissant comme abusif dans le cadre du logement à loyer libre, tout loyer apportant un rendement excédent de plus de ½ % le taux hypothécaire de référence. Pour une comparaison adéquate, il y avait lieu de prendre en considération les éléments suivants : le propriétaire de logements locatifs était soumis à un contrôle étatique complet, de la phase de construction (mode de financement, contrôle des prix du terrain et des coûts de construction, état locatif initial, respect de normes de construction, dans le but de mettre à disposition de la population des logements à des loyers adaptés à ses besoins) ; dans la phase de location, il n’y avait pas de possibilité d’augmenter le loyer sans en obtenir l’autorisation ; l’assiette de fonds propres sur laquelle le rendement était servi se réduisait au cours des années, celle-ci n’étant ni indexée, ni augmentée nominalement, à concurrence des amortissements ; un taux d’effort qui pouvait aller de dix à vingt-cinq ans selon le régime de logements subventionnés, voire plus en cas de logements pérennes.

Dès lors, un calcul de rendement ne pouvait se faire que dans le cadre d’une appréciation sur la durée et non pas à un moment donné comme le soutenait la recourante. L’OCLPF s’était livré à un tel exercice dans l’établissement des différents tableaux annexés à sa décision sur réclamation. Ses calculs avaient été effectués en fonction des éléments suivants :

- un examen de l’évolution du rendement sur une durée de vingt-cinq ans, en fonction de la durée moyenne du contrôle pour immeubles subventionnés, soit trente ans pour les immeubles HLM, avec possibilité de prolongement de cinq ans, vingt-cinq ans pour les immeubles HM et pérenne pour les immeubles de la catégorie HBM, de même que pour les logements d’utilité publique puisqu’il s’agissait d’une durée de cinquante ans, voire plus ;

- Il y avait lieu de déduire du loyer pris en considération le montant de la subvention versée au propriétaire du logement à titre de contribution aux frais d’exploitation ;

-                 la prise en compte des particularités du système genevois en accordant d’une part « une prime » liée à la restriction du choix des locataires qui doit respecter en continu un taux d’effort et un taux d’occupation légal et dont un pourcentage devait être choisi dans des populations en situation d’urgence sociale ; d’autre part, une « prime », tenant compte du système de contrôle des loyers bien plus contraignant que le système de surveillance prévalant sur le marché locatif libre et qui prohibait toute exagération constatée sur ledit marché.

Si une comparaison devait être faite, il y aurait lieu également de tenir compte de ce que les rendements autorisés étaient des rendements maximums et surtout des rendements nominaux, c’est-à-dire s’appliquant aux fonds-propres investis au 1er jour d’exploitation, sans indexation en cours de contrôle et sans tenir compte de l’amortissement de la dette en cours de contrôle.

En outre, les subventions à l’exploitation étaient comprises dans les taux de rendement. S’il y avait vente de l’immeuble, les revenus n’étaient pas modifiés pendant la période de contrôle. Enfin, les éléments de coûts qui dépassaient ceux admis dans le plan financier initial n’étaient pas pris en compte (terrains achetés trop cher, indemnités payées, ou travaux somptuaires).

10. Le 5 novembre 2015, le juge délégué a appelé en cause la propriétaire.

11. Dans le délai qui lui avait été imparti, celle-ci a conclu au rejet du recours.

Son argumentation rejoignait celle de l’OCLPF concernant la relativisation de la portée de l’arrêt du Tribunal fédéral dont se prévalait la recourante et le fait que les critères servant à calculer le rendement admissible pour les logements à loyers libres ne pouvaient être transposés directement aux loyers des logements contrôlés par l’État.

Le système genevois des loyers contrôlés comportait des spécificités qui justifiaient d’admettre des rendements supérieurs à ceux qui prévalaient actuellement dans le secteur libre : contrôle de l’État sur tous les éléments relatifs aux constructions du terrain, taux de rendement des fonds propres déterminé au début de la procédure de contrôle, que l’évolution de celui-ci soit à la hausse ou à la baisse ; assiette des fonds propres sur laquelle le rendement était calculé, le plafonnement des charges d’entretien, soit en système genevois en CHF 1'000.- par pièce par an, selon la pratique administrative de l’office du logement (directive pa/SI/005.03 – ci-après : la directive), ainsi que l’accord de l’OCLPF pour tous les travaux d’entretien supérieurs à un montant de CHF 4'000.- par pièce. Ce système avait pour conséquence que la réserve pour travaux d’entretien prévue par la loi affichait dans la plupart des immeubles un solde négatif à la fin du contrôle, alors qu’il devrait normalement tendre vers zéro ; la soumission à autorisation de toute augmentation de l’état locatif ; l’élection des locataires qui échappait au propriétaire ; hypothèque légale grevant le bien-fonds à concurrence de 15 % de la valeur initiale du bâtiment.

C’était à juste titre que l’OCLPF avait examiné la situation du rendement généré par l’immeuble dans la durée, et l’avait comparé avec le rendement qui aurait été autorisé en application de l’art. 269 CO pendant le même laps de temps. Il en ressortait de manière claire que la locataire avait bénéficié de la situation et que le rendement qu’elle avait obtenu pour l’immeuble ne saurait être considéré comme abusif au sens du droit privé.

Elle rappelait qu’en tant que caisse de prévoyance, elle avait des obligations de rendement sur ses placements qui devaient dépasser le taux technique. Celui-ci se montait à 2.75 %, soit à 1% de plus que le taux de rendement autorisé au regard de l’art. 269 CO. En 2005, celui-ci était de 4.5 %, alors que le taux hypothécaire de référence était déjà tombé à 3 %. À défaut de pouvoir obtenir un bonus sur le rendement du capital investi, les bailleurs n’auraient plus d’intérêts à investir dans le secteur immobilier subventionné, ce qui aggraverait la pénurie de logements à loyers abordables. En définitive, si l’on suivait la recourante, cela péjorerait la situation des locataires à revenus modestes en décourageant les velléités de construction de logements subventionnés.

12. Le 19 janvier 2016, la locataire a répliqué, persistant dans les termes de son recours.

En droit vaudois, les règles à appliquer en matière de rendement des fonds propres des logements subventionnés étaient précisées dans le règlement. En droit genevois, ni la LGL, ni son règlement ne mentionnaient le mode de calcul des loyers contrôlés par l’état. C’était à juste titre, puisque, comme l’avait rappelé le Tribunal fédéral, celui-ci devait être déterminé en fonction de l’art. 269 CO. Cela n’avait pas empêché le Conseil d’État d’admettre dans sa pratique administrative selon la directive, que les taux de rendement initiaux admis s’échelonnaient entre 4.5 et 6 %. Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le taux de rendement net maximum admis par le CO s’élevait à 2.25 % en fonction du taux de référence (1.75 % + 0.5 %). C’était cette distorsion peu souhaitable, commise au détriment de locataires d’immeubles dont les loyers étaient contrôlés par l’État, qui était visée par le Tribunal fédéral.

Les tableaux fournis par l’autorité intimée n’avaient aucune valeur probante et ne correspondaient pas à ce que le Tribunal fédéral exigeait dans l’arrêt précité. Dès lors que l’art. 269 CO devait s’appliquer aux loyers contrôlés, il incombait à l’autorité de vérifier que celui-ci ne procurait pas au bailleur un rendement excessif et d’établir un tel calcul de rendement conformément aux règles applicables selon le CO.

À titre indicatif, elle s’était livrée à cet exercice, soit à un calcul de rendement établi à la date de la construction de l’immeuble en 1997, à un calcul de rendement établi en 2011 à celle de l’entrée de la recourante dans l’appartement et en 2015, date à laquelle avait été établie la décision litigieuse.

En effectuant un calcul inverse, on pouvait déterminer le rendement net obtenu par la bailleresse à la suite de la décision de l’OCLPF d’avril 2015. Le rendement des fonds propres s’élevait, suite à un calcul inverse, à CHF 1'372'688.- rapportés aux fonds propres réactualisés en CHF 23'500'367.-, cela correspondait à un rendement net de 7.1 %. Or, ce rendement, correspondait presque au triple du rendement net autorisé par l’art. 269 CO et par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Dans leurs observations, tant l’OCLPF que la propriétaire avaient fait valoir un certain nombre de cautèles pour éviter une transposition automatique du mode de calcul des loyers. Elles faisaient par-là une interprétation toute personnelle des considérations du Tribunal fédéral. Il n’y avait pas à prendre en considération une période de référence de vingt-cinq ans, mais de vingt ans. Il n’y avait pas à prendre en considération des taux hypothécaires extrêmement élevés ayant eu cours il y a vingt-cinq ans. Depuis 1997, les taux hypothécaires avaient toujours été inférieurs à 5 %. Le taux hypothécaire moyen pris en considération n’était pas pertinent dans le cas présent. Un tel taux n’était pas pertinent pour d’autres catégories de logements subventionnés, tels les logements HM ou HBM qui n’étaient pas des logements subventionnés par l’État, mais appartenant à des entités dépendant de l’État.

La comparaison faite par l’OCLPF entre le loyer réellement payé pour cet appartement par la recourante et par les précédents locataires contenait un certain nombre de biais. Il était faux de prétendre qu’en loyer libre, les locataires auraient payé un loyer correspondant à la somme du loyer subventionné et de la subvention. En effet, dès la construction, le loyer payé par les locataires était abusif. On ne pouvait retenir une hausse forfaitaire des charges d’exploitation de 1 % à chaque modification de loyer, car de telles hausses forfaitaires étaient étrangères au système du CO qui ne connaissait que les hausses de charges réelles. Les « primes » liées aux choix des locataires n’avaient pas lieu d’être, car elles ne constituaient pas des restrictions à la liberté économique ou, si tel était le cas, elles étaient minimes et ne sauraient en rien justifier une augmentation massive des rendements.

L’OCLPF permettait volontairement de mentionner les autres avantages accordés aux propriétaires, à savoir une exonération fiscale pour les revenus tirés de l’exploitation d’immeubles, qui constituait un avantage très important en argent contrebalançant les très légères restrictions à la liberté économique du propriétaire. La locataire n’avait pas économisé un loyer qui pouvait être chiffré à CHF 31'079.- pour la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015, si l’on comparait les loyers effectivement payés suite aux décisions de l’OCLPF et les loyers correspondant aux rendements admissibles.

13. Le 4 février 2016, l’OLPF a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

Contrairement à ce que soutenait la recourante, il y avait lieu de prendre en considération les cautèles exprimées par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 septembre 2014. La recourante ne pouvait en particulier pas se prévaloir d’un calcul de rendement effectué selon la méthode absolue, laquelle n’était pas transposable telle quelle en matière de loyers subventionnés. L’état locatif global était ventilé selon différents critères de pondération tels que l’étage, l’orientation ou la surface. Les loyers différenciés qui en découlaient évoluaient tous de manière linéaire durant la période de contrôle étatique. Certaines charges d’entretien dites « extraordinaires » selon le droit public étaient omises par l’intéressé, et financées exclusivement par la réserve pour entretien. La méthode de calcul qu’il avait développée par le biais de ces tableaux était conforme aux principes exprimés par le Tribunal fédéral, lequel n’avait aucunement préconisé que soit mise en œuvre la méthode de calcul de rendement appliquée par la recourante. En particulier, celle-ci n’avait pas fait usage notamment de la méthode du rendement brut pour les constructions récentes autorisant une majoration du taux de rendement brut de 2 % à 2.5 % de plus que le taux hypothécaire de référence mentionné par certains auteurs.

14. L’appelée en cause a persisté dans les termes de ses conclusions, sans dupliquer.

15. Le 15 février 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

16. Pour le surplus, les arguments des parties seront repris plus en détail en tant que besoin dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante conteste la décision de fixation du loyer et demande que le loyer annuel soit fixé à CHF 16'732.- par an, provision pour charges et eau chaude non comprise, dès le 1er juin 2015.

3. À Genève, les loyers des logements subventionnés sont fixés sur la base de la LGL.

4. a. Selon l'art. 1 LGL, l’état encourage la construction de logements d’utilité publique dans les limites et selon les critères fixés par la loi (al. 1). À cette fin, il favorise la construction de logements par voies notamment de cautions simples, d’emprunts hypothécaires, d’octrois de prêts avec ou sans intérêts, de subventions, d’avantages fiscaux (art. 1 al. 2 let. b LGL), et veille à l'économie des coûts de production et d'exploitation (art. 1 al. 2 let. d LGL in fine).

L'alinéa 3 de cette disposition précise que l'État instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec l'aide de l'État de Genève. Les logements et les locaux situés dans des immeubles construits avec l’aide de l’État au sens de l’alinéa 2, lettre b LGL sont soumis à ce contrôle aussi longtemps qu’ils bénéficient de cette aide.

b. Le chapitre 3 de la LGL, intitulé « encouragement à la construction de logements d'utilité publique », prévoit que le Conseil d'État détermine, dans chaque cas, la nature et la mesure de l'encouragement à la construction de logements d'utilité publique. Il peut octroyer chaque forme d'aide, partiellement ou totalement, séparément ou cumulativement. Sont notamment admis au bénéfice de la LGL les immeubles de catégorie 2, soit les immeubles d’habitation à loyers modérés (HLM ; art. 16 al. 1 let. b LGL).

c. Un arrêté de base du Conseil d’état fixe le montant de l’aide étatique et détermine l’état locatif initial autorisé en fonction des plans financiers qui lui sont soumis (art. 27 LGL). Par la suite, celui-ci ne peut être modifié qu’en raison de la diminution légale des prestations de l’État, de l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux d’intérêt des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparations, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien (art. 42 al. 1 LGL).

d. Dans le cadre de son activité de contrôle, l’OCLPF a adopté des directives visant à codifier sa pratique notamment pour la détermination des éléments à prendre en compte dans l’établissement de l’état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique.

La chambre de céans a déjà eu l’occasion de confirmer la conformité à la LGL de telles directives, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d’un grand volume de travail, l’examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n’étant matériellement pas possible et de surcroît source d’insécurité juridique et d’inégalité de traitement (ATA/331/2011 du 24 mai 2011 ; ATA/879/2010 du 14 décembre 2010).

Dans sa directive PA/SI/004.03, entrée en vigueur le 3 avril 2007, l’OCLPF vise à fixer les taux de rendement initiaux sur fonds propres maximums autorisés, notamment pour les immeubles soumis à la LGL, en tenant compte de la relation entre la structure de financement et le risque encouru sur les fonds propres (effet de levier). Ainsi, par exemple, depuis une modification du 22 janvier 2014, cette directive prévoit, pour les HLM et HM, qu’un taux de 4.5 % soit pris en compte pour un financement de 100 % en fonds propres, un taux de 5.0 % pour un financement comprenant 50 % de fonds étrangers et 50 % de fonds propres et de 6.0 % pour un financement comprenant 80 % de fonds étrangers et 20 % de fonds propres. Ces taux étaient respectivement de 5.5 %, 6.0 % et 7.0 % en 2009 (PA/SI/005.01 mise à jour du 14 janvier 2009).

5. Lorsqu’il s’agit d’examiner la façon dont est traité par une administration spécialisée, en fonction de la loi voire des directives existantes, l’état locatif autorisé d’un immeuble, la chambre de céans fait preuve de retenue. L’intimée est un service spécialisé chargé d’examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l’état, d’en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l’amener à établir une pratique uniforme. La chambre de céans ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d’un service spécialisé pour ce qui concerne les questions techniques. Dans un tel cas, le contrôle qu’il opère sur la façon dont l’autorité administrative applique la loi se limite à l’abus ou à l’excès du pouvoir d’appréciation (ATA/879/2010 du 14 décembre 2010 et les références citées).

6. En l’espèce, la conformité à la LGL de l’état locatif et du loyer n’est pas contestée, à juste titre, par la recourante qui estime, en revanche, que le loyer est abusif au sens de l’art. 269 CO.

7. Selon l'art. 49 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 137 I 167 consid. 3.4 p. 174).

En principe, la réglementation de droit civil est exhaustive et les cantons ne peuvent adopter des règles de droit privé dans les domaines régis par le droit fédéral que si ce dernier leur en réserve la possibilité (art. 5 al. 1 du code civil suisse du 10 décembre 1907 - CCS - RS 210) ; ATF 137 I 135, consid. 2.5.1 p. 139). En matière de bail à loyer, la réglementation fédérale est exhaustive, sous réserve de la compétence laissée aux cantons d'édicter certaines règles de droit privé complémentaires (art. 257e al. 4, art. 270 al. 2 CO). À défaut d'une telle réserve, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail (ATF 137 I 135 p. 139 consid. 2.5.1 p. 139). Une seule et même matière peut toutefois être saisie à la fois par des règles de droit privé fédéral et par des règles de droit public cantonal. Dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC, à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 137 I 135 consid. 2.5.2 p. 140; 135 I 106 consid. 2.1 p. 108). Ainsi des mesures destinées à combattre la pénurie dans le secteur locatif étaient admissibles dans la mesure où leur finalité n’était pas d’intervenir dans les rapports entre bailleur et preneur (ATF 137 I 135 consid. 2.5.2 et les références citées).

8. À teneur de l'art. 253b al. 3 CO, les dispositions relatives à la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité. L'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF - RS 221.213.11) précise que seuls les art. 253 à 268b, 269, 269d al. 3, 270e et 271 à 273c CO, ainsi que les art. 3 à 10 et 20 à 23 OBLF sont applicables aux appartements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité.

9. a. Sont abusifs les loyers qui permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou qui résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré (art. 269 CO). Selon les principes jurisprudentiels applicables en droit privé, la notion de loyer abusif vise le loyer permettant au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée. Est ici visé le rendement net des fonds propres investis, rendement correspondant au rapport entre les revenus nets que procure la chose louée au bailleur après déduction de toutes les charges, et les fonds propres investis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2015 du 22 août 2016 destiné à la publication, consid. 1.1).

b. La jurisprudence de droit privé en matière de loyers abusifs, s’agissant de loyers libres, retient comme excessif un taux de rendement net des fonds propres investis supérieur de plus de 0.5 % au taux hypothécaire de référence de l’art. 12a OBLF, publié trimestriellement par l’office fédéral du logement (ci-après : taux de rendement de référence). Au rendement net admissible s’ajoutent les charges immobilières annuelles, soit les charges financières (en particulier les intérêts hypothécaires dus sur les emprunts), les charges courantes (impôts, primes d’assurance, etc.) et les charges d’entretien. Le résultat représente alors l’état locatif global annuel admissible pour tout l’immeuble, qu’il s’agit ensuite de ventiler pour viser la chose louée, en principe par l’application du critère de la pièce ou de la surface (arrêt du Tribunal fédéral 4A_465/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.4.2 et les références citées).

Ce calcul est issu de la jurisprudence du Tribunal fédéral antérieure au 1er janvier 2008, date d’entrée en vigueur de l’art. 12a OBLF. Son application reste d’actualité parce que conforme à la volonté du législateur, malgré certaines critiques qui se sont élevées à son égard (arrêt 4A_465/2015 précité consid. 5.6 à 5.9 ; notamment : interpellation 14.4246 au Conseil national du 12 décembre 2014 - Suppression de la prise en compte du taux hypothécaire de référence dans le cadre du calcul du rendement admissible) implique de déterminer effectivement tous les coûts d’investissement financés par les fonds propres, peu importe à cet égard la date des investissements. Il s’agit de tenir compte non seulement du coût de l’acquisition de la chose louée, mais aussi des travaux à plus-value financés par des fonds propres (ATF 120 II 100 consid. 5 p. 101ss).

10. Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en raison de la lettre de la loi, notamment de l’art. 2 al. 2 OBLF, de son but et de l’intention du législateur découlant des travaux préparatoires, l’art. 269 CO s’appliquait également aux loyers contrôlés par l’état. Les autorités administratives ne peuvent pas autoriser des loyers procurant au bailleur un rendement excessif des fonds propres investis dans l’immeuble ou résultant d’un prix d’achat manifestement exagéré. Toutefois, les autorités administratives ne doivent pas non plus prendre en compte d’autres critères de fixation du loyer que ceux relatifs aux coûts et qu’ils ne peuvent en particulier pas faire usage du critère des loyers comparatifs prévu à l’art. 269a let. a CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2015 précité consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 du 25 septembre 2014 consid. 2.3 in SJ 2015 I 205).

Le Tribunal fédéral a précisé que dans l’hypothèse où un plan des loyers n’existait pas ou n’était pas connu du locataire à l’avance, un contrôle de conformité du loyer au droit fédéral pouvait intervenir en cours de bail (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité consid. 3.2.2).

11. La recourante voudrait voir appliquer à son loyer la jurisprudence du droit privé concernant le taux maximum de rendement applicable aux loyers libres, rappelée ci-dessus.

Comme l’a cependant rappelé le Tribunal fédéral, si le loyer d’un immeuble subventionné ne doit pas être abusif, il convient de prendre en compte dans l’examen de l’existence ou non d’un rendement excessif les circonstances pertinentes ainsi que les événements survenus pendant la période de contrôle des loyers (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité consid. 3.2.2 et 3.3.). Il ne s’agit donc pas d’appliquer sans autre le calcul de rendement prévu par l’art. 269 CO mais de transposer le principe du rendement excessif contenu dans cette norme aux loyers des logements subventionnés.

12. La législation et la pratique genevoise, telles qu’elles ont été appliquées dans le cas d’espèce, prévoient la prise en compte dans l’établissement de l’état locatif autorisé initial d’un taux de rendement constant en cours de période de contrôle mais différencié en fonction de l’apport de fonds propres et supérieur au taux hypothécaire de référence.

Ce rendement supérieur est justifié selon l’intimée et la doctrine pour plusieurs raisons (David LACHAT, Rendement des immeubles subventionnés : un arrêt qui agite la Genève immobilière, in Regards de marathoniens sur le droit suisse, 2015 ; François BELLANGER/Valérie DéFAGO GAUDIN, Les loyers contrôlés par l’état peuvent-ils être abusifs ?, SJ 2015 I p. 214). Ainsi, l’aide de l’état est subordonnée à des critères d’économie des coûts de production et d’exploitation, de qualité des logements et de leur environnement et en matière d’énergie, à des économies d’énergie et à une minimisation du recours aux énergies non renouvelables (art. 1 al. 2 let. d et 15 al. 2 LGL). Non seulement le prix du terrain mais également les coûts de construction doivent respecter des normes strictes visant à atteindre les montants de loyers adaptés au besoin prépondérant d’intérêt général. La part excédant les montants admis ne justifie aucun rendement supplémentaire.

La typologie des appartements, leur surface maximale, l’équipement sanitaire et les espaces de rangement sont imposés (art. 1 à 4 du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 août 1992 - RGL - I 4 05.01). Ces contraintes vont au-delà des exigences découlant du droit de la construction.

Les mesures nécessaires doivent être prises pour garantir le bon état général des immeubles et de leur équipement, à défaut le service compétent fixe un délai au propriétaire pour y remédier (art. 28 LGL ; art. 3 al. 1 et 2 RGL).

Les frais d’entretien et de travaux courants doivent être pris en considération pour la fixation de l’état locatif autorisé. Tous les travaux importants, y compris ceux concernant les appartements, doivent être préalablement soumis pour approbation au service compétente (art. 3 al. 3 RGL).

La notion de réserve pour travaux d’entretien n’est pas définie dans la loi. Le propriétaire doit constituer des réserves et les déposer en banque sur un compte spécial. Il doit pouvoir en tout temps justifier l’utilisation de ces réserves qui restent attachées à l’immeuble en cas de transfert de celui-ci. Les dépenses effectives étant inférieures aux dépenses budgétées durant les premières années, il s’agit de constituer une réserve nécessaire destinée à financer des travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle (art. 4 al. 4 LGL ; ATA/879/2010 précité).

Les frais d’exploitation sont examinés dans leur genre et dans leur quotité par le service compétent avant de pouvoir être pris en compte (art. 5 al. 4 RGL).

Les logements doivent être impérativement offerts à des candidats locataires dont le revenu déterminant n’excède pas 90 % du barème d’entrée (art. 5 al. 1 RGL). Ce n’est que si le bailleur apporte la preuve que, malgré des recherches diligentes, notamment par voie de presse, il n’est pas à même de présenter des candidats dont le revenu correspond au barème d’entrée que le service compétent peut autoriser la conclusion de baux avec d’autres personnes dans les limites d’un autre barème (art. 8 al. 2 RGL).

Le choix des locataires est réservé au service compétent pour un cinquième au moins du nombre d’appartements et de pièces de chaque immeuble dans les différentes catégories de logements. Seuls de justes motifs, en particulier pour des raisons de solvabilité, permettent au bailleur de demander la modification de ce choix (art. 6 al. 2 RGL). Ce choix est également limité par les règles liées au taux d’occupation (art. 7 RGL). Toutefois, en cas de logements vacants, seul le bailleur en supporte les conséquences.

Le montant des fonds propres sur lesquels le rendement est servi n’est ni indexé pendant la durée de contrôle, ni nominalement augmenté à concurrence des amortissements, ce qui constitue une différence notable avec la situation d’un bailleur de logements à loyer libre.

Les loyers sont contrôlés a priori et de façon généralisée pour tous les logements d’un immeuble et ce pour une période de dix, vingt-cinq voire de façon pérenne, ce qui a une incidence non négligeable comparée à celle d’une surveillance telle que celle prévue par le CO qui touche uniquement le locataire contestant son loyer, sans répercussion sur l’ensemble des logements de l’immeuble.

Le taux de rendement fixé initialement par immeuble est calculé en incluant les subventions et il n’est pas modifié pendant la durée de la période de contrôle, indépendamment des variations du taux de rendement admissible dans le secteur libre. En cas de vente de l’immeuble en cours de période de contrôle, le rendement n’est pas adapté au prix de vente.

Toutes ces mesures constituent des atteintes plus ou moins importantes à la liberté économique des propriétaires concernés, qui sont tenus de se soumettre à des loyers fixés nominalement par l’autorité dans un système contrôlé d’un bout à l’autre de l’opération. Les restrictions imposées concernant les locataires accroissent également l’exposition au risque d’insolvabilité.

C’est pour tenir compte de ces différences et encourager la construction de logements à loyer modéré que le système genevois prévoit un rendement supérieur des fonds propres.

13. Le contrôle du loyer de logements subventionnés fondé sur l’art. 269 CO, ne s’intéresse pas au rendement global dont bénéficie le bailleur, à savoir celui qui inclut les subventions payées, le droit fédéral visant à limiter uniquement les rendements excessifs des fonds propres en tant que mesure de protection des locataires. Or les parties, dans leur argumentation, entretiennent une confusion entre rendement global et rendement locatif. Que le rendement global se situe au-dessus du taux de rendement de référence admissible selon l’art. 269 CO n’est pas pertinent en l’espèce, seuls les loyers et le rendement que ceux-ci procurent aux bailleurs étant visés par le droit fédéral. Le fait de vouloir maintenir des avantages aux bailleurs de logements à loyer modéré pour inciter la construction de logements sociaux en admettant un rendement des fonds propres supérieur à celui autorisé pour les loyers privés ne saurait se faire par simple report des charges sur le loyer payé par les locataires mais bien par le biais des mécanismes prévus par la loi ou la pratique administrative dont le subventionnement.

14. En l’espèce, l’immeuble a été mis en location dès le 1er mai 1997 avec un loyer pour le logement de la recourante de CHF 15'264.-.

Selon celle-ci, qui applique un calcul de rendement selon la méthode absolue, le loyer libre admissible selon les critères du droit privé aurait pu être de CHF 20'800.- à cette date, soit de 36.3 % supérieur à celui payé. Le même calcul effectué à la date de la hausse de loyer contestée, soit avril 2015, donnerait comme loyer admissible CHF 13'600.-. Le loyer fixé dans la décision litigieuse étant de CHF 24'888.-, il serait largement au-dessus du loyer calculé en application de l’art. 269 CO et ceci même si l’on prenait en considération l’allocation de logement de CHF 4'000.- par an dont bénéficie la recourante.

De son côté, sans reprendre les chiffres de la recourante, l’OCLPF admet qu’en 2014, soit même avant la hausse de loyer contestée, le rendement net sur fonds propres lié au loyer du logement était de 5.54 % alors que le taux de rendement de référence était de 2.5 % (taux hypothécaire de référence du 3 septembre 2013 au 2 juin 2015 majoré de 0.5 %).

L’OCLPF admet que le loyer contesté procure effectivement un rendement excessif au sens de l’art. 269 CO à la date de la hausse de loyer contestée alors que ce rendement était largement inférieur en 1997 puisqu’il était de 3.80 % lorsque le taux de rendement de référence était de 5.5 % (taux hypothécaire de référence du 1er mai 1996 au 1er mai 1997 majoré de 0.5 %), voire de 6 % en 1996 (taux hypothécaire de référence du 1er février 1996 au 1er mai 1996 majoré de 0.5 %), lorsque l’état locatif provisoire a été approuvé.

L’OCLPF écarte l’existence d’un rendement excessif, car il estime que l’entier de la période de subventionnement, voire une période de vingt-cinq ans s’agissant du taux hypothécaire de référence, doit être prise en compte. Selon lui, l’économie de loyer que représente pour le locataire un loyer LGL, tel qu’il apparaît en l’espèce dans les premières années de mise en location, devrait être compensée, d’une certaine manière, lorsque le loyer augmente, voire dépasse la limite fixée en application de l’art. 269 CO. À l’appui de son argumentation il a produit des chiffres indiquant que sur une durée de vingt-cinq ans, les loyers LGL étaient en moyenne inférieurs aux loyers libres.

15. L’argumentation de l’OCLPF ne saurait être suivie. Il faut en effet distinguer d’une part, la stabilité que la LGL entend apporter aux bailleurs en leur procurant un rendement fixe sur toute la période de subventionnement et d’autre part, le droit de chaque locataire de payer un loyer non abusif qui découle du droit fédéral.

Le mécanisme de l’art. 269 CO implique la prise en compte du taux hypothécaire de référence, dont l’évolution ne peut être anticipée. Or, le système mis en place par l’OCLPF en application de la LGL répercute les diminutions des subventions sur les loyers de manière quasi automatique, indépendamment des variations du taux hypothécaire de référence et donc du taux de rendement de référence. Ce mécanisme a été prévu dans le but de faire coïncider les loyers LGL avec les loyers libres en fin de période de subventionnement pour éviter une trop forte hausse de loyer à ce moment-là (Richard BARBEY, Le contrôle officiel des loyers à Genève in RDAF 1981 p. 213). Ce système n’a de sens que lorsque le taux hypothécaire de référence varie peu ou augmente mais non si, comme dans le cas d’espèce, il passe de 5 % à 1.75 %, en moins de vingt ans.

L’application conjointe des mécanismes de la LGL et de la limite fixée par l’art. 269 CO implique que les loyers restent en dessous du seuil considéré comme abusif au sens de cette disposition pendant toute la période de subventionnement et cela même si ces derniers ne sont en définitive pas fixés selon les méthodes de calcul du rendement prévu par la jurisprudence applicable aux litiges civils, mais selon d’autres critères propres à la LGL.

De par la loi, lors de l’examen des demandes de modification de l’état locatif autorisé, l’administration peut, mais n’a pas l’obligation d’adapter ce dernier. Elle bénéfice d’un large pouvoir d’appréciation dans l’usage de cette prérogative afin que le but d’intérêt public au maintien de logements sociaux soit préservé (art. 42 al. 5 LGL ; ATA/879/2010 précité). En outre, il a déjà été jugé que l’arrêté initial du Conseil d’État ne vaut pas garantie d’un rendement net des fonds propres au taux retenu, mais qu’il s’agit d’un taux maximum (ATA/879/2010 précité).

16. En l’espèce, comme vu ci-dessus, la décision de l’OCLPF du 24 juillet 2015 conduisant à la hausse de loyer contestée, fondée sur le seul motif d’une baisse de la subvention, n’est pas conforme au droit supérieur car elle conduit à autoriser un loyer abusif au sens de l’art. 269 CO. Elle doit ainsi être annulée.

17. Pour ces motifs, le recours sera partiellement admis. Le dossier sera renvoyé à l’OCLPF pour nouvelle décision déterminant le loyer autorisé au 1er juin 2015. Celui-ci devra cependant préalablement déterminer, après complément éventuel d’instruction, quels sont les faits ou critères pertinents, parmi ceux qu’il a lui-même exposés notamment en rapport avec les efforts consentis par la propriétaire ou les pouvoirs publics, qui doivent être retenus dans le cas d’espèce pour fixer un loyer compatible avec les exigences du droit fédéral. Il n’est au demeurant pas exclu qu’un tel examen doive déboucher également sur une modification de la pratique administrative existante, voire sur des changements normatifs.

18. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2015 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 24 juillet 2015 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 24 juillet 2015 ;

renvoie le dossier à l’office cantonal du logement et de la planification foncière pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’association genevoise des locataires (ASLOCA), mandataire de Madame A______, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière et à la Caisse de prévoyance de l’état de Genève.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :