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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1185/2017

ATA/189/2018 du 27.02.2018 ( TAXIS ) , ADMIS

Descripteurs : NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; DÉCISION ; PUBLICATION(EN GÉNÉRAL) ; DROIT TRANSITOIRE ; TAXI ; CHAUFFEUR; TAXI ; AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL) ; HONNEUR ; LÉSION CORPORELLE SIMPLE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.46; LPA.47; LPA.61; LTaxis.5; LTaxis.6; RTaxis.3; LTaxis.9; LTaxis.10; LTaxis.30; LTaxis.31; LTaxis.46; LTaxis.48
Résumé : Révocation de l'autorisation d'exploiter un service de taxis privés et de la carte de légitimation d'un chauffeur de taxis en raison d'une condamnation pénale pour lésions corporelles simples. Admission du recours, au regard de la jurisprudence de la chambre de céans rendue dans des cas similaires, l'intéressé n'ayant en outre pas d'autre condamnation à son actif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1185/2017-TAXIS ATA/189/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Catarina Monteiro Santos, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, était domicilié, selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), à la rue B______ à Genève du 15 février 2011 au 24 mai 2017, date à partir de laquelle il s’est établi à C______, en France.

2) Le 11 juillet 2011, le service du commerce, devenu depuis lors le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : le service) a délivré à M. A______ une carte professionnelle de chauffeur de taxi et l’a autorisé à exploiter en qualité d’indépendant un taxi de service privé immatriculé GE 1______.

3) Les 13 octobre 2014 et 2 juin 2015, deux rapports ont été dressés concernant M. A______, qui avait circulé sur la voie réservée aux transports en commun et aux taxis de service public.

4) Le 6 novembre 2015, le service a informé M. A______ qu’il envisageait de lui infliger une sanction et/ou une mesure administrative en relation avec ces deux rapports, lui impartissant un délai pour se déterminer.

Cette lettre a été envoyée à son destinataire en courrier recommandé et a été retournée au service avec la mention « non réclamé ».

5) Par décision du 26 janvier 2016, le service a infligé à M. A______ une amende de CHF 700.- en relation avec ces faits.

Cette décision a été envoyée à son destinataire en courrier recommandé et été retournée au service avec la mention « non réclamé ».

6) Par ordonnance pénale du 12 juillet 2016, le Ministère public a reconnu M. A______ coupable de lésions corporelles simples et l’a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 80.- le jour avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 960.- assortie d’une peine privative de liberté de substitution de douze jours.

Il lui était reproché d’avoir, le 10 juillet 2015, à la rue D______, aux alentours de 12h40, intentionnellement fait usage, à deux reprises, d’un spray au poivre à l’encontre de Monsieur E______, lui occasionnant d’importantes irritations, des conjonctives, ainsi que de lui avoir asséné des coups sur le visage et sur la partie supérieure du corps à l’aide de ses poings et/ou d’un objet en plastique, lui occasionnant une coupure à la lèvre, des tuméfactions au visage ainsi que des ecchymoses au coude et sur la poitrine, la victime ayant déposé plainte pénale en raison de ces faits. Ses antécédents laissaient en outre apparaître une condamnation à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 30.- le jour pour non-restitution de permis et/ou de plaques de contrôle prononcée par le Ministère public le 24 avril 2014.

7) Le 4 octobre 2016, le Ministère public a transmis au service l’ordonnance pénale du 12 juillet 2016.

8) Le 4 novembre 2016, le service a informé M. A______ qu’en relation avec cette condamnation, du fait qu’il ne l’en avait pas informé et qu’il ne lui avait pas communiqué son changement d’adresse, il envisageait de révoquer sa carte professionnelle et de prononcer une amende administrative à son encontre, lui impartissant un délai pour se déterminer.

M. A______ a été invité à retirer ce courrier auprès du service par publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

9) Le 12 janvier 2017, le service a informé M. A______ qu’il entendait révoquer son autorisation d’exploiter le taxi de service privé immatriculé GE 1______ pour ne pas lui avoir communiqué son changement d’adresse, lui impartissant un délai pour se déterminer.

M. A______ a été invité à retirer ce courrier auprès du service par publication dans la FAO du même jour.

10) Le 28 février 2017, la commission de discipline LTaxis a préavisé favorablement la procédure administrative ouverte par le service à l’encontre de M. A______.

11) Par décision du 2 mars 2017, assortie de la menace des peines de l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le service a révoqué la carte professionnelle de chauffeur de taxi et l’autorisation d’exploiter un taxi de service privé immatriculé GE 1______ de M. A______.

Les faits pour lesquels il avait été condamné par le Ministère public le 12 juillet 2016 étaient graves et liés à son activité professionnelle, pour avoir été commis dans l’exercice de celle-ci, et remettaient en cause son honorabilité. Compte tenu de ces éléments ainsi que de ses antécédents, il n’était pas tolérable qu’il poursuive son activité aussi longtemps que cette condamnation restait inscrite au casier judiciaire, ce qui justifiait la révocation de sa carte professionnelle et, par voie de conséquence, de l’autorisation d’exploiter le service de taxi privé immatriculé GE 1______. Le fait qu’il ne disposait plus d’une adresse professionnelle fixe dans le canton à laquelle il pouvait être atteint justifiait en tout état de cause la révocation de cette autorisation.

12) Le 2 mars 2017, le service a également prononcé une amende administrative de CHF 600.- à l’encontre de M. A______ en relation avec ces mêmes faits.

13) Par publication dans la FAO du 2 mars 2017, M. A______ a été invité à retirer ces décisions auprès du service.

14) a. Par acte posté le 3 avril 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du service du 2 mars 2017 révoquant sa carte professionnelle et son autorisation d’exploiter un taxi de service privé immatriculé GE 1______, concluant, « avec suite de dépens », à son annulation, subsidiairement au renvoi du dossier au service pour instruction et nouvelle décision.

Une stricte application de la loi dans son cas était inappropriée et la sanction prononcée à son encontre disproportionnée. La condamnation du 12 juillet 2016 avait trait à une altercation avec son beau-frère, également chauffeur de taxi, lequel avait aussi été condamné en relation avec ces faits, dans le cadre d’un différend d’ordre familial, sans lien avec sa profession, et était resté un événement isolé, étant précisé qu’il n’avait aucun « accrochage » à son actif dans l’exercice de son métier, tant avec un client, une autorité ou un collègue. En outre, il n’avait pas contesté l’amende administrative de CHF 600.- que le service lui avait infligée le 2 mars 2017, qui constituait une sanction suffisante au vu des faits qui lui étaient reprochés, tout comme d’ailleurs la condamnation pénale, qui était relativement sévère. Le fait de le priver, même temporairement, de la possibilité d’exercer sa profession le mettait dans une situation financière précaire, dès lors qu’il ne disposait d’aucune autre source de revenus. Au surplus, il avait bien une adresse professionnelle dans le canton.

b. Il a notamment joint à son recours :

– une ordonnance pénale du Ministère public du 12 juillet 2016 par laquelle M. E______ était reconnu coupable de voies de fait et condamné à amende pour lui avoir, le 10 juillet 2015 à la rue D______ vers 12h40, asséné deux coups à la mâchoire, ce qui lui avait occasionné des contusions ;

– une attestation de F______ du 21 mars 2017 selon laquelle il était affilié auprès de sa centrale en tant que chauffeur de taxi indépendant à plein temps depuis le 17 février 2015 ;

– une formule « F » de l’OCPM, complétée, en vue de l’obtention d’une autorisation de travail pour frontalier, datée du 15 février 2017 et indiquant, comme adresse à Genève, le chemin G______ à H______ ;

– un contrat de bail à loyer pour une sous-location au chemin G______ à H______ à compter du 15 février 2017 indiquant comme objet du bail « adresse professionnelle » pour un loyer mensuel de CHF 50.-.

15) a. Le 17 mai 2017, le service a répondu au recours, concluant à son rejet.

La condamnation de M. A______ du 12 juillet 2016 remettait en cause son honorabilité et sa capacité à exercer son activité dans le respect de la loi, la gravité des faits à son origine ne pouvant être déniée, même si l’intéressé tentait de les minimiser, ainsi que leurs conséquences. En outre, lors du prononcé de la décision litigieuse, M. A______ ne disposait d’aucune adresse professionnelle fixe dans le canton à laquelle il pouvait être atteint, les renseignements fournis par l’OCPM indiquant qu’il avait annoncé son changement d’adresse le 15 mars 2017 seulement. Au vu de ces éléments, seule la révocation de sa carte professionnelle et de l’autorisation d’exploiter un taxi de service privé en qualité d’indépendant était envisageable, dès lors que les conditions de leur délivrance n’étaient plus remplies, étant précisé que ces mesures étaient les seules à même de garantir le respect de la sécurité publique et de l’égalité de traitement entre l’intéressé et tout autre requérant d’une autorisation d’exploiter un taxi de service privé.

b. Il a notamment produit la formule « F » de l’OCPM complétée par M. A______ en vue de l’obtention d’une autorisation de travail pour frontalier, datée du 15 mars 2017 et reçue le 6 avril 2017 par l’OCPM.

16) Le 29 mai 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 23 juin 2017, prolongé par la suite au 10 juillet 2017, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

17) Le 5 juillet 2017, le service a persisté dans les termes de ses écritures, indiquant qu’il n’avait pas d’observations complémentaires à formuler.

18) Dans ses observations du 10 juillet 2017, M. A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

Il précisait que la bagarre l’ayant opposé à son beau-frère aurait pu conduire à sa condamnation pour voies de fait seulement, la frontière entre cette infraction et celle de lésions corporelles simples étant ténue. Ayant toutefois été condamné pour cette dernière infraction, il avait déjà été sévèrement puni. Par ailleurs, étant donné qu’il avait annoncé à l’OCPM son déménagement à H______ avant le mois de mars 2017, le service pouvait aisément trouver son adresse en faisant les recherches nécessaires, de sorte que la notification de la décision dans la FAO était irrégulière. Quant à la formule « F », il l’avait remplie au mois de février mais n’avait pu la déposer à l’OCPM qu’au mois de mars, ce qui expliquait la date différente figurant dans le document qu’il avait produit par rapport à celui en mains du service. Même s’il résidait actuellement en France, il disposait toujours d’une adresse professionnelle dans le canton, à H______.

19) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 LPA). Lorsque l’adresse du destinataire est inconnue, la notification a lieu par publication (art. 46 al. 4 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. En l’espèce, le recourant soutient que la notification par voie édictale de la décision entreprise était irrégulière, l’intimé n’ayant pas effectué les démarches nécessaires pour la lui notifier à son nouveau domicile.

Il ressort toutefois du dossier que l’adresse connue du recourant, telle que résultant du registre de l’OCPM et indiquée par l’intéressé, était à la rue B______ 10 jusqu’au 24 mai 2017 et que les précédents courriers que l’intimé lui a envoyés lui ont tous été retournés avec la mention « non réclamé ». Bien qu’il allègue avoir déménagé à H______, le recourant apparaît ne jamais avoir transmis sa nouvelle adresse aux autorités compétentes, dont elles ne pouvaient ainsi avoir connaissance. Quant à son déménagement en France, il n’a été annoncé à l’OCPM que le 15 mars 2017, soit après le prononcé de la décision litigieuse, comme l’a indiqué le recourant. Étant donné que l’adresse du recourant était inconnue, l’intimé n’avait d’autre choix que de publier dans la FAO une invitation à venir retirer la décision litigieuse dans ses locaux. En tout état de cause, le recourant a eu connaissance de cette décision, ce qu’il ne conteste pas, puisqu’il a recouru à son encontre dans le délai requis au moyen d’écritures circonstanciées.

Le grief sera par conséquent écarté.

3) Conformément à l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 et les références citées).

4) a. Le 1er juillet 2017 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et son règlement d’exécution de la LTVTC du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31.01) abrogeant la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30) et le règlement d’exécution de la LTaxis du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01 ; art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

Aux termes des dispositions transitoires du RTVTC, les faits constatés avant l’entrée en vigueur de la loi se poursuivent selon l’ancien droit et devant les autorités compétentes sous l’empire de ce droit. L’art. 48 LTaxis, concernant la commission de discipline, n’est toutefois pas applicable. L’application du nouveau droit est réservée, si ce dernier est plus favorable à l’auteur de l’infraction (art. 66 RTVTC).

En règle générale, s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/38/2018 précité et les références citées).

b. En l’espèce, les faits retenus dans la décision attaquée se sont tous déroulés entièrement sous l’ancien droit. La présente cause est donc soumise à la LTaxis et au RTaxis, étant précisé que l’art. 48 LTaxis reste applicable puisque la décision attaquée a été rendue avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, étant précisé que la LTVCT n’apparaît pas plus favorable, question au demeurant non pertinente au regard de ce qui suit.

5) a. Le service des transports de personnes est régi dans le canton de Genève par la LTaxis. C’est le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), soit pour lui le service, qui est chargé de l’application de cette loi (art. 1 al. 1 RTaxis).

b. L’exercice de la profession de chauffeur de taxi implique d’être titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi (art. 5 al. 1 LTaxis), qui est délivrée aux conditions énoncées à l’art. 6 al. 2 LTaxis, parmi lesquelles figure la nécessité d’offrir des garanties de moralité et de comportement suffisantes (art. 6 al. 2 let. c LTaxis). L’art. 3 al. 3 RTaxis précise que le service peut considérer que tel n’est pas le cas du requérant qui, dans les trois ans précédant le dépôt de la requête, a notamment commis un délit ou un crime au sens du CP dénotant un comportement pouvant mettre en péril le bon exercice d’une profession de transport de personnes.

L’ancien Tribunal administratif (ci-après : TA), dont la chambre administrative a repris les compétences, a rendu plusieurs arrêts ayant trait à la notion d’honorabilité. Cette notion, uniforme, doit être comprise en rapport avec les faits reprochés à la personne concernée et à l’activité qu’elle entend déployer, une fois qu’elle aurait été reconnue comme honorable. Une condamnation pénale n’est pas le seul critère pour juger de l’honorabilité d’une personne, et ce même si le simple fait que celle-ci ait été impliquée dans une procédure pénale puisse suffire à atteindre son honorabilité. Cette question doit cependant être examinée en fonction de la nature des faits reprochés, de la position qu’elle a prise à l’égard de ceux-ci et de l’issue de la procédure proprement dite (ATA/565/2013 du 28 août 2013 et les références citées).

Concernant les chauffeurs de taxi, l’ancien TA a retenu qu’une violation grave des règles de la circulation routière et une tentative d’induction de la police en erreur ne suffisaient pas en soi à refuser la délivrance de la carte professionnelle de chauffeur de taxi plus de deux ans après les faits (ATA/770/2002 du 3 décembre 2002). En revanche, un chauffeur de taxi condamné pour lésions corporelles graves, qui avait commis un excès de vitesse trois ans après, ne remplissait plus les conditions d’exercice de la profession de chauffeur de taxi (ATA/206/2003 du 8 avril 2003). Il en allait de même d’un chauffeur de taxi condamné à trois reprises par voie d’ordonnances pénales pour des infractions à la législation sur les stupéfiants (ATA/946/2003 du 16 décembre 2003), ou d’un chauffeur qui avait été condamné pour faux dans les certificats et à une peine d’emprisonnement (ATA/76/2005 du 15 février 2005).

En outre, dans deux cas où des actes de violence étaient reprochés à des chauffeurs de taxi, l’ancien TA a admis qu’un chauffeur de taxi condamné pour lésions corporelles graves en 1999, puis qui avait commis un excès de vitesse en septembre 2002, ne remplissait plus les conditions pour exercer la profession de chauffeur de taxi (ATA/206/2003 du 8 avril 2003). De même, un chauffeur de taxi qui avait été impliqué dans deux altercations à deux ans d’intervalle alors qu’il se trouvait au volant de sa voiture privée a été considéré comme ne remplissant pas la condition de l’honorabilité de l’art. 6 al. 2 let. c LTaxis, ce qui ne lui donnait pas droit à la carte professionnelle de chauffeur de taxi (ATA/126/2004 du 3 février 2004). En revanche, un chauffeur de taxi condamné à une peine pécuniaire de douze jours-amende à CHF 35.- le jour avec sursis pour lésions corporelles simples de peu de gravité, qui n’avait pas commis de faits similaires depuis le début de ses activités en 1998, a été considéré par la chambre de céans comme remplissant la condition d’honorabilité, sa condamnation ne justifiant pas la révocation des autorisations lui permettant d’exercer sa profession (ATA/565/2013 précité).

c. Le titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi peut être mis au bénéfice par le service d’une autorisation d’exploiter un taxi de service privé en qualité d’indépendant selon l’art. 9 al. 1 let. a LTaxis aux conditions de l’art. 10 LTaxis, qui prévoit en particulier qu’il dispose d’une adresse professionnelle fixe dans le canton de Genève à laquelle il peut être atteint, notamment par téléphone ou par le biais de la centrale à laquelle il est affilié (art. 10 al. 1 let. b LTaxis).

d. Le titulaire d’une autorisation prévue par la LTaxis est tenu d’informer l’autorité sans délai de tout fait qui pourrait affecter les conditions de l’autorisation (art. 30 al. 1 LTaxis).

6) a. Selon l’art. 31 al. 1 LTaxis, le département révoque les autorisations prévues par le chap. 2 LTaxis lorsque les conditions de leur délivrance ne sont plus remplies. Sont ainsi entre autres révocables les cartes professionnelles de chauffeur de taxi ainsi que les autorisations d’exploiter un service de transport de personnes au sens de l’art. 9 LTaxis. L’art. 31 al. 1 LTaxis réserve les sanctions administratives, au sens des art. 46 et 47 LTaxis.

b. Aux termes de l’art. 46 LTaxis, en cas de manquement aux devoirs imposés par la loi ou ses dispositions d’exécution par un chauffeur de taxi employé ou indépendant, le département peut, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, sanctionner le titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi d’une suspension de celle-ci pour une durée de dix jours à six mois (art. 46 al. 1 let. a LTaxis) ou du retrait de ladite carte (art. 46 al. 1 let. b LTaxis). Le prononcé de cette sanction a pour effet de suspendre ou d’annuler l’autorisation d’exploiter délivrée en vertu de l’art. 10 LTaxis (art. 46 al. 2 LTaxis). Lorsque le retrait d’une carte professionnelle et d’une autorisation d’exploiter a été prononcé, le département ne peut plus entrer en matière sur une nouvelle demande pendant un délai de deux ans à compter du jour où la décision est entrée en force (art. 46 al. 3 LTaxis).

Le service est compétent pour prononcer les mesures et sanctions administratives. L’art. 48 al. 1 LTaxis instaure cependant une commission de discipline, formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de la direction générale des véhicules, qui est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le département. Lesdits préavis ont une valeur consultative et ne lient pas le département.

c. Les procédures instaurées par les art. 31 et 46 LTaxis ont des finalités différentes. L’art. 31 LTaxis permet à l’autorité de révoquer les autorisations délivrées qui sont en force lorsqu’elle constate après coup que les conditions d’octroi de celles-ci ne sont plus réalisées, indépendamment d’une faute imputable au chauffeur. L’art. 46 LTaxis constitue la base légale pour qu’elle puisse sanctionner les chauffeurs qui ont contrevenu fautivement à leurs obligations professionnelles découlant de la LTaxis. Dans ces deux situations procédurales, le droit d’être entendu du chauffeur de taxi doit être respecté.

7) a. En l’espèce, l’intimé a fondé sa décision sur l’absence d’honorabilité du recourant – et donc de l’art. 31 LTaxis – suite à son altercation avec son beau-frère, également chauffeur de taxi, et à la condamnation pénale pour ces faits le 12 juillet 2016, ainsi que sur son absence d’adresse professionnelle à Genève.

b. L’agression commise par le recourant à l’encontre de M. E______ est effectivement inadmissible, dès lors qu’il s’en est pris à l’intégrité corporelle de sa victime au moyen d’un spray au poivre et lui a infligé des coups au visage et sur le haut du corps. Le recourant a également tenté de minimiser ses agissements, alléguant une situation de défense face à l’agression préalable de M. E______ et l’existence d’un conflit d’ordre privé avec la victime. Même si cette dernière a également fait l’objet d’une condamnation pour avoir asséné des coups au recourant, ces éléments ne sont toutefois pas de nature à occulter la gravité des faits en cause.

Cela étant, il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait commis d’autres faits similaires depuis le début de ses activités en 2011, sa condamnation apparaissant comme un acte isolé. Il ressort certes de l’ordonnance pénale du 12 juillet 2016 qu’il a été condamné par le Ministère public le 24 avril 2014 à une peine pécuniaire pour non restitution de permis et/ou de plaques de contrôle. Les circonstances de cette condamnation demeurent toutefois inconnues, tout comme les faits à leur origine. Quant à l’amende qui lui a été infligée par l’intimé le 26 janvier 2016 pour avoir contrevenu à la LTaxis en empruntant la voie réservée aux transports publics et aux taxis de service public, il s’agit d’une sanction administrative, sans lien avec la condition d’honorabilité.

Comme l’a retenu la chambre de céans dans des cas similaires, l’intimé ne pouvait, sur la base de la seule condamnation du recourant du 12 juillet 2016, inférer qu’il était incapable de se contrôler et n’offrait plus les garanties de moralité et de comportement suffisantes, ce qui rendrait nécessaire de révoquer toutes les autorisations lui permettant d’exercer sa profession.

c. L’intimé a en outre justifié la révocation de l’autorisation d’exploiter un taxi de service privé par l’absence d’adresse professionnelle du recourant lors du prononcé de la décision litigieuse. Il ressort toutefois du contrat de sous-location du 15 février 2017 produit par le recourant qu’il disposait bien d’une telle adresse professionnelle à compter de cette date, même s’il ne l’a pas communiquée à l’intimé en violation de l'obligation prévue par l’art. 30 al. 1 LTaxis ; rien n’indique qu’il ne pouvait pas y être atteint notamment par téléphone ou par le biais de la centrale à laquelle il était affilié conformément à l’art. 10 al. 1 let. b LTaxis.

d. La décision entreprise doit par conséquent être annulée, étant précisé que le service a déjà prononcé une sanction administrative en relation avec les faits susmentionnés, que le recourant n’a pas contestée.

8) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant, qui obtient gain de cause, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2017 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 2 mars 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 2 mars 2017 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à Monsieur A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina Monteiro Santos, avocate du recourant, ainsi qu’au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :