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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1213/2018

ATA/59/2019 du 22.01.2019 ( LOGMT ) , REJETE

Descripteurs : LOGEMENT SOCIAL ; LOYER CONTRÔLÉ ; ETAT LOCATIF ; LOYER ABUSIF
Normes : LGL.42.al1; CO.269
Parties : CORLULU Mehmet Ender, CORLULU Füsun et Mehmet Ender / SUVA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCES EN CAS D'ACCIDENTS, OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE
Résumé : Rejet du recours contre une augmentation de l'état locatif maximum autorisé, interjeté par des locataires. Les calculs produits par l'OCLPF, faits en application des directives résultant des travaux de la commission tripartite et prenant en compte un taux hypothécaire de référence lissé sur vingt ans apparaissent conforme aux exigences de la loi et de la jurisprudence en la matière.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1213/2018-LOGMT ATA/59/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 janvier 2019

 

dans la cause

 

Madame Füjun et Monsieur Mehmet Ender CORLULU
représentés par Me François Zutter, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIèRE

et

SUVA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCES EN CAS D'ACCIDENTS
représentée par Me Pierre Banna, avocat



EN FAIT

1) Madame Füjun et Monsieur Mehmet Ender CORLULU sont titulaires d’un bail conclu le 28 mai 1999 pour un appartement de cinq pièces dans un immeuble locatif à l’adresse 28, avenue d'Aïre à Genève. Ce logement est soumis au régime des habitations à loyer modéré (ci-après : HLM). L’immeuble appartient à la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA) depuis le 1er novembre 2005, les propriétaires précédents étant des sociétés privées.

2) a. Après avoir fixé et adressé aux premières propriétaires l’état locatif provisoire relatif à l’immeuble précité par arrêté du 16 septembre 1996, le Conseil d’État leur a accordé, par arrêté du 13 décembre 2000, une exonération fiscale totale pendant les cinq premières années, réduite de ¼ tous les cinq ans pour disparaître dès le 1er janvier 2018.

Il leur a également accordé pour ledit immeuble, par arrêté du 30 janvier 2002, une subvention annuelle dégressive d’une durée de vingt ans, calculée dès la deuxième année en tenant compte des amortissements effectués ou prévus dans le plan financier, qui serait réduite d’un neuvième tous les deux ans dès le 1er janvier 2001 pour disparaître le 1er janvier 2017. Le plan financier, l’état locatif nominatif détaillé et les modifications de loyers en résultant, étaient aussi approuvés par le Conseil d’État. Le plan financier prévoyait un taux de rendement brut de 6,68 % et un taux de rendement net de 7 %. L’état locatif total afférent aux dix-sept logements (soit quatre-vingt-cinq pièces), cinq boxes et douze parkings intérieurs, était de CHF 401'808.-. La subvention se montait à CHF 119'963.-. La somme de ces deux montants correspondait au rendement brut de CHF 521'771.-.

b. Le Conseil d’État a pris successivement acte des deux transferts de propriété de l’immeuble survenus depuis le 30 janvier 2002, et approuvé le transfert des prestations précitées, sous quelques réserves, en faveur de la seconde propriétaire par arrêté du 18 septembre 2002, puis de la SUVA par arrêté du 21 juin 2006.

c. Excepté la baisse de loyer applicable du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 consécutive à une baisse de l’état locatif maximum autorisé prononcée, en novembre 2002, par l’office cantonal du logement, devenu depuis l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : office), il a autorisé, depuis novembre 2004, des hausses de l’état locatif, augmentant les loyers tous les deux ans dès le 1er janvier 2005. Ces dernières étaient motivées par la diminution de la subvention et, depuis 2011, également par une augmentation du budget des charges d’exploitation.

3) a. Par décision du 17 octobre 2014 faisant suite à la demande du 21 juillet 2014 de la SUVA, l’office a autorisé l’augmentation de l’état locatif dès le 1er janvier 2015, en raison d’une diminution de la subvention et de l’augmentation du budget des charges d’exploitation.

b. La SUVA a adressé, le 11 novembre 2014, un avis de modification de loyer aux locataires, en augmentant leur loyer annuel de CHF 23'076.- à CHF 24'936.- (à savoir de CHF 155.- de plus par mois, chauffage et eau chaude non compris) dès le 1er janvier 2015, conformément à la décision du 17 octobre 2014.

c. Le 4 décembre 2014, les locataires, par l’intermédiaire de l’Association genevoise des locataires (ci-après : Asloca), ont formé une réclamation auprès du service immobilier de l’office contre l’avis de modification de loyer du 11 novembre 2014. Les locataires sollicitaient un calcul de rendement net de la chose louée sur la base de l’art. 269 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) et de la jurisprudence fédérale, ainsi que les pièces justificatives y relatives.

d. Par décision sur réclamation du 24 mars 2015, l’office a confirmé que le loyer annuel autorisé était de CHF 24'936.- dès le 1er janvier 2015, et rejeté la réclamation des locataires.

L’augmentation de 8,03 % du loyer du logement en cause procédait à raison de 3,38 % du report de la huitième diminution légale de la subvention et, pour le solde, de l’augmentation du budget de charges pour entretien, qui était évaluée à CHF 20’000.- sur la base des comptes d’exploitation de l’immeuble concerné. Les baisses de subvention étaient compensées, à la demande du propriétaire, par des hausses de loyers correspondantes. Ainsi, tant l’avis de modification du loyer du 11 novembre 2014 que la décision du 17 octobre 2014 étaient conformes au droit.

Aucune des pièces justificatives n’accompagnant cette décision malgré la demande des locataires, ceux-ci les ont à nouveau sollicitées et ont été invités, le 17 avril 2015, à consulter le dossier.

4) a. Par acte posté le 5 mai 2015, les locataires ont recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et à celle de la décision du 17 octobre 2014, au constat du caractère abusif de leur loyer au sens de l’art. 269 CO et à ce que leur loyer annuel soit fixé à CHF 15'660.-, provisions pour chauffage et eau chaude non comprises, dès le 1er janvier 2015. Ils concluaient préalablement à la production de pièces détenues par l’autorité intimée, en particulier celles permettant d’effectuer le calcul de rendement net au sens de l’art. 269 CO.

b. Le 12 juin 2015, l’office a préalablement sollicité l’appel en cause de la propriétaire et conclu au rejet du recours en produisant divers tableaux et calculs.

Le 3 août 2015, le juge délégué a appelé en cause la SUVA.

c. Le 2 octobre 2015, la SUVA a conclu au rejet du recours en appuyant la position de l’office.

d. Le 8 octobre 2015, le juge délégué a fixé aux participants à la procédure un délai au 13 novembre 2015 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

e. Le 9 novembre 2015, l’office a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.

f. Le 10 novembre 2015, les recourants ont répliqué et persisté dans leurs conclusions.

5) Par arrêt du 22 novembre 2016, la chambre administrative a admis partiellement le recours, annulé la décision de l’office du 24 mars 2015 et renvoyé le dossier à l’office pour nouvelle décision au sens des considérants (ATA/989/2016).

D’après le tableau intitulé « Calcul du rendement sur fonds propres de l’appartement des recourants », le rendement net sur fonds propres lié au loyer des recourants était de 4,41 % en 2014, alors que le taux hypothécaire de référence prévu à l’art. 12a de l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF - RS 221.213.11), et tel qu’il découlait du tableau fourni par l’autorité intimée, était alors de 2 %. Le rendement accordé par l’office à l’appelée en cause était plus élevé que celui découlant de l’application de l’art. 269 CO (à savoir le taux hypothécaire de référence + 0,5 %), soit en 2014 un rendement net de 2,5 %. En acceptant l’augmentation de loyer dès le 1er janvier 2015, sollicitée par l’appelée en cause, l’office autorisait à tout le moins en tant qu’elle concernait la part correspondant à la diminution de la subvention, un loyer excessif incompatible avec les exigences posées par le droit fédéral. La hausse litigieuse devait donc être annulée.

Par conséquent, conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, la cause était renvoyée à l’autorité intimée pour nouvelle décision fixant le loyer autorisé dès le 1er janvier 2015. L'office intimé devait cependant préalablement déterminer, après complément éventuel d’instruction, quels étaient les faits ou critères pertinents, parmi ceux qu’il avait lui-même exposés notamment en rapport avec les efforts consentis par la propriétaire ou les pouvoirs publics, qui devaient être retenus dans le cas d’espèce pour fixer un loyer compatible avec les exigences du droit fédéral. Il n’était au demeurant pas exclu qu’un tel examen doive déboucher également sur une modification de la pratique administrative existante, voire sur des changements normatifs.

6) Par décision du 7 juin 2017, l’office a fixé l’état locatif maximum à CHF 502'572.- l’an dès le 1er janvier 2015, soit au même montant que celui qu’elle avait retenu dans le cadre de sa précédente décision du 17 octobre 2014.

Par arrêté du 20 janvier 2002, le rendement net initial des fonds propres investis était fixé au maximum à 4,75 %, le revenu net initial étant de CHF 375'102.-. La détermination du taux hypothécaire de référence applicable impliquait la prise en considération de la variation des taux hypothécaires durant la période de contrôle, si bien qu’il se justifiait d’appliquer un taux hypothécaire moyen de 3,74 % calculé sur une période de vingt ans, correspondant à la durée moyenne du contrôle étatique des immeubles soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05). Une marge de 1 % devait être ajoutée dans le cas d’une opération immobilière financée entièrement par des fonds propres, pour moitié de la couverture des risques du bailleur tels qu’identifiés dans le cadre de l’application de l’art. 269 CO et pour l’autre moitié, des efforts consentis par le propriétaire au regard des risques et obligations supplémentaires induits par le contrôle étatique. Les fonds propres s’élevaient initialement à CHF 7'904'000.-. La prise en considération du facteur inflationniste, en application des règles jurisprudentielles sous-tendant l’application de l’art. 269 CO, soit 2,65 % entre le 1er novembre 2005 et le 1er octobre 2014, portaient ce montant à CHF 7'987'751.- au 31 décembre 2014. Le revenu net admissible provenant des loyers selon le nouveau critère applicable s’élevait ainsi à CHF 378'619.-, réduite de 1/9ème, soit 14'538.-, la subvention s’élevait dès le 1er janvier 2015 à CHF 364'081.-. Le budget des charges d’exploitation était porté à CHF 142'000.- au 1er janvier 2015. Le revenu net actuel des loyers, soit CHF 360'564.-, hors subvention, était inférieur au revenu maximum admissible selon les critères énoncés. L’état locatif maximum autorisé était fixé à CHF 502'572.- dès le 1er janvier 2015.

7) Le 7 juillet 2017, les époux CORLULU ont formé une nouvelle réclamation à l’encontre de la décision du 7 juin 2017 de l’office.

L’état locatif était fixé au même montant que dans la décision déjà contestée le 4 décembre 2014, ils ne pouvaient dès lors que persister dans celle-ci.

L’office n’expliquait pas pourquoi il se justifiait d’appliquer un taux hypothécaire moyen de 3,74 % calculé sur une période de vingt ans. La majoration de 1 % n’était pas expliquée non plus, ni les risques et obligations supplémentaires qui la motiveraient. L’office omettait de tenir compte des avantages consentis au propriétaire, notamment fiscaux.

Les locataires avaient demandé une baisse de loyer dès la sortie du contrôle de l’État au 31 décembre 2017 plus importante que celle de 15,25 % annoncée par la régie.

8) Le 25 août 2017, la SUVA, invitée par l’office à formuler des observations, a conclu au rejet de la réclamation.

Elle contestait que le rendement qu’elle percevait sous le régime HLM jusqu’au 31 décembre 2017 soit supérieur à celui auquel elle pourrait prétendre dès le jour où l’immeuble sortirait du contrôle de l’État.

9) Le 24 novembre 2017, l’office a transmis à l’Asloca l’état locatif de l’immeuble approuvé le 16 octobre 2014, celui du 7 juillet 2017, le tableau ayant permis de déterminer le taux hypothécaire moyen visé par la décision, le document détaillant la marge liée à la restriction économique.

10) Le 22 décembre 2017, l’Asloca, intervenant pour le compte des époux CORLULU, a maintenu et complété la réclamation.

La méthode consistant à faire un calcul de rendement à une date déterminée en se basant sur une moyenne d’un taux hypothécaire pris sur vingt ans ne correspondait à aucune disposition légale ni à aucune jurisprudence. Si un taux moyen était retenu, il convenait de recalculer tous les loyers depuis le début du contrôle de l’État. S’agissant du tableau non daté et non signé concernant la marge liée à la restriction économique, il était arbitraire puisque l’on ne savait pas d’où sortaient les chiffres ni qui les avait calculés. En outre, les avantages n’étaient pas pris en compte. Il n’y avait aucune raison de différencier les rendements en fonction de la part de fonds propres investis. Le surplus admis par le Tribunal fédéral était de 0,5 % et non 2,5 % comme prévu au maximum.

11) Le 29 janvier 2018, la SUVA a contesté l’argumentation développée par les locataires.

12) Le 26 février 2018, par décision sur réclamation, l’office a rejeté la réclamation des époux CORLULU et confirmé sa décision du 7 juin 2017.

La constatation du caractère abusif du loyer ne consistait pas en la transposition du modèle retenu pour l’application de l’art. 269 CO mais devait tenir compte des spécificités du régime du contrôle étatique existant à Genève, fondé sur la pérennité et la stabilité des loyers. Il se justifiait d’appliquer un taux hypothécaire moyen de 3,74 % calculé sur une période de vingt ans correspondant à la durée moyenne du contrôle étatique des immeubles soumis à la LGL ; une marge de 1 % devait être ajoutée au taux hypothécaire de référence applicable, dans le cas d’une opération immobilière financée entièrement par des fonds propres, ce au titre, pour 0,5 % de la couverture des risques du bailleur tels qu’identifiés dans le cadre de l’application de l’art. 269 CO, et, pour 0,5 % des efforts consentis par le propriétaire au regard des risques et obligations supplémentaires induits par le contrôle étatique.

13) a. Le 12 mars 2018, les recourants ont saisi l’office d’une « demande de révision » de la décision sur réclamation. L’autorité avait omis de tenir compte des charges d’exploitation effectives de l’immeuble pour calculer le revenu net admissible.

b. Le 14 mars 2018, la SUVA a fait valoir à l’office que cette demande ne constituait ni une demande de reconsidération ni une demande de révision puisque la décision sur réclamation n’était pas encore entrée en force. Si la demande n’était pas retirée, elle devait être considérée comme un recours dont la chambre administrative devait être saisie.

c. Le 21 mars 2018, l’office a confirmé aux époux CORLULU les chiffres retenus dans sa décision.

d. Par courriel du 22 mars 2018, l’Asloca a informé l’office que les époux CORLULU retiraient leur « demande de révision ».

14) Par acte déposé le 13 avril 2018, les époux CORLULU ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision sur réclamation de l’office du 26 février 2018, reçue le 1er mars 2018 en concluant à son annulation et à la fixation du rendement admissible des fonds propres investis selon le taux hypothécaire de référence calculé selon l’art. 12a OBFL auquel une marge de 1 %, pour tenir compte des contraintes du propriétaire, devait être ajoutée. Le dossier devait être renvoyé à l’office pour un nouveau calcul de l’état locatif autorisé au 1er janvier 2015, selon ces critères. Ils concluaient également au versement d’une indemnité de procédure.

Contrairement à d’autres législations cantonales, celle de Genève ne connaissait aucune règle précise concernant le mode de fixation des loyers contrôlés. Faute de règles applicables, le canton de Genève devait s’inspirer des règles jurisprudentielles fixées par le Tribunal fédéral pour l’application de l’art. 269 CO et non pas s’en éloigner.

Pour que le calcul de l’office soit complet, il aurait fallu ajouter au revenu net admissible la moyenne des charges d’exploitation de l’immeuble sur trois ans, soit les années 2012, 2013 et 2014, et comparer ce résultat avec le dernier état locatif autorisé, soit CHF 502'572.- au 1er janvier 2015. Aucun élément du dossier ne permettait de connaître les charges d’exploitation pour 2014.

15) Le 31 mai 2018, l’office a répondu au recours en concluant à son rejet.

Le 18 décembre 2015, le Conseil d’État avait mis sur pied une commission d’estimation tripartite (représentants de l’État, professionnels de l’immobilier, représentants des locataires) dont la tâche était de proposer à intervalle régulier les rendements admissibles pour les nouvelles opérations immobilières. La commission avait considéré que les taux d’intérêts devaient entrer en considération non pas dans une valeur nominale arrêtée à un jour déterminé mais à une valeur moyenne lissée sur une période de vingt ans compte tenu de la durée de contrôle valant pour l’essentiel des opérations entrainant un blocage des loyers. Au début de l’année 2018, le taux moyen ou lissé sur vingt ans était de 3,04 %. Le 21 février 2018, un arrêté fixant les taux de rendement applicables aux immeubles neufs, non encore au bénéfice d’un accord de principe avait été adopté (arrêté du 21 février 2018 fixant les rendements admissibles dans les plans financiers des opérations de logement soumis à la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957, à la LGL et à la loi pour la construction de logements d’utilité publique du 24 mai 2007 - ArRPFOL - L 1 35.06). Le taux de rendement lissé sur vingt ans était majoré d’un demi-point conformément à ce qui était admis en droit du bail, lors d’un calcul ordinaire de rendement et s’y ajoutait un pourcentage allant d’un demi-point à 2,4 points pour tenir compte de la compensation de la restriction à la liberté économique du propriétaire, selon la quantité de fonds propres investis dans l’opération. Le 21 février 2018 également une directive codifiant la pratique administrative intitulée : « taux de rendement nets initiaux admis en fonction du type de financement » (ci-après : directive PA/SI/004.04) a été adoptée. Un taux de 4 % y était notamment fixé pour les immeubles financés à 100 % par des fonds propres ; 4,5 % pour un financement à 50 % par des fonds propres et 6 % pour les immeubles financés à 20 % par des fonds propres. La fréquence du contrôle du « caractère abusif » des loyers avait été arrêtée à cinq ans. Une méthode de calcul de rendement inspirée du calcul du rendement selon le droit du bail avait été élaborée. Elle tenait compte du fait que les rendements des immeubles sous contrôle étaient déterminés dans l’état locatif initial autorisé et ce pour toute la durée du contrôle, d’une part, ainsi que des dispositions légales et réglementaires relatives notamment à la prise en compte des charges d’exploitation dans l’état locatif, d’autre part. Les éléments du calcul étaient largement détaillés et seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

S’agissant du grief relatif aux charges d’exploitation de l’immeuble, les charges retenues étaient produites. Celles-ci avaient été remises en cause uniquement devant la chambre administrative et non dans la réclamation, ce qui rendait le grief irrecevable. Selon le tableau fourni, intitulé « calcul des réserves pour entretien, daté du 25 mai 2018, pour l’année 2012, elles se montaient à CHF 115'819, pour 2013 à CHF 134'366.- et pour 2014 à CHF 111'870.-. La moyenne sur les trois dernières années était de CHF 120'685.-, l’alimentation de la réserve pour entretien à hauteur de 10 % était de CHF 12'069.- et l’absorption du déficit d’exploitation sur dix ans conformément à la pratique de l’office (CHF 7'683.-), le budget de charges était fixé à CHF 142'000.- à compter du 1er janvier 2015.

16) Le 11 juin 2018, la SUVA a déposé des observations, concluant au rejet du recours ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Elle reprenait en substance l’argumentation développée par l’office.

17) Le 6 juillet 2018, les époux CORLULU ont répliqué, persistant dans leur argumentation.

Ils admettaient un taux de 1 % de rendement supplémentaire pour les contraintes du propriétaire mais non le fait qu’il soit ajouté au taux lissé fixé par l’office. La commission citée par l’office était une commission « alibi » instituée pour faire perdurer les pratiques du département admettant des rendements excessifs, les deux voix des représentants des milieux des locataires ne faisaient pas le poids. Les pratiques étaient d’autant plus critiquables qu’elles ne reposaient pas sur des bases légales suffisantes, puisque les dispositions légales genevoises concernant la fixation des loyers au début du contrôle de l’État étaient inexistantes. La différence entre les rendements pratiqués pour les immeubles subventionnés et les rendements admissibles en loyer libre était arbitraire et ne pouvait être justifiée par les légères contraintes subies par les propriétaires d’immeubles à loyers contrôlés. La nouvelle pratique administrative devait aussi s’appliquer aux nouvelles constructions, prenant en compte un même taux hypothécaire sur une période de quarante ans, ce qui n’était pas admissible.

18) Le 13 juillet 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit fédéral du loyer des recourants dès le 1er janvier 2015 et plus particulièrement sur le caractère éventuellement abusif au sens de l’art. 269 CO dudit loyer qui découle de l’état locatif autorisé par l’office dans sa décision du 7 juin 2017 et confirmé dans sa décision sur réclamation du 26 février 2018.

Dans son arrêt du 22 novembre 2016, portant sur la même question, la chambre de céans avait renvoyé la cause pour nouvelle décision fixant le loyer autorisé dès le 1er janvier 2015 après que l’office aurait déterminé, après complément éventuel d’instruction, quels étaient les faits ou critères pertinents, parmi ceux exposés en rapport avec les efforts consentis par la propriétaire ou les pouvoirs publics qui devaient être retenus dans le cas d’espèce pour fixer un loyer compatible avec les exigences du droit fédéral.

La nouvelle décision sur réclamation détaille le calcul fait par l’office ainsi que les différents éléments pris en compte pour établir le nouvel état locatif autorisé. Celui-ci s’avère identique à celui qui avait été jugé incompatible avec le droit fédéral s’agissant d’une hausse liée à la part correspondant à la diminution de la subvention (ATA/989/2016 précité consid. 8).

3) Les recourants remettent en cause la nouvelle pratique issue de la directive PA/SI/004.04 du 21 février 2018 s’agissant des taux de rendements admis dans les nouvelles constructions et critiquent également la composition de la commission tripartite.

Ces griefs sont exorbitants au litige, qui ne concerne que la décision sur réclamation de l’office rendue dans le cas d’espèce, soit la modification de l’état locatif de l’immeuble, sis 28, avenue d’Aïre, propriété de l’intimée. Ils ne seront donc pas examinés plus avant.

4) a. À Genève, la LGL prévoit différentes mesures afin d’encourager la construction de logements d’utilité publique, telles que des cautions simples d’emprunts hypothécaires, des avantages fiscaux ou des mises à disposition de terrains à bâtir en droit de superficie (art. 1 et 15 ss LGL). L’État veille à la qualité des logements et de leur environnement, ainsi qu’à l’économie des coûts de production et d’exploitation (art. 1 al. 2 let. d LGL). Il fixe des conditions relatives aux locataires (art. 30 ss LGL, art. 5 ss du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01) et aux immeubles (art. 25 ss LGL, art. 1 ss RGL). Parmi ces dernières figurent les exigences liées aux pièces (art. 1 RGL), à l’équipement (art. 2 RGL) et à l’entretien des immeubles (art. 28 LGL et 3 RGL). Les immeubles doivent être maintenus constamment en bon état d’entretien (art. 28 al. 1 phr. 1 LGL). Les mesures nécessaires doivent être prises pour garantir le bon état général des immeubles et de leur équipement, ainsi que pour éviter, en particulier, toute dégradation anormale des constructions et assurer la sécurité du public (art. 3 al. 1 RGL). Le propriétaire doit constituer des réserves pour travaux d’entretien et les déposer en banque sur un compte spécial (art. 3 al. 4 phr. 1 RGL).

b. La procédure de mise au bénéfice des mesures prévues par la LGL est régie aux art. 66 ss RGL. Elle se déroule en plusieurs étapes. D’abord, un accord de principe est conclu sur la base des pièces produites par le requérant, notamment un plan financier complet, tous les documents relatifs au financement et au prix du terrain (art. 67 ss RGL) ; il détermine les prestations qui peuvent être accordées et en fixe la durée, la quotité et les conditions d’octroi prévues (art. 68 al. 2 RGL). Le requérant qui accepte ces conditions est mis au bénéfice provisoire de la LGL (art. 68 al. 3 RGL). Aucun bail ne peut être conclu avant que le service compétent n’ait approuvé l’état locatif détaillé que le bénéficiaire de l’accord de principe est autorisé à appliquer, à titre provisoire, jusqu’à l’obtention définitive du bénéfice de la loi (art. 73 al. 1 RGL) ; il produit à cet effet un plan financier intermédiaire et un projet d’état locatif détaillé notamment (art. 74 let. a et b RGL). Ensuite, ledit bénéficiaire doit présenter une demande accompagnée de plusieurs pièces – dont le plan financier définitif, tous les justificatifs requis concernant le prix de revient définitif global de l’opération et un état locatif nominatif détaillé (art. 76 let. b, c et g RGL) – afin d’obtenir définitivement le bénéfice de la loi (art. 75 RGL). Une décision définitive à ce sujet est prise par le département sur proposition du service compétent et est notifiée au requérant (art. 78 al. 2 RGL).

c. Selon l’art. 78 al. 4 RGL, toutes modifications des conditions fixées dans la décision définitive, notamment le changement de propriétaire ou du financement, doivent être préalablement agréées par l’autorité compétente. L’art. 27 LGL dispose que les plans techniques et financiers, notamment les normes applicables à l’état locatif, doivent être préalablement agrées par le Conseil d’État, qui peut déléguer cette compétence à un département. Toute modification qui intervient en cours de construction doit être signalée et faire, le cas échéant, l’objet d’un nouvel agrément. Selon les travaux préparatoires de la LGL, l’art. 27 LGL s’applique à la phase de construction de l’immeuble, tandis que l’art. 42 LGL concerne la phase d’exploitation des immeubles soumis au contrôle des loyers (Mémorial du Grand Conseil 1977 21/IIIA 2016, p. 2027 et 2036 ; ATA/585/2017 du 23 mai 2017 consid. 4a et 4b). De plus, il a déjà été jugé que l’arrêté définitif du Conseil d’État ne vaut pas garantie d’un rendement net des fonds propres au taux retenu mais qu’il s’agit d’un taux maximum (ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/879/2010 du 14 décembre 2010).

Selon l’art. 42 al. 1 LGL, pendant toute la durée du contrôle des loyers, l’état locatif agréé de l’immeuble ne peut être modifié qu’en raison de la diminution légale des prestations de l’État et de l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien. L’art. 42 al. 2 LGL dispose qu’aussi longtemps que les logements sont au bénéfice de la LGL, le propriétaire ne peut les louer à un loyer supérieur au loyer autorisé. En vertu de l’art. 42 al. 5 LGL, le service compétent peut diminuer l’état locatif agréé, en cas de réduction des charges d’exploitation, du taux des intérêts des dettes hypothécaires, ou d’un rendement des fonds propres supérieur à celui fixé par le Conseil d’État. À teneur de cette disposition-ci, l’administration « peut » mais n’a pas l’obligation d’adapter l’état locatif autorisé ; elle bénéficie ainsi d’un large pouvoir d’appréciation dont elle doit faire usage dans cette perspective afin que le but d’intérêt public au maintien de logements sociaux soit préservé (ATA/331/2011 du 24 mai 2011).

Dans le cadre de son activité de contrôle, l’office a adopté des directives visant à codifier sa pratique notamment pour la détermination des éléments à prendre en compte dans l’établissement de l’état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique. La chambre de céans a déjà eu l’occasion de confirmer la conformité à la LGL de telles directives, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d’un grand volume de travail, l’examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n’étant matériellement pas possible et de surcroît source d’insécurité juridique et d’inégalité de traitement (ATA/585/2017 précité).

5) Dans l’arrêt 1C_500/2013 du 25 septembre 2014, le Tribunal fédéral a jugé que l’art. 269 CO s’appliquait également aux loyers contrôlés par l’État. Cette disposition prévoit que les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré. Selon le Tribunal fédéral, les autorités administratives ne peuvent pas autoriser des loyers procurant au bailleur un rendement excessif des fonds propres investis dans l’immeuble ou résultant d’un prix d’achat manifestement exagéré ; elles ne doivent pas non plus prendre en compte d’autres critères de fixation du loyer que ceux relatifs aux coûts, en particulier les loyers comparatifs (art. 269a let. a CO).

Sur la base des éléments factuels du cas d’espèce relatifs au système vaudois, le Tribunal fédéral a considéré qu’en matière de locaux d’habitation en faveur desquels des mesures d’encouragement ont été prises par les pouvoirs publics, un examen de la conformité du loyer à l’art. 269 CO uniquement à un moment déterminé du bail ferait l’impasse sur les efforts consentis sur la durée par les pouvoirs publics et le cas échéant par la propriétaire (consid. 3.2). Comme, dans cette affaire, la locataire ne semblait pas avoir disposé des éléments nécessaires pour lui permettre de faire contrôler, pour la durée de l’aide des pouvoirs publics, la conformité des loyers prévus avec l’art. 269 CO, qu’un contrôle devait intervenir et qu’il ne pouvait, en l’état du dossier, pas être effectué par le Tribunal fédéral, celui-ci a renvoyé la cause au Tribunal cantonal vaudois pour que lui-même – ou sur renvoi à l’autorité de première instance – établisse les faits utiles à la solution du litige et qu’il vérifie ensuite si, compte tenu des efforts consentis par la propriétaire et les pouvoirs publics et des autres circonstances pertinentes, le loyer prévu pendant la période de contrôle violait le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 du 25 septembre 2014 consid. 3.2.3 et 3.3).

6) Dans les états de faits ayant donné lieu aux ATA/845/2016 et ATA/847/2016 du 11 octobre 2016 et ATA/989/2016 précité concernant la présente cause, l’office avait procédé à une augmentation de l’état locatif maximum autorisé, en raison d’une diminution de la subvention que le Conseil d’État avait octroyée aux propriétaires respectives des immeubles concernés et qui était annuelle et dégressive sur une durée de vingt ans. Le système mis en place par l’office en application de la LGL répercutait les diminutions des subventions sur les loyers de manière quasi automatique, indépendamment des variations du taux hypothécaire de référence et donc du taux de rendement de référence. Ce mécanisme avait été prévu dans le but de faire coïncider les loyers LGL avec les loyers libres en fin de période de subventionnement pour éviter une trop forte hausse de loyer à ce moment-là. Ce système n’avait de sens que lorsque le taux hypothécaire de référence variait peu ou augmentait mais non s’il baissait de 5 % à 1,75 % en moins de vingt ans.

La chambre administrative a considéré que le fait de vouloir maintenir des avantages aux bailleurs de logements à loyer modéré pour inciter la construction de logements sociaux en admettant un rendement des fonds propres supérieur à celui autorisé pour les loyers privés, ne saurait se faire par simple report des charges sur le loyer payé par les locataires mais bien par le biais des mécanismes prévus par la loi ou la pratique administrative dont le subventionnement. L’application conjointe des mécanismes de la LGL et de la limite fixée par l’art. 269 CO impliquait que les loyers restent en dessous du seuil considéré comme abusif au sens de cette disposition pendant toute la période de subventionnement, et cela même si les loyers étaient en définitive fixés par des critères propres à la LGL.

Sur la base de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité, la chambre de céans a également estimé qu’il ne s’agissait pas d’appliquer sans autre le calcul de rendement prévu par l’art. 269 CO mais de transposer le principe du rendement excessif contenu dans cette norme aux loyers des logements subventionnés (ATA/845/2016 et ATA/847/2016 précités).

7) Pour donner suite à ces arrêts, le Conseil d’État a décidé de maintenir sa pratique et d’instituer une commission d’estimation tripartite – regroupant des représentants de l’État, des professionnels de l’immobilier et des locataires – chargée d’établir à intervalle régulier des recommandations en matière de rendement admissible dans les plans financiers des opérations de logements soumis entre autres à la LGL (Point de presse du Conseil d’État du 18 février 2015, p. 6 s). En effet, après consultation d’experts et des milieux intéressés, le Conseil d’État observait que dans le régime contractuel, le rendement admis était basé sur le taux hypothécaire de référence de la Banque nationale suisse, qui était conjoncturel (à savoir 2 % en février 2015). Il ne serait pas envisageable d’ajuster les loyers à une valeur précise fixée à court terme, pouvant varier tous les trois mois, comme le taux hypothécaire de référence. Les logements soumis au contrôle de l’État retenaient ainsi un taux hypothécaire moyen basé sur une observation de longue durée (plusieurs décennies), augmenté d’une marge pour absorber l’inflation ainsi qu’une juste compensation pour les restrictions objectives à la liberté économique des investisseurs dans ce type de logements (en particulier limitation du choix du locataire, contrôle régulier des conditions d’exploitation, contraintes financières). Il ressortait d’une analyse rétrospective de cas concrets que les loyers moyens en régime subventionné étaient 30 % moins élevés qu’en régime libre et que des locataires avaient économisé plus de CHF 100'000.- pour le logement qu’ils occupaient dans le cadre du régime LGL par rapport à ce qu’ils auraient payé dans un régime régi par le droit privé (Point de presse du Conseil d’État du 18 février 2015, p. 6).

Le 21 février 2018, le Conseil d’État a adopté un arrêté fixant les rendements admissibles pour les nouveaux immeubles contrôlés en application notamment de la LGL, à savoir 4 % pour des immeubles financés par 100 % de fonds propres, 4,5 % pour des immeubles financés par 50 % de fonds propres et 6 % pour des immeubles financés par 20 % de fonds propres. Cette distinction devait être faite en raison d’un effet de levier. Les rendements précités tenaient compte d’un taux hypothécaire lissé sur une durée de vingt ans et des particularités du système de contrôle préalable et généralisé des loyers (Point de presse du Conseil d’État du 21 février 2018, p. 9 et arrêté du 21 février 2018).

8) La chambre de céans fait preuve de retenue lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont sont traités par une administration spécialisée, en fonction de la loi voire des directives existantes, certains frais d'exploitation courants ou extraordinaires ou dont elle établit le budget, voire l'état locatif autorisé d'un immeuble. L'office est un service spécialisé chargé d’examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l'État et, en particulier, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l'amener à établir une pratique uniforme. La chambre de céans ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé en ce qui concerne les questions techniques. Son contrôle se limite à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/190/2018 du 27 février 2018 et les références citées).

9) En l’espèce, dans sa deuxième décision sur réclamation, qui fait l’objet du présent recours, l’office a présenté un calcul tenant notamment compte de onze contraintes auxquelles il a attribué un coût propre, correspondant à un taux de l’état locatif :

 

contrôle et orientation sur les coûts de construction et d’exploitation 

1 %

mesures générales sur l’obligation d’entretien des immeubles 

0,5 %

frais d’exploitation examinés dans leur genre et quotité 

0,5 %

travaux importants soumis à approbation 

0,5 %

limitation dans le choix des locataires (taux d’occupation et d’effort) 

1 %

contingent d’attribution étatique 

0,5 %

contrôle de tous les loyers 

2 %

obligation d’annoncer toute économie en cours d’exploitation 

0,5 %

modification de l’état locatif suite à un examen d’office de l’État 

0,5 %

date à laquelle intervient l’État ne porte pas préjudice au locataire (mise en réserve) 

1 %

absence de garantie locative 

1 %


Le risque financier était traduit en prime de rendement, laquelle était également fonction de la proportion des fonds propres engagés par le propriétaire pour tenir compte d’un effet de levier. S’agissant des opérations financées entièrement en fonds propres, comme en l’espèce, il s’agissait d’ajouter, au taux hypothécaire de référence lissé dans la durée, une marge d’un demi-point, correspondant aux risques sur l’état locatif transformés en prime de rendement tenant compte de l’effet de levier en sus de celle de 0,5 % prévue par le droit civil. Dans ces opérations, l’office tenait compte d’un montant total de 1 % de rendement en sus du taux hypothécaire de référence lissé dans la durée.

Il convient de relever que ce supplément de 1 % n’est plus contesté par les recourants, qui contestent en revanche le taux hypothécaire auquel il s’ajoute. C’est le lieu de préciser que les avantages que le propriétaire tirerait de la mise sous régime HLM de l’immeuble, que les recourants voudraient voir quantifiés, sont exorbitants à la question examinée ici. En effet, les règles touchant les cautions, les avantages fiscaux, les mises à disposition de terrains à bâtir en droit de superficie, d’aide à l’équipement de terrains à bâtir, ne découlent pas de la LGL et n’interviennent donc pas dans la décision litigieuse fixant l’état locatif admissible sur la base de l’art. 42 LGL.

10) S’agissant du taux hypothécaire de référence pour le calcul de l’état locatif contesté par la recourants, l’office prend en compte le taux moyen depuis 1994, soit 3,74 %, en se fondant sur l’évolution du taux hypothécaire de référence depuis 1994. Les recourants estiment qu’il faut prendre en compte le taux de référence de 2014 uniquement, suivant en cela les règles applicables en droit privé.

À cet égard, dans son arrêt de principe précité, le Tribunal fédéral a expressément retenu un élément de durée en indiquant qu’un contrôle de conformité du loyer à l’art. 269 CO, uniquement à un moment déterminé du bail, ferait l’impasse sur les efforts consentis dans la durée par les pouvoirs publics et la propriétaire. La prise en compte des « éléments pertinents survenus pendant toute la période d’aide des pouvoirs publics » était nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 précité consid. 3.2).

Dans ses arrêts, la chambre de céans a indiqué que l’art. 269 CO impliquait la prise en compte du taux hypothécaire de référence mais sans indiquer de quelle façon (ATA/845/2016 précité). La doctrine retient à ce sujet qu’il faut se référer à l’entier de la période de contrôle, s’agissant de tenir compte des efforts consentis dans la durée par le propriétaire ou l’État s’agissant de loyers contrôlés et que la notion de rendement excessif ne peut être purement et simplement transposée au calcul servant à vérifier si ces loyers sont ou non abusifs (David LACHAT, Regards de marathoniens sur le droit suisse, 2015, p. 106 ss ; François BELLANGER/Valérie DÉFAGO GAUDIN, Les loyers contrôlés par l’État peuvent-ils être abusifs, SJ 2015 I p. 217, 218).

En conséquence, il appert que la prise en compte d’un taux hypothécaire moyen ou lissé, sur la période concernée par l’aide étatique, d’une durée de vingt ans, majoré de 1 %, permet de concilier les intérêts opposés des propriétaires et des locataires et ne s’avère pas contraire aux principes fixés par la jurisprudence, compte tenu des différences de régimes et de la nécessaire transposition de la notion de loyer abusif (ATA/845/2016 et ATA/847/2016 précités). Une application directe du taux de référence pour l’année concernée ne permettrait pas la prise en compte, comme l’exige la jurisprudence, des efforts consentis dans la durée.

Il appert ainsi que la pratique administrative formalisée par l’office et appliquée en l’espèce ne consacre pas d’abus ni d’excès de son pouvoir d’appréciation et le grief des recourants sera écarté.

11) Les recourants font encore grief à l’office de ne pas prendre en compte dans sa décision les charges d’exploitation, qui de surcroît n’auraient pas été déterminées pour les années 2012 à 2014.

L’office a produit un document intitulé : « calcul des réserves pour entretien » du 25 mai 2018, sur lequel figurent les différentes charges de l’immeuble depuis 2008 jusqu’à 2014 ainsi que l’explication du calcul ayant permis de retenir des charges d’exploitation de CHF 142'000.-.

La chambre de céans a déjà eu l’occasion d’examiner la pratique de l’autorité intimée sur cette question (ATA/190/2018 précité ; ATA/331/2011 précité). Cette pratique prévoit notamment ceci :

- les budgets pour les charges d’exploitation doivent permettre de couvrir les charges courantes et de constituer des réserves pour l’entretien de l’ordre de CHF 1'000.- par pièce à mi-terme de la période légale. Ces budgets doivent également faire en sorte que, pour un immeuble normalement entretenu, la réserve tende vers zéro à la fin de la période de contrôle ;

- le montant des charges courantes est déterminé sur la moyenne des trois derniers exercices comptables ;

- aux fins de la constitution de la réserve pour entretien, ou en cas de réserve insuffisante, 10 % de la moyenne considérée est retenue au titre d’alimentation de la réserve.

La conformité à la loi de cette pratique, qui repose sur le fait que la constitution d’une provision pour travaux d’entretien et de réparation, même autorisée par l’arrêté de base, ne doit pas permettre au propriétaire d’obtenir par des voies détournées, à la fin du contrôle officiel, un rendement des fonds propres excédant celui autorisé, a déjà été constatée (ATA/331/2011 précité ; Richard BARBEY, Le contrôle officiel des loyers à Genève in RDAF 1981 p. 208 ss, p. 217). Cette pratique est conforme à la LGL et au but de celle-ci. La réserve pour entretien a d’ailleurs pour vocation, conformément à la jurisprudence susmentionnée, de financer les travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle, et non postérieurement à la période de contrôle.

Dans le cas d’espèce, l’autorité intimée a fixé le budget des charges à CHF 142'000.- en se fondant sur les dépenses d’entretien des trois années précédant le prononcé de l’arrêté litigieux, soit 2012 à 2014, conformément à sa pratique.

Les recourants n’indiquent pas en quoi cette pratique est critiquable.

Au vu de ce qui précède, il appert sur ce point également que l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant le budget des charges.

12) Infondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la propriétaire intimée, à la charge des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 avril 2018 par Madame Füjun et Monsieur Mehmet Ender CORLULU contre la décision sur réclamation de l’office du logement et de la planification foncière du 26 février 2018 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Füjun et Monsieur Mehmet Ender CORLULU ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la SUVA caisse nationale d’assurances en cas d’accidents, à la charge de Madame Füjun et Monsieur Mehmet Ender CORLULU ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Zutter, avocat des recourants, à Me Pierre Banna, avocat de SUVA Caisse nationale d'assurances en cas d'accidents, ainsi qu’à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :