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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4119/2016

ATA/585/2017 du 23.05.2017 ( LOGMT ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.07.2017, rendu le 04.07.2018, REJETE, 1C_370/2017
Descripteurs : LOGEMENT ; IMMEUBLE D'HABITATION ; LOYER CONTRÔLÉ ; SURVEILLANCE ÉTATIQUE ; ETAT LOCATIF ; BUDGET ; FRAIS D'EXPLOITATION ; FRAIS D'ENTRETIEN ; FONDS DE RÉSERVE
Normes : LGL.27; LGL.42; RGL.66.al1; RGL.68; RGL.75.al1; RGL.78; LGL.28; RGL.3; RGL.5.al4
Résumé : Recours contre un arrêté du DALE mettant l'immeuble de la recourante au bénéfice de la LGL (catégorie 4, immeuble d'habitation mixte) en tant qu'il diminue l'état locatif, du fait de la diminution du budget de charges d'exploitation. La pratique retenant que la réserve pour entretien doit être nulle à la sortie de la période de contrôle est conforme au droit. La recourante n'a pas démontré l'insuffisance du budget fondé sur la moyenne des frais des trois dernières années. La réserve déjà constituée étant de CHF 1'469.- par pièce théorique, il n'est pas nécessaire de tenir compte du besoin de constituer une réserve d'entretien, au contraire vouée à être réduite pour atteindre l'objectif de zéro à la fin de la période de contrôle. La recourante conserve la possibilité de formuler une demande de réévaluation de l'état locatif en cas d'augmentation des frais d'entretien. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4119/2016-LOGMT ATA/585/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2017

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représentées par Me Daniel Peregrina, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE


EN FAIT

1) La société en commandite A______ (ci-après : la société), est propriétaire des parcelles nos 1______ et 2______, feuillet 3______ de la commune de B______, sises en zone 5 de développement 3.

2) Par demande du 7 décembre 2005, référencée sous dossier DD 4______, la société a sollicité une autorisation définitive de construire des immeubles de logements avec garage souterrain à B______, sur les parcelles nos 1______ et 2______ (1 et 1A chemin du C______), ainsi que les parcelles voisines nos 5______ et 6______, dont elle était alors également propriétaire (3 et 3A chemin du C______).

3) a. Par courrier du 2 octobre 2006, contresigné par la société le 6 octobre 2006, la direction du logement, devenue depuis lors l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), rattaché au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE), a donné son accord de principe à la construction d’un immeuble de catégorie 2, immeuble d’habitation à loyers modérés (ci-après : 2 HLM), ou de catégorie 4, immeuble d’habitation mixte (ci-après : 4 HM), sur la base du plan financier initial du 24 août 2006.

b. Selon ce dernier, le prix de revient était de CHF 9'4000'000.-, financé par des fonds propres à hauteur de 20 %, soit CHF 1'880'000.-. Le rendement net pris en considération était de 7 % des fonds propres, soit CHF 131'600.-.

4) Par arrêté du 22 novembre 2006, le Conseil d’État a autorisé l’application des normes de la zone de construction 3 aux bâtiments à construire.

5) Par autorisation DD 4______-6 du 1er décembre 2006 et par autorisation complémentaire DD 7______ du 5 septembre 2008, le DALE autorisé la construction projetée.

6) Par arrêté du 14 janvier 2009, suite à la demande de mise en location de la société, le Conseil d’État a fixé l’état locatif provisoire que cette dernière était autorisée à appliquer pour ses immeubles des 1 et 1A chemin du C______ à CHF 531'084.-, soit cent pièces (vingt logements) au montant arrondi de CHF 4'669.-/pièce, vingt-huit places de parc intérieur à CHF 1'980.-/place et huit places de parc extérieur à CHF 1'092.-/place.

À l’achèvement des travaux et lors du bouclement du compte final de la construction, ainsi que lors de la mise des immeubles au bénéfice de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), l’état locatif serait déterminé conformément à l’art. 27 LGL.

7) Les 9 mai 2011 et 29 janvier 2014, la société a sollicité la délivrance de l’arrêté définitif.

8) a. Par courrier du 5 avril 2016, l’OCLPF a remis à la société un projet d’arrêté du même jour.

Le projet d’arrêté prévoyait que les logements étaient de catégorie 4 HM, pendant une période de vingt-cinq ans. Le plan financier définitif et le résultat d’examen du 14 mars 2016 étaient approuvés. L’état locatif était fixé, dès le 1er juillet 2016, à CHF 514'620.- (CHF 4'524.-/pièce, CHF 1'920.-/place de parc intérieur et CHF 1'056.-/place de parc extérieur). Une subvention personnalisée de vingt-cinq ans, du 1er mars 2009 au 28 février 2034, était accordée aux locataires des logements subventionnables respectant les conditions légales et réglementaires. Une exemption partielle de l’impôt immobilier complémentaires et un taux d’imposition réduit pour les impôts cantonaux et communaux étaient prévus pour une période de vingt ans à compter du 1er janvier 2010. La différence entre les charges annuelles budgétisées dans le plan financier ainsi que dans le résultat d’examen et le coût effectif net de celles-ci constituait une réserve pour l’exécution des travaux d’entretien.

b. Selon le plan financier définitif, l’état locatif total restait le même que celui retenu dans l’arrêté du 14 janvier 2009, soit CHF 531'084.-. Le budget des charges se montait à CHF 117'484.-.

À teneur du résultat d’examen du dossier, le budget de charges d’exploitation, dès le 1er mars 2009, était de CHF 117'484.- et le nouveau budget, dès le 1er juillet 2016, de CHF 101'000.-, ce qui faisait une différence de CHF 16'484.-. L’état locatif devait être diminué de CHF 16'464.-. Le nouvel état locatif admis dès le 1er juillet 2016 était donc de CHF 514'620.-
(CHF 4'524.-/pièce, CHF 1'920.-/place de parc intérieur et CHF 1'056.-/place de parc extérieur).

Le nouveau budget des charges reposait sur un tableau récapitulant les charges et la réserve pour entretien de 2009 à 2015. Les charges s’étaient élevées à CHF 73'563.- en 2009, CHF 86'658.- en 2010, CHF 89'298.- en 2011, CHF 83'675.- en 2012, CHF 95'951.- en 2013, CHF 102'369.- en 2014 et CHF 103'974.- en 2015, alors que le budget se montait à CHF 97'903.- en 2009 et CHF 117'484.- de 2010 à 2015, de sorte qu’il y avait une réserve cumulée de CHF 167'484.- au 31 décembre 2015, pour cent-quatorze pièces théoriques.

9) Le 12 avril 2016, la société a formulé des observations quant au projet d’arrêté.

Elle ne comprenait pas la baisse de budget de charges de CHF 117'484.- à CHF 101'000.-. Elle était au début de l’exploitation et il était important de pouvoir constituer une réserve pour les travaux.

10) Le 20 mai 2016, l’OCLPF a indiqué que la moyenne des charges, calculée sur la base des trois derniers exercices comptables, s’élevait à CHF 100'756.-, de sorte qu’un budget de CHF 101'000.- devait permettre de couvrir les charges courantes. La réserve pour entretien devait parvenir à l’objectif d’environ CHF 1'000.- par pièce au milieu de la période de contrôle.

11) Le 3 juin 2016, la société a persisté dans sa position, jugeant la réserve alors constituée insuffisante. Il n’était pas souhaitable qu’à ce stade du contrôle de l’État, la réserve ne puisse plus progresser pour pouvoir faire face aux travaux d’entretien du bâtiment, qui ne manqueraient pas d’ici 2034.

12) Le 28 juillet 2016, l’OCLPF a constaté que la réserve pour travaux d’entretien se montait à CHF 167'484.-, soit CHF 1'469.- par pièce après un peu plus de huit ans d’exploitation, de sorte que l’objectif d’environ CHF 1'000.- par pièce au milieu de la période de contrôle était déjà dépassé. Le nouveau budget permettrait de couvrir les charges futures de l’immeuble. Il pourrait être réévalué en fonction des conditions d’exploitation des prochaines années, ce qui garantissait que les travaux d’entretien pourraient être assurés jusqu’à la fin du contrôle.

13) Le 10 octobre 2016, la société a maintenu sa position.

14) Par arrêté du 1er novembre 2016, le DALE a confirmé les éléments contenus dans le projet d’arrêté du 5 avril 2016, sous réserve de la date d’entrée en vigueur du nouvel état locatif, fixée au 1er janvier 2017, conformément au nouveau résultat d’examen du dossier du 14 octobre 2016, approuvé.

15) Par acte du 1er décembre 2016, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation, à la fixation de l’état locatif total à CHF 531'084.- et à la condamnation du DALE au paiement de l’ensemble des « dépens ».

L’état locatif arrêté le 14 janvier 2009 incluait, par rapport aux dépenses effectives, une marge suffisante pour créer progressivement une réserve d’entretien permettant de faire face au vieillissement de l’immeuble. En réduisant l’état locatif le 1er novembre 2016, cette marge avait été totalement supprimée. La réserve pour entretien de CHF 167'484.- à fin 2015 avait pu être mise en place pour l’essentiel pendant les quatre premières années d’exploitation, l’immeuble étant neuf et encore sous garantie des constructeurs. Dès la cinquième année, les frais d’entretien et de réparation avaient été croissants, la réserve augmentant dans une moindre mesure. Il n’y avait aucune raison objective pour que les frais d’entretien et de réparation diminuent avec les années. L’arrêté litigieux contraindrait la société à puiser progressivement dans la réserve pour faire face à ses frais d’entretien et de réparation. À fin 2015, la réserve annuelle pour entretien et réparation atteignait 4,6 % du rendement brut des immeubles, ce qui était très largement inférieur au maximum admis à ce titre par l’administration fiscale cantonale, qui reconnaissait des provisions jusqu’à hauteur de 10 % des loyers encaissés. La réserve actuelle n’était pas excessive. La moitié de la période de contrôle était encore loin.

La pratique selon laquelle, à la sortie de la période de contrôle, la réserve d’entretien devait être nulle et qui menait le DALE à réduire progressivement la réserve d’entretien de manière excessive était contraire à la loi et violait le principe de la proportionnalité. Le législateur avait expressément exigé que le propriétaire puisse prévoir dans l’établissement du loyer une réserve pour l’entretien, qui s’imposait d’autant plus que le propriétaire avait l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour garantir le bon état général des immeubles et de leur équipement. Si la décision litigieuse ne refusait pas la création de réserves pour travaux d’entretien, elle en limitait progressivement le montant de manière excessive. La validation de la pratique par la chambre administrative reposait sur un fondement erroné. Une réserve d’entretien raisonnable était conforme à la loi. Une telle réserve était nécessaire même après la période de contrôle. Or, en obligeant le propriétaire à mettre à zéro sa réserve d’entretien avant la fin du contrôle, le DALE le contraignait à augmenter encore plus le loyer à la sortie du contrôle afin de reconstituer rapidement la réserve, ce qui était en totale contradiction avec la volonté du législateur d’atténuer les conséquences pécuniaires très importante du retour des immeubles aux conditions du marché libre. Avec la pratique, il était d’entrée de cause retenu que le propriétaire était de mauvaise foi, ce qui était incompatible avec le principe de la bonne foi.

16) a. Par réponse du 16 janvier 2017, le DALE a conclu au rejet du recours.

Le budget pour les charges d’exploitation devait permettre de couvrir les charges courantes et de constituer des réserves pour l’entretien de l’ordre de CHF 1'000.- par pièce à mi-terme de la période de protection et devait faire en sorte que, pour un immeuble normalement entretenu, la réserve tende vers zéro à la fin de période de contrôle. Le montant des charges était déterminé par la moyenne des trois derniers exercices comptables. Aux fins de la constitution de la réserve pour entretien, respectivement en cas de réserve insuffisante, 10 % de cette moyenne était retenue au titre d’alimentation de la réserve. Un éventuel déficit d’exploitation devait être résorbé sur dix ans. Un éventuel bénéfice d’exploitation devait être réduit à néant avant la fin du contrôle étatique. L’objectif d’une réserve nulle au terme de la période de contrôle avait été jugé conforme à la loi.

Le budget fixé couvrait les charges courantes. La réserve au 31 décembre 2015 étant supérieure au plafond à mi-terme de contrôle étatique, en 2021, l’OCLPF avait limité son alimentation annuelle à CHF 13'510.-, à l’exclusion de toute absorption de la partie excédentaire. La société disposait des moyens suffisants pour garantir une exploitation conforme aux exigences de la LGL.

b. À l’appui de sa réponse, le DALE a versé à la procédure un exemplaire de la pratique de l’OCLPF PA/SI/005.03.

17) Par réplique du 20 février 2017, la société a persisté dans ses conclusions, reprenant et complétant son argumentation précédente.

La pratique invoquée ne figurait pas parmi les pratiques administratives publiées par l’OCLPF. La directive PA/SI/019.01 n’était plus en force. Après vingt-cinq ans arrivait la période où il fallait changer la chaufferie, rénover les façades et réviser l’ascenseur et les conduite d’eaux, travaux importants qu’il se justifiait objectivement d’anticiper en prévoyant une réserve raisonnable et adéquate.

18) Le 21 février 2017, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de l’arrêté du 1er novembre 2016.

3) La recourante conteste uniquement la réduction du budget des charges de CHF 117'484.- à CHF 101'000.- à compter du 1er janvier 2017 et la réduction de l’état locatif de CHF 16'464.- qui en découle, de CHF 531'084.- à CHF 514'620.-.

a. L’État encourage la construction de logements d’utilité publique et s’efforce d’améliorer la qualité de l’habitat dans les limites et selon les critères fixés par la LGL (art. 1 al. 1 LGL). À cet effet, il encourage la construction de logements par voies notamment de cautions simples, d’emprunts hypothécaires, d’octrois de prêts avec ou sans intérêts, de subventions, d’avantages fiscaux (art. 1 al. 2 let. b LGL) et veille à la qualité des logements et de leur environnement ainsi qu’à l’économie des coûts de production et d’exploitation (art.1 al. 2. let. d in fine LGL).

b. L'État instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec l'aide de l'État de Genève. Les logements et les locaux situés dans des immeubles construits avec l’aide de l’État au sens de l’art. 1 al 2 let. b LGL sont soumis à ce contrôle aussi longtemps qu’ils bénéficient de cette aide (art. 1 al. 3 LGL).

c. En application de l’art. 1 al. 2 let. b LGL, le Conseil d’État détermine, dans chaque cas et dans le cadre des dispositions de la LGL, la nature et la mesure de l’encouragement à la construction de logements d’utilité publique. Il peut octroyer chaque forme d’aide partiellement ou totalement, séparément ou cumulativement, avec une ou plusieurs autres, en tenant compte notamment de la catégorie de logements considérés (art. 15 al. 1 LGL).

d. Sont notamment admis au bénéfice de la LGL les immeubles de catégorie 4 HM (art. 16 al. 1 let. d LGL).

4) a. Dans l’arrêté de base fixant le montant de l’aide étatique, le Conseil d’État détermine l’état locatif initial autorisé en fonction des plans financiers qui lui sont soumis, cette compétence pouvant être déléguée à un département. En effet, selon l’art. 27 LGL, les plans techniques et financiers, notamment les normes applicables à l’état locatif, doivent être préalablement agréés par le Conseil d’État, qui peut déléguer cette compétence à un département. Toute modification qui intervient en cours de construction doit être signalée et faire, le cas échéant, l’objet d’un nouvel agrément.

Selon les travaux préparatoires de la LGL, l’art. 27 LGL s’applique à la phase de construction de l’immeuble. Par ailleurs, l’autorisation nouvelle qui doit être requise selon l’art. 27 in fine LGL concerne les conditions de construction intervenues ultérieurement à l’adoption des plans initiaux par le Conseil d’État (MGC 1977 21/III 2016, p. 2027).

Initialement, l’art. 27 LGL se référait également aux réserves pour entretien (MGC 1977 21/III 2016, p. 2055). Les travaux préparatoires précisaient d’ailleurs expressément que les plans devaient contenir les normes relatives aux réserves pour entretien (MGC 1977 21/III 2016, p. 2027). Cette référence aux réserves pour entretien a été supprimée en 2009, en raison du changement de comptabilisation des immeubles pour les fondations immobilières de droit public, considérés depuis lors comme des immobilisations corporelles et pour lesquels les amortissements comptables remplacent les provisions pour travaux futurs (MGC 2006-2007/XI A 10207, p. 10217).

b. Pendant toute la durée du contrôle des loyers, l’état locatif agréé de l’immeuble ne peut être modifié qu’en raison de la diminution légale des prestations de l’État et de l’évolution des conditions d’exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d’entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d’alimentation des réserves pour l’entretien (art. 42 al. 1 LGL).

L’art. 42 LGL concerne la phase d’exploitation des immeubles soumis au contrôle des loyers. Les réserves d’entretien instituées en vertu de l’art. 27 LGL sont comprises dans le coût des travaux d’entretien et de réparation de l’art. 42 al. 1 LGL (MGC 1977 21/III 2016, p. 2036).

5) a. Toute personne désirant être mise au bénéfice de la LGL doit présenter une demande écrite au service compétent (art. 66 al. 1 du règlement d'exécution de la LGL du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01). Selon l’art. 68 RGL, portant sur l’accord de principe, en cas d’acceptation de la demande préliminaire, le service compétent prend acte des déclarations faites et des documents produits (al. 1). En même temps, il détermine les prestations qui peuvent être accordées et en fixe la durée, la quotité et les conditions d’octroi prévues (al. 2). L’acceptation par le requérant desdites conditions emporte la mise au bénéfice provisoire de la LGL (al. 3).

b. Le bénéficiaire de l’accord de principe doit, pour obtenir définitivement le bénéfice de la LGL, présenter une demande au service compétent (art. 75 al. 1 RGL). Le projet de décision définitive du département est soumis à l'examen du requérant (art. 78 al. 1 RGL). Sur proposition du service compétent, le DALE accorde le bénéfice de la LGL à titre définitif et notifie sa décision au requérant en son domicile élu (art. 78 al. 2 RGL). Toutes modifications des conditions fixées dans la décision définitive, notamment le changement de propriétaire, de ses statuts s’il s’agit d’une personne morale, ou du financement, doivent être préalablement agréées par l’autorité compétente. Reste réservée la modification de l’état locatif visée à l’art. 42 LGL (art. 78 al. 4 RGL).

6) a. Lors de l’examen des demandes de modification de l’état locatif autorisé selon l’art. 42 LGL, l’administration peut mais n’a pas l’obligation d’adapter ce dernier. Elle bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dans l’usage de cette prérogative afin que le but d’intérêt public au maintien de logements sociaux soit préservé (art. 42 al. 5 LGL ; ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 15 ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 5 ; ATA/879/2010 du 14 décembre 2010 consid. 2d).

b. Le propriétaire doit prendre les mesures nécessaires pour garantir le bon état général des immeubles et de leur équipement, ainsi que pour éviter, en particulier, toute dégradation anormale des constructions et assurer la sécurité du public. À défaut, le service compétent lui fixe un délai pour y remédier (art. 28 LGL ; art. 3 al. 1 et 2 RGL). De ce fait, les frais d’entretien et de travaux courants doivent être pris en considération pour la fixation de l’état locatif autorisé (ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 12 ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 5 ; ATA/879/2010 précité consid. 2e). En revanche, les dépenses liées à des travaux importants, y compris ceux concernant les appartements, doivent être préalablement soumis pour approbation au service compétent (art. 3 al. 3 RGL). C’est cependant à ce service qu’il incombe de déterminer en définitive tant dans leur genre que dans leur quantité, en fonction des conditions d’exploitation des immeubles et des frais qui en découlent, quelles sont les charges à prendre en compte dans la fixation de l’état locatif autorisé (art. 5 al. 4 RGL).

c. La notion de réserve pour travaux d’entretien n’est pas définie dans la loi. Selon l’art. 3 al. 4 RGL, le propriétaire doit constituer des réserves et les déposer en banque sur un compte spécial. Il doit pouvoir en tout temps justifier l’utilisation de ces réserves qui restent attachées à l’immeuble en cas de transfert de celui-ci. Les dépenses effectives étant inférieures aux dépenses budgétées durant les premières années, il s’agit de constituer une réserve nécessaire destinée à financer des travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle (ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 12 ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 7 ; ATA/879/2010 précité consid. 4).

7) a. Dans le cadre de son activité de contrôle, l’OCLPF a adopté des directives visant à codifier sa pratique notamment pour la détermination des éléments à prendre en compte dans l’établissement de l’état locatif autorisé des immeubles sous contrôle étatique. La chambre administrative a déjà eu l’occasion de confirmer la conformité à la LGL de telles directives, qui constituent une base de gestion indispensable au traitement d’un grand volume de travail, l’examen au cas par cas de toutes les particularités de chaque dossier n’étant matériellement pas possible et de surcroît source d’insécurité juridique et d’inégalité de traitement (ATA/845/2016 du 11 octobre 2016 consid. 4d ; ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 9 ; ATA/879/2010 précité consid. 3).

b. La directive PA/SI/005.03, relative aux « [l]oyers maximaux par pièces pour accord de principe » et entrée en vigueur le 1er janvier 2008, fixe les loyers admissibles pour les immeubles soumis à la LGL en fonction des éléments constitutifs du prix de revient et de ceux relatifs au compte d’exploitation. Les plafonds de loyers prévus sont valables pour un budget de charges annuelles de CHF 1'000.- par pièce théorique, soit le nombre total de pièces des logements, auquel s’ajoute, s’agissant du parking, une demie pièce par place de parc souterrain.

c. La pratique de l’autorité intimée, qui ne figure malheureusement pas dans les directives publiées par l’OCLPF sur son site internet, mais dont l’existence ressort de la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 8 ; ATA/879/2010 précité consid. 4), retient en particulier ce qui suit :

- les budgets pour les charges d’exploitation doivent permettre de couvrir les charges courantes et de constituer des réserves pour l’entretien de l’ordre de CHF 1'000.- par pièce à mi-terme de la période légale. Ces budgets doivent également faire en sorte que, pour un immeuble normalement entretenu, la réserve tende vers zéro à la fin de la période de contrôle ;

- le montant des charges courantes est déterminé sur la moyenne des trois derniers exercices comptables ;

- aux fins de la constitution de la réserve pour entretien, respectivement en cas de réserve insuffisante, 10 % de la moyenne considérée est retenue au titre d’alimentation de la réserve.

8) Lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont sont traités par une administration spécialisée, en fonction de la loi voire des directives existantes, certains frais d'exploitation courants ou extraordinaires ou dont elle établit le budget voire l'état locatif autorisé d'un immeuble, la chambre administrative fait preuve de retenue. L'OCLPF est un service spécialisé chargé d’examiner les dossiers relatifs à tous les immeubles subventionnés par l'État, d'en mesurer tous les aspects financiers et techniques. Cette mission lui offre un champ de comparaison étendu et doit en principe l'amener à établir une pratique uniforme. La chambre administrative ne saurait de ce fait substituer son appréciation à celle d'un service spécialisé pour ce qui concerne les questions techniques. Dans un tel cas, le contrôle qu'elle opère sur la façon dont l'autorité administrative applique la loi se limite à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATA/879/2010 précité consid. 7 et les références citées).

9) En l’espèce, il ne s’agit pas à proprement parler d’une modification de l’état locatif au sens de l’art. 42 LGL. L’état locatif n’a en effet jamais auparavant fait l’objet d’une fixation définitive en vertu de l’art. 27 LGL, l’arrêté du 14 janvier 2009 n’ayant qu’une vocation provisoire. Il s’agit ainsi d’un arrêté définitif de mise au bénéfice de la LGL, rendu par le DALE en application de l’art. 27 LGL. Toutefois, l’arrêté définitif ayant été adopté plus de sept ans après la date d’entrée moyenne des locataires, le 1er mars 2009, l’autorité intimée a procédé à une adaptation de l’état locatif à compter du 1er janvier 2017, opération qui doit suivre les principes applicables à toute modification de l’état locatif.

10) La recourante affirme que la pratique retenant que la réserve pour entretien doit être de zéro à la sortie de la période de contrôle, de même que celle qui en découle retenant un objectif de réserves pour entretien de CHF 1'000.- par pièce théorique au milieu de la période de contrôle, seraient contraires au droit, car elles limiteraient excessivement la constitution des réserves pour faire face au vieillissement de l’immeuble, y compris après la fin du contrôle de l’État.

Or, la chambre administrative a déjà été amenée à constater la conformité à la loi de cette pratique, qui repose sur le fait que la constitution d’une provision pour travaux d’entretien et de réparation, même autorisée par l’arrêté de base, ne doit pas permettre au propriétaire d’obtenir par des voies détournées, à la fin du contrôle officiel, un rendement des fonds propres excédant celui autorisé (ATA/331/2011 du 24 mai 2011 consid. 7 ; ATA/879/2010 précité consid. 4 ; Richard BARBEY, Le contrôle officiel des loyers à Genève in RDAF 1981 p. 208 ss, p. 217). Cette pratique est ainsi conforme à la LGL et au but de celle-ci, la réserve pour entretien ayant d’ailleurs pour vocation, conformément à la jurisprudence susmentionnée, le financement des travaux liés à l’usure et au vieillissement dans les années qui précèdent la sortie du régime de contrôle, et non postérieurement à la période de contrôle.

Par ailleurs, dans le cas d’espèce, l’autorité intimée a fixé le budget des charges à CHF 101'000.- en se fondant sur les dépenses d’entretien des trois années précédant le prononcé de l’arrêté litigieux, soit 2013 à 2015. Si la recourante annonce des dépenses plus élevées pour les prochaines années, elle ne les a pas établies, ni n’a indiqué précisément leur montant. Elle n’a ainsi aucunement démontré l’insuffisance d’un budget fondé sur les frais des trois dernières années dans le cas particulier. En outre, la recourante dispose, à fin 2015, d’une réserve pour entretien de CHF 167'484.-, correspondant à un montant CHF 1'469.- pour chacune des cent-quatorze pièces théoriques – réserve qui a par ailleurs vraisemblablement dû encore augmenter à fin 2016 –, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte d’un besoin de constituer une réserve, la réserve déjà créée étant au contraire vouée à être réduite, afin de parvenir à l’objectif de réserve nulle à la fin de la période de contrôle. De plus, si les frais d’entretien devaient augmenter de manière à nécessiter une réévaluation de l’état locatif, la recourante conserverait la possibilité de formuler une demande en ce sens, en application de l’art. 42 LGL.

Au vu de ce qui précède, et notamment vu les dépenses d’entretien passées et la réserve accumulée, l’autorité intimée n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en fixant le budget des charges à CHF 101'000.-, et, par conséquent, en réduisant l’état locatif de CHF 16'464.- à compter du 1er janvier 2017, étant précisé que si les charges devaient évoluer, la recourante pourrait en tout état de cause formuler une demande de modification de l’état locatif auprès de l’OCLPF, conformément à l’art. 42 LGL.

Les griefs de la recourante seront par conséquent écartés.

11) Dans ces circonstances, l’arrêté de l’autorité intimée est conforme au droit et le recours de la société, entièrement mal fondé, sera rejeté.

12) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2016 par A______ contre l’arrêté du département de l’aménagement du logement et de l’énergie du 1er novembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Peregrina, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'aménagement, du logement et de l’énergie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

A. Piguet

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :