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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4241/2024

ATA/94/2025 du 23.01.2025 ( AIDSO ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4241/2024-AIDSO ATA/94/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 janvier 2025

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Marc Isserles, avocat

contre

SERVICE D'AUTORISATION ET DE SURVEILLANCE DES LIEUX DE PLACEMENT intimé



Attendu, en fait, que :

A.    a. A______ (ci-après : A______) et B______ (ci-après : B______) sont les parents non mariés de l'enfant C______, né le ______2024.

b. B______, qui présente un retard mental léger, fait l'objet d'une curatelle de représentation et de gestion exercée par le service de protection de l'adulte (ci-après : SPAD).

c. Selon les indications des parents, A______ est de religion juive et a été élevé dans une famille juive pratiquante. B______ a pour sa part commencé un processus de conversion à la religion juive. Tous deux ont le souhait profond que leur fils soit élevé dans la religion juive pratiquante, en respectant les règles fondamentales de la pratique du judaïsme.

d. à sa naissance, l'enfant C______ ne pesait que 1 kg 800 et présentait un retard de croissance important. Après avoir été hospitalisé quelques jours en néonatologie, il a intégré, le 4 juin 2024, l'unité de développement en hospitalisation médicale (ci‑après : l'unité de développement) des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

e. Par courrier adressé le 12 juin 2024 au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE), le service de protection des mineurs (ci-après : SPMI) a relevé que les parents, malgré leur envie de bien respecter les consignes, leur ponctualité et le respect du cadre de l'unité de développement, étaient dépassés par les soins et ne parvenaient pas encore à s'adapter aux besoins de l'enfant C______. Le SPMI disposait de peu d'éléments lui permettant de penser que les parents seraient en mesure d'accomplir de façon autonome et adéquate les tâches en lien avec les soins ainsi que d'offrir à l'enfant un environnement « sécure » favorisant son bon développement. Il lui apparaissait dès lors nécessaire de stabiliser son lieu de vie, en l'état à l'unité de développement, afin que son intégrité soit garantie pendant que les parents travailleraient sur l'acquisition des compétences parentales.

f. Suivant le préavis du SPMI, le TPAE, par décision de mesures superprovisionnelles du 12 juin 2024, a retiré aux parents le droit de déterminer le lieu de résidence et la garde de fait de l'enfant C______, a ordonné son placement « dans tout lieu susceptible de répondre à ses besoins et de garantir son bon développement », soit en l'état l'unité de développement des HUG, a fixé les modalités d'exercice du droit aux relations personnelles des parents et a instauré diverses curatelles.

g. Après avoir entendu les parents et les représentants du SPMI lors d'une audience s'étant déroulée le 2 juillet 2024, le TPAE, par ordonnance sur mesures provisionnelles du même jour, a confirmé « en l'état » le retrait aux parents de leur droit de garde et de détermination du lieu de résidence de l'enfant C______, a prononcé le placement de l'enfant au sein d'une famille d'accueil, « ce dans les meilleurs délais », a réservé aux parents un droit aux relations personnelles avec l'enfant, devant s'exercer d'entente avec les curatrices désignées, a maintenu les curatelles déjà instaurées, a fait instruction aux parents de poursuivre leur suivi thérapeutique de façon régulière et a ordonné une expertise du groupe familial.

Il ressortait des éléments recueillis à ce stade qu'en dépit de l'attachement manifeste qu'ils vouaient à leur fils, les parents ne pouvaient être autorisés à accueillir celui-ci à leur domicile compte tenu de leurs difficultés importantes d'ordre cognitif et dans la gestion du stress, lesquelles paraissaient affecter de manière très significative leurs capacités parentales. Leur collaboration avec les institutions devant leur fournir assistance (Hospice général pour le père et SPAD pour la mère) était par ailleurs « très aléatoire et distante, voire presque inexistante », ce qui augmentait d'autant le risque que l'enfant soit amené à évoluer dans un « contexte carencé sur le plan social et administratif ». L'intérêt supérieur de l'enfant C______ commandait donc que sa garde et le droit de déterminer son lieu de résidence soient retirés aux parents. Dans la mesure où, selon les connaissances scientifiques actuelles, un mineur en très bas âge avait particulièrement besoin de nouer un attachement « sécure » avec une ou des personnes de référence stables et aptes à le rassurer en toutes circonstances, il convenait que l'enfant C______ soit placé dans les meilleurs délais dans une famille d'accueil, un tel milieu étant manifestement le plus adapté à ses besoins.

Aucun recours n'a été formé contre cette décision.

h. Du 9 septembre au 24 décembre 2024, l'enfant C______ a été placé auprès du foyer D______. Plusieurs rapports relatifs tant à l'évolution de l'enfant qu'à celle de ses parents et des relations entre ces derniers et leur fils ont été établis pendant cette période.

i. à une date ne résultant pas du dossier, le service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement (ci-après : SASLP) a sélectionné une famille d'accueil, soit E______ et F______.

j. Tant le principe du placement en famille d'accueil que le choix de la famille d'accueil étant contestés par les parents, le SPMI, par courrier du 6 décembre 2024, a interpellé le TPAE. Dans sa réponse du 9 décembre 2024, ce dernier, après avoir rappelé que l'ordonnance de mesures provisionnelles du 2 juillet 2024 était à ce jour exécutoire, a indiqué ce qui suit :

« […] l'objection des père et mère quant à la composition de la famille d'accueil proposée par le SASLP […] ne saurait entrer en ligne de compte.

En effet, le premier besoin d'un enfant de cet âge, en particulier pendant ses premiers mois de vie, est de créer un lien d'attachement sécure et, partant, de bénéficier d'un cadre sûr prodigué par des personnes de référence stables et présentant toutes les compétences requises pour assurer au mineur une prise en charge appropriée en toutes circonstances.

En outre, il ressort de vos lignes que la famille d'accueil pressentie présente pareilles compétences, l'une de ses membres ayant même des connaissances spécifiques en urologie qui constitueront un véritable atout eu égard à la malformation rénale de votre protégé.

Au vu de ce qui précède, le fait que la famille d'accueil soit composée de deux femmes n'est pas relevant et les convictions religieuses des parents doivent donc céder la priorité à l'intérêt supérieur de l'enfant, ce d'autant que la famille d'accueil s'est dite entièrement disposée à se conformer au souhait parental que le mineur soit élevé dans la religion juive.

Il s'ensuit qu'une nouvelle décision de notre autorité n'est pas requise et qu'il vous appartient d'aller de l'avant dans le processus d'intégration de l'enfant au sein de la famille d'accueil validée par le SASLP, étant de surcroît rappelé qu'un éventuel recours contre la décision d'autorisation d'accueil dudit Service relèverait de la voie administrative et non civile. »

k. Lors d'une rencontre ayant eu lieu le 16 décembre 2024 entre des représentants du SPMI et du SASLP et les parents, il a été confirmé à ces derniers que l'enfant serait prochainement placé auprès de la famille F______, qui leur a été présentée.

l. Par lettre de leur conseil du 19 décembre 2024 au SASLP, les parents se sont formellement opposés à ce placement, invoquant la violation de leur droit d'être entendus, et ont sollicité qu'une décision formelle leur soit notifiée d'ici au 23 décembre 2024.

m. Sans réponse du SASLP à la date fixée, les parents ont formé, le 23 décembre 2024, un recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant sur le fond à l'annulation de la décision de placement de l'enfant C______ auprès de la famille F______ prise par le SASLP.

Ils ont par ailleurs conclu, sur mesures superprovisionnelles urgentes, à la suspension dudit placement.

Ils s'opposaient non seulement au placement de leur enfant auprès de la famille F______ mais, plus généralement, à toute mesure de placement, et avaient à cet égard requis du TPAE la reconsidération de sa décision du 2 juillet 2024 au vu d'un rapport rendu le 4 décembre 2024 par G______, psychologue et psychothérapeute FSP. Il convenait dans ces conditions de ne pas modifier l'état de faits, sous peine de « rendre illusoire » le procès au fond.

À cela s'ajoutait que, ni E______ ni F______ n'étant de religion juive, il n'existait aucune garantie de respect des règles fondamentales de la pratique du judaïsme (respect du Chabbat et des jours de fête, respect des règles d'alimentation, préparation à la Bar-Mitsvah et nombreux rituels et prières), ce qui violait leur droit de choisir l'éducation religieuse de leurs enfants.

Leur droit d'être entendus avait été violé, dès lors qu'ils n'avaient à aucun moment été consultés dans le cadre du choix de la famille d'accueil. Le placement de l'enfant C______ auprès d'une famille non-juive violait le principe de la proportionnalité.

n. Le 23 décembre 2024, le juge délégué a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles.

o. Le 24 décembre 2024, C______ a intégré la famille d’accueil.

p. Dans sa réponse sur effet suspensif, respectivement mesures provisionnelles, du 8 janvier 2025, le SASLP a estimé qu'il ne lui revenait pas de s'exprimer sur cette question.

La décision de placement dans les meilleurs délais au sein d'une famille d'accueil avait été prise par le TPAE et son propre rôle s'était borné à proposer, compte tenu des besoins du mineur et de sa situation familiale, la famille composée de E______ et F______. Celle-ci bénéficiait d'une autorisation d'accueil d'enfants avec hébergement depuis 2019 et offrait des conditions d'accueil favorables, accueillant depuis déjà plus de quatre ans un autre mineur confié sur mesures de protection.

Une autorisation nominale pour l'accueil familial avec hébergement de l'enfant C______ avait été rendue le 18 décembre 2024 et celui-ci avait intégré la famille d'accueil le 24 décembre 2024. Son accueil se passait bien, E______ et F______ se montrant très attentives à ses besoins ainsi qu'à ses problèmes de santé.

Était jointe à cette réponse une copie de l'autorisation nominative d'accueil de l'enfant C______ délivrée le 18 décembre 2024 à E______ et F______.

q. Par réplique du 17 janvier 2025, les recourants ont conclu à ce qu'il soit constaté que le recours qu'ils avaient formé le 23 décembre 2024 contre le placement de leur fils auprès de la famille F______ avait effet suspensif et à ce que le retour de l'enfant au foyer D______ soit ordonné.

Ce n'était qu'à la lecture des observations du SASLP du 8 janvier 2025 qu'ils avaient pris connaissance de la décision de placement du 18 décembre 2024, qui ne leur avait jamais été communiquée. Dans la mesure où les dispositions légales sur lesquelles était fondée cette décision ne prévoyaient pas le contraire, et où le SASLP n'en avait pas ordonné l'exécution nonobstant recours, le recours formé le 23 décembre 2024 bénéficiait de par la loi de l'effet suspensif. L'autorisation d'accueil délivrée à E______ et F______ ne déployait donc aucun effet juridique en l'état, de telle sorte que l'enfant C______ devait être immédiatement réintégré au sein du foyer D______.

À cela s'ajoutait qu'ils n'avaient pu voir leur fils depuis le 24 décembre 2024, en violation du droit aux relations personnelles fixé par le TPAE.

r. Le 20 janvier 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Le recours est interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 -
LPA - E 5 10). L’examen complet de sa recevabilité sera effectué dans l’arrêt final.

2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de
ceux-ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2020).

3. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

Selon la jurisprudence, il y a lieu d'effectuer une pesée entre les intérêts public et privé en jeu, étant précisé que l'autorité peut aussi tenir compte des chances de succès du recours (ATA/962/2016 du 14 novembre 2016 ; ATA/192/2014 du 31 mars 2014 ; ATA/650/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2).

L'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les références citées ; ATA/962/2016 précité ; ATA/192/2014 précité ; ATA/190/2013 du 22 mars 2013 consid. 4).

L'effet suspensif vise à maintenir une situation déterminée et non pas à créer un état qui serait celui découlant du jugement au fond, dans l'hypothèse où le recourant obtiendrait gain de cause, la décision sur effet suspensif ne devant pas préjuger de l'issue du litige en vidant celui-ci de tout objet (ATA/962/2016 précité ; ATA/192/2014 précité ; ATA/650/2011 précité consid. 2 ; Fritz GYGI, Beiträge zum Verfassungs- und Verwaltungsrecht, 1986, p. 481) en créant une situation de fait quasi irréversible (arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2007 du 18 septembre 2007).

L'autorité de recours a par ailleurs la possibilité d'ordonner, d'office ou sur requête, des mesures provisionnelles (art. 21 al. 1 LPA). De jurisprudence constante, de telles mesures ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3, in RDAF 2002 I 405).

4. Selon les art. 316 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC – RS 210) et 1 al. 1 de l'ordonnance fédérale réglant le placement d'enfants (OPE – RS 211.222.338), le placement d'enfants hors du foyer familial est soumis à autorisation et à surveillance. Toute personne qui accueille un enfant chez elle doit ainsi être titulaire d'une autorisation de l'autorité lorsque l'enfant est placé pendant plus d'un mois contre rémunération (art. 4 al. 1 let. a OPE) ou lorsqu'il est placé pendant plus de trois mois sans rémunération (art. 4 al. 1 let. b OPE). Il en va de même de toute personne accueillant régulièrement des enfants dans le cadre d'interventions de crise, contre rémunération ou non, indépendamment de la durée du placement (art. 4 al. 2 OPE). Une telle autorisation demeure requise lorsque l'enfant est placé par une autorité (art. 4 al. 3 let. a OPE).

L'autorisation ne peut être délivrée que si les qualités personnelles, les aptitudes éducatives, l'état de santé des parents nourriciers et des autres personnes vivant dans leur ménage, et les conditions de logement offrent toute garantie que l'enfant bénéficiera de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats et que le bien-être des autres enfants vivant dans la famille sera sauvegardé (art. 5 OPE). Le premier critère à considérer lors de l'octroi ou du retrait d'une autorisation et dans l'exercice de la surveillance est le bien de l'enfant (art. 1a al. 1 OPE).

L'autorisation est délivrée aux parents nourriciers pour un enfant déterminé ; elle peut être limitée dans le temps et assortie de charges et conditions (art. 8 al. 2 OPE).

Dans le canton de Genève, la compétence pour autoriser et surveiller le placement d'enfants chez des parents nourriciers a été attribuée au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse, qui l'a déléguée au SASLP (art. 32 al. 1 let. a de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 [LEJ ‑ J 6 01] ; art. 2 al. 1 et 39 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'enfance et la jeunesse [REJ – J 6 01.01]).

Le placement doit notamment être exécuté lorsqu'il est ordonné par une décision de justice (art. 28 al. 3 let. b LEJ). Le SASLP doit alors rechercher un lieu de placement adéquat pour l'enfant (art. 28 al. 1 LEJ) et assurer le suivi du placement (art. 28 al. 4 LEJ ; art. 42 REJ).

5. Dans le cas d'espèce, le recours a initialement été formé contre « la décision prise par le [SASLP] relative au placement de l'enfant C______ », dont les recourants n'avaient alors pas encore connaissance. Il vise aujourd'hui expressément l'autorisation d'accueillir l'enfant, délivrée le 18 décembre 2024 à E______ et F______.

La décision de placer l'enfant proprement dite a été prise par le TPAE : elle ne saurait donc être remise en cause dans la présente procédure de recours.

Le TPAE, dans son ordonnance sur mesures provisionnelles du 2 juillet 2024, a par ailleurs imposé tant le mode de placement (« au sein d'une famille d'accueil ») que le délai pour exécuter la mesure de placement (« dans les meilleurs délais ») : ces injonctions sont de nature à lier le SASLP, qui ne pouvait donc a priori s'en écarter. L'argumentation des recourants dirigée contre le principe même du placement semble donc excéder le cadre des débats, ce qu'ils ont au demeurant bien compris puisqu'ils indiquent avoir déposé auprès du TPAE une demande de reconsidération de son ordonnance de mesures provisionnelles.

De prime abord, l'objet du litige est donc limité au choix par le SASLP de la famille d'accueil, tel que concrétisé par l'autorisation délivrée le 18 décembre 2024 à E______ et F______.

6. En l'occurrence, le recours dirigé contre la délivrance d'une autorisation d'accueil ne fait l'objet d'aucune disposition légale réglant spécifiquement la question de l'effet suspensif et le SASLP n'a pas déclaré sa décision exécutoire nonobstant recours.

Conformément à l'art. 66 al. 1 LPA, le recours bénéficie donc en principe de l'effet suspensif.

7. Reste à examiner si le prononcé de mesures provisionnelles, que la chambre administrative peut ordonner d'office, se justifie.

Il résulte à cet égard de l'ordonnance sur mesures provisionnelles rendue le 2 juillet 2024 par le TPAE, que cette autorité judiciaire, qui dispose d'une compétence spécifique en matière de protection des mineurs, siège dans une composition pluridisciplinaire comprenant au moins un juge assesseur psychiatre ou psychologue (art. 104 al. 2 LOJ) et dispose ainsi d'une expérience et d'une expertise particulières en matière de mesures de protection des mineurs, a considéré qu'il était nécessaire pour l'enfant C______, au vu de son très jeune âge, de pouvoir bénéficier d'un environnement stable et de pouvoir nouer un attachement « sécure » avec des personnes de référence stables et aptes à le rassurer en toutes circonstances, ce qui justifiait son placement en famille d'accueil « dans les meilleurs délais ». Il peut en être déduit qu'à l'inverse un retour immédiat de l'enfant C______ au foyer D______ – tel qu'il devrait normalement découler de la suspension des effets de la décision d'autorisation du 18 décembre 2024 en raison de l'effet suspensif lié au recours – alors qu'il réside aujourd'hui depuis environ un mois dans la famille d'accueil autorisée par le SASLP et que, selon les indications de ce service, « les choses se passent bien », irait à l'encontre des impératifs de stabilité et d'attachement à des personnes de référence mis en exergue par le TPAE. Il en résulterait ainsi pour l'enfant, sous l'angle de la vraisemblance, un risque de préjudice qui ne pourrait que difficilement être réparé par la suite.

Les recourants ne remettent pas en cause les compétences de la famille d'accueil choisie par la SASLP sous l'angle des qualités personnelles de ses membres, de leurs aptitudes éducatives, de leur état de santé, de leurs conditions de logement et des garanties de soins adéquats qu'ils offrent à l'enfant. Ils font toutefois valoir que, du fait que cette famille ne serait pas en mesure d'élever l'enfant selon les préceptes de la religion juive, leurs propres droits, notamment celui de pouvoir disposer de l'éducation religieuse de leur fils (art. 303 Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]), seraient violés.

Il n'y a pas lieu dans le cadre de la présente décision d'analyser de manière approfondie cette argumentation. Il suffira en effet de constater que, à ce stade précoce de la procédure, l'intérêt au développement de l'enfant et à la protection de son intégrité physique et psychique (qui constitue un intérêt privé de l'enfant mais également un intérêt public au sens de l'art. 1 let. d LEJ) doit l'emporter sur l'intérêt de ses parents à ce qu'il soit élevé, dans les semaines ou les mois qui suivent, dans le respect des préceptes de la religion juive. Cette conclusion s'impose notamment au regard de l'âge particulièrement sensible de l'enfant, lequel commande de privilégier son développement puisque, comme relevé par le TPAE, une carence à ce stade est susceptible d'entraîner d'importantes conséquences par la suite. À l'inverse, il paraît de prime abord relativement peu probable que le défaut de respect des pratiques de la religion juive pendant quelques semaines ou mois entraîne de graves conséquences pour l'enfant ou une atteinte grave aux intérêts des recourants. La confirmation provisoire du placement ne préjuge par ailleurs pas de l'issue de la procédure au fond.

À cela s'ajoute que l'absence de mesures provisionnelles, et donc le retour de l'enfant au sein du foyer D______, reviendrait à violer l'ordonnance de mesures provisionnelles du 2 juillet 2024, les recourants ne soutenant pas à cet égard que l'enfant pourrait « dans les meilleurs délais » être accueilli par une famille satisfaisant aux conditions des art. 5 OPE et 40 REJ d'une part et suivant les préceptes de la religion juive d'autre part.

Le placement de l'enfant C______ auprès de E______ et F______ sera donc confirmé au titre de mesures provisionnelles, à première vue pour la durée de la présente procédure ou jusqu'à révocation ou modification par le TPAE de son ordonnance du 2 juillet 2024.

S'agissant des difficultés que les recourants indiquent avoir rencontrées pour exercer leur droit aux relations personnelles avec leur fils, il leur appartient de s'adresser à la curatrice d'organisation et de surveillance des relations personnelles désignée par le TPAE.

8. Le sort des frais de la procédure sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

confirme, au titre de mesures provisionnelles, le placement auprès de E______ et de F______ de l'enfant C______, né le ______ 2024 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Marc ISSERLES, avocat des recourants, ainsi qu'au service d'autorisation et de surveillance des lieux de placement.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :