Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1464/2024 du 13.12.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1750/2024-EXPLOI ATA/1464/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 13 décembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ Sàrl recourante
contre
OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé
_________
A. a. A______ Sàrl (ci-après : SPI ou la société) est une société active dans la fourniture de services dans le domaine du courtage en assurance. Elle est inscrite au registre du commerce genevois depuis avril 2020.
b. Par courrier du 9 juin 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a initié un contrôle du respect du salaire minimum auprès de la société. Elle était invitée à remettre plusieurs documents, soit notamment les contrats de travail, les fiches de salaire et l’attestation AVS de son personnel, et à expliquer les modes de calcul des salaires annuels et d’enregistrement de la durée du travail de son personnel.
c. Le 23 juin 2022, la société a répondu à l’OCIRT, transmettant les pièces demandées. Plusieurs employés, soit B______, C______ et D______, exerçaient leur activité professionnelle hors du canton de Genève. Une place de travail était mise à leur disposition mais sans obligation pour l’employé de s’y trouver.
d. Par courrier du 5 juillet 2022, intitulé « Avertissement- droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction administrative », l’OCIRT a indiqué à la société qu’au vu des documents transmis, elle ne respectait pas le salaire minimum prévu à l’art. 39K al. 1 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) pour quatre employés, soit C______, D______, B______ et E______. Le total du rattrapage s’élevait à CHF 28'122.17. Elle était invitée à lui transmettre les fiches de salaire contresignées par les employés concernés, indiquant le montant du rattrapage salarial, la preuve du versement du rattrapage net aux employés concernés, et les avenants au contrat de travail pour les employés encore sous contrat. Il convenait de corriger les salaires de ces derniers. Dans le même délai, elle pouvait lui faire parvenir ses éventuelles observations afin de respecter son droit d’être entendue.
Attirant l’attention de la société sur l’amende administrative et sur son inscription sur une liste des entreprises faisant l’objet d’une décision exécutoire, le courrier précisait que si la société procédait aux rattrapages salariaux demandés, l’office pouvait réduire, voire renoncer à prononcer une sanction à son encontre.
e. Par courrier du 26 juillet 2022, la société a répondu s’engager à verser la différence salariale due à B______ et à E______.
En revanche, C______ était domicilié à Lausanne et avait été engagé pour prospecter le canton de Vaud. Il ressortait du tableau récapitulatif transmis en pièce jointe, que 85% de ses rendez-vous clients avaient été pris dans ce canton. Il se rendait rarement dans les locaux genevois. Il n’exerçait donc pas son activité de manière prépondérante, ni même régulièrement, à Genève.
Il en allait de même d’D______. Ce dernier était domicilié à Annecy et avait été engagé pour prospecter la clientèle française. Il ne se rendait que sporadiquement dans les locaux genevois. Il ressortait du rapport fichier client, transmis en annexe, que 84% de ses rendez-vous clients étaient réalisés en France.
Ces deux employés n’accomplissaient pas habituellement leur travail dans le canton de Genève et n’entraient pas dans le champ d’application de l’art. 39I LIRT.
f. Dans sa réponse du 26 septembre 2022, l’OCIRT a pris note du rattrapage salarial en faveur de E______. Il restait dans l’attente des pièces justificatives concernant B______.
Contrairement aux dires de la société, il retenait qu’D______ exerçait de manière régulière son activité à Genève. La société avait établi qu’il avait obtenu plus de rendez-vous en France, mais il venait à Genève non seulement pour des rendez-vous, mais aussi pour effectuer la partie administrative de son travail ainsi que pour recruter, former et organiser le travail des collaborateurs, dès lors qu’il avait été nommé responsable d’équipe à partir de novembre 2021. En outre, l’art. 3 du contrat de travail précisait effectivement qu’une place de travail était mise à disposition du conseiller dans les locaux de SPI, mais si un conseiller n’était pas en rendez-vous, il devait être présent à sa place de travail pendant les « heures appropriées ». Enfin, sa rémunération était soumise aux assurances sociales genevoises.
S’agissant de C______, la société avait seulement prouvé qu’il avait obtenu de manière prépondérante des rendez-vous dans le canton de Vaud, mais pas qu’il ne se rendait pas régulièrement dans les bureaux de Genève pour effectuer ses tâches administratives et de prospection ou pour suivre des formations. Le contrat de travail le concernant était le même que celui d’D______.
Il maintenait donc ses demandes, rappelant les potentielles sanctions encourues par la société en cas de non-respect de ces dernières.
g. Le 24 octobre 2022, la société a répondu. Les tâches administratives et les formations d’D______ étaient sporadiques (une ou deux par mois). Certes, il était manager, mais aussi et principalement conseiller en prospection clientèle. Elle joignait un tableau récapitulant les entrées et les horaires, établis sur la base du badge de ce dernier. Il était entré 57 fois sur six mois dans les locaux genevois ; il avait travaillé 28 jours sur 130 jours dans les locaux, soit quatre jours maximum par mois depuis les locaux. C______ s'était rendu très peu dans les locaux, soit au maximum à 20 reprises.
Elle était surprise d’être invitée à fournir la preuve du rattrapage net alors que l’objet du courrier s’intitulait « droit d’être entendu ». Alors même que l’administration des preuves n’était pas terminée, elle était pourtant invitée à payer des salaires dont il n’était pas démontré qu’ils étaient dus. L’autorité devait investiguer à charge comme à décharge. Elle-même faisait preuve de la plus grande transparence possible et s’était acquittée des montants dus pour B______ et E______, considérant en revanche qu’D______ et C______ n’exerçaient pas régulièrement leur activité à Genève.
h. À la suite d’une visite non planifiée dans les locaux de la société par l’OCIRT le 7 novembre 2022, divers échanges ont eu lieu entre cette date et le 15 novembre 2022 entre les parties concernant les éléments de preuve apportés par la société, soit notamment les extraits d’agendas, les preuves de rendez-vous clientèle ainsi que la présence des employés concernés dans les locaux. La société ne comprenait pas que l’OCIRT écarte ces éléments sans explications.
i. Par courrier du 21 novembre 2022, l’OCIRT a pris note du rattrapage salarial de B______, étant toujours dans l’attente de la fiche de salaire. Les explications au sujet des badges (soit le partage de ceux-ci) et de la non application aux employés de l’art. 3 du contrat de travail l’avaient amené à contacter par téléphone d’anciens employés ayant travaillé durant la même période qu’D______.
En substance, ceux-ci avaient déclaré qu’il ne leur avait jamais été indiqué que ces badges enregistraient leurs entrées et sorties des locaux, qu’ils ne bénéficiaient pas d’un badge nominatif, qu’il n’y en avait pas suffisamment et qu’ils se les prêtaient et échangeaient régulièrement. Ils ont déclaré qu’D______ était souvent présent dans les locaux, pour effectuer ses tâches de manager d’équipe. Les rendez‑vous clients étaient donc principalement effectués en fin d’après-midi et le soir. Parmi les personnes contactées C______ a déclaré qu’il avait travaillé depuis son domicile lausannois et qu’il ne pouvait donc se déterminer sur les présences ou non d’D______ dans les locaux de l’entreprise.
L’OCIRT retenait donc qu’il ne convenait pas de procéder à une mise en conformité salariale pour C______.
Il en allait autrement pour D______, le montant des rattrapages étant de CHF 4'477.65.- pour 2021 et CHF 3'551.86 pour 2022. Les preuves du versement devaient lui parvenir dans un délai fixé au 2 décembre 2022, d’éventuelles observations au titre de l’exercice du droit d’être entendu pouvant être transmises dans le même délai.
j. Le 16 décembre 2022, la société a contesté la position de l’OCIRT concernant D______. À l’appui de son raisonnement, l’OCIRT faisait valoir des échanges téléphoniques dont elle n’avait pas connaissance. Elle proposait d’entendre sa responsable marketing, qui pouvait attester des circonstances des rapports de travail. Enfin, si au début de la procédure huit personnes étaient concernées par un éventuel rattrapage, un seul employé était encore concerné. Elle faisait de cette affaire une question de principe. Sa position et son raisonnement juridique lui avaient donné raison pour C______. Si un rattrapage salarial avait été dû pour cet employé, elle l’aurait versé, comme pour E______ et B______. Ici, comme pour C______, il n’en était rien.
Enfin, afin de respecter son droit d’être entendue, elle souhaitait avoir accès à tous les éléments fondant la prise de décision de l’OCIRT.
k. Par courriel du 20 décembre 2022, l’inspectrice de l’OCIRT a répondu qu’il n’existait pas d’autres pièces utiles à la procédure dont la société n’était pas déjà en possession. « Les différentes personnes » avaient été contactées par téléphone pour trois questions (où elles exerçaient leur activité, si elles avaient vu D______ régulièrement, et quelles étaient la disponibilité et l’utilisation des badges). Si d’autres éléments avaient été nécessaires, ils les auraient convoquées pour leur faire signer des déclarations. Dans un tel cas, ces personnes auraient été entendues également sur la question des stagiaires et sur la durée du travail. Elles avaient indiqué être occupées avec leur nouvel emploi et vouloir tourner la page de SPI. Il n’avait pas été nécessaire de formaliser les témoignages pour établir une décision solide au fond, car il y avait suffisamment d’éléments, soit nomment le fait de prélever l’impôt à la source et l’assurance maternité pour établir le lieu de travail à Genève. Dans le cas contraire, D______ relèverait de la sécurité sociale française. Il lui avait été envoyé trois courriers afin de respecter son droit d’être entendue, de sorte qu’il n’allait pas entendre l’employée encore en exercice. Toute nouvelle demande serait facturée CHF 150.- de l’heure, ajouté au montant de l’amende prononcée pour infraction au salaire minimum. Un ultime délai lui était imparti pour verser le rattrapage encore pendant. Cas échéant, la société pourrait faire valoir ses arguments dans le cadre d’un recours.
l. Par courriel du 6 janvier 2023, la société a maintenu sa position s’agissant d’D______. Au sujet des témoignages, elle ne connaissait pas l’identité des personnes entendues ni le contenu des déclarations, mais prenait note que l’OCIRT considérait que son droit d’être entendue avait été respecté.
m. Par courriel du 9 janvier 2023, l’OCIRT a encore sollicité les conventions de stage pour les stagiaires actifs dans l’entreprise depuis novembre 2020.
La société a transmis ces conventions le 25 janvier 2023.
B. a. Par décision du 25 avril 2024, l’OCIRT a infligé à SPI une amende administrative de CHF 2'500.- en application de l’art. 39N al. 1 LIRT.
L’entreprise occupait ses travailleurs dans le canton de Genève. Elle n’avait pas respecté les salaires minimaux de quatre employés, soit B______, E______, C______ et D______. Elle avait rattrapé la sous‑enchère salariale par versement différé. En dépit de ses mises en demeure, elle ne s’était que partiellement mise en conformité. Il persistait une sous-enchère de CHF 8'029.51 concernant D______.
Les faits s’étaient déroulés entre février 2021 et mai 2022. Les infractions au salaire minimum constatées concernaient trois travailleurs sur sept. Malgré les demandes de mise en conformité des 5 juillet, 26 septembre, 21 novembre 2022 et le rappel du 20 décembre 2022, la mise en conformité n’avait été que partielle. En revanche, elle avait procédé à une partie du rattrapage de la sous-enchère salariale, ce dont il était tenu compte dans la fixation de l’amende. Une fois la sanction prononcée exécutoire, son nom serait inscrit sur la liste publiquement accessible des entreprises ayant été sanctionnées par l’OCIRT.
b. Par acte du 24 mai 2024, SPI a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision précitée, concluant principalement à son annulation. Subsidiairement, il convenait de réduire le montant de l’amende prononcée et de renoncer à la publication de sa raison sociale dans le registre officiel des entreprises ayant été sanctionnées par l’OCIRT.
Son droit d’être entendue avait été violé : elle n’avait pas eu accès au dossier, l’OCIRT estimant que toutes les pièces pertinentes étaient déjà en ses mains. Elle n’avait jamais su qui avait été auditionné ni la teneur des déclarations des personnes entendues. Sa demande d’accéder au dossier n’avait jamais été acceptée. Les preuves avaient été administrées de manière arbitraire. L’OCIRT se basait manifestement sur les déclarations d’un ancien employé, D______. Or l’activité de ce dernier se déployait majoritairement hors du canton. Malgré la preuve que ce dernier n’était à Genève que quatre jours par mois, l’OCIRT avait retenu que les badges étaient échangés entre employés. Elle avait toujours collaboré et remis à l’OCIRT les éléments requis, rectifiant les salaires conformément à ses obligations légales. L’OCIRT avait rendu sa décision en se fondant sur des déclarations d’anciens employés et sans prendre en considération les éléments matériels pertinents versés au dossier.
Finalement, la sanction était disproportionnée. Un rattrapage de salaires de CHF 8'000.- par rapport à ses obligations légales lui était reproché. Le montant de l’amende avait été établi de manière peu transparente. Sa faute n’était pas indéniable et sa collaboration avait été exemplaire. La jurisprudence avait confirmé des amendes moindres pour des sous enchères salariales plus importantes. Enfin, la publication dans le registre officiel aurait des répercussions disproportionnées pour ses relations commerciales.
Elle sollicitait encore l’audition de plusieurs témoins que l’OCIRT avait refusé d’entendre.
c. Dans ses observations du 23 juillet 2024, l’OCIRT a conclu au rejet du recours. La recourante admettait que les prestations principales de ses employés consistaient en du démarchage de clientèle hors de ses locaux. Ceux-ci devaient être considérés comme des travailleurs du commerce. Elle admettait aussi que ses conseillers exerçaient les tâches administratives liées à leur activité principale au sein des locaux. Seul C______ fournissait ce travail depuis son domicile dans le canton de Vaud. Il importait peu de savoir si l’activité d’D______ dans les locaux était accessoire ou non, puisque sur pièces, son lieu habituel d’activité s’exerçait à Genève et le salaire légal minimum lui était applicable. Les fiches de salaires indiquaient un rattachement genevois, ces derniers étant soumis à l’assurance maternité genevoise.
Enfin, les témoins n’avaient pas été entendus par une autorité au sens de l'art. 28 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’OCIRT n’étant pas une telle autorité. Ainsi il n’était pas tenu de procéder à nouveau à des auditions orales et de convier la recourante. En outre, la recourante avait pu se déterminer par écrit à plusieurs reprises. Même si le rapport sur les échanges téléphoniques n’avait pas été transmis, l’essentiel de leur contenu avaient été communiqué avec la recourante. Infondé, ce grief devait être rejeté. Enfin, même si ce droit n’avait été respecté, il s’agissait d’un cas de peu de gravité, et réparable devant la chambre de céans.
L’art. 3 du contrat de travail indiquait « une place de travail est mise à disposition du conseiller dans les locaux de SPI. Si le conseiller n’est pas à un rendez-vous professionnel, il devra être présent à sa place de travail pendant les heures appropriées ».
La recourante avait convenu par oral avec C______ que ce dernier exerçait hors de Genève, et il en avait tenu compte et établi ainsi qu’il n’était pas soumis au salaire minimum. Il avait donc instruit l’affaire à charge et à décharge.
Enfin, l’amende était proportionnée et devait être confirmée dans son montant et son principe.
Avec ses observations, l’office a produit son dossier, dans lequel se trouvait notamment une pièce non datée intitulée « Notes échanges téléphoniques », reprenant les conversations, sous forme résumée, s’étant tenues entre le 25 août et le 14 novembre 2022 avec D______, F______, C______ et G______, tous employés ou anciens employés de la recourante. Les personnes entendues, à l’exception de C______, déclaraient qu’il n’y avait pas suffisamment de badges, que les conseillers se les prêtaient. D______ a déclaré que ses rendez-vous clients étaient majoritairement en France et qu’il prenait surtout de tels rendez-vous en fin de journée. G______ a indiqué voir régulièrement D______ plusieurs fois par semaine, même si ce dernier ne restait pas longtemps. En tant que manager, D______ devait aussi former les nouveaux conseillers, ce qui se faisait dans les locaux de l’entreprise.
d. Dans sa réplique du 27 septembre 2024, SPI a persisté dans ses conclusions et dans son argumentation, ajoutant au surplus sa surprise d’apprendre que les échanges téléphoniques avec ses anciens employés avaient été formalisés, alors que l’OCIRT avait affirmé le contraire. Elle aurait apprécié d’avoir accès à ces déclarations avant la procédure de recours. Son droit d’être entendue avait été violé, les discussions téléphoniques avec différentes personnes ayant en réalité été formalisées sans qu’elle ait accès à ces rapports.
L’OCIRT avait traité le dossier de manière incorrecte, violant les règles de procédure administrative. Il aurait été apprécié qu’il le reconnaisse. Les faits avaient été établis de manière arbitraire s’agissant d’D______. Il passait 85% de son temps de travail hors de Genève. L’OCIRT avait omis de prendre en considération les éléments déterminants qu’elle avait apporté, soit l’agenda de l’employé en question et ses courriels. La même constatation avait été faite pour C______, sur la base de pièces identiques.
Elle avait proposé une liste d’employés à entendre, ce que l’OCIRT avait refusé. Ce dernier avait préféré former son opinion sur la base de déclarations d’employés qui avaient des intérêts financiers à la voir condamnée. Les mêmes éléments de preuve avaient été apportés s’agissant de C______ et pourtant considérés comme suffisants par l’OCIRT. La conclusion concernant D______ était alors d’autant plus arbitraire. Les preuves apportées démontraient qu’D______ exerçait majoritairement son activité professionnelle hors de Genève.
Enfin le principe de célérité avait été violé également. Plus de quinze mois s’étaient écoulés entre les dernières observations et la prise de la décision. Cette lenteur ne trouvait aucune justification. L’inscrire dans un registre public listant les sociétés ayant violé leurs devoirs salariaux sonnerait probablement la fin de son activité et la mise au chômage de ses employés, alors qu’elle avait toujours eu à cœur de se renseigner sur les règles applicables en matière de salaire minimum et payer le rattrapage quand il était dû.
e. Le 30 septembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
f. Il sera revenu en tant que besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces produits par les parties.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).
2. À titre préalable, la société sollicite l’audition « des employés qui étaient 8h par jour au bureau, et à même de confirmer le taux de présence d’D______ ».
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, la recourante a eu l’occasion, au cours de la présente procédure, de faire valoir ses arguments et de produire toutes les pièces qu'elle jugeait utiles. Pour le surplus, le dossier soumis à la chambre de céans apparaît complet et lui permet de statuer en connaissance des éléments pertinents.
Il ne sera donc pas ordonné d’autres actes d’instruction.
3. Dans un premier grief, la société se plaint d’une violation de son droit d’être entendue : elle n’avait pas eu accès aux notes téléphoniques et ne s’était pas déterminée sur ce point.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 Cst., le droit d’être entendu comprend également le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).
L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu ; l’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).
Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d’être entendu, il n’en demeure pas moins qu’il ne recouvre pas la consultation de documents internes à l’administration, comme des avis personnels donnés par un fonctionnaire à un autre, de projets de décisions, d’avis de droit ou de préavis d’autorités d’instruction à l’intention de l’autorité de décision, sauf si la loi le prévoit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2018 du 22 novembre 2019 consid. 4.4.2).
Selon l'art. 45 LPA, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre‑preuves (al. 3).
3.2 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle‑ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2). Elle dépend toutefois de la gravité et l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2).
3.3 En l’espèce, l’OCIRT a affirmé à la recourante à plusieurs reprises qu’elle avait eu accès à tous les documents nécessaires et qu’il n’avait pas formalisé leurs déclarations pour établir une décision solide. Or, il ressort du dossier transmis à la chambre de céans qu’il existait une transcription, non datée, des échanges téléphoniques menés par l’OCIRT entre août et novembre 2022, sans que la recourante ne se soit déterminée à ce sujet, malgré ses demandes, avant la prise de la décision querellée. Contrairement aux dires de l’autorité intimée, le contenu essentiel de ces échanges téléphoniques n’a pas été communiqué à la recourante malgré le fait que l’autorité intimée a utilisé les témoignages au désavantage de la recourante. En conséquence, le grief de violation du droit d’être entendue de la recourante est fondé. Compte tenu de l'effet dévolutif complet du recours, il a toutefois été réparé dans le cadre de la procédure devant la chambre de céans où l’occasion a été donnée à la recourante de consulter les pièces et de se déterminer sur cette transcription.
Le grief sera en conséquence écarté.
4. La recourante estime que l’autorité aurait mal apprécié les faits. D______ n’exerçait pas son activité principale à Genève. Il n’était donc pas soumis au contrôle du salaire minimum.
4.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.
4.2 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c).
4.3 La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3d et les références citées).
4.4 Aux termes de l’art. 3 LIRT, l’OCIRT est chargé de contrôler, en collaboration avec les autres autorités et organismes concernés, les installations, l’organisation, la mise en place, ainsi que les mesures prises pour garantir la protection de la santé et la sécurité des travailleurs.
4.5 Le chapitre IVB de la LIRT (art. 39I ss) règle le salaire minimum. Les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton sont soumises à ces dispositions (art. 39I LIRT). Ce principe et les montants applicables du salaire minimum pour 2020 à 2022 ne sont en l’espèce pas remis en cause, pas plus que les exceptions de l’art. 39J LIRT.
4.6 Sont des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton au sens de l’art. 39I LIRT les travailleurs dont l’activité est accomplie dans le canton soit de manière exclusive, prépondérante ou régulière (art. 56D RIRT).
L’office et l’inspection paritaire des entreprises sont compétents pour contrôler le respect par les employeurs des dispositions du présent chapitre (art. 39M al. 1 LIRT). Lorsqu’un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l’art. 39K, l’office peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus. Ce montant maximum peut être doublé en cas de récidive (art. 39N al. 1 LIRT). L’office établit et met à jour une liste des employeurs faisant l’objet d’une décision exécutoire. Cette liste est accessible au public (art. 39N al. 4 LIRT).
Les entreprises en infraction au salaire minimum cantonal font l’objet d’une publication sur la liste visée à l’art. 39N al. 4 LIRT pendant une période de 24 mois à compter de la date à laquelle la décision rendue à leur encontre est devenue exécutoire (art. 56H RIRT).
4.7 En l’espèce, il est nécessaire de définir dans un premier temps l’objet du litige. La décision querellée retenait que l’entreprise n’avait pas respecté le salaire minimum pour B______, E______ et D______, alors qu’avant la prise de la décision, la société a procédé à un rattrapage partiel. Seul demeure donc litigieux au stade du recours le rattrapage salarial concernant D______ et la question de l’amende.
La recourante se plaint que l’office aurait selon elle écarté les documents et explications fournies et se serait fondée uniquement sur les entretiens téléphoniques non contradictoires avec ses employés ou anciens employés. Ce faisant, la critique de la recourante porte en réalité sur l’appréciation des preuves effectuée par l’autorité intimée, et non sur la constatation inexacte des faits, ce qui relève du fond du litige.
Sur la base des documents produits, l'intimé est arrivé à la conclusion que l’activité d’D______ se déroulait habituellement à Genève et était donc soumise aux dispositions concernant le salaire minimum. La recourante conteste cette position. Elle a fourni des explications et extraits du calendrier Outlook concernant D______ dont il ressort que ce dernier réalisait 84% de ses rendez-vous clients hors de Genève. Elle estime ainsi que ces éléments permettent de démontrer l’exercice de son activité hors du canton, au détriment des témoignages de ses anciens employés, dont certains pourraient lui nuire.
L’analyse détaillée des pièces démontre certes que les entretiens clients de cet employé étaient majoritairement en France voisine. Cependant, l’analyse des calendriers fournis indique que ces rendez-vous avaient généralement lieu en fin de journée. Ce point ne suffit pas à considérer que son activité n’était pas régulière à Genève. En outre, la position de manager de cet employé, qui délivrait des formations aux nouveaux collaborateurs, les recrutait et les formait sont des indices forts d’une activité régulière, si ce n’est prépondérante, dans les locaux de la société.
Le contrat de travail indique que lorsque l’employé n’est pas en rendez-vous clientèle, il devra être présent à sa place de travail dans les locaux. Les explications à ce sujet de la recourante concernant le nombre limité de places et la possibilité pour les conseillers de prospecter depuis chez eux, ainsi que le fait qu’une place de travail était ainsi seulement mise à disposition, sans obligation, ainsi que le fait qu’D______ exerçait toute son activité administrative depuis son domicile en France ne ressortent d’aucune pièce et sont en contradiction avec le texte clair des contrats.
Si les relevés des badges sont à prendre avec précaution, au vu des explications données par les employés et par la société, ainsi que du fait qu’il s’agit simplement d’un tableau Excel, sans autres explications, ils permettent de considérer que le badge appartenant à D______ était activé régulièrement, soit en moyenne 7 à 14 jours par mois, ce qui est en claire contradiction avec les explications de la société (qui retient 4 jours par mois). Cette même conclusion ressort des témoignages précités, où les deux employés entendus, présents dans les locaux, ont indiqué que cet employé s'y trouvait environ trois jours par semaine.
Enfin, la société recourante fait grand cas de la similarité de la situation de cet employé et de C______, pour lequel l’OCIRT a retenu après de nombreux échanges qu’il exerçait son activité sur le canton de Vaud. Or, deux points importants expliquent un traitement différent de ces situations. D______ était responsable d’équipe et manager, à l’inverse de C______. Ce dernier ne possédait en outre pas de badge et a démontré par pièces qu’il ne se rendait que ponctuellement à Genève, ce qui n’est pas le cas des nombreux indices énumérés supra s’agissant de son collègue.
C’est partant sans arbitraire que l’autorité intimée a considéré qu’D______ exerçait de manière régulière son activité à Genève et que le salaire minimum avait été violé. Le non-respect du salaire minimum et le principe d’une sanction sont ainsi acquis.
5. Il reste à examiner si la quotité de la sanction est proportionnée.
5.1 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) relatifs aux principes applicables à la fixation de la peine, soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et l'arrêt cité). Si les antécédents constituent une circonstance aggravante, l’absence d’antécédents est une circonstance neutre qui n’a pas l’effet de minorer la sanction (ATA/435/2023 du 25 avril 2023 consid. 11 et l'arrêt cité).
La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et l'arrêt cité).
Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et les arrêts cités; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP).
L’autorité jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité de l’amende. La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et les arrêts cités).
5.2 Sous le droit antérieur à l’introduction du salaire minimum genevois, la chambre administrative a confirmé l'amende de CHF 2'000.- infligée par l'OCIRT, l’amende maximale s’élevant alors à CHF 5'000.-, dans une affaire dans laquelle un employeur avait affecté pendant près d'une année son employé à des activités domestiques traditionnelles, sans respecter les salaires minimaux impératifs prévus par le contrat-type de l'économie domestique, impliquant un rattrapage salarial brut de CHF 19'750.- (ATA/1057/2017 du 4 juillet 2017 consid. 8).
Elle en a fait de même s'agissant d'une affaire de violation des salaires minimaux prévus par la convention collective cadre dans le commerce de détail dans laquelle l'OCIRT avait fixé l'amende au maximum, soit CHF 5'000.-, compte tenu de l’importance de la sous-enchère salariale (CHF 329'120.60), de sa durée (plus de deux ans et demi) et du nombre de collaborateurs concernés (septante-neuf), soit la totalité des employés soumis à la convention collective (ATA/647/2016 du 26 juillet 2016 consid. 10).
La chambre administrative a, en revanche, réduit à CHF 3'500.- l'amende, initialement fixée à CHF 5'000.-, pour un employeur n'ayant pas respecté les salaires minimaux impératifs prévus pour deux esthéticiennes, pendant plusieurs mois, entraînant un rattrapage de CHF 10'175.84. Il s'agissait de la première infraction commise par l'employeur, qui avait collaboré à l'établissement des faits (ATA/126/2016 du 9 février 2016 consid. 6c).
5.3 Sous le nouveau droit, la chambre administrative a réduit de CHF 28'000.- à CHF 14'000.- l’amende infligée à un employeur pour une sous-enchère salariale de CHF 381'701.18 dans le domaine de l’économie domestique, ayant eu lieu pendant quatre ans au préjudice de cinq employées successives. La collaboration de l’employeur à l’établissement des faits devait être qualifiée de moyenne, et non de faible, et il n’avait pas d’antécédents (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022).
Dans une autre affaire concernant le domaine de la communication et du marketing, la chambre administrative a réduit de CHF 28'000.- à CHF 12'000.- l’amende infligée à un employeur, sans antécédents, pour une sous-enchère salariale d’au minimum CHF 105'080.-, estimée par l’OCIRT à CHF 203'045.91, concernant cinq employés, qui s’était déroulée de novembre 2020 à mai 2022. La collaboration de l’employeur à l’établissement des faits avait été jugée faible en raison de la production tardive et lacunaire de documents (ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022).
5.4 En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante a collaboré à l'établissement des faits pertinents. Selon les échanges entre les parties, elle a tâché de répondre aux demandes de l'intimé et lui a fourni de nombreuses pièces. C'est d'ailleurs sur la base des documents produits que l'intimé est arrivé à la conclusion que l’activité d’D______ se déroulait habituellement à Genève et était donc soumise aux dispositions concernant le salaire minimum et que tel n’était pas le cas de C______.
Le montant initial reproché de sous-enchère concernait quatre employés et s’élevait à CHF 20'574.12, avant d’être établi à CHF 8'029.15 dus dans le cas d’D______. L’infraction peut être qualifiée de peu grave, la recourante ayant, dès le début du contrôle et avant même la première demande de l’office, versé les salaires dus dans les deux cas qu’elle reconnaissait comme tels. Le seul montant encore à verser concerne un employé pour lequel la recourante était en désaccord avec l’OCIRT quant à son droit et au lieu du travail dudit employé.
La recourante ne présente par ailleurs pas d'antécédents et elle exploite un établissement de petite taille qui ne comportait que sept employés au moment du contrôle.
Dans ces circonstances, la sanction, entraînant l’inscription sur la liste des employeurs faisant l’objet d’une décision exécutoire et une amende administrative de CHF 2'500.-, apparaît disproportionnée et constitutive d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité, au vu notamment de la bonne collaboration de la société, des explications fournies s’agissant d’autres employés que l’OCIRT a admises tardivement ainsi que le manque de célérité de cette autorité entre la fin de l’instruction et la prise de décision (quinze mois). S'agissant plus particulièrement de l'amende, à l'instar de la recourante, il convient de relever que les explications de l’autorité intimée quant à son calcul manquent de transparence en ce qu'elles ne permettent pas de comprendre la manière dont elle est arrivée à la somme de CHF 2'500.-. Aucun des cas jurisprudentiels précités n'impose une amende équivalent à 31% du montant concerné.
Vu les circonstances de la présente espèce et la liberté d’appréciation de l’autorité intimée, seule une réduction peut entrer en ligne de compte afin de tenir principalement compte de l’absence d’antécédents et des mises en conformité effectuées par la recourante au cours de l’instruction. La chambre administrative réduira donc l’amende querellée à CHF 1'000.-, montant plus conforme au principe de la proportionnalité. La quotité de la sanction ainsi fixée est apte à produire le résultat escompté, le but de la procédure de contrôle du salaire minimum étant de permettre à l'autorité de vérifier que l'entreprise respecte les lois et règlements auxquels elle est soumise. Elle apparaît également adéquate s’agissant de dissuader la recourante de réitérer.
Finalement, la recourante allègue que son inscription dans le registre prévu par l’art. 39N al. 4 LIRT entraînerait la fin de son activité et la mise au chômage de ses employés. Elle n’étaye ni ne démontre toutefois ce grief, basé sur de simples conjectures, à l’appui desquelles elle n’apporte ni preuve ni indices, de sorte qu’aucun élément ne justifie d’examiner ce point plus avant.
Par conséquent, le recours est admis, très partiellement. La décision querellée sera annulée en ce sens que le montant de l’amende est réduit à CHF 1'000.-. Elle est confirmée pour le surplus.
6. Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge de la société recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il n’y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure, la recourante plaidant en personne et n'ayant pas allégué avoir exposé des frais pour assurer sa défense (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2024 par A______ Sàrl contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 25 avril 2024 ;
au fond :;
l’admet partiellement ;
annule la décision précitée en ce qui concerne le montant de l’amende et ramène celui-ci à CHF 1'000.- ;
confirme la décision querellée pour le surplus ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ Sàrl ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ Sàrl ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
N. GANTENBEIN
| la présidente siégeant :
M. PERNET |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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