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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/425/2023

ATA/1147/2024 du 01.10.2024 sur JTAPI/1028/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/425/2023-PE ATA/1147/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er octobre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2023 (JTAPI/1028/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1969, est ressortissante bolivienne. Sa fille, B______, née le ______ 2002 en Bolivie, est également ressortissante bolivienne.

b. A______ est arrivée en Suisse le 6 mars 2003, au bénéfice d'une autorisation de séjour de courte durée valable jusqu'au 5 novembre 2003 en qualité d'artiste. Son contrat de travail a été rompu au 31 mai 2003.

B. a. Le 22 janvier 2004, A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études – mentionnant une date d'entrée et de décision rétroactive au 6 novembre 2003 et valable jusqu'au 15 octobre 2004 – afin de suivre une formation auprès de l'Institut supérieur de musique, langues et cultures. Ce titre de séjour a été renouvelé en date du 20 octobre 2004 pour une validité jusqu'au 15 octobre 2005, puis le 11 avril 2007, jusqu'au 15 octobre 2007.

b. Le 17 mars 2007, l'Institut supérieur de musique, langues et cultures a informé l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que A______ avait été exmatriculée en raison de ses absences aux cours et à des factures impayées.

c. A______ n'a pas répondu aux demandes de renseignements de l'OCPM envoyées en juin et septembre 2008. Un départ du territoire suisse la concernant a ainsi été enregistré pour le 15 octobre 2007.

d. A______ a néanmoins déposé une demande de renouvellement de son autorisation le 21 novembre 2007.

e. Le 17 août 2010, A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur. Il y était fait mention de la longue durée de son séjour en Suisse, du fait que sa fille vivait avec elle à Genève où elle était scolarisée, de son activité professionnelle dans le domaine de l'économie domestique, qui lui procurait un salaire brut de CHF 2'300.-, ainsi que du fait qu'elle recevait des allocations familiales et qu'un accord oral avait été passé avec le père de sa fille, lequel vivait à Genève, pour le versement d'une contribution mensuelle de CHF 600.-.

f. Par courrier du 25 octobre 2011, l'OCPM a invité A______ à se présenter en ses locaux en date du 7 décembre 2011 pour examen de sa situation.

g. Le 12 novembre 2012, l'OCPM a demandé à A______ de lui faire parvenir divers documents, et l'a relancée le 23 juillet 2013, l'intéressée n'ayant pas donné suite à la demande.

h. Suite à la lettre d'intention de refus de l'OCPM, le conseil de A______ a fourni, le 2 décembre 2014, les documents sollicités le 12 novembre 2012, à savoir notamment : des lettres de recommandation, des fiches de salaire, une attestation de scolarité de sa fille pour l'année 2013/2014 en 8P et un courrier du 24 janvier 2013 du père de sa fille, relatif à une contribution mensuelle de CHF 300.-.

i. Le 12 décembre 2014, A______ a complété son dossier avec un extrait individuel de ses cotisations AVS pour les années 2006 à 2013.

j. Le 14 mars 2018, A______ a été condamnée par le Ministère public de Genève à une peine pécuniaire de dix jours-amende et à une amende de CHF 100.-, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, pour injure et voies de fait.

k. Selon un procès-verbal d'audition du 24 février 2019 figurant au dossier, A______ a déclaré qu'elle avait trois frères en Bolivie.

l. Le 20 septembre 2020, A______ a été victime d'une agression lui ayant causé diverses blessures dont notamment une fracture de la base de la phalange proximale de l'auriculaire de la main gauche, laquelle a nécessité deux interventions chirurgicales.

Selon un certificat médical établi par la docteure C______, médecin interne aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), le 18 septembre 2022, « les suites opératoires ont été marquées par des douleurs importantes rendant la mobilisation digitale difficile, avec in fine un déficit significatif des mobilités en flexion et en extension de ce doigt, devenu raide, malgré la physiothérapie et le port d'attelles dynamiques adéquates (…). Malgré à nouveau des séances de physiothérapies intenses, l'enseignement d'exercices d'auto-mobilisation et la confection d'attelles dynamiques, les résultats cliniques n'ont pas été satisfaisants, avec un doigt qui reste à ce jour raide en flexion et en extension, ainsi plus difficilement utilisable. Conjointement avec la patiente, il a été décidé pour le moment de ne plus intervenir sur ce doigt, qui restera alors déficitaire ».

m. Le 7 décembre 2020, A______ a été condamnée par le Ministère public à une peine pécuniaire de 45 jours-amende pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété et injure.

n. Selon l'attestation de l'office des poursuites (ci-après : OP) du 29 août 2022, A______ faisait l'objet de 34 actes de défaut de biens, pour un total de CHF 42'778.32, et d'une poursuite d'un montant de CHF 120.- ouverte le 13 juin 2022.

o. Selon l'attestation de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 25 août 2022, elle percevait des prestations financières au sens de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) depuis le 1er juillet 2015, pour un montant cumulé de CHF 93'280.05 (dès 2018). Une dette de CHF 3'592.80 à l'égard de l'hospice était également indiquée.

p. Le 26 octobre 2022, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d'octroi d'une autorisation de séjour déposée le 17 août 2010 et de prononcer son renvoi de Suisse, tout en lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir son droit d'être entendue.

q. Aucune suite n'a été donnée à ce courrier.

r. Par décision du 3 janvier 2023, l'OCPM a refusé l'octroi de l'autorisation de séjour en faveur de A______ et a prononcé son renvoi de Suisse, tout en lui impartissant un délai au 15 février 2023 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Il n'était pas contesté que le séjour de A______ était très long. Toutefois, cette durée ne constituait pas à elle seule un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour. Elle devait être relativisée en lien avec le nombre d'années passé dans son pays d'origine. En efffet, elle était arrivée en Suisse à l'âge de 34 ans, de sorte qu'elle avait vécu toute son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie d'adulte en Bolivie.

Par ailleurs, elle ne pouvait se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée, ce d'autant plus qu'elle n'exerçait pas d'activité lucrative et ne subvenait pas à ses propres besoins depuis le mois de juillet 2015 puisqu'elle percevait des prestations financières de l'aide sociale. Elle faisait également l'objet d'une dette envers l'hospice d'un montant de CHF 3'592.80. Elle n'avait par ailleurs pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables pour qu'elle ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d'origine. Sa fille était majeure et ne nécessitait pas de la présence obligatoire de sa mère à ses côtés.

A______ avait été condamnée pénalement à deux reprises en 2018 et 2020 pour injure, voies de fait, lésions corporelles simples et dommages à la propriété et faisait l'objet d'une poursuite d'un montant de CHF 120.- et d'actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 42'778.32 (situation au 29 août 2022). Elle n'avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles, ni de qualifications si spécifiques qu'elle ne pourrait pas les mettre en pratique en Bolivie. Sa situation ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Bolivie. Enfin, elle semblait être en bonne santé et aucun élément au dossier ne permettait de penser qu'une fois de retour au pays, elle serait dans une situation médicale précaire.

Le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigible.

s. Le 13 janvier 2023, A______ a déposé une demande de rente auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : AI).

t. Selon attestation de l'hospice du 25 janvier 2023, A______ était totalement aidée depuis le 1er juillet 2015.

C. a. Par acte du 6 février 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 3 janvier 2023, concluant principalement à son annulation, à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur, à ce que l'OCPM préavise favorablement sa demande d'autorisation de séjour auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et à ce qu'il soit constaté que l'exécution du renvoi n'était pas raisonnablement exigible. Préalablement, elle a conclu à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur le fond de sa demande d'octroi de prestations d'invalidité et sur la demande d'autorisation de séjour formulée par sa fille, B______.

C'était à tort que l'autorité intimée avait estimé que son intégration n'était pas suffisante. Elle avait été victime d'une agression en septembre 2020 qui l'avait durablement affectée tant sur le plan physique que psychique. L'auriculaire de sa main gauche avait été fracturé et elle avait subi de ce fait une invalidité permanente. Elle était au demeurant gauchère, et ne pouvait user de sa main gauche que de manière limitée, notamment en raison de douleurs. Suite à cela, elle avait déposé une demande de rente AI le 13 janvier 2023, raison pour laquelle elle sollicitait la suspension de la présente procédure. En cas d'octroi, sa situation financière serait améliorée. Par ailleurs, si elle devait être renvoyée en Bolivie, elle ne pourrait pas percevoir la potentielle rente AI suisse en l'absence de convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bolivie. Elle souffrait par ailleurs encore aujourd'hui de dépression et d'insomnies et était régulièrement suivie par une psychologue.

S'agissant de sa situation financière, elle avait travaillé dès son arrivée en Suisse et jusqu'en 2014. Son absence d'activité lucrative à partir de 2015, les dettes importantes accumulées ainsi que la dépendance à l'aide sociale jusqu'à ce jour pouvaient être expliquées, d'une part, par le fait que l'OCPM avait mis, sans raison valable, plus de douze ans à rendre une décision sur sa demande d'autorisation de séjour et d'autre part, par les conséquences, tant physiques (hospitalisations, nombreuses interventions chirurgicales, suivis médicaux, physiothérapie) que psychologiques, subies jusqu'à ce jour suite à son agression. Toutefois, elle s'efforçait avec ses modestes moyens, de rembourser sa dette envers l'hospice.

En cas de retour en Bolivie, elle se retrouverait dans une situation extrêmement précaire non seulement du point de sa santé mais également d'un point de vue socioéconomique. Elle n'avait plus aucune famille ni aucun ami en Bolivie, mis à part un frère pasteur qui vivait dans une église et avec lequel elle n'avait plus aucun contact. Elle n'aurait dès lors personne pour s'occuper d'elle. Elle ne parviendrait assurément pas à se réintégrer dans son pays d'origine, n'y étant pas retourné depuis près de vingt ans. Son renvoi provoquerait une dégradation de son état psychologique. En outre, ses chances de retrouver un emploi en Bolivie étaient plus faibles en raison de son état de santé.

Elle invoquait par ailleurs l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) sous l'angle de la dépendance à un membre majeur de la famille, soit sa fille. La relation qui la liait avec cette dernière était effective et intacte. Cette relation était d'autant plus étroite qu'il existait un état de dépendance particulier envers sa fille avec laquelle elle avait toujours vécu en raison de son invalidité physique permanente établie par constat médical. En effet, sa fille se chargeait d'une plus grande partie des tâches quotidiennes et ménagères pour lui venir en aide eu égard à son état de santé. Cette prise en charge quotidienne était permanente et ne pouvait être fournie que par sa fille en l'absence d'autre soutien familial en Bolivie. Sa fille était en formation et avait encore besoin de sa mère à ses côtés. On ne pourrait raisonnablement exiger de sa fille de la suivre en Bolivie, celle-ci n'ayant aucun lien avec la Bolivie et ayant vécu toute sa vie en Suisse. Il y avait donc lieu de retenir l'existence d'un rapport de dépendance tant physique que psychologique.

Elle invoquait également l'art. 8 CEDH pour la protection du droit à sa vie privée pour elle-même. Elle avait déposé une demande de renouvellement de permis le 21 novembre 2007, à laquelle l'OCPM n'avait pas donné suite ainsi qu'une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur en août 2010. Depuis 2011, elle avait régulièrement sollicité des attestations de résidence qui confirmaient non seulement qu'elle résidait à Genève mais aussi que sa demande était en cours d'examen auprès de l'OCPM. Le fait que l'autorité intimée ait mis plus de douze ans à rendre une décision sur sa demande d'autorisation de séjour n'était pas justifié et ne pouvait pas lui être imputable. Eu égard à la très longue durée de sa présence et du fait que l'OCPM aurait dû rendre une décision favorable dès le mois de décembre 2014 déjà, il se justifiait de considérer qu'elle était en droit d'invoquer la protection du droit à la vie privée.

Son renvoi n'était pas raisonnablement exigible. Elle demandait, le cas échéant, son admission provisoire.

b. Le 20 février 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le seul dépôt d'une demande AI – dont le potentiel bien-fondé n'était pas rendu vraisemblable – ne justifiait pas une suspension de la procédure, ce d'autant plus que l'issue de la demande AI n'était pas susceptible d'apporter une solution qui scellerait le sort de la présente procédure.

En l'état, il n'existait aucun lien de dépendance entre la recourante et sa fille au sens où l'entendait la jurisprudence. La seule fracture d'une phalange de sa main, dont l'OCPM n'entendait pas minimiser les désagréments, ne satisfaisait pas au seuil extrêmement restrictif déterminé par la jurisprudence en matière de lien de dépendance dans le cadre de l'art. 8 CEDH.

c. Le 24 avril 2023, A______ a répliqué. À la suite d'un examen de radiologie effectué le 13 février 2023, il avait été découvert qu'elle souffrait de la maladie de Dupuytren au niveau de sa main gauche, qui pouvait impliquer la nécessité d'une intervention chirurgicale en fonction de son évolution, selon attestation du 24 avril 2023, produite en annexe, de la docteure D______, du département de chirurgie des HUG. En outre, elle souffrait d'une épicondylite qui s'étendait de sa main gauche à son bras gauche, pour laquelle des séances de physiothérapie avaient été prescrites et avaient débuté.

En Bolivie, elle ne pourrait percevoir dans le meilleur des cas qu'une somme inférieure à CHF 32.- par mois (soit l'équivalent de BLV 250.- en monnaie locale). Il n'y existait ni protection ni régime équivalents à l'assurance invalidité suisse pour les personnes souffrant d'une invalidité comme la sienne. Une fois le permis de séjour pour cas de rigueur délivré en faveur de sa fille, son droit de séjour présenterait un caractère stable et durable. Par ailleurs, rien n'indiquait que la possession par le membre de la famille séjournant en Suisse d'un permis B pour cas de rigueur ne permettrait pas d'invoquer l'art. 8 CEDH.

Elle a notamment joint le résultat du test FIDE et passeport des langues lui reconnaissant un niveau A2 à l'oral, ainsi que diverses lettres de soutien.

d. Par jugement du 26 septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Selon la jurisprudence précitée, les douze ans et quatre mois mis par l'OCPM pour statuer en l'espèce consacraient sans nul doute une violation du principe de célérité. Il ressortait toutefois du dossier que A______ n'avait entrepris aucune démarche auprès de l'OCPM pour lui demander de faire diligence et, au contraire, avait régulièrement tardé à répondre aux diverses requêtes de l'OCPM. De surcroît, il semblait qu'elle avait tiré bénéfice de ces années d'attente pour demeurer sur le territoire helvétique et ainsi notamment percevoir des aides sociales. En outre, A______ n'expliquait pas en quoi elle aurait encore un intérêt à faire constater un éventuel retard à statuer alors que l'OCPM avait rendu sa décision.

Âgée de 53 ans et arrivée en Suisse à 34 ans, la précitée séjournait à Genève depuis vingt ans. Bien qu'il s'agisse d'une longue durée, celle-ci devait être relativisée. Quoiqu'il en fût, cette durée ne pouvait constituer, à elle seule, un élément déterminant susceptible de justifier l'octroi d'une autorisation de séjour.

S’agissant de sa situation financière, A______ n'avait plus travaillé depuis de nombreuses années et émargeait de manière continue à l’aide sociale, à tout le moins depuis le 1er juillet 2015, ayant perçu des aides pour un montant total de CHF 93'280.-. Elle faisait également l'objet d'une dette envers l'HG d'un montant de CHF 3'592.80, et comptait 34 actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 42'778.-. Son intégration sociale ne pouvait être considérée comme bonne, dès lors qu'elle avait été condamnée à deux reprises pour injures, voies de fait, lésions corporelles simples et dommages à la propriété. Il ne pouvait ainsi être considéré qu'elle avait fait preuve d’un comportement irréprochable, ni qu'elle respectait le droit suisse. Ses problèmes de santé ne pouvaient expliquer que partiellement cette absence d’intégration.

En raison de l'importance de l'aide reçue, qui constituait un motif de révocation même d'une autorisation d'établissement, un refus d'octroi d'une autorisation de séjour de nature exceptionnelle telle que celle pour cas de rigueur se justifiait d'autant plus.

Sa fille, âgée de 20 ans, résidait en Suisse et était désormais au bénéfice d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Elle était toutefois majeure et ne requérait pas la présence obligatoire de sa mère à ses côtés.

Ses problèmes de santé n'étaient pas suffisamment graves pour justifier l'octroi d'une autorisation de séjour. Il en allait de même des difficultés alléguées de réintégration dans son pays d'origine.

D. a. Par acte posté le 25 octobre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur, subsidiairement à être mise au bénéfice d'une admission provisoire.

Elle renvoyait à son recours devant le TAPI. Ce dernier considérait qu'il n'était pas démontré qu'elle souhaitât travailler si elle devait posséder un titre de séjour ; pourtant, elle avait travaillé à Genève de 2003 à 2014, et avait cherché du travail – sans succès – à partir de 2015.

Elle souffrait de douleurs chroniques de la main gauche à la suite de son agression, de la maladie de Dupuytren ainsi que d'une tendinite de l'avant-bras gauche. Elle devait subir une nouvelle opération à la main, et était suivie par un psychiatre à raison de deux séances par semaine. Les soins médicaux nécessaires ne lui seraient pas accessibles en Bolivie, où 38% de la population n'avaient pas accès à un service de santé, l'assurance maladie y étant liée à l'emploi. N'ayant plus de famille ni de connaissances en Bolivie, son existence y serait précaire et contraire à la dignité humaine.

Elle et sa fille entretenaient une relation très proche, sa fille jouant pour elle le rôle de proche aidant en s'occupant des courses, du ménage, de la cuisine et de la lessive, si bien qu'elle était dépendante de son aide.

b. Le 29 novembre 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans le recours, en substance semblables à ceux présentés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le juge délégué a imparti aux parties un délai au 19 janvier 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 19 janvier 2024, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations à formuler.

e. La recourante ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la décision de refus d’octroi de l’autorisation de séjour en faveur de la recourante et prononçant son renvoi de Suisse.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEtr, devenue la LEI, et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

2.2 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Bolivie.

2.3 Selon l’ancien art. 30 al. 1 let. b LEI (dont la teneur correspond à celle de l’actuel art. 30 al. 1 let. b LEI), il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

Conformément à l’art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au
31 décembre 2018), pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

2.4 Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a ; ATA/1669/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200
consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/16/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.2).

2.5 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid.  3 ; ATA/16/2024 précité consid. 3.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises
(ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

2.6 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du
15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée
(ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

2.7 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/628/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.5).

2.8 En l’espèce, il n’est pas remis en cause que la recourante séjourne en Suisse depuis mars 2003, soit plus de 21 ans, ce qui constitue sans nul doute une très longue durée. De mars 2003 à octobre 2007, ce séjour s’est déroulé au bénéfice d’une autorisation de séjour de courte durée puis d'une autorisation de séjour pour études, limitées tant dans leur durée que dans leur finalité. Depuis le dépôt de sa demande en 2010, la recourante a séjourné en Suisse au bénéfice d’une tolérance, pendant l’examen de sa demande d'autorisation.

Il résulte du dossier que la recourante a travaillé jusqu'en 2014 dans le domaine de l'économie domestique et que, depuis 2015, elle dépend de l'aide sociale pour subvenir à ses besoins. Elle a accumulé pendant son séjour en Suisse des dettes importantes, soit plus de CHF 50'000.-. Loin d’être exceptionnelle, son intégration économique et professionnelle doit donc être qualifiée de médiocre, quand bien même certaines de ses difficultés à partir de l'année 2020 sont dues à des circonstances indépendantes de sa volonté.

La recourante a pu attester d'une maîtrise de la langue française suffisante, mais nullement exceptionnelle pour une personne ayant séjourné plus de 20 ans à Genève. En dehors de sa fille et de son frère qui vit à Genève, elle a noué des liens avec différentes personnes, dont certaines ont écrit en sa faveur des lettres de soutien. Eu égard cependant à la très longue durée de son séjour, on ne peut retenir que son intégration sociale serait exceptionnelle, ce d'autant plus qu'elle a été condamnée pénalement à deux reprises notamment pour des infractions contre l'intégrité physique (lésions corporelles simples).

Les problèmes de santé de la recourante ne sont pas contestés. Ils ne revêtent toutefois pas le caractère de gravité requis par la jurisprudence pour pouvoir entrer en ligne de compte comme motif de reconnaissance d'un cas d'extrême gravité.

S'agissant de la demande de rente AI dont se prévaut la recourante, celle-ci n'a donné, au cours de la présente instance, aucune indication concernant l'avancement de la procédure depuis l'attestation fournie au TAPI, datant de janvier 2023 et selon laquelle une demande de rente avait été déposée et était à l'examen. Rien ne laisse ainsi à penser en l'état que la recourante pourrait concrètement obtenir la rente AI convoitée.

Pour ce qui est de sa réintégration, la recourante est arrivée en Suisse à l'âge de 34 ans. Elle a ainsi passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte en Bolivie, pays dont elle maîtrise la langue ainsi que les us et coutumes. Ainsi, si la recourante se heurtera sans doute à des difficultés de réadaptation dans son pays d’origine, elle ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour elle que pour n’importe laquelle de ses concitoyennes qui se trouverait dans une situation similaire.

À juste titre, la recourante relève la longueur tout à fait exceptionnelle, et assurément excessive (douze ans) de l’examen par l’OCPM de la requête de prolongation d’autorisation de séjour qu’elle a déposée en août 2010. Un tel retard était cependant plutôt de nature à la favoriser, en lui permettant de demeurer en Suisse au bénéfice d’une tolérance et en lui donnant par là l’occasion de s’y intégrer. La recourante perd en outre de vue que selon la jurisprudence, un long délai de traitement et une violation du principe de célérité ne peuvent pas conduire à la délivrance d’une autorisation de séjour (arrêt du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.1).

À cela s’ajoute que le principe de la bonne foi impose au justiciable d’entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l’autorité fasse diligence, que ce soit en l’invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié, car il serait contraire audit principe qu’il puisse valablement soulever ce grief devant l’autorité de recours alors qu’il n’a entrepris aucune démarche devant l’autorité afin de remédier à un manque de célérité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_477/2020 du 17 juillet 2020 consid. 3.1 ; ATA/762/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.1). Or, la recourante n’a en l’occurrence jamais mis en demeure l’OCPM de statuer sur sa demande ni recouru pour déni de justice, de telle sorte qu’elle ne saurait tirer argument d’une violation du principe de célérité.

3.             La recourante se plaint d’une violation de l’art. 8 CEDH, tant sous l'angle de la vie familiale que de la vie privée.

3.1 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Selon le Tribunal fédéral, pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2). La chambre de céans a jugé que la solitude, même extrême, ne permettait pas à un parent de se prévaloir d’un état de dépendance particulier (ATA/766/2024 du 25 juin 2024 consid. 2.9).

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI, lequel prévoit que les autorités compétentes doivent tenir compte, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que ceux de son degré d'intégration (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; 2C_1125/2012 du 5 novembre 2013 consid. 3.1 ; ATA/766/2024 précité consid. 2.9).

3.2 Sous l’angle étroit de la protection de la vie privée, l’art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l’étranger devant établir l’existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Dans l' ATF 144 I 266, le Tribunal fédéral a considéré qu'un droit à une autorisation de séjour fondée sur le droit fondamental au respect de la vie privée dépendait en règle générale de la durée pendant laquelle la personne requérante avait déjà vécu en Suisse. Il a alors admis que lorsque celle-ci résidait légalement dans le pays depuis plus de dix ans, il y avait lieu de présumer que les liens sociaux qu'elle avait développés avec notre pays étaient à ce point étroits qu'un refus de renouvellement d'autorisation de séjour, respectivement la révocation de celle-ci ne pouvaient être prononcés que pour des motifs sérieux. L'ATF 144 I 266 a ainsi fixé un nombre indicatif d'années à partir duquel un étranger vivant légalement en Suisse est réputé suffisamment bien intégré pour disposer, en principe, d'un droit de séjour déduit du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH, droit dont il peut se prévaloir pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour ou pour s'opposer à sa révocation, sauf motif sérieux de renvoi (ATF 146 II 185 consid. 5.2). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a cependant expressément précisé que la reconnaissance finale d'un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pouvait s'imposer même sans séjour légal de dix ans en cas d'intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9; aussi arrêt 2C_666/2019 du 8 juin 2019 du consid. 4.2). Autrement dit, dans les situations où la personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un précédent séjour légal de dix ans en Suisse, la question d'un éventuel droit de séjour issu du droit au respect de la vie privée reste régie par la jurisprudence originelle impliquant de se demander si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale, avant de procéder à une pesée des intérêts en présence (ATF 149 I 207 consid. 5.3.2).

3.3 En l'espèce, sous l'angle du droit au respect de la vie familiale, s’il est indéniable que la recourante entretient de liens personnels et affectifs avec sa famille en Suisse, en particulier avec sa fille, elle ne remplit pas les conditions très strictes auxquelles le droit à la protection de la vie familiale permet d’obtenir un titre de séjour. En effet, bien qu’atteinte dans sa santé, la recourante ne se trouve pas dans un état de dépendance de sa fille au sens de la jurisprudence. La recourante a certes des douleurs et des problèmes de mobilité affectant sa main et son bras gauche. Ces difficultés n’atteignent cependant pas un degré tel qu’elles nécessiteraient la présence quotidienne de proches. Elle ne fournit aucune attestation médicale selon laquelle une telle présence lui serait indispensable. Elle allègue que sa fille l'aide pour les courses, la cuisine et le ménage, mais rien ne dit que ces différentes tâches ne pourraient aucunement être effectuées par la recourante elle-même.

Quant au droit au respect de la vie privée, la recourante ne peut pas se prévaloir d'un précédent séjour légal de dix ans. Il convient donc de se demander si elle entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale. Tel n'est clairement pas le cas, dès lors que, comme déjà examiné ci‑dessus, son intégration économique et professionnelle n'est pas bonne et se situe en deçà, et non au-delà, d'une intégration normale. Point n'est donc besoin de procéder à une pesée des intérêts en présence.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que la recourante ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

4.             Il convient encore d’examiner si le renvoi est fondé, la recourante concluant à titre subsidiaire à être mise au bénéfice d'une admission provisoire.

4.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d’une demande d’autorisation. Le renvoi d’une personne étrangère ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

4.3 S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

4.4 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1 ; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

4.5 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourante, l'intimé devait en principe prononcer son renvoi. Les problèmes de santé de la recourante n'atteignent pas le degré de gravité prévu par la jurisprudence précitée pour entraîner l'inexigibilité de son renvoi ; en effet, si la recourante indique qu'elle aura prochainement besoin d'être réopérée de la main et qu'elle soutient qu'elle n'aurait pas accès aux soins en Bolivie, elle n'allègue pas que son état de santé lui ferait courir en cas de retour en Bolivie un risque imminent de mort ou de déclin grave, rapide et irréversible entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.