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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/526/2023

ATA/16/2024 du 09.01.2024 sur JTAPI/765/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/526/2023-PE ATA/16/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représenté par Me Martin AHLSTROM, avocat recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juillet 2023 (JTAPI/765/2023)


EN FAIT

A. a. A______ est né le ______ 1985 à Baïce au Kosovo, pays dont il est originaire.

En 2009, A______ a épousé B______au Kosovo. De cette union sont issus quatre enfants, nés respectivement en 2012, 2013, 2016 et 2019.

b. Par ordonnance pénale du Ministère public de La Côte du 14 juin 2018, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de vingt jours-amende à CHF 30.- le jour avec sursis assorti d’un délai d’épreuve de deux ans pour avoir exercé une activité lucrative sans autorisation.

c. Le 18 mai 2019, il s’est vu notifier une décision d’interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) valable du 8 janvier 2019 au 7 janvier 2022.

d. Il ressort du rapport de police établi par la gendarmerie vaudoise le 14 août 2022 les éléments suivants : le 13 août 2022, lors d’une patrouille à Founex, les gendarmes avaient tenté de contrôler un véhicule dont les occupants s’étaient enfuis et l’avaient abandonné. Le détenteur du véhicule, C______, avait indiqué que son conducteur était son employé, A______. Celui-ci s’était présenté le lendemain à la gendarmerie.

Lors de son interrogatoire, celui-ci avait expliqué qu’il était entré en Suisse la première fois en mars 2018 et y était resté jusqu’en fin d’année 2019. Pendant cette période, il avait travaillé en qualité de jardinier pour l’entreprise D______. Il était revenu en Suisse en avril 2022 pour s’installer à Céligny. Il travaillait pour l’entreprise d’C______. Il était venu en Suisse pour travailler, sa famille se trouvant au Kosovo.

e. Selon les données du registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Vaud, l’entreprise individuelle D______, (ci-après : D______), avec siège à Founex et comme titulaire E______, a été inscrite le 1er mai 2012 et radiée le 1er décembre 2017, puis réinscrite le 22 décembre 2017 avec comme titulaire F______ pour être définitivement radiée le 4 août 2021.

B. a. Le 11 juillet 2022, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

Il avait quitté le Kosovo en 2003 et se trouvait en Suisse depuis lors. Il travaillait en qualité de jardinier-paysagiste et était parfaitement intégré en Suisse. Son intérêt de rester en Suisse était important car un retour au Kosovo l’exposerait à de graves difficultés financières puisqu’il y serait à nouveau confronté à la précarité.

b. À la suite d’une demande de renseignements de l’OCPM, il a précisé que lors de son audition par la police vaudoise, il avait indiqué être arrivé en Suisse en 2018 car il ne voulait alors pas avouer qu’il y séjournait pendant la période couverte par la décision d’IES. À la fin du mois de novembre 2008, il s’était rendu au Kosovo durant un mois et demi pour se fiancer, puis il était retourné dans son pays en décembre 2009 durant deux mois pour s’y marier. Son épouse et ses enfants se trouvaient au Kosovo et il avait pour projet de les faire venir en Suisse.

c. Il a produit les pièces suivantes :

- des attestations selon lesquelles il n’avait pas bénéficié de l’aide financière de l’Hospice général, qu’il ne faisait l’objet d’aucune poursuite et qu’il ne figurait pas au casier judiciaire ;

- des attestations de diverses personnes relatives à sa présence en Suisse dès 2003 ;

- une attestation de l’association du collectif de soutien et de défense des « Sans-papiers » indiquant qu’il en était membre depuis 2010 ;

- un contrat de bail à loyer portant sur la location d’une chambre dans un appartement à Céligny à compter du 1er janvier 2020 ;

- un certificat de travail établi le 9 juillet 2021 par l’entreprise D______ selon lequel elle l’avait employé dès le 1er juin 2006 en qualité de jardinier. Un terme avait été mis à la relation de travail en raison de la cessation d’activité de l’entreprise au 31 juin 2021 ;

- une « déclaration d’existence » de la société non datée et signée par E______ selon laquelle l’entreprise D______ était en nom propre depuis le 1er janvier 2000, sans inscription au RC ;

- un contrat de travail en qualité d’aide-jardinier dès le 1er juillet 2021 pour l’entreprise G______ (ci-après : G______) à Coppet ;

- des fiches de salaire pour différents mois en 2022 de l’entreprise G______ ;

- un formulaire « M » du 21 juin 2022 pour une activité auprès de l’entreprise G______ en qualité de jardinier-paysagiste à temps plein, sur laquelle il était indiqué une arrivée en Suisse le 14 avril 2003 ;

- un contrat de travail en qualité d’aide-jardinier dès le 1er septembre 2022 pour la société H______ SA à Prangins ;

- une attestation du 21 juillet 2018 de la caisse cantonale vaudoise de compensation AVS indiquant son affiliation dès le 12 juillet 2018 pour son activité auprès d’F______ Étaient indiqués des versements effectués entre 2018 et 2021 par F______ et en 2021 par C______.

d. Le 14 novembre 2022, l’OCPM a informé A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande.

Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Son séjour continu en Suisse n’était pas justifié à satisfaction, les lettres de soutien n’ayant pas de force probante pour attester de la continuité de son séjour et la seule attestation de son ancien employeur n’était pas suffisante. Son intégration
socio-culturelle n’était pas non plus particulièrement remarquable et une réintégration dans son pays d’origine n’aurait pas de graves conséquences sur sa situation personnelle. L’exécution de son renvoi était possible, licite et raisonnablement exigible.

e. A______ a repris ses précédentes explications.

f. Par décision du 13 janvier 2023, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête de A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé son renvoi de Suisse, reprenant les mêmes motifs que ceux figurant dans son courrier du 14 novembre 2022.

C. a. Le 15 février 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur.

Il était parfaitement intégré en Suisse, dès lors qu’il parlait couramment le français et vivait à Genève de manière continue depuis 2006. Il s’était rendu à deux reprises au Kosovo, en 2008 et en 2009, et avait commencé à travailler en tant que jardinier dès son arrivée en Suisse. Tous ses amis et son réseau social se trouvaient à Genève et sa situation financière et professionnelle était une réussite, compte tenu de l’âge auquel il était arrivé en Suisse. Un retour au Kosovo l’exposerait à de graves difficultés personnelles et financières puisqu’il ne serait pas en mesure de retrouver un emploi et qu’il ne lui serait pas possible de s’intégrer à nouveau dans son pays d’origine, où il n’avait gardé aucun ami ou attache depuis qu’il était en Suisse.

Il a versé au dossier des relevés de paiement de WESTERN UNION indiquant qu’il avait effectué deux versements depuis la France en faveur de son père au Kosovo en automne 2005, trois autres versements en faveur de ce dernier depuis la Suisse entre août et octobre 2016, deux paiements depuis la Suisse en 2016 en faveur de son épouse au Kosovo ainsi que sept paiements depuis la Suisse en 2015 et 2016 en faveur de I______ au Kosovo.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ alléguait être arrivé en Suisse en 2003, sans pour autant apporter d’autres pièces justificatives que des témoignages de tiers. Il ressortait de l’extrait du compte individuel AVS que l’intéressé avait été déclaré pour avoir travaillé d’avril à septembre 2018, d’avril à septembre 2019, puis de manière régulière en 2020 et 2021. Même si son séjour devait être qualifié de long, sa durée devait être relativisée, dès lors qu’elle avait été effectuée de manière illégale et alors qu’il se trouvait sous le coup d’une IES. Par ailleurs, il était marié et père de quatre enfants. Il disposait donc encore de fortes attaches avec son pays d’origine.

c. Par jugement du 6 juillet 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le seul fait de séjourner en Suisse pendant de nombreuses années n’était pas suffisant. Il n’existait en outre aucune circonstance exceptionnelle. Bien que A______ alléguait séjourner en Suisse depuis 2003, aucun élément du dossier ne permettait d’en attester, étant précisé que l’attestation de son employeur devait être relativisée dès lors que l’entreprise D______ n’avait été inscrite au RC qu’en 2012 et qu’aucune cotisation sociale n’avait été versée avant avril 2018. Étant donné que ses quatre enfants étaient nés entre 2012 et 2019, il avait dû quitter la Suisse. Les attestations du versement d’argent ne prouvaient pas non plus un séjour continu depuis 2003, puisque certains d’entre eux avaient été effectués depuis la France et que d’autres n’étaient que ponctuels.

Son intégration socio-professionnelle en Suisse n’était ni remarquable ni exceptionnelle, étant rappelé qu’il avait fait l’objet d’une IES, à laquelle il ne s’était pas conformé. Il n’apparaissait pas non plus s’être investi dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour, pas davantage qu’il n’avait acquis des connaissances ou des qualifications qu’il ne pouvait pas utiliser dans son pays.

Il avait en outre vécu la majeure partie de sa vie au Kosovo, pays dont il maîtrisait la langue et la culture. Il y était régulièrement retourné et y avait conservé des attaches, puisque sa femme et ses enfants y vivaient.

Le renvoi était possible, licite et raisonnablement exigible.

D. a. Par acte du 30 août 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants.

Il était venu une première fois en Suisse en 2003 et vivait à Genève de manière continue depuis 2006, soit seize ans. Il s’était rendu au Kosovo à deux reprises, en 2008 et 2009.

Son intégration en Suisse était réussie. Il présentait un parcours professionnel respectable et participait activement à la vie économique. Dès son arrivée en Suisse, il avait travaillé en qualité de jardinier-paysagiste. Il était autonome financièrement et n’avait jamais émargé à l’aide sociale. Il ne faisait l’objet d’aucune poursuite et démontrait son excellente intégration économique. Il était membre d’UNIA depuis 2013, parlait français et n’avait pas de casier judiciaire.

Ayant développé en Suisse tout son réseau professionnel et social, il ne pouvait retourner au Kosovo, où il ne pourrait pas s’intégrer, puisqu’il n’y avait gardé aucun contact ni attache. Un retour dans ce pays le placerait dans une situation précaire et de détresse intense.

Il a produit une attestation de sociétariat d’UNIA du 17 août 2023 selon laquelle il était membre de l’organisation depuis dix ans et s’était toujours acquitté de ses cotisations. Il était une personne très agréable qui avait toujours le sourire.

b. Le 22 septembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant au jugement entrepris.

c. À l’issue du délai qui lui a été imparti, A______ n’a pas répliqué.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) 2.1 Le litige porte sur la décision de l’autorité intimée, confirmée par le TAPI, refusant de soumettre le dossier du recourant au SEM avec un préavis positif en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur et prononçant son renvoi de Suisse.

2.2 Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

3) 3.1 La loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

3.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/1195/2023 du 7 novembre 2023 consid. 3.6 ; directives LEI, op. cit., ch. 5.6).

3.3 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/1195/2023 précité consid. 3.7).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATF 139 II 393 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

3.4 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF 2020 VII/2 consid. 8.5).

Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; ATA/1287/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.7).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.5 En l’espèce, le recourant se prévaut de sa très longue présence en Suisse, où il se trouverait depuis 2003, voire 2006 selon ses différentes déclarations. Aucun élément du dossier ne permet toutefois de corroborer ces affirmations. Outre le fait qu’il a déclaré, lors de son audition par la police vaudoise, être venu en Suisse en mars 2018, il ressort également de l’attestation de la caisse cantonale vaudoise de compensation qu’il n’y a été affilié qu’en juillet 2018 pour son activité pour l’entreprise d’F______, des versements n’ayant eu lieu qu’à partir de cette date. Dans ce cadre, l’attestation signée par ce dernier, selon laquelle l’entreprise était en nom propre depuis 2000 sans être inscrite au RC ainsi que le certificat de travail de l’entreprise D______ selon lequel elle l’employait depuis 2006 n’apparaissent pas déterminants, pas plus que les lettres de soutien de plusieurs personnes attestant de la présence du recourant en Suisse dès 2003, qui doivent être relativisées au regard des éléments susmentionnés. À cela s’ajoute que le recourant n’a produit de contrat de bail à loyer qu’à compter de janvier 2020 et qu’il est père de quatre enfants, nés en 2012, en 2013, en 2016 et en 2019 au Kosovo. Le fait qu’il ait fait verser de l’argent à son père au Kosovo, comme l’indiquent les relevés de WESTERN UNION produits, n’est pas non plus déterminant, étant donné que lesdits versements ont été effectués en 2005 depuis la France et que ceux intervenus par la suite depuis la Suisse ont été effectués à compter de 2016 et l’ont été de manière ponctuelle. Par ailleurs, le fait que le recourant soit membre du collectif de soutien et de défense des « Sans-papiers » ou ait payé les cotisations d’UNIA depuis 2013 n’atteste pas non plus de manière suffisante de sa présence en Suisse. Au vu de ces éléments, l’on ne saurait ainsi suivre le recourant lorsqu’il indique être en Suisse depuis 2003, à tout le moins y vivre en continu depuis 2006. Il n’indique notamment pas pour quels motifs, à le suivre, membre d’un syndicat et du collectif de soutien aux « sans-papiers », il n’avait pas souhaité bénéficier de l’opération « Papyrus » s’il avait été établi en Suisse avant 2008. La durée du séjour en Suisse du recourant doit en outre de toute manière être fortement relativisée, puisque l’intégralité de celle-ci s’est déroulée dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance des autorités compétentes.

Sur le plan professionnel et financier, il a certes exercé différentes activités dans le domaine du paysagisme, en qualité de jardinier ou d’aide-jardinier, pour plusieurs employeurs. Il n’a pas non plus contracté de dette ni émargé à l’aide sociale. Cela étant, l’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Par ailleurs, ses activités dans le domaine du paysagisme ne sont pas constitutives d’une ascension professionnelle remarquable et ne l’ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu’il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d’origine. L’activité professionnelle exercée par l’intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d’une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. Le fait qu’il ait pu nouer des liens avec les personnes de son entourage et qu’il parle bien le français n’apparaît pas exceptionnel si l’on prend en compte sa présence en Suisse depuis plusieurs années. L’intéressé ne fait au demeurant pas état de liens affectifs ou amicaux particulièrement forts. Au contraire, comme il l’a indiqué, il n’a pas de famille en Suisse, mais au Kosovo, où vivent sa femme et ses quatre enfants notamment. Il ne soutient pas non plus s’être investi dans la vie sportive, culturelle ou associative genevoise, le fait de s’acquitter des cotisations de deux associations n’étant pas suffisant. Le recourant a en outre fait l’objet d’une IES valable du 8 janvier 2019 au 7 janvier 2022, à laquelle il ne s’est pas conformé.

Au surplus, le recourant, âgé de 38 ans, a passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte au Kosovo. Il connaît dès lors les us et coutumes de son pays, en parle la langue et y a fondé une famille. Sa femme et ses quatre enfants mineurs y résident d’ailleurs toujours. Il n’est ainsi pas concevable que son pays d’origine lui soit devenu à ce point étranger qu’il ne serait plus en mesure, après une période de réadaptation, d’y retrouver ses repères.

C’est par conséquent à juste titre que tant l’autorité intimée, qui a correctement appliqué le droit et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas remplies.

4) Il reste à examiner la conformité au droit du renvoi qui a été prononcé.

4.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

Le renvoi d’une personne étrangère ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.2 En l’espèce, dès lors qu’elle a, à juste titre, refusé de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour du recourant, l’autorité intimée devait prononcer son renvoi. Dans ce cadre, le recourant n’invoque aucun élément permettant de retenir que son renvoi ne serait pas possible, qu’il serait illicite ou qu’une ne serait pas raisonnablement exigible, étant précisé que de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Martin AHLSTROM, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.