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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/80/2024

ATA/736/2024 du 18.06.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/80/2024-TAXIS ATA/736/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juin 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1976, est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeuse de taxi depuis le 8 janvier 2004 et a obtenu, le 23 août 2017, une autorisation d’usage accru du domaine public (ci‑après : AUADP) correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______ et valable jusqu’au 3 juin 2023.

b. Par un courrier du 5 janvier 2023, envoyé par pli A+, le service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a informé A______ qu’une requête de renouvellement de son AUADP devait lui parvenir au plus tôt le 28 février 2023 et au plus tard le 31 mars 2023. Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes déposées en dehors du délai. À défaut de procéder dans ces délais, son AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

c. Selon un courriel de la Poste du 12 janvier 2024, l’envoi a été déposé le 6 janvier 2023 à 10h22 dans la boîte aux lettres de la destinataire.

d. Le 2 mai 2023, A______ a complété et signé une requête en délivrance/renouvellement d’une AUADP, accompagnée des pièces nécessaires, que le PCTN a enregistrée le lendemain.

e. Par décision du 30 mai 2023, le PCTN a refusé d’entrer en matière sur la requête en raison de sa tardiveté.

Il lui était loisible de s’inscrire sur la liste d’attente si elle souhaitait obtenir une nouvelle AUADP.

f. Par courrier du 7 juillet 2023, A______ a indiqué au PCTN qu’elle venait de recevoir son courrier du 30 mai 2023 « car le concierge l’ayant retrouvé avec d’autres lettres au fond des caves ». Elle avait de « gros soucis de courrier, car des jeunes de [son] quartier s’amus[ai]ent à [leur] retirer les courriers dans [leurs] boîtes aux lettres et les mett[ai]ent dans la poubelle ou dans d’autres boîtes. La police municipale [étant] au courant de la situation mais malheureusement ils ne [pouvaient] rien faire. ». Elle avait par la suite entendu ses collègues parler de renouvellement de l’AUADP, elle avait été prise de panique et avait « rempli spontanément » son dossier et l’avait remis le 3 mai 2023. Elle demandait qu’on lui indique la date d’échéance pour le dépôt de la requête.

g. Par courriel du 12 juillet 2023, A______, faisant suite à son passage au PCTN, a réitéré sa demande, précisant qu’elle avait déposé plainte le jour même.

Était jointe une attestation de dépôt de plainte pour vol, établie le 12 juillet 2017 par le poste de police de Lancy-Onex, selon laquelle « le 05.07.2023 vers 10h00, Mme A______ a retrouvé du courrier lui appartenant dans les caves de son immeuble. L’une des lettres avait été envoyée par le PCTN, secteur autorisations, pour le renouvellement de sa licence de taxi. De ce fait, Mme A______ s’est retrouvée hors délai pour le renouvellement de sa licence. Elle a tout de même envoyé une lettre explicative en date du 07.07.2023 au PCTN mais elle a reçu une réponse négative de ce service. Il sied de préciser que plusieurs autres courriers ont été dérobés dans sa boîte aux lettres. »

h. Par décision du 23 novembre 2023, le PCTN a constaté que l’AUADP était devenue caduque au 30 juin 2023.

Les plaques d’immatriculation devaient être déposées.

Il lui était loisible de s’inscrire sur la liste d’attente si elle souhaitait obtenir une nouvelle AUADP.

B. a. Par acte remis à la poste le 8 janvier 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que le renouvellement de son AUADP soit ordonné. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au PCTN. Préalablement, l’agent de police ayant enregistré sa plainte le 12 juillet 2023 et sa concierge, B______, devaient être entendus en qualité de témoins.

Elle n’avait jamais pu prendre connaissance du courrier du 5 janvier 2023. Des personnes retiraient les courriers des boîtes aux lettres et les mettaient à la poubelle ou dans d’autres boîtes. La concierge avait ainsi retrouvé un autre courrier du PCTN du 30 mai 2023 dans les caves de l’immeuble. Il était évident que le pli du 5 janvier 2023 avait été retiré de la même manière de sa boîte aux lettres.

Lorsqu’elle avait déposé plainte le 12 juillet 2023, la police l’avait informée que d’autres plaintes semblables avaient été formées.

Son droit d’être entendue avait été violé. Elle n’avait pas été invitée à se prononcer avant la décision, et le PCTN ne s’était pas déterminé sur les explications fournies en juillet 2023.

La loi avait été violée. Le PCTN n’établissait pas l’avoir avertie six mois avant l’échéance de son autorisation. Un cas de force majeure était réalisé. La décision violait sa liberté économique.

b. Le 22 janvier 2024, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Il avait entendu la recourante à deux reprises au moins. Simplement, les explications données n’avaient pas emporté conviction.

La plainte déposée, faisant état d’un courrier de sa part et de divers courriers volés, ne prouvait rien. La recourante ne fournissait aucune preuve de l’ouverture d’une procédure pénale. Les complications n’avaient concerné que ses courriers, ce qui était étonnant, et la réaction de la recourante avait été tardive, puisqu’elle avait déposé sa plainte dix mois après le dépôt du courrier en janvier 2023. La recourante ne pouvait ainsi réclamer une prolongation du délai pour cas de force majeure.

c. Le 5 février 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif.

d. Le 8 mars 2024, elle a persisté dans ses conclusions au fond.

e. Le 23 avril 2024, invitée à fournir des adresses en vue d’une audience d’enquêtes, elle a indiqué renoncer à l’audition de sa concierge B______ et conclu à celle de sa voisine C______.

f. Le 21 mai 2024, le juge délégué a entendu les parties et deux témoins.

fa. La recourante a expliqué qu’elle avait reçu le courrier du 30 mai 2023 dans sa boîte aux lettres. Les affirmations contenues dans son opposition, selon lesquelles c’était la concierge qui l’avait trouvé à la cave et le lui avait remis bien plus tard étaient contraires à la réalité. Elle maintenait ne pas avoir reçu le courrier d’avertissement du 5 janvier 2023. En plus de celui-là, elle n’avait pas reçu quatre ou cinq courriers. Elle avait été absente de Genève trois ou quatre fois en 2023. Elle était partie dans sa famille au Portugal chaque fois pour quelques jours. Elle était à Genève dans la période autour du 5 janvier 2023. Elle ne prêtait ni ne sous-louait son taxi quand elle était absente. D’autres voisins de son immeuble avaient été victimes de disparitions de courriers. Elle avait déjà trouvé au-dessus des boîtes aux lettres des courriers destinés à des personnes n’habitant pas l’immeuble. Elle pensait que la taxe pour 2023, de la moitié de la taxe ordinaire, s’expliquait par l’épidémie de COVID-19.

fb. Le PCTN a expliqué avoir envoyé des courriers d’avertissement par paquets, le premier envoi le 5 janvier 2023, le second en mars 2023, un troisième plus tard. Environ 1'000 courriers avaient été envoyés. L’envoi en masse en 2023 s’expliquait par le fait que des AUADP avaient été délivrées en masse après la modification de la loi en 2017. Il y avait eu une dizaine de recours au motif que le courrier n’avait pas été reçu ou avait été reçu mais n’était pas clair. Le PCTN n’avait pas trouvé de lien entre les notifications montrant que des courriers d’un même paquet n’avaient pas été reçus ou que des courriers n’avaient pas été reçus dans un même secteur de distribution postale. Tous les courriers avaient été envoyés en A+. Il n’avait pas admis d’allégations de non-distribution ni restitué le délai pour demander le renouvellement de l’AUADP. La facture d’émolument reçue par la recourante mentionnait l’année 2023.

fc. B______, concierge de l’immeuble de la recourante, a expliqué que celle-ci était venue la voir et lui avait dit qu’elle l’avait citée comme témoin. Elle lui avait « raconté un peu ses histoires » et elle lui avait répondu « ne me mets pas dans tes histoires ». La recourante lui avait dit qu’elle avait été appelée et n’avait pas répondu aux lettres. La recourante lui avait dit qu’elle l’avait citée comme témoin comme quoi elle avait trouvé une lettre dans la cave, mais ce n’était pas vrai. Elle lui avait dit que ce n’était pas vrai et qu’elle n’allait pas dire cela. Elle était concierge de l’immeuble depuis 23 ans. Jamais aucun locataire ne lui avait dit qu’on lui avait volé des lettres. Elle avait entendu parler de vols de colis, mais jamais de vols de lettres. Les vols de colis avaient lieu plutôt autour de Noël.

fd. C______, voisine de la recourante, a indiqué que des jeunes squattaient l’immeuble, par vagues. Il y avait par périodes des vols de colis, avec un pic en fin d’année 2022. Elle n’avait elle-même jamais eu de problème avec les lettres et n’avait jamais entendu de voisins se plaindre de vols de lettres.

g. Le 4 juin 2024, le PCTN a persisté dans ses conclusions.

Il produisait la facture de la taxe annuelle envoyée à la recourante le 23 février 2023. Celle-ci indiquait l’année (2023) et son montant diminué de moitié aurait dû interpeller la recourante, une exemption partielle en raison de la pandémie étant peu vraisemblable en 2023, alors qu’une exemption avait été prévue en 2022. Aucun problème de vol de courrier n’avait été établi par les enquêtes, si bien que la crédibilité de la recourante était douteuse. Un courrier avait été envoyé pour chaque AUADP à son titulaire. Quelques 624 courriers, soit plus de la moitié de ceux de l’année, avaient été postés le 5 janvier 2023. Les paquets suivants avaient été envoyés les 1er mars, 31 mars, 2 mai et 31 mai 2023. Lorsqu’un courrier avait été reçu en retour, la PCTN avait pris contact avec chaque chauffeur concerné afin de rectifier son adresse ou le convoquer par téléphone. Une dizaine de chauffeurs avaient recouru en invoquant la non-réception du courrier. Tous les recours jugés avaient été rejetés. Devant le Tribunal fédéral, deux recours étaient pendants, et deux autres avaient été déclarés irrecevables. Dans tous les cas, il avait pu fournir la preuve de la distribution.

h. Le 4 juin 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et conclu à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé sur les recours pendants au Tribunal fédéral, dont les arrêts lieraient la chambre administrative.

i. Le 6 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante a conclu à l’audition de témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, la chambre de céans a entendu la concierge citée dans le recours et la voisine citée dans une écriture ultérieure. L’audition du policier ayant enregistré la plainte de la recourante pour vol de courrier le 12 juillet 2023 n’est pas nécessaire, dès lors que la recourante a admis avoir menti au sujet de la disparition du courrier du 30 mai 2023 et avoir en réalité bien reçu ce dernier.

3.             Dans sa réplique, la recourante conclut à titre préalable à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé sur des recours pendants devant le Tribunal fédéral.

3.1 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art  14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité).

La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1  Cst. d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a ; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

3.2 En l’espèce, la recourante se borne à mentionner le fait que l’intimé a indiqué en audience que des recours étaient pendants devant le Tribunal fédéral. Elle n’explique pas en quoi le sort de ces recours serait déterminant pour la solution du présent litige. Il sera vu plus loin que le seul grief de la recourante, selon lequel elle n’aurait pas reçu les courriers des 5 janvier et 30 mai 2023, doit être écarté. La procédure est ainsi en état d’être jugée et il ne sera pas donné suite à la demande de suspension.

4.             La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue. Le PCTN aurait pris sa décision sans lui donner l’occasion de s’exprimer.

4.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les arrêts cités ; 135 I 279 consid. 2.3). La procédure administrative genevoise exige donc de l'autorité qu'elle entende les parties avant de prendre une décision (art. 41 LPA).

4.2 En l’espèce, la recourante a complété et signé le 2 mai 2023 une requête en délivrance/renouvellement d’une AUADP, accompagnée des pièces nécessaires. Elle a ainsi eu l’occasion de s’exprimer. Elle s’est ensuite adressée par écrit au PCTN les 7 et 12 juillet 2023, après être passée au guichet, pour exposer que les courriers des 5 janvier et 30 mai 2023 ne lui étaient jamais parvenus car ils lui avaient été volés. Elle a ainsi pu s’exprimer de manière circonstanciée avant que la décision querellée ne soit prise.

Le grief sera écarté.

5.             Le recours a pour objet le refus du PCTN d’entrer en matière sur la requête de renouvellement de l’AUADP.

5.1 Telle qu'elle est garantie par l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 176). Le libre exercice d'une profession implique de pouvoir choisir le moment, le lieu, les moyens de production, la forme juridique, les partenaires, les clients, les conditions de travail, les prix, les coûts, soit tous les éléments qui organisent et structurent le processus social conduisant à la production d'un gain (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/ Alexandre FLÜCKGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4e éd., 2021, n. 1031).

Comme tout droit fondamental, la liberté économique peut être restreinte, pour autant qu'une telle restriction soit fondée sur une base légale, repose sur un intérêt public ou sur la protection d'un droit fondamental d'autrui et soit proportionnée au but visé (art. 36 Cst. ; ATF 131 I 223 consid. 4.1 et 4.3).

5.2 L’art. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) règle les modalités de l’AUADP.

Les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique (al. 1). L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles et l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

L’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c (art. 13 al. 5 LTVTC).

Selon l’art. 13 al. 7 LTVTC, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée trois mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) et que les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

L’art. 21 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) prévoit que le PCTN informe les titulaires six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt quatre mois avant sa date d'échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d'échéance (al. 2). Le PCTN n'entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3). La requête en renouvellement doit être déposée au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée et accompagnée des documents mentionnés dans ladite formule (al. 4). L'art. 5 est applicable pour le surplus (al. 5).

Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes en autorisation doivent être déposées auprès du PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l'al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de 2 mois (al. 5).

5.3 La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).

5.4 Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA). L’art. 16 al. 1 LPA s’applique aux délais prévus par l’art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC (ATA/1110/2023 du 10 octobre 2023 consid. 4.5).

5.5 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).

La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/852/2022 du 23 août 2022 consid. 2c).

La prestation « A+ » offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A+ », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A + » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1).

Dans le cas de la pose dans la boîte aux lettres ou dans la case postale d’un courrier A+, comme d’un avis de retrait d’un pli recommandé, une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut toutefois pas non plus être présumée et ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3 et les références citées). La simple affirmation du recourant selon laquelle il a toujours pris en considération les avis de retrait et qu’il leur a donné suite en temps utile ne constitue pas une circonstance qui rend plausible une erreur de notification par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 précité consid. 5.2 ; ATA/725/2018 du 10 juillet 2018 consid. 2c confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_799/2018 du 21 septembre 2018).

5.6 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

5.7 Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

5.8 L’art. 5 al. 3 Cst. oblige les organes de l’État et les particuliers à agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. L’art. 9 Cst. confère à toute personne le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. L’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration, étant précisé qu’un renseignement ou une décision erronés de l’administration peut, selon les circonstances, intervenir tacitement ou par actes concluants (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; 143 V 341 consid. 5.2.1).

6.             En l’espèce, s’agissant de la question de savoir si les courriers des 5 janvier et 30 mai 2023 sont parvenus à la recourante, l’intimé a documenté le dépôt dans la boîte aux lettres de la recourante des courriers « A+ ».

La recourante a toutefois soutenu que les courriers du PCTN des 5 janvier et 30 mai 2023 lui avaient été volés dans sa boîte aux lettres, de sorte qu’elle n’en avait jamais eu connaissance.

Or, elle a échoué à rendre ne serait-ce que vraisemblable que des lettres étaient volées dans les boîtes aux lettres de son immeuble. Sa concierge et sa voisine, entendues en qualité de témoins, ont en effet exposé n’avoir jamais entendu parler de vols de lettres. La recourante n’a par ailleurs produit aucune preuve des autres vols dont elle dit avoir été victime.

À cela s’ajoute que la recourante a admis durant son audition avoir menti au sujet du courrier du 30 mai 2023 en affirmant qu’il avait été volé dans sa boîte aux lettres et retrouvé bien plus tard par sa concierge à la cave.

Ce mensonge a été proféré une première fois dans le courrier qu’elle a adressé au PCTN le 7 juillet 2023, et qu’elle a présenté comme une opposition – à la tardiveté excusable – au courrier de la PCTN du 30 mai 2023.

Il a été réitéré à l’agent de police auprès duquel la recourante a indiqué dans son recours avoir déposé plainte notamment pour ce prétendu vol, agent dont elle a demandé l’audition.

Il a été réitéré à nouveau dans son recours du 8 janvier 2024 à la chambre de céans (§ 10 p. 5).

Enfin, il ressort de l’audition de la concierge, dont la recourante avait demandé l’audition en qualité de témoin dans son recours, avant d’y renoncer, qu’elle lui aurait demandé en vain de soutenir son allégation mensongère au sujet du vol du courrier du 30 mai 2023.

Les agissements de la recourante visant à induire en erreur successivement le PCTN, la police municipale puis la chambre de céans en vue d’obtenir une décision favorable revêtent une certaine sophistication puisqu’ils comprennent une plainte pénale mensongère, la tentative de suborner un témoin expressément cité, et que le recours décrit de manière détaillée, en sept paragraphes (§§ 7 à 14), un phénomène de vols systématiques de courrier que les enquêtes ont démenti. Indépendamment de leur éventuelle qualification pénale, ces agissements témoignent dans la présente procédure d’une mauvaise foi et d’une déloyauté caractérisées conduisant à examiner avec la plus grande circonspection toutes les allégations de la recourante.

Enfin, la recourante a reçu le courrier du PCTN du 28 février 2023 lui adressant la facture d’émolument pour l’année 2023 ainsi que la décision querellée du 23 novembre 2023 constatant la caducité de son AUADP, tous deux également expédiés en « A+ ».

La chambre de céans retiendra ainsi qu’il est établi que la recourante a reçu le courrier du 5 janvier 2023. Il s’ensuit que le PCTN l’a informée six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement, conformément à l’art. 21 RTVTC, et qu’elle ne peut prétendre avoir été dans l’ignorance des conditions posées au renouvellement de son AUADP. Le grief de violation de l’art. 21 RTVTC tombe ainsi à faux.

La recourante ne soutient par ailleurs pas, à bon droit, que le délai imparti par le PCTN dans son courrier du 5 janvier 2023 serait contraire à l’art 13 al. 7 LTVTC, selon lequel la requête en renouvellement doit être formée trois mois avant l’échéance de l’autorisation, étant rappelé que l’AUADP de la recourante arrivait à échéance le 3 juin 2023.

La recourante a déposé sa requête en renouvellement de son AUADP le 2 mai 2023. Elle admet que celle-ci était tardive.

C’est ainsi conformément à la loi que le PCTN a constaté que la demande de renouvellement était tardive et que l’AUADP avait expiré.

Le constat de la caducité de l'AUADP de la recourante constitue indubitablement une atteinte à sa liberté économique. Celle-ci repose toutefois sur une base légale, l’art. 13 al. 5 et al. 7 LTVTC. Cette disposition limite le nombre des AUADP en vue d'assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. Cet objectif relève d'un intérêt public évident justifiant une restriction de la liberté économique. Quant à la proportionnalité de la mesure attaquée, la caducité de l'AUADP apparaît apte à atteindre le but recherché, dans la mesure où il s'agit de garantir un service de taxis efficace et adapté, mais également d’assurer une égalité de traitement vu le numerus clausus. La recourante, qui n’a pas déposé sa demande de renouvellement dans le délai, dispose de la possibilité de former une nouvelle requête sous réserve d'en remplir les conditions, et il lui est par ailleurs loisible de travailler comme chauffeuse à d’autres conditions ou pour des employeurs. Dans un cas similaire, la chambre de céans a déjà jugé que la restriction à la liberté économique était admissible (ATA/1110/2023 précité consid. 6.3).

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, les conclusions en mesures provisoires ont perdu leur objet.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.-, tenant compte des actes d’instruction, sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu de ses allégations mensongères et de ses manœuvres pour les rendre crédibles, constitutives de témérité, la recourante se verra en outre infliger une amende de CHF 500.- en application de l’art. 88 LPA, sanctionnant l’emploi abusif des procédures et selon lequel la juridiction administrative peut prononcer une amende n’excédant pas CHF 5'000.- à l’égard de celui dont le recours, l’action, la demande en interprétation ou en révision est jugée téméraire ou constitutive d’un emploi abusif des procédures prévues par la loi.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2024 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 23 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;

inflige une amende de CHF 500.- à A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :