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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2530/2023

ATA/1110/2023 du 10.10.2023 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2530/2023-TAXIS ATA/1110/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 octobre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1968, est au bénéfice d’un permis de conduire depuis le 23 janvier 1991.

Il a obtenu une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______ le 1er juillet 2017, valable jusqu’au 30 juin 2023.

Il a obtenu une carte professionnelle de chauffeur de taxi le 21 septembre 2017.

b. Il indique vouloir se réorienter professionnellement par la poursuite d’études à la Haute école de travail social depuis le mois de septembre 2022 et financer lesdites études grâce à son activité de chauffeur de taxi.

B. a. Le 5 janvier 2023, A______ a été informé par un courrier du service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) qu’une requête de renouvellement de son AUADP devait lui parvenir au plus tôt le 28 février 2023 et au plus tard le 31 mars 2023. Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes déposées en dehors du délai. Il était encore indiqué qu’à défaut de procéder dans ces délais, l’AUADP de A______ prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

b. A______ a déposé, le 5 avril 2023, auprès du PCTN sa requête en renouvellement de son AUADP, qu’il a datée du 3 avril 2023.

Il a produit en annexe à cette demande un certificat de capacité civile délivré le 29 mars 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant, un extrait de son casier judiciaire daté du 25 janvier 2023, une attestation de l’office cantonal des véhicules du 20 février 2023, une attestation d’affiliation à l’office cantonal des assurances sociales du 21 février 2023 et un extrait d’un carnet de la poste comportant des versements effectués les 24 et 27 mars 2023, dont CHF 700.- en faveur du PCTN.

c. Le 30 mai 2023, le PCTN lui a retourné cette requête en annexe à un courrier où il précisait qu’il ne pouvait entrer en matière, dès lors que ladite requête avait été formée hors de la période de renouvellement dûment indiquée dans son courrier informatif précité. S’il entendait requérir une nouvelle autorisation, il devait s’inscrire sur la liste attente.

d. Par courrier du 27 juin 2023, l’intéressé a exposé au PCTN les motifs ayant conduit au dépôt de cette requête le 5 avril 2023 seulement, à savoir qu’il était tombé malade à la fin du mois de mars 2023. Dans ces circonstances, c’était avec une grande surprise qu’il avait reçu, deux mois plus tard, soit le 31 mai 2023, l’annonce que sa requête lui était retournée au motif qu’il n’avait pas respecté le délai fixé au 31 mars 2023.

Il ressort du certificat médical annexé à ce courrier, émanant du Docteur C______, daté du 3 avril 2023, que l’intéressé était en arrêt de travail du 25 mars au 5 avril 2023 inclus.

e. Par décision du 5 juillet 2023, le PCTN a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 27 juin 2023 de sa décision du 30 mai 2023 refusant d’entrer en matière sur la requête de renouvellement précitée.

A______ avait accompli des démarches administratives durant son arrêt de travail, soit notamment en effectuant un versement postal le 27 mars 2023 et en remplissant le formulaire de requête en renouvellement de l’AUADP le 3 avril 2023, date de sa signature, alors même qu’il soutenait avoir été dans l’incapacité, par un certificat médical, allant rétroactivement du samedi 25 mars au mercredi 5 avril 2023, de requérir le renouvellement de son autorisation. La question de savoir si ce certificat médical était à même de justifier le dépôt tardif de sa requête pouvait rester ouverte, dès lors qu’aucun motif de reconsidération au sens de l’art. 41 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’était réalisé. En effet, ce certificat médical ne constituait pas un fait nouveau qu’il ne pouvait pas connaître ou invoquer dans la procédure précédente. Il pouvait être pleinement invoqué dans sa requête en renouvellement, mais également jusqu’au 30 mai 2023, date de la décision du PCTN. Ce certificat n’était donc pas un motif de révision au sens de l’art. 80 let. b LPA.

Aucun motif de reconsidération au sens de l’art. 48 al. 1 LPA n’était réalisé,

C. a. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié le 7 août 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu sur mesures provisionnelles et effet suspensif à ce qu’il soit autorisé à faire usage des droits conférés par une AUADP et, au fond, à l’annulation de la décision du 5 juillet 2023 et à ce que soit ordonné le renouvellement de son AUADP, subsidiairement au renvoi du dossier au PCTN pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Sa demande du 27 juin 2023 ne constituait pas une demande en reconsidération, mais visait à ce que le PCTN prononce une décision correcte suite à sa décision, irrégulière, du 30 mai 2023.

Le PCTN avait violé l’art. 16 al. 3 LPA, son droit d’être entendu ainsi que le principe d’interdiction du formalisme excessif.

Ne parvenant momentanément plus à cumuler son travail avec ses études, il avait été touché par un burnout. Différents médicaments lui avaient été prescrits. Il avait été dans l’impossibilité de former sa requête en renouvellement de son AUADP pour cause de maladie, son incapacité de travail totale du 25 mars au 5 avril 2023 étant attestée par avis médical. Il s’agissait donc d’un cas de force majeure. Il avait sans sa faute été dans l’incapacité de respecter le délai du 31 mars 2023. Il avait formé sa requête dès qu’il avait été en mesure de le faire, soit le 5 avril 2023.

Les 1er et 2 avril 2023 étaient un week-end et le 3 avril 2023 était férié. Il n’avait donc formé sa requête que deux jours ouvrables après le 31 mars 2023. Sa maladie pouvait en tout cas être invoquée jusqu’au 30 mai 2023, date de la décision du PCTN. Pour cela, il appartenait toutefois à l’autorité intimée de l’inviter à se prononcer sur l’intention de refuser le renouvellement de son AUADP, comme sa pratique l’aurait d’ailleurs voulu. En omettant de le faire, le PCTN avait violé son droit d’être entendu.

Le refus de renouveler son AUADP pour un retard aussi faible et de surcroît justifié par un cas de force majeure, portait atteint à sa liberté économique. Au regard de l’importance de ce renouvellement et de l’absence d’intérêt valable invoqué par l’autorité intimée dans la décision attaquée, cette atteinte devait être considérée comme disproportionnée et partant illicite.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

L’objet du litige était limité au contrôle de la bonne application de l’art. 48 LPA et non pas de la décision du 30 mai 2023. Les conclusions du recourant tendant à la restitution d’un délai légal et au renouvellement d’une autorisation, de même que ses griefs de violations du droit d’être entendu, des principes de la liberté économique et de proportionnalité étaient donc exorbitants à l’objet du recours.

Le recourant n’exposait pas en quoi sa demande du 27 juin 2023 ne revêtirait pas les caractéristiques d’une demande de reconsidération, ce d’autant plus qu’elle avait pour but d’obtenir le réexamen de la décision du 30 mai 2023. En tout état, pour procéder à un réexamen de cette dernière décision, voire de la requête en renouvellement de l’AUADP, seule la voie de la reconsidération était ouverte.

Subsidiairement, l’art. 16 al. 3 LPA était inapplicable, dès lors que le délai de renouvellement d’une AUADP était fixé non pas par l’autorité, mais par la loi en vertu de l’art. 13 al. 7 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31). Toutefois, conformément à l’art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi était susceptible d’être restitué en cas de force majeure, ce qui n’était cependant pas le cas au regard de l’état de santé du recourant. Celui-ci avait accompli les démarches administratives durant son arrêt de travail, le certificat médical produit avait été établi après la fin du délai légal ; au moment du dépôt de sa requête, le 5 avril 2023, il n’avait pas fait usage de son droit d’être entendu, notamment en alléguant un cas de force majeure, en produisant un certificat médical et en sollicitant la restitution du délai légal. Il ne démontrait pas avoir été dans l’impossibilité de charger une tierce personne d’agir en son nom.

c. Dans sa réplique, renvoyant notamment à ses observations sur effet suspensif du 5 septembre 2023, le recourant a relevé que la décision du 30 mai 2023 n’était pas désignée comme telle et qu’aucune voie de droit n’y était indiquée, contrairement aux exigences de l’art. 46 al. 1 LPA. Cette décision ne lui était donc pas opposable et n’était pas entrée en force, de sorte que la décision du 5 juillet 2023 ne pouvait en aucun cas être considérée comme une décision en reconsidération.

Il pouvait invoquer un cas de force majeure étant relevé que c’était son fils qui avait effectué le versement postal du 27 mars 2023. Ce fait ne permettait en rien d’attester de sa prétendue capacité d’accomplir des démarches administratives à ce moment‑là. Le fait de remplir le dossier le 3 avril 2023 était le seul effort qu’il était en état de fournir en raison de son affection. Le PCTN n’apportait aucun élément qui permettrait de remettre en cause l’étendue de son incapacité.

L’art. 21 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) avait été violé. Il avait été informé le 5 janvier 2023 qu’il fallait renouveler son AUADP entre le 28 février et le 31 mars 2023, alors que la date d’échéance de la sienne était au 30 juin 2023. Le délai de 6 mois entre cette échéance et l’information du PCTN n’avait pas été respecté dans la mesure où l’annonce aurait dû avoir lieu le 30 décembre 2022. La convocation devant être considérée comme illicite, une prolongation du délai correspondant à tout le moins à l’erreur, de six jours, devait être accordée, de sorte que sa demande de renouvellement devait être considérée comme formulée dans le délai.

d. Les parties ont été informées, le 26 septembre 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le recours porte sur le refus de l’autorité intimée d’entrer en matière sur ce qu’elle considère être une demande de reconsidération de sa décision du 30 mai 2023 par laquelle elle a renvoyé au recourant sa demande de renouvellement d’AUADP pour cause de dépôt tardif.

Le recourant considère que ce courrier du 30 mai 2022 est une décision, mais qu’elle serait irrégulière, partant ne serait pas entrée en force, de sorte que sa demande du 27 juin 2023 ne pouvait pas être considérée par l’autorité intimée comme une demande de reconsidération.

Ainsi, les deux parties sont d’accord pour considérer que ce courrier du 30 mai 2022 est une décision.

2.1 Selon l’art. 46 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (al. 1). Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (al. 2). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

D’après la jurisprudence, ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/775/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3a).

2.2 D’après un principe général du droit, déduit de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) protégeant la bonne foi du citoyen et concrétisé en droit genevois par l’art. 47 LPA, le défaut d’indication ou l’indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 ; 117 Ia 297 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/2019 du 11 février 2020 consid. 3.1). Demeure toutefois réservée l’obligation, pour l’administré, d’agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2).

2.3 Sont susceptibles d’un recours auprès de la chambre administrative notamment les décisions finales (art. 57 al. 1 let. a LPA).

2.4 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/651/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1 ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA).

2.5 En l’espèce, le recourant, dûment assisté d’un avocat, a fait le choix le 27 juin 2023 de s’adresser à l’autorité intimée pour faire valoir ses moyens plutôt que de saisir la chambre de céans d’un recours. Il a invité cette dernière à « rapporter » sans délai sa « décision du 30 mai 2023 » et à traiter le renouvellement de l’AUADP auquel son mandant avait droit. C’est dire que le recourant avait conscience qu’il s’agissait d’une décision. Il n’a subi aucun préjudice du fait de l’absence des voies de droit sur ladite décision puisque, par son conseil, dans les 30 jours suivant sa notification, il s’est adressé à l’auteur de cette décision et a fait valoir les motifs qui l’auraient empêché de déposer à temps la demande de renouvellement de son AUADP.

En revanche, dans la mesure où la décision du 30 mai 2023 n’était pas encore en force, puisque le délai de recours courait, il aurait appartenu au PCTN de décliner sa compétence et de transmettre d’office l’affaire à l’autorité compétente, à savoir la chambre de céans (art. 11 al. 3 LPA).

C’est donc à tort que l’autorité a considéré que ce courrier du 27 juin 2023 était une demande de reconsidération.

Dans la mesure où la chambre administrative aurait d’emblée dû être saisie du courrier du 27 juin 2023 et le traiter comme un recours, elle va examiner ci-dessous tous les griefs du recourant.

3.             Celui-ci se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, l’autorité ne lui ayant pas fait part de son intention de lui retourner sa demande de renouvellement d’AUADP et partant l’ayant privé de se déterminer en amont de la décision du 30 mai 2023.

3.1 Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1).

3.2 L’art. 13 LTVTC règle les modalités de l’AUADP.

Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c.

Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée 3 mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

L’art. 21 RTVTC prévoit que le PCTN informe les titulaires six mois avant l'échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt 4 mois avant sa date d'échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d'échéance (al. 2). Le PCTN n'entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3). La requête en renouvellement doit être déposée au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée et accompagnée des documents mentionnés dans ladite formule (al. 4). L'art. 5 est applicable pour le surplus (al. 5).

Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes en autorisation doivent être déposées auprès du PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l'al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de 2 mois (al. 5).

3.3 En l’espèce, le recourant était au bénéfice d’une AUADP à compter du 1er juillet 2017, valable jusqu’au 30 juin 2023. Il ne remet pas en cause le fait d’avoir reçu le courrier de l’autorité intimée du 5 janvier 2023 par lequel son attention été attirée sur le fait que son AUADP arriverait prochainement à échéance, qu’il était nécessaire de déposer une requête en renouvellement au moyen de la formule officielle qui serait disponible sur son site Internet dès le 20 janvier 2023 et que cette demande devrait lui parvenir au plus tôt dès le 28 février 2023 mais au plus tard le 31 mars 2023. Ces dates sont mises en évidence en gras dans le texte.

Sous « concerne » dudit courrier, le RTVTC est expressément mentionné de même q ue sa référence dans le recueil systématique des lois genevoises.

Le PCTN a encore explicitement indiqué dans son courrier du 5 janvier 2023 qu’il n’entrerait pas en matière sur les requêtes de renouvellement déposées en dehors du délai et qu’à défaut de procéder à temps, l’AUADP prendrait fin à sa date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

Moyennant ces informations, il n’était pas nécessaire en sus d’interpeller le recourant sur la problématique de la tardiveté du dépôt de sa demande. À cet égard, il ne soutient à juste titre pas qu’il aurait adressé sa demande de renouvellement, datée du 3 avril et parvenue au PCTN le 5 avril 2023 dans le délai qui était expressément indiqué dans ce courrier du 5 janvier 2023. Dès lors, se sachant hors délai, il lui appartenait d’emblée d’expliquer les éventuelles causes pouvant ce nonobstant justifier la prise en compte de sa demande.

C’est donc à tort qu’il fait le grief à l’autorité de ne pas l’avoir interpellé sur ce point avant de lui retourner sans suite sa demande le 30 mai 2023, conformément à l’art. 21 al. 3 RTVTC.

Ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant soutient qu’il a été empêché sans sa faute de respecter le délai de dépôt de sa demande au 31 mars 2023 au plus tard et que l’autorité intimée aurait fait preuve de formalisme excessif en la lui retournant.

4.1 Selon l’art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés.

Selon l’al. 3, la restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé.

L'art. 16 al. 3 LPA ne s'applique qu'aux délais fixés par l'autorité, et non aux délais légaux (ATA/1097/2022 du 1er novembre 2022 consid. 6b ; ATA/608/2016 du 12 juillet 2016 consid. 3).

4.2 Les cas de force majeure sont donc réservés, conformément à l'art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4 ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a).

4.3 Selon la jurisprudence, la maladie ou un accident peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, si elle met l'administré ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/234/2014 du 8 avril 2014 consid. 10). La désorganisation de la vie privée suite au décès d’un proche a été considérée comme pouvant constituer un empêchement non fautif d’agir à temps et justifier une restitution de délai s’il survient peu avant l’échéance de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 9C_54/2017 du 2 juin 2017 consid. 5 ; 1C_293/2010 du 21 juin 2010 consid. 2 ; ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.3).

4.4 Un formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la mise en œuvre du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1). L'application stricte des règles sur les délais de recours ne relève en principe pas d'un formalisme excessif, mais se justifie dans l'intérêt d'un bon fonctionnement de la justice et de la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4 consid. 3).

4.5 En l’espèce, l’autorité intimée a fixé, selon courrier du 5 janvier 2023, un délai d’un mois au recourant pour déposer sa demande de prolongation d’AUADP conformément à l’art. 21 al. 2 RTVTC, à savoir entre le 28 février 2023, soit 4 mois au plus tôt avant l’échéance de son AUADP le 30 juin 2023, et le 31 mars 2023, correspondant aux 3 mois avant sa date d'échéance, soit le délai fixé à l’art. 13 al. 7 LTVTC. Il est constant que ce délai, tel que fixé par la loi, n’a pas été respecté par le recourant.

C’est donc bien l’art. 16 al. 1 LPA qui trouve application, de sorte que l’existence ou non d’un cas de force majeure doit être examinée, un tel délai n’étant pas prolongeable.

Il ressort du dossier que le recourant, avant de remplir et de signer sa demande de prolongation du 3 avril 2023, a entrepris plusieurs démarches pour réunir les documents nécessaires à son dépôt, à savoir un certificat de capacité civile délivré le 29 mars 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant, un extrait de son casier judiciaire daté du 25 janvier 2023, une attestation de l’office cantonal des véhicules du 20 février 2023, une attestation d’affiliation à l’office cantonal des assurances sociales du 21 février 2023 et un extrait d’un carnet de la poste comportant des versements effectués les 24 et 27 mars 2023, dont CHF 700.- en faveur du PCTN. Il apparaît ainsi que dès le mois de janvier 2023, il a commencé à accomplir les démarches nécessaires, de sorte qu’il peut être retenu qu’il avait bien compris l’importance du dépôt en temps et en heure d’une requête de prolongation répondant aux exigences légales.

Comme déjà relevé, au moment du dépôt de sa demande de renouvellement, nonobstant le texte clair de la lettre d’information du 5 janvier 2023 et donc alors même qu’il se savait hors délai, fût-ce pour cinq jours, puisque l’autorité l’a reçue le 5 avril 2023 seulement, il n’a pas fait valoir de motif d’empêchement dirimant auprès de l’autorité. Il sera relevé que le délai fixé au vendredi 31 mars 2023 précédait de sept jours le vendredi Saint 7 avril 2023, de sorte que le recourant fait fausse route en cherchant à se prévaloir des fêtes pascales. Il ne s’est pas manifesté davantage jusqu’à la réception de la décision du 30 mai 2023 et a encore attendu 27 jours pour le faire.

Ce n’est en effet que le 27 juin 2023 qu’il s’est prévalu d’un burnout qui lui a valu la délivrance d’un certificat médical du 3 avril 2023, un samedi, avec effet rétroactif au 25 mars 2023. Les circonstances de la délivrance d’un tel certificat médical interpellent. En tout état, ce document n’atteste pas de l’impossibilité pour le recourant de finaliser sa demande à temps, fût-ce avec l’aide d’un tiers, par exemple de son fils dont il a indiqué qu’il avait procédé, le 27 mars 2023, au versement à la poste destiné au PCTN, précisément en lien avec la prolongation de son AUADP.

Face à ces éléments, le recourant échoue à démontrer l’existence d’un cas de force majeure, de sorte que c’est à juste titre que l’autorité intimée a refusé de prolonger son AUADP.

5.             Le recourant soutient que l’on ne pourrait pas lui opposer un dépassement du délai de cinq jours pour le dépôt de sa demande alors que l’autorité n’aurait pas respecté le délai de six mois entre l’échéance de son AUADP et la lettre d’information du 5 janvier 2023, tel que prévu à l’art. 21 al. 1 RTVTC. Cette « convocation » aurait donc dû intervenir le 30 décembre 2022.

Il fait fausse route. En effet, alors que les art. 13 al. 7 LTVC cum 21 al. 2 et 3 RTVTC prévoient comme déjà relevé un délai légal, qui s’il n’est pas respecté a pour conséquence une non entrée en matière de l’autorité intimée, l’absence de respect par l’autorité du délai de six mois selon l’art. 21 al. 1 RTVTC est sans conséquence. Il s’agit donc d’un délai d’ordre.

6.             Le recourant soutient que le non renouvellement de son AUADP violerait les principes de proportionnalité et de la liberté économique.

6.1 Telle qu'elle est garantie par l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 176). Le libre exercice d'une profession implique de pouvoir choisir le moment, le lieu, les moyens de production, la forme juridique, les partenaires, les clients, les conditions de travail, les prix, les coûts, soit tous les éléments qui organisent et structurent le processus social conduisant à la production d'un gain (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3e éd., 2013, n. 952). Tant les personnes physiques que les personnes morales sont titulaires de la liberté économique ainsi définie (ATF 131 I 223 consid. 4.1 ; Message précité, FF 1997 I 1 ss, p. 179).

6.2 Comme tout droit fondamental, la liberté économique peut être restreinte, pour autant qu'une telle restriction soit fondée sur une base légale, repose sur un intérêt public ou sur la protection d'un droit fondamental d'autrui et soit proportionnée au but visé (art. 36 Cst. ; ATF 131 I 223 consid. 4.1 et 4.3).

6.3 En l'espèce, la caducité au 30 juin 2023 de l'AUADP, à son échéance de six ans, liée aux plaques d'immatriculation GE 1______ délivrée au recourant constitue une atteinte à sa liberté économique. Elle repose sur une base légale, à savoir l’art. 13 al. 5 et al. 7 LTVTV.

À teneur de l'art. 13 al. 1 LTVTC, le nombre des AUADP est limité en vue d'assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. Cet objectif relève d'un intérêt public évident autorisant une restriction de la liberté économique.

Quant à la proportionnalité, la caducité de l'AUADP apparaît apte à atteindre le but recherché, dans la mesure où il s'agit de garantir un service de taxis efficace et adapté, mais également d’assurer une égalité de traitement vu le numerus clausus. Le recourant, qui a fautivement omis de déposer sa demande de renouvellement d’AUADP dans le délai, dispose de la possibilité de déposer une nouvelle requête sous réserve d'en remplir les conditions, partant l’autorité intimée ne pouvait être tenue pour responsable qu’il soit dans ce cas inscrit sur la liste d’attente.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 août 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 5 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Christian COQUOZ, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :