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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4572/2017

ATA/725/2018 du 10.07.2018 ( TAXIS ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 13.09.2018, rendu le 21.09.2018, REJETE, 2C_799/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4572/2017-TAXIS ATA/725/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juillet 2018

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Catarina Monteiro Santos, avocate

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) Lors d’un contrôle à l’aéroport de Genève le 24 mars 2015, il a été constaté, selon un rapport établi le lendemain par un inspecteur du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN ou service), que M. A______ avait stationné son véhicule, taxi de service public, sur une case « TAXI » au niveau Départ, sans que l’enseigne lumineuse soit fixée sur le toit.

2) Par lettre du 31 juillet 2017, le PCTN en a fait part à M. A______, avec la précision qu’il pouvait lui infliger une amende administrative pour ce fait, ainsi qu’avec la fixation d’un délai pour exercer son droit d’être entendu.

3) Par courrier du 29 août 2017, M. A______ a expliqué au service les motifs qui l’avaient conduit à enlever provisoirement la « bonbonne » du toit et a précisé que, dès l’arrivée de la cliente qu’il attendait, il avait immédiatement remis l’enseigne lumineuse.

4) Par décision du 3 octobre 2017, le PCTN a infligé à M. A______ une amende de CHF 500.- pour avoir enfreint l’art. 38 al. 2 de l’ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (aLTaxis - H 1 30) en lien avec l’art. 61 al. 1 et 6 de l’ancien règlement d’exécution de la LTaxis du 4 mai 2005 (aRTaxis -
H 1 30.01), en application de l’art. 45 al. 1 aLTAXIS.

5) Par acte expédié le 16 novembre 2017 par son conseil – constitué le
30 octobre 2017 – au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision, concluant préalablement à l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter son recours et produire tout document utile, principalement à l’annulation de la décision attaquée, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause au service pour instruction et nouvelle décision, « avec suite de frais et dépens ».

Il avait reçu cette décision, notifiée par pli « A+ », le 17 octobre 2017, de sorte que le délai de recours échéait le 16 novembre 2017.

Au fond, l’amende administrative était manifestement disproportionnée.

6) Par réponse du 21 décembre 2017, le PCTN a conclu principalement à l’irrecevabilité de ce recours pour tardiveté, subsidiairement à son rejet.

Sa décision avait été distribuée le 4 octobre 2017 par pli « A+ » dans la boîte aux lettres de l’intéressé, selon relevé du suivi des envois postaux annexé. Le délai de recours avait commencé à courir le lendemain et était arrivé à échéance le 3 novembre 2017.

7) Par réplique du 7 février 2018, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

La seule réception dans la boîte aux lettres ne saurait suffire à valoir notification. Il incombait en effet à l’intimé de faire notifier sa décision par pli recommandé. Au demeurant, si tel avait été le cas, le recourant aurait respecté le délai conformément à l’application du délai de garde.

8) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Aux termes de l’art. 62 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours est de trente jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence
(al. 1 let. a) ; la décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (al. 4), pour autant que celui-ci ait dû s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication de l’autorité, ce qui est le cas chaque fois qu’il est partie à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral
6B_239/2011 du 22 mars 2012 consid. 3.5 ; ATA/1595/2017 du 12 décembre 2017 consid. 2 et les arrêts cités).

En vertu de l’art. 62 al. 5 LPA, lorsqu’une personne à qui une décision devait être notifiée ne l’a pas reçue, sans sa faute, le délai de recours court du jour où cette personne a eu connaissance de la décision.

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 consid. 2 p. 24 ; ATA/444/2018 du 8 mai 2018 consid. 3d ; ATA/105/2014 du 18 février 2014 consid. 3a ; ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 2 et les références citées).

c. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1
2ème phr. LPA.

Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; RDAF 1991 p. 45 ; ATA/444/2018 précité consid. 3e ; ATA/261/2016 du 22 mars 2016).

d. Selon l’art. 16 al. 3 LPA, la restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé.

Comme cela ressort expressément du texte légal, cette disposition ne s’applique toutefois qu’aux délais fixés par l’autorité, et non aux délais légaux comme dans la présente espèce.

2) a. À teneur de l’art. 17 al. 1 LPA, les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche.

Dans le cadre d’une procédure de recours, l’art. 62 al. 3 1ère phr. LPA prescrit que le délai court dès le lendemain de la notification de la décision.

Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 529).

b. La prestation « Courrier A Plus » – « A+ » – offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A Plus », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A Plus » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (document de La Poste suisse sur Internet
« Courrier A Plus [A+] – La transparence tout au long du processus
d’expédition » ; aussi ATF 142 III 599 consid. 2.1).

c. La notification doit permettre au destinataire de prendre connaissance de la décision et, cas échéant, de faire usage des voies de droit ouvertes à son encontre. Une décision est notifiée, non pas au moment où l’administré en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée. S’agissant d’un acte soumis à réception et adressé par pli non recommandé, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/1593/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3c ; ATA/509/2016 du 14 juin 2016 consid. 5b), à savoir dans sa boîte aux lettres ou sa case postale. Il n’est pas nécessaire que celui-ci en prenne réellement connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1) ; il suffit qu’il puisse en prendre connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_430/2009 du 14 janvier 2010 consid. 2.2).

Ainsi, lorsqu’une décision est notifiée par courrier A+, à savoir un courrier prioritaire dont l’expéditeur peut connaître la date de la remise dans la boîte aux lettres ou la case postale grâce au service en ligne « Suivi des envois », sans que cette remise soit quittancée ou fasse l’objet d’une signature par le destinataire, le délai commence à courir dès ladite remise (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_198/2015 du 30 avril 2015 consid. 3 ; 2C_570/2011, 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.2 ; 2C_430/2009 précité consid. 2 ; ATA/1593/2017 précité consid. 3c ; ATA/222/2017 du 21 février 2017 consid. 4), y compris lorsque c’est un samedi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_198/2015 précité consid. 3).

Dans le cas de la pose dans la boîte aux lettres ou dans la case postale d’un courrier A+, comme d’un avis de retrait d’un pli recommandé, une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut toutefois pas non plus être présumée et ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599
consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015
consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3, et les références citées). La simple affirmation du recourant selon laquelle il a toujours pris en considération les avis de retrait et qu’il leur a donné suite en temps utile ne constitue pas une circonstance qui rend plausible une erreur de notification par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 précité consid. 5.2).

3) En l’espèce, le recourant ne conteste pas que l’enveloppe contenant la décision querellée a été mise dans sa boîte aux lettres le 4 octobre 2017. Il ne prétend pas qu’il aurait été victime d’une erreur de notification par voie postale, ni ne fait valoir toutes autres circonstances qui l’auraient empêché de recevoir la décision litigieuse ou de recourir dans le délai prescrit par la loi.

Il se limite à contester le principe de la validité des notifications de courriers par pli « A+ ».

Or, comme énoncé par la jurisprudence citée plus haut, ce mode de notification est valable, et il découle des règles légales et principes jurisprudentiels que la décision attaquée est réputée avoir été notifiée le 4 octobre 2017, au moment où elle a été mise dans la boîte aux lettres de l’intéressé et est ainsi entrée dans sa sphère de pouvoir.

C’est le lendemain, 5 octobre 2017, que le délai légal de recours de trente jours a commencé à courir, pour arriver à échéance le vendredi 3 novembre 2017.

Partant, le recours, qui a été interjeté le 16 novembre 2017, soit plusieurs jours après le terme du délai légal de recours, est tardif et donc irrecevable.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 250.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 novembre 2017 par M. A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 3 octobre 2017 ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 250.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina Monteiro Santos, avocate du recourant, ainsi qu’au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : M. Thélin, président, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :