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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3429/2018

ATA/1493/2019 du 08.10.2019 sur JTAPI/318/2019 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3429/2018-PE ATA/1493/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Samir Djaziri, avocat

contre


OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 avril 2019 (JTAPI/318/2019)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1975, est ressortissant de Tunisie.

Madame B______, née le ______1949, est ressortissante suisse.

2) Le ______ 2015, M. A______ a épousé Mme B______ en Tunisie.

Le 23 juillet 2016, il a rejoint son épouse en Suisse, au moyen d'un visa.

3) Le 15 août 2016, l'intéressé a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, valable jusqu'au 22 juillet 2017.

4) Par courrier du 7 janvier 2018, Mme B______ a informé l'OCPM que son époux avait quitté le domicile précipitamment, qu'elle ignorait sa nouvelle adresse et s'il se trouvait toujours en Suisse. Elle comptait entreprendre « toutes les démarches administratives nécessaires pour régulariser cette situation ».

5) Par courriel du 1er mars 2018, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a demandé à M. A______, dans le cadre du renouvellement de son autorisation de séjour, de lui retourner le formulaire C (annonce de changement d'adresse) dûment complété ainsi qu'un justificatif de sa nouvelle adresse, dès lors qu'il ressortait de son dossier qu'il n'était plus domicilié chez son épouse au ______, chemin C______ au Grand-Lancy.

6) Le 14 mars 2018, M. A______ a annoncé à l'OCPM qu'il était domicilié depuis cette date au _______, chemin F______ à Cointrin. Le 21 mars suivant, il a sollicité une attestation auprès de l'OCPM, précisant qu'il était domicilié à l'adresse précitée.

7) Le 21 mars 2018, l'OCPM a écrit à M. A______ et à Mme B______ pour leur demander quelle suite ils entendaient donner à la séparation qui était intervenue dans leur couple.

8) Par courrier du 7 avril 2018, M. A______ a répondu ne pas avoir engagé de procédure de divorce à l'encontre de son épouse et n'avait aucune information pouvant laisser croire que cette dernière avait engagé une telle démarche.

9) Par courrier du 23 avril 2018, Mme B______ a répondu, par le biais de son conseil, qu'aucune reprise de la vie commune n'était prévue, ajoutant qu'une demande en nullité de mariage, subsidiairement en annulation et divorce allait être déposée.

10) Par courrier du 23 mai 2018, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de ne pas renouveler son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. L'union conjugale avait duré moins de trois ans et la poursuite de son séjour ne s'imposait pas pour des raisons personnelles majeures. Son séjour en Suisse était de courte durée et son intégration socio-professionnelle n'était pas marquée au point d'admettre qu'il ne puisse quitter la Suisse, sans être confronté à d'insurmontables obstacles. Un délai lui était imparti pour faire valoir son droit d'être entendu par écrit.

11) Le 5 juillet 2018, M. A______ a sollicité une nouvelle attestation de domicile, précisant, justificatif à l'appui, qu'il était domicilié chez Monsieur D______ au ______, E______ au Grand-Saconnex.

12) M. A______ a fait usage de son droit d'être entendu, le 5 juillet 2018 oralement dans les locaux de l'OCPM, puis par écrit le 20 juillet suivant.

Il avait été contraint de quitter précipitamment le domicile conjugal, sans l'avoir souhaité ni anticipé. En effet, il vivait avec son épouse dans un appartement loué à sa famille et versait son salaire à un proche de la famille qui « en assurait une gestion fantaisiste ». Dans ces circonstances, il n'avait pas pu trouver un emploi à Genève et avait accepté une mission temporaire à l'étranger. L'abandon du domicile conjugal, en rapport avec l'art. 42 de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), devenue depuis lors la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), ne pouvait ainsi être retenu. Ses qualifications professionnelles polyvalentes étaient appréciées en Suisse et la seule raison pour laquelle il n'avait pas trouvé rapidement un emploi dans ce pays était la « brutale mise en exécution d'un plan diabolique » qui l'avait évincé de son foyer familial. Partant, il sollicitait le renouvellement de son autorisation de séjour pour des « raisons de force majeure quasi humanitaires, renforcées de raisons personnelles graves ».

M. A______ a produit un courrier daté du 23 juillet 2018, établi par la société G_____ Sàrl, sise à Marseille, confirmant son engagement, pour une durée indéterminée, en qualité de maçon, dès le 1er septembre 2018.

13) Par décision du 29 août 2018, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour à M. A______ et prononcé son renvoi, en lui impartissant un délai au 30 octobre 2018 pour quitter la Suisse.

L'OCPM a repris les arguments développés dans son courrier du 23 mai 2018, précisant que l'intéressé ne faisait plus ménage commun avec son épouse et que, contrairement à ses allégations, il s'avérait qu'une procédure de divorce était en cours. Il ne pouvait donc se prévaloir de raisons personnelles majeures pour justifier l'existence de domiciles séparés. De plus, dans la mesure où il pouvait être représenté par un avocat, son renvoi de Suisse ne l'empêcherait pas de faire valoir ses droits dans le cadre d'une procédure de divorce. Enfin, il n'avait ni invoqué ni démontré d'obstacles à son retour en Tunisie et il ne ressortait pas du dossier que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

14) Par acte du 1er octobre 2018, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour.

Durant l'union conjugale, il avait fait l'objet de violences psychiques de la part du fils de son épouse, qui l'avait également entravé dans sa liberté d'action puis l'avait chassé du domicile conjugal début janvier 2018 ; il examinait l'opportunité de déposer plainte pénale à son encontre. Ces violences devaient être assimilées à des violences conjugales et imposaient la poursuite de son séjour en Suisse, ce d'autant qu'il était bien intégré et que sa moralité était irréprochable.

15) Dans ses observations du 29 novembre 2018, l'OCPM a conclu au rejet du recours. L'intéressé ne contestait pas que la vie commune avait duré moins de trois ans ni le fait que sa réintégration sociale en Tunisie n'était pas fortement compromise. L'existence de violences conjugales ne pouvait être retenue, dans la mesure où il ne précisait pas les mauvais traitements systématiques qu'il aurait subis et où il n'avait produit aucune preuve à cet égard.

16) Par jugement du 5 avril 2019, le TAPI a rejeté le recours.

L'union conjugale vécue en Suisse avait duré moins de trois ans, dans la mesure où elle avait débuté le 23 juillet 2016 et s'était terminée le 7 janvier 2018, date où le recourant avait quitté le domicile conjugal. Ce dernier ne pouvait donc se prévaloir de l'art. 50 al. 1 let. a LEI. Le recourant n'avait à aucun moment allégué que sa réintégration en Tunisie serait fortement compromise ; de plus, il séjournait en Suisse depuis moins de trois ans et travaillait à Marseille. S'agissant des violences psychiques dont il disait avoir été victime - qu'il n'avait d'ailleurs alléguées qu'au stade du recours - il n'en avait pas apporté la moindre preuve en dépit de son devoir accru de collaboration. C'est ainsi à bon droit que l'OCPM avait refusé de prolonger l'autorisation de son séjour et qu'il avait prononcé son renvoi, dès lors qu'il ne ressortait pas du dossier qu'il ne serait pas possible, pas licite ou pas raisonnablement exigible.

17) Par acte du 7 mai 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant, préalablement, à ce que la procédure soit suspendue jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure pénale et, principalement, à son annulation et à ce que son autorisation de séjour en Suisse soit renouvelée ; subsidiairement, à ce que la procédure soit renvoyée au TAPI pour nouvelle décision et, plus subsidiairement, à ce qu'elle soit renvoyée à l'OCPM pour nouvelle décision de le sens des considérants.

Il avait déposé une plainte pénale le 13 mars 2019 à l'encontre de Monsieur  B______, fils de son épouse, qui portait sur des infractions qu'il qualifiait « de traite d'être humain, contrainte et abus de confiance ». Les conditions de l'art. 50 al. 2 LEI étaient ainsi réalisés, dans la mesure où il avait fait l'objet de plusieurs infractions pénales durant son mariage. Il était, de plus, bien intégré en Suisse et bénéficiait d'une moralité irréprochable.

Il a versé ladite plainte à la procédure, sans y adjoindre les annexes. Il alléguait que, depuis son arrivée en Suisse, M. B______ lui avait indiqué les différentes tâches à effectuer au sein de la maison, soit les tâches ménagères et relatives au jardin. Il l'avait ensuite mis en contact avec le propriétaire d'une société de peinture, qui l'avait engagé en qualité d'ouvrier à plein temps dès le 21 février 2017 ; toutefois, ses salaires étaient versés directement à M. B______ qui lui reversait mensuellement un montant de CHF 50.- à 70.- « au titre d'argent de poche », tout en conservant le reste. Lorsqu'il avait demandé des comptes à ce dernier, il avait obtenu, en guise de réponse, d'être chassé du domicile conjugal.

18) Le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

19) Le 12 juin 2019, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Il reprenait son argumentation telle que développée devant le TAPI. Les allégations de mauvais traitements et de violence apparaissaient tardives, n'étaient pas étayées et empreintes de contradictions : le recourant avait déclaré avoir été chassé et contraint de quitter précipitamment le domicile conjugal alors même qu'il se disait victimes d'infractions graves perpétrées sur sa personne.

20) Le 19 juillet 2019, M. A______ a répliqué, arguant qu'il convenait d'attendre l'issue de la procédure pénale afin de pouvoir déterminer si les mauvais traitements allégués constituaient des raisons personnelles majeures.

21) Sur ce, la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'OCPM du 29 août 2018 refusant l'octroi d'une autorisation de séjour au recourant et prononçant son renvoi de Suisse.

3) Préalablement, le recourant sollicite la suspension de la présente procédure dans l'attente de l'issue de la procédure pénale qu'il a initiée à Genève à l'encontre du fils de son épouse.

a. Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

b. L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondée sur l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/26/2017 du 17 janvier 2017 consid. 2b).

c. En l'espèce, la chambre administrative relève, s'agissant de la plainte pénale, que cette dernière a été déposée le 13 mars 2019 et versée en annexe au recours le 7 mai 2019, sans les annexes qui y sont mentionnées. Les allégations relatives à d'éventuelles infractions pénales commises à l'encontre du recourant par le fils de son épouse n'ont été évoquées pour la première fois que le 1er octobre 2018, lors du recours devant le TAPI. Or, les faits qui sont évoqués dans cette plainte remonteraient à l'arrivée du recourant en Suisse, soit en juillet 2016. Compte tenu du contenu de ladite plainte, tel qu'évoqué ci-après, il n'y a pas lieu de suspendre la présente procédure comme dépendant du pénal, car l'issue de cette dernière n'apparaît pas indispensable pour trancher la présente procédure.

4) Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi sur les étrangers et l'intégration (LEI - RS 142.20). En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits (ATA/847/2018 du 21 août 2018 consid. 3c et les références citées ; ATA/1052/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4), prévaut.

Les faits de la présente cause s'étant intégralement déroulés avant le 1er janvier 2019, ils sont soumis aux dispositions de la LEI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018.

5) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative n'a pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée (art. 61 al. 2 LPA), sauf s'il s'agit d'une mesure de contrainte prévue par le droit des étrangers (art. 10 al. 2 de la loi d'application de la LEI du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), hypothèse non réalisée en l'espèce. Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/792/2019 du 16 avril 2019 ; ATA/10/2017 du 10 janvier 2017).

6) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/792/2019 précité ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 et les arrêts cités). À cet égard, en police des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.3, non publié in ATF 142 I 152).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille, pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/792/2019 précité ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/792/2019 précité ; ATA/991/2016 précité). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/792/2019 précité ; ATA/1155/2018 précité consid. 3b).

7) a. Le conjoint d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui (art. 42 al. 1 LEI). Cette disposition requiert non seulement le mariage des époux, mais aussi leur ménage commun (ATF 136 II 113 consid. 3.2).

b. Après dissolution de la famille, le droit du conjoint d'un ressortissant suisse à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l'art. 42 LEI subsiste si l'union conjugale a duré au moins trois ans et l'intégration est réussie (let. a) ou la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (let. b ; art. 50 al. 1 LEI).

L'art. 50 LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, ne trouve application qu'en cas d'échec définitif de la communauté conjugale (ATF 140 II 345 consid. 4 ; 140 II 129 consid. 3.5).

c. La limite légale de trois ans présente un caractère absolu, quand bien même la fin de la vie conjugale serait intervenue quelques jours ou semaines seulement avant l'expiration du délai (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 ; ATA/792/2019 précité ; ATA/1211/2017 du 22 août 2017 consid. 7b). Elle se calcule en fonction de la durée pendant laquelle les époux ont fait ménage commun en Suisse (ATF 136 II 113 consid. 3.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 précité consid. 4.1), soit depuis la date du mariage, à condition que la cohabitation ait lieu en Suisse, jusqu'à ce que les époux cessent d'habiter sous le même toit ; la cohabitation des intéressés avant leur mariage ne peut être prise en compte dans la durée de l'union conjugale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2010 du 24 novembre 2010 consid. 3.1 et 2C_195/2010 du 23 juin 2010 consid. 5.1 ; ATA/1211/2017 précité consid. 7b).

La notion d'union conjugale de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, ne se confond pas avec celle du mariage. Alors que celui-ci peut n'être plus que formel, l'union conjugale implique une vie conjugale effective, sous réserve des exceptions mentionnées à l'art. 49 LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.2 ; 136 II 113 consid. 3.2). C'est donc la date de la fin de la communauté conjugale qui est déterminante pour calculer si la relation a duré trois ans, et non le moment où le divorce est prononcé (Cesla AMARELLE/ Nathalie CHRISTEN in Code annoté du droit de la migration, 2017, Vol II : LEI, ad. art. 50 p. 466 n. 10).

d. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'union conjugale vécue en Suisse par le recourant et son épouse a duré du 23 juillet 2016, date où il l'a rejointe en Suisse, au début janvier 2018, date à laquelle il a quitté le domicile conjugal, soit moins de trois ans.

Par conséquent, la première condition de l'art 50 al. 1 let. a LEI n'étant pas réalisée, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la réussite de l'intégration, les deux conditions étant cumulatives.

8) a. Outre les hypothèses retenues à l'art. 50 al. 1 let. a LEI, le droit au renouvellement de l'autorisation de séjour délivrée en vertu des art. 42 et 43 LEI subsiste si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (art. 50 al. 1 let. b LEI).

b. Des raisons personnelles majeures sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violences conjugales (art. 50 al. 2 LEI). Celle-ci peut être de nature tant physique que psychique. Les violences conjugales doivent revêtir une certaine intensité (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 136 II 1 consid. 5.3). Il faut qu'il soit établi que l'on ne peut exiger plus longtemps de la personne admise dans le cadre du regroupement familial qu'elle poursuive l'union conjugale à cause de cette violence. Tel est le cas lorsque la personnalité de l'étranger venu en Suisse au titre du regroupement familial est sérieusement menacée du fait de la vie commune et que la poursuite de l'union conjugale ne peut être raisonnablement exigée d'elle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_554/2009 du 10 mars 2010 consid. 2.1 ; SEM, Directives et commentaires domaine des étrangers - Directives LEtr - octobre 2013, actualisées le 1er janvier 2019 SEM, ch. 6.15.3.3).

La violence conjugale au sens de la LEI suppose des mauvais traitements systématiques à la victime pour affirmer sa supériorité et exercer un contrôle sur elle (ATF 138 II 229 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_295/2012 du 5 septembre 2012 consid. 3.2 ; SEM, Circulaire sur la violence conjugale, 12 avril 2013, n. 1.2). Une gifle ou le fait pour un époux étranger d'avoir été enfermé une fois dehors par son épouse ne suffisent pas (ATF 138 II 229 consid. 3.2.1 ; 136 II 1 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_783/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3.2). Par ailleurs, un acte de violence isolé, mais particulièrement grave, peut à lui seul conduire à admettre l'existence de raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_982/2010 du 3 mai 2011 consid. 3.3 et 2C_590/2010 du 29 novembre 2010 consid. 2.5.2). On ne saurait cependant considérer qu'une agression unique amenant la victime à consulter un médecin en raison de plusieurs griffures au visage et d'un état de détresse psychologique revête l'intensité requise par la loi lorsque s'opère par la suite un rapprochement du couple (arrêt du Tribunal fédéral 2C_783/2014 précité consid. 3.2). 

Le Tribunal fédéral a rappelé que les formes de violence domestique et de contrôle subies dans le cadre des relations intimes ne sont pas faciles à classer dans des catégories déterminées, raison pour laquelle les investigations doivent prendre en compte les actes commis, l'expérience de violence vécue par la victime, ainsi que la mise en danger de sa personnalité et les répercussions sur celle-ci (santé, restrictions dans sa vie quotidienne). La jurisprudence a considéré que c'est en ce sens qu'il faut comprendre la notion de violence conjugale d'une certaine intensité au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2015 précité consid. 3.2 non publié in ATF 142 I 152 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1085/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.3 et 2C_649/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2).

c. Sont notamment considérés comme indices de violences conjugales les certificats médicaux (let. a), les rapports de police (let. b), les plaintes pénales (let. c), les mesures au sens de l'art. 28b du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; let. d) et les jugements pénaux prononcés à ce sujet (let. e ; art. 77 al. 6 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 [OASA - RS 142.201]). Lors de l'examen des raisons personnelles majeures, les autorités compétentes tiennent compte des indications et des renseignements fournis par des services spécialisés (art. 77 al. 6bis OASA).

Lorsque des contraintes psychiques sont invoquées, il incombe à la personne d'illustrer de façon concrète et objective ainsi que d'établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent. Des affirmations d'ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2015 précité consid. 3.3 non publié aux ATF 142 I 152 ; ATF 138 II 229 consid. 3.2.3).

9) En l'espèce, le recourant soulève un unique argument, soit existence de violences à son encontre par le fils de son épouse, qui constitueraient des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 2 LEI.

La chambre administrative constate tout d'abord que le recourant a, relativement tardivement, versé à la procédure une plainte pénale déposée le 13 mars 2019 auprès du Ministère public, sans mentionner d'infractions particulières. Il y décrit des faits relatifs à l'obligation d'effectuer des tâches ménagères ou de jardinage et allègue que son salaire aurait été « confisqué » par son beau-fils. Ces faits ne sont confirmés par aucune pièce, le recourant n'ayant pas versé à la procédure administrative les pièces annexées. Il ne joint ni rapport de police ni certificats médicaux attestant de ces faits. Pour le surplus, la seule description des faits dans la plainte pénale ne démontre aucunement l'existence de violences psychologiques ou physiques ou de mauvais traitements systématiques, telles qu'exigées par la loi et la jurisprudence y relative. En d'autres termes, le recourant échoue à démontrer, et même à fournir des indices sérieux, une maltraitance à caractère systématique et de longue durée sur lui-même. En outre, il allègue avoir été chassé du domicile conjugal, argument qui est en partie contradictoire avec les faits qu'il dit avoir subis. Enfin, il ne dénonce pas le comportement de son épouse, dont il ne prétend au demeurant pas qu'elle exerçait des violences conjugales sur lui-même. La condition de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, selon laquelle le recourant aurait été victime de violences conjugales justifiant la poursuite de son séjour en Suisse, n'apparaît ainsi pas réalisée.

Enfin, par surabondance de droit et même s'ils n'ont pas été évoqués par le recourant, il n'apparaît pas que sa réintégration en Tunisie serait fortement compromise, la chambre de céans relevant au surplus qu'il séjourne en Suisse depuis environ trois ans et qu'il n'y travaille pas, vu son emploi dans le sud de la France.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'OCPM puis le TAPI ont retenu que la situation du recourant ne relevait pas d'un cas de violence conjugale répondant aux critères jurisprudentiels de gravité exigés par l'art. 50 al. 2 LEI, et que l'intéressé ne pouvait donc pas invoquer des raisons personnelles majeures (art. 50 al. 1 let. b LEI) pour en déduire un droit de séjour en Suisse en lien avec la violence conjugale dont elle affirmait avoir été victime.

10) a. Selon l'art. 64 al. 1 LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/709/2016 du 23 août 2016 consid. 8a).

b. En l'occurrence, dès lors que le recourant ne dispose ni d'une autorisation d'établissement ni de séjour, c'est à juste titre que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, étant relevé que le dossier ne fait pas apparaître que l'exécution de cette mesure pourrait se révéler impossible, illicite ou non raisonnablement exigible (art. 83 LEI).

Le renvoi de Suisse de le recourant est ainsi justifié.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 avril 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir Djaziri, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.