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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/310/2024

ATA/639/2024 du 28.05.2024 ( DIV ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/310/2024-DIV ATA/639/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

 

dans la cause

A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______

et

Y______ recourants
représentés par Me Christian VAN GESSEL, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



EN FAIT

A. a. Z______ (ci-après : Z______) est un club de football, fondé le 20 mars 1890, évoluant en AA______, soit la plus haute ligue professionnelle de football en Suisse.

Depuis le 16 mars 2003, Z______ évolue au stade AB______, également surnommé stade AC______, sis AD______.

b. AE______ (ci-après : AE______) est un club de football, fondé en 1896, évoluant également en AA______.

Depuis le 12 septembre 2021, AE______ évolue au stade AF______.

c. Les rencontres entre Z______ et AE______ sont considérées comme des derbys avec une ambiance « chaude » entre les supporters des deux équipes. Ces dernières années, différents incidents sont intervenus dans et autour des deux stades à l’occasion de matchs.

d. Le 9 décembre 2023, AE______ accueillait Z______ dans son stade.

Dans le stade, des supporters ont fait usage d'engins pyrotechniques. Des scènes de violence ont également eu lieu après la rencontre à l'extérieur du stade.

e. Le 12 décembre 2023, le département des institutions et du numérique (ci-après : le département ou DIN) a publié un communiqué de presse à l'attention des représentants des médias.

De nouveaux débordements violents avaient eu lieu le week-end du 9-10 décembre 2023 dans le cadre d’un match opposant AE______ au Z______ au stade AF______, à Lausanne. Dans le souci de sanctionner rapidement ces comportements jugés inacceptables, les cantons de Vaud et Genève ainsi que la Municipalité de Lausanne avaient saisi en urgence la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (ci-après : CCDJP). Réunies dans un groupe de travail au sein de la CCDJP, les autorités chargées de délivrer les autorisations dans le cadre des manifestations sportives avaient décidé de fermer les secteurs réservés aux supporters ultra des deux équipes lors de leurs prochains matchs à domicile.

Ainsi, le 17 décembre 2023, lors du match entre Z______ et le AG______, la tribune Nord (secteur supporters genevois) serait fermée. Le 20 janvier 2024, à l'occasion du match opposant AE______ au AH______, le secteur D serait fermé.

En cas de nouvelle rencontre entre AE______ et Z______ cette saison, celle-ci se déroulerait à huis clos. Ces mesures s’accompagnaient également du gel immédiat et simultané de la vente de billets pour ces matchs, avec l’impossibilité de reporter son billet déjà acheté sur d’autres secteurs.

En cas de nouveaux débordements impliquant les clubs AE______ ou Z______, des mesures plus coercitives pourraient être prises, dans l’esprit des discussions menées au niveau intercantonal. Dans la gradation des sanctions possibles, un seuil avait donc été franchi.

Les cantons de Vaud et de Genève ainsi que la Ville de Lausanne soutenaient l’adoption généralisée en Suisse d’un système progressif de sanctions tel que proposé par la CCDJP. Il s’agissait toutefois d’un socle minimal. À terme, les autorités vaudoises, genevoises et lausannoises voulaient la mise en place de billets nominatifs.

L’ensemble des sanctions décidées intervenaient alors que d’importants dégâts matériels avaient eu lieu et qu’un policier avait été blessé lors d’un match entre AE______ et Z______ le samedi 9 décembre 2023 au stade AF______ à Lausanne. À plusieurs reprises, la police avait dû tirer des balles en caoutchouc, faire usage de méga-spray au poivre et engager le camion tonne-pompe avec des jets d’eau défensifs. La mobilisation de 130 policiers pour ce match constituait un engagement important de ressources policières de tout le canton, au détriment d’autres missions de sécurité publique.

Il fallait également rappeler les comportements inadmissibles qui s’étaient déroulés lors du match du 30 septembre 2023 à Genève entre ces deux mêmes équipes. Les supporters avaient notamment tiré plusieurs dizaines d'engins pyrotechniques et en avaient envoyé certains ainsi que des pierres contre les agents de sécurité, sans parler de l'usage de dizaines de fumigènes et l’interruption du trafic ferroviaire.

Comme les autorités vaudoises, genevoises et lausannoises l’avaient rappelé plusieurs fois ces derniers mois, il n’était pas acceptable que le football soit confisqué par une minorité de personnes aux comportements violents. Les dégâts matériels massifs et la violence contre les forces de sécurité d'une partie des supporters des deux camps étaient inacceptables et devaient entraîner des sanctions immédiates.

Les autorités appelaient donc les supporters à adapter leur comportement afin de permettre aux matchs de se dérouler sans heurts et dans un esprit sportif. Elles appelaient aussi les clubs à agir davantage sur le plan préventif et du dialogue avec leurs supporters.

B. a. Le 13 décembre 2023, le conseil de A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ et de Y______ (ci-après : A______ et consorts) a contacté le directeur de la coopération et de la communication du département afin d'obtenir la copie de la décision de fermer la tribune Nord du stade AC______ lors du match opposant Z______ et le AG______ le dimanche 17 décembre 2023, ainsi que de prononcer le huis-clos pour le prochain match entre AE______ et Z______.

b. Le 14 décembre 2023, le directeur de la coopération et de la communication du département a invité le conseil de A______ et consorts à s'adresser au club concerné.

c. Le même jour, le mandataire de A______ et consorts a relevé que la décision en cause n'était pas disponible sur le site internet de l'État de Genève. De plus, une autorité étatique ne pouvait garder secrète une décision qui touchait un nombre indéterminé d'administrés. Afin que cette décision puisse leur être opposable, elle devait être publiée, sans quoi elle était nulle et privée d'effet.

Le département ne pouvait pas interdire à des personnes d'accéder à une manifestation publique, pour laquelle elles avaient payé leur place, sans qu'elles puissent recourir contre une décision en ce sens. Ces personnes disposaient d'un intérêt juridique pour recourir. La décision devait donc leur être communiquée par publication, avec indication des voies de droit.

Il invitait le département à lui adresser une copie de la décision de fermeture des tribunes réservées aux supporters du Z______ lors du match fixé le 17 décembre 2023, puis le huis-clos lors de la prochaine confrontation entre AE______ et Z______.

d. Le jour même, le département a répondu que l'art. 46 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ne s'appliquait pas en l'espèce. Il convenait de s'adresser au club, destinataire de l'autorisation délivrée.

e. Le 20 décembre 2023, la AH______ a dévoilé les horaires définitifs des rencontres des tours 23 à 32. Le match opposant Z______ au AE______ était fixé au 10 mars 2024.

C. a. Par acte du 29 janvier 2024, A______ et consorts ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif, à ce que soient produits la décision entreprise ainsi que le procès-verbal de la séance des autorités chargées de délivrer des autorisations dans le cadre des manifestations sportives qui les avaient conduits à prononcer la décision. Cela fait, la chambre de céans devait dire et constater que cette décision était « originairement nulle et de nul effet », subsidiairement l'annuler. Elle devait également dire et constater que la décision attaquée de fermer la tribune Nord du stade AC______ le 17 décembre 2023 était contraire au droit.

Ils disposaient d'un intérêt personnel, direct et spécial à recourir contre la décision entreprise. Ils étaient abonnés et avaient payé à l'avance pour voir les matchs du Z______ à la place qui leur était réservée. Ils avaient un droit propre et direct à pouvoir exercer leur liberté personnelle et de réunion dans ce lieu privé. Ils étaient touchés plus que la majorité des administrés et avaient un but idéal dans leur volonté de supporter leur équipe.

La décision attaquée n'avait pas été publiée. De plus, le département avait refusé de leur en adresser une copie. La sanction contre un tel manquement, d'une gravité particulière, devait être la nullité de la décision entreprise. Le refus de transmettre une copie de ladite décision ne leur permettait pas d'être informés en détail sur les accusations dont ils faisaient l'objet et conduisait à ce qu’ils ne pouvaient faire valoir leurs droits de défense que de façon partielle, par des suppositions. La nullité de la décision attaquée devait être constatée pour cette raison également.

La décision prononçait des sanctions à leur encontre, en ce sens que ceux qui étaient abonnés ou titulaires de billets en tribune Nord avaient été empêchés de voir le match du 17 décembre 2023 et ne pourraient pas assister au match prévu le 10 mars 2024. Il n'existait pas de base légale pour restreindre leur liberté personnelle et leur liberté de réunion. Le concordat instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives du 15 novembre 2007 (CMVMS - F 3 18) prévoyait uniquement des mesures policières bien définies.

Les sanctions prononcées étaient disproportionnées. Il n'était pas concevable de sanctionner des personnes qui n'avaient commis aucune déprédation ni aucun acte de violence. La CCDJP menait d'ailleurs un projet intitulé « Progresso » selon lequel le huis-clos ne pouvait être prononcé que pour des récidives de violence entraînant des blessures, pendant une période de probation pour des faits similaires. La AI______ et des journalistes avaient estimé que les sanctions prononcées étaient disproportionnées.

La punition collective punissait des milliers de personnes qui n'avaient pas commis de gestes répréhensibles et heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. La décision attaquée était arbitraire. Les autorités avaient laissé le hasard choisir si la sanction serait attribuée au Z______ ou au AE______. Le sort avait décidé que ce soit Z______, ses abonnés et autres spectateurs qui le seraient, alors que les faits reprochés s'étaient produits à Lausanne en raison de l'incurie des autorités policières lausannoises. Cette façon de faire était arbitraire dans son principe et dans son résultat.

La clause générale de police ne pouvait pas être invoquée pour justifier la décision attaquée, puisque la norme fondée sur celle-ci permettait d'écarter un danger futur mais pas de prononcer des sanctions à la suite d'un événement passé.

Il était impératif que la chambre administrative constate la contrariété au droit de la décision concernant le match du 17 décembre 2023, car ils avaient un intérêt digne de protection à ce que l'intimée ne répète pas la même erreur dans le futur.

b. Le 12 février 2024, le département a conclu à l'irrecevabilité du recours et au rejet de la demande en restitution de l'effet suspensif.

Les autorisations délivrées en vertu du CMVMS pouvaient être assorties, pour l'organisateur de la manifestation sportive, d'obligations visant à la mise en place de mesures préventives plus ou moins étendues selon le risque identifié. Chaque autorisation était donnée au cas par cas et n'était valable que pour un match. Il n'y avait dès lors pas eu une décision unique fixant les mesures de prévention du match Z______ contre le AG______ du 17 décembre 2023 et du match qui se tiendrait le 10 mars 2024 entre Z______ et AE______. Une première décision autorisait le match du 17 décembre 2023 avec l'obligation d'interdire l'accès à la tribune Nord (autorisation du match du 17 décembre 2023). La procédure non contentieuse d'autorisation du match du 10 mars 2024, où l'obligation de jouer à huis clos était envisagée, était en cours. Faute de décision, la demande en restitution d'effet suspensif devait être rejetée, car sans objet.

Les abonnés ne disposaient pas d'un intérêt propre et direct leur permettant de recourir contre les décisions d'autorisation délivrées en vertu du CMVMS.

Il a produit un communiqué de presse diffusé le 12 décembre 2023 par Z______ sur son site internet.

c. Le 22 février 2024, les recourants ont déposé au greffe de la chambre administrative une réplique sur effet suspensif, persistant dans leurs conclusions.

Le match du 10 mars 2024 opposant Z______ au AE______ ne serait finalement pas frappé d'un huis-clos, ce qui pourrait avoir une incidence sur la requête en restitution de l'effet suspensif.

d. Le 26 février 2024, le département a indiqué qu'un accord avait été trouvé sur les mesures sécuritaires supplémentaires qui seraient mises en place pour le match précité prévu le 10 mars 2024.

Selon le communiqué de presse à l'attention des représentants des médias établi par le département le 22 février 2024, Z______ avait présenté aux autorités des mesures de sécurité supplémentaires et, surtout, avait démontré un engagement fort, permettant de limiter significativement le risque de débordements. Il pouvait être renoncé au huis clos, et la tenue du match avec le public serait autorisée. Cet accord avait été trouvé après plusieurs échanges constructifs entre les autorités et le club qui avaient eu lieu au début de l’année, conditionnant la levée du huis clos au nouveau dispositif sécuritaire proposé par le club.

e. Le 8 mars 2024, les recourants ont maintenu leurs conclusions sous réserve de la question de la restitution de l'effet suspensif.

Le vocabulaire utilisé dans le communiqué de presse du 22 février 2024 constituait la confirmation qu'une décision de huis-clos avait été rendue. Le département avait donc révisé sa première décision rendant la question de l'effet suspensif sans objet. Le département devait ainsi supporter les frais de procédure sur ce point.

Pour le surplus, la procédure n'était pas devenue sans objet. Il s'agissait, certes, de conclusions constatatoires, lesquelles n'étaient en principe pas admissibles, mais le dossier s'inscrivait dans une situation d'exception. La décision de fermeture de la tribune Nord lors du match du 17 décembre 2023 avait été exécutée alors que le délai de recours n'était pas encore échu. Les recourants disposaient donc d'un intérêt actuel et concret à ce que la chambre administrative constate la nullité (ou l'annulabilité) de celle-ci, dans la mesure où cela leur ouvrirait le droit à des dommages et intérêts. De plus, comme les décisions de huis-clos (total ou partiel) étaient rendues apparemment seulement quelques jours avant les matchs concernés, il serait en pratique impossible d'obtenir en temps utile un jugement sur recours, de sorte que la procédure actuelle était le seul moyen de déterminer définitivement si le département avait correctement agi.

f. Le 26 mars 2024, le département a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Il était faux de soutenir que la qualité pour agir était acquise aux abonnés au seul motif qu'elle avait été admise pour des spectateurs dans le cadre d'un contrôle abstrait du CMVMS. Le recours était dirigé contre la décision d'autorisation du match qui s'était tenu le 17 décembre 2023. Cette décision avait été prise dans le respect des principes de droit administratif, soit notamment après avoir entendu l'organisateur qui, au demeurant, s'était engagé à respecter les mesures préconisées par les autorités, avant même la notification formelle de la décision.

Il existait dès lors une relation de droit administratif entre l'organisateur et l'État. Les obligations étaient des conditions à l'autorisation mises à la charge de l'organisateur. Les acheteurs de billets ou les abonnés n'avaient aucune relation directe avec l'État. Ils l'avaient avec l'organisateur qui leur avait vendu les billets dans une relation contractuelle de droit privé. Reconnaître aux abonnés le droit de recourir reviendrait à leur reconnaître la qualité de partie et de considérer que leur situation était comparable à celle d'un organisateur. Les obligations liées à l'autorisation du match du 17 décembre 2023 avaient été faites directement à l'organisateur et ne touchaient les spectateurs qu'indirectement, par ricochet.

L'autorisation du match avait été valablement notifiée au Z______ qui ne l'avait pas contestée. Les abonnés ayant pris connaissance des éléments essentiels de l'autorisation délivrée le 14 décembre 2023 pour le match qui s'était tenu le 17 décembre 2023, notamment via les communiqués et les articles de presse, ils avaient agi dans le délai légal. Ils n'avaient donc subi aucun préjudice lié à cette irrégularité.

Les autorisations délivrées en vertu du CMVMS pouvaient être assorties d'obligations visant à la mise en place de mesures préventives plus ou moins étendues en fonction du risque identifié. Il ne s'agissait pas de sanctions punitives. L'art. 3A al. 2 CMVMS avait un niveau normatif suffisant pour constituer la base légale de restrictions des droits fondamentaux.

Considérant l'objectif qui était d'empêcher les comportements violents et de préserver la sécurité et l'ordre publics, la fermeture partielle de tribune était implicitement possible. L'autorisation assortie d'obligations pour le match du 17 décembre 2023 s'inscrivait dans le cadre fixé par la loi. L'appréciation de la mesure adéquate et proportionnée s'était faite à l'aune des événements violents qui avaient eu lieu quelques jours auparavant, le 9 décembre 2023, où les dégâts matériels étaient importants et un policier avait été blessé. Les tribunes concernées par la fermeture étaient uniquement celles des supporters ultra de l'équipe du Z______, soit ceux susceptibles de reproduire les précédents débordements et d'utiliser des engins pyrotechniques.

Au vu de la situation et des délais à disposition pour apprécier les mesures sécuritaires préventives à prendre, les obligations imposées à l'organisateur pour le match du 17 décembre 2023 étaient proportionnelles.

g. Dans leur réplique du 18 avril 2024, les recourants ont fait valoir que soutenir que la décision litigieuse ne les toucherait que de façon indirecte, par ricochet, était constitutif d'un abus de droit.

Comme les autorités n'arrivaient pas à déterminer qui étaient les fauteurs de trouble, elles élargissaient de façon illégale, arbitraire et non proportionnée la cible, en restreignant les droits d'un grand nombre de personnes qui n'avaient rien à se reprocher. Cette majorité de spectateurs innocents étaient donc touchés directement, en ce sens qu'ils étaient visés par les décisions entreprises, même si ces dernières n'arrivaient à cette fin que par des moyens indirects et détournés.

Les recourants avaient prouvé que la décision litigieuse avait une vocation punitive, ce que l'autorité intimée avait reconnu dans sa réponse du 12 février 2024. Le département ne pouvait pas « changer son fusil d'épaule » et se cacher derrière une interprétation du CMVMS par le Tribunal fédéral.

La vente de billets avait été interdite non seulement dans la tribune Nord du stade AC______ mais aussi dans tout le reste du stade, de sorte que les spectateurs n'ayant pas encore pris de billets lorsque la décision avait été rendue, s'étaient retrouvés dans l'impossibilité d'en acheter, même pour les autres tribunes. De plus, seules les sections I et J de la tribune Nord étaient celles des « ultras ». Le département avait donc empêché, en fermant toute la tribune Nord, plusieurs milliers de personnes innocentes d'exercer leur liberté de venir voir le match du 17 décembre 2023.

Le rapport de la CCDJP du 2 février 2012 concernant la modification du concordat instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives du 2 février 2012 indiquait qu'une fermeture constituait une sanction. Le département avait en outre interprété largement l'art. 3A al. 2 CMVMS en n'interdisant pas seulement la vente de billets, mais aussi en fermant toute la tribune Nord. Or, la fermeture de tribunes n'était pas mentionnée dans les nombreux exemples cités dans le rapport précité. La base légale faisait donc défaut, car une telle restriction des droits fondamentaux ne saurait être fondée sur la norme largement insuffisamment détaillée qu'était l'art. 3A al. 2 CMVMS.

h. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office sa compétence qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 2 cum art. 1 al. 2 et art. 6 al. 1 let. c LPA ; ATA/480/2024 du 16 avril 2024 consid. 2).

Celle-ci est réglée par l’art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) selon lequel la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

1.1 Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières (art. 132 al. 6 LOJ).

1.2 Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : a) de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ; b) de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits ; c) de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.

1.3 L'art. 3A CMVMS précise que les matchs de football et de hockey sur glace avec participation des clubs de la division respectivement la plus élevée des hommes sont soumis à autorisation. Les matchs des clubs de ligues inférieures ou d'autres types de sports peuvent être soumis à autorisation s'il y a lieu de craindre un risque pour la sécurité publique aux abords du match (al. 1). Pour éviter tout comportement violent au sens de l'art. 2 CMVMS, les autorités compétentes peuvent assortir l'autorisation de certaines obligations. Il peut s'agir, notamment, de mesures architectoniques et techniques, du recours par l'organisateur de la manifestation à certaines ressources en termes de personnel ou autre, de règles pour la vente des billets, la vente de boissons alcooliques ou le traitement des contrôles d'accès. Les autorités peuvent notamment définir comment doivent s'organiser les arrivées et les départs des supporters de l'équipe visiteuse et sous quelles conditions leur accès aux stades ou salles de sport peut être autorisé (al. 2). L'autorité peut ordonner que les spectatrices et spectateurs doivent présenter des pièces d'identité pour monter dans des transports organisés de supporters ou pour accéder aux stades ou aux salles de sports, et que l'on s'assure par une comparaison avec le système d'information HOOGAN qu'aucune personne frappée d'une interdiction de stade valide ou de mesure au sens du présent concordat n'est admise (al. 3). La violation d'obligations peut entraîner des mesures adéquates, notamment le retrait de l'autorisation, son refus pour des matchs ultérieurs ou l'octroi ultérieur d'une autorisation assorti de conditions supplémentaires. Le destinataire de l'autorisation peut se voir exiger une indemnisation pour des dommages dus à une violation d'obligations (al. 4).

Les cantons désignent les autorités compétentes pour accorder les autorisations visées à l’art. 3A al. 1 CMVMS, et pour ordonner les mesures visées aux art. 3A al. 2 à 4, 3B et 4 à 9 CMVMS (art. 13 al. 1 CMVMS).

Selon l'art. 1 du règlement d'application du concordat instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives du 13 janvier 2010 (R-CMVMS - F 3 18.02), le département chargé de la police est compétent pour définir le périmètre des zones sujettes à interdiction (art. 4 al. 1 CMVMS) (al. 1). Le commissaire de police est compétent pour délivrer les autorisations (art. 3A CMVMS), habiliter des entreprises de sécurité privées mandatées par l'organisateur à procéder à la fouille de spectateurs (art. 3B CMVMS), prononcer l'interdiction de périmètre (art. 4 et 5 CMVMS), prononcer l'obligation de se présenter à la police (art. 6 et 7 CMVMS), prononcer la garde à vue (art. 8 et 9 CMVMS), recommander aux organisateurs de manifestations sportives de prononcer une interdiction de stade (art. 10 CMVMS) (al. 2 let. a à f).

1.4 L'art. 2 R-CMVMS prévoit que la décision du commissaire de police prononçant l'interdiction de périmètre ou l'obligation de se présenter à la police peut faire l'objet d'un recours au département (al. 1). La décision du département peut faire l'objet d'un recours à la chambre administrative (al. 2). La décision du commissaire de police délivrant ou refusant l'autorisation, habilitant une entreprise de sécurité privée à procéder à la fouille de spectateurs ou prononçant la garde à vue peut faire l'objet d'un recours à la chambre administrative (al. 3). Le recours au département ou à la chambre administrative n'a pas d'effet suspensif, sauf décision contraire de l'autorité de recours (art. 12 CMVMS) (al. 4). La LPA est applicable pour le surplus (al. 5).

1.5 En l'espèce, même si l'intimé n'a pas produit les autorisations portant sur les matchs opposant Z______ au AG______ du 17 décembre 2023 et Z______ au AE______ du 10 mars 2024, il apparaît des dispositions légales précitées que les matchs de football du Z______ sont soumis à autorisation (art. 3A al. 1 1ère phr. CMVMS) délivrée par le commissaire de police (art. 1 al. 2 let. a R-CMVMS).

Cette autorisation constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA, puisqu'elle permet à son bénéficiaire, d'exercer une activité qui, sans cette décision, serait interdite. Le régime de l'autorisation est en effet commandé, en l'espèce, par des motifs tenant à la sauvegarde de l'ordre public, soit d'empêcher les comportements violents au sens du CMVMS pour détecter précocement et combattre la violence lors de manifestations sportives (art. 1 CMVMS).

Comme l'indique l'art. 2 al. 3 et 5 R-CMVMS, la décision délivrant l'autorisation peut faire l'objet d'un recours à la chambre de céans et la LPA s'applique.

Vu le sort du recours, la question du respect du délai peut souffrir de rester indécise.

2.             L'intimé soutient que le recours devrait être déclaré irrecevable au motif que les recourants ne bénéficient pas de la qualité pour recourir.

2.1 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité).

2.2 Le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2).

Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_536/2021 consid. 1 ; ATA/303/2023 du 23 mars 2023 consid. 2a). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Tel est le cas notamment si le recours vise les motifs de la décision et que, même admis, il n'y aurait pas lieu d'en modifier le dispositif (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1067/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2 ; ATA/346/2023 du 4 avril 2023 consid. 3a).

2.3 Cet intérêt doit encore être direct. Selon la jurisprudence, un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4).

Le recourant doit démontrer que sa situation factuelle ou juridique peut être avantageusement influencée par l’issue du recours (ATA/14/2022 du 11 févier 2022 consid. 5c). Tel n’est pas le cas de celui qui n’est atteint que de manière indirecte, médiate ou encore « par ricochet » (ATF 135 I 43 consid. 1.4 ; 133 V 239 consid. 6.2 ; ATA/1821/2019 du 17 décembre 2019). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_446/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.3 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1 ; ATA/898/2023 du 22 août 2023 consid. 2.1 ; ATA/868/2022 du 30 août 2022 consid. 4c).

D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers désire recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ni leur impose des obligations (François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative, in : Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 43 ss).

2.4 La doctrine cite plusieurs exemples concernant la question de l'intérêt digne de protection. Par exemple, n'a pas la qualité pour agir l'actionnaire unique en cas de décision concernant une société anonyme ou l'ayant droit économique pour une décision visant une fondation du Liechtenstein (ATF 131 II 306 ; 125 II 65). N'a pas non plus la qualité pour agir l'employeur en cas de décision refusant une rente d'invalidité (ATF 130 V 560), le locataire contre une autorisation de vente de son appartement selon la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41 ; ATF 131 II 649) ou le fonds de garantie LPP contre une décision relative à une caisse de pension susceptible d'augmenter la probabilité de son intervention ultérieure (ATF 135 V 382).

Le Tribunal fédéral avait d'abord considéré que le client d'un avocat à qui l'autorité avait fait interdiction de défendre ledit client n'était touché qu'indirectement par cette « sanction » et n'avait donc pas la qualité pour recourir contre celle-ci (ATF 135 II 145), avant d'admettre qu'il était directement touché par la mesure qui l'empêchait d'être représenté par l'avocat en cause (ATF 138 II 162). Si la simple appartenance à une autorité ne donne pas par elle-même la qualité pour recourir contre toute décision concernant cette autorité, le Tribunal fédéral a admis, de manière très généreuse, que des membres titulaires d'un parlement cantonal étaient touchés directement dans l'exercice de leur charge par l'octroi du droit d'initiative parlementaire aux députés suppléants (ATF 144 I 43). Dans un arrêt isolé (ATF 131 II 587), le Tribunal fédéral a semblé admettre qu'une atteinte même indirecte touchant un tiers plus que n'importe qui d'autre pouvait en principe ouvrir la qualité pour agir ; il a toutefois dans le cas d’espèce finalement dénié la qualité pour agir sous l'angle du « rapport spécial avec l'objet du litige » (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 457-458 n. 1363).

2.5 Le Tribunal fédéral a été amené à statuer sur deux recours déposés à l'encontre de l'adhésion des cantons de Lucerne et d'Argovie au CMVMS dans sa teneur au 2 février 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2013/1C_684/2013 du 7 janvier 2014 publié en partie aux ATF 140 I 2 = JdT 2014 I 167).

Au regard de l'art. 89 al. 1 let. b et c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il a retenu que les recourants étaient touchés, du moins virtuellement, par les dispositions du concordat modifié, dans la mesure où, selon leurs dires, ils étaient des spectateurs occasionnels à réguliers de matchs de football des plus hautes divisions. Les dispositions du concordat étaient donc susceptibles de restreindre leurs libertés. Ils disposaient ainsi d'un intérêt digne de protection à la modification ou à l'abrogation des dispositions contestées. Le fait de ne pas habiter dans l'un des deux cantons dont l'adhésion au concordat modifié était contestée ne changeait rien à la qualité pour recourir des intéressés. Les mesures figurant dans le concordat pouvaient être prises à l'encontre de tous les spectateurs des manifestations sportives concernées, indépendamment de leur lieu de résidence, si les conditions étaient remplies. Les recourants étaient donc en principe virtuellement touchés par les décisions parlementaires attaquées (consid. 2.3).

2.6 Le Tribunal fédéral a également précisé que selon l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF – dispositions correspondant à celles de l'art. 60 al. 1 let. b LPA –, lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif cantonal, la qualité pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées. Il n'est pas nécessaire que l'intérêt digne de protection soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 147 I 136 consid. 1.3 ; 145 l 26 consid. 1.2 ; 144 I 43 consid. 2.1 ; 142 V 395 consid. 2).

2.7 En l'espèce, les recourants sont tous au bénéfice d'un abonnement en tribune Nord du stade AC______, stade où se jouent les matchs à domicile du Z______. Compte tenu des éléments ressortant du communiqué de presse du 12 décembre 2023, à savoir la fermeture de la tribune Nord lors la rencontre opposant Z______ au AG______ le dimanche 17 décembre 2023, les recourants n'ont pas pu accéder à leur place réservée pour ce match. Le huis-clos avait de plus été prononcé pour le prochain match opposant Z______ au AE______.

Les intéressés ne sont toutefois pas destinataires de l'autorisation, au sens de l'art. 3A CMVMS, délivrée au Z______. Par ailleurs, aucune disposition du CMVMS ou de son règlement ne prévoit de droit personnel des supporters à contester les obligations, charges ou mesures contenues dans une telle autorisation, qui sont imposées à l’organisateur de la manifestation sportive.

Ainsi, s’il est exact que les charges « obligations » figurant dans l'autorisation délivrée au club peuvent avoir des effets sur l'usage que les recourants peuvent faire de leur abonnement, ceux-ci ne sont atteints que de manière indirecte par l'autorisation litigieuse, dont les mesures figurent dans le communiqué de presse du 12 décembre 2023.

Cette approche est renforcée par le fait que le CMVMS a pour but de dépister et combattre rapidement les violences lors des manifestations sportives (art. 1 CMVMS). Les mesures, charges ou obligations figurant dans l’autorisation délivrée tendent à la protection de la sécurité publique contre les violences les plus diverses. L'objet de la contestation poursuit donc un but de sécurité publique visant à protéger non seulement les participants à la manifestation sportive mais aussi les spectateurs et l'ensemble de la population. L’autorisation délivrée dans ce cadre vise ainsi spécifiquement l'organisateur de la manifestation sportive, qui doit prendre les mesures décidées par le commissaire de police. En tant que les recourants invoquent une atteinte à leur liberté personnelle et de réunion, il convient de relever que celle‑ci est préservée. En effet, la fermeture de la tribune Nord ne les empêche pas d’assister au match en achetant un billet pour une place dans une autre tribune. L’éventuel préjudice financier qui résulte du fait qu’ils ne peuvent pas utiliser leur abonnement acheté auprès de l'organisateur de la manifestation sportive, soit Z______, ne suffit pas à créer un rapport suffisamment étroit et direct avec la décision étatique imposant la condition litigieuse au club sportif. En outre, les intérêts économiques des recourants sont protégés par les règles de loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) en matière d'inexécution des obligations et par les règles sur la responsabilité de tiers pour les éventuels dommages financiers. La CVMNS ne vise nullement à protéger lesdits intérêts, ce que les recourants ne soutiennent d’ailleurs pas.

Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que la qualité de partie ne doit pas être élargie à tel point que l'activité de l'administration serait rendue plus difficile, et ce de manière extraordinaire, ce qui serait le cas si l'intérêt digne de protection des spectateurs ou des abonnés devait être retenu. En effet, tout spectateur éventuel ou abonné serait en droit de prendre connaissance des pièces du dossier, de faire administrer des preuves sur des faits importants pour l'autorisation envisagée, de participer à l'administration de l'ensemble des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 144 I 11 ; 143 V 71 ; 142 II 218 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 519 n. 1528). Indubitablement, l'autorité administrative, laquelle doit mettre en œuvre le CMVMS, devrait préalablement interagir avec lesdits supporters sans savoir d'ailleurs leur nombre – qui pourrait être important –, ni leur identité, ce qui empêcherait l'administration d’agir. Cela irait également à l'encontre de la célérité commandée de réagir aux divers débordements violents qui, comme en l'espèce, imposaient des mesures préventives rapides.

Enfin, l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2013, 1C_684/2013 du 7 janvier 2014 publié en partie aux ATF 140 I 2 n'est d'aucun secours aux recourants. En effet, il s'agissait d'un recours dirigé contre un acte normatif, de sorte qu'une simple atteinte virtuelle suffisait. De plus, un simple intérêt de fait était suffisant pour retenir l'intérêt digne de protection. Or, pour les raisons développées ci-dessus, les recourants ne peuvent se voir reconnaître un intérêt digne de protection.

En outre, comme cela ressort du communiqué officiel du Z______ du 12 décembre 2023, le club précise bien « […] nous souhaitons agir de manière responsable et appliquer les deux mesures immédiates préconisées par les autorités dans leur texte, à savoir pour la rencontre Z______ – Lugano du 17 décembre : La fermeture de la Tribune Nord […] ». Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral rappelle que l'interdiction de stade est une mesure de droit privé, prise dans le cadre de la liberté contractuelle par l'exploitant d'un stade à l'encontre d'un spectateur (consid. 11.2.2).

Dans le cas d'espèce, selon son communiqué, le club a pris la décision d'interdire l'accès au stade à tous les spectateurs qui bénéficient d'une place en tribune Nord. Le litige est donc uniquement de droit privé, comme expliqué plus haut. Le fait que le club ait pris cette décision à la suite de l’autorisation qui lui imposait certaines conditions, dont la fermeture de la tribune Nord, ne modifie pas la nature de droit privé régissant les relations entre le club et ses supporters.

Enfin, le match du 10 mars 2024 n'ayant finalement pas été frappé d'un huis-clos, il ne fait par conséquent plus partie de l'objet du litige.

Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence et à la doctrine précitées, les recourants n’ont pas qualité pour recourir, ne remplissant pas la condition d’être spécialement ou particulièrement atteints par les mesures figurant dans le communiqué de presse du 12 décembre 2023.

3.             Les recourants invoquent la nullité de la décision dont les éléments sont détaillés dans le communiqué de presse du 12 décembre 2023 aux motifs que l'autorisation devait être publiée et qu'ils n'avaient pas pu être informés en détail sur les accusations dont ils faisaient l'objet.

3.1 La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 139 II 243 consid. 11.2 ; 130 II 249 consid. 2.4).

Selon la jurisprudence et la doctrine, si la condition de la qualité pour agir n’est pas remplie, le tribunal doit simplement déclarer le recours irrecevable ; il n’a aucune compétence pour constater l’éventuelle nullité de la décision (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 325 n° 922 in fine ; ATA/988/2016 du 22 novembre 2016 consid. 7).

3.2 En l'occurrence, dans la mesure où, comme vu ci-dessus, les recourants ne disposent pas de la qualité pour recourir, la chambre de céans n’a pas la compétence de constater la nullité de l’autorisation sportive dont les éléments ressortent du communiqué de presse du 12 décembre 2013. Pour le surplus, aucun indice ne permet de conclure à la nullité de cette décision.

Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 29 janvier 2024 par A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ et Y______ contre la décision ressortant du communiqué de presse du 12 décembre 2023 du département des institutions et du numérique ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ et Y______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian VAN GESSEL, avocat des recourants, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

 

la greffière-juriste :

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :