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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4176/2020

ATA/346/2023 du 04.04.2023 sur JTAPI/1002/2022 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.05.2023, rendu le 11.03.2024, REJETE, 1C_235/2023
Descripteurs : CHANGEMENT D'AFFECTATION;LOGEMENT;AFFECTATION;HÔTEL
Normes : LDTR.3; LCI.1.al7; LCI.129; LCI.130
Résumé : Rejet d’un recours contre une décision de rétablir une situation conforme au droit et d’interdiction d’exploitation concernant un changement d’affectation de logements en résidences meublées. Fondé sur les nombreuses photographies prises lors de deux visites des lieux, relevant des indices qui indiquent sans ambiguïté qu’un service est offert lequel dépasse largement celui d’un simple nettoyage des locaux, lequel est d’ailleurs admis deux fois par semaine. A cela s’ajoute notamment que les contrats sont rédigés en anglais et que les conditions générales contiennent des éléments qui ne correspondent pas à ceux d’un contrat usuel de bail mais bien plus à ceux d’une réservation de type hôtelière ; la durée des séjours inférieure ou égale à trente-et-un jours ; le prix de location, donné par nuitée et les modalités de paiement ne sont pas celles d’un loyer. Au vu des circonstances il appert que le changement d’affectation a été effectué sans autorisation en violation de la LDTR. La mesure s’avère conforme au droit.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4176/2020-LDTR ATA/346/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 avril 2023

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Sidonie Morvan, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2022 (JTAPI/1002/2022 et JTAPI/1003/2022)


EN FAIT

 

1) M. A______ est propriétaire de la parcelle no 6'153 de B______, sur laquelle est érigé un immeuble destiné à l’habitation et à des activités, en zone 1, à l’adresse ______, rue C______.

D______ Sàrl (ci-après : D______ Sàrl) est inscrite au registre du commerce genevois depuis le 3 juin 2009, suite à la radiation de E______ Sàrl (ci‑après : E______ Sàrl) et a pour but d’offrir à sa clientèle des services divers, principalement liés à la mise à disposition de biens immobiliers en Suisse pour des périodes à durée variable. M. A______ en est l’associé unique sans signature. Mme F______, fille de M. A______, en est la gérante présidente et M. F______, son époux, en est le gérant, tous deux possédant la signature individuelle.

2) Le 12 octobre 2017, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) du département du territoire, se référant à une séance du 18 septembre 2017 ainsi qu`à des échanges de courriels, a informé M. A______ que l’affectation des locaux sis au 1er étage et occupés comme bureaux par E______ Sàrl avait été autorisée le 21 juin 2001 par l’APA 1______. Il était pris acte des déclarations de M. A______ selon lesquelles les appartements 1C, 2A et 2C étaient loués comme logements meublés au moyen de baux d’habitation classiques soumis aux règles ordinaires du droit du bail et non comme des résidences meublées, E______ Sàrl étant l’intermédiaire chargée de la plateforme de mise à disposition de ceux-ci. Une éventuelle exploitation de ces logements comme résidences meublées sans l’accord du département exposerait M. A______ aux mesures et sanctions prévues par la loi. La destination commerciale originelle des locaux 3A et 3B situés au 3ème étage et de ceux situés au 4ème étage n’était pas contestée, faute d’éléments permettant d’établir le contraire. Une demande de régularisation devrait être déposée pour les travaux effectués sans autorisation dans ceux-ci.

3) Le 6 octobre 2019, faisant suite à une demande de renseignements, M. A______ a notamment transmis à l’OCLPF les plans relatifs à la DD 2______ et les contrats de bail et avis de majoration des loyers pour les appartements 1C, 2A, 2B et 5C soumis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). L’appartement 2D, toujours en travaux, ne faisait l’objet d’aucun bail. Il n’y avait aucun contrat de sous-location.

Un état locatif de l’immeuble établi le 4 octobre 2019 par la régie G______ SA était également produit. À teneur de ce document, l’immeuble se composait de :

- trois arcades : 1, 2, 3 (rez-de-chaussée) ;

- dix locaux commerciaux : C1, C2, C3, C4, C5 (rez-de-chaussée), T12 et T13 (3ème étage) et T16, T17 et T18 (4ème étage), pour lesquels D______ Sàrl était indiqué comme locataire ;

- un bureau : SQ (1er étage), dont D______ Sàrl était locataire ;

- six appartements ; T6 (1er étage), T10 (2ème étage) et T21, T22, T24 et T25 (5ème étage), pour lesquels la rubrique « Locataire » précisait qu’ils étaient gérés par D______ Sàrl ;

- sept appartements ; T7 (1er étage) loué par Mme H______, T8 (2ème étage) loué par M. I______, T9 (2ème étage) loué par J______ SA, T11 (2ème étage) vacant, T14 (3ème étage) vacant, T19 (4ème étage) loué par Mme K______ et T23 (5ème étage) loué par M. L______ et Mme M______.

4) Le 28 octobre 2019, l’OCLPF a requis de M. A______ des explications s’agissant des appartements T6 (anciennement 1C, composé de trois pièces au 1er étage), T7, T8, T10 (anciennement 2C, composé de trois pièces au 2ème étage), T19, T21 (composé de quatre pièces au 5ème étage), T22 (composé de deux pièces au 5ème étage), T23, T24 (composé de trois pièces au 5ème étage) et T25 (composé de quatre pièces et demi au 5ème étage). La liste des locataires avec les justificatifs idoines était requise. S’agissant du 5ème étage, l’état locatif s’écartait des plans autorisés, quant au nombre de pièces notamment, et leur affectation au logement n’apparaissait pas claire.

5) Le 3 décembre 2019, M. A______ a répondu que le plan du 5ème étage faisait apparaître quatre appartements alors que l’état locatif en mentionnait cinq, en raison du fait que l’un de ces quatre appartements, qui comportait une porte de séparation, pouvait être divisé en deux unités distinctes à la location (T21 et T22). Les appartements T6, T8 et T10 étaient des logements meublés soumis aux règles ordinaires du droit du bail, tandis que les locaux sis aux 3ème et 4ème étages étaient des locaux commerciaux.

Étaient notamment joints :

- Les plans du 5ème étage et des contrats de bail à loyer rédigés en français et accompagnés d’un avis de fixation de loyer, pour les appartements T7, T8, T19 et T23, qui n’étaient ni loués ni gérés par D______ Sàrl ;

- Des « Residential lease Agreement for a furnished apartment » (ci-après : agreement ou contrat), rédigés en anglais, relatifs aux logements T6, T10, T21, T22 et T25, gérés par D______ Sàrl. Ces agreement, d’une page chacun, qui n’étaient pas accompagnés d’un avis de fixation de loyer, étaient conclus entre un « Tenant » et un « Landlord », soit E______ Sàrl représentant M. A______. Étaient mentionnés les dates de « Start » et de « End of lease » ainsi que la « rental period », indiquée en nombre de nuitées, tout comme le paiement, qui s’entendait par nuit. Ces durées de location étaient variables, allant de sept à trois-cent soixante-cinq nuits, tout comme le tarif par nuitée. Ainsi, parmi plus d’une trentaine d’agreements produits, vingt‑et‑un d’entre eux prévoyaient une durée de séjour inférieure ou égale à trente‑et-un jours. Le prix par nuitée quant à lui oscillait, pour un studio, entre CHF 156.- et CHF 288.-, pour un logement d’une pièce, entre CHF 320.- et CHF 400.- et pour un logement de deux pièces, entre CHF 417.- et CHF 713.-. L’unique agreement produit relatif à un logement d’une pièce « Deluxe » faisait état d’un montant de CHF 362.- par nuitée. La rubrique « Term of the contract » précisait les modalités de paiement, qui consistaient, dans la majorité des cas, en un virement bancaire dix jours avant l’arrivée, au paiement d’un acompte par avance ou en un paiement lors de l’arrivée. Dans l’un de ces contrats, qui portait l’en-tête de D______ Sàrl, la rubrique « Term of the contract » précisait que « The full stay must be paid via credit card at the time of reservation ». Plusieurs de ces contrats n’étaient pas signés par le « Tenant ». La rubrique « Tenant address » faisait état, dans plusieurs cas, d’une adresse à l’étranger.

Ces contrats étaient accompagnés d’un document en anglais intitulé « E______ General Terms and Conditions », à teneur duquel notamment : « The monthly total includes rent and the following charges : heating, hot water, electricity, TV and internet and cleaning twice a week » (art. 1) ; « The tenant can terminate the present agreement at any stage, in writing, with the following notice periods : for stays of over a month, he must provide one month’s notice. For stays of less than a month, he must provide 2 weeks notice. The tenant shall have the option to extend his stay, upon availability of the apartment and acceptance of the landlord. The parties will sign a new agreement » (art. 2) ; « Check in is at 11am. Check out is at 4pm. […] If the tenant does not vacate the apartment at the end of the lease, he will be liable for compensation for illegal occupancy corresponding to the amount of the rent agreed in Article 1 above, plus 30 % due to expenses related to the breach of the lease agreement » (art. 5). « Any dispute arising from the interpretation and/or execution of this contract falls within the exclusive jurisdiction of the Tribunal des baux et loyers in the Canton of Geneva » (art. 9).

6) Le 17 février 2020, l’OCLPF a informé M. A______ de l’ouverture d’une procédure I-3______, afin de déterminer si la situation de son immeuble était conforme au droit, au regard d’un éventuel changement d’affectation des logements sans autorisation.

Un transport sur place était ordonné. La production de plusieurs documents, notamment des plans conformes à l’exécution de la DD 2______ datés et signés et la traduction en français des contrats produits et des contrats de service fournis aux occupants de l’immeuble par D______ Sàrl, était requise d’ici au 9 mars 2020, faute de quoi, il serait statué en l’état du dossier.

7) Le 9 mars 2020, M. A______ a précisé à l’OCLPF que les contrats relatifs aux appartements T6, T21, T22 et T25 étaient en anglais, selon le choix des parties. Même si le loyer y était présenté par nuitée, ils étaient mis à disposition pour des durées variables. Il s’agissait de baux d’habitation sans mise à disposition de services par D______ Sàrl. Était jointe une traduction libre en français du canevas des agreements.

8) Un rapport de visite – accompagné de photographies – relatif au transport sur place du 15 juin 2020 effectué dans les logements T6 (1C), T10 (2C), T21 (5A) et T22 (5B) a été établi le 12 octobre 2020 par Mme N______, architecte LDTR à l’OCLPF. Étaient notamment également présents le conseil et l’architecte de M. A______ et Mme F______. Le constat relatif à chacun de ces appartements précisait que les meubles avaient été choisis par les locataires qui n’avaient pas de lien fort avec ceux-ci. La rubrique « description » indiquait que les murs étaient impersonnels, les rideaux étaient gris, le lit était fait par un professionnel, les serviettes blanches étaient distribuées par un service professionnel, les meubles étaient neutres, le savon était de la marque O______ et aucun nom ne figurait sur la porte. Six des boîtes aux lettres de l’immeuble n’indiquaient aucun nom. Un chariot de nettoyage professionnel P______, avec rechange de linges blancs et approvisionnement en papier hygiénique, shampoing et savon O______, ainsi qu’un sac rempli de linge sale des appartements se trouvaient sur le palier.

9) Par courriel du 16 juin 2020, l’OCLPF a sollicité auprès de M. A______ la transmission des plans, datés et signés, des appartements T24 et T25.

10) Un second transport sur place a eu lieu le 1er juillet 2020, en présence notamment du conseil et de l’architecte de M. A______ et de Mme F______, dans les appartements T23 (5C), T24 (5D) et T25 (5E). À teneur du rapport de visite – accompagné de photographies – rédigé le 8 octobre 2020 par Mme N______, ces logements étaient liés à la DD 2______. T23 et T24 ne faisaient pas l’objet de plans autorisés. Les mêmes remarques que celles figurant dans le rapport de visite du 15 juin 2020 en lien avec l’absence de noms sur les portes et les meubles étaient indiquées, avec la précision, pour l’appartement T23, de la présence de plantes vertes et du fait qu’il était « un peu plus personnalisé que les autres appartements (linge de couleur) ».

11) Par décision du 1er décembre 2020 déclarée exécutoire nonobstant recours en ce qu’elle portait sur l’interdiction d’exploiter, le département a ordonné à M. A______ de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours en procédant à :

- la remise en location ordinaire des appartements T6, T10 et T25 et à la production, dans le même délai, de tous justificatifs y relatifs, notamment les nouveaux contrats de bail à loyer et les avis de fixation de loyer initial ;

- la dépose d'une requête en autorisation de construire complémentaire à la DD 2______ afin de régulariser les modifications typologiques effectuées sans autorisation dans les appartements T21, T22, T23 et T24.

L'interdiction d'exploiter les résidences meublées T6, T10, T21, T22, T24 et T25 était ordonnée, avec effet immédiat et jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit. La sanction administrative portant sur les changements d'affectation sans autorisation et les modifications typologiques réalisées sans droit ferait l'objet d'une décision séparée à l'issue du traitement du dossier I-6631 et demeurait réservée. A défaut d'exécution immédiate de l'interdiction d'exploiter, le précité s’exposait à de nouvelles mesures et/ou sanctions.

Les appartements T6 (2 pièces au 1er étage), T10 (2 pièces au 2ème étage) et T25 (3 pièces au 5ème étage) avaient fait l'objet d'un changement d'affectation de logements en résidences meublées sans autorisation. L'appartement T23 (actuellement constitué de 4 pièces au 5ème étage) avait fait l'objet de modification typologique non conforme à la DD 2______. Enfin, les appartements T21 (actuellement constitué d'un 4 pièces), T22 (actuellement constitué d'un 2 pièces) et T24 (actuellement constitué d'un 5 pièces) situés au 5ème étage avaient fait l'objet d'un changement d'affectation de logement en résidence meublée sans autorisation et de modifications typologiques non conformes à la DD 2______.

12) Par courriel du 7 décembre 2020, M. A______ a sollicité auprès du département la mise à disposition du dossier relatif à la procédure d’infraction I‑3______, les 8 ou 9 décembre 2020 si possible.

13) Le DT a informé le précité, par courriel du même jour, de la transmission de cette requête au service concerné et de la fixation d’un rendez-vous dès réception du dossier.

14) Le 7 décembre 2020, M. A______ a déposé une requête urgente en restitution de l’effet suspensif devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) suite à la décision du département du 1er décembre 2020, laquelle a été enregistrée sous le n° de cause A/4176/2020.

Cette requête a été déclarée irrecevable, par jugement du 8 décembre 2020 (JTAPI/1082/2020).

15) Par acte du 11 décembre 2020, enregistré sous le n° A/4176/2020, M. A______ a formé recours devant le TAPI contre la décision du département du 1er décembre 2020, concluant, préalablement, par le biais de mesures super‑provisionnelles puis de mesures provisionnelles, à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement, à ce que l’apport du dossier complet d’infraction I-3______ soit ordonné, à l’octroi d’un délai pour compléter ses écritures, et au constat de la nullité de la décision précitée, subsidiairement à son annulation. Sa comparution personnelle et l’audition de Mme F______ et de M. Q______ étaient requises.

Une violation irréparable de son droit d'être entendu était à déplorer. Aucun procès-verbal ni compte-rendu ne lui avait été transmis suite aux transports sur place effectués. N’ayant pas davantage été informé que l’instruction était terminée après près d’un an et demi d’enquêtes, il n’avait pas pu se déterminer sur le résultat de l’administration des preuves fondant la décision attaquée avant son prononcé. En outre, cette dernière émanait de l’office des autorisations de construire (ci‑après : OAC) du département, alors que toute l’instruction avait été menée par l’OCLPF et qu’il n’avait pas été avisé de la transmission de son cas à un autre service. Il n’avait pas pu prendre connaissance du dossier d’infraction dans le délai de recours, celui-ci n’ayant pas été mis à sa disposition. Enfin, la décision contestée ne comportait aucune motivation.

Elle violait également les art. 7 et 3 al. 3 et 44 LDTR. Il n’avait procédé à aucun changement d’affectation et contestait exploiter des résidences meublées. Il avait au contraire démontré, au vu des nombreux documents précédemment produits, qu’il louait de manière ordinaire des logements meublés pour des durées variables.

Il n’était pas en mesure de se déterminer sur l’allégation de modifications typologiques non conformes à la DD 2______ des appartements nos T21, T22, T23 et T25, faute d’identification desdites modifications.

Eu égard à l’absence de violation de la LDTR, c’était à tort que l’autorité intimée avait pris des mesures à son encontre. Une violation du principe de la proportionnalité était également à déplorer. Enfin, rien ne justifiait la violation de son droit à la garantie de la propriété. L’intérêt général visé par la LDTR, soit la préservation de l’habitat, n’était pas impacté par la location ordinaire d’appartements meublés.

16) Par décision sur mesures super-provisionnelles du 14 décembre 2020 (DITAI/509/2020), le TAPI a restitué l'effet suspensif au recours.

Cette restitution a été confirmée, par décision sur mesures provisionnelles du 7 janvier 2021 (DITAI/8/2021).

17) Par courriel du 5 janvier 2021, M. A______ a relancé le département, dont il était sans nouvelles s’agissant de sa demande de consultation du dossier, en sollicitant un rendez-vous la semaine du 11 janvier 2021. Le même jour, le département l’a informé de la transmission de sa requête au service compétent. Le dossier serait disponible durant la semaine souhaitée et les modalités de consultation lui seraient communiquées ultérieurement.

Par courriel du 13 janvier 2021, M. A______ a à nouveau prié le département, dont il était sans nouvelles, de lui indiquer d’ici la fin de la semaine les modalités de consultation. Le 3 février 2021, M. A______ a sollicité auprès du DT, sous la plume de son conseil, la mise à disposition du dossier le 9 février 2021, étant précisé qu’à défaut de suite, une violation de son droit d’être entendu serait à déplorer.

18) Dans ses observations du 9 février 2021, le département a conclu au rejet du recours.

19) a. M. A______ a consulté le dossier le 11 février 2021 et le 23 février 2021. Il a sollicité du département des explications quant au fait que le dossier ne contenait aucun rapport relatif aux prétendues infractions mentionnées dans la décision du 1er décembre 2020, censées devoir être régularisées par le dépôt d’une requête en autorisation de construire complémentaire.

b. Par courriel du 11 mars 2021, le chef du service de l’inspection de la construction et des chantiers a indiqué au conseil de l’intéressé ne pas comprendre cette requête. À titre informatif, il existait bien un rapport effectué dans le cadre de ce dossier, qui faisait partie des pièces d’instruction du dossier servant uniquement aux divers services à l’établissement des faits / mesures / sanctions. Ces pièces internes n’avaient donc aucun intérêt et n’étaient dès lors pas mises à disposition, selon sa pratique constante. Un aperçu exhaustif de la situation du dossier avait été mis à sa disposition.

c. Par acte du 22 mars 2021, M. A______ a interjeté recours au TAPI contre ce courriel, concluant à ce qu’il soit ordonné au département de lui communiquer, dès l’entrée en force du jugement, une copie complète du dossier relatif à l’infraction I-3______ ainsi qu’une copie complète du rapport mentionné dans ledit courriel, sous suite de frais et dépens.

Ce recours, enregistré sous le n° A/1059/2021 par le TAPI et a fait l’objet d’une procédure séparée.

20) Le 22 mars 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions et a sollicité la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans le cadre de la procédure A/1059/2021.

Le 12 octobre 2017, l’OCLPF avait retenu, sur la base des informations transmises par ses soins, que les logements 1C (T6), 2A (T8), 2B (T9) et 2C (T10) étaient des appartements meublés soumis aux règles ordinaires du droit du bail et que les locaux des 3ème et 4ème étages étaient des locaux commerciaux. Rien ne démontrait que la situation avait changé.

Il avait constaté, lorsqu’il avait finalement pu consulter son dossier le 11 février 2021, soit plus de deux mois après le prononcé de la décision attaquée, que les rapports des visites des 15 juin et 1er juillet 2020, établis ultérieurement et non signés par Mme N______, indiquaient, sous « motif », la mention « changement d’affectation » mais ne faisaient pas état de prétendues infractions à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Les constatations figurant dans ces rapports étaient en outre contredites par les photographies produites en annexe de ceux-ci.

Aucune modification typologique ne saurait être retenue. Il avait précisé, dans son courrier du 3 décembre 2019, que l’un des appartements du 5ème étage pouvait être divisé en deux unités sans impact sur le nombre de pièces autorisé à cet étage, soit seize pièces et demie. Le dossier I-3______ censé fonder la décision attaquée ne contenait pas les plans autorisés ni aucun document mettant en évidence les modifications typologiques alléguées, qui ne ressortaient pas davantage des rapports de visite, établis par une architecte LDTR et non LCI.

Il mettait des logements meublés à disposition de locataires qui en cherchaient un à Genève. La confirmation de la décision attaquée l’obligerait à résilier des baux en cours et à mettre des personnes à la rue pour relouer les mêmes logements à d’autres locataires, en violation des principes de proportionnalité et de la garantie de la propriété.

Etait notamment joint un rapport de visite du 12 juillet 2017 du logement 2B (4 pièces sis au 2ème étage), établi le 10 novembre 2017 par Mme N______, à teneur duquel des travaux de transformation et de rénovation avaient été effectués, soit toute la peinture (murs, plafonds, radiateurs, boiseries) ainsi que le ponçage et la vitrification du parquet. La typologie avait été modifiée (cuisine et chambre déplacées et création d’une salle de douche et tous travaux y relatifs, soit sols, murs, équipements, réseaux).

21) Par décision du 26 avril 2021 (DITAI/204/2021), le TAPI, faisant suite à la requête conjointe des parties, a suspendu l’instruction du recours.

22) Par duplique du 16 août 2021, le département, après avoir sollicité la reprise de l’instruction le 13 juillet 2021, a persisté dans ses conclusions et arguments.

23) Par écriture spontanée du 30 août 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions et arguments.

Il n’avait procédé à aucun changement d’affectation ni modification typologique.

24) Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue devant le TAPI le 22 février 2022 dans le cadre des procédures A/4176/2020 et A/1059/2021.

La juriste du département a confirmé que l'intégralité du dossier avait été produite avec les observations. Ce dossier contenait trois rapports de visite. Il n'y avait pas d’autre rapport d'infraction. Elle ignorait si M. R______, du département, s'était référé à un autre document, par hypothèse interne mais, à sa connaissance, tel n'était pas le cas.

Mme N______ a précisé que les modifications typologiques relevées concernaient tous les appartements du 5ème étage. Il s'agissait de la division, en deux appartements distincts de respectivement quatre et deux pièces, du logement de six pièces existant et de plusieurs divergences entre les appartements et les autorisations délivrées, comme cela ressortait des plans. Il s'agissait d'un déplacement ou d’un ajout de salle de bain ou de salle d'eau, de la création d'un escalier conduisant à un duplex, ainsi que des aménagements de cuisine légèrement différents. Une cuisine avait en outre été ajoutée dans un appartement. Elle ne pouvait expliquer pourquoi les rapports de visite précisaient que les meubles avaient été choisis par les locataires.

M. A______ a déclaré être uniquement propriétaire de l'immeuble mais ne pas gérer D______ Sàrl. Il ne pouvait répondre aux questions relatives à la gestion de D______ Sàrl. Dans cette mesure, il ne pouvait répondre à la question de savoir comment cette dernière entrait en contact avec les occupants des locaux litigieux. Il pensait qu'il était possible de réserver ces locaux par le biais d'Internet mais n'en était pas sûr, parce que ce n'était pas lui qui s'en chargeait. L'affectation des différents locaux était déjà telle qu'aujourd'hui lorsqu’il avait hérité, en 1993, de cet immeuble familial, qu’il souhaitait conserver comme tel et dont il avait confié la gestion à sa fille. Les locaux commerciaux faisaient office de bureaux et certains appartements étaient occupés par les locataires qui s'y trouvaient encore.

25) Dans le cadre de la seconde audience de comparution personnelle des parties du 22 mars 2022, Mme F______ a indiqué qu’elle était impliquée dans la gestion de l'immeuble depuis dix ans. Elle ne gérait plus la société D______ Sàrl depuis octobre 2021, celle-ci l’étant actuellement par son époux, qui employait en outre deux autres personnes. La transformation de E______ Sàrl en D______ Sàrl n'avait pas modifié la gestion de l'immeuble. Les locaux commerciaux gérés par D______ Sàrl étaient accessibles via le site S______ et la plateforme directement disponible sur le site web de D______ Sàrl. La plupart des locations se faisaient directement avec le locataire. Ils entraient en contact avec leurs locataires à travers leur réseau, soit celui de son père, qui vivait depuis longtemps à Genève, ou le sien. Le « bouche à oreille » fonctionnait aussi très bien et leur site internet y contribuait. Les réservations, en revanche, se faisaient en direct. Les gens les contactaient par téléphone ou par courriel. Il n'était donc pas possible de réserver un appartement par le biais du site internet. Les contrats étaient établis après que les personnes leur avaient communiqué leurs demandes. Ils pouvaient être envoyés par courriel et leur être retournés avant l'arrivée des gens. Il arrivait aussi que le contrat de bail et l'avis officiel soient signés sur place au moment de l'arrivée des locataires. Le type de locataires était très varié. Ils n’étaient pas tous étrangers et les raisons qui les poussaient à louer un appartement étaient très diverses (séparation, rénovation de leur logement, étudiant, amateur de design). Les différences entre les locaux commerciaux et les appartements meublés se situaient au niveau de la réservation. En outre, les clients commerciaux avaient accès au 1er étage de l'immeuble où se trouvaient leurs bureaux. En revanche, les locataires des meublés étaient simplement chez eux. Il n'y avait pas de différence de prix ni des services proposés aux locataires. Il n'avait jamais été question de demander une autorisation afin d'exploiter commercialement les appartements meublés. Elle n’était pas en mesure d'expliquer pourquoi les contrats de bail produits prévoyaient des loyers différents.

Mme N______ a expliqué avoir précisé, dans ses deux rapports d'octobre 2020, que les meubles avaient été choisis par les locataires car Mme F______ lui avait indiqué que ces derniers avaient la possibilité de personnaliser les locaux qu'ils louaient. Elle a produit durant l’audience les plans des locaux annotés mettant en évidence les modifications typologiques visées par la décision attaquée.

26) Dans ses observations finales du 27 avril 2022, le département a confirmé ses conclusions.

Les audiences avaient mis en lumière les contradictions et le manque de transparence du dossier.

27) Dans ses observations finales du 11 mai 2022 et par écriture spontanée du 25 mai 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

28) Par jugement du 27 septembre 2022 (JTAPI/1003/2022), le TAPI a rayé la cause A/1059/2021 du rôle.

Le recours avait été déposé pour avoir accès à une copie du rapport mentionné dans le courriel du département du 11 mars 2021 afin d’être en mesure de faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure A/4176/2020.

L’absence dans le dossier consulté par M. A______ d’une liste d’infractions n’apparaissait pas problématique sous l’angle du droit d’être entendu, puisqu’il avait été en mesure de comprendre les faits qui lui étaient reprochés et de se déterminer à ce propos dans la procédure A/4176/2020.

M. A______ ne pouvait dès lors se prévaloir d’aucun intérêt actuel à ce qu’il soit statué sur le recours. Le recours étant devenu sans objet, la cause était rayée du rôle.

29) Par jugement du 27 septembre 2022, dans la cause A/4176/2020 (JTAPI/1002/2022), le TAPI a déclaré irrecevable le recours formé par M. A______ contre la décision du département en tant qu’elle portait sur le dépôt d’une demande d’autorisation complémentaire en vue de régulariser les modifications typologiques des appartements T21, T22, T23 et T24 et l’a rejeté en tant qu’il portait sur l’ordre de remise en location ordinaire des appartements T6, T10 et T25 et sur l’interdiction d’exploiter les appartements T6, T10, T21, T22, T24 et T25 avec effet immédiat et jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit.

L’instruction avait mis à jour un faisceau d’indices que les logements T6, T10, T21, T22, T24 et T25 étaient exploités comme résidences meublées, en violation des art. 3 al. 1 et 7 LDTR. Le département était fondé à ordonner la mise en conformité, en application de l’art. 129 LCI. L’atteinte à la garantie de la propriété de M. A______ n’apparaissait pas disproportionnée dans la mesure où celui-ci pouvait louer les logements précités dans le respect des conditions posées par la décision attaquée.

30) a. Le 31 octobre 2022, dans la procédure A/1059/2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation puis à ce qu’il soit ordonné au département de lui communiquer une copie complète du dossier d’infraction I-6631) ainsi que du rapport mentionné dans le courriel du 11 mars 2021. Préalablement, il sollicitait l’audition du chef de l’inspectorat de la construction, auteur du courriel mentionné.

Il disposait d’un intérêt pratique et actuel au recours. Il souhaitait comprendre pourquoi ses appartements étaient considérés comme des résidences meublées, ce d’autant plus que le rapport en mains du chef de l’inspection de la construction servait à l’établissement des faits, mesures et sanctions selon les termes du courriel. Le courriel de l’OAC était une décision sujette à recours. De plus, la problématique risquait de se reproduire pour lui-même ou un autre propriétaire si l’OAC constituait un dossier parallèle. Il ne comprenait pas pourquoi il avait dû demander à plusieurs reprises de consulter le dossier qui s’était avéré incomplet, puisque le rapport effectué dans le cadre du dossier, auquel il était fait référence, n’était pas dans le dossier.

b. Le 2 décembre 2022, le département a conclu au rejet du recours.

c. le 23 décembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

31) Le 31 octobre 2022, dans la procédure A/4176/2020, M. A______ a saisi la chambre administrative d’un recours contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation et au constat de la nullité, subsidiairement à l’annulation, de la décision du département.

Sur mesures superprovisionnelles urgentes et sur mesures provisoires, l’effet suspensif devait être restitué au recours en tant qu’il confirmait la décision faisant interdiction avec effet immédiat d'exploiter les résidences meublées T6, T10, T21, T22, T24 et T25. Les appartements étaient loués : jusqu’au 10 novembre 2022 (T6) ; 1er décembre 2022 (T10) ; 15 décembre 2022 (T21) ; 16 décembre 2022 (T24) et 31 décembre 2022 (T22 et T25). Le retrait de l’effet suspensif au recours par la décision attaquée n’était aucunement motivé. Constatant cela, le TAPI avait restitué l’effet suspensif. Le département n’avait pas démontré un intérêt prépondérant, s’immisçait dans les relations de droit privé entre bailleur et locataire et tentait d’obtenir une exécution anticipée de sa décision. Forcer le départ anticipé de ses locataires lui causerait un préjudice irréparable ainsi qu’un dommage économique important et une grave atteinte à la garantie de son droit de propriété et à sa liberté économique, en portant une grave atteinte à sa réputation.

Sur le fond, il n’avait pas changé l’affectation des logements et le département cherchait, sous couvert de la LDTR, à restreindre la possibilité de procéder à des locations de courte durée, en imposant de manière déguisée la conclusion de baux de durée indéterminée. Les logements étaient simplement loués meublés pour des durées variables en réponse à une demande spécifique, de sorte que l’activité n’était aucunement assimilable à de la résidence meublée avec des services ou à de l’hôtellerie.

Les différentes « indices » retenus par le TAPI dans son jugement étaient discutés en détail et ils ne permettaient pas de retenir que les appartements étaient exploités sous forme de résidence meublées.

Le jugement consacrait une violation du principe de la primauté du droit fédéral, lequel n’interdisait pas les baux de durée déterminée et ni d’enchainer deux ou plusieurs baux de ce type.

L’art. 129 LCI et le principe de proportionnalité étaient violés. Faute de violation de la LDTR, respectivement de la LCI, le TAPI ne pouvait confirmer les mesures prononcées dans la décision en application des art. 129 ss LCI.

La garantie de la propriété et de la liberté économique était violée par l’interdiction faite de continuer à « exploiter » ses appartements de la façon dont il l’entendait.

Le recours portait également sur l’irrecevabilité prononcée par le TAPI à l’encontre du recours contre l’ordre de dépôt d’une requête en autorisation de construire complémentaire afin de régulariser les modifications typologiques effectuées dans les appartements T21, T22, T23 et T24. En ne précisant pas quelles seraient les modifications typologiques identifiées, la décision consacrait une violation de son droit d’être entendu pour défaut de motivation et s’il donnait suite à l’injonction, la décision ne serait pas contrôlée et aucun jugement constatant sa nullité pour violation de son droit d’être entendu ou statuant sur l’existence des prétendues modifications ne serait rendu.

La décision devait également être annulée faute de modifications typologiques. La structure complexe de la toiture découverte en cours de chantier avait induit une légère adaptation du projet, mais le nombre de pièces autorisé était resté identique à l’autorisation de construire. Le projet avait consisté dans la création de nouveaux logements neufs et non pas dans la transformation d’appartements existants à l’exception de l’appartement T25.

32) a. Le 14 novembre 2022, le département s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

b. Le 1er décembre 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions en restitution de l’effet suspensif.

c. Par décision du 7 décembre 2022, la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours (ATA/1237/2022).

33) Le 2 décembre 2022, le département a répondu au recours, concluant à son rejet, répondant point par point aux griefs du recourant. Les indices attestaient d’un changement d’affectation.

34) Le 20 janvier 2023, le recourant a répliqué,

Si le TAPI avait pris en considération les faits essentiels, il aurait dû conclure à l’absence de changement d’affectation.

Aucun des indices sur lesquels le TAPI s’était fondé n’était réalisé en l’espèce. Le détail de ceux développés par le département était discuté.

À supposer une violation de la LDTR, le département aurait pu rendre une décision portant moins atteinte à ses intérêts en exigeant la conclusion de contrats de bail d’une durée déterminée minimale d’un mois.

35) Le 24 janvier 2023, les parties ont été informées que les causes étaient gardées à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2) Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

En l'espèce, les procédures A/4176/2020 et A/1059/2021 concernent les mêmes parties et le même complexe de faits, les questions juridiques posées par les deux recours étant en outre fortement imbriquées comme il le sera vu ci-dessous. Il se justifie ainsi de joindre ces causes sous le numéro A/4176/2020.

3) Le TAPI a retenu que le recours déposé contre le courriel du 11 mars 2021 du département n’avait plus d’objet, dans la mesure où le recourant avait pu consulter le dossier de la procédure d’infraction et déposer un recours.

Le recourant estime que l’objet du recours subsiste et qu’il a toujours un intérêt pratique au recours.

a. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 144 I 43 consid. 2.2). En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d'une association, formé dans l’intérêt général ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2019 du 12 juillet 2019 consid. 1.2 ; ATA/23/2021 du 12 janvier 2021). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_61/2019 du 21 janvier 2019 consid. 3.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_7/2019 du 13 février 2020 consid. 2.1 ; ATA/636/2020 du 30 juin 2020). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Tel est le cas notamment si le recours vise les motifs de la décision et que, même admis, il n'y aurait pas lieu d'en modifier le dispositif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1067/2014 et 2C_1077/2014 du 18 mars 2016 consid. 2.2.2 ; ATA/1203/2019 du 30 juillet 2019 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p.729, n. 5.7.2.1).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose encore un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 ; ATA/706/2021 du 6 juillet 2021 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 459 n. 1367 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 734 n. 2084 ; Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_9/2014 du 9 janvier 2014 consid. 4) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; ATA/610/2021 du 8 juin 2021) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/791/2021 du 28 juillet 2021).

c. En l’espèce, le recourant estime qu’il n’a pas eu accès à l’entier du dossier et qu’il n’est pas en mesure de comprendre ce qui lui est reproché, notamment quant aux modifications typologiques qu’il aurait effectuées sans autorisation.

Il fonde son raisonnement sur la mention dans un courriel du département d’un « rapport effectué dans le cadre du dossier d’infraction, servant uniquement aux divers services pour l’établissement des faits » auquel il n’aurait pas eu accès, lors de la consultation du dossier. Or, le département a affirmé que le dossier remis au recourant était complet et rien ne permet de mettre en doute cette affirmation.

Cela étant, le recourant est le bénéficiaire de l’autorisation de construire délivrée et il est toujours propriétaire du bâtiment dans lequel des travaux ont été effectués. Il est défendu de longue date par un conseiller et n’ignore aucunement ses obligations en matière de LCI et de LDTR. Il a pu faire valoir ses arguments tant devant le TAPI que la chambre de céans s’agissant de contester la décision du 1er décembre 2020 litigieuse et ses écritures montrent qu’il a bien compris les reproches du département. S’il est certes discutable que le département n’ait pas mentionné le détail des modifications typologiques relevées dans sa décision, le recourant ne peut toutefois, de bonne foi, ignorer quels travaux n’ont pas été effectués conformément à l’autorisation délivrée sur la base de plans visés ne varietur et doivent donc faire l’objet d’une demande d’autorisation complémentaire. À cela s’ajoute que le TAPI a procédé à l’audition d’un représentant du département les 22 février et 22 mars 2022.

Sur la question des modifications typologiques relevées dans la décision concernant tous les appartements du cinquième étage, le département a fourni des plans sur lesquels sont surlignés les éléments qui diffèrent de l’autorisation délivrée. Pour certains, le nombre de pièces n’était pas conforme et pour d’autres des éléments avaient été ajoutés (salle de bain et cuisine) ou déplacés, des éléments avaient été créés, tel un escalier.

En conclusion, l’absence d’objet au recours portant sur le courriel du département, constaté par le TAPI dans son jugement ne peut qu’être confirmé et le recours sera rejeté sur ce point.

4) Le recourant conteste avoir effectué un changement d’affectation des logements T6, T10, T21, T22, T24 et T25.

a. Selon l'art. 1 al. 7 phr. 1 LCI , sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b).

b. La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à son article 2 (art. 1 al. 1 LDTR). À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d’affectation des maisons d’habitation (al. 2).

Par changement d’affectation, on entend toute modification, même en l’absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel (art. 3 al. 1 LDTR). Sont également assimilés à des changements d’affectation le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels (art. 3 al. 3 let. a LDTR).

c. Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2 % du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 RDTR). Le Conseil d'État a constaté en 2013, 2019, 2020, 2021 et 2022 qu'il y avait pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR des 20 mars 2013, 19 décembre 2018, 1er juillet 2020, 9 décembre 2020, 12 janvier 2022 et 21 décembre 2022 - ArAppart - L 5 20.03).

d. Selon l'art. 4 al. 1 RDTR, à l’exclusion des chambres meublées isolées, la résidence meublée est un logement qui est loué meublé à des fins commerciales dans une maison d’habitation. La différence entre la location de logements et l’exploitation d’une résidence meublée ou d’un hôtel réside notamment dans la mise à disposition par l’exploitant dans le second cas d’un certain nombre de services, tels que nettoyage des chambres, réception centrale téléphonique, literie, téléphone dans les chambres, service de repas, etc. Les résidences meublées sont des établissements hébergeant principalement des hôtes en studios ou en appartements meublés. Leur exploitation est soumise à autorisation comme l’est celle des hôtels.

La jurisprudence a déjà retenu que des services de nettoyage ou de ménage ne suffisent pas à eux seuls à qualifier des « résidence meublées » des chambres d’habitation, en particulier lorsque celles-ci ne sont pas louées sur une base journalière mais au moyen de baux d’habitation. De telles prestations ne relèvent pas spécifiquement de l’hôtellerie, même si elles peuvent constituer un indice dans l’appréciation du caractère commercial et hôtelier de l’activité déployée. (ATA/692/2012 précité consid. 5). Si aucun service hôtelier n’est rendu et qu’en outre les baux d’une certaine durée ont été conclus avec les occupants des locaux, on se trouve en présence de logements meublés, non de résidences meublées ou d’hôtels (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, pp. 348 et 349 et les références citées).

5) a. Selon l'art. 129 al. 1 let. e LCI, dans les limites des dispositions de l’art. 130, le département peut notamment ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter (let. d) et la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (let. e).

b. Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

c. L'art. 131 LCI prévoit que les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des articles 129 et 130 LCI.

d. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

6) En l’espèce, en se fondant sur les nombreuses photographies qui ont été prises lors des deux visites des lieux et qui figurent au dossier ainsi que sur les documents transmis par le recourant, il appert que de nombreux indices permettent de retenir, comme l’ont fait le département et le TAPI, que les logements visés par la décision sont exploités en tant que résidences meublées, au sens de la LDTR, comme le sont déjà une partie des locaux commerciaux du bâtiment du recourant et ne constituent donc pas de simples « logements meublés ».

Lors des visites, les éléments principaux suivants ont notamment été constatés : présence de portes savon, de produits cosmétiques, de serviettes et linges et de papier hygiénique, de même marque et identiques dans tous les logements visités ainsi que la présence à l’étage d’un chariot de recharge de ces produits, accompagné d’un sac de linge sale. Ces éléments indiquent sans ambiguïté qu’un service est offert lequel dépasse largement celui d’un simple nettoyage des locaux, lequel est d’ailleurs admis deux fois par semaine.

Six boîtes aux lettres de l’immeuble ne comportaient aucun nom, ce qui indique également que les personnes ayant utilisé les locaux l’ont fait de manière brève et temporaire et ne les ont d’ailleurs a priori pas donnés comme adresse de correspondance. La durée des séjours, telle qu’elle ressort de la trentaine de contrats fournis par le recourant lui-même, sont pour vingt-et-un d’entre eux inférieures ou égales à trente-et-un jours ; le plus court séjour étant de sept jours. Il s’agit de durées très inférieures à celles des baux usuels.

À cela s’ajoute que les contrats produits sont rédigés en anglais, tout comme les conditions générales qui les accompagnent et qu’ils contiennent des éléments qui ne correspondent pas à ceux d’un contrat usuel de bail mais bien plus à ceux d’une réservation de type hôtelière. Ainsi le prix de location est donné par nuitée, les modalités de paiement ne sont pas celles d’un loyer, notamment par l’absence de garantie de loyer. Il faut surtout relever que les baux produits pour les logements T7, T8, T19 et T23 sont complètement différents, rédigés selon la formule usuelle dans le canton, en français et sont accompagnés d’un avis de fixation du loyer en bonne et due forme.

Le recours ne contient aucun élément susceptible de modifier la conclusion selon laquelle les logements T6, T10, T21, T22, T24 et T25 sont exploités en tant que résidences meublées. Notamment, le fait que certains effets personnels se trouvent sur certaines photographies, tels que des vêtements et des livres ne sont pas susceptibles de modifier l’appréciation faite puisqu’ils peuvent être trouvés également dans des chambres d’hôtel, par exemple. Quant à la planche à repasser qui figure sur une photographie produite par le recourant qui aurait été prise lors de l’une des visites sur place, elle fait précisément partie des éléments mis à disposition des hôtes dans les locaux commerciaux exploités par D______ Sàrl, selon les sites T______ ou S______ sur lesquels la location de ces logements peut être conclue et n’est donc pas susceptible de démontrer le caractère de « logement meublé » des locaux mais bien plutôt celle de « résidence meublée ».

En conséquence, il appert au vu de ces circonstances et de celles retenues sur cette question par le TAPI dans son considérant 22 en droit, auquel la chambre de céans renvoie et qu’elle fait sien, que c’est à juste titre que le département a retenu un changement d’affection des logements visés effectué sans autorisation, en violation de la LDTR.

Le grief du recourant doit être écarté.

7) Au vu de ce qui précède, force est de constater que les mesures prises par le département dans la décision du 1er décembre 2020, consistant à interdire l’exploitation et à rétablir une situation conforme au droit respectent le principe de proportionnalité, aucune autre mesure n’étant notamment susceptible d’atteindre le but visé. Ainsi, celle proposée par le recourant de se voir fixer une durée minimale pour les contrats de bail s’avère contraire au droit fédéral lequel règle le droit du bail et, en outre, ne figure pas dans le catalogue des mesures prévues par la loi (art. 44 LDTR et art. 129 à 139 LCI).

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/4176/2020 et A/1059/2021 sous le numéro de cause A/4176/2020 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 31 octobre 2022 par M. A______ contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2022 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sidonie Morvan, avocate du recourant, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :