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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/460/2023

ATA/584/2024 du 14.05.2024 sur JTAPI/751/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/460/2023-PE ATA/584/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2023 (JTAPI/751/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1980, est ressortissant du Kosovo.

b. Il a sollicité le 22 novembre 2018 de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) la régularisation de ses conditions de séjour sous l’angle de l’« opération Papyrus ».

À l’appui de sa demande, il a transmis un courrier d’accompagnement, dont il ressort que son épouse et leurs trois enfants vivaient au Kosovo, une attestation d’achats d’abonnements auprès des Transports publics genevois (ci-après : TPG) couvrant les périodes d’avril à décembre 2013, de juillet à décembre 2014, et d’avril à juin 2015, un extrait de compte individuel AVS mentionnant le versement de cotisations de 2013 à 2017, une attestation de consultations médicales délivrées par la « Clinique la Colline » de 2009 à 2012, la copie d’un contrat de travail, un extrait du registre des poursuites, une attestation de l’Hospice général (ci-après : HG) et des copies de son passeport, bail à loyer et diverses lettres de recommandations.

c. Il a complété son dossier le 6 décembre 2018, produisant une attestation de connaissance de la langue française niveau A2 et le 27 septembre 2019, à la demande de l’OCPM, en produisant des copies de factures envoyées par la « Clinique la Colline » correspondant à des traitements médicaux mentionnés dans l’attestation médicale déjà transmise.

d. Le 28 avril 2020, l’OCPM a dénoncé A______ au Ministère public genevois en raison de doutes quant à l’authenticité de cette attestation médicale.

e. Entendu par la police le 16 mars 2022, le requérant a été auditionné par les services de police, déclarant être venu en Suisse le 18 janvier 2008.

f. Par ordonnance pénale du 16 mars 2022, le Ministère public a déclaré A______ coupable de faux dans les titres et d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il avait tenté d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour en produisant des documents falsifiés, notamment l’attestation de la « Clinique la Colline ».

g. Par décision du 10 janvier 2023, l’OCPM a refusé la demande de régularisation des conditions de séjour d’A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.


 

B. a. Par acte du 9 février 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) à l’encontre de la décision précitée, concluant à son annulation.

Il remplissait les conditions d’un cas d’extrême gravité. Carreleur, il était financièrement indépendant, n’avait pas fait l’objet de poursuites et n’émargeait pas à l’aide sociale. Il vivait en Suisse depuis 2008 et y était intégré. Il participait au développement économique du canton. Il n’avait pas d’antécédents judiciaires à l’exception de sa condamnation pénale du 16 mars 2022, laquelle était liée à des infractions à la LEI. Sa réintégration dans son pays paraissait impossible, ses liens avec le Kosovo étant inexistants.

b. Dans ses observations du 30 mars 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ ne remplissait pas les conditions de l’« opération Papyrus », en raison de la condamnation pour avoir produit de faux documents dans le cadre de sa demande de régularisation et faute d’avoir démontré une durée de séjour suffisamment établie. Il ne remplissait pas les conditions d’un cas individuel d’extrême gravité. Sa réintégration au Kosovo n’était pas fortement compromise, car il avait vécu une grande partie de sa vie dans ce pays, s’y était marié et y avait fondé une famille.

c. Les parties n’ont pas formulé d’observations complémentaires.

d. Par jugement du 30 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours d’A______.

Sous l’angle du cas de rigueur, les pièces produites ne permettaient pas de retenir qu’A______ séjournait depuis plus de quinze ans en Suisse de manière continue, comme il le prétendait. En effet, au mieux, à teneur des pièces versées au dossier, son séjour n’était démontré que depuis 2013, soit une durée inférieure à l’exigence d’un séjour continu de dix ans nécessaire à l’octroi d’une autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ». Son intégration socio-professionnelle ne justifiait pas à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour. En outre, il avait été condamné par ordonnance pénale pour faux dans les titres, dénotant un mépris pour l’ordre juridique suisse et ses valeurs ne permettant pas de retenir une intégration réussie.

Enfin, le recourant avait de fortes attaches au Kosovo, sa femme et ses enfants y vivant. Il n’apparaissait donc pas que sa réintégration y soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. Aucun élément ne permettait de retenir que l’exécution du renvoi du recourant dans son payse d’origine serait impossible, illicite ou inexigible.

 

C. a. Par acte du 1er septembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre du jugement du TAPI du 30 juin 2023, concluant principalement à son annulation.

Il était arrivé en Suisse en 2008. Il avait toujours travaillé, démontrant une intégration professionnelle remarquable, dès lors « qu’il n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour ». Sa réintégration sociale était fortement compromise, en raison de sa situation personnelle, professionnelle et familiale. Le TAPI ne s’était pas assez penché sur sa situation personnelle. Il était depuis près de quinze ans en Suisse et y avait pris racine. Une telle durée était démontrée par les pièces transmises. Ses revenus lui permettaient de subvenir à ses besoins. Sa situation constituait un cas de rigueur. Il contestait sa condamnation pénale relative aux faux documents. Il ne s’était pas opposé à l’ordonnance pénale car il n’avait pas d’avocat, pour des raisons financières. Il contestait avoir produit de faux documents. Le risque de récidive était nul. Ces condamnations étaient liées à des infractions à la LEI et à sa volonté de vivre en Suisse. Le TAPI avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement sa demande d’autorisation de séjour auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM).

b. Dans ses observations du 2 octobre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant au jugement de première instance. Les arguments soulevés par le recourant n’étaient pas de nature à modifier sa position, dans la mesure où ils étaient semblables à ceux présentés devant le TAPI.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le refus d’accorder au recourant une autorisation de séjour et son renvoi de Suisse.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers, devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant cette date sont régies par l’ancien droit.

2.2 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

2.3 Selon l’ancien art. 30 al. 1 let. b LEI (dont la teneur correspond à celle de l’actuel art. 30 al. 1 let. b LEI), il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

Conformément à l’art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018), pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

2.4 Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a ; ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/16/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.2).

2.5 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/16/2024 précité consid. 3.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

2.6 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

2.7 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (www.ge.ch/dossier/operation-papyrus/processus-normalisation-statut-sejour/rappel-du-cadre-legal, consulté le 22 avril 2024), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

2.8 Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

2.9 En l'espèce, il est établi que le recourant séjourne en Suisse depuis 2013. Comme le TAPI l'a ainsi considéré, au moment du dépôt de sa demande de régularisation, le 22 novembre 2018, le recourant, célibataire et sans enfants, ne pouvait pas justifier d’une durée de séjour de dix ans continue en Suisse. Bien qu'il soutienne avoir séjourné en Suisse depuis 2008, les pièces qu'il a produites attestent uniquement, dans le cas qui lui est le plus favorable, de séjours temporaires à compter de cette période, plus particulièrement ses cotisations AVS très irrégulières durant la période considérée, pour des périodes allant de cinq à onze mois par année. Enfin, même à considérer, dans la situation qui lui est la plus favorable, que le séjour du recourant en Suisse a été continu de 2013 à ce jour, cette durée doit être relativisée, conformément à la jurisprudence susmentionnée, par le caractère illégal du séjour jusqu'à la fin de l'année 2018, soit pendant cinq ans, puis sous le régime d'une tolérance, le temps que soit instruite sa demande d'autorisation de séjour déposée en novembre 2018, ce que le TAPI a retenu à juste titre.

Le recourant ne remplit pas non plus les autres conditions permettant de retenir l’existence d’un cas de rigueur. Il ne peut en effet se prévaloir d’une intégration sociale remarquable, quand bien même il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et n’a pas recouru à l’aide sociale. Cette indépendance économique correspond à ce qui est attendu de tout étranger souhaitant s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Celui-ci a par ailleurs fait l’objet d’une condamnation pénale pour faux dans les titres, ayant produit une fausse attestation médicale à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour, tentant d’induire en erreur l’autorité en vue d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Au vu de ce qui précède, son comportement ne peut être qualifié d’irréprochable, alors qu’un tel comportement est attendu de toute personne souhaitant la régularisation de ses conditions de séjour.

Contrairement à ce que fait valoir le recourant, il ne peut être fait abstraction de sa tentative d’induire en erreur l’OCPM, faits pour lesquels il a été condamné par ordonnance pénale entrée en force. Les infractions de faux dans les titres et de tentative d’induire les autorités en erreur ne relèvent pas de son statut administratif. Contrairement à la situation d’un étranger condamné pour son statut illégal, le recours à la production de faux titres dénote une volonté d’induire les autorités en erreur et de violer les dispositions relatives, notamment, aux conditions d’octroi d’un titre de séjour. Le recourant ne peut ainsi se targuer d’une intégration sociale réussie, n’ayant pas respecté l’ordre public suisse. Dans ces circonstances, l’intérêt public s’oppose également à l’intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse.

Il n’est pas contesté que le recourant a œuvré à Genève en tant notamment que carreleur et monteur sanitaire. Ces activités ne présentent toutefois pas un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra y mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Les attestations qu'il a produites à la procédure ne permettent par ailleurs pas de retenir qu’il aurait fait preuve d’une intégration sociale exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Il n’apparaît en outre pas qu’il se soit investi d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour.

Âgé de 44 ans, il a passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte au Kosovo. Il connaît ainsi les us et coutumes de son pays et en parle la langue. En outre, sa famille proche, sa femme et ses trois enfants vivent encore au Kosovo ; il y a donc conservé de forts liens familiaux et affectifs, y retournant d’ailleurs à plusieurs reprises au bénéfice de visas de retour. Il est par ailleurs en bonne santé. Ainsi, si le recourant se heurtera sans doute à des difficultés de réadaptation dans son pays d'origine, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n'importe lequel de ses concitoyens se trouvant dans une situation similaire. La seule durée de son séjour en Suisse ne permet en aucun cas de retenir que le retour constituerait un déracinement ou entraînerait pour lui une détresse profonde. Il pourra faire valoir au Kosovo l’expérience acquise en Suisse. En outre, celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées).

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’ « opération Papyrus », ni pour cas de rigueur, ce que le TAPI a confirmé à juste titre.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Le recourant n’invoque aucun élément permettant de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé et de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d’A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.