Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/430/2024 du 26.03.2024 sur JTAPI/666/2023 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2778/2022-PE ATA/430/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 26 mars 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juin 2023 (JTAPI/666/2023)
A. a. A______, né le ______1992, est ressortissant du Kosovo.
b. Par courrier daté du 1er novembre 2018, il a sollicité auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la régularisation de ses conditions de séjour sous l’angle de l’« opération Papyrus », en produisant divers documents, notamment des contrats de travail, des fiches de salaire et des preuves d’achats d’abonnements de bus. Selon l’exemplaire de la requête présent dans le dossier de l’OCPM, cette demande a été reçue le 6 décembre 2018.
c. Le 2 décembre 2018, A______ a été arrêté par le Corps des gardes‑frontières à la douane de Ferney-Voltaire. Lors de son audition, il a notamment indiqué se trouver sur le territoire suisse depuis 2011 et que son avocate « a[vait] déposé une demande [d’autorisation de séjour] la semaine passée ».
d. Par courriel du 3 décembre 2018, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a demandé à l’OCPM s’il avait reçu une demande d’autorisation de séjour concernant A______, ce à quoi l’OCPM a répondu par la négative le même jour.
e. Le SEM a prononcé, le 3 décembre 2018, une interdiction d’entrée en Suisse (ci- après : IES) à l’encontre de A______ pour une durée de 4 ans, contre laquelle ce dernier a déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (ci- après : TAF).
f. Par ordonnance pénale du Ministère public du 10 avril 2019 (P/2______/2018), A______ a été reconnu coupable d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
Il y a fait opposition le 17 avril 2019.
g. Par arrêt du 7 octobre 2019, le TAF a rejeté le recours de A______. Il a notamment retenu que ce dernier séjournait en Suisse depuis 2011 sans autorisation de séjour et que la question de savoir si sa demande de régularisation de ses conditions de séjour avait été déposée avant ou après le prononcé de l’IES importait peu, puisque la demande d’autorisation de séjour devait se faire auprès de l’autorité cantonale compétente avant l’entrée en Suisse et que le requérant devait, en principe, attendre la réponse à l’étranger.
h. Suite à une dénonciation au Ministère public de l’OCPM relative à la production, dans le cadre de sa demande de régularisation de ses conditions de séjour, de faux contrats de travail et de fausses fiches de salaire, A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du 31 juillet 2020 (P/1______/2020) pour faux dans les titres, infraction à l’art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI et tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI.
Il a également été condamné pour violation simple des règles de la circulation, pour avoir, à retirées reprises, entre 2018 et le 30 juillet 2020, conduit en Suisse un véhicule en tenant d’une main son téléphone portable et filmant avec celui-ci.
A______ a fait opposition à cette ordonnance pénale le 6 août 2020.
i. Le Ministère public a rendu une ordonnance de classement partiel le 1er février 2021 dans la procédure P/1______/2020, ordonnant ainsi le classement de la procédure s’agissant des infractions de faux dans les titres et de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI.
Le même jour, il a rendu une ordonnance pénale, toujours dans la procédure P/1______/2020 reconnaissant M. A______ coupable d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et c LEI et de violation simple des règles de la circulation routière. A______ y a fait opposition le 15 février 2021.
j. Dans le cadre de la procédure P/2______/2018, le Tribunal de police a rendu son jugement le 9 février 2021, déclarant A______ coupable d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et c LEI.
k. Dans la procédure P/1______/2020, le Tribunal de police a rendu son jugement le 11 novembre 2021, déclarant A______ coupable d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI et de violation simple des règles de la circulation routière. A______ a toutefois été exempté de toute peine concernant l’infraction à la LEI.
l. Par courrier du 22 mars 2022, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 6 décembre 2018 et, par conséquent, de refuser de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif, et de prononcer son renvoi de Suisse.
m. Après que l’intéressé a fait valoir son droit d’être entendu, l'OCPM a, par décision du 29 juin 2022, refusé d’accéder à la demande de A______ et par conséquent de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif. Il a en outre prononcé son renvoi de Suisse.
Au moment du dépôt de sa demande de régularisation de ses conditions de séjour, datée du 1er novembre 2018 mais reçue le 6 décembre 2018, A______ ne comptabilisait que sept années de séjour. Il n’avait pas de preuve effective que cette demande ait été reçue le 1er novembre 2018 : A______ avait ainsi déposé sa demande sans remplir les critères légaux en toute connaissance de cause. La durée de l’examen de sa demande était en grande partie due à son recours au TAF ainsi qu’à l’enquête des services de police. Par ailleurs, selon l’ordonnance de classement du 1er février 2021, il avait violé l’IES dont il faisait l’objet en se rendant en France à plusieurs reprises, et il avait été condamné notamment pour violation simple des règles de la circulation routière le 11 novembre 2021.
Dès lors, sa situation ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus ». Il ne remplissait pas non plus les critères relatifs à un cas d’extrême gravité puisqu’il n’avait pas prouvé un séjour continu de dix ans pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés au moment du dépôt de la demande ni le respect de l’ordre juridique suisse, ayant été condamné pénalement. S’agissant de son intégration sociale et professionnelle, bien que digne d’intérêt, elle n’était pas marquée au point de permettre d’envisager une suite favorable pour ce motif.
A______ n’avait pas non plus démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Il comptabilisait sept ans de séjour en Suisse au moment du dépôt de sa demande, avait suivi toute sa scolarité au Kosovo jusqu’à l’obtention de son diplôme et y avait travaillé pendant un an et demi. Ses parents et ses frères et sœurs y résidaient toujours.
B. a. Par acte du 31 août 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de cette décision.
Il fallait retenir comme date de dépôt de sa demande de régularisation celle du 1er novembre 2018 et non du 6 décembre 2018, l’OCPM ne démontrant pas la réception de ladite demande à cette seconde date. L’OCPM avait mis trois ans et sept mois avant de prendre une décision, soit une durée excessivement longue dont il devait assumer la responsabilité puisqu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir fait usage des voies de droit à sa disposition pour sauvegarder ses intérêts, à savoir le recours au TAF et les procédures pénales ayant abouti à son acquittement d’une prétendue infraction de faux dans les titres.
Les conditions de l’« opération Papyrus » étaient remplies. Il avait toujours exercé une activité lucrative – travaillant actuellement pour la société B______ Sàrl en qualité de grutier – et son intégration professionnelle était réussie comme en attestaient les divers certificats transmis. Il était financièrement indépendant et n’avait jamais fait appel à l’aide sociale. Il était au bénéfice d’une assurance-maladie. Son intégration sociale était également réussie.
Il était en Suisse depuis onze ans et il serait arbitraire et choquant de ne pas prendre en considération cette durée de séjour y compris avec le temps que la procédure avait duré, de trois ans et sept mois.
Enfin, il n’avait jamais produit de documents falsifiés. Il n’avait été condamné qu’à une amende pour violation simple des règles de la circulation routière, ce qui ne constituait pas un motif suffisant pour écarter la réalisation de la condition du respect de l’ordre juridique suisse. Quant aux infractions relatives à la LEI, elles ne devaient pas être prises en considération pour déterminer si la condition de l’absence de condamnation pénale était réalisée, comme le préconisaient la jurisprudence et les directives du SEM.
b. Le 1er novembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Dans sa réplique du 23 décembre 2022, le recourant a relevé que son père était décédé en 2020, soit le membre de sa famille avec lequel il avait été le plus proche, et qu’il s’était depuis lors éloigné de sa famille et de ses proches au Kosovo, de sorte que les liens étaient aujourd’hui totalement rompus. Il n’était pas retourné au Kosovo depuis onze ans et serait isolé en cas de retour, ce qui représenterait manifestement une charge psychologique très lourde pour lui.
d. Le TAPI a, par jugement du 19 juin 2023, rejeté le recours.
Au moment du dépôt de sa demande de régularisation, que la date du 1er novembre 2018 ou celle du 6 décembre 2018 soit retenue, A______ ne pouvait pas justifier d’une durée de séjour de dix ans continue en Suisse puisqu’il avait indiqué être arrivé en Suisse en 2011. Il ne répondait ainsi pas à l'une des conditions cumulatives de l'« opération Papyrus ».
L’OCPM n’avait par ailleurs pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la régularisation de ses conditions de séjour.
C. a. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 20 juillet 2023, concluant, préalablement, à l'octroi d'une admission provisoire sur le territoire suisse et, principalement, à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.
Le TAPI avait violé le principe de la bonne foi en reprochant à un étranger qui se « dénonce » par lui-même en introduisant une demande de régularisation de ses conditions de séjour d'avoir séjourné et travaillé en Suisse sans titre de séjour ni autorisation. Il avait également constaté les faits de manière inexacte. Le recourant ne s'était jamais prévalu de la seule durée de son séjour en Suisse.
L'autorité intimée devait assumer la responsabilité du délai de traitement excessif de sa demande. Conformément aux directives du SEM, compte tenu du fait que le séjour avait été toléré, sa longue durée devrait être retenue en sa faveur, étant précisé qu'il vivait aujourd'hui en Suisse depuis plus de 12 ans.
Il réalisait par ailleurs toutes les conditions de l'« opération Papyrus » et du cas de rigueur. Il avait en effet eu une activité lucrative depuis son arrivée en Suisse, en qualité de grutier ou de maçon notamment, et aujourd'hui encore, percevait un revenu mensuel suffisant pour couvrir l'intégralité de ses charges. Aussi, contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, son intégration professionnelle devait être qualifiée de réussie. Il en allait de même de son intégration sociale. Cela ressortait du témoignage, versé à la procédure, de C______ qui le décrivait comme une personne « travailleuse, intégrer et volontaire (sic) », de même que de celui de D______ qui pouvait « attester de son intégration en Suisse, le pays où il aime vivre et considère comme le sien » et qui avait rajouté qu'il parlait « très bien le français et se montre utile à notre communauté ».
Enfin, l'importance des condamnations pour infractions à la LEI devait être exclue, ou à tout le moins relativisée, ce d'autant plus qu'il avait été exempté de toute peine, et elles ne pouvaient être retenues en sa défaveur pour lui refuser la régularisation de son séjour à Genève. Il n'avait par ailleurs jamais porté atteinte à l'ordre public suisse et il avait toujours respecté les injonctions ou décisions d'autorités cantonales ou fédérales.
Depuis le décès de son père en 2020, il s'était malheureusement éloigné de sa famille et de ses proches au Kosovo et les liens avec eux étaient totalement rompus, n'ayant même plus aucun cercle d'amis sur place. Il avait construit sa vie d'adulte en Suisse et ne connaissait pas le marché du travail au Kosovo. Il ne connaissait rien du mode de vie et des traditions de son pays d'origine, de sorte qu'un renvoi dans ledit pays devait être considéré comme un réel déracinement.
Enfin, il avait bel et bien prouvé avoir envoyé sa demande de régularisation le 1er novembre 2018.
b. Le 21 août 2023, l’OCPM s'est limité à conclure au rejet du recours, en tant que les arguments du recourant étaient en substance semblables à ceux présentés par‑devant le TAPI.
c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant sollicite son audition.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).
2.2 En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans, et de produire toute pièce utile. Il n’expose par ailleurs pas quels éléments supplémentaires son audition apporterait à l’instruction de la cause.
La chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. La demande d’actes d’instruction sera partant rejetée.
3. Est litigieuse le refus d’accorder au recourant une autorisation de séjour et son renvoi de Suisse.
3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEtr, devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).
Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.
3.2 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.
3.3 Selon l’ancien art. 30 al. 1 let. b LEI (dont la teneur correspond à celle de l’actuel art. 30 al. 1 let. b LEI), il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.
Conformément à l’art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au
31 décembre 2018), pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).
3.4 Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a ; ATA/1669/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7b).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200
consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/16/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.2).
3.5 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/16/2024 précité consid. 3.3).
La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises
(ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).
3.6 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).
La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).
La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du
15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée
(ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).
L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).
3.7 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (www.ge.ch/dossier/operation-papyrus/processus-normalisation-statut-sejour/rappel-du-cadre-legal, consulté le 2 février 2024), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).
L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).
3.8 Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.
4. En l'espèce, il n’est pas remis en cause que le recourant séjourne en Suisse depuis 2011. Comme le TAPI l'a ainsi considéré, au moment du dépôt de sa demande de régularisation, que la date du 1er novembre 2018 ou celle du 6 décembre 2018 soit retenue, le recourant, célibataire et sans enfants, ne pouvait pas justifier d’une durée de séjour de dix ans continue en Suisse. Une telle durée de séjour était inférieure aux dix ans requis dans le cadre de l’« opération Papyrus ».
Le recourant ne remplit pas les autres conditions permettant de retenir l’existence d’un cas de rigueur. Il ne peut en effet se prévaloir d’une intégration sociale remarquable, quand bien même il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et n’a pas recouru à l’aide sociale. Cette indépendance économique correspond à ce qui est attendu de tout étranger souhaitant s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Celui-ci a par ailleurs fait l’objet d’une condamnation pénale pour violation simple des règles de la circulation routière. Concernant l’IES dont il a fait l’objet, prononcée à son encontre le 3 décembre 2018, et comme retenu par le TAF dans son arrêt du 7 octobre 2019, la date du dépôt de la demande de régularisation des conditions de séjour importe peu, puisque le recourant aurait dû attendre à l’étranger la réponse des autorités et ne pas se rendre en Suisse avant. Dès lors, bien qu’exempté de toute peine par le Tribunal de police dans son jugement du 11 novembre 2021, il a tout de même été reconnu coupable d’infraction à la LEI pour ces faits. Au vu de ce qui précède, son comportement ne peut être qualifié d’irréprochable, alors qu’un tel comportement doit être attendu de toute personne souhaitant la régularisation de ses conditions de séjour.
Il n’est pas contesté que le recourant a œuvré à Genève en tant notamment que maçon ou grutier. Ces activités ne présentent toutefois pas un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra y mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Les attestations qu'il a produites à la procédure ne permettent par ailleurs pas de retenir qu’il aurait fait preuve d’une intégration sociale exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Il n’apparaît en outre pas qu’il se soit investi d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour.
Arrivé à l’âge de 19 ans, il a passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte au Kosovo. Il connaît ainsi les us et coutumes de son pays et en parle la langue. S'il a allégué, au stade de sa réplique au TAPI, qu'il n'aurait plus gardé de liens dans son pays depuis le décès de son père, il ressort du dossier qu'il a encore de la famille proche au Kosovo et y a donc conservé des liens familiaux et affectifs. Il est par ailleurs en bonne santé. Ainsi, si le recourant se heurtera sans doute à des difficultés de réadaptation dans son pays d'origine, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n'importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire. En outre, celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Enfin, si la longueur du délai de traitement de sa demande auprès de l'OCPM ne peut que profiter au recourant, puisqu'il a pu demeurer en Suisse plus longtemps au bénéfice d’une simple tolérance des autorités compétentes, force est de retenir que l'examen de ladite demande était en grande partie due à son recours au TAF ainsi qu'à l'enquête des services de police.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
5. Il convient encore d’examiner si le renvoi est fondé.
5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).
5.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de A______, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 20 juillet 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juin 2023 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.