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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3742/2022

ATA/379/2023 du 18.04.2023 ( EXPLOI ) , REFUSE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3742/2022-EXPLOI ATA/379/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 avril 2023

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

dans la cause

 

A______
représentée par Me Sandra Gerber, avocate

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

représenté par Me Stéphanie Fuld



EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 11 avril 2022 et a pour but tous types de prestations de services dans le domaine du transport, notamment l'organisation de livraisons de tous types de produits et autres services logistiques dans ce domaine. D'une manière générale, la société peut créer des succursales ou des filiales en Suisse et à l'étranger, participer à d'autres entreprises, acquérir ou fonder des entreprises visant un but identique ou analogue, accorder des prêts ou des garanties à des associés ou à des tiers, faire, tant en Suisse qu'à l'étranger, toutes opérations financières, commerciales et autres et conclure tous contrats propres à développer son but ou s'y rapportant directement ou indirectement.

2) Par décision du 1er novembre 2022, le département de l’économie et de l’emploi, soit pour lui l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), considérant que l’activité d’A______ entrait dans le champ d’application de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11), a décidé de l’y assujettir. Dans la mesure où celle-ci n’était pas en possession de l’autorisation fédérale de pratiquer la location de services, en sus de l’autorisation cantonale, puisque ses activités étaient transfrontalières, la société Uber Portier B.V. (ci-après : Uber Portier) ayant son siège aux Pays-Bas, elle pratiquait illégalement cette activité. Il lui était donc fait interdiction d’exercer toute activité jusqu’à l’obtention de l’autorisation, à défaut de quoi l’OCE prononcerait à son encontre les peines prévues notamment à
l’art. 39 LSE.

La décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

Il n’était pas contesté en l’espèce qu’A______ et les livreurs soient liés par un contrat de travail de durée indéterminée, ce qui n’excluait pas l’existence de location de services. Il ressortait par ailleurs clairement des autres pièces transmises par cette société le 14 octobre 2022, notamment le « contrat de services technologiques » conclu le 8 avril 2022 entre Uber Portier et A______, qu’en substance celle-ci mettait à disposition d’Uber Portier, la cliente, du personnel pour réaliser des livraisons et recevait en contrepartie un montant selon l’art. 4 dudit contrat. Il ressortait de l’art. 5 du même contrat qu’Uber Portier restait seule propriétaire de la plateforme ainsi que des droits de propriété intellectuelle y associés et que la licence octroyée à A______ était non exclusive. Il était donc manifeste que l’application utilisée par ses livreurs était toujours gérée par Uber Portier, laquelle était gérante de cette plateforme et faisait recours aux livreurs d’A______, c’est-à-dire aux employés d’une société tierce.

Les employés d’A______ dépendaient de ladite plateforme, car chaque livreur y possédait un compte, fourni par Uber Portier, selon notamment l’art. 2 du contrat précité et avaient accès à l’application afin de pouvoir recevoir des demandes de livraisons. Il était donc établi que c’était l’application qui donnait les instructions aux livreurs et que par conséquent le pouvoir de direction de ces derniers appartenait clairement à Uber Portier en tant que propriétaire de la plateforme, cette dernière société étant donc une société locataire de services.

Au surplus, A______ était complètement dépendante de cette plateforme, étant relevé qu’elle reconnaissait, à l’art. 2.4 du « contrat de services technologiques », qu’Uber Portier mettait à sa disposition l’application ainsi que les services électroniques y relatifs, ce qui prouvait une nouvelle fois qu’elle n’avait pas d’autre choix que de passer par ladite plateforme pour gérer sa flotte.

Tout ceci démontrait qu’elle n’avait pas de pouvoir concernant l’utilisation de cette plateforme, outil de travail indispensable de ses employés pour l’accomplissement de leur mission. Il était donc manifeste que les livreurs utilisaient un outil d'Uber Portier, soit de l’entreprise de mission, pour effectuer leur travail. Enfin, la prime discrétionnaire que les livreurs recevaient en fonction de leurs statistiques, selon A______, n’était prévue dans aucun des contrats de travail qu’elle avait transmis, alors que ce genre de gratification pouvait dépendre des livraisons effectuées, répertoriées sur la plateforme, ainsi que des informations et signalements reçus par exemple d’un client, c’est-à-dire la personne qui passait commande auprès d’un commerçant, par l’intermédiaire de son application qui était aussi incluse dans ladite plateforme.

3) A______ a expédié, le 11 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles en restitution de l’effet suspensif.

Si la décision de l’OCE du 1er novembre 2022 était exécutée immédiatement, nonobstant un recours, le préjudice qu’elle subirait, de même que ses employés coursiers et les restaurateurs, serait très important et irréversible.

Elle offrait uniquement un service de livraison. Le salaire minimum était garanti à ses trente-deux employés, lesquels avaient quatre semaines de vacances et étaient en sus indemnisés pour les frais d’utilisation de leur vélo personnel. En cas d’accident ou de dommages, elle était responsable pour ces auxiliaires en tant qu’employeur. Elle leur fournissait un sac de transport. Elle leur donnait directement les instructions. Ses employés n’avaient aucune relation ni subordination avec les restaurateurs pour lesquels une livraison était effectuée. Elle restait en tout temps responsable de la gestion de ses employés coursiers, de la gestion des commandes, du choix de l’équipement, des outils et du matériel nécessaires à la livraison. Elle supportait le risque économique et commercial.

Afin de simplifier l’organisation des commandes et des livraisons, elle avait conclu un contrat de services technologiques avec Uber Portier par lequel celle-ci mettait à sa disposition une application de gestion des commandes et des livraisons par le biais d’une plateforme organisationnelle, du type de celles de réservation dans l’hôtellerie ou de gestion des rendez-vous. Elle utilisait également sa propre application, encore en phase de test. Ses employés ne recevaient aucune instruction d’Uber Portier et, hormis l’utilisation de la plateforme, n’avaient aucune relation avec cette dernière.

La décision entreprise impliquait la cessation quasi-complète de ses activités, alors que l’OCE n’invoquait aucun intérêt de nature publique ou privée suffisamment important en faveur d’une exécution immédiate de la décision pour faire obstacle à ses droits. Elle n’aurait certainement pas d’autre choix que de mettre un terme au contrat de travail de ses employés ou d’un certain nombre d’entre eux, son existence même étant gravement compromise. L’intérêt public était également pénalisé, puisqu’un nombre important de personnes se retrouverait sur le marché de l’emploi. Cette décision était aussi de nature à priver les restaurateurs auprès desquels elle effectuait des livraisons d’une source importante de revenus.

Ainsi ses intérêts, ceux de ses employés et des restaurateurs, devaient primer une éventuelle nécessité très générale de faire respecter les exigences légales. C’était donc sans aucune pesée des intérêts que l’OCE avait décidé de retirer l’effet suspensif. Elle voulait seulement obtenir de pouvoir continuer à exercer son activité jusqu’à l’issue de la procédure de recours, sans que cela ne préjuge de la question de l’application de la LSE à son activité.

4) Le 14 novembre 2022, la juge déléguée a admis les conclusions prises à titre superprovisionnel.

5) L’OCE a conclu, le 24 novembre 2022, tant à la confirmation de l’exécution de sa décision nonobstant recours et, au fond, à la confirmation de sa décision du 1er novembre 2022.

À la suite des arrêts du Tribunal fédéral dans les causes Uber et Uber Eats 2C_34/2021 et 2C_575/2020, le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) lui avait demandé de procéder à des instructions complémentaires des entreprises tierces qui utilisaient la plateforme Uber pour gérer leurs prestations.

A______ avait parfaitement connaissance, au plus tard depuis le mois de septembre 2022, que si elle désirait poursuivre son activité, elle devait être en possession d’une autorisation de pratiquer la location de services, qu’elle n’avait toujours pas demandée. Elle ne pouvait donc pas se prévaloir d’une quelconque tolérance de la part des autorités. Par ailleurs, elle n’avait, avant le début de son activité, pas spontanément demandé d’entretien à l’OCE ou au SECO afin d’exposer la nature exacte de l’activité qu’elle entendait déployer à Genève. Elle ne pouvait pas ignorer la situation juridique médiatisée liée à l’utilisation des applications « Uber » notamment dans ce canton. Elle s’était contentée de répondre à une seule des sollicitations de l’OCE. À aucun moment, elle n’avait sollicité une autorisation de pratiquer l’activité de location de services, ni une quelconque décision constatant une éventuelle inapplicabilité de la législation relative à ces activités. Elle avait donc sciemment démarré son activité en sachant qu’elle la pratiquait de manière illicite. Son éventuel intérêt à poursuivre son activité ne constituait pas un intérêt prépondérant face à l’intérêt public au respect de la loi régissant la location de services dans toute la Suisse notamment à Genève. Le fait que le SECO avait confirmé que les activités de livraison pratiquées par l’intermédiaire d’applications « Uber » étaient soumises à une telle autorisation engendrerait une inégalité de traitement manifeste si A______ devait être autorisée, même provisoirement, à pratiquer son activité, par rapport à d’autres entités exerçant dans le même domaine, ce d’autant qu’à tout le moins deux autres sociétés avaient été interdites d’exercer la location de services, nonobstant recours, faute d’autorisation y relative, par décisions notifiées au début du mois de novembre 2022.

Il était habituel que l’OCE déclare ce genre de décisions exécutoires nonobstant recours, ce d’autant plus vu l’exigence impérative d’obtenir la couverture de sûretés destinée à protéger les intérêts salariaux des travailleurs. Il était aussi évident qu’un employé avait un intérêt direct à œuvrer pour une société respectant la législation, notamment celle à son avantage, à l’instar de la LSE. La décision querellée avait incontestablement pour but et pour effet de protéger les livreurs d’A______, partie faible au contrat de travail.

Si A______ décidait de licencier ses employés plutôt que de déposer une demande d’autorisation, elle resterait tenue de respecter toutes ses obligations d’employeur, notamment dans le cas d’une procédure de licenciement collectif. De plus, le marché de la livraison de repas, en forte croissance, serait sans doute à même de réengager les employés qui pourraient être licenciés. S’agissant des restaurateurs et clients, d’autres plates-formes de livraison étaient accessibles.

Au fond, cette société était complètement dépendante de la plateforme Uber Eats et ses livreurs n’étaient pas libres de refuser les propositions de commandes faites par cet intermédiaire, de sorte qu’Uber Portier détenait une grande partie du pouvoir de direction, quand bien même elle affichait une volonté de ne pas être un employeur. Les chances de succès du recours étaient vraisemblablement extrêmement faibles, la décision attaquée étant solidement motivée.

6) A______ a expédié à la chambre administrative le 30 novembre 2022 un mémoire de recours. Elle y a conclu principalement à ce que la décision d’assujettissement du 1er novembre 2022 soit réformée en ce sens qu’elle n’était pas assujettie à la LSE, subsidiairement au renvoi de la procédure à l’OCE pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle requérait – et motivait – à nouveau, « à toutes fins utiles », que l’effet suspensif soit accordé à son recours.

Elle ne mettait pas ses trente-deux livreurs/coursiers à disposition d’Uber Portier qui n’était pas une locataire de services. Elle assumait seule et entièrement les obligations et engagements envers des restaurateurs.

7) Dans sa réplique sur effet suspensif expédiée le 5 décembre 2022, A______ a contesté que son activité soit de la location de services et, partant, qu’elle l’aurait exercée de manière illicite.

S’il n’était pas contesté que la LSE avait notamment « pour but de protéger les travailleurs loués », tous ses employés étaient au bénéfice d’un contrat de travail respectant les dispositions de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) et de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11). Elle cotisait en outre à toutes les assurances sociales obligatoires. En cas d’arrêt d’activité, elle n’aurait plus de rentrées d’argent et devrait continuer à faire face à ses charges, notamment salariales. Il était difficile de voir l’intérêt prépondérant de ses employés à l’arrêt immédiat de son activité et donc de la leur.

8) Dans une duplique spontanée du 12 décembre 2022, l’OCE a relevé que la chronologie des échanges intervenus avec la recourante démontrait qu’à tout le moins dès le mois de septembre 2022, elle avait parfaitement connaissance de la nécessité d’une autorisation de pratiquer la location de services pour poursuivre son activité. Elle ne pouvait dès lors se prévaloir d’une quelconque tolérance de la part des autorités.

Une quelconque activité soumise à autorisation, par exemple celle de pratiquer une profession de la santé ou d’exploiter une compagnie aérienne, signifiait par là-même qu’il existait un intérêt public prépondérant à protéger. Dès lors, permettre à une quelconque entité de continuer d’exercer une telle activité sans l’autorisation idoine indispensable engendrerait des conséquences particulièrement préjudiciables.

9) La chambre administrative a, par décision ATA/10/2023 du 10 janvier 2023, rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

A______ avait rendu vraisemblable qu’en cas de refus de restitution de l’effet suspensif, faute d’entrées d’argent, elle devrait licencier des livreurs. L’intérêt public manifeste au respect de la loi se trouvait en opposition avec celui de la préservation de l’emploi. La qualification de l’activité de la recourante et sa soumission à la LSE était une question complexe. Les chances de succès du recours n’apparaissaient pas évidentes. Les intérêts de l’État au respect sans délai de la LSE devaient ainsi l’emporter sur celui de la recourante à poursuivre son activité le temps de la procédure. Les mesures provisionnelles, censées être l’exception, ne pouvaient non plus être accordées.

10) A______ a déposé, le 15 mars 2023, une seconde requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles en restitution de l’effet suspensif.

À la suite de la décision du 11 janvier 2023 précitée, elle avait immédiatement interrompu son activité dans le canton de Genève. Elle tentait depuis lors, tant bien que mal, de survivre et de préserver les emplois de ses trente-deux livreurs/courtiers, de même que de ses employés administratifs. Contre toute attente, elle venait d’apprendre que la société B______, ayant exactement le même type d’activité qu’elle dans le canton de Genève, travaillant également avec la plate-forme d’Uber Portier, et fait l’objet d’une décision de l’OCE, avait obtenu la restitution de l’effet suspensif à son recours. Il s’agissait manifestement d’une violation du principe d’égalité de traitement qui justifiait le dépôt d’une nouvelle requête. Rien ne justifiait en l’espèce de la priver de la possibilité de poursuivre son activité, alors que d’autres sociétés dans la même situation se voyaient autorisées à le faire. Il en allait du principe de libre concurrence ou d’une concurrence non distordue sur le marché.

11) Le 15 mars 2023, la juge déléguée a refusé les conclusions prises à titre superprovisionnel, vu la décision sur effet suspensif du 10 janvier 2023.

12) Le 27 mars 2023 s’est tenue devant la chambre administrative une audience de comparution personnelle des parties :

a. Madame C______, l’une des deux administratrices de la société et également actionnaire (comme Monsieur D______), a expliqué que celle-là comptait trois employés administratifs. Après ses études, Mme C______ avait eu pour projet de développer un modèle d'application. C'était dans ce cadre qu’A______ avait été constituée. Elle dirigeait l'équipe administrative. Son application, complètement différente des autres plateformes, était désormais disponible sur Android App Store. Elle permettait aux restaurateurs de mettre en place un système de livraison en interne, permettant de proposer une livraison directe à leurs clients, soit en circuit direct. A______ avait commencé le démarchage auprès des restaurants, mais tout était au point mort vu la décision de refus d'effet suspensif. L’objectif premier était de ne fonctionner qu'avec l’application d’A______ et de s’affranchir de celle de Uber.

L’application d’A______ permettait de localiser les livreurs en temps réel, de connaître leurs heures de travail, leurs pourboires, pour autant que le client le paye par carte. L'employé avait accès à son planning et recevait les commandes sur son téléphone. Le restaurateur le voyait en temps réel. Le client final, soit le consommateur, payait la livraison directement au restaurant si ce dernier avait un site Web, sinon via des boîtiers sumup, reliés à leur application, après quoi A______ reversait le montant dû au restaurant. La livraison était facturée au kilomètre, au restaurateur. L'employé était payé à l'heure du moment où il commençait son service, jusqu'à la fin. Sa connexion sur l'application correspondait à un pointage. Le livreur se mettait à disposition dans un secteur qui lui était attribué chaque jour, selon un planning dressé la veille par le manager. À réception d'une commande, l’application d’A______ choisissait le livreur en fonction de sa localisation. Ce modèle était en cours pour deux livreurs, dont l'un était leur manager et le second un employé qui travaillait à 100 %. Le nombre d'heures hebdomadaire maximum de travail était de 34/36 heures. Cela ne pouvait pas être 45 heures, car il y aurait des heures creuses.

La mise en place de l'application nécessitait des moyens financiers, car A______ ne pouvait pas payer trois ou quatre livreurs s'il n'y avait pas assez de restaurateurs partenaires. Uber était un tremplin.

Trois de leurs livreurs avaient été licenciés, quatre avaient démissionné et trente étaient au bénéfice de contrats de travail avec des partenaires. A______ considérait qu'il y avait une fin des rapports de travail avec ces trente personnes. Elle avait toutefois pour objectif qu'elles réalisent la totalité de leurs revenus par mois, selon le contrat de travail qui les liait. Si tel n'était pas le cas, A______ complèterait leurs salaires pour la durée du délai de congé, ce qu’elle saurait au terme du décompte fait au 31 mars 2023 par leurs partenaires. Cette solution ne pouvait pas durer vu la situation financière d’A______. Dans la version appliquée à ces trente livreurs, le contrat de travail prévoyait en son chiffre VII un horaire minimum de 15 heures par semaine. A______ avait versé des charges sociales pour ses employés et devait encore en payer d'ici le mois de mai 2023.

A______ était en pourparlers avec E______ pour le modèle de la convention collective de travail CCT qui devait être signée en avril 2023. Les discussions concernaient les frais de téléphone des livreurs et un défraiement plus élevé au kilomètre.

Le fonctionnement de la société générait des frais. Elle n’était même pas en mesure de payer le salaire du manager. Le système de maintenance de l'application avait un coût. Jusqu'au refus de l'effet suspensif, Uber était la source de revenus d’A______. Celle-ci cherchait encore des soutiens financiers, dont par la fédération d’aide aux entreprises (FAE), devant laquelle elle s’exprimerait le 15 avril 2023. Les exigences par rapport à la LSE avaient aussi un coût et nécessitaient de trouver des fonds.

Il n'y avait pas d'élément qui avait réellement changé depuis le refus d'effet suspensif. Par contre, la volonté d’A______ de développer son propre système et de faire grandir la société était intacte. Depuis la décision de refus d'effet suspensif, A______ n’avait plus du tout de contact avec Uber et ne recevait plus de factures de sa part.

A______ n’était pas en mesure de déposer les CHF 100'000.- de sûretés imposés par la LSE. Pour entrer dans le système de la LSE, il fallait modifier complètement le modèle d'organisation avec Uber, ce qui posait problème avec cette dernière quant aux modèles d'organisation des plannings des livreurs et au montant des commissions.

À aucun moment, le département avait laissé entendre que la décision ne serait pas déclarée exécutoire nonobstant recours.

b. Selon la représentante de l’OCE, il n’y avait aucun problème à ce qu’A______ travaille avec son application.

13) Par déterminations du 3 avril 2023 :

a. A______ a exposé qu’il y avait urgence à statuer, dans la mesure où elle était au bord du dépôt du bilan, tout en continuant à assumer des charges. Sa nouvelle requête de mesures provisionnelles était motivée par le fait qu’une autre société dans la même situation avait obtenu l’effet suspensif, mais également par le fait qu’elle-même s’était vue refuser toutes les demandes de garantie pour la location de services, dès lors qu’elle n’avait pas d’activité justement car l’effet suspensif n’avait pas été accordé. Son recours n’aurait en outre plus aucun sens si ’effet suspensif n’était pas accordé et partant si elle n’existait plus ou aurait fait faillite au moment du prononcé de la décision sur le fond.

Elle produisait en annexe les décomptes, complémentaires 2022 de la caisse interprofessionnelle AVS, de même que des cotisations de septembre et novembre 2022, le décompte des intérêts moratoires d’août 2022, un extrait de compte bancaire concernant le versement entre septembre 2022 et janvier 2023 d’un montant de CHF 109'045.40 de cotisations AVS, et le devis établi pour l’application A______ (mises à jour, évolutions et exploitation 2023), pour un total de EUR 30'350.-.

b. Le département a conclu à la confirmation de sa décision nonobstant recours.

EN DROIT

1) Comme déjà retenu dans la décision précédente du 10 janvier 2023, le recours paraît à première vue recevable.

2) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) a. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer
(ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

c. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

d. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

e. Selon la jurisprudence, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

Lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui est retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit. Dans le premier cas, il peut être entré en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 2 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. En revanche, il ne peut être entré en matière dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 ; ATA/278/2009 du 4 juin 2009) ;

4) a. Dans une décision subséquente à la décision ATA/10/2023 précitée concernant A______, la chambre administrative a, dans un ATA/229/2023 du 8 mars 2023, admis la restitution de l’effet suspensif au recours formé par une société active dans la livraison de repas, utilisant la plateforme UberEats. La question juridique de fond, à savoir si l’activité telle que pratiquée par la recourante et ses livreurs ressortissait à la LSE ou non, était complexe et nécessitait une instruction plus approfondie. La réponse à cette question n’était pas évidente. L’intérêt public à l’exécution immédiate des décisions rendues par l’État était manifeste. Comme relevé dans la décision ATA/10/2023, cet intérêt devait être mis en balance avec les intérêts privés en jeu. À cet égard, l’intérêt privé de la recourante à pouvoir poursuivre son activité, pendant la durée de la procédure, était d’ordre purement financier. L’intérêt des employés à conserver leur emploi était également d’ordre financier pour ceux-ci. À la différence de la situation d’A______, le nombre d’employés concernés en l’espèce était important. En outre – ce qui n’était pas non plus le cas dans la cause d’A______ –, le syndicat actif, notamment, dans le domaine du service de livraison de repas s’était fait l’écho de l’inquiétude exprimée par les employés face à la décision déclarée exécutoire nonobstant recours, leur sort étant susceptible de basculer pendant la durée de la procédure. Les modalités du contrat de travail semblaient différer sur certains points d’avec celles prévalant dans le cas d’A______, notamment dans la gestion des plannings et l’organisation et la rémunération du temps d’attente. Enfin, contrairement à A______, créée récemment, la recourante était active depuis plus de deux ans et demi.

Le fait que la décision ait été déclarée immédiatement exécutoire impliquait la cessation immédiate de l’activité telle que pratiquée jusque-là par la recourante. Au vu de la masse salariale versée chaque mois, il était vraisemblable qu’elle devrait licencier ses livreurs si la requête de restitution de l’effet suspensif était rejetée. En cas d’admission du recours, les livreurs seraient susceptibles à nouveau de se retrouver employés de la recourante. Il existait ainsi un intérêt public et privé à éviter d’exposer un grand nombre de travailleurs à des revirements de situation importants. S’ajoutait à cela que l’attitude de l’autorité intimée avait créé une attente légitime de la recourante que la décision ne serait pas déclarée exécutoire nonobstant recours. En effet, après une instruction de près de deux ans, l’OCE avait indiqué, le 20 octobre 2022, après un échange ayant eu lieu en juillet 2022, qu’il maintenait sa position, qu’il fixait à la recourante un délai au 31 octobre 2022 pour toute observation complémentaire et que, passé ce délai, il rendrait une décision qui pourrait être assortie de l’effet suspensif. Au vu de ces indications, la recourante pouvait, de bonne foi, partir de l’idée que la décision rendue quelques jours plus tard ne serait pas déclarée exécutoire nonobstant recours.

b. Dans une décision ultérieure ATA/332/2023 du 28 mars 2023, concernant une société ayant pour but en particulier l’exploitation d’une entreprise de transport de personnes et/ou d’objets avec chauffeur via l’application Uber, la chambre de céans a également restitué l’effet suspensif au recours. La question juridique de fond, à savoir si l’activité telle que pratiquée par la recourante et ses chauffeurs ressortissait à la LSE ou non, était complexe et nécessitait une instruction plus approfondie. La réponse à cette question n’était pas évidente. L’intérêt public manifeste à l’exécution immédiate des décisions rendues par l’État devait être mis en balance avec les intérêts privés en jeu, à savoir, celui de la recourante à pouvoir poursuivre son activité, pendant la durée de la procédure, celui des employés à conserver leur emploi, des intérêts d’ordre financier. À la différence de la décision ATA/10/2023, concernant A______, le nombre d’employés concernés en l’espèce était important, à savoir trois cent quatre-vingts personnes. Le sort de plusieurs centaines de chauffeurs était susceptible de basculer pendant la durée de la procédure. Les modalités du contrat de travail semblent différer sur certains points d’avec celles prévalant dans le cas d’A______, notamment dans l’organisation et, désormais, la rémunération du temps d’attente. Enfin, contrairement à A______, créée récemment, la recourante était active depuis plus de deux ans et demi, à l’instar de celle ayant fait l’objet de l’ATA/229/2023.

5) a. Invocable tant par les personnes physiques que morales, la liberté économique (art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 140 I 218 consid. 6.3 et les références). La liberté économique comprend également le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 143 II 598 consid. 5.1; 143 I 37 consid. 8.2). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. L'égalité de traitement entre concurrents directs n'est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs, soient proportionnées et résultent du système lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2018 du 10 mars 2020 consid. 5.2 et les références).

b. La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision ou un arrêté est arbitraire lorsqu’il ne repose sur aucun motif sérieux et objectif ou n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 133 I 249 consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 113 consid. 5.1). Selon le Tribunal fédéral, l’inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; 125 I 1 consid. 2b.aa).

6) a. Selon son art. 1, la LSE vise à régir le placement privé de personnel et la location de services (let. a), assurer un service public de l’emploi qui contribue à créer et à maintenir un marché du travail équilibré (let. b) et à protéger les travailleurs qui recourent au placement privé, au service public de l’emploi ou à la location de services (let. c).

b. Selon l’art. 12 al. 1 LSE, les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail (al. 1), soit à Genève l'OCE (art. 2 de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 18 septembre 1992 - LSELS - J 2 05 et 1 du règlement d’exécution de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 14 décembre 1992 - RSELS – J 2 05.01).

La définition de l’art. 12 al. 1 LSE est large afin d’éviter que la finalité de la loi ne soit détournée, la caractéristique principale de la location de services étant la cession à des fins lucratives, c’est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à d’autres employeurs. Elle implique que la loi est également applicable aux entreprises dont les travailleurs exécutent des travaux pour des tiers qui s’en chargent habituellement eux-mêmes, c’est-à-dire qui sont spécifiques à la branche (FF 1985 III 524, p. 581 ss).

c. L’art. 26 de l’ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (OSE - RS 823.111) précise l’activité de location de services.

d. Comme critères auxiliaires pour les questions de délimitation, la jurisprudence s'inspire également des directives et commentaires relatifs à la LSE du SECO (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_543/2014 précité consid. 2.4 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.5).

7) En l’espèce, la recourante concède que son modèle d’activité ne s’est pas modifié depuis le prononcé de la décision de refus de restitution de l’effet suspensif du 10 janvier 2023, si ce n’est que désormais elle ne compte plus que quelques employés, à savoir l’administratrice, un manager et un livreur. Une trentaine de ses livreurs bénéficient de contrats de travail auprès de partenaires. Pendant le délai de congé, elle entend rétribuer si nécessaire la différence entre l’activité qu’ils auront effectivement pu déployer et celle prévue dans leur contrat auprès d’elle.

Si elle explique que sa propre application est désormais fonctionnelle, de sorte qu’il lui est possible de travailler en lien direct avec les restaurateurs, ce qui est le cas actuellement du manager et d’un livreur engagé à 100 %, la phase suivante consiste à trouver suffisamment de restaurateurs pour qu’elle puisse s’affranchir de la plate-forme d’Uber. L’autorité intimée n’est pas opposée à ce qu’elle poursuive son activité selon ce cas de figure. A______ concède toutefois que la plate-form Uber demeure le tremplin nécessaire pour parvenir à la masse critique de restaurateurs lui permettant de fonctionner avec sa seule application.

Elle estime que sa situation devrait connaître le même sort que celui tranché en faveur d’une société concurrente s’étant vue restituer l’effet suspensif à son recours dans la décision ATA/229/2023. Les deux situations en cause présentent toutefois des différences qui impliquaient au moment de leur prononcé, respectivement à ce jour, qu’elles doivent être traitées de manière différente.

Comme relevé dans les décisions reprises en substance ci-dessus, et quand bien même chaque employé a son importance en tant que tel, les deux sociétés pour lesquelles l’effet suspensif a été restitué par la chambre de céans comptaient plusieurs centaines d’employés, contre une trentaine chez la recourante.

Surtout, la recourante n’a commencé son activité qu’en avril 2022, ce qui n’est pas le cas des deux autres sociétés, anciennes de plus de deux ans et demi.

S’y ajoute que pour la première de ces sociétés, l’attitude de l’autorité intimée avait créé une attente légitime de la recourante que la décision ne serait pas déclarée exécutoire nonobstant recours. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’au contraire, le 20 octobre 2022, l’autorité intimée a clairement écrit à la recourante que passé le 31 octobre 2022, elle rendrait une décision qui pourrait être assortie du retrait de l’effet suspensif. Au vu de ces indications, la recourante devait partir de l’idée que la décision rendue quelques jours plus tard pourrait être déclarée exécutoire nonobstant recours.

Depuis la décision du 10 janvier 2023, la recourante a replacé une trentaine de ses chauffeurs chez des partenaires, de sorte que si le retrait de l’effet suspensif était confirmé, lesdits livreurs conserveraient le revenu versé par leur nouvel employeur, complété si nécessaire, pendant le solde du délai de congé, par la recourante. Au vu de la situation prévalant, ces livreurs ne sont pas exposés à un préjudice financier, ni à un revirement de situation important.

Certes, la recourante peut être suivie lorsqu’elle expose que son fonctionnement actuel a un coût, en termes de salaires à verser à son manager et au livreur susmentionnés, de différence de revenu à assumer à l’égard de la trentaine de livreurs susmentionnés, en sus des frais de maintenance de son application, au point que sa pérennité serait compromise.  Cette situation ne justifie toutefois pas qu’il soit, dans la pesée des intérêts, accordé plus de poids à cet intérêt purement financier de la recourante qu’à l’intérêt public manifeste au respect de la loi.

Les parties s’opposent sur la qualification de l’activité de la recourante et sa soumission ou non à la LSE. Il s’agit, comme déjà relevé, d’une question complexe qui va nécessiter une analyse approfondie de la chambre de céans.

Les chances de succès du recours n’apparaissent pas évidentes.

Aussi, il se justifie de mettre en balance, in concreto, les intérêts de l’État au respect sans délai de la LSE dont le but est notamment de protéger les travailleurs, et celui privé de la recourante à poursuivre sans autre son activité le temps de la procédure, soit un intérêt purement financier, pour constater que le premier doit l’emporter.

La demande de restitution de l’effet suspensif sera donc rejetée.

La recourante ne saurait davantage obtenir par le biais de mesures provisionnelles, censées être l'exception en cas de décision négative, la levée de l'interdiction de poursuivre son activité, s’entendant avec usage de la plate-forme Uber, une activité au moyen de sa seule application demeurant possible.

De telles mesures provisionnelles seront donc de même refusées.

8) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Sandra Gerber, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Stéphanie Fuld, avocate de l’office cantonal de l'emploi.

 

Le vice-président :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :