Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2239/2010

ATA/603/2011 du 23.09.2011 sur JTAPI/746/2011 ( PE ) , ACCORDE

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2239/2010-PE ATA/603/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 septembre 2011

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

T______ SA et Monsieur A______
représentés par Me Robert Fox, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juin 2011 (JTAPI/746/2011-3)



 

Attendu, en fait, que :

M. A______, né le ______ 1958, et ressortissant de Côte d'Ivoire, a travaillé en tant que cuisinier auprès de la Mission permanente de la Côte d'Ivoire à Genève du 1er juillet 1999 au 30 novembre 2006. Il était alors titulaire de cartes de légitimation délivrées par le département fédéral des affaires étrangères.

A partir du 1er avril 2007, M. A______ a travaillé en tant que chef de cuisine dans le restaurant africain Le L______ à Renens, dans le canton de Vaud. Le 24 octobre 2007, il a obtenu des autorités vaudoises, à titre provisoire, l’autorisation d’exercer une activité lucrative auprès de ce restaurant ; cet octroi a été approuvé le 7 octobre 2008 par l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM). L’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a alors délivré à l’intéressé une autorisation de séjour de courte durée (permis L), valable jusqu’au 5 octobre 2009. M. A______ a perdu son emploi suite à la faillite de la société B______ S.A., propriétaire du L______, qui a été déclarée le 26 mars 2009.

T______ S.A., dont le siège est à Carouge, a pour but l’exploitation d’un commerce de charcuterie-boucherie-traiteur, l’importation et le commerce de vins en bouteilles, de boissons et produits alimentaires. Elle s’occupe aussi de services de restauration, organisation de manifestations et exploitation de salles de banquets.

Le 16 septembre 2009, T______ S.A. a sollicité une autorisation en vue d'embaucher M. A______. Par décision du 7 octobre 2009, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée, au motif que l’ordre de priorité de l’art. 21 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr – RS 142.20) n’avait pas été respecté.

Par acte du 13 novembre 2009, T______ S.A. et M. A______ ont, par l'intermédiaire de leur conseil, recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission ; devenue dès le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance, ci-après: TAPI), concluant préalablement à l'octroi de mesures provisionnelles ou de l’effet suspensif.

Par décision sur mesures provisionnelles du 30 novembre 2009, la commission a autorisé M. A______ à poursuivre une activité professionnelle au sein de T______ S.A. et donc à résider sur territoire suisse jusqu’à droit jugé sur le fond du litige. Cette décision a été portée par-devant le Tribunal administratif - devenu dès le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) - par l’OCIRT, qui a ensuite retiré son recours le 26 mars 2010.

Par décision du 2 mars 2010, après avoir entendu les parties lors d’une audience qui s’est tenue le même jour, la commission a admis le recours interjeté le 13 novembre 2009 par T______ S.A. et M. A______ contre la décision du 7 octobre 2009 de l’OCIRT et annulé ladite décision. M. A______ ne pouvait être considéré comme un travailleur en Suisse au sens de l’art. 21 al. 2 let. c LEtr ; mais en vertu du droit à la protection de la bonne foi, l’OCIRT ne pouvait reprocher aux intéressés de ne pas avoir respecté la procédure ordinaire pour repourvoir le poste de travail.

Le 31 mars 2010, l’OCIRT a demandé à la commission d’interpréter sa décision du 2 mars 2010, et en particulier d’indiquer aux parties si une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative était octroyée en faveur de M. A______ ou si la cause était renvoyée à l’OCIRT pour nouvelle décision avec les réserves mentionnées dans les considérants en droit de la décision.

Par décision du 20 avril 2010, la commission a précisé avoir annulé la décision de l’OCIRT du 7 octobre 2009 du seul fait que le principe de la protection de la bonne foi interdisait à l’OCIRT de refuser la demande d’autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) déposée le 27 août 2009 en faveur de M. A______ par T______ S.A. au motif que les intéressés n’avaient pas respecté la procédure ordinaire pour repourvoir le poste de travail. Elle ne s’était pas prononcée sur les autres conditions légales pour la délivrance d’une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B).

Par décision du 26 mai 2010, l’OCIRT a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée au motif que les conditions légales n’étaient pas respectées : d’une part, la demande ne présentait pas un intérêt économique suffisant, d’autre part, seuls les cadres, spécialistes ou autres travailleurs qualifiés pouvaient obtenir une autorisation, et le poste en question ne nécessitait pas d’être pourvu par une personne qualifiée.

Le 28 juin 2010, T______ S.A. et M. A______ ont recouru contre cette décision auprès de la commission, concluant implicitement à l'octroi de l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles.

Le 2 juillet 2010, l’OCIRT s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif.

Par décision sur effet suspensif et mesures provisionnelles du 6 juillet 2010, la commission a admis la demande et réservé la suite de la procédure, considérant que, vu les éléments figurant au dossier, les circonstances particulières du cas justifiaient de permettre à M. A______ de poursuivre une activité professionnelle au sein de T______ S.A. et donc de résider à Genève pendant la durée de la procédure.

Le 21 juin 2011, le TAPI a rejeté le recours sur le fond.

Le 5 septembre 2011, T______ S.A. et M. A______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI précité.

Sur le fond, les recourants ont conclu à l’annulation du jugement du TAPI du 21 juin 2011 et au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement à l'octroi d'une unité de contingent permettant à M. A______ de solliciter une autorisation de séjour ou, très subsidiairement, une autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative.

A titre préalable, sous un chef hors conclusions intitulé «mesures provisionnelles / effet suspensif», les recourants ont sollicité l'autorisation de permettre à M. A______, jusqu'à droit connu sur le recours, de poursuivre une activité professionnelle au sein de T______ S.A., et demandé qu'il soit autorisé à résider sur territoire suisse jusqu'à droit connu dans la présente procédure. Certes, un effet suspensif ne pouvait être restitué lorsque le recours était dirigé contre une décision négative. Dans le cas d'espèce néanmoins, compte tenu de la durée pendant laquelle les recourants avaient pu collaborer, il était contraire au principe de la proportionnalité que de refuser la poursuite de cette collaboration jusqu'à droit jugé sur le recours, aucun intérêt public prépondérant ne justifiant une autre solution.

Dans sa réponse du 15 septembre 2011 sur effet suspensif et mesures provisionnelles, l’autorité intimée a indiqué que la décision entreprise était une décision négative et qu’un recours contre une telle décision négative n’avait jamais d’effet suspensif. En outre, même si le recours devait être admis sur le fond, M. A______ ne serait pas pour autant autorisé à travailler, n'étant en effet en droit de commencer une activité lucrative qu’après l'approbation de l'autorisation par l’ODM et la délivrance du livret. Il ne pouvait, a fortiori, être autorisé à travailler pendant la procédure de recours. La chambre de céans devait dès lors constater que le recours contre la décision négative prise le 26 mai 2010 n'avait pas d'effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1. Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision négative, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407; 116 Ib 344 ; ATA/84/2009 du 9 avril 2009 ; U. HÄFELIN/G. MÜLLER/F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., Zurich - St-Gall 2010, n° 1800 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., Berne 2010, n° 5. 8. 3. 3 p. 814).

b. La jurisprudence a encore précisé que, lorsqu’une une décision négative est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l’effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d’un statut légal qui lui était retiré, de celle de celui qui ne disposait d’aucun droit. Dans le premier cas, la chambre administrative pourra entrer en matière sur une requête en restitution de l’effet suspensif, aux conditions de l’art. 66 al. 2 LPA, l’acceptation de celle-ci induisant, jusqu’à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. Il ne pourra pas en faire de même dans le deuxième cas, vu le caractère purement négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l’art. 21 LPA, est envisageable (ATA/280/2009 du 11 juin 2009 et ATA/278/2009 du 4 juin 2009).

3. En l'espèce, au début du processus décisionnel, soit lors de la demande faite en août 2009, M. A______ était au bénéfice d'une autorisation de courte durée, et séjournait ainsi légalement en Suisse ; son statut légal lui ayant ainsi été retiré par la première décision litigieuse, l'on se trouve dans la première des deux hypothèses citées au considérant précédent. Pour la même raison, l'art. 17 al. 1 LEtr ne trouve pas application ici (P. EGLI/D. MEYER, in M. CARONI/T. GÄCHTER/ D. THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer (AuG), Berne 2010, n° 8 ad art. 17 LEtr), et ne saurait dès lors avoir d'influence sur la question de l'effet suspensif.

4. S'agissant de la balance des intérêts privés et publics en jeu (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_347/2011 du 23 août 2011, consid. 3.3), au vu des circonstances particulières du cas, et notamment de la durée du séjour en Suisse de M. A______ (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 2C_304/2010 du 16 juillet 2010, consid. 2.5), il y a lieu d'admettre que l'intérêt du recourant de pouvoir attendre en Suisse, tout en poursuivant son activité au service de son employeur, l'issue du présent recours, prime un éventuel intérêt public à la mise en application immédiate de la décision attaquée.

5. L'effet suspensif sera dès lors accordé en application de l'art. 66 al. 2 LPA, le sort des frais étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

 

PAR CES MOTIFS

LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

statuant sur effet suspensif

octroie l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Robert Fox, avocat des recourants et à l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail.

 

 

Le président siégeant :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :