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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2811/2020

ATA/1107/2020 du 03.11.2020 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2811/2020-EXPLOI ATA/1107/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 novembre 2020

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ AG
représentée par Me Nathalie Bornoz, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



Attendu, en fait, que :

1) A______ AG (ci-après : A______), qui a son siège social à Zurich, exploite une succursale sur le site de l'Aéroport international de Genève (ci-après : AIG), établissement de droit public soumis à la réglementation sur les marchés publics.

A______ s'est engagée le 30 octobre 2017 auprès de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) à respecter les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage à Genève dans le secteur de la boulangerie, pâtisserie et confiserie (ci-après : UBPC).

2) À la suite d'un contrôle effectué le 23 octobre 2019, l'OCIRT a réclamé à A______ plusieurs documents, soit un modèle de contrat de travail, la liste des jours fériés genevois, le traitement du salaire en cas d'accident pratiqué par l'entreprise ainsi que les taux d'assurance accident pour les années 2018 et 2019, des avenants au contrat de travail mentionnant que les UBPC font partie intégrante des contrats, et enfin, s'agissant d'une travailleuse engagée le 4 mars 2019 à plein temps, des explications concernant l'évolution des salaires, de CHF 3'107.10 en mars 2019 à CHF 4'300.- dès juillet 2019. L'OCIRT a également relevé des infractions quant à la durée du travail, aux heures supplémentaires et au paiement du treizième salaire.

3) Au terme d'échanges de correspondances, au cours desquels A______ a en substance soutenu n'être soumise qu'à la convention collective de travail (ci-après : CCT) étendue de la boulangerie, pâtisserie et confiserie, et l'OCIRT qu'elle était soumise au respect des UBPC conformément à son engagement du 30 octobre 2017, l'OCIRT, constatant que A______ ne s'était toujours pas mise en conformité avec les UBPC, refusait de collaborer en ne transmettant pas les documents demandés en vue du contrôle et contestait sa compétence à ce sujet, a refusé, par décision du 20 juillet 2020, de délivrer à A______ l'attestation visée à l'art. 25 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), décision exécutoire nonobstant recours, et exclu A______ de tous les marchés publics futurs pour une période de deux ans, en application de l'art. 45 al. 1 LIRT.

4) Par acte remis à la poste le 14 septembre 2020, A______ a recouru contre la décision du 20 juillet 2020, concluant à la constatation de sa nullité, subsidiairement à son annulation. À titre préalable, l'effet suspensif devait être accordé au recours, la suspension de l'instruction devait être ordonnée pendant la durée des négociations entre la recourante et l'OCIRT, et l'AIG devait être appelé en cause.

5) Le 21 septembre 2020, l'OCIRT s'en est rapportée à justice s'agissant de la demande d'effet suspensif, et a consenti à la suspension de l'instruction, l'appel en cause n'ayant pas à être prononcé vu la suspension de l'instruction.

6) Invitée à se déterminer sur ces conclusions, A______ ne s'est pas exprimée dans le délai imparti.

7) Le 30 octobre, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles, ce dont les parties ont été informées.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) La recourante réclame la restitution de l'effet suspensif, la suspension de l'instruction et l'appel en cause de l'AIG.

3) S'agissant de la restitution de l'effet suspensif, au terme de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

4) L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265).

6) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9) Toute entreprise soumise au respect des usages en vertu d'une disposition légale, règlementaire ou conventionnelle doit en principe signer un engagement de respecter les usages auprès de l'OCIRT, autorité compétente en vertu des art. 23 et 26 al. 1 LIRT, pour exercer le contrôle par ces entreprises du respect des usages pour le compte du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES). Dans ce cadre, l'OCIRT délivre à l'entreprise une attestation, laquelle est de durée limitée (art. 25 al. 1 LIRT), soit trois mois (art. 40 al. 1 RIRT). L'engagement vaut pour l'ensemble du personnel concerné (art. 25 al. 2 LIRT).

Les entreprises en infraction aux usages font l'objet des sanctions prévues à l'art. 45 LIRT (art. 26A LIRT).

10) À teneur de l'art. 45 al. 1 LIRT, lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 LIRT ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage, l'OCIRT peut prononcer une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 LIRT, pour une durée de trois mois à cinq ans laquelle est exécutoire nonobstant recours (art. 45 al. 1 let. a LIRT).

Une liste des entreprises faisant l'objet d'une décision exécutoire de la part de l'OCIRT est établie, qui est accessible au public (art. 45 al. 3 LIRT).

Le refus de délivrer l'attestation en application de l'art. 45 al. 1 let. a LIRT entraîne donc ex lege l'inscription de l'entreprise sur la liste de l'art 45 al. 3 LIRT.

11) En l'espèce, la recourante a fait l'objet d'une telle décision de refus de délivrance d'attestation le 20 juillet 2020, laquelle est exécutoire nonobstant recours. Elle a ainsi également été inscrite sur la liste de l'art. 45 al. 3 LIRT.

La recourante sollicite, sur mesures provisionnelles, qu'il soit ordonné à l'OCIRT de lui délivrer l'attestation, soit également de la retirer de la liste, jusqu'à droit connu sur le fond de la présente procédure.

En ordonnant le caractère exécutoire nonobstant recours de sa décision, l'OCIRT n'a fait que se conformer l'art. 45 al. 1 let. a in fine LIRT, qui dispose que la décision est immédiatement exécutoire.

Une restitution de l'effet suspensif concernant la mesure prévue par l'art. 45 al. 1 let. a LIRT reviendrait à accorder à titre provisoire ce que la recourante demande sur le fond, soit la délivrance de l'attestation, avant même d'avoir instruit de manière complète la procédure, un tel procédé étant proscrit par la jurisprudence (ATA/439/2016 précité consid. 11).

Dans la mesure où la recourante ne conteste pas avoir pris l'engagement - de respecter les conditions minimales de travail et prestations sociales en usage à Genève dans le secteur de la boulangerie, pâtisserie et confiserie (UBPC) - dont l'OCIRT lui reproche la violation, ni de n'avoir pas remis les documents réclamés par l'OCIRT en vue de la vérification du respect dudit engagement, les chances de succès de son recours n'apparaissent pas d'emblée manifestes.

Dès lors, la requête de restitution d'effet suspensif et de mesures provisionnelles sera refusée. Ni la délivrance de l'attestation ni, partant, le retrait de la liste de l'art 45 al. 3 LIRT, ne seront ordonnés à titre provisionnel.

12) S'agissant de la requête de suspension de l'instruction, l'art. 78 let. a LPA dispose que l'instruction du recours est suspendue par la requête simultanée de toutes les parties.

En l'espèce, l'OCIRT a expressément consenti à la requête formée par A______.

Il sera donc fait droit à la requête de suspension de l'instruction.

13) S'agissant enfin de la requête d'appel en cause d'AIG formée par A______, l'OCIRT fait observer à juste titre que celle-ci est prématurée dès lors que la suspension de l'instruction est ordonnée.

Il ne sera donc pas donné suite en l'état à la requête d'appel en cause.

14) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de mesures provisionnelles ;

ordonne la suspension de l'instruction de la procédure en application de l'art. 78 LPA ;

rejette la requête d'appel en cause de l'Aéroport International de Genève ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Nathalie Bornoz, avocate de la recourante ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :