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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/961/2011

ATA/321/2012 du 22.05.2012 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/961/2011-FORMA ATA/321/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mai 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame G______

contre

FACULTÉ DES LETTRES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Madame G______, née en 1966, de nationalité allemande, est immatriculée à l’Université de Genève (ci-après : l’université) depuis l’année académique 2000-2001. Elle briguait une licence ès lettres (arabe, allemand, beaux-arts) dispensée par la faculté des lettres (ci-après : la faculté).

2. Après de multiples décisions sur élimination levées et octrois de délais supplémentaires, Mme G______ a réussi les examens de demi-licence le 8 juillet 2005 et elle a obtenu son baccalauréat universitaire ès lettres le 6 juillet 2007.

3. Mme G______ a alors entamé une maîtrise ès lettres lors de la rentrée académique 2007-2008, cursus qu’elle a poursuivi durant l’année suivante.

4. Le 31 juillet 2009, Mme G______ a sollicité de la faculté un semestre de congé. En raison du décès soudain et inattendu de son père, survenu le 5 octobre 2008, il lui était très difficile de se concentrer sur ses études car elle était encore sous le choc.

Dite demande a été acceptée par le vice-doyen de la faculté.

5. Par décision du 12 octobre 2010 prise par le doyen de la faculté, Mme G______ a été éliminée de la faculté.

Arrivée au terme de son cinquième semestre d’études de maîtrise universitaire, Mme G______ n’avait pas obtenu les 60 crédits exigés par le règlement d’études 2005 de la faculté des lettres (ci-après : RE).

Dite décision notifiée par voie recommandée n’ayant pas été retirée par sa destinataire, elle a été retournée à l’expéditeur le 22 octobre 2010.

6. Le 7 décembre 2010, la division administrative et sociale des étudiants (ci-après : DASE) de l’université a procédé à l’exmatriculation de Mme G______, celle-ci ayant été éliminée de sa faculté.

7. Le 23 décembre 2010, Mme G______ a adressé au doyen de la faculté une demande de dérogation à l’élimination. Ce n’était que le 20 décembre 2010 qu’elle avait pris connaissance du contenu de la lettre d’élimination puisque celle-ci ne lui avait pas été transmise.

Suite à un choc émotionnel extrême lié au décès de son père, elle n’avait pas pu poursuivre ses études. Sa grave dépression l’avait empêchée de s’inscrire aux examens.

Etait joint un certificat médical daté du 22 décembre 2010 établi par le Docteur Elie Badaoui, spécialiste FMH en médecine interne à Genève : Mme G______ n’était pas capable de passer des examens à l’université car elle souffrait d’une dépression grave depuis une année ; cela avait affecté aussi son état physique. Elle suivait un traitement et sa condition était en train de s’améliorer.

Mme G______ sollicitait du doyen qu’il revienne sur la décision d’élimination pour qu’elle puisse terminer ses études de master.

8. Le 3 janvier 2011, Mme G______ a formé opposition à la décision d’élimination de la faculté dont elle avait eu connaissance au travers de la lettre d’exmatriculation du 7 décembre 2010.

Elle reprenait la motivation développée le 23 décembre 2010.

9. Par courrier du 12 janvier 2011, adressé par voie recommandée à Mme G______, le doyen de la faculté a accusé réception de « l’opposition (que vous avez) formée en date du 23 décembre 2010 et du 3 janvier 2011 ». Dite opposition était transmise à la commission d’opposition de la faculté pour instruction.

Par ailleurs, le doyen informait Mme G______ du retrait de l’effet suspensif attaché à son opposition, en application de l’art. 21 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université (ci-après : RIO-UNIGE).

10. Le 1er février 2011, Mme G______ a confirmé au doyen de la faculté que sa première lettre, datée du 23 décembre 2010, concernait une dérogation et non une opposition. Elle souhaitait donc que le doyen reconsidère sa demande de dérogation.

11. Par pli du 1er mars 2011, le doyen a confirmé à Mme G______ qu’après avoir consulté les enseignants du département d’allemand et la commission des oppositions, le décanat maintenait sa décision d’élimination.

Ce courrier ne comportait aucune indication de voie de droit.

12. Mme G______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par acte du 10 mars 2011 intitulé « recours contre la décision d’élimination de la faculté des lettres datée du 1er mars 2011 », enregistré par la chambre administrative sous numéro de procédure A/961/2011.

La lettre du 1er mars 2011 l’avisant de son élimination n’avait pas été faite dans les règles : elle ne lui avait pas été communiquée par recommandé, n’était pas motivée et aucune explication n’était donnée pour justifier le maintien de la décision d’élimination suite à l’opposition qu’elle avait formée le 3 janvier 2011. Aucune voie de recours n’était mentionnée.

Elle était étonnée que l’université n’ait pas pris en considération son état de santé et, sur ce point, elle a persisté dans ses précédentes explications en se référant notamment au certificat médical du 22 décembre 2010 du Dr Badaoui.

Implicitement, elle a conclu à l’annulation de la décision d’élimination, les effets de celle-ci devant être suspendus pendant l’instruction du recours afin qu’elle puisse poursuivre son cursus universitaire.

13. Invitée à se déterminer sur la demande de restitution de l’effet suspensif, la faculté s’y est opposée dans ses conclusions du 6 mai 2011.

14. Le 9 mai 2011, le doyen a accepté quant à la forme l'opposition formée le 3 janvier 2011, bien qu'elle l'ait été hors délai, et l'a rejetée, suivant en cela le préavis de la commission des oppositions de la faculté.

Le congé demandé par Mme G______ lui avait été accordé malgré l'absence de tout justificatif quant au décès de son père. A l'issue du semestre d'automne 2009-2010, alors qu'elle se trouvait déjà en situation d'élimination, le doyen avait attendu la fin du semestre de printemps 2010 pour faire le point sur la situation de Mme G______. Elle n'avait pu obtenir les 60 crédits requis malgré les cinq semestres dont elle avait bénéficié.

Le certificat médical datait du 22 décembre 2010 et avait été produit le lendemain à l'appui de la demande de dérogation. Il appartenait en principe à Mme G______ de présenter un tel certificat au terme de son semestre de congé, afin de prolonger le cas échéant ce dernier. Le certificat en cause indiquait qu'elle n'était pas capable de passer des examens à l'université, mais cela ne démontrait pas en quoi la dépression ainsi certifiée avait eu un effet causal sur la non-obtention des 60 crédits requis à l'issue des quatre semestres d'études de maîtrise ès lettres, et ce malgré un congé d'un semestre et l'octroi d'un semestre supplémentaire au printemps 2010 pour l'obtention des 24 crédits manquants.

15. Par décision sur mesures provisionnelles du 11 mai 2011, la présidente siégeant de la chambre administrative a rejeté la demande d’effet suspensif, traitée comme une demande de mesures provisionnelles.

16. Le 30 mai 2011, l’université s’est opposée au recours. Celui-ci devait être déclaré irrecevable. La décision contre laquelle Mme G______ avait formé recours en date du 10 mars 2011 était le refus de dérogation prononcé par le doyen le 1er mars 2011 et non pas une décision sur opposition.

17. Par acte daté du 17 juin 2011 mais posté le 20 juin 2011, Mme G______ a interjeté recours (enregistré sous numéro de cause A/1902/2011) auprès de la chambre administrative contre la décision sur opposition du 9 mai 2011, concluant à son annulation et à pouvoir poursuivre ses études à la faculté.

Les résultats qu'elle avait obtenus depuis le début de sa maîtrise étaient très bons. Il ressortait du certificat médical produit le 22 décembre 2010 qu'en raison de la dépression dont elle avait souffert, elle n'avait pas été en mesure d'informer la faculté de son état de santé ni de solliciter un autre semestre de congé. Un nouveau certificat médical attestait le lien de causalité entre sa maladie et le fait de ne pas avoir pu poursuivre normalement ses études. Sa situation devait dès lors être qualifiée d'exceptionnelle au sens de la réglementation universitaire.

Etait joint au recours un certificat médical manuscrit daté du 6 juin 2011 et signé par le Docteur Marius Besson, chef de clinique à l'unité mobile de soins communautaires des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), selon lequel Mme G______ présentait depuis décembre 2009 un état anxio-dépressif sévère s'étant traduit par une attitude de repli (incapacité à sortir de chez elle), une perte de poids et une grande difficulté à gérer ses affaires courantes. Son état clinique avait fortement perturbé son quotidien, ses études universitaires en particulier, et l'avait rendue incapable d'apprécier pleinement les conséquences de ses choix (impossibilité de demander des congés ou d'effectuer des démarches administratives). Depuis décembre 2010, l'état de Mme G______ s'améliorait progressivement.

18. Le 12 juillet 2011, la faculté a conclu à l'irrecevabilité du recours ; subsidiairement, si par impossible celui-ci devait être déclaré recevable, un délai devait lui être accordé pour répondre sur le fond.

La décision sur opposition du 9 mai 2011 avait été envoyée à Mme G______ par pli recommandé, à la dernière adresse communiquée à l'université par l'étudiante, soit ______, rue X______ à Meyrin. Une tentative infructueuse de notification avait eu lieu le 10 mai 2011. Le délai de garde de sept jours venait à échéance le 17 mai 2011, mais avait été prolongé sur demande de l'intéressée, qui avait retiré le pli à la poste le 21 mai 2011.

A cette époque, Mme G______ était partie à la procédure d'opposition, ainsi qu'à celle de recours, déjà pendante auprès de la chambre administrative. Elle devait donc s'attendre à recevoir des communications des autorités. Le point de départ du délai était, conformément à la jurisprudence, le dernier jour du délai de garde, même si ce dernier avait été prolongé. Le recours, posté le 20 juin 2011, soit au-delà du délai de trente jours, était ainsi tardif et devait être déclaré irrecevable.

19. Le 20 juillet 2011, le juge délégué a imparti à la faculté un délai au 30 août 2011 pour déposer ses observations sur le fond du litige.

20. Le 11 août 2011, Mme G______ a adressé un courrier spontané à la chambre administrative. Elle n'avait reçu la décision que le 21 mai 2011, comme en attestait le récépissé postal. En outre, depuis la décision d'élimination, elle avait toujours correspondu avec la faculté et la chambre administrative en mentionnant son adresse 39, quai Y______ à Genève.

21. Le 30 août 2011, la faculté a conclu, subsidiairement, au rejet du recours.

Durant ses deux premiers semestres d'études, soit au terme de l'année académique 2007-2008, Mme G______ avait obtenu 36 crédits. Lors de ses troisième et quatrième semestres d'études, soit pendant l'année académique 2008-2009, elle n'avait obtenu aucun crédit. Elle avait alors demandé, le 31 juillet 2009, à bénéficier d'un congé d'un semestre (automne 2009-2010) suite au décès soudain et inattendu de son père, congé qu'elle avait obtenu. Le décanat lui avait laissé un semestre de grâce au printemps 2010, mais au terme de ce cinquième semestre d'études elle n'avait toujours pas obtenu les 60 crédits réglementaires. Son élimination avait donc été prononcée à juste titre.

Le certificat médical du 22 décembre 2010 contenait des explications peu circonstanciées qui ne démontraient pas la gravité du trouble évoqué, ni ses effets perturbateurs et encore moins l'existence d'un rapport de causalité entre ceux-ci et l'absence d'obtention des 60 crédits en cinq semestres. Quant au certificat médical du 6 juin 2011, il devait être écarté en tant qu'il avait été produit tardivement.

22. Le 14 octobre 2011, Mme G______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

Le second certificat médical avait été établi au vu des objections émises par la faculté sur la portée du premier. L'université refusait manifestement de reconnaître les effets engendrés par sa dépression, alors qu'elle avait pleinement prouvé sa maladie et les perturbations qu'elle entraînait.

23. Le 2 novembre 2011, la faculté a persisté dans ses conclusions.

24. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

25. Il ressort de la consultation de la base de données de l'office cantonal de la population que Mme G______ aurait quitté Genève______ (Egypte) le 30 novembre 2006, sa dernière adresse enregistrée étant ______, rue X______ à Meyrin.

EN DROIT

1. Conformément à l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), les deux causes A/961/2011 et A/1902/2011 seront jointes, sous le premier des deux numéros, car elles concernent les mêmes parties et les mêmes faits.

2. La chambre administrative est l’instance de recours compétente pour connaître des recours dirigés contre les décisions sur opposition des instances de l’université (art. 43 al. 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, en vigueur depuis le 1er janvier 2011).

3. La recevabilité du recours du 10 mars 2011 mérite examen.

Le « concerne » dudit recours vise expressément la décision d’élimination de la faculté des lettres datée du 1er mars 2011. Celle-ci doit être placée dans son contexte. Il est établi que la décision d’élimination du 12 octobre 2010 notifiée par pli recommandé à la recourante n’a pas été retirée par cette dernière et retournée à l’université. En conséquence, la DASE a pris une décision d’exmatriculation le 7 décembre 2010.

La recourante allègue n’avoir eu connaissance de la décision d’élimination du 12 octobre 2010 qu’à l’occasion de la décision d’exmatriculation. C’est alors qu’elle a sollicité le 23 décembre 2010 une dérogation à l’élimination, et, le 3 janvier 2011, elle a formé opposition à l’encontre de la décision d’élimination.

Il résulte des courriers subséquents de la faculté, et notamment de la lettre du doyen de la faculté du 12 janvier 2011, que celui-ci a traité les deux courriers précités comme une opposition et les a transmis à la commission ad hoc.

Certes, la recourante a réagi le 1er février 2011 en précisant que sa lettre du 23 décembre 2010 ne constituait pas une opposition mais une demande de dérogation. Nonobstant cette précision, le doyen de la faculté a confirmé à Mme G______ le 1er mars 2011 que le décanat maintenait la décision d’élimination. Ce courrier n'indiquait pas la voie de droit.

A rigueur de droit, la lettre du 1er mars 2011 susmentionnée ne saurait être assimilée à une décision au sens formel du terme. Dans ce courrier, le doyen de la faculté ne s’est pas déterminé sur la demande de dérogation qui lui était soumise mais il a confirmé la décision d’élimination de la faculté.

Compte tenu des circonstances, il convient d’admettre que la lettre du 1er mars 2011 peut être assimilée à une décision sur opposition confirmant la décision d’élimination du 12 octobre 2010.

Il s’ensuit que le recours est recevable en application des art. 43 al. 2 LU et 62 al. 1 let. a LPA.

Cette solution s’impose d’autant plus que le doyen de la faculté a rendu une décision formelle sur opposition le 9 mai 2011. Ce serait donc faire preuve de formalisme excessif que de considérer le recours du 10 mars 2011 comme irrecevable parce que n’étant pas dirigé contre une décision sur opposition formelle. Tout au plus, pourrait-on admettre que le recours est prématuré, ce qui n’empêche pas, pour les raisons développées ci-avant, son examen au fond.

4. La recevabilité du recours déposé le 20 juin 2011 mérite elle aussi examen.

a. Les délais fixés par la loi sont des dispositions de droit public qui présentent un caractère impératif. A ce titre, ils ne sont pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, sauf par le législateur lui-même (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA ; ATA/779/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 ; ATA/785/2004 du 19 octobre 2004, consid. 3 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 378). De fait, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/15/2004 du 6 janvier 2004, consid. 2a ; ATA/266/2000 du 18 avril 2000, et les références citées).

b. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2ème phr. LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/105/2012 du 24 février 2012 consid. 6b et les références citées).

c. Le délai de recours court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA). S’agissant d’un acte soumis à réception, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 2002, p. 302/303 n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 118 II 42 consid. 3b p. 44 ; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a).

d. Lorsque la décision n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité, elle est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA). Cette disposition légale entrée en vigueur le 1er janvier 2009 ne fait que reprendre la jurisprudence constante du Tribunal fédéral sur ce sujet, selon laquelle un envoi recommandé qui n’a pas pu être distribué est réputé notifié le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la remise de l’avis d’arrivée dans la boîte aux lettres ou la case postale de son destinataire (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399 ; 127 I 31 consid. 2a/aa p. 34 rés. in SJ 2001 I 193 pp. 195-196 ; 123 III 492 consid. 1 p. 493 ; 119 V 89 consid. 4b.aa p. 94, et les arrêts cités).

e. Lorsque le destinataire donne l’ordre au bureau de poste de conserver son courrier, l’envoi recommandé est réputé notifié au plus tard le dernier jour du délai de garde, qui compte sept jours (ATF 127 I 31 précité). L’ordre de garder le courrier n’emporte, par conséquent, aucune dérogation aux principes généraux sur la notification des décisions sous pli recommandé (ATF 123 III 492 consid.1 pp. 493-494 ; 113 Ib 87 consid. 2b pp. 89-90 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.250/1995 consid. 2b.cc ; SJ 2001 I 573 consid. 5 p. 582).

f. D’autres arrangements particuliers avec la poste ne peuvent repousser l’échéance de la notification (ATF 127 I 31 précité). Lorsque le recourant a choisi de retenir les envois qui lui sont adressés en « poste restante », ce qui lui permet de les faire conserver pendant un mois selon les facilités que la poste octroie, l’acte est également réputé notifié le dernier jour du délai de garde de sept jours et non pas le dernier jour du délai de garde d’un mois (ATF 113 Ib 87 consid. 2b pp. 89- 90).

g. La fiction de la notification nécessite une règle claire, simple et avant tout uniforme (ATF 123 III 492 consid. 1 pp. 493-494, et les références jurisprudentielles citées). Cela est également important pour l’autorité prenant la décision, d’éventuelles parties au litige et l’autorité de recours. La poste jouit aujourd’hui de la même liberté qu’une entreprise et ses employés ne sont plus liés comme des fonctionnaires aux principes de l’activité étatique. Dès lors, la date de la notification ne doit pas dépendre d’un comportement favorable aux clients ou d’une prolongation par inadvertance du délai de garde. Dans ce domaine, il n’est pas excessivement formaliste de toujours considérer la notification comme réalisée après l’écoulement de sept jours suivant la tentative de notification, indépendamment du délai concret de retrait octroyé par la poste. Le moment de la notification fictive est toujours déterminable, puisque les sept jours débutent avec la tentative de remise de l’envoi, dont la date figure sur l’avis de retrait (SJ 2001 I 193 consid. 2b pp. 196-197).

5. En l'espèce, la recourante devait s'attendre à recevoir des communications des autorités universitaires ou judiciaires, puisqu'elle avait interjeté un recours auprès de la chambre de céans et attendait le résultat de l'opposition qu'elle avait formée. La notification par la faculté de la décision sur opposition à l'adresse de la recourante enregistrée dans sa base de données n'est pas critiquable, ce d'autant que Mme G______ n'avait pas annoncé - et ne l'a toujours pas fait - sa nouvelle adresse auprès des autorités de contrôle de la population.

Le pli recommandé de notification a été déposé à l'office de poste le 9 mai 2011. Une tentative infructueuse de distribution du pli a eu lieu le mardi 10 mai 2011 et la recourante en a été avisée le même jour. Il a été distribué le 21 mai 2011, mais le septième jour du délai de garde venait à échéance le mardi 17 mai 2011 à minuit. Le recours déposé à la poste le 20 juin 2011 est dès lors tardif, sans que la recourante ne démontre ni n'allègue l'existence d'un cas de force majeure.

Le recours du 20 juin 2011 sera donc déclaré irrecevable.

6. a. La LU a abrogé l'ancienne loi sur l'université du 26 mai 1973 ainsi que le règlement d'application de la loi sur l'université du 7 septembre 1998.

b. Les dispositions complétant la loi sont fixées dans le statut de l'université, dans les règlements dont celle-ci se dote sous réserve d'approbation du Conseil d'Etat et dans les autres règlements adoptés par l'université (art. 1 al. 3 LU).

c. En application de l'art. 46 LU, dans l'attente du statut de l'université, celle-ci a adopté un règlement transitoire (ci-après : RTU), soumis à l'approbation du Conseil d'Etat, qui est entré en vigueur en même temps que la loi. Toutefois, ce RTU est devenu caduc le 17 novembre 2010, et a été remplacé par le statut de l'Université du 22 juin 2011 (http://www.unige.ch/apropos/reglements.html) entré en vigueur le 28 juillet 2011.

d. La faculté dispose d’un RE 2005 partiellement modifié les 19 novembre 2007 et 17 novembre 2008.

7. Dans le cas d’espèce, le litige est soumis à la LU, au RE ainsi qu’au RIO-UNIGE dès lors que l’opposition a été formée après le 1er mars 2009 et que la recourante a débuté ses études de maîtrise ès lettres en 2007.

8. Le RE régit la maîtrise universitaire ès lettres au § 3. L’art. 16 RE a pour objet l’élimination. Ainsi, aux termes du ch. 1 let. b, est éliminé l’étudiant qui n’obtient pas les crédits requis dans les délais fixés à l’art. 6.

L’art. 6 traite de la durée des études et précise en son ch. 4 que, sauf dérogation du doyen, est éliminé l’étudiant qui n’a pas obtenu au moins 24 crédits à la fin du deuxième semestre, 60 crédits à la fin du quatrième semestre et 120 crédits à la fin du huitième semestre.

9. En l’espèce, la recourante a entamé ses études de maîtrise ès lettres en 2007. En juillet 2009, elle a sollicité un semestre de congé qui lui a été accordé. A la fin de l’année académique 2009-2010, à savoir à la fin du semestre de printemps 2010 qui englobe la session d’examens d’août-septembre 2010, elle n’avait pas réussi à obtenir les 60 crédits requis conformément aux dispositions réglementaires précitées.

Sous l’angle de cette disposition réglementaire, la décision d’élimination échappe à tout grief.

10. La LU est muette sur la question de savoir si, en cas de situation d’élimination, une dérogation peut être accordée par le doyen de la faculté concernée pour justes motifs. Quant au RE, il ne prévoit pas davantage qu’au moment du prononcé d’une décision d’élimination le doyen doive tenir compte de situations exceptionnelles. Une telle latitude était précédemment reconnue au doyen de la faculté, notamment par l’art. 33 al. 4 RTU. Or, le RTU est caduc depuis le 17 novembre 2010.

Conformément à la jurisprudence, la recourante n’a pas à pâtir de la caducité du RTU. Pour pallier ce vide juridique, qui n’est que la conséquence de l’inaction des autorités compétentes en la matière, il convient d’appliquer par analogie l’art. 33 al. 4 RTU (ATA/274/2011 du 3 mai 2011 et les références citées), en vertu duquel, au moment du prononcé d’une décision d’élimination, respectivement d’exclusion, le doyen doit tenir compte des situations exceptionnelles (ATA/700/2010 du 12 octobre 2010 et les références citées). Ce mode de procéder s’impose d’autant plus qu’il est le seul à respecter l’égalité de traitement entre les étudiants. En effet, certains règlements de faculté réservent, en cas d’élimination, l’examen de situations exceptionnelles et/ou de justes motifs, alors que d’autres - à l’instar de celui de la faculté intimée - sont muets sur cette question.

11. Selon la jurisprudence constante rendue par la commission de recours de l'université (ci-après : CRUNI) et reprise par la chambre de céans, à propos de l’art. 22 al. 3 aRU, à laquelle il convient de se référer dans cette cause, n’est exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l’étudiant, ce tant d’un point de vue subjectif qu’objectif. Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant et sont en lien de causalité avec l'événement. En outre, les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont l’autorité de recours ne censure que l’abus (ATA/101/2012 du 21 février 2012 ; ATA/33/2012 du 17 janvier 2012 ; ATA/531/2009 du 27 octobre 2009 ; ACOM/118/2008 du 18 décembre 2008).

a. Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d’un proche (ACOM/69/2006 du 31 juillet 2006 ; ACOM/51/2002 du 22 mai 2002), de graves problèmes de santé ou encore l’éclatement d’une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l’étudiant, à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ATA/327/2009 du 30 juin 2009 et les références citées).

b. En revanche, et toujours selon la jurisprudence constante en la matière, le fait de se trouver à bout touchant de ses études ne constitue pas une circonstance exceptionnelle, chaque étudiant se trouvant nécessairement à ce stade de ses études à un moment donné pour autant qu’il les mène à leur terme (ATA/519/2010 du 3 août 2010 ; ACOM/23/2004 du 24 mars 2004). De même, une insuffisance de deux centièmes de la moyenne requise ne peut constituer une circonstance exceptionnelle ni apparaître comme étant disproportionné (ACOM/23/2004 précité).

c. De graves problèmes de santé sont considérés comme des situations exceptionnelles (ATA/155/2012 du 20 mars 2012 consid. 10c ; ATA/101/2012 du 21 février 2012 ; ACOM/50/2002 du 17 mai 2002), à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ATA/33/2012 du 17 janvier 2012 ; ACOM/119/2002 du 1er novembre 2002). Ainsi, la CRUNI n’a pas retenu de circonstances exceptionnelles dans le cas d’une étudiante invoquant des problèmes de santé mais n’ayant fourni aucune indication concernant la maladie et son impact sur le bon déroulement de ses études (ACOM/71/2005 du 22 novembre 2005). Elle a jugé de même dans le cas d’un étudiant ne s’étant pas présenté aux examens et invoquant par la suite plusieurs arguments, notamment le fait qu’il suivait une psychothérapie (ACOM/23/2006 du 28 mars 2006 ; ACOM/72/2005 du 1er décembre 2005). La CRUNI n’a pas davantage admis les circonstances exceptionnelles dans le cas d’un étudiant ayant connu des problèmes de santé, mais dont les effets perturbateurs n’étaient pas établis lors des sessions d’examens concernées (ACOM/75/2005 du 15 décembre 2005). De même, l'ancien Tribunal administratif a jugé qu’un état clinique de deuil et un déni défensif rencontrés au cours des deux premières années académiques, suivis d’une amélioration lors de la troisième année académique n’étaient pas constitutifs d’une circonstance exceptionnelle (ATA/449/2009 du 15 septembre 2009), que deux épisodes cliniques, non documentés, survenus au cours du semestre précédant la session d’examens ne constituaient pas en eux-mêmes une circonstance exceptionnelle (ATA/182/2010 déjà cité), et enfin, que des ennuis de santé non documentés ne permettaient pas d’admettre que la pathologie, dont se réclamait l’étudiant, aurait déployé des effets perturbateurs lors des examens (ATA/373/2010 du 1er juin 2010 et les références citées ; ATA/2______/2010 du 30 mars 2010).

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. A défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus (ATA/424/2011 du 28 juin 2011 et la jurisprudence citée).

Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l’examen a été subi ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies (ATA/424/2011 précité ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral B_354/2009 du 24 septembre 2009 et les références citées) :

la maladie n'apparaît qu'au moment de l'examen, sans qu'il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l'examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l'annulation des résultats d'examen ;

aucun symptôme n'est visible durant l'examen ;

le candidat consulte un médecin immédiatement après l'examen ;

le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l'absence de symptômes visibles, permet à l'évidence de conclure à l'existence d'un rapport de causalité avec l'échec à l'examen ;

– l'échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d'examens dans son ensemble.

12. En l’espèce, la recourante déclare avoir souffert de dépression suite au décès de son père en octobre 2008. Elle produit à ce sujet un certificat médical établi le 22 décembre 2010 par un médecin généraliste. Certes, ce praticien fait état d’une dépression grave qui a affecté la recourante pendant plus d’une année et pour laquelle elle suivrait un traitement mais aucune autre précision n’a été donnée sur le type de traitement suivi. La recourante n’a pas produit de certificat médical avant de solliciter une dérogation le 23 décembre 2010. Lorsqu’elle a présenté sa demande de congé d’un semestre en juillet 2009, elle a invoqué le choc émotionnel qu’elle subissait suite au décès de son père. A l’issue de ce semestre de congé, elle ne s’est manifestée en aucune manière auprès de la faculté. Ce n’est qu’après avoir été éliminée de la faculté qu’elle a produit le certificat médical du 22 décembre 2010. Dans ce document, le Dr Badaoui indique, de manière toute générale, que la recourante n’était pas capable de passer des examens ; il ne dit pas que l’état psychologique de sa patiente était à ce point affecté qu’elle ne pouvait pas prendre langue avec les autorités facultaires soit pour demander une prolongation de son semestre de congé, soit en se manifestant de toute autre manière.

Certes, le certificat médical du Dr Besson - lequel n'est pas non plus spécialiste en psychiatrie - précise que Mme G______ présentait depuis décembre 2009 un état anxio-dépressif sévère, qui l'avait rendue incapable d'apprécier pleinement les conséquences de ses choix et l'avait privée de la possibilité de demander des congés ou d'effectuer des démarches administratives.

Cela étant, même en prenant en compte une telle incapacité à partir de décembre 2009, elle ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle que pour le semestre de printemps 2010. Cela laisse toutefois inexpliquée la raison pour laquelle la recourante n'a pas obtenu les 24 crédits qui lui manquaient lors de ses troisième et quatrième semestres d'études, comme prévu par le règlement. En effet, lors de l'année académique 2008-2009, Mme G______ n'a obtenu aucun crédit. Dès lors, même en tenant compte de la dépression de la recourante à partir de décembre 2009, il n'existe pas de circonstances exceptionnelles l'ayant empêchée d'obtenir les 60 crédits requis au terme de ses quatre premiers semestres d'études de maîtrise.

13. Le recours sera donc rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe, dès lors qu’elle n’est pas exemptée du paiement des taxes universitaires (art. 10 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

*****

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/961/2011 et A/1902/2011 sous numéro de procédure A/961/2011 ;

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 20 juin 2011 par Madame G______ contre la décision du 9 mai 2011 de la faculté des lettres ;

déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2011 par Madame G______ contre la décision du 1er mars 2011 de la faculté des lettres ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame G______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame G______, à la faculté des lettres ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Dentella Giauque

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :