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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4303/2010

ATA/101/2012 du 21.02.2012 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : EXCLUSION(EN GÉNÉRAL); FORMATION(EN GÉNÉRAL); EXAMEN(EN GÉNÉRAL) ; ÉTAT DE SANTÉ
Normes : Cst.29.al2 ; LU.46 ; LPA.61.al1.letb ; RTU.33.al4
Résumé : Dans le cadre d'une opposition à une décision d'élimination, le lien de causalité ne peut être établi si les problèmes de santé rencontrés lors de la session d'examens sont invoqués tardivement. Ceci d'autant plus qu'il ressort du dossier que la recourante aurait pu se faire soigner plus tôt qu'elle ne le prétend. Le fait de devoir faire face à des problèmes familiaux et financiers, ou d'exercer une activité lucrative en sus de ses études ne peut être qualifié de situation exceptionnelle.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4303/2010-FORMA ATA/101/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 février 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Madame D______
représentée par Me Iana Mogoutine Castiglioni, avocate

contre

FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1. Madame D______, née le ______ 1984, s’est inscrite le 24 février 2005 auprès de la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté) de l’Université de Genève à partir du semestre d’hiver 2005/2006 pour effectuer un baccalauréat universitaire en relations internationales (ci-après : BARI).

2. Le 18 octobre 2006, Mme D______ a déposé une demande de congé de deux semestres pour étudier dans un autre établissement ou pour un stage pratique en rapport avec ses études et en raison de « récents compromis professionnels ». Cette requête a été acceptée.

3. Lors de la session d’examens du mois d’octobre 2006, Mme D______ a réussi la première partie du BARI, soit un total de soixante crédits.

4. D’après le relevé de notation du 16 septembre 2008, Mme D______ a obtenu douze crédits à la deuxième partie du BARI lors de la session du mois d’août/septembre 2008. Il était précisé que le délai d’obtention du grade postulé arrivait à échéance au mois de septembre 2010.

5. A la session d’août/septembre 2009, Mme D______ a obtenu trente-six crédits à la deuxième partie du BARI. Elle a alors échoué à l’examen de « relations internationales I » et à celui de « relations internationales III ». Son exclusion de la faculté en raison d’un échec après deux inscriptions à un enseignement a été prononcée.

6. Le 7 octobre 2009, l’étudiante a formé opposition contre cette décision. A la suite de son divorce, elle avait souffert d’un état dépressif. Elle avait dû chercher un nouveau logement et travaillait en parallèle afin de financer ses études. Ses échecs s’expliquaient également par la difficulté de s’entretenir avec le professeur du cours de « relations internationales I » et son assistante. L'étudiante demandait de pouvoir terminer ses études, ayant retrouvé un équilibre personnel.

7. Par décision du 3 novembre 2009, le doyen de la faculté a admis l'opposition et levé la décision d’exclusion de Mme D______. Il avait alors attiré son attention sur le fait qu’elle devait impérativement totaliser soixante-six crédits en un an, d’ici le mois de septembre 2010.

Comme l’emploi de la recourante, en parallèle à ses études, s’inscrivait dans le contexte de son divorce, suivi d’une dépression, il en était tenu compte au titre de situation exceptionnelle au sens des art. 22 al. 3 du règlement sur l’Université du 7 septembre 1988 (ci-après : RU) et 33 al. 4 du règlement transitoire de l’Université entré en vigueur le 17 mars 2009 (ci-après : RTU).

8. Lors de la session de janvier/février 2010, Mme D______ a obtenu quarante-cinq crédits. Les résultats de cinq examens étaient insuffisants. Elle avait été absente sans justification lors d'un autre examen.

9. Du 7 février au 23 juin 2010, Mme D______ a travaillé à 70% en tant qu’assistante au sein de l’entreprise individuelle A______, à Genève.

10. Dès le mois de juin 2010, Mme D______ s'est inscrite au chômage. Elle a perçu des indemnités à partir du mois d’août 2010.

11. Selon le relevé de notation du 25 juin 2010, Mme D______ a alors obtenu cinquante-et-un crédits lors de la session de mai/juin 2010. Cinq résultats étaient insuffisants.

12. A l’issue de la session d’août/septembre 2010, Mme D______ avait obtenu nonante-six crédits, le 17 septembre 2010. Son exclusion de la faculté a été prononcée en raison de l’expiration du délai de réussite. Les résultats de cinq examens étaient insuffisants.

13. Dans un certificat du 22 septembre 2010, Madame Doina Grasu, psychothérapeute à Bucarest, a attesté que l’étudiante avait bénéficié depuis le 29 juillet 2010 de soins pour traiter des états d’anxiété qui se manifestaient par des diminutions de sa capacité de concentration, la perturbation de son attention et de sa mémoire.

14. Le 25 septembre 2010, le Docteur Danut Andronesi, à Bucarest, a attesté que Mme D______ avait suivi un traitement ayant nécessité six interventions médicales. Une « crise hémorroïdaire » (sic) survenue le 26 août 2010 avait diminué les capacités de concentration de sa patiente.

15. En date du 14 octobre 2010, Mme D______ a formé opposition à la décision d’exclusion du 17 septembre 2010. Elle demandait une dérogation pour la prolongation de la durée des études concernant la deuxième partie du BARI.

Il lui manquait six crédits afin de réussir ce dernier. Ceux-ci correspondaient à une note insuffisante obtenue pour l’examen « méthodes appliquées au domaine international », pour lequel elle n’avait bénéficié que d’une inscription. Elle avait été confrontée à des difficultés financières, devant travailler à 70% durant le semestre de printemps 2010 pour subvenir à ses besoins et financer ses études. Elle souffrait toujours de dépression et d’états d’anxiété depuis le prononcé de son divorce le 20 juillet 2009. Lors de la session en question, elle avait échoué à deux examens des 26 et 27 août 2010. Cet échec était imputable à une « crise hémorroïdale » (sic) qui avait débuté le 26 août 2010. Malgré cette indisposition, elle s’était présentée aux épreuves compte tenu de l’échéance du délai cadre pour achever ses études. Elle ne disposait toutefois pas de sa pleine capacité de concentration.

16. Par décision du 11 novembre 2010, le doyen de la faculté a rejeté l’opposition de Mme D______, confirmant l’exclusion de celle-ci.

Mme D______ n’avait pas obtenu le nombre de crédits requis à l’échéance du délai fixé à septembre 2010. Le certificat médical établi le 22 septembre 2010 était insuffisant pour démontrer un lien de causalité entre l’état de santé de l’étudiante et la situation de celle-ci durant les examens. L’exercice d’une activité rémunérée en parallèle des études ne pouvait être pris en considération, vu la pratique et la jurisprudence en la matière. La faculté en avait exceptionnellement tenu compte en novembre 2009, cette circonstance, en soi ordinaire, s’inscrivant alors dans un contexte personnel grave, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

17. Le 10 décembre 2010, l’assistance juridique a été accordée à Mme D______ avec effet au 7 décembre 2010.

18. Par acte du 16 décembre 2010, Mme D______ a recouru contre la décision précitée de la faculté auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle conclut principalement à l’annulation de la décision querellée et à la constatation qu’une prolongation du délai d’études devait lui être accordée, sous suite de frais et dépens.

Elle reprenait les arguments sus exposés. Vu sa situation financière précaire, en raison de son divorce et de sa démission pour réviser ses cours, elle n’avait pu se faire soigner que dans son pays d’origine, la Roumanie, après la session d’examens. C’était bien à cause de ses problèmes de santé qu’elle avait échoué aux deux derniers examens, de sorte que sa situation pouvait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

19. Dans ses observations du 21 janvier 2011, l’Université de Genève conclut au rejet du recours.

Bien que les difficultés financières auxquelles avait été confrontée Mme D______ étaient regrettables, elles ne pouvaient être considérées comme une situation exceptionnelle, dans un souci d’égalité de traitement des étudiants. Il avait déjà été tenu compte de cette situation précédemment, lors de la première opposition de Mme D______ en novembre 2009. S’agissant des problèmes de santé de la recourante, le certificat médical du 25 septembre 2010, établi un mois après les faits, n’avait pas de force probante quant à la gravité de la crise et au lien de causalité de celle-ci avec l’échec aux examens du mois d’août 2010. Mme D______ aurait dû informer la faculté de son état dépressif et anxieux avant ceux-ci. A cet égard, le certificat médical du 22 septembre 2010 était également insuffisant. Mme D______ pouvait s’inscrire aux examens en question les années précédentes, la responsabilité des étudiants étant d’organiser leur cursus en fonction des quatre années académiques dont ils disposaient.

20. Le 28 janvier 2011, le juge délégué a imparti un délai au 25 février 2011 à la recourante pour formuler toute requête complémentaire, l’instruction de la présente cause lui apparaissant terminée.

21. Le 1er février 2011, Mme D______ a produit une attestation médicale établie par le Docteur Alexandre Dobrinov, le 27 janvier 2011.

Il ressortait notamment de ce document qu’ « au vu de l’historique de la maladie, [le médecin] appu[yait] la demande de la patiente de pouvoir se représenter à cet examen à titre de rattrapage, étant donné que son échec était très certainement du en partie à l’affection médicale dont elle souffrait au moment de l’examen ».

22. Par courrier du 24 février 2011, elle a sollicité la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

A l’appui de sa requête, elle a fait valoir une lettre de recommandation du 21 février 2011 de son employeur, l’institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (ci-après : UNITAR). Il était fait état de la qualité de son travail, de l’étendue de ses compétences et connaissances, et de sa personnalité. L’UNITAR demandait à l’Université de Genève de permettre à l’étudiante d’achever ses études.

23. Le 25 février 2011, le juge délégué a répondu que la cause était gardée à juger, nonobstant cette demande.

24. En date du 3 mars 2011, Mme D______ a insisté sur sa requête de comparution personnelle des parties. Vu la tardiveté de la décision de l’assistance juridique, elle souhaitait donner des explications qu’elle n’avait pas pu apporter dans ses écritures, faute de temps.

25. Le lendemain, le juge délégué a confirmé qu’il ne serait pas donné suite à la demande de comparution personnelle. Un délai fixé au 25 mars 2011 était accordé à la recourante pour déposer d’éventuelles écritures supplémentaires portant sur les éléments qu’elle n’aurait pu indiquer dans son recours.

26. Par courrier du 24 mars 2011, Mme D______ a rappelé les circonstances difficiles qui l’avaient empêchée de réussir ses examens. Les personnes qui avaient préparé ces examens avec elle au mois d’août 2010 avaient constaté ses problèmes de concentration dus à son malaise physique. Ainsi, elle joignait les témoignages écrits de Madame B______, Monsieur T______ et Madame F______. Ces derniers avaient constaté qu'elle avait rencontré des difficultés de concentration durant la période de ses examens à la fin du mois d’août 2010, dues à un problème de santé, car elle n'avait pu être soignée immédiatement, faute de moyens financiers. Ils appuyaient son recours et sa demande de pouvoir présenter à nouveau les examens en question.

Une lettre écrite de la main de Mme D______ était également annexée. Elle reprenait les éléments susmentionnés. Pour le surplus, d’autres facultés étaient plus permissives en autorisant d’achever le baccalauréat universitaire en dix semestres. Dans son cas, cela lui aurait permis de présenter à nouveau l’examen manquant pour obtenir son diplôme. Afin d’effectuer la procédure d’opposition, elle avait dû s’acquitter de la taxe universitaire pour un semestre, sans que cette somme ne lui soit remboursée en cas de décision négative.

27. Le 11 avril 2011, l’Université de Genève a persisté dans ses conclusions, constatant que les pièces produites n’apportaient aucun élément nouveau.

28. En date du 13 avril 2011, les parties ont été informée que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3. A titre préalable, les recourants sollicitent la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b, et les arrêts cités).

En l’espèce, la recourante a eu la possibilité de s’exprimer à plusieurs reprises par écrit, ainsi que de produire toutes pièces utiles. La chambre de céans dispose dès lors des éléments nécessaires pour trancher le présent litige. Il n’y a ainsi pas lieu d’ordonner des mesures d’instruction complémentaire.

4. a. Le 17 mars 2009 est entrée en vigueur la nouvelle loi sur l’Université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30) et le nouveau règlement sur le rectorat de l’Université de Genève (RRU - C 1 30.10), qui ont abrogé l’ancienne loi sur l’Université du 26 mai 1973 ainsi que le règlement d’application de la loi sur l’Université du 7 septembre 1998. De même est entré en vigueur à cette date le règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’Université de Genève du 16 mars 2009 (RIO-UNIGE) qui a remplacé le règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 14 juin 2007 (RIOR).

b. Les dispositions complétant la loi sont fixées dans le statut de l’Université, dans les règlements dont celle-ci se dotent sous réserve d’approbation du Conseil d’Etat et dans les autres règlements adoptés par l’Université (art. 1 al. 3 LU).

c. En application de l’art. 46 LU, dans l’attente de l’adoption du statut de l’Université, celle-ci a adopté le RTU, soumis à l’approbation du Conseil d’Etat, qui est entré en vigueur en même temps que la loi. Toutefois, ce RTU est devenu caduc le 17 novembre 2010 comme le prévoyait son art. 45.

d. Les faits à l’origine de la décision sur opposition de l’Université du 11 novembre 2010 s’étant produits après le 17 mars 2009, la LU est applicable en l’espèce (ATA/508/2010 du 3 août 2010).

e. La décision d’exclusion et celle sur opposition étant antérieures au 17 novembre 2010, celles-ci peuvent être examinées au regard du RTU et par analogie avec l’art. 22 al. 3 let. a RU, relatif aux situations exceptionnelles (ATA/365/2011 du 7 juin 2011 et la jurisprudence citée).

5. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits sur lesquels repose la décision. L’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation sont assimilés à la violation du droit (art. 61 al. 1 let. b LPA).

6. Immatriculée à l’Université depuis la rentrée académique 2005/2006, en qualité d’étudiante pour le cursus du BARI, la recourante est soumise au règlement d’études du BARI entré en vigueur le 1er octobre 2005.

A teneur de l’art. 10 du règlement d’études du BARI, les études sont divisées en deux parties. La première partie correspond aux deux premiers semestres d’études et permet d’acquérir soixante crédits ; la deuxième, aux quatre autres semestres d’études, pour cent-vingt crédits. L’al. 4 du règlement d’études du Bari précise que pour obtenir le baccalauréat universitaire, l’étudiant doit acquérir un total de cent-quatre-vingt crédits.

Selon l’art. 11 al. 1 du règlement d’études du BARI, la durée totale des études est normalement de six semestres, et la durée maximale, de huit semestres.

L’étudiant briguant le baccalauréat universitaire qui n’a pas acquis au moins cent quatre-vingt crédits (y compris les crédits acquis en première année) après huit semestres d’études à partir du début des études subit un échec définitif à la deuxième partie et est exclu de la faculté (art. 24 al. 1 let. d du règlement d’études du BARI).

La recourante ne conteste pas n’avoir pas achevé son baccalauréat dans le délai susmentionné, étant précisé qu’elle a bénéficié d’une prolongation d’échéance de deux semestres, octroyée au semestre d’hiver 2006.

La décision d’exclusion est ainsi fondée dans son principe.

7. Selon l’art. 33 al. 4 RTU, au moment du prononcé d’une décision d’élimination, le doyen doit tenir compte des situations exceptionnelles. Par analogie, cette disposition s’applique en cas d’exclusion (ATA/226/2010 du 30 mars 2010). Une situation peut être qualifiée d’exceptionnelle lorsqu’elle est particulièrement grave et difficile pour l’étudiant (ATA/449/2009 du 15 septembre 2009). Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. Cette jurisprudence est conforme au principe de l’instruction d’office (ATA/182/2010 du 16 mars 2010 ; ACOM/41/2005 du 9 juin 2005 consid. 7c). Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont seul l’abus doit être censuré (ATA/182/2010 op. cit. ; ACOM/1/2005 du 11 janvier 2005 ; ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées).

La jurisprudence développée par l’ancienne autorité de recours, à savoir la CRUNI, demeure applicable (ATA/182/2010 op. cit. et les réf. cit.).

Selon cette dernière, de graves problèmes de santé sont considérés comme des situations exceptionnelles (ACOM/50/2002 du 17 mai 2002) à condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant(ACOM/119/2002 du 1er novembre 2002).Ainsi, la CRUNI n’a pas retenu de circonstances exceptionnelles dans le cas d’une étudiante invoquant des problèmes de santé mais n’ayant fourni aucune indication concernant la maladie et son impact sur le bon déroulement de ses études (ACOM/71/2005 du 22 novembre 2005). La CRUNI n’a pas non plus admis les circonstances exceptionnelles dans le cas d’un étudiant ayant connu des problèmes de santé, mais dont les effets perturbateurs n’étaient pas établis lors des sessions d’examens concernées (ACOM/75/2005 du 15 décembre 2005). De même, le Tribunal administratif a jugé qu’un état clinique de deuil et un déni défensif rencontrés au cours des deux premières années académiques, suivis d’une amélioration lors de la troisième année académique n’étaient pas constitutifs d’une circonstance exceptionnelle (ATA/449/2009 du 15 septembre 2009), que deux épisodes cliniques, non documentés, survenus au cours du semestre précédant la session d’examens ne constituaient pas en eux-mêmes une circonstance exceptionnelle (ATA/182/2010 déjà cité), et enfin, que des ennuis de santé non documentés ne permettaient pas d’admettre que la pathologie, dont se réclamait l’étudiant, aurait déployé des effets perturbateurs lors des examens (ATA/373/2010 du 1er juin 2010 et les références citées ; ATA/229/2010 du 30 mars 2010).

En l’espèce, la recourante ne pouvait ignorer qu’elle disposait d’un délai au mois de septembre 2010 pour achever ses études, cela lui ayant de surcroît été rappelé le 16 septembre 2008. Tout au long de la procédure, elle a allégué des problèmes de santé qui l’auraient empêchée de réussir ses derniers examens lors de la session du mois d’août 2010. Bien qu’elle aurait souffert d’une « grave crise » à ce moment-là et qu’elle avait alors déjà connaissance de son état dépressif et anxieux, elle n’en a pas informé la faculté. Au contraire, ce n’est qu’à partir du mois de septembre 2010, soit près d’un mois après le déroulement des examens en question et quelques jours seulement après la réception du bulletin de notation, qu’elle a évoqué ces problèmes médicaux. Le lien de causalité n’est donc pas établi. Selon la recourante, cette situation serait due au manque de moyens financiers pour se soigner en Suisse. Elle n’aurait ainsi pu le faire qu’à son retour dans son pays d’origine, la Roumanie, au mois de septembre 2010. Force est cependant de constater que le certificat médical du 22 septembre 2010 produit concernant son état d’anxiété et établi par une psychothérapeute se trouvant à Bucarest, atteste d’un traitement suivi depuis le 29 juillet 2010. Dans ces circonstances, la recourante aurait pu se faire soigner plus tôt qu’elle ne le prétend. Dans tous les cas, elle aurait pu à tout le moins en informer la faculté au plus tard au moment de présenter les examens concernés.

Par ailleurs, la recourante allègue avoir rencontré des difficultés financières du mois de juin au mois d’août 2010, faute d’avoir perçu des indemnités de chômage durant cette période. En outre, elle fait à nouveau valoir des problèmes personnels liés à son divorce. Sur ces points, il sied de rappeler que ne saurait être qualifié d’exceptionnel le fait de devoir faire face à des problèmes financiers et familiaux, pas plus que le fait d’exercer une activité lucrative en sus de ses études (ATA/151/2011 du 8 mars 2011 et les références citées). Néanmoins, ces motifs avaient déjà été exceptionnellement pris en considération antérieurement afin d’annuler la première décision d’exclusion. Il faut également souligner que la recourante a elle-même démissionné de son emploi sans pouvoir ignorer les conséquences de cette décision, en particulier l’existence d’un délai de carence dans ce cas.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8. Nonobstant l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10. 03). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à la recourante (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2010 par Madame D______ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève du 11 novembre 2010 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Iana Mogoutine Castiglioni, avocate de la recourante, à la faculté des sciences économiques et sociales, ainsi qu’au service juridique de l’Université de Genève.

Siégeants : Mme Hurni, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :