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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/2396/2012

AARP/550/2015 (3) du 16.10.2015 sur JTCR/5/2014 ( CRIM ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 25.04.2016, rendu le 27.07.2017, ADMIS/PARTIEL, 6B_445/2016
Recours TF déposé le 28.04.2016, rendu le 27.07.2017, REJETE, 6B_464/2016
Recours TF déposé le 03.05.2016, rendu le 27.07.2017, ADMIS/PARTIEL, 6B_486/2016
Recours TF déposé le 03.05.2016, rendu le 27.07.2017, ADMIS/PARTIEL, 6B_487/2016
Recours TF déposé le 03.05.2016, rendu le 27.07.2017, REJETE, 6B_501/2016
Descripteurs : ASSASSINAT ; INSTIGATION ; LÉGITIME DÉFENSE ; REPENTIR SINCÈRE ; ACTE PRÉPARATOIRE(DROIT PÉNAL) ; RESPONSABILITÉ RESTREINTE(DROIT PÉNAL) ; FIXATION DE LA PEINE ; CONCOURS D'INFRACTIONS ; IN DUBIO PRO REO ; LÉSION CORPORELLE SIMPLE ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; DÉFENSE D'OFFICE ; DÉSISTEMENT(DROIT PÉNAL)
Normes : CP112; CP24.1; CP15; CP260bis; CP19.2; CP47; CP48.Let.D; CEDH6.2; CP123.2; CP49.1; CPP135.1; CP23.1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2396/2012 AARP/550/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 octobre 2015

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Raphaël CRISTIANO, avocat, Etude Perreard De Boccard, rue de la Coulouvrenière 29, 1204 Genève,

B______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, 1241 Puplinge, comparant par Me C______, ______,

D______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, 1241 Puplinge, comparant par Me Robert ASSAEL, avocat, Etude Poncet Turretini, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,

E______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, 1241 Puplinge, comparant par Me Jacques BARILLON, avocat, rue du Rhône 29, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelants et intimés sur autres appels principaux,

 

contre le jugement JTCR/5/2014 rendu le 10 octobre 2014 par le Tribunal criminel,

et

C______, ______,

appelant,

contre l'ordonnance DTCR/1/2015 rendue le 7 janvier 2015 par le Tribunal criminel,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par des courriers respectifs des 13, 14, 15 (deux annonces) et 20 octobre 2014, D______, B______, le Ministère public, A______ et E______ ont annoncé appeler du jugement rendu le 10 octobre 2014 par le Tribunal criminel, dont les motifs leur ont été notifiés le 8 janvier 2015, par lequel :

- B______ a été acquitté de tentative de meurtre s'agissant des faits mentionnés sous let. B. II de l'acte d'accusation (art. 22 et 111 du code pénal suisse, du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0]), reconnu coupable de tentative d'assassinat pour d'autres faits ([let. B. I] ; art. 22 al. 1 et 112 CP) et d'infraction à l'art. 33 al. 1 lit. a de de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 20 juin 1997 [LArm ; RS 514.54], condamné à une peine privative de liberté de 11 ans, sous déduction de 875 jours de détention avant jugement, son maintien en détention étant ordonné pour des motifs de sûreté par décision séparée,

 

- A______ a été déclaré coupable de tentative d'assassinat (art. 22 al. 1 et 112 CP) et d'infraction à l'art. 33 al. 1 lit. a LArm, condamné à une peine privative de liberté de sept ans, sous déduction de 230 jours de détention avant jugement, les premiers juges ordonnant le maintien des mesures de substitution jusqu'à ce que le prévenu débute l'exécution de la peine privative de liberté prononcée,

 

- D______ a été acquitté d'infraction à l'art. 33 al. 1 lit. a LArm, reconnu coupable de tentative d'assassinat (art. 22 al. 1 et 112 CP), condamné à une peine privative de liberté de sept ans, sous déduction de 836 jours de détention avant jugement, son maintien en détention étant ordonné pour des motifs de sûreté par décision séparée,

 

- E______ a été acquitté d'infraction à l'art. 33 al. 1 lit. a LArm, reconnu coupable d'instigation à tentative d'assassinat (art. 24 al. 1, 22 al. 1 et 112 CP), condamné à une peine privative de liberté de 11 ans, sous déduction de 824 jours de détention avant jugement, son maintien en détention étant ordonné pour des motifs de sûreté par décision séparée.

 

Le Tribunal criminel a encore notamment pris diverses mesures de restitution/confiscation/destruction d'objets, d'armes et munitions figurant aux inventaires et condamné les précités à payer à F______, conjointement et solidairement, CHF 50'000.-, avec intérêts à 5% dès le 19 février 2012, à titre d'indemnité pour tort moral, tout en donnant acte à A______ de ce qu'il lui avait déjà versé un montant équivalent.

 

A______, B______, D______ et E______ ont été condamnés à payer à F______, conjointement et solidairement, CHF 240'000.- à titre d'indemnité de procédure et, à raison d'un quart chacun, les frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 240'468.10, y compris un émolument de jugement de CHF 20'000.-.

 

a.a Par déclaration d'appel expédiée à la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR ou la juridiction d'appel) le 19 janvier 2015, le Ministère public conclut :

 

° au prononcé d'un verdict de culpabilité à l'encontre de B______ pour la tentative de meurtre visée sous let. B. II de l'acte d'accusation et à sa condamnation à une peine privative de liberté de 16 ans ;

 

° à la condamnation de D______ à une peine privative de liberté de 15 ans ;

 

° au prononcé d'une peine privative de liberté de 13 ans à l'encontre de A______ et d'une créance compensatrice de CHF 100'000.- en faveur de l'Etat de Genève ;

 

° à la condamnation de E______ à une peine privative de liberté de 18 ans.

 

a.b Par déclaration d'appel du 27 janvier 2015 déposée auprès du greffe de la CPAR le même jour, D______ conclut à son acquittement du chef de tentative d'assassinat et à la condamnation de l'Etat de Genève à lui verser CHF 541'451.- à titre d'indemnité et de réparation du tort moral (art. 429 du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 [CPP ; RS 312.0]).

 

a.c Le 28 janvier 2015, B______ dépose auprès de la CPAR une déclaration d'appel et conclut à ce qu'il soit reconnu coupable de tentative d'assassinat sous forme de désistement (let. B. I ; art. 23 al. 1 et 112 CP) et à sa condamnation à une peine privative de liberté juste, fixée au regard de sa faute et de sa situation personnelle.

 

a.d Par déclaration d'appel du 28 janvier 2015 déposée auprès du greffe de la CPAR le même jour, A______ conclut à ce qu'il soit reconnu coupable d'instigation à actes préparatoires avec désistement (let. B. I ; art. 23 al. 1 et 260bis CP), à l'octroi de la circonstance atténuante du repentir sincère et à sa condamnation à une peine privative de liberté compatible avec le sursis complet ou partiel.

 

a.e Le 28 janvier 2015, E______ forme déclaration d'appel et conclut à son acquittement du chef d'accusation de tentative d'assassinat, à ce qu'il soit reconnu coupable d'instigation à actes préparatoires avec désistement (art. 23 al. 1 et 260bis CP), à ce qu'il soit mis au bénéfice d'une responsabilité restreinte et à une réduction substantielle de la peine, celle-ci ne devant pas excéder cinq ans de privation de liberté.

 

b. Par acte du 19 janvier 2015, C______ recourt contre l'ordonnance DTCR/1/2015 du Tribunal criminel qui lui a été notifiée le 8 janvier précédent. Il conclut à l'annulation de la décision d'indemnisation par CHF 72'098.20 dans la mesure où le Tribunal a réduit de 28 heures son activité déployée en première instance, qu'il a arrêté à 10% le forfait "courrier/téléphones" et que le temps de préparation et sa participation à l'audience n'ont pas été pris en compte.

 

c.a Par acte d'accusation du 24 avril 2014, il est reproché à B______ :

 

- le 19 février 2012, entre 22h:48 et 23:01, muni d'un couteau et dans l'intention de tuer F______, alors que celle-ci franchissait le portail de sa propriété sise G______ à H______, de l'avoir frappée à la tête avec ses poings et genoux, étranglée avec son bras et au moyen d'une corde ou d'un objet similaire, d'avoir cherché à la frapper au cou avec un couteau, d'avoir, alors qu'elle se débattait et criait, frappé sa victime avec un couteau, couvert sa bouche avec ses mains et frappé l'intéressée au visage puis de l'avoir encore étranglée, à tout le moins pendant trois minutes, F______ ayant perdu connaissance, et d'avoir quitté les lieux avec la conviction que sa victime, inanimée, était décédée, alors qu'elle a survécu, d'avoir ainsi préparé minutieusement l'homicide qu'il entendait perpétrer, d'avoir agi de manière particulièrement odieuse, pour un mobile particulièrement odieux, soit un mobile financier, de s'être comporté de manière extrêmement froide après la réalisation de l'infraction, d'avoir agi avec une absence particulière de scrupules et d'avoir fait preuve du mépris le plus complet pour la vie de F______ (let. B. I),

 

- le 18 mai 2012 vers 23:00, au bar "I______" sis à l'avenue J______, à Genève, d'avoir tiré un coup de feu en direction de deux individus non identifiés, dans le dessin de tuer l'un d'entre eux, à tout le moins en tenant pour possible et en l'acceptant au cas où la mort se produirait, aucun individu n'ayant été touché par la balle qui a été stoppée par un bac à fleurs derrière lequel les individus se trouvaient au moment du tir (let. B. II),

 

- en mars 2012, à Genève, d'avoir acquis auprès d'un individu non identifié un pistolet de marque Walther PPK, calibre 7,65 mm pour un montant de CHF 1'500.-, alors qu'il n'était pas au bénéfice d'un permis d'acquisition (let. B. III).

 

c.b Par le même acte d'accusation, il est reproché à A______ :

 

- à une date indéterminée en été 2011, à Genève, d'avoir décidé D______ à faire tuer F______, agissant à la demande de E______ et étant convenu avec D______ que B______ se chargerait de tuer l'intéressée, d'avoir régulièrement informé D______ de la présence et des absences de F______ à son domicile, d'avoir, le 12 février 2012, par téléphone, ou le 13 février 2012, de vive voix, donné pour instruction à D______ de tuer F______ le 19 février 2012 et d'avoir informé D______ de l'atterrissage de l'intéressée, prévu le 19 février 2012 à 22:30 à l'aéroport de Genève-Cointrin, afin que D______ et B______ se rendent à son domicile pour l'attendre, les deux précités ayant tenté de tuer F______ dans les circonstances décrites sous let. B. I et C. I, en préparant minutieusement l'homicide devant être perpétré à l'encontre de F______, d'avoir mandaté un tueur à gages, d'avoir agi pour un mobile particulièrement odieux, soit un mobile financier, et avec une absence particulière de scrupules et fait preuve du mépris le plus complet pour la vie de F______ (let. D. I),

 

- le 27 juin 2012, d'avoir détenu à son domicile un revolver Smith & Wesson, dont il avait fait l'acquisition quinze ans auparavant, sans être au bénéfice d'un permis d'acquisition et, en décembre 2011 ou en janvier 2012, d'avoir acquis auprès d'un individu non identifié un pistolet de marque SIG pour un montant de CHF 1'300.- sans être au bénéfice d'un permis d'acquisition (D. II).

 

c.c Dans le même acte d'accusation, il est, au stade de l'appel, encore reproché à D______ d'avoir, à une date indéterminée en été 2011, décidé son cousin B______ à tuer F______, agissant à la demande de E______, époux de F______, le mandat de tuer ayant transité par A______, qui l'informait régulièrement de la présence et des absences de l'intéressée à son domicile sis G______ à H______.

 

Le reproche porte sur le fait d'avoir, entre octobre 2011 et le 19 février 2012, accompagné B______ au domicile de F______, à tout le moins à une vingtaine d'occasions, dans le but de procéder à des repérages et de permettre à B______ de passer à l'acte et d'avoir conduit, le 19 février 2012, B______ sur place, où tous deux ont patienté une heure environ dans la voiture en attendant l'arrivée de F______ que B______ a tenté de tuer dans les circonstances décrites ci-dessus sous let. B. I, en s'associant pleinement et sans réserve à la décision et à l'organisation de l'infraction, en fixant notamment la date et en conduisant B______ sur les lieux, après lui avoir permis de repérer sa victime, en agissant pour un mobile particulièrement odieux, soit un mobile financier, en se comportant de manière extrêmement froide après la réalisation de l'infraction, en agissant avec une absence particulière de scrupules et en faisant preuve du mépris le plus complet pour la vie de F______ (let. C. I).

 

c.d Au stade de l'appel, il est encore reproché à E______ d'avoir, en juin 2012, à H______, décidé A______ à faire tuer F______, soit à trouver un tueur à gages, d'avoir, en novembre 2010, remis un montant de CHF 30'000.- à A______, qui l'avait informé que le tueur à gages réclamait un montant de CHF 100'000.-, et remis une créance d'un montant de CHF 70'000.- qu'il détenait à l'encontre de A______, charge à celui-ci de verser au tueur à gages un montant total de CHF 100'000.-, de s'être enquis auprès de A______, en janvier et en avril 2011, des raisons pour lesquelles F______ n'avait pas encore été tuée en l'invitant à faire accélérer les choses, d'avoir, dès l'été 2011 et jusqu'au mois de février 2012, intensifié ses rencontres avec A______ et l'avoir instruit de faire passer l'homicide pour un cambriolage ayant mal tourné, d'avoir régulièrement informé A______ de la présence et des absences de F______ à son domicile, afin que le tueur à gages ne se rendît pas pour rien sur place, d'avoir, le 12 février 2012, sur une aire d'autoroute entre Sion et Sierre, donné un ultimatum à A______ en ce sens que F______ devait être tuée dès son retour d'Autriche le 19 février 2012 et d'avoir ultérieurement informé A______ de l'atterrissage de F______, lequel était prévu le 19 février 2012 à 22:30 à l'aéroport de Genève-Cointrin, afin que le tueur à gages pût se rendre à son domicile pour l'attendre, B______ et D______ ayant tenté de tuer F______ dans les circonstances décrites sous let. B. I et C. I, en préparant minutieusement l'homicide devant être perpétré à l'encontre de son épouse, d'avoir fait mandater un tueur à gages, d'avoir agi pour un mobile particulièrement odieux, soit un mobile financier, de s'être comporté de manière extrêmement froide après la réalisation de l'infraction, puisqu'il a entrebâillé la porte du garage pour faire croire à un cambriolage, d'avoir ainsi agi ainsi avec une absence particulière de scrupules et fait preuve du mépris le plus complet pour la vie de F______ (let. E. I).

 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

 

i.      Le couple E______-F______

 

a. E______ a épousé en secondes noces F______ le ______ 1997. Deux enfants sont issus de cette union, K______ et L______, nés respectivement en 2000 et 2001. Lui-même était déjà père d'un garçon né en 1992 d'une précédente union.

 

Employé puis associé d'une société financière, E______ a commencé une activité d'indépendant en 2000. Les affaires ont été d'abord florissantes avant que, crise économique oblige, il ne doive cesser l'activité de la société. En 2006, E______ a reçu une donation de la part de sa mère à hauteur de quatre millions de francs. Fin 2008-début 2009, il a investi dans l'achat d'une pizzeria à M______, établissement qu'il a vendu en 2012. En 2011, bien que ses activités de gérant de fortune et de conseiller financier fussent au point mort, il a perçu des commissions liées à son activité dans une société de "Headhunting" dans laquelle il était associé à N______. L'année 2012 a coïncidé avec une reprise des affaires.

 

De 1997 à 2010, F______ a travaillé au sein d'établissements bancaires en qualité de gérante de fortune. En 2010, elle est devenue directrice d'une société financière. Au début de l'année 2012, elle disposait d'actifs bancaires pour un montant de plus de cinq millions de francs.

 

En 2003, le couple a acheté la maison sise à H______ tandis que F______ est devenue propriétaire, en décembre 2005, d'un appartement à O______. E______ était codébiteur des hypothèques grevant ces deux biens immobiliers.

 

Dès l'année 2007, le couple a rencontré des difficultés, au point que chacun des époux a commencé à mener sa propre vie sentimentale tout en maintenant la vie commune. F______ a proposé à E______ de conclure un contrat de séparation de biens. Elle a aussi suggéré qu'il prenne l'appartement de O______ et elle la maison de H______, moyennant éventuelle compensation en fonction du prix de vente de ces biens. Il a mal réagi à cette proposition dont il ne voulait pas.

 

Début mai 2011, un premier projet de convention de divorce prévoyant le partage des immeubles et la non-division des acquêts a été établi, suivi en novembre 2011 d'un deuxième projet qui prévoyait le partage des acquêts, ce qui ne plaisait pas à F______ qui souhaitait que chaque époux conserve ses acquêts, immeubles exceptés. Le 9 février 2012, E______ lui a parlé de divorcer, ce qu'elle a accepté, sans qu'ils n'abordent les modalités d'un divorce. Elle lui a écrit un courriel le 14 février 2012, dans lequel elle précisait qu'elle souhaitait que la convention prévoie un partage des immeubles mais non des acquêts.

 

Environ une semaine avant qu'elle ne parte en Autriche, mi-février 2012, E______ est venu la voir pour savoir s'ils pouvaient divorcer, ce qu'elle a accepté en son principe. Pour lui, les conditions consistaient en ce que chacun conserve ses acquêts. Un rendez-vous a été pris chez un avocat le 21 février 2012, après que F______ eut donné son accord.

 

Selon F______, courant 2010 et 2011, E______ ne lui avait jamais dit qu'il était déprimé. Il ne respirait certes pas toujours la joie de vivre, l'ambiance familiale étant difficile pour tout le monde durant cette période. Il n'avait pas d'emploi tandis qu'elle travaillait beaucoup. A la fin de l'année 2011, E______ a entamé une relation sentimentale avec P______, qu'il connaissait déjà depuis plusieurs mois. Le couple a appris, à tout le moins le 9 février 2012, alors qu'il se trouvait à Rome, que P______ était enceinte.

 

ii.    Projet d'agression au préjudice de F______ (période de l'été 2010 au 19 février 2012)

 

b. Durant l'été 2010, E______ a parlé à A______, qu'il connaissait depuis une vingtaine d'années, de son projet visant à tuer son épouse. Il souhaitait savoir s'il connaissait "quelqu'un pour tuer". Quelques semaines plus tard, il l'a relancé pour savoir s'il avait trouvé un tueur. A______ lui a dit qu'il connaissait un homme qui acceptait cette tâche pour un montant de CHF 500'000.-. Après avoir renâclé sur le prix, E______ a accepté et expliqué que l'homicide devait avoir l'air d'un cambriolage qui aurait mal tourné.

 

A la fin de l'année 2010, A______ a rencontré pour la première fois B______, cousin de D______, dans un café à l'aéroport de Pristina.

 

A plusieurs reprises, entre l'automne 2010 et l'été 2011, E______ a relancé A______, qui demeurait assez vague sur l'état d'avancement du projet. A la fin du printemps ou au début de l'été 2011, A______ a parlé à D______ de la mission que lui avait confiée E______ et du fait que celui-ci le relançait. De par la localisation de leurs bureaux au même endroit, A______ et D______ se voyaient régulièrement.

 

B______, dont le visa a été en partie financé par D______, est venu à Genève en avril 2011. En automne, A______ a demandé à D______ de se rendre dans la villa des époux E______ pour réparer des joints de la salle de bains. D______ s'y est rendu avec B______.

 

En décembre 2011, E______ a offert à F______, pour son anniversaire, un bracelet, en lui souhaitant du bonheur. Du 24 décembre 2011 au 5 janvier 2012, F______ a passé des vacances en Asie avec ses enfants tandis que D______ est allé au Kosovo du 21 décembre 2011 au 13 janvier 2012. Tant à la fin de l'année 2011 qu'au début de l'année 2012, E______ a relancé A______ pour s'enquérir de l'état d'avancement du projet.

 

iii. Agression du 19 février 2012 (premiers actes d'enquête, premières auditions)

 

c.a F______ a été entendue au service des urgences des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) dans la nuit du 19 au 20 février 2012.

 

En provenance d'Autriche où elle avait passé une semaine, elle avait pris à l'aéroport un taxi qui l'avait déposée vers 23:00 à son domicile. Elle avait pénétré dans la propriété en tirant sa valise. Un individu l'avait alors saisie par le cou, tirée en arrière et fait tomber. Etant à environ 20 mètres de l'entrée de la villa, elle avait crié mais son agresseur avait tenté de la faire taire en lui mettant une main sur la bouche. Il avait ensuite essayé de la tirer sous les branches d'un grand buisson mais F______ s'était débattue. Elle s'était emparée d'un bâton en bois que son agresseur avait lâché. Sans être à même de le frapper, elle avait cependant réussi à se retourner et à lui dire : "Mais qu'est-ce que vous voulez ?" L'agresseur s'était alors positionné derrière sa victime en posant quelque chose sur le côté droit de son cou, ce qui l'avait blessée. Il avait encore frappé F______ sur la tête et tenté de l'étrangler au moyen d'une corde ou un lien. L'individu l'avait tirée en arrière, mis une main sur la bouche et le nez. Ne pouvant plus respirer, elle avait perdu connaissance. Lorsqu'elle était revenue à elle, F______ avait vu un de ses chiens à proximité. Elle s'était dirigée vers la maison, où elle s'était écroulée dans les bras de son époux en présence de ses enfants. Elle saignait au cou et à la tête. Elle avait eu l'impression que son agresseur avait voulu la tuer. Plus tard, devant le Ministère public, elle a exprimé son incompréhension face au silence des chiens auquel elle ne trouvait aucune explication. Elle avait été heureuse de se savoir en vie quand elle avait repris ses esprits.

 

c.b E______ a été entendu par la police, comme témoin, le 20 février 2012. Il a été réentendu le 14 mai 2012, confirmant globalement ses premiers propos.

 

Avec ses enfants, il avait regardé un film à la télévision durant la soirée. Vers 22:45, le film terminé, il rangeait les plateaux télé à la cuisine, sise au rez-de-chaussée de la villa, quand il avait entendu un cri de femme venant de l'extérieur. Il avait regardé par les fenêtres sans rien voir. Montant à l'étage pour bénéficier d'une meilleure vue, il n'avait aperçu qu'une petite tache sombre près de la voiture parquée dans la propriété. Son fils K______, dont la chambre était à l'étage, lui avait relaté avoir aussi entendu un cri de fille. E______ était allé chercher son revolver de calibre 38 et l'avait chargé de cinq balles. Il était ensuite redescendu au rez-de-chaussée et était sorti, l'arme au poing, avec son chien, un bouledogue, auquel il avait ordonné d'attaquer. Le chien s'était dirigé vers les buissons mais sans aboyer, ce qu'il faisait normalement en présence d'un étranger.

 

E______ était revenu sur ses pas pour faire sortir les deux autres chiens plus petits. Les trois canidés étaient partis dans le jardin sur la droite de la propriété. Il avait entendu haleter avec de profondes respirations, ce qu'il avait pris pour les ébats sexuels d'un couple. Il avait ensuite vu le visage d'un homme qui était de l'autre côté du portail. E______ était revenu dans la maison où il avait cherché à apercevoir quelque chose depuis les fenêtres du premier étage. Il avait fini par voir son épouse qui marchait en direction de la maison. Il était descendu pour l'accueillir. Il avait appelé la police peu après.

 

A aucun moment, il n'avait imaginé que les cris puissent émaner de son épouse. Il ne savait pas qui avait pu s'en prendre à elle. Le couple ne rencontrait pas de problèmes qui eussent pu justifier un tel acte. Plus tard, il avait remarqué que les portes du garage étaient entrebâillées. Il n'avait pas constaté de vol dans la maison ni de traces d'effraction.

 

c.c.a Selon un rapport de la police figurant au dossier, la police avait été alertée par un appel à 23:01. En arrivant sur les lieux, elle avait été mise en présence de la personne agressée, qui présentait des plaies à la gorge et à la tête, de son époux et de leurs deux enfants.

 

K______ avait entendu des cris, comme si c'était un viol. Regardant par la fenêtre, il avait vu le buisson bouger, avant d'apercevoir les chiens se diriger vers le portail puis à droite dans le jardin. L______ avait entendu des cris à l'extérieur. Leur père, qui se trouvait au rez-de-chaussée, était monté et avait dit : "C'est quoi ces cris ?" en regardant par la fenêtre. L______ avait vu le sac à main de sa maman par terre et remarqué que les lumières situées dans le gazon étaient éteintes.

 

Le chauffeur du taxi avait observé la silhouette d'un individu sur la route adjacente, sans être à même de fournir quelque signalement.

 

c.c.b La police a notamment effectué un relevé des traces de sang sur un bâton ensanglanté. Une paire de lunettes appartenant à la victime, son manteau et le collier qu'elle portait ont été saisis aux fins d'analyse. Des traces ADN ont également été recherchées sur un chewing-gum saisi devant la propriété.

 

c.d.a La Dresse Q______, du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML), a procédé à un constat de lésions traumatiques à la tête et au cou. La victime présentait des pétéchies au niveau des conjonctives et des régions rétro-auriculaires bilatérales, trois plaies à bords nets sur la joue gauche, la face antéro-latérale droite du cou, sur le pouce gauche, une plaie contuse au niveau du cuir chevelu (dans la région occipitale droite), une ecchymose associée à une tuméfaction au niveau du front et de la nuque, deux ecchymoses linéaires se situant légèrement distantes l'une de l'autre dans un axe légèrement descendant vers l'avant, au niveau des faces postérieure, latérale droite et antérieure du cou, un érythème associé à des hémorragies intra-cutanées au niveau du cou, des ecchymoses au niveau de l'extrémité céphalique, du cou, des membres supérieurs et du membre inférieur gauche et des dermabrasions et plaies superficielles au niveau du visage, du cou, des membres supérieurs et du membre inférieur gauche.

 

Il ressort de l'expertise que :

 

- les ecchymoses, les tuméfactions et l'érythème associé à des hémorragies intra-cutanées étaient des contusions qui avaient été provoquées par un ou des objets contondants ayant heurté le corps (par ex. coups portés) et/ou contre lequel ou lesquels le corps s'est heurté (par ex. contre un mur ou le sol) ou encore par une ou des pressions fermes (par ex. préhension ferme).

 

- les plaies à bords nets au niveau de la joue gauche et de la face antéro-latérale droite du cou étaient la conséquence d'un objet piquant et/ou piquant/tranchant, tel qu'un couteau.

 

- la plaie à bords nets du pouce gauche avait été provoquée par un objet tranchant, tel que la lame d'un couteau.

 

- les pétéchies constatées au niveau des conjonctives et des régions rétro-auriculaires bilatérales, associées aux ecchymoses formant quasiment une ligne droite au niveau des faces postérieure, latérale droite et antérieure du cou ainsi que les autres ecchymoses, dermabrasions et l'érythème lié à des hémorragies intra-cutanées constatées au niveau du cou, témoignaient d'une violence contre le cou, sous forme d'un étranglement et/ou d'une strangulation par un lien.

 

Sur la base des lésions ayant pu être objectivées, la perte de connaissance ainsi que la douleur à la déglutition relatée par la victime, l'agression subie par F______ avait concrètement mis sa vie en danger.

 

c.d.b Une expertise complémentaire a été rendue ultérieurement.

 

Les plaies à bords nets constatées sur le cou, le visage et le pouce de F______ avaient, de manière plus que probable, été causées au moment où elle était debout face à son agresseur. La lésion au pouce pouvait être interprétée comme une plaie de défense. Les pétéchies constituaient le signe classique de violences contre le cou. Les ecchymoses étaient évocatrices de l'utilisation d'un lien, tel qu'une corde ou une ceinture. En cas de compression du cou, des pétéchies cutanées et au niveau des conjonctives apparaissaient après une obstruction veineuse d'au moins trois à cinq minutes.

 

c.d.c Les experts ont confirmé leurs rapports. Ils ont notamment précisé que la plaie au cou pouvait résulter d'un geste volontaire de l'auteur ou d'un mouvement de la victime, qui se serait dirigée contre la pointe du couteau par exemple en se débattant. Il était tout aussi possible que les plaies à bords nets de la joue gauche et du cou aient été causées alors que l'agresseur était derrière sa victime ou face à elle. Selon la littérature, il fallait au moins trois minutes consécutives d'étranglement pour constater des pétéchies cutanées et au niveau des conjonctives. Toutefois, ce chiffre était à prendre avec prudence, dans le sens où il ne constituait pas un seuil incompressible.

 

Les critères pour conclure à l'existence d'une mise en danger concrète de la vie étaient au nombre de trois : la présence de marques au niveau du cou, lesquelles témoignaient d'une violence exercée à ce niveau (1), la présence de pétéchies (compression d'une intensité suffisante et durant un temps suffisamment long pour causer une souffrance cérébrale) (2) et une perte de connaissance, d'urine ou de selles (3), ce dernier critère étant subjectif. Dans le cas de F______, les trois critères étaient remplis, raison pour laquelle les experts avaient conclu à l'existence d'une mise en danger concrète de la vie.

 

La perte de connaissance était compatible avec les lésions constatées. En cas de perte de connaissance, la victime, si elle est debout, tombe à terre en raison de la perte du tonus musculaire, et, si elle est déjà à terre, n'oppose plus aucune résistance et est semblable à un corps sans vie. Le fait que F______ se soit relevée, qu'elle ait, par hypothèse, repris son sac et tiré sa valise jusqu'à la maison n'était pas incompatible avec une perte de connaissance lors de l'agression.

 

d. F______ a été longuement entendue par le Ministère public le 24 février 2012. Elle a pu apporter quelques rectifications et compléments :

 

- elle avait cru avoir été traînée à l'intérieur du buisson mais cela s'était passé en réalité le long de l'arbuste et sur le bitume. Elle avait pu placer ses mains entre son cou et le lien pour éviter d'être étranglée ;

 

- la villa possédait quatre capteurs de mouvement situés aux angles de la maison. Une lumière s'enclenchait en plus depuis l'intérieur de la maison à l'aide d'une télécommande ;

 

- les chiens, dont elle était la maîtresse, avaient l'habitude d'aboyer dès qu'elle passait le portail de la maison. Elle n'avait entendu ce soir-là aucun aboiement, ce qui constituait un mystère pour elle ;

 

- pendant son séjour en Autriche, E______ et les enfants étaient partis à la montagne toute la semaine. Ils en étaient revenus le dimanche après-midi, vers 16:00. Même en leur absence, la maison était restée vivante, l'aide de maison [R______] étant là et différents corps de métier (carreleur, plombier, assembleur de meubles de cuisine) étant venus pour divers travaux. Seuls son mari, les enfants et son frère résidant à Londres étaient au courant de son heure de retour à Genève, ce qu'elle a confirmé plus tard au cours de l'instruction.

 

e. La police et le Ministère public ont procédé le 28 février 2012 à un transport sur place, en conditions réelles de nuit. Aucune effraction n'avait été constatée, en particulier sur la porte du garage. L'endroit où avait débuté l'agression, à proximité du buisson, était visible de deux fenêtres de la cuisine donnant sur celui-ci. Il était en revanche impossible de voir l'emplacement où F______ avait repris connaissance des différentes fenêtres de la maison. E______ avait pu remarquer la présence d'un individu de l'autre côté du portail, pour autant qu'il fût de grande taille (env. 1,80 m). Enfin, le capteur de mouvement ne s'enclenchait que tardivement, soit au moment où une personne arrivait en haut des marches en pierre menant à la villa.

 

f.a L'enquête s'est activement poursuivie dans les semaines et mois qui ont suivi. Des analyses ADN ont été effectuées et des données rétroactives ordonnées, ces actes faisant l'objet de développements infra (cf. let. k). La police a aussi procédé à de nouvelles auditions, telle celle de l'ami intime de F______. Bien qu'il ne disposât d'aucune preuve, il suspectait que E______ fût lié à l'agression de sa femme. Il ne comprenait pas l'absence d'aboiement des chiens. Personne dans son entourage ne croyait à une agression, surtout que rien n'avait été volé.

 

R______ R______, qui résidait dans la dépendance à proximité de la villa, estimait elle aussi anormal que les chiens n'aient pas aboyé, ce qu'ils faisaient habituellement chaque fois qu'une personne franchissait le portail.

 

S______, qui travaillait comme dame de compagnie au service d'une personne âgée en face de la villa des époux E______-F______, avait entendu des cris, horribles et désespérés, étouffés, la personne ne parvenant à crier que par intermittence.

 

f.b E______ a été réentendu le 14 mai 2012 :

- il était au courant de l'heure de son arrivée à Cointrin. Il n'avait aucune idée de qui aurait pu en vouloir à F______ au point de la tuer. Il n'arrivait pas à comprendre les raisons de cette agression.

 

- il avait entendu un "aaaaah" aigu, à deux ou trois reprises, au moment où il rangeait les plateaux télé dans la cuisine. L'origine des bruits perçus lui était inconnue.

 

- il était sorti l'arme au poing pour faire peur à l'auteur des bruits, faute de pouvoir connaître les réactions des gens sous l'influence de l'alcool ou d'autres substances. Il avait donné l'ordre au chien d'attaquer pour pouvoir éloigner tout danger. Comme il n'aboyait ni ne grognait, il avait pensé qu'il n'y avait rien de suspect. Il n'était pas rassuré, ce qui expliquait qu'il ne soit pas éloigné de plus de quelques mètres de la maison.

 

iv. Coup de feu au "I______" le 18 mai 2012

 

g. Sans aucun rapport apparent avec l'enquête en cours, un ressortissant kosovar en situation irrégulière a été localisé à Genève, qui, selon une source confidentielle, était toujours porteur d'une arme à feu. L'action de la police a débouché sur son interpellation et une perquisition qui a permis la saisie d'un pistolet WALTHER PKK, calibre 7,65, de huit balles de même calibre et de quatre téléphones portables. Un lien entre cet individu, soit B______, et une agression avec une arme à feu, qui s'était déroulée le 18 mai 2012 au "I______", a pu être établi sur la base du signalement de l'auteur. Ce lien a été conforté par l'analyse effectuée sur des débris de verre provenant du "I______" qui a permis de mettre en évidence l'ADN de B______.

 

g.a B______ a été emmené au poste pour interrogatoire. Le pistolet, qu'il avait acquis auprès d'un Albanais deux mois auparavant pour CHF 1'500.-, lui appartenait. Le 18 mai 2012, il s'était trouvé au "I______" avec un ami prénommé T______ en train de boire un café. Lorsqu'ils avaient voulu payer et partir, trois hommes étaient entrés dans le bar, armés de pelles et de couteaux. Deux d'entre eux avaient voulu lui donner un coup de pelle par derrière, en visant la tête. Il avait réussi à esquiver le coup mais avait reçu un choc sur l'épaule droite. Il avait saisi son pistolet, tiré un coup de feu en l'air, puis quitté l'établissement. Plusieurs témoins avaient assisté à la scène, soit quatre clients qui fumaient sur la terrasse ainsi que le personnel du bar.

 

Le lendemain devant le Ministère public, B______ a globalement confirmé ses précédentes déclarations. Ses agresseurs avaient des outils à la main et l'un d'eux tenait même un couteau. Il était tombé à terre après avoir été frappé. Au moment où il avait tiré, il était debout, le bras droit dirigé contre le plafond. Il avait donc tiré vers le haut, sans savoir si la balle s'était logée dans le plafond ou si elle avait ricoché. Après le tir, ses trois agresseurs étaient partis rapidement, sans qu'il ne les suive. B______ regrettait son geste qu'il jugeait impensable.

 

Le 22 juin 2012, B______ a répété qu'il avait tiré en l'air, après avoir été attaqué par derrière, même si des témoins affirmaient qu'il avait tiré à l'horizontale. Peut-être fallait-il se fier à ces témoignages qui émanaient de personnes présentes sur les lieux. La table avait basculé lorsqu'il s'était levé. En se retournant, il avait vu que ses agresseurs portaient des battes de baseball et des couteaux, ce qu'il maintenait malgré des témoignages en sens contraire. Réentendu le 11 janvier 2013, il a argué avoir agi en légitime défense, ayant sorti le pistolet après avoir reçu des coups. Son intention était de tirer en l'air. Tout était allé très vite et il n'avait pas réussi à se maîtriser.

 

g.b Des différents témoignages recueillis, il appert que :

 

- B______ se trouvait à l'entrée du bar au moment du coup de feu, bras tendu à l'horizontale. Le coup était parti en direction du fond de la terrasse. Un individu se trouvait juste derrière le bac à fleurs où il pouvait avoir voulu se protéger. Peut-être le bac lui avait-il évité d'être touché (témoin U______, serveuse au "I______").

 

- à un moment donné, alors qu'elle nettoyait la machine à café, V______ avait entendu un gros bruit provenant de l'extérieur puis une vitre qui se brisait. Au même moment, elle avait vu deux hommes courir rapidement du bout de la terrasse vers l'entrée du bar. L'un des deux s'était retourné et avait tiré un coup à hauteur d'homme, le bras à l'horizontale, sans pouvoir dire précisément ce qu'il visait. Elle avait vu quelque chose bouger dans la direction visée, sans être capable de dire s'il s'agissait d'une ou de plusieurs personnes (témoin V______, serveuse au "I______").

 

- trois hommes étaient arrivés vers 23:00, qui avaient rapidement été rejoints par un quatrième. Au bout d'une dizaine de minutes, une dispute avait éclaté entre eux. Ils avaient renversé la table et leurs verres étaient tombés. Trois d'entre eux étaient partis derrière les bacs à fleurs. Le quatrième était allé vers l'entrée du bar, s'était retourné et avait tiré un coup de feu, bras tendu à l'horizontale, en direction des trois individus (témoin W______, client du "I______").

 

- quatre hommes étaient assis et avaient commencé à hausser le ton, avant que le témoin n'entende des chaises grincer et des verres se briser. Un individu s'était levé brusquement et, arrivé au milieu de la terrasse, avait tiré un coup de feu, le bras tendu à l'horizontale, en direction des trois autres hommes, qui se trouvaient derrière les bacs à fleurs. Les trois individus n'avaient semble-t-il rien dans les mains (témoin X______, client du "I______").

 

- un homme de grande taille était arrivé sur la terrasse et il s'était approché, d'un pas décidé et sans dire un mot, d'un groupe de trois personnes déjà attablées. L'homme avait tendu le bras droit - son bras étant à angle droit et légèrement orienté vers le sol - et tiré un coup de feu en direction du groupe attablé. Le témoin n'avait pas vu sur le moment sur quoi tirait l'homme. Il avait remarqué après coup l'impact de balle sur le bac à fleurs. Après le coup de feu, le tireur ainsi que les trois hommes avaient rapidement quitté les lieux (témoin Y______, client du "I______").

 

- à un moment donné, alors que lui-même était attablé avec B______, deux personnes avaient surgi à l'arrière. Un des hommes tenait un objet et l'avait utilisé pour frapper B______. Celui-ci avait poussé la table. Lui-même était parti en vitesse et n'avait donc pas entendu le coup de feu. Au sein de la communauté kosovare, il se disait que B______ avait été frappé avec des pelles, ce qui était possible au regard du bruit sourd qu'il avait perçu (témoin T______).

 

h. Selon le rapport de la Brigade de Police Technique et Scientifique (ci-après : BPTS), un impact de tir a été constaté dans une structure en bois décorée de bacs à fleurs située à l'extrémité ouest de la terrasse du bar, à 75 cm de hauteur avec une trajectoire légèrement descendante - avec un angle de 5° par rapport à l'horizontale et un biais de 28,5° vers la droite par rapport à un axe perpendiculaire à la surface d'impact. Les dimensions et la forme de l'impact étaient compatibles avec celui de tir direct d'un projectile de calibre 7,65 mm. Ainsi, l'hypothèse que le trou constaté dans la structure en bois fût l'orifice d'impact du projectile retrouvé sur place avait-elle été retenue. Celui-ci avait été tiré avec le pistolet WALTHER PKK, calibre 7,65 saisi lors de la perquisition au domicile de B______.

 

Un rapport complémentaire mentionne qu'une chaise de terrasse, située devant la structure en bois, présentait un accroc sur sa partie supérieure, ce qui n'avait pas été pris en compte dans le premier rapport. Le dommage se trouvait sur le haut du dossier, à 82 cm du sol. La nature des dégâts était compatible avec un choc par un projectile dont l'impact s'était produit dans la face avant de la chaise. La localisation de ce dommage permettait d'expliquer une déviation du projectile vers la droite et descendant. Il était donc possible de retenir l'hypothèse, selon laquelle la trajectoire du projectile avait été déviée avant d'atteindre son but final constitué de la structure en bois. Selon l'inspecteur Z______, de la BPTS, la déviation était certes importante mais on ne pouvait pas exclure qu'elle ait eu lieu. Par ailleurs, il était impossible de pratiquer un test en raison du fait que la position de la chaise après et avant le tir était inconnue.

 

v. Agression du 19 février 2012 (suite de l'enquête, mises en prévention)

 

i. L'enquête s'est activement poursuivie. Des analyses en cours, il est apparu qu'un ADN reconnaissable avait été mis en évidence sur le manteau de F______, le bâton ensanglanté et sur le chewing-gum prélevé sur le trottoir. La comparaison entre ces données et l'ADN de l'auteur du coup de feu au "I______" a permis de faire le lien entre les deux affaires, ce d'autant que l'analyse des données rétroactives relatives à son portable a confirmé la présence de B______ sur les lieux de l'agression du 19 février 2012.

 

i.a Après avoir nié,B______a fini par reconnaitre le 18 juin 2012 être déjà allé dans la propriété des époux E______-F______ à la demande de A______ (A______). Il avait refait le carrelage de la salle de bains du premier étage, en compagnie de son cousin D______. Il n'était pas lié à l'agression de F______ et ne pouvait expliquer comment son raccordement téléphonique avait pu être localisé à proximité le soir des faits. Le 22 juin 2012, B______ a en substance confirmé sa première déposition.

 

Cinq jours plus tard, devant le Ministère public, il a reconnu avoir agressé F______ à la demande de E______. La proposition avait transité par un dénommé AA______, qui lui avait proposé CHF 400'000.- pour cette tâche. B______ s'était rendu à plusieurs reprises à proximité de la maison pour y faire des observations. Chaque fois que E______ partait de la maison avec les enfants, le vendredi peu après 17 heures, il en informait AA______. L'agression devait se faire quand les enfants étaient absents. B______ devait monter au premier étage dans la chambre de F______, la battre, défoncer le coffre et voler les valeurs qu'il contenait. Face à son refus d'agir à l'intérieur de la maison, E______ lui avait fait savoir, par l'intermédiaire de AA______, qu'il devrait en tout état s'emparer de quelque chose (sac à main ou bijoux) pour faire croire à la thèse du cambrioleur.

 

En prévision de l'agression, AA______ avait dit à B______ que F______ atterrirait à 22:30 à Genève. B______ s'était donc rendu dans un café à proximité de la villa entre 19:00 et 21:00, heure à laquelle il s'était mis en route. Il était arrivé sur place après dix minutes de marche. Il s'était caché dans un coin sombre de la propriété. B______ avait surpris F______ par derrière en lui mettant un bras autour du cou, l'avait tirée en arrière et frappée au visage et à la tête avec ses poings, ce qui l'avait faite chuter. Il était possible que le couteau qu'il avait dans sa poche l'ait blessée, même s'il ne l'avait pas utilisé dans le cadre de l'agression. E______ était sorti de la maison et avait lâché deux chiens, si bien que B______ était parti. Il n'avait pas étranglé cette femme mais avait effectivement mis sa main sur sa bouche et son nez pour l'empêcher de respirer, non pour l'étouffer. La présence de son ADN sur le bâton s'expliquait par le fait qu'il s'en était emparé pour se défendre des chiens. B______ s'était ensuite rendu à M______ avec un ami, ce qui expliquait l'activation d'une antenne à Gland.

 

Après l'agression, il avait vu AA______ qui lui avait dit de patienter pour l'argent car E______ était suspecté et surveillé. Plus tard, celui-là lui avait conseillé de partir car il n'avait pas bien fait son travail et risquait d'être tué.

 

La mission consistait à agresser F______ et non à la tuer. D______ et A______ n'avaient rien à voir avec l'agression, le premier nommé ne l'ayant pas véhiculé sur place le 19 février 2012.

 

i.b La police a procédé à une nouvelle audition de F______. Elle avait confié au début de l'année 2102 les travaux de rénovation de la cuisine à la société de A______, personne de confiance que son mari connaissait depuis une vingtaine d'années. Les trois salles de bains de la villa avaient été refaites en 2011/2012. Face à une planche photographique comportant le portrait de B______, F______, après passablement d'hésitations, l'a désigné comme étant celui ayant le plus de ressemblance avec son agresseur, sans qu'elle ne le reconnaisse comme l'un des ouvriers affectés à la réfection des salles de bains.

 

i.c L'enquête s'est dès lors étendue aux autres acteurs de l'affaire, dont D______ et son frère.

 

i.c.a Le 20 juin 2012 à 09:10, la police a convoqué téléphoniquement D______ en vue de son audition, lequel s'est empressé d'en informer A______. L'audition de D______ a commenté à 11:20. A 11:33, un SMS a été envoyé à son frère AB______ : "Je suis dedans, ils m'ont convoqué pour B______" ainsi qu'un autre à 11:54 : "Il me faut un avocat. C'est fini pour moi !" puis à 11:56 : "Pauvre de moi !".

 

A______ dira plus tard avoir imaginé que l'appel de D______ se rapportait à un problème lié à l'emploi de travailleurs "au noir".

 

A 11:58, AB______ a contacté A______ : "D______ me demande de trouver un très bon avocat. Il me dit "Je suis cuit" (…). Envoie-moi le numéro de téléphone. Je crois qu'il s'agit de B______. Il m'a envoyé un SMS". A______ a répondu que "[s]"'il s'agit de B______, il doit dire que c'est son cousin et qu'il l'a hébergé…". A midi, AB______ a questionné son frère, toujours dans les locaux de la police, qui lui a répondu qu'il devait savoir ce dont il s'agissait ("Tu le sais et A______ aussi").

 

Au sujet de ce dernier SMS, AB______ a affirmé que sa réponse au message de 12:00 ("Tu le sais et A______ aussi") concernait des coups de feu échangés entre B______ et un membre de la famille AC______.

 

AB______ a immédiatement rappelé A______ après ce téléphone, en insistant pour qu'il vienne rapidement à Genève. A 12:08, D______ a envoyé un second message à son frère contenant l'expression "Pauvre de moi !" puis trois minutes plus tard : "Demande A______. Je suis fait !". A 12:55, il a repris contact : "Ils me cuisinent sur lui, ils me disent qu'il a voulu étrangler une femme… Je ne sais pas ce qu'il a fait ce singe, pourquoi il a fait cela, est-il normal ? Nous ne sommes pas des gens qui faisons de telles choses". Et AB______ de lui répondre : "Allez, ils vont te libérer. N'avoue pas que tu sais quelque chose. Raconte que ton frère a constaté que celui qui a été arrêté a circulé avec une arme sur lui".

 

i.c.b Lors de son audition, D______ a contesté être impliqué dans l'agression de F______. Il ignorait que B______ était en prison pour avoir tenté de la tuer. A______ l'avait appelé un jour pour lui dire que quelqu'un avait cassé toutes les portes de la maison des E______ et qu'il fallait les réparer.

 

Libéré par la police, D______ a rencontré son frère AB______ à 14:00 dans un kebab à la rue AD______. Vers 18h:00, les deux frères ont rencontré A______ à la rue AD______.

 

j. Fort des éléments d'enquête susmentionnés, le Ministère public a délivré des mandats d'amener à l'encontre de D______ et de A______ puis, dans un second temps, contre E______.

 

j.a Selon ses propos du 27 juin 2012, lors de sa première audition à la police, A______ avait appris l'agression dont avait été victime F______ quelques jours plus tard. Elle ne lui avait fourni des détails que lorsqu'ils s'étaient revus à son retour du Kosovo.

 

La perquisition effectuée le même jour a notamment permis la mise sous séquestre d'un pistolet SIG, d'un revolver Smith & Wesson 357 Magnum et d'une balle de calibre 38 spécial. Le lendemain devant le Ministère public, A______ a nié toute implication dans l'agression subie par F______. Les nombreux SMS échangés avec D______ le soir des faits étaient en lien avec des paris sportifs.

 

j.b D______ a nié être impliqué de quelque manière dans l'agression de F______.

 

j.c Mis en prévention pour instigation à assassinat le 9 juillet 2012 puis auditionné le même jour par la police, E______ a confirmé ses précédentes déclarations. Confronté à sa mise en cause par B______, il a persisté à dire qu'il ne lui avait jamais demandé de faire quoi que ce soit. Au-delà des nombreux détails fournis par B______, E______ a maintenu sa position. Il n'était pas conscient qu'une tentative de meurtre était en train de s'organiser. Sa relation avec F______ n'était pas conflictuelle.

 

k.a Les recherches et expertises effectuées sur les téléphones portables de A______, D______ et E______ ont permis d'établir ce qui suit :

 

- entre le 6 janvier et le 7 février 2012, A______ et B______ n'ont eu que douze contacts téléphoniques et ne se sont plus appelés jusqu'au 25 février 2012, date à partir de laquelle ils ont eu divers échanges téléphoniques.

- entre le 9 janvier et le 23 février 2012, A______ a échangé 1264 messages au maximum, aucun n'ayant pu être récupéré.

- entre les 17 et 20 février 2012, D______ a échangé 587 SMS au maximum, aucun n'ayant pu être récupéré.

- en février 2012, E______ a échangé au maximum 617 SMS, dont seuls 244 ont pu être retrouvés. Partant, 373 ont été effacés.

- le numéro de téléphone 1______, utilisé par E______, s'est inscrit sur Viber le 25 octobre 2011. Celui utilisé par A______ (2______) l'a été le 23 février 2012.

- aucune trace de conversation téléphonique entre A______ et E______ n'a pu être mise en évidence durant la période où celui-ci était au Brésil, soit du 31 janvier au 7 février 2012.

 

k.b Les données rétroactives des téléphones portables de D______, de A______, de B______ et de E______ ainsi que les informations issues du téléphone portable de F______ ont été analysées par la police et résumées par le Tribunal criminel, dans une teneur non remise en cause par les parties. Ce résumé sera repris ici, avec quelques modifications justifiées par la nature des conclusions prises en appel. Il en ressort, pour la période s'étendant entre le 9 décembre 2011 et le 25 février 2012, ce qui suit :

 

vendredi 9 décembre 2011

Dans la matinée, E______ a contacté A______ avant de quitter en fin d'après-midi Genève avec ses enfants pour se rendre en Valais, où il est resté jusqu'au 11 décembre 2011 dans la soirée.

Ce même vendredi, B______ s'est trouvé à H______, à tout le moins entre 17:41 et 18:38.

 

samedi 10 décembre 2011

B______ était à H______ à 17:05.

 

dimanche 11 décembre 2011

E______, sur le chemin du retour du Valais, a contacté A______ à 21:10, lequel l'a recontacté à 22:42 et 22:56.

 

lundi 12 décembre 2011

B______ s'est trouvé à H______, à tout le moins entre 19:44 et 20:18. Il a contacté D______ à 20:15.

 

mercredi 14 décembre 2011

A 15:43, A______ a contacté E______, qui a appelé le domicile de H______ à 16:09 et qui s'est fait recontacter à 16:11 par A______.

A 16:12, B______ a appelé D______, qui a tout de suite envoyé un SMS à A______, lequel a contacté D______ à 16:27.

Dans la soirée (de 17:59 à 19:59), B______ était à H______ (sous réserve que, à 18:12, il a activé une antenne à la rue AE______). A 21:31, alors qu'il se trouvait à proximité de la rue AF______, il a reçu un appel de D______ et à 22:35, il était de nouveau localisé à H______.

 

vendredi 6 janvier 2012 (selon le dossier, K______ et L______ se trouvaient avec leur père en Valais du 6 au 8 janvier 2012).

Il y a eu plusieurs échanges téléphoniques entre F______ et E______, qui l'a notamment appelée à 19:28 peu avant qu'il ne contacte A______ à 19:52 par SMS en lui demandant : "Salut, tu peux monter quand à la montagne ?" puis par téléphone à 19:56.

A______ a contacté B______ à 21:18, 22:21 et 22:35. Peu après, à 23:06, B______ a contacté D______ au Kosovo.

 

samedi 7 janvier 2012

A 09:59, D______ a envoyé un SMS à B______, au contenu suivant : "Comment c'est allé hier soir ? C'était bien ?".

B______ a contacté D______ à 10:13 et 10:14. Immédiatement après avoir écrit à B______, celui-là a adressé un SMS à A______, qui lui a répondu à 12:39, avant que D______ ne fasse de même à 15:33.

 

lundi 9 janvier 2012

A______ et D______ ont échangé trois SMS et se sont appelé trois fois A 20:50, B______ a contacté D______.

 

mardi 10 janvier 2012

D______ et B______ ont eu cinq appels croisée entre 00:24 et 18:49.

 

vendredi 13 janvier 2012

A 13:37, E______ a contacté A______. Vers 19:00, il a quitté Genève avec ses enfants pour aller à O______.

 

samedi 14 janvier 2012

De retour à Genève, D______ a envoyé un SMS à A______ à 13:09, qui l'a immédiatement rappelé à 13:36.

A 13:36, D______ a envoyé un SMS à B______ puis il a été contacté à deux reprises par A______, à 15:30 et 15:42.

Il a appelé B______ à 17:53. Si B______ n'a activé aucune antenne entre 17:53, moment où il se trouvait à AG______, et 19:26, heure à laquelle il se trouvait à proximité de la rue AH______, il n'en va pas de même pour D______, qui se trouvait à H______ à 18:56 et 18:59.

 

dimanche 15 janvier 2012

A 17:28, D______ a envoyé un SMS à A______ et l'a appelé une minute plus tard. A 17:36 et 17:42, il a contacté B______.

A 18:22, D______ a fait un bref passage à H______.

A 18:20, E______ a contacté F______. Immédiatement après leur conversation, à 18:24, il a appelé A______ puis l'a rappelé à 18:30 et contacté F______ à 18:45. Lors de ces trois appels, E______ se trouvait à O______.

A 19:41, B______ était à H______, comme E______ à 21:53.

Un peu plus tard dans la soirée, soit à 22:12, E______ a recontacté A______, alors qu'il venait de quitter H______ pour se rendre en Italie. E______ ne contactera plus A______ jusqu'au 23 janvier 2012 à midi.

 

lundi 16 janvier 2012

A______ et D______ ont eu des contacts à 09:18, 10:16, 10:43 et 13:22.

A 13:54, D______ a envoyé un SMS à A______, qui lui a immédiatement répondu.

De 17:33 à 18:15, B______ était à H______, tandis que D______ y était, à tout le moins, de 17:58 à 18:24.

A 18:06, D______ a contacté B______, qui l'a appelé à 18:11, 18:15 et 18:16.

 

du vendredi 20 au dimanche 22 janvier 2012, K______ est allé avec sa mère à Londres. Il n'y a eu durant ce temps aucune localisation de D______ et de B______ à H______.

 

lundi 23 janvier 2012

A 08:54, D______ a appelé A______, qui l'a rappelé à 10:03.

A 12:00, E______ (alors en Italie) a contacté A______.

A 16:19, D______ a contacté B______.

A 17:34, A______ a appelé D______, qui lui a envoyé un SMS trois minutes plus tard. A______ l'a recontacté par SMS à 17:39.

De 17:17 à 17:23 à tout le moins, B______ se trouvait à H______, tandis que D______ s'y trouvait de 17:34 à 17:58.

A 18:05, A______ a envoyé un SMS à D______, qui l'a immédiatement contacté. Ils se sont encore parlé à 19:26, 19:48 et 19:58.

 

jeudi 26 janvier 2012

A 09:44 et 10:22, A______ a appelé D______ qui l'a rappelé à 10:46, 15:50 et 17:06.

A 17:17, A______ a recontacté D______.

A 17:39, A______ a été contacté par E______, sans qu'ils n'aient d'autres contacts téléphoniques entre eux jusqu'au 9 février 2012.

De 17:49 à 18:11, à tout le moins, B______ se trouvait à H______, tandis que D______ s'y trouvait de 17:41 à 18:12 à tout le moins.

A 18:23, A______ a appelé D______.

 

du vendredi 27 au dimanche 29 janvier 2012, F______ était à Strasbourg. K______ et L______ sont partis à O______ avec leur père le samedi 28 janvier et sont rentrés dimanche vers 13:00. E______ et A______ ne se sont pas parlé durant ce week-end.

 

dimanche 29 janvier 2012

D______ et A______ ont eu six contacts entre 14:34 et 17:50.

D______ a contacté trois fois B______ entre 18:18 et 18:44.

A tout le moins de 19:18 à 19:27, D______ se trouvait à H______. Il a d'ailleurs appelé A______ à 19:18 ainsi qu'à 20:29 et lui a envoyé un SMS à 20:25.

 

lundi 30 janvier 2012

A 09:08 et 09:09, A______ et D______ ont échangé un SMS et eu un contact téléphonique. Ont suivi plusieurs appels ainsi qu'un SMS adressé par D______ à B______, qui se trouvait non loin du G______ à 17:29 (antenne activée : AI______).

De 17:41 à 18:05 à tout le moins, D______ se trouvait à H______.

 

mardi 31 janvier 2012

A 15:25, D______ a envoyé un SMS à A______, qui l'a contacté à 15:28.

A 15:49 et 16:40, D______ a brièvement contacté B______.

De 17:37 à 18:25, à tout le moins, D______ se trouvait à H______, B______ s'y trouvant aussi à 18:01.

 

mercredi 1er février 2012, E______ était au Brésil.

D______ et A______ se sont adressé plusieurs SMS et appelé plusieurs fois durant la journée.

De 18:19 à 18:37, à tout le moins, B______ se trouvait à H______, tandis que D______ y était de 18:33 à 18:42 à tout le moins.

D______ a contacté A______ à 19:06, soit peu de temps après avoir quitté H______.

A 20:24, B______ a contacté A______, qui lui a envoyé un SMS immédiatement après, soit à 20:25.

 

jeudi 2 février 2012

D______ et A______ ont eu plusieurs échanges téléphoniques et par SMS durant la journée.

B______ a effectué un bref passage à H______, de 18:01 à 18:06 à tout le moins. D______ y était à 18:13, peu avant de contacter A______.

 

le week-end des 4 et 5 février 2012, K______ et L______ étaient avec leur mère, E______ séjournant alors au Brésil.

 

dimanche 5 février 2012

A______ a contacté D______ à 13:15.

D______ a eu plusieurs contacts avec B______, lequel, entre 19:11 et 20:05, se trouvait à H______. D______ y était à 19:50 à tout le moins.

 

mardi 7 février 2012

Dès 14:22, D______ et A______ ont eu plusieurs échanges téléphoniques. D______ était à H______ de 18:35 à 18:55 en même temps que B______, qui s'y trouvait à 18:42.

Entre 20:39 et 22:16, D______, B______ et A______ ont eu plusieurs contacts téléphoniques croisés.

 

jeudi 9 février 2012

Durant la journée, il y a eu plusieurs contacts entre, d'une part, D______ et A______ et, d'autre part, D______ et B______.

A 12:41, E______, qui se trouvait en Italie, a adressé un SMS à F______, dont la teneur est la suivante : " Hello, je voudrais te parler avant de monter avec les kids. Tu as un moment ce soir ?"

A 18:09, B______ était localisé à H______. A 18:25, alors qu'il se trouvait également à H______, D______ a appelé A______.

A 19:03, E______ se trouvait à l'aéroport de Genève-Cointrin. Il a reçu deux appels de la villa G______ à 19:12 et 19:16 et a contacté A______ à 19:18, les deux hommes ne s'étant plus parlé depuis le 26 janvier 2012. A la même heure, F______ lui a répondu : "Je suis à la maison. Je ne te cache pas que je suis très fatiguée […]". E______ l'a rejointe à 19:37.

 

vendredi 10 février 2012

Dès 08:34, il y a eu divers échanges entre, d'une part, D______ et B______ et, d'autre part, D______ et A______, et ce durant toute la journée.

Aux alentours de 15:00, A______ se trouvait à AJ______ et a contacté à 15:02 E______, qui se trouvait dans le même quartier.

Dès 16:18, il y a eu divers contacts entre, d'une part, A______ et D______ et, d'autre part, B______ et D______.

Vers 18:20, E______ a quitté Genève avec K______ et L______ pour se rendre en Valais, où il a été localisé à 20:36 près de O______.

De 18:47 à 19:04, à tout le moins, D______ se trouvait à H______, en même temps que B______, qui y était, à tout le moins, entre 18:53 et 19:04 ainsi qu'entre 20:08 et 20:10. Les deux hommes ont ensuite eu plusieurs contacts durant la soirée.

A______ et D______ se sont parlé au téléphone à 22:39 et adressé six SMS entre 23:10 et 23:15.

 

samedi 11 février 2012

A 09:50, A______ s'est rendu à H______ et a contacté F______. Il a ensuite reçu quatre appels de D______ entre 10:30 et 13:57 puis l'a contacté à deux reprises dans l'après-midi.

E______ (alors en Valais) n'a pas eu de contact téléphonique avec A______.

 

dimanche 12 février 2012

A 12:52, E______ a appelé A______. A 12:55, il a contacté F______ puis a recontacté A______ presque immédiatement après cet appel, soit à 12:59.

A______ a contacté D______ à 13:29 et E______ à 14:06.

Vers 14:50, A______ a quitté Genève pour le Valais. En chemin, il a contacté D______ à 15:49 et E______ (à 15:40 et 16:30), lequel se trouvait alors à Montana, respectivement O______.

Vers 17:00, A______ est arrivé à Sierre.

A 17:24, D______ a appelé B______.

A 17:59, E______ a envoyé un SMS à A______ (" […] appelles moi").

A 18:00 alors qu'il se trouvait à Sion, A______ a appelé E______ (alors à Sierre). Il l'a encore appelé à 18:06, son interlocuteur se trouvant alors à Sion.

Plus tard dans la soirée, à 18:59, D______ a envoyé un SMS à B______ et, à 20:29, il a appelé A______.

A 20:54, B______ a appelé D______, qui se trouvait alors à H______.

 

lundi 13 février 2012

A 14:42, A______ a appelé D______ qui lui a envoyé tout de suite un SMS.

A______ a appelé D______ à 15:48, 16h:48 et 16:58.

Entretemps, à 15:56, D______ a contacté B______. Il l'a recontacté à 18:20, lui a envoyé un SMS à 19:40, l'a appelé à 19:47 et à 20:03.

 

mardi 14 février 2012

D______ et A______ ont eu plusieurs contacts téléphoniques ou par SMS.

 

mercredi 15 février 2012

Vers 11:20, E______ a quitté le Valais. Il a contacté A______ à 12:47 et est arrivé à Genève vers 13:00.

A 17h45, E______ se trouvait à H______. Il est rapidement reparti en Valais (il sera localisé à Charrat à 22:15). Il a contacté A______ à 18:00.

D______ a contacté trois fois B______ entre 12:23 et 12:29. Les deux hommes ont encore eu plusieurs contacts durant la soirée.

D______ a en outre reçu deux SMS de A______ à 22:13 et 22:14 et l'a contacté à 22:20. Les deux hommes se sont ensuite rendus à AK______, où ils ont tous deux été localisés à 22:54 pour A______ et à 23:43 pour D______.

Entre 23:24 et 23:40, A______ se trouvait à M______.

Juste après minuit, à 00:07, D______ et A______ se trouvaient au AL______.

 

jeudi 16 février 2012

Entre 00:44 et 09:29, A______ et D______ se sont téléphoné à quatre reprises.

 

vendredi 17 février 2012

A 08:20, F______ a envoyé un SMS à E______ ("Je rentre tard dimanche. Atterrissage prevu à 22:30. Dis-moi si tu restes à la maison sinon je m'arrange avec R______. Ciao e bacio"). E______ y a répondu à 09:28 : "Merci pour Isa. Je dors à la maison. Bonne fin de cure".

D______ et A______ ont échangé des contacts à 10:43 et 12:10.

 

dimanche 19 février 2012

A 10:21, E______ (alors à O______) a appelé F______. A 14h19, il était de retour à Genève avec ses enfants.

A 20:12, D______ (alors à AM______) a contacté B______ (à proximité de l'avenue J______).

A tout le moins entre 21:44 et 21:51, B______ était à H______. D______ s'y trouvait à tout le moins de 21:50 à 22:47. Les deux hommes n'ont eu aucun contact téléphonique entre 20:50 et 23:41.

A 22:46, soit deux minutes avant que F______ n'arrive à son domicile, D______ a envoyé un SMS à A______, qui se trouvait alors au Kosovo et qui lui a répondu une minute plus tard (seules les analyses rétroactives ont permis de retrouver la trace de ces deux messages, lesquels avaient été effacés de la mémoire téléphonique des téléphones portables).

De 23:13 à 23:26, D______ était à AG______, à l'instar de B______ qui s'y trouvait de 23:22 à 23:41, heure à laquelle il a contacté D______. A 23:18, D______ a envoyé un SMS à A______, qui lui a répondu immédiatement. Les deux hommes se sont encore échangé 14 messages entre 23:18 et 23:45.

De 00:20 à 06:30 environ, B______ se trouvait à M______, tout comme D______ (de 01:25 à 06:10 environ).

 

lundi 20 février 2012

A 12:29, E______ a reçu un message de P______ lui demandant pourquoi il avait essayé de la joindre. Il lui a répondu une demi-heure plus tard qu'il souhaitait la voir et lui parler. Plusieurs SMS ont ensuite été échangés entre eux.

Dans la nuit, à 00:08, P______ a informé E______ qu'elle se trouvait aux urgences. Une heure plus tard, elle lui a fait part de ce qu'elle souffrait d'un décollement placentaire et devait se rendre dans un autre hôpital.

 

l. Le 11 juillet 2012 à la police, B______ a fini par admettre que AA______ ne faisait qu'un avec A______. Il a, dans un premier temps, continué à maintenir que D______ ne l'avait pas accompagné à H______ le soir des faits, avant de reconnaître que son cousin l'avait conduit sur place. Après l'agression, B______, dont les habits et les mains étaient tachés de sang, l'avait rejoint dans un café. De l'extérieur de l'établissement, il avait fait signe à D______ qui l'avait raccompagné chez lui. Durant le trajet, B______ s'était d'abord tu avant d'expliquer, une fois arrivés à M______, ce qu'il avait fait. D______ l'avait critiqué, en lui expliquant qu'il l'avait fait venir en Suisse pour travailler et qu'il s'était porté garant de son bon comportement. B______ dira plus tard ne l'avoir informé de l'agression que deux ou trois jours après et lui avoir dit avoir finalement renoncé après avoir pensé à sa mère bien qu'il se fût effectivement rendu sur place pour tuer F______.

 

L'agression avait duré quatre à cinq minutes, pendant lesquelles la victime avait crié fort. Elle s'était débattue, avait réussi à enlever la main qu'il avait posée sur sa bouche et lui avait demandé : "Mais qu'est-ce que tu veux ?". Il n'avait pas répondu et l'avait encore frappée à deux ou trois reprises. Il pensait qu'elle avait perdu connaissance. Il ne lui avait jamais mis le couteau sous la gorge. Quand E______ était sorti et avait lâché les chiens, B______ s'était enfui en sautant par-dessus le mur. Il lui avait fait un signe de main au préalable. Il était certain que E______ l'avait vu et qu'il avait dirigé son pistolet contre lui. B______ n'avait pas fracturé la porte du garage de la villa.

 

Il avait appris de la bouche de A______ qu'il ne serait pas payé car il n'avait pas pris le sac à main de F______ et ne l'avait pas battue assez fort. Environ deux mois après l'agression, il avait rencontré E______, en présence de A______, en vue du paiement, ce qu'il niera plus tard en audience de confrontation.

 

B______ a été entendu à plusieurs reprises par le Ministère public. Le 16 juillet 2012, hors la présence de D______, B______ a affirmé que l'heure de l'arrivée de F______ lui avait été fournie par son cousin. Ils étaient quatre à être impliqués dans cette agression. Interrogé sur la question de savoir si on lui avait reproché d'avoir tardé à agir, il a répondu, en présence de A______ mais toujours en l'absence de D______, que les deux précités lui avaient demandé, quelques jours avant l'agression, de "laisser tomber" et qu'ils lui avaient dit : "nous ne sommes pas des personnes qui devons faire ça". Il avait néanmoins agi car il y avait CHF 400'000.- à la clef.

 

En présence de A______ et de D______, B______ a répété qu'ils avaient agi à quatre. Telle était la vérité qu'il devait dire maintenant que A______ avait commencé à parler. D______ savait qu'il était prévu qu'il frappe F______, affirmation que B______ a toutefois tempérée en toute fin d'audience : "En fait, peut-être que comme lui et A______ [A______] m'avaient demandé de laisser tomber quelques jours avant les faits, peut-être qu'il ne savait pas ce que j'allais faire".

 

Lors d'une audience ultérieure (18 juillet 2012), B______ a assuré que D______ était au courant de ce qui allait se passer, seuls A______ et lui-même étant toutefois impliqués. Interrogé par le conseil de D______ sur la signification des termes "D______ était au courant de ce qui allait se passer", B______ a précisé que son cousin était en réalité au courant de ce qui s'était passé.

 

Plus tard (3 septembre 2012), B______ a reconnu que la mission qui lui avait été confiée était de tuer F______. On ne lui avait jamais demandé de tout arrêter mais il n'avait pas eu le courage d'aller jusqu'au bout. En entendant crier cette femme, il avait pensé qu'elle aurait pu être un membre de sa famille. Elle était encore vivante quand il avait cessé ses agissements car elle bougeait et respirait. D______ n'était pas impliqué dans l'agression dont il n'avait eu connaissance que deux jours plus tard, ce que B______ ne cessera de répéter tout au long de l'instruction. Il avait beau être très proche des bureaux de A______, il restait que D______ ne les avait pas entendus parler du projet.

 

Le 25 septembre 2012, B______ a finalement reconnu s'être muni d'un couteau le soir des faits afin de tuer F______. Il avait commencé à la blesser au cou après l'avoir frappée avec la main en étant face à elle mais il avait arrêté dès qu'il avait vu du sang. Il avait alors mis sa main sur la bouche de sa victime afin qu'elle arrête de crier. B______ n'avait à aucun moment étranglé F______, concédant qu'il avait peut-être fait un geste avec le bras au moment de la tirer en arrière, lequel avait pu l'étrangler. Contrairement à ce qu'il avait dit précédemment, D______ l'avait attendu dans sa voiture et non pas dans un café, celui-ci étant effectivement fermé. La mission confiée consistait à tuer F______ à l'extérieur de la maison puis à commettre un cambriolage pour masquer le meurtre. Il devait agir en l'absence des enfants mais en présence de E______. Le 19 février 2012, B______ ignorait que les enfants se trouvaient dans la maison.

 

Lors de ses auditions ultérieures, B______ a répété n'avoir jamais reçu d'instruction visant à renoncer à commettre l'agression, expliquant que si tel avait été le cas, il n'aurait pas agi. Il avait eu plusieurs possibilités, lors de ses observations, de passer à l'acte. Parfois, il ne l'avait pas fait car les enfants étaient présents et, d'autres fois, il n'en avait pas eu le courage. Au surplus, il n'avait pas dit le 16 juillet 2012 que la communication de l'heure d'arrivée de la future victime était l'œuvre de D______. Il n'avait pas davantage affirmé qu'ils étaient quatre impliqués dans cette affaire, tout au plus avait-il dit qu'ils étaient quatre au courant de ce qu'il s'était passé. Enfin, D______ l'avait accompagné sur place à quatre ou cinq reprises, mais B______ lui avait toujours menti en lui faisant croire qu'il allait voir une copine dans le quartier, laquelle devait pouvoir l'aider à obtenir des papiers suisses. Son cousin l'avait déposé aux alentours de la maison mais pas toujours au même endroit.

 

m. D______ a, durant toute l'instruction, toujours nié être impliqué dans l'agression subie par F______. Il avait eu divers problèmes avec B______, qui avait un comportement bagarreur dont s'étaient plaint des membres de la communauté albanaise.

 

Il arrivait que son cousin lui emprunte sa voiture mais il le véhiculait d'autres fois. Ainsi D______ avait-il déposé son cousin le 19 février 2012, le soir, sur la route AN______. A son souvenir, B______ lui avait dit qu'il n'en aurait que pour quelques minutes. Lui-même en avait profité pour aller voir l'endroit d'un futur chantier. Vingt minutes plus tard, B______ lui avait envoyé un SMS pour lui demander d'aller le chercher plus bas sur la route AN______, vers AO______. Confronté aux analyses rétroactives, qui démontraient que des bornes proches de la route AN______ avaient été activées durant une heure environ, D______ a expliqué être revenu dans le secteur après avoir identifié l'endroit du chantier et avoir bu un Martini blanc dans un bar tout proche de l'arrêt de tram. Quand B______ était revenu, il n'avait pas remarqué qu'il avait du sang sur ses habits et/ou ses mains. Confronté au fait que le café en question était fermé le dimanche soir, D______ a finalement indiqué avoir attendu B______ à l'extérieur. Après l'avoir raccompagné, il s'était rendu à M______ ou il avait rencontré son cousin qui lui avait avoué qu'il venait de commettre un cambriolage.

 

Deux ou trois jours plus tard, A______ lui avait révélé l'existence d'un cambriolage dans la villa des époux E______-F______. D______ avait alors fait le rapprochement avec les déclarations de son cousin qu'il avait contacté. Celui-ci s'était excusé de l'avoir trahi. Il avait agi pour de l'argent mais avait renoncé à aller au bout de ses agissements en pensant à sa mère. B______ n'avait pas donné de détails, sinon qu'il avait utilisé un couteau pour blesser F______ au visage et au cou.

 

D______ n'avait pas procédé à des repérages devant la villa. Il avait certes accompagné son cousin dans ce secteur à plusieurs reprises, celui-là lui expliquant qu'il allait voir des filles. Aux dires de B______, les rendez-vous devaient durer beaucoup moins longtemps que les trente minutes ou l'heure qu'ils duraient en réalité. Il ne voulait pas que son cousin emprunte sa voiture faute de permis de conduire. Il déposait en général B______ sur la route AN______, pas toujours au même endroit, mais jamais devant la villa.

 

D______ avait travaillé sur divers chantiers à H______, soit en 2009 ou 2010 à la route AN______, en 2010 ou 2011 face à l'arrêt de tram G______ (recte actuellement AP______), fin 2011-début 2012 à ______, entre 2010 et 2012 près de la banque AQ______ à H______ et en 2012 vers le plateau AR______.

 

Interrogé au sujet de 16 messages téléphoniques échangés durant la soirée du 19 février 2012 avec A______ et sur la localisation de son téléphone portable à H______, D______ a commencé par dire qu'il n'avait pas souvenir de ces SMS et qu'il était impossible que son téléphone fût localisé là-bas. En fin d'instruction, il a expliqué qu'il cherchait en fait à savoir si A______ avait vu son banquier au Kosovo et s'il avait obtenu un prêt pour lequel lui-même avait accepté de mettre sa maison en garantie. Il avait effacé ces SMS comme il le faisait d'habitude pour vider la mémoire de son téléphone.

 

n. Le 12 juillet 2012, A______ a reconnu avoir été approché en 2010 par E______ pour trouver un tiers qui puisse tuer F______, car il ne souhaitait pas perdre ses enfants lors de la séparation. Le meurtre devait se passer à l'intérieur de la maison et ressembler à un cambriolage ou un accident, hors la présence des enfants.

 

Deux mois avaient passé avant que A______ n'informe E______ qu'il avait trouvé quelqu'un - en fait deux individus désignés comme étant AS______ et AT______ - pour le prix d'un demi-million de francs. Après accord, A______ avait reçu un acompte de CHF 30'000.-. E______ s'était montré impatient mais A______ faisait traîner les choses, n'osant pas lui dire "non". Comme il parlait, en juin ou juillet 2011, à D______ de la mission confiée par E______, son interlocuteur lui avait répondu qu'il pouvait s'en occuper. C'est ainsi qu'il avait demandé à son cousin B______ de s'en charger, la rémunération étant de CHF 400'000.- selon les propos tenus par A______ à D______.

 

En octobre 2011, E______, qui était fâché, lui avait demandé de laisser tomber mais en décembre 2011, il s'était à nouveau plaint de ce que rien ne se passait. De manière générale, il l'appelait chaque fois qu'il prenait les enfants avec lui, comme cela s'était fait durant le week-end des 14 et 15 janvier 2012, date finalement retenue pour agir. Constatant que rien ne s'était passé, E______, fâché, avait contacté A______, qui lui avait expliqué que l'auteur avait été arrêté puis aussitôt relâché. Depuis le Brésil où il était parti avec son amie début février, E______ n'avait pas appelé A______ à son souvenir. Le 11 février 2012, E______ l'avait en revanche bien contacté, fâché, en lui reprochant que rien ne se soit passé la veille, alors même qu'il était parti avec les enfants et que F______ était seule. Il avait alors dit qu'il voulait tout arrêter. A______ lui avait proposé de le rencontrer en Valais pour discuter, ce qu'ils avaient fait le lendemain ou le surlendemain. E______ avait répété qu'il voulait tout arrêter.

De retour à Genève le même jour, A______ avait transmis l'information à D______, qui lui avait demandé s'il existait encore une chance que E______ change d'avis. A______ lui avait répondu par la négative. Il avait été clair dans le sens où il avait dit qu'il ne fallait plus tuer F______. Le 19 février 2012, D______ l'avait contacté pour savoir à quelle heure F______ allait rentrer. A______ s'était montré inquiet mais D______ l'avait rassuré.

 

De manière générale, A______ ne parlait pas directement avec B______ mais passait par l'intermédiaire de D______. Il n'avait pas révélé à l'exécutant l'heure d'arrivée de F______. Lorsqu'il était rentré du Kosovo, B______ l'avait contacté et rencontré en vue du paiement de la somme convenue. E______ avait déclaré qu'il ne paierait rien puisqu'il avait donné l'ordre de tout arrêter.

 

Durant la suite de la procédure, A______ a confirmé ses déclarations du 12 juillet 2012 devant le Ministère public. Il a apporté diverses précisions, notamment concernant le week-end des 11 et 12 février 2012 après lequel E______, fâché, s'était mis à douter du sérieux des personnes mises en œuvre par A______. Celui-ci lui avait répondu que le "maçon était malade". Lors de leur rencontre à Sierre, A______ et E______ avaient laissé leur téléphone portable dans le coffre de la voiture, de peur d'être sous écoute. Le ton utilisé ("on arrête tout") démontrait que E______ en avait assez d'attendre. De retour à Sierre, chacun avait récupéré son téléphone portable et repris la route.

 

A son retour de Sierre, il avait vu D______ dans le café situé à côté de leurs bureaux, sans qu'il ne se souvienne si B______ était présent. Mais il était sûr qu'un contact avait eu lieu le lendemain au cours duquel il avait reparlé du fait que E______ voulait tout arrêter. A cette occasion, B______ était présent mais il n'avait rien dit. Plus tard, A______ reviendra sur sa déclaration, affirmant qu'il n'avait pas rencontré D______ à son retour de Sierre et ne l'avait informé du contrordre que le lundi 13, dans un établissement public de la rue AF______, ce qui pouvait expliquer que son interlocuteur se soit rendu à H______ le 12 février au soir. B______ n'avait pas assisté à cette conversation. En fin d'instruction, A______ a affirmé avoir tenté de joindre D______ en rentrant de Sierre mais que son téléphone portable était éteint.

 

Concernant le 19 février 2012, D______ avait envoyé plusieurs messages à A______, dont l'un pour connaître l'heure d'arrivée de F______. Celui-ci lui avait rappelé l'existence du contrordre qui rendait inutile la transmission de cette information. Les autres SMS étaient peut-être destinés à prendre des nouvelles de sa famille mais ils ne concernaient en tous cas pas un prêt bancaire au Kosovo, cette question n'ayant été évoquée entre eux qu'en avril 2012.

 

Les contacts avec B______ avaient été plus fréquents après le 19 février 2012, car A______ avait servi d'intermédiaire entre D______ et son cousin. Lorsqu'il avait dit à B______ qu'il ne pouvait pas prétendre à un paiement puisqu'il n'avait pas correctement fait son travail, il lui avait répondu qu'il serait allé au bout de sa mission si E______ n'était pas sorti de la villa. Plus tard, A______ reviendra sur cette explication, en affirmant lui avoir déclaré qu'il n'avait pas fait le travail et que de toute façon, il ne devait pas agir. La rémunération prévue était de CHF 200'000.- en faveur de B______, de CHF 100'000.- à D______ et CHF 100'000.- à lui-même. Les bijoux se trouvant dans le coffre auraient été vendus et le montant résultant des ventes réparti entre les trois précités. Quelques semaines après l'agression, E______ lui avait réclamé la somme de CHF 100'000.- avancée pour le meurtre, arguant du fait qu'il y avait eu un contrordre.

 

Lors d'une audience qui s'est tenue en mai 2013, A______ a affirmé avoir rencontré E______ le 10 février 2012 à une station de lavage. Celui-ci lui avait expliqué qu'il allait partir dix jours avec ses enfants, que F______ serait présente dans la villa durant le week-end, puis qu'elle serait absente durant une semaine et qu'il s'agissait donc du week-end de la dernière chance.

 

Le 16 juillet 2014, A______ a versé une somme de CHF 50'000.- au conseil de F______ à titre de réparation du tort moral.

 

o. Le 17 juillet 2012, E______ a admis qu'il était temps pour lui d'avouer ce qu'il avait voulu faire.

 

En 2010,pour déjouer le refus de F______ de vendre la maison, A______ et lui-même avaient imaginé d'organiser un faux cambriolage, en l'absence des enfants, pour lui faire peur et la décider à changer d'avis. Malgré l'engagement de A______ de mettre en route ce projet, rien ne s'était jamais passé.

 

A fin 2010-début 2011, son état psychique s'était effondré, notamment après le suicide de sa sœur. Il avait ainsi perdu conscience de ce qu'il faisait, ne vivant que dans le passé ou dans le futur, mais pas dans le présent. Alors qu'il venait d'entamer une relation avec P______ et se trouvait avec elle au Brésil - fin janvier-début février 2012 -, il avait contacté A______ - de téléphone portable à téléphone portable - pour lui parler de son souhait de vendre la pizzeria. A cette occasion, il lui avait également demandé de "tout arrêter" car il avait rencontré la femme de sa vie. Voulant être certain que le cambriolage était abandonné, il avait recontacté A______ pour lui demander de le rencontrer à Sierre. Selon les explications fournies par son interlocuteur, il ne s'était rien passé durant le week-end précédent en raison du fait que l'homme de main avait été arrêté, mais un délai avait désormais été fixé au 19 février 2012. Comme cela ne correspondait pas à l'ordre transmis depuis le Brésil, E______ avait demandé à A______ de le rejoindre à Sierre. Après cette rencontre, E______ avait encore essayé de joindre A______ le 19 février 2012, peut-être par SMS, mais en vain.

 

E______ se demandait si F______ n'avait pas quelque chose à voir avec son agression et si elle se trouvait réellement dans l'avion en provenance de Vienne, celui-ci devant atterrir à 22:30 et F______ ayant pris le taxi à 22:28. Il trouvait au surplus étrange qu'elle n'ait pas vu un halo de lumière et qu'elle n'ait pas eu de perte d'urine lors de l'agression. De même, il se demandait s'il n'était pas la dupe, notamment par rapport à A______. Il avait l'impression que les participants à la procédure avaient fabriqué des preuves pour l'incriminer.

 

Le lendemain, toujours devant le Ministère public, E______ a affirmé n'avoir jamais communiqué à personne l'heure d'arrivée de F______. Les propos de A______ relatifs à une mission consistant à tuer cette dernière avaient peut-être été tenus par vengeance. Une chose était sûre : le cambriolage avait été "calibré pour être commis sans dommage", étant précisé qu'il y avait eu un an et demi de "fine tuning" à cet égard. Il n'éprouvait aucun remords par rapport à l'agression subie par F______, puisque cela s'était passé "hors [son] contrôle". Il n'avait, au début, rien dit concernant sa propre implication, ne pensant pas entraver le travail de la police.

Durant la suite de la procédure, E______ a plus ou moins donné les mêmes explications. La conversation qu'il avait eue avec A______ depuis le Brésil avait peut-être eu lieu via Viber.

 

E______ a évoqué la question de l'alarme pour la première fois le 5 février 2013, à l'occasion de la reconstitution des faits. Il a alors expliqué avoir essayé de déclencher l'alarme au moyen de la télécommande mais que rien ne s'était passé. Interrogé sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas appuyé sur le boîtier mural, il a répondu qu'il était "stressé d'aller en haut, en bas, à gauche, à droite". Plus tard, il a encore précisé que, le soir des faits, il avait utilisé la télécommande de F______ qui était directement disponible, en appuyant sur plusieurs boutons, sans être capable d'affirmer avoir appuyé sur le bouton orange anti-agression. Il n'avait pas appelé la police après avoir constaté que l'alarme ne fonctionnait pas en raison du fait qu'il n'avait pas encore conscience des dangers et qu'il ignorait alors à quoi attribuer les bruits qu'il avait entendus.

 

Le 14 mars 2013, E______ a avoué, pour la première fois, que la mission était de tuer F______, confirmant ainsi les déclarations de A______ à cet égard. Il éprouvait un grand sentiment de culpabilité et "regrettait infiniment ce qui aurait pu se passer", étant désolé de "cet horrible engrenage". Ce projet était initialement flou, même s'il voulait un accident qui soit fatal à son épouse. Il avait agi de la sorte pour ne pas perdre ses enfants dans le cadre du divorce. Au moment de parler à A______ à Sierre, il avait "repris pied", le projet de tuer F______ lui paraissant de plus en plus "irréaliste, voire irréalisable". Ce qui lui paraissait auparavant "toxique et insoluble" était devenu clair en raison de sa rencontre avec P______. Le 19 février 2012, il n'avait rien vu, quand il était dans la cuisine.

 

En fin de procédure, E______ a fermement nié avoir remis CHF 30'000.- à A______ à titre d'acompte. De même, il ne l'avait pas rencontré le 10 février 2012 à une station de lavage comme affirmé. E______ avait cherché, en vain, à contacter A______ le 10 février 2012 pour lui dire qu'il n'y avait plus de désaccord entre F______ et lui-même concernant le divorce. Le samedi 11 février 2012, il avait de nouveau essayé de le joindre mais il avait été mis en présence d'un message de dérangement. Lors de cet appel, il n'était pas fâché et son interlocuteur ne lui avait pas dit que "le maçon était malade" mais que l'auteur avait été arrêté. Finalement, il ne savait plus si c'était lui qui avait appelé A______ du Brésil ou le contraire.

 

E______ n'avait jamais exprimé le fait qu'il se sentait déprimé à son médecin ou à des amis, l'expert-psychiatre commis dans le cadre de la présente procédure étant la première personne à laquelle il en avait parlé.

 

p. La villa était munie d'un système d'alarme. Ce dernier avait été complètement remplacé le 1er décembre 2011, à la demande de E______, qui avait signalé un mauvais fonctionnement de l'interphonie.

 

Une centrale d'alarme était installée au rez-de-chaussée. Au premier étage se trouvait le clavier déporté, correspondant à une télécommande fixe. Les mises en (et hors) service pouvaient se faire par le biais du boîtier central, du boîtier déporté ainsi que par des télécommandes, tout trois permettant aussi de lancer les appels de secours. Un signal SOS entraînait un appel silencieux vers la centrale, ce même si l'alarme n'était pas en service. Une écoute était alors déclenchée et la centrale d'alarme était directement en communication avec la villa, ce qui permettait à l'opérateur de juger de l'opportunité d'appeler la police. Les télécommandes étaient au nombre de quatre : deux fournies lors du remplacement du système le 1er décembre 2011 et deux anciennes, dont seule celle de F______ avait été reprogrammée après un problème d'interphone.

 

Le système d'alarme avait été mis hors service le 18 février 2012 à 22:46 et remis en service le 20 février 2012 à 00h:03. Le soir des faits, aucune alarme agression n'avait été enclenchée.

 

q. AU______, comptable dont les bureaux étaient situés au même endroit que ceux de D______ et de A______, n'avait jamais pu faire la comptabilité des sociétés appartenant à ce dernier, soit AV______ et AW______. En effet, la première était une coquille vide et A______ ne transmettait pas les documents nécessaires. Ses dettes atteignaient presque le demi-million de francs.

 

D______, qu'elle avait toujours connu en difficulté financière, éprouvait des problèmes de liquidités. Il avait changé de locaux à fin 2012 car il ne payait pas son loyer ni les honoraires dus à la comptable. Sa situation financière a été jugée "dramatique". Au 14 septembre 2012, les dettes de sa société AX______ s'élevaient à environ CHF 250'000.- et les siennes propres à un peu plus de CHF 160'000.-.

 

r.a Le médecin traitant de E______, le Dr AY______, a été entendu. Lors de ses consultations, le patient ne lui avait pas dit qu'il se sentait déprimé, même s'il n'était guère joyeux. De manière générale, E______, qualifié de "personne assez forte", était quelqu'un de plutôt taciturne, angoissé, introverti et inquiet. Il n'avait jamais exprimé être en proie à des angoisses ou des idées suicidaires. Le praticien a concédé qu'il était possible qu'il ait pu ne pas se rendre compte que son patient souffrait d'une sévère dépression.

 

Le 16 février 2012, E______ l'avait consulté avec P______ pour le résultat d'un test de grossesse. A cette occasion, il était très heureux d'apprendre la nouvelle et plus jovial que d'habitude.

 

r.b Aux dires de AZ______, amie de longue date de E______, celui-ci ne laissait rien paraître, mais il avait dû traverser de nombreuses difficultés dans sa vie. Il était jeune quand son père était décédé et avait dû endosser le rôle de chef de famille, ce qui avait créé des tensions, notamment avec sa sœur. Il avait également dû supporter les problèmes psychiatriques de celle-ci et son suicide. Par ailleurs, il avait découvert que sa mère était alcoolique. Ajouté à ses problèmes de couple, tout cela était lourd psychologiquement.

 

r.c N______ connaissait E______ depuis de nombreuses années. Il était un homme drôle, cultivé. Il avait fait preuve d'une grande amitié à son égard en 2011 lorsqu'il avait eu un accident et était tombé dans le coma. E______ l'avait accompagné durant cette période difficile et s'était occupé du "légume [qu'il] étai[t] alors". Le témoin avait une dette à son égard car il l'avait aidé à repartir dans la vie.

 

r.d Aux termes de l'analyse rétroactive de son raccordement téléphonique et de l'analyse des SMS échangés, E______ a entretenu plusieurs relations sentimentales, voire sexuelles, en 2010, 2011 et au début de l'année 2012.

 

Plusieurs femmes ont été entendues à ce sujet par le Ministère public, telle BA______, qui a expliqué avoir entretenu une relation sentimentale avec E______ de 2006 à 2011. Ils avaient parlé de vie commune mais lassée d'attendre, elle avait décidé de mettre un terme à leur relation à fin 2011. E______ était gai et extraverti lorsqu'il était entouré de monde et plutôt introverti dans un contexte familial. Après le décès de sa sœur, il était devenu plus introverti, plus sombre.

 

vi. Expertises psychiatriques

 

t.a Selon le rapport d'expertise établi par le Dr BB______, B______ souffrait d'un fonctionnement intellectuel limite. Ses facultés de compréhension apparaissaient dans la norme et la pensée surtout opératoire. Ce trouble ne constituait pas une pathologie mentale grave mais se situait entre le retard mental léger et la moyenne de la population. La seule particularité psychique qui pourrait être suspectée consisterait en une altération des fonctions intellectuelles. Compte tenu du cursus scolaire de l'expertisé, de ses capacités d'adaptation, un retard mental pouvait être écarté. Sa responsabilité pénale au moment des faits était pleine et entière.

 

L'expert a confirmé son rapport devant le Ministère public. A son point de vue, B______ était apte à comprendre un contrordre qui lui aurait été donné. D'ailleurs, au vu de la pertinence de certaines réponses de B______, son déficit n'était pas d'origine biologique mais plutôt de nature éducative et scolaire.

 

t.b A teneur du rapport d'expertise le concernant, D______ ne souffrait d'aucun trouble cognitif ou psychique. L'examen mental et l'analyse de sa trajectoire de vie ne révélaient pas non plus d'élément franc qui pourrait faire penser à un trouble du caractère. La responsabilité de D______ au moment des faits était pleine et entière. Les faits reprochés, pour autant qu'ils soient retenus à charge, devraient être qualifiés d'acte isolé pouvant avoir été favorisé par un relâchement dans la capacité de supporter des frustrations de type financier ou la capacité d'élaborer des solutions.

 

t.c A______ ne présentait, à dires d'expert, aucune symptomatologie témoignant d'un trouble mental évolutif, notamment d'allure psychotique. Sa relation avec E______, le respect qu'il lui témoignait et une certaine dépendance financière l'avaient placé dans une situation de conflit de loyauté et de déstabilisation psychologique par rapport à ses valeurs éducatives et morales. Sa responsabilité pénale au moment des faits était pleine et entière.

 

L'hypothèse soulevée par l'expert, consistant en une motivation financière, a été agréée par A______ après que l'expert la lui eut soumise. Quoi qu'il en soit, cette motivation n'était pas incompatible avec l'existence d'une relation de loyauté.

 

u.a A teneur du rapport d'expertise établi par la Dresse BC______, E______ évoquait l'apparition progressive d'un épisode dépressif entre 2010 et 2011, à la suite de la séparation effective avec son épouse, avec baisse de l'élan vital, anhédonie, aboulie et idées suicidaires. Dès le début de l'année 2012, il mentionnait une amélioration spontanée et progressive de son humeur après le début de sa relation avec P______, alors qu'il présentait encore des idées suicidaires au moment de leur rencontre.

Selon l'experte, les symptômes décrits étaient évocateurs d'un épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique au moment des faits. Cette sévère dépression n'avait pas empêché E______ d'évaluer le caractère illicite de ses actes mais avait pu légèrement diminuer sa capacité de se déterminer d'après cette appréciation. En cas de reconnaissance de culpabilité, sa responsabilité serait légèrement diminuée. Son anamnèse montrait un parcours de vie sans trop de difficultés apparentes mais l'expertisé décrivait un malaise chronique en lien avec son vécu affectif interne et l'image qu'il donnait aux autres. Il faisait preuve d'une grande capacité de remise en question et d'introspection, dont il ne serait pas capable dans le cadre de traits d'une personnalité narcissique. E______ avait évoqué à de nombreuses reprises et spontanément ses regrets face à la situation et son sentiment de honte d'avoir pu imaginer un tel scenario, sans que l'experte ne puisse objectiver d'éléments évocateurs d'un comportement manipulateur.

 

La Dresse BC______ a été entendue devant le Ministère public qui l'a interrogée sur les critères sur lesquels elle s'était basée pour parvenir au diagnostic d'épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique. L'experte a répondu qu'elle n'en avait pas mais qu'elle avait déduit l'état dépressif de E______ en 2010 et 2011 de ce que celui-ci lui avait décrit de son état psychique à ce moment-là, bien que, en théorie, il fût possible qu'un tel épisode ne fût apparu que lors de son incarcération. L'attitude de l'expertisé durant son épisode dépressif sévère, consistant notamment à chercher activement une nouvelle activité professionnelle, ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle ni de fréquente, mais, en tout état, elle n'était pas incompatible avec une sévère dépression. Comme symptômes de la dépression figuraient la tristesse, la baisse de l'élan vital, la baisse de l'envie et du plaisir, les idées suicidaires et les angoisses, mais aussi la baisse de l'estime de soi, des états de délire et même des hallucinations.

 

Toujours selon l'experte, la mission initiée par E______ était une des seules solutions qu'il voyait pour sortir du marasme dans lequel il se trouvait. La dépression l'avait empêché de se positionner car elle diminuait la possibilité de réfléchir à d'autres solutions. Globalement, sa dépression avait légèrement altéré ses facultés volitives durant toute la période pénale, même si on pouvait imaginer qu'il y avait eu des jours où elle était plus ou moins intense.

 

L'experte a émis plusieurs hypothèses, notamment que la discordance entre l'image que l'expertisé pensait devoir donner à l'extérieur et son vécu intérieur avait engendré une angoisse. Il actionnait alors un mécanisme de défense en se mettant dans le contrôle de la relation à l'autre. Une autre hypothèse était que E______ avait refoulé ses émotions négatives durant des années, qu'il avait tout donné pour montrer aux autres qu'il était capable et que lorsque les choses avaient commencé à s'écrouler autour de lui, tout ce qu'il avait construit autour de son image s'était également écroulé.

 

L'empathie dont faisait preuve l'expertisé envers la victime s'accordait mal avec l'accusation qui voulait que F______ ait mis en scène sa propre agression, ce qui avait échappé à l'attention de la Dresse BC______. Cela montrait que les sentiments de l'un pour l'autre étaient complexes.

 

u.b Un complément d'expertise a été établi par l'experte, sous la supervision du Prof. BD______.

 

Le diagnostic désormais retenu était celui d'une personnalité narcissique et d'une dépression réactionnelle isolée (épisode sévère) au moment des faits, le second diagnostic n'étant que probable car basé sur une hétéroanamnèse et une anamnèse à distance. Il s'ensuivait que la responsabilité pénale était considérée comme très légèrement diminuée.

 

Le diagnostic, assimilable à un grave trouble mental, avait été "affiné" notamment grâce au travail psychothérapeutique entrepris depuis un an. L'intensité sévère de la dépression avait été retenue dans la première expertise en raison de la mention, par l'expertisé, de la présence récurrente d'idées suicidaires en 2010 et 2011. Cependant, l'investigation a posteriori pouvait s'avérer peu fiable vu l'absence de suivi spécialisé durant cette période. Le fait que E______ ait entretenu des relations amicales et plus intimes avec diverses femmes durant cette même période n'était pas en soi un élément permettant de réfuter le diagnostic de dépression mais révélait plutôt la composante narcissique de sa personnalité, "cette avidité de rechercher le contact n'étant alors qu'un mécanisme de défense pour éviter un effondrement narcissique encore plus important". Le même raisonnement pouvait s'appliquer pour les recherches effectuées par E______ en vue d'affaires professionnelles. Comme l'intensité de la pathologie que constituait sa personnalité narcissique n'était apparue que tardivement et sans impact majeur sur la vie de E______, le trouble de la personnalité ne pouvait pas être retenu comme un grave trouble mental.

 

u.c.a La Dresse BC______ a été entendue les 14 et 16 janvier 2014 par le Ministère public.

 

Elle n'avait pas mentionné dans son rapport d'expertise les résultats d'un test de personnalité effectué sur E______ avec le Prof. BD______ en raison du fait que les réponses données par l'expertisé étaient contradictoires avec celles qu'il avait fournies lors du premier entretien. En effet, l'expertisé était coté à 7, alors même qu'une personne non narcissique est en moyenne cotée à 15.3 et une personnalité narcissique à 17.8. Ainsi, l'expert et son superviseur avaient considéré que E______ avait fait preuve d'un excès de modestie et voulu donner une bonne image de lui, sans toutefois vouloir induire les médecins en erreur.

 

L'expertisé était pris dans une situation qui lui paraissait inextricable, soit une situation de couple compliquée ainsi qu'une situation professionnelle difficile, et sa dépression l'avait empêché d'imaginer s'en sortir autrement que par l'acte de faire tuer son épouse. Il avait dû avoir le sentiment d'être pris au piège.

 

L'experte n'avait pas le souvenir que l'expertisé lui eût parlé de projets d'idées suicidaires précis. Quant à la baisse de l'élan vital, E______ lui avait indiqué que lorsqu'il était à O______, il pouvait rester sans sortir de son lit ou de chez lui pendant une longue période. Enfin, le fait de s'être occupé d'un ami, notamment en faisant des démarches administratives en sa faveur, n'était pas incompatible avec sa dépression s'il était important pour lui.

 

La responsabilité pénale de l'expertisé était qualifiée de très légèrement diminuée en raison du fait que le diagnostic n'était que probable. Celui initialement posé d'épisode dépressif sévère n'était pas fondamentalement différent du diagnostic de dépression réactionnelle isolée (épisode sévère), sinon que le second était plus précis en tant qu'il mettait en évidence la nette prédominance réactionnelle. Cela étant, il était difficile de répondre à la question de savoir si la responsabilité pénale de E______ était précisément diminuée à mi-février 2012. En tout état, l'experte ne pouvait pas affirmer qu'elle l'était.

 

u.c.b Le Prof. BD______ a été entendu par le Ministère public les 21 janvier et 17 février 2014.

 

A son sens, de forts éléments plaidaient en faveur du diagnostic de dépression - retenu sur la base des déclarations de E______ et de certains de ses amis, qui avaient constaté qu'il était devenu plus irritable - mais il n'y avait pas suffisamment d'éléments étayés pour affirmer la sévérité du diagnostic, raison pour laquelle seule la probabilité avait été retenue. L'influence de la rencontre avec P______ sur l'état de l'expertisé prouvait non seulement qu'il n'avait pas atteint le stade ultime de sa dépression, mais permettait aussi d'avoir des doutes quant au fait qu'il avait atteint un stade suffisant pour perdre la tête au point qu'il n'avait pas l'entière capacité de se déterminer sur ses actes. La présence d'idées suicidaires, indépendamment de leur fréquence et de leur nature, confirmait la sévérité du diagnostic de dépression. Si on associait la dépression à la baisse de l'élan vital, il n'en allait pas de même de manière continue chez une personnalité narcissique.

 

Le test de personnalité n'avait pas été mentionné dans le complément d'expertise au motif que le risque de fausse interprétation était trop important. En effet, E______ avait pu, consciemment ou non, chercher à manipuler le résultat de l'expertise. Ce test n'avait pas l'importance qu'on voulait lui donner. En tout état, seul le diagnostic retenu sur la base de l'examen clinique devait être pris en compte.

 

C. L'audience de jugement s'est tenue du 30 septembre au 10 octobre 2014.

 

i. Coup de feu au "I______" le 18 mai 2012

 

a. B______ avait acquis l'arme environ un mois plus tôt pour se protéger après avoir subi une attaque aux Pâquis. Il admettait sa culpabilité relative à la violation de la LArm. Il ne se souvenait pas s'il avait tiré en l'air, mais en tout état il avait tiré pour se défendre. S'il avait visé les gens qui l'avaient attaqué avec des bâtons, c'était dans les jambes. Seules deux des quatre personnes présentes s'étaient approchées de lui pour le frapper au dos. Il était tombé à genoux, s'était relevé puis éloigné d'un mètre. Comme ses assaillants, qui portaient également des couteaux, continuaient à l'attaquer, il avait saisi son pistolet et tiré un seul coup pour les stopper, sans avoir à aucun moment voulu mettre leur vie en danger.

 

ii. Agression du 19 février 2012

 

b. B______ avait été approché par A______ pour tuer F______, sans que D______ n'ait été mêlé au projet. B______ a présenté ses excuses à F______. Il n'avait jamais dit que son cousin était au courant de ce qui allait se passer, mais uniquement qu'il avait appris les faits après coup. Il y avait eu des problèmes de traduction en début d'instruction.

 

B______ était allé à deux reprises sur place pour la réfection des joints de la salle de bains, la première fois avec A______ et D______ et la seconde avec son seul cousin. Il s'était rendu plusieurs fois dans la propriété de F______ avec l'intention de l'exécuter. Dès le début, il avait averti A______ qu'il ne voulait pas agir dans la maison mais à l'extérieur.

 

Le 19 février 2012, il s'était rendu sur place parce que CHF 400'000.- lui avaient été promis. Il n'avait jamais reçu de contrordre. Lorsqu'il avait quitté les lieux, F______ était à genoux, sans jamais avoir perdu connaissance. Sa blessure au cou pouvait avoir été causée par son sac à main. En tous les cas, il ne l'avait pas étranglée. Après avoir quitté la propriété, il avait rejoint, en courant, D______, qui se trouvait à 700 mètres dans sa voiture et au téléphone, devant un établissement public.

 

c.a D______ a contesté les faits reprochés, maintenant ses précédentes déclarations, notamment en tant qu'il prêtait assez fréquemment son véhicule à B______ et qu'il l'avait accompagné à cinq ou six reprises à H______. Très souvent, le rendez-vous de son cousin durait plus longtemps que prévu, si bien qu'il s'impatientait. Le 19 février 2012, D______ n'avait rien remarqué de particulier, notamment pas si son cousin avait froid quand il avait pris place dans la voiture. Il avait dit à son frère AB______, dans les locaux de la police, "je suis foutu", car il s'attendait à ce que la police vienne l'arrêter depuis qu'il avait eu connaissance des agissements de B______. En effet, il avait accompagné son cousin et son téléphone se trouvait toujours dans la voiture, si bien qu'il était localisable.

 

D______ a produit divers documents attestant qu'il suivait des cours d'informatique et de français à la prison de Champ-Dollon.

 

c.b D______ était un gros travailleur pour BE______ qui l'avait professionnellement côtoyé depuis plus de dix ans. Il était très protecteur avec sa famille.

 

Selon son frère AB______, D______ avait été soutien de famille au décès de leur père, vu son statut d'aîné. Depuis son incarcération, la situation était très difficile pour son épouse et ses deux filles.

 

d.a A______ a confirmé ses précédentes explications, reconnaissant les faits en lien avec l'infraction à la LArm. Il a demandé pardon à F______.

 

Le 10 février 2012, E______ l'avait contacté pour lui dire qu'il partait et que F______ serait seule, si bien qu'il fallait agir. Comme rien ne s'était passé, le précité l'avait recontacté le lendemain en lui disant : "Vous foutez quoi, elle était seule et il ne s'est rien passé ; il faut arrêter de dire des salades ; on arrête tout". Il avait donc compris que E______ voulait stopper la mission. Au retour de Sierre, A______ avait contacté D______ et lui avait dit que E______ voulait tout arrêter. Il n'avait pas senti de réticences de la part de son interlocuteur. Au surplus, l'agression de F______ dans le jardin n'était pas en accord avec le projet initial.

 

d.b A______, que BF______ connaissait depuis plus de vingt ans, était quelqu'un de bien, toujours présent lorsqu'on avait besoin de lui. Il avait notamment aidé la communauté kosovare après la guerre.

 

Le témoin BG______, qui le connaissait professionnellement depuis 2001, a qualifié A______ de serviable et calme.

 

e.a Dès sa première conversation avec A______, il était clair pour E______ que seule la mort de F______ était visée. Une autre issue était cependant apparue après sa rencontre avec P______. Il s'était rendu compte de l'impasse dans laquelle il se trouvait et avait accepté que chaque époux conserve ses acquêts, ce qui permettait un divorce ainsi qu'une situation claire avec son épouse. Il se trouvait dans cet état d'esprit avant la discussion qu'il avait eue avec elle le 9 février 2012.

 

E______ avait eu une conversation téléphonique avec A______ le jour de la rencontre de Sierre, le matin ou durant la matinée, lors de laquelle son interlocuteur lui avait dit que celui qui devait exécuter la mission s'était fait arrêter. Il avait répondu par une "avalanche d'insultes". Comme A______ avait souhaité interrompre la conversation, E______ lui avait dit qu'il l'attendait au plus vite à O______, la rencontre ayant finalement eu lieu à Sierre en raison de la neige.

 

Interrogé sur la teneur des conversations téléphoniques que les deux hommes avaient eues le dimanche 12 février 2012 un peu avant treize heures, ces deux conversations étant entrecoupées d'un appel à F______, E______ a expliqué avoir déclaré qu'il voulait tout arrêter lors du premier appel et avoir précisé à son interlocuteur qu'il neigeait beaucoup lors du deuxième. L'appel à F______ de 12:55 ne répondait à aucune raison, sinon que L______ avait émis le souhait de parler à sa mère.

 

Le 19 février 2012, il n'avait pas déclenché l'alarme car il ne savait pas exactement ce qui se passait. Même s'il s'était muni d'une arme, qu'il avait chargée, et de son bouledogue, qu'il avait lâché en lui disant d'attaquer, il ne se sentait pas menacé mais souhaitait être lui-même menaçant. Par ailleurs, il n'aurait pas voulu déclencher l'alarme pour rien. E______ avait appuyé sur la télécommande de l'alarme se trouvant sur le porte-clefs de la voiture de F______ pour déclencher l'alarme-agression, dont il n'avait pas réalisé sur le moment qu'elle était silencieuse. Cependant, comme il ne se passait rien, il était remonté au premier étage, pour regarder à l'extérieur. Il pensait aujourd'hui qu'en étant sorti armé, il avait empêché la mort de F______, étant rappelé qu'il avait donné l'ordre de tout arrêter et qu'il n'avait pas l'idée que F______ pût rentrer avant 23:00. En revanche, dès qu'il l'avait vue ensanglantée, il avait imaginé que l'agression pouvait être liée à son projet initial.

 

e.b.a E______ a produit un certificat médical daté du 16 septembre 2014, établi par le Dr BH______. Il bénéficiait d'un traitement psychiatrique et psychothérapeutique à la prison depuis octobre 2012 comprenant la prescription d'antidépresseurs. L'adhésion du patient à la thérapie était bonne et l'alliance thérapeutique satisfaisante. E______ réussissait à mieux repérer ses émotions, ce qui se manifestait par la manière dont il exprimait sa souffrance d'être éloigné de ses enfants et sa remise en question par rapport aux faits reprochés, vis-à-vis desquels il se montrait critique, en les regrettant. Le but du traitement, qui se concevait sur le long terme, consistait à optimiser la capacité d'introspection du patient et à favoriser la communication avec son entourage.

 

e.b.b Pour son ex-épouse, E______ avait toujours joué son rôle de père envers leur fils BI______, né en 1992, et ce même après leur divorce. Selon ce qu'elle avait constaté lors de ses visites, il ne comprenait pas pourquoi il était emprisonné et pensait que F______ essayait de faire en sorte que la situation se retourne contre lui. Dans une deuxième phase, il avait compris les enjeux, beaucoup travaillé et réfléchi sur lui-même.

 

BJ______, amie de E______ depuis de très nombreuses années, l'avait vu s'assombrir depuis 2010.

 

Pour BK______, son ami depuis trente-huit ans, E______ était un homme fin, sensible, intelligent, qui avait toujours porté de l'affection et de l'amour à ses enfants et subi des épreuves émotionnelles dans sa vie. Il avait répondu présent lorsque lui-même avait eu des difficultés dans le cadre de son divorce. Durant les années 2010 à 2012, BK______ avait constaté un changement de comportement.

 

f. F______ avait perdu connaissance au moment où elle se trouvait sous les buissons. Elle suffoquait faute de pouvoir respirer, de sorte qu'elle s'était laissé partir. Elle estimait avoir eu de la chance de n'être ni handicapée, ni défigurée, message qu'elle avait fait passer à ses enfants. Ces derniers allaient bien et n'avaient pas oublié leur père mais avaient besoin qu'on les laisse en paix. Elle avait reçu une somme de CHF 50'000.- de la part de A______.

 

Les diverses conventions de divorce prévoyaient une garde des enfants usuelle, avec une autorité parentale partagée. Il n'y avait eu aucun litige avec E______ à cet égard. Ce dernier pouvait voir les enfants quand il le voulait. Le 9 février 2012, elle lui avait dit son accord pour le divorce, mais pas selon les termes de la dernière convention.

 

F______ avait bénéficié d'un soutien psychologique qu'elle avait interrompu le 8 décembre 2013 à son départ pour le Brésil. Un certificat médical établi le 20 février 2014 par la Dresse BL______ faisait état d'un syndrome post-traumatique avec décompensation anxio-dépressive à la suite de son agression, son état ayant nécessité des consultations hebdomadaires et un traitement médicamenteux.

 

g. A l'issue des débats, le Ministère public a sollicité la mise en détention pour motifs de sûreté de A______ qui s'était présenté libre au procès. Le Tribunal criminel y a renoncé "compte tenu de l'absence d'indices concrets qu'il se soustraie à l'exécution du jugement".

 

h.Me C______a présenté au Tribunal criminel un état de frais totalisant CHF 72'098.20 pour son activité déployée en première instance.

 

Dans une décision datée du 8 janvier 2015 (DTCR/1/2015), la direction de procédure a écarté du total des heures consacrées à la défense de B______ :

 

- deux heures et 20 minutes pour le poste "procédure" ;

- 15 heures pour le poste "préparation d'audiences", au motif que le temps mentionné était excessif pour les audiences consacrées à BM______, BA______ et aux experts-psychiatres des autres prévenus ainsi que pour les audiences auxquelles il n'avait pas assisté ;

- 13 heures pour le poste "audiences", les vacations pour les audiences du Ministère public ne pouvant être prises en considération. Il convenait par ailleurs de rectifier le tarif horaire pour certaines audiences où le stagiaire de Me C______ l'avait remplacé.

 

Le Tribunal criminel a en revanche pris en considération l'audience du 6 juin 2013, non mentionnée dans l'état de frais.

 

D. La procédure en appel a été scindée en deux instructions parallèles. Le recours de Me C______ contre la décision d'indemnisation de son activité déployée en première instance (art. 135 CPP) a été instruit en procédure écrite, tandis que la procédure orale a été ordonnée pour le traitement des appels au fond de B______, D______, A______, E______ et du Ministère public.

 

i. Recours de Me C______ contre la décision d'indemnisation en matière d'AJ

 

a. Par ordonnance présidentielle du 24 mars 2015 (OARP/113/2015), la CPAR fixe un délai au recourant pour le dépôt, cas échéant, d'un mémoire écrit, en complément de son recours motivé.

 

Me C______ se réfère à son recours. Le Ministère public conclut à la confirmation de la décision attaquée dont il fait siens les arguments développés. Le Tribunal criminel conclut au rejet du recours, avec suite de frais.

 

ii. Appels au fond

 

b. D______ sollicite le report de l'audience d'appel qui devait initialement se tenir en juin. Il renonce à se prévaloir de la violation du principe de célérité en cas de report de l'audience en octobre 2015, première date disponible.

 

c.a.a E______ présente une réquisition de preuve tendant à l'audition du Professeur BD______, au motif que le Tribunal criminel n'a pas suivi les conclusions de l'expertise. E______ conclut au surplus à ce que soit écartée du dossier la correspondance adressée par le conseil de F______ au Ministère public que ce dernier a indûment jointe, "pour information", à sa déclaration d'appel.

 

c.a.b A______ sollicite l'audition de BN______, son employeur.

 

c.b. Par ordonnance présidentielle du 5 juin 2015 (OARP/199/2015), les parties appelantes sont citées aux débats d'appel fixés du 5 au 12 octobre 2015. Ce faisant, le président de la CPAR rejette la réquisition de preuve présentée par E______ pour les motifs figurant dans l'ordonnance à laquelle il y a lieu de se référer (p. 9 à 11), admet l'audition de l'employeur de A______ (p. 9) et écarte du dossier la lettre du conseil de F______ jointe à la déclaration d'appel du Ministère public pour les motifs développés dans l'ordonnance (p. 11).

 

d. A quelques jours de l'audience d'appel, F______ informe la CPAR que son mari s'est acquitté des montants qu'il lui devait à teneur du jugement du 10 octobre 2014. Les époux s'étant donné civilement un quitus réciproque et pour solde de tous comptes, F______ entend renoncer aux effets de la saisie prononcée par le juge de première instance, se désiste de ses prétentions de partie plaignante et retire sa plainte.

 

e. Le 2 octobre 2015, le Tribunal des mesures de contrainte, saisi par D______ en vue d'un contrôle de ses conditions de détention à Champ-Dollon, rend une décision par laquelle il "constate que les conditions dans lesquelles s'est déroulée la détention avant jugement de D______ dès le 29 juin 2012 ont respecté les exigences légales, constitutionnelles et conventionnelles en matière de conditions de détention" (OTMC/3______).

 

f.a A l'ouverture des débats d'appel, Me C______ présente son état de frais, assorti d'un time-sheet complet, pour l'activité déployée en appel. Il mentionne 31 heures et 48 minutes d'activité, à savoir :

 

- 12 heures et 10 minutes d'activité, réparties en l'étude du jugement motivé (une heure), la rédaction de la déclaration d'appel (30 minutes), la prise de connaissance et l'étude des différents déclarations d'appel (30 minutes) et de l'ordonnance du 5 juin 2015 (10 minutes) ainsi que la relecture des pièces essentielles de la procédure (10 heures) [poste "étude de dossier, recherches juridiques et rédaction d'actes"],

- 12 heures de travail (préparation de l'audience d'appel y compris la plaidoirie) [poste "préparation d'audiences"],

- trois heures pour deux visites à Champ-Dollon les 18 décembre 2014 et 22 septembre 2015 [poste "conférences"],

- 1'390 minutes x 20%, soit six heures et 28 minutes [poste "courriers et téléphones"].

 

f.b D______ verse une attestation de fin de formation dans le domaine informatique ainsi qu'une attestation d'un suivi de cours de français, tous deux émanant du Service de probation et d'insertion. D______ y est décrit comme un élève assidu qui s'est toujours donné de la peine et a activement participé aux cours.

 

Son conseil présente des conclusions en indemnisation complémentaires pour la période postérieure au jugement du Tribunal criminel qui se chiffrent à CHF 49'032.- pour ses frais de défense (art. 729 al. 1 let. a CPP) et CHF 73'600.- à titre de tort moral (art. 729 al. 1 let. c CPP), le tout avec intérêts à 5% dès le 12 avril 2015.

 

f.c.a E______ produit :

 

- les décisions judiciaires récentes lui refusant l'exercice de son droit à des relations personnelles avec ses deux enfants durant sa détention ;

- un certificat médical des HUG attestant du suivi de sa prise en charge à la prison, qui se décline en entretiens hebdomadaires et en l'administration d'un traitement médicamenteux. E______ présente une meilleure prise de conscience des actes commis et des conséquences qui y sont liées. Il exprime un sentiment de culpabilité, notamment à l'égard de ses enfants ;

- une attestation de travail pour l'activité exercée au sein de l'atelier reliure durant près de deux ans.

 

f.c.b Le conseil de E______ complète les conclusions de son mandant en se référant à l'accord conclu avec la partie plaignante avant les débats d'appel. Il demande qu'il soit renoncé au séquestre portant sur le montant des avoirs issus de la part lui revenant sur la vente de la maison.

 

g. Il est procédé à l'audition de B______.

 

i. Coup de feu au "I______"

 

g.a Contrairement à ce qu'il a pu dire initialement, B______ admet dorénavant ne pas avoir tiré en l'air mais à la hauteur des jambes. Le coup de feu avait été précédé d'une attaque par derrière alors qu'il était attablé avec T______, ce qui le conduisait à se prévaloir d'un état de légitime défense. Son agresseur était sur la terrasse au moment du coup de feu, sans qu'il n'y eût de plantes vertes entre eux.

 

ii. Agression du 19 février 2012

 

g.b Des motifs financiers (promesse de CHF 400'000.-) l'avaient conduit à accepter la mission de tuer F______, mais il n'avait rien reçu. Selon les instructions de A______, le plan consistait à commettre un cambriolage qui tourne mal. Pour ce faire, les travaux dans la salle de bains lui avaient permis de connaître physiquement la future victime. Il était allé à plusieurs reprises dans le quartier, parfois accompagné de D______ mais pas toujours. Il avait initialement caché la présence de son cousin le soir des faits pour lui épargner des ennuis car il croyait qu'il était allé voir une fille. B______ ne voulait pas entendre parler d'un cambriolage, jumelé ou non avec une agression de F______ à l'extérieur. A ses yeux, le projet consistait à tuer F______ et lui soustraire son sac à main. Il avait renoncé au vol après qu'il avait échoué à la tuer. Il n'avait plus eu la force morale de la tuer à la vue du sang.

 

Son cousin était l'une des quatre personnes impliquées dans cet acte mais il n'avait su que plus tard ce qu'il s'était passé. Il n'était pas celui qui lui avait donné l'ordre d'agir et, d'ailleurs, il n'avait eu de cesse de lui reprocher son passage à l'acte.

 

Ce qui était protocolé dans le procès-verbal du 16 juillet 2012 (p. 8, dernier paragraphe, pce 9096) était erroné en raison d'une mauvaise traduction. Il ne s'était jamais exprimé en ces termes. Ses propos relatifs au contrordre donné par A______ et D______ quelques jours avant le 19 février 2012 (procès-verbal du 16 juillet 2012, p. 5, pce 9093) avaient en revanche été correctement traduits. B______ avait voulu protéger A______ pour éviter qu'il ne retourne en prison mais, en fait, personne ne lui avait demandé de "tout arrêter". Au contraire, "on" (A______) n'avait cessé de lui répéter de ne pas tarder et d'accélérer les choses. L'ordre avait été donné d'agir ce soir-là.

 

Toutes ses déclarations du 16 juillet 2012 étaient le reflet de la réalité à deux exceptions près. La vérité était que D______ n'avait jamais été impliqué dans cette affaire et que A______ ne lui avait jamais donné de contrordre. Seul ce dernier l'avait informé de l'heure d'arrivée de F______. Le nom de D______ figurait au procès-verbal du 16 juillet 2012 (p. 4, pce 9092) en raison d'un problème de traduction.

 

Le 19 février 2012, il n'avait pas su que les enfants étaient dans la maison. Même s'il avait pu dire autre chose au cours de l'instruction, B______ était formel : il n'avait pas vu E______ dans la maison durant son temps d'observation. Il n'avait pas envie de répondre à la question de savoir s'il avait menti quand il avait dit le contraire à deux reprises auparavant (pces 6333 et 9183). Une seule chose était sûre, il n'aurait pas agi s'il avait su que les enfants étaient présents.

 

B______ entretenait avec A______ une relation amicale. Il leur arrivait d'aller dans des boîtes de nuit. Son ami avait pu le dépanner ici ou là s'il avait besoin d'argent.

 

h.a. D______ a admis durant les débats d'appel que son cousin lui empruntait quelques fois sa voiture. Il n'avait pas dit tout de suite la vérité pour le 19 février 2012 car cette date ne correspondait à rien pour lui. Quand il avait été mis au courant, il avait un peu perdu le contrôle, car il savait que le portable laissait des traces à chacun de ses déplacements. Comme il avait accompagné B______ le soir des faits, il était persuadé qu'il était "cuit" quand il avait été convoqué à la police, ce qui expliquait les mots échangés avec son frère. Ce n'était pas pour autant qu'il était coupable. D______ et A______ s'étaient vus après l'interrogatoire à la police du 20 juin 2012, celui-ci craignant que B______ ne parle. A______ avait besoin d'un tiers entre lui et B______ pour justifier qu'il n'avait pas été suivi pour le contrordre. C'était un grand manipulateur.

 

Les explications fournies par B______, quand il s'éloignait de la voiture à H______, ne l'avaient pas spécialement surpris. Il savait que son cousin était souvent avec des filles et l'une d'elles connaissait un Albanais à même de lui fournir des faux papiers en vue d'un mariage blanc. Il n'imaginait pas que son cousin ait pu le tromper à ce point sur son emploi du temps. B______ avait beaucoup tergiversé avant de lui révéler qu'il avait menti et qu'il l'avait quitté ce soir-là pour aller tuer F______. Quand il avait pris place dans la voiture après l'agression, D______ n'avait rien remarqué sur ses habits, notamment pas des taches de sang sur les vêtements.

 

Il était possible qu'il se soit trompé et qu'il ait bu un Martini une autre fois. Sachant qu'il avait été le premier à téléphoner à B______ le 19 février 2012 (à 20:12 et 20:37) en raison de l'absence de crédit du téléphone portable de son cousin. D______ n'avait pas d'explications sur les téléphones en retour de B______ à 20:50 et 23:41, sinon qu'il avait peut-être eu le temps de le recharger.

 

Il était logique que ce fût A______ qui ait fourni à son cousin l'information concernant l'horaire de retour de F______. Même si A______ était parti au Kosovo le 19 février 2012, des contacts avaient pu avoir lieu avant cette date pour que B______ fût informé de la date d'arrivée. Il y avait assez de contacts directs entre les précités pour que l'heure d'arrivée de F______ ait pu même être communiquée de vive voix et non par téléphone.

 

Les nombreux échanges de messages téléphoniques avec A______ le soir du 19 février 2012 avaient trait au prêt bancaire que celui-ci essayait d'obtenir au Kosovo, prêt qu'il était faux de situer en avril 2012. Il avait aussi été question de paris sportifs ainsi qu'allégué par A______. Il avait effacé les messages contenus dans son portable - notamment celui qui avait immédiatement précédé l'arrivée du taxi le 19 février 2012 - pour créer de la place dans la mémoire, sans qu'il ne faille y voir quelque velléité de cacher quelque chose. Le soir du 19 février 2012, quand il était à M______, B______ ne lui avait parlé que de la commission d'un cambriolage.

 

D______ a mis la pratique des téléphones quasi systématiques à A______ après l'activation de la borne téléphonique de H______ (cf. pce 6628) sur le compte des très nombreux contacts entre eux, sans qu'on puisse en tirer un élément à charge. Il ignorait si cette systématique pouvait tenir de la coïncidence. Les 90 activations de la borne de la route AN______ sur deux mois (19 décembre 2011 – 19 février 2012) s'expliquaient au surplus par ses déplacements professionnels et pour aller voir un médecin dans la région de BO______. Dès 17:00, ses motivations étaient exclusivement professionnelles (amener du matériel, rencontrer des clients etc.). Interrogé sur le silence de la borne précitée du 19 février 2012 au 4 avril 2012 ainsi que pendant les vacances de F______ (sous réserve d'un seul appel le 12 février 2012), D______ est resté sans explications, avant d'affirmer qu'il y avait peut-être des chantiers autre part, comme par exemple à Crissier. Il était aussi possible qu'il n'avait plus de chantiers dans la région à compter du 20 février 2012, ce qui pouvait expliquer le silence de la borne précitée à compter de cette date.

 

A______, avec lequel D______ s'entendait bien, avait aussi d'excellents contacts avec B______. Il leur arrivait même de s'échanger les filles. Il avait pu dire le contraire au cours de l'instruction pour préserver A______ après qu'il avait appris ce que son cousin avait fait.

 

D______ était au courant des menaces pesant sur B______ en lien avec le clan AC______. Pour la communauté kosovare, ce clan était l'émanation même de la puissance politique et économique. Après la bagarre dont il avait été victime, B______ avait acquis une arme pour se protéger, les membres de sa famille et lui-même étant visés par des menaces à peine voilées. Il avait d'ailleurs essuyé une fois un coup de feu en sortant d'un cabaret appartenant à la famille AC______. Sans en savoir beaucoup à ce sujet, D______ était d'avis que les gens qui avait attaqué son cousin au "I______" étaient des Albanais originaires de Giljan ou Viti dont il ignorait tout des motifs.

 

D______ ne savait rien de l'ordre initial, ni du contrordre. Il n'avait connu la réalité des choses qu'après le 19 février 2012. Certes, après que B______ eut insisté pour recevoir son argent, il avait pris l'initiative de demander à A______ de réclamer son dû auprès de E______. D______ avait été étonné que B______ le mette en cause dans l'agression, référence étant faite au dernier paragraphe de la p. 8 du procès-verbal d'audience du 16 juillet 2012 (pce 9096). Il n'y avait pas de conflit avec B______, sinon que, comme célibataire, son cousin n'avait pas le même rythme de vie que lui-même, marié et père de famille. Même sans être systématiquement ensemble, les cousins étaient toujours disponibles l'un pour l'autre. Ils se voyaient pour le travail et parfois aussi pour les loisirs.

 

A la connaissance de D______, une partie des revenus de son cousin profitait à sa famille qui vivait dans la pauvreté au Kosovo.

 

h.b.a Toutes les déclarations de A______ à compter du 12 juillet 2012 correspondaient à l'entière vérité, même si de mettre en cause deux amis comme D______ et E______ avait été une épreuve douloureuse. C'était en même temps un soulagement, au-delà du fait qu'il s'était retrouvé en prison. A______ avait fait la connaissance de E______ en effectuant des travaux pour son compte. Celui-ci lui avait ensuite rendu des services. La société de A______ avait pu bénéficier de plusieurs mandats que lui avait confiés E______. Il avait ainsi rendu possible son ascension professionnelle. A______ était assez fier de côtoyer un homme disposant d'aisance financière envers lequel il éprouvait du respect.

 

E______ avait été clair dès le départ : il ne fallait agir contre son épouse qu'en sa propre absence et celle des enfants. Il était inimaginable que cela se passe en présence des enfants. Il fallait en plus que le déroulement ait lieu à l'intérieur avec soustraction du coffre et/ou des bijoux, le vol devant être massif pour faire croire à un acte ayant mal tourné. E______ n'avait jamais varié dans ses exigences, lesquelles n'avaient pas été remises en question par D______ ou B______. A______ avait accepté le projet en voyant E______ désespéré à l'idée de perdre ses enfants.

 

Dans la période de novembre à décembre 2011, il y avait eu quelques rencontres avec B______, lequel était accompagné de son cousin. A chaque fois que E______ informait A______ qu'il était à la montagne, il savait que les enfants étaient à ses côtés et qu'il était possible d'agir. Celui-là avait pu être très fâché que rien ne se passe, comme cela avait été le cas à la mi-janvier, alors même qu'il séjournait à l'étranger, ou le 10 février 2012. A cette date, A______ avait imaginé l'excuse du "maçon malade" pour communiquer à son interlocuteur l'inaction de B______.

 

Lors de la rencontre de Sierre, qui avait duré environ une heure, il avait laissé son portable dans le coffre de la voiture, en raison de la méfiance qui régnait entre eux. E______ lui avait dit qu'il en avait assez et qu'il fallait tout arrêter. Il lui avait expliqué avoir rencontré une nouvelle amie, qu'un accord avait été trouvé pour le divorce et qu'il désirait tourner la page. E______ n'était pas aussi fâché que les autres fois où il lui reprochait son inaction. Pour A______, l'arrêt du projet n'était pas un problème, même s'il ne suffisait pas de dire "stop". Sa décision de tout arrêter avait été ressentie comme une délivrance, reléguant de la sorte l'intérêt financier à la réussite de l'opération au second plan.

 

A______ avait donné l'ordre et le contrordre de la même manière aux deux autres personnes impliquées, avec la même intensité et clarté du message. D______ n'avait pas été très satisfait de la tournure des événements mais il semblait en avoir compris la portée. A______ avait au surplus instruit D______ de l'arrivée de F______ le dimanche soir, mais sans lui révéler l'heure exacte qu'il ne connaissait pas. Il était clair selon les informations fournies par A______ que le plan était mort. B______ en avait été informé le lendemain de la rencontre de Sierre, de sorte qu'il mentait quand il soutenait n'en avoir rien su. En fait, il avait manifesté sa volonté d'aller de l'avant, mais A______ avait insisté sur le fait que c'était terminé. B______ avait quand même été jusqu'à lui demander, le dimanche soir, l'heure d'arrivée de F______.

 

B______ n'avait fourni aucune explication sur le fait qu'il était passé à l'acte sans respecter le cadre défini par E______, ce qui pouvait conduire à penser qu'il était avant tout intéressé par l'argent. D'ailleurs il avait insisté pour être payé, ce que refusait E______ en raison des circonstances. Ce dernier était resté ferme sur ses positions, étant même prêt à révéler la réalité du projet aux autorités.

 

Pour l'affaire du "I______", A______ savait que les agresseurs venaient de la commune de Viti, sans que la thèse du clan AC______ ne soit exacte. Quelqu'un dont il ignorait l'identité avait "balancé" B______ pour le coup de feu du "I______", mais il n'en savait pas plus.

 

h.b.b En tant que patron de la société BP______, BN______ avait engagé à sa sortie de prison A______, qu'il connaissait depuis une vingtaine d'années et qui était un ami. Depuis son engagement, sa société s'était beaucoup développée, A______ ayant été un important apporteur d'affaires qui avait permis de multiplier par 9 ou 10 le chiffre de la société. A______, employé sérieux et fiable, était doté d'un grand sens commercial. Il faisait preuve d'une bonne disponibilité et assurait le suivi des chantiers avec compétence. C'était un homme de parole et de caractère, sincère, tout le contraire d'un manipulateur.

 

h.c La situation dans le couple était difficile depuis 2007, date à laquelle E______ avait appris que sa femme le trompait. Il avait dans un premier temps préféré se raccrocher aux sentiments encore existants, mais il s'était progressivement senti acculé, sans trouver une porte de sortie qui ne soit pas dommageable pour les enfants. Il était partagé entre la violence de ses sentiments et la volonté de la récupérer. Il aimait sa femme et, en même temps, voulait la tuer. Il avait senti la situation lui échapper au moment où F______ avait parlé de divorcer et s'était vu pour la deuxième fois de sa vie de couple privé de ses enfants.

 

Revenant sur les mois qui avaient précédé le 19 février 2012, E______ a confirmé avoir posé deux exigences : une agression dans la maison, avec vol du coffre-fort, ce qui était pour lui une manière d'éviter d'être impliqué, la contrevaleur du butin devant servir à une partie de la rémunération. Deuxièmement, F______ devait être seule à la maison, sans compromis possible sur ce point, ce qui le conduisait à informer systématiquement A______ de son départ de la maison avec les enfants. L'attitude de ce dernier, durant toute la période où le projet avait été porté, pouvait être qualifiée de "fuyante" et "hésitante", même s'il n'avait manifesté aucune réticence quand il lui avait présenté la mission. Etant lui-même confus, il ne pouvait affirmer si les motifs invoqués par A______ pour l'absence d'actes étaient fondés ou s'il s'agissait de subterfuges. Avec le temps, il était d'avis que A______ l'avait "baladé" durant tous ces mois et qu'il eût été préférable qu'il y ait une réponse plus rapide.

 

Il avait fixé un ultimatum au 10 février 2012 pour le passage à l'acte, nonobstant le fait qu'il avait imaginé en janvier 2012 ne pas continuer. A cette date, il avait manifesté son mécontentement quand il avait appris que rien ne s'était passé. L'énième excuse qui lui avait été servie était inacceptable à ses yeux, de sorte qu'il avait demandé à rencontrer A______ pour qu'ils puissent s'expliquer. Parallèlement, il avait appris la nouvelle de la grossesse de son amie, dont il avait eu connaissance à son retour du Brésil, le 7 ou le 8 février 2012. Dans sa tête, le cours de la vie avait repris et son projet assassin s'accordait désormais mal de cette perspective heureuse, même s'il était vrai qu'il en avait déjà connaissance quand il s'était fâché le week-end précédent. Le processus de sortie de sa période de dépression avait mis du temps, en plus du fait que la confirmation de la grossesse n'était intervenue que le 13 février 2012.

 

Il était possible qu'il ait éteint son portable au début de la rencontre de Sierre avec A______. Ce jour-là, contrairement à l'habitude, il n'avait pas sur lui les deux brouilleurs de téléphone portable dont il avait fait l'acquisition pour leurs discussions. Même sans avoir donné à A______ les instructions de ce qu'il devait dire ou faire, il avait été clair sur le fait qu'il était préférable pour tous d'arrêter cette entreprise criminelle. Son interlocuteur n'avait pas cherché à s'opposer à sa détermination bien qu'il ait posé beaucoup de questions sur sa motivation à tout arrêter. La manière dont il avait donné le contrordre à A______ était plus claire à ses yeux que celle avec laquelle la mission lui avait été confiée, car en 2010 il était dans une grande confusion et la détresse.

 

Un certain nombre d'éléments ne manquaient pas de le surprendre au sujet du déroulement des faits le 19 février 2012. L'absence d'aboiement des chiens restait sans explication. Pour des raisons incompréhensibles, l'un des trois secteurs où la lumière s'enclenchait de façon manuelle n'avait pas fonctionné.

 

Il avait utilisé pour déclencher l'alarme une télécommande se trouvant dans le vide-poches à l'entrée de la maison, sans savoir à qui elle appartenait (à sa femme ou à lui-même), étant précisé qu'elles étaient d'apparence semblable. L'alarme avait été actionnée à son retour dans la maison, après qu'il était sorti de la villa l'arme au poing. Le cri à l'extérieur l'avait complètement affolé, ce qui expliquait qu'il soit sorti armé. Comme il avait donné le contrordre, il était à mille lieues d'imaginer ce qui se passait. Quand il avait vu sa femme ensanglantée venant en sa direction, il avait culpabilisé et pensé que A______ l'avait trahi. Plus tard, celui-ci lui assurera avoir fait le nécessaire mais que les agresseurs s'étaient rendus sur place sans le lui dire.

 

Il n'avait pas eu le courage sur le moment de dire la vérité. Il s'en était voulu, regrettant de ne avoir tout avoué aussitôt qu'il avait remarqué que F______ s'en était sortie vivante. La peur de perdre ses enfants et son épouse l'avaient retenu de se rendre à la police. Il était exact qu'il avait été longtemps dans le déni. Ce qui s'était passé représentait un gâchis monstrueux, il y avait désormais une brisure dans sa vie.

 

i.a A l'issue de son réquisitoire durant les débats d'appel, le Ministère public confirme ses conclusions découlant de sa déclaration d'appel. Il conclut à la mise en détention immédiate de A______, vu le risque de fuite.

 

Le conseil de A______ plaide et conclut au rejet de la demande du Ministère public qui est prématurée et infondée. S'exprimant en dernier, A______ réaffirme sa volonté de rester en Suisse en tout état.

 

Le Président de la CPAR rejette la requête du Ministère public, pour les motifs invoqués dans le procès-verbal d'audience. Il en expose brièvement les motifs par oral.

 

i.b Les conseils de B______, D______, A______ et E______ plaident et persistent dans les termes de leurs conclusions figurant dans leur déclaration d'appel (cf. supra let. A let. a.b, a.c, a.d et a.e).

 

B______, prenant la parole en dernier, demande qu'une peine juste soit prononcée. Il est conscient de la gravité de son acte qu'il juge odieux. Il demande pardon à la victime, tout en reconnaissant sa culpabilité.

 

D______ déclare vouloir retrouver sa famille et son travail le plus rapidement possible. Ses deux filles lui manquent.

 

A______ prie la CPAR de le croire quand il affirme n'avoir dit que la vérité.

 

Le repentir sincère est plaidé pour le compte de E______ qui se dit conscient de la gravité de ses actes dont il mesure les conséquences sur ses enfants et son épouse. Avec son contrordre, il a voulu anéantir ce qu'il voulait détruire, espérant que F______ saura recréer du bonheur autour d'elle. Il souhaite de tout cœur pouvoir retrouver sa place auprès de ses enfants.

 

j. Le 16 octobre 2015, la CPAR rend son verdict et notifie son dispositif qu'elle motive brièvement.

 

D. a. B______ est né le ______ 1985 au Kosovo où il a effectué sa scolarité et où les membres de sa famille vivent. Il a conservé durant sa détention des contacts avec elle, apprenant notamment en prison le décès accidentel de l'un de ses frères, ce qui l'a profondément affecté. B______ est venu à Genève en avril 2011 où son cousin lui a fourni du travail comme plâtrier, peintre et parqueteur. Il a travaillé régulièrement les six premiers mois puis de manière plus épisodique, avec un salaire de l'ordre de CHF 150.- environ par jour.

 

Son casier judiciaire est vierge, dans son pays comme en Suisse.

 

b. D______ est né le ______ 1981 au Kosovo, dans une fratrie dont il est l'aîné. Tous ses frères sont désormais établis à Genève où ils travaillent dans différents corps de métier du bâtiment. D______ a effectué dans son pays sa scolarité puis il est venu en Suisse encore mineur pour des raisons économiques. Il y a obtenu en 2006 le permis C, lequel est présentement en attente de renouvellement. Marié en secondes noces, il a eu deux enfants nées en 2009 et 2013. Il bénéficie de visites régulières des membres de sa famille, ce qui l'aide à supporter la séparation. Une difficulté supplémentaire vient du fait qu'il n'a pas connu sa fille cadette en-dehors de la prison.

 

D______ a travaillé dans le domaine du bâtiment, en particulier dans le revêtement de sols, et a fondé sa propre entreprise en 1999. Après une première faillite, il a créé AX______, dont la faillite a été prononcée en 2012 pour cause de surendettement. Même endettée, la société détenait des créances qui n'avaient pas pu être recouvertes. Il ne comptait pas ses heures lorsqu'il travaillait pour sa société, six jours sur sept. Une connaissance était prête à l'engager à sa sortie de prison même si, à terme, il comptait bien fonder une nouvelle société.

 

D______ profite de son incarcération pour se perfectionner, notamment dans la maîtrise de la langue française et dans le domaine comptable. Il produit deux attestations en la matière. Selon l'extrait de casier judiciaire suisse, il a été condamné par le Ministère public :

 

- le 23 mars 2006, à 20 jours d'emprisonnement, sursis deux ans, pour lésions corporelles simples,

 

- le 21 mai 2012, à 30 jours-amende à CHF 40.- l'unité, sursis trois ans, et à une amende de CHF 300.-, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous mains de justice,

 

- le 24 octobre 2012, à 30 jours-amende à CHF 80.- l'unité, sursis trois ans, et à une amende de CHF 600.-, pour emploi d'étrangers sans autorisation.

 

c. A______ est né le ______ 1965 au Kosovo, pays dont il est originaire et où il a été scolarisé jusqu'à l'âge de treize ans. Il est le dernier d'une fratrie de neuf enfants dont trois sont décédés. Une sœur vit en Allemagne. Il est père d'un fils âgé de 17 ans qui vit au Kosovo, étudie l'architecture et auquel il verse mensuellement EUR 500.-. A terme, il souhaite favoriser sa venue en Suisse.

 

Faisant ménage commun avec sa compagne qu'il connaît depuis dix ans, A______ a des charges de loyer de CHF 1'350.- et paie des primes d'assurance-maladie inférieures à CHF 500.-. Il bénéficie d'un plan de désendettement qui prévoit des versements mensuels de CHF 1'000.- à la Caisse de compensation AVS et à la Banque BQ______. A______ a remboursé la caution versée pour sa libération, outre le montant de CHF 50'000.- qu'il a versé en faveur de F______. Il n'envisage pas son avenir dans un autre pays que la Suisse.

 

Initialement en situation irrégulière en Suisse, A______ a obtenu le statut de requérant d'asile puis les permis B et C. En 1999, il a créé sa propre entreprise qui a fait faillite à fin 2012. Il travaille dorénavant comme apporteur d'affaires et directeur de travaux pour la société BP______, active dans la construction. D'une société à un ouvrier, BP______ a grandi pour employer à ce jour quelques 25 employés. Il estime à cinq millions de francs les affaires apportées à la société.

 

Depuis sa libération, A______ a scrupuleusement respecté les mesures de substitution qui lui ont été imposées. Avec l'accord de la CPAR, il a pris des vacances à l'étranger, sans jamais être tenté de fuir la Suisse pour éviter de faire face à ses obligations judiciaires.

 

Selon l'extrait de casier judiciaire suisse, A______ n'a jamais été condamné.

 

d. E______ est né le ______ 1957 à Mantoue, en Italie. Après trois ans passés sur le continent africain, ses parents sont venus s'établir en Suisse. Sa scolarité à Genève achevée, il a entamé une formation dans le domaine bancaire, se spécialisant dans la gestion de fortune et les "hedge funds". En 2010-2011, il s'est employé à créer une société active entre l'Italie et la Russie, afin que des industriels italiens puissent avoir une activité en Russie. En 2012, il était sur le point de créer un fond privé d'investissements qui devait investir dans des sociétés de luxe en Europe avec des capitaux provenant de Hong-Kong lorsqu'il a été incarcéré dans le cadre de la présente procédure.

 

E______ est séparé de P______ et n'a vu qu'en photo la fille qui est née le 14 octobre 2012 de leur relation. S'il a beaucoup souffert de la séparation avec ses enfants, il n'en a pas moins compris le sens. Il se réjouit de pouvoir renouer avec eux, selon les termes de l'accord passé avant les débats d'appel avec F______. Il veut tout faire pour éviter que ses enfants ne le rejettent ou qu'ils se sentent abandonnés.

 

Il suit avec assiduité une thérapie à la prison. Le traitement dont il bénéficie consiste à faire ressortir ses émotions en lien avec des événements vécus. Des antidépresseurs lui sont prescrits. E______ est désormais pleinement conscient de la gravité de ses actes. Il a su mieux prendre conscience du bouleversement que ses actes ont provoqué au sein de la famille.

 

Il avait ouvert une procédure en séquestre après le procès devant le Tribunal criminel car il ignorait les modalités de la vente de l'appartement de O______. Mais ses craintes se sont apaisées entretemps, ce qui a conduit les époux E______-F______ à signer une convention dans le cadre de laquelle il a réglé ce qu'il devait à F______ après que leur maison eut été vendue pour près de huit millions de francs. Il a aussi renoncé à ses prétentions sur la moitié du produit de la vente de l'appartement de O______, le tout s'inscrivant dans un accord global comprenant aussi une compensation de créance.

 

Selon l'extrait de casier judiciaire suisse, E______ n'a jamais été condamné.

 

 

 

EN DROIT :

1. 1.1 Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

 

2. 2.1.1 E______ sollicite, au début des débats d'appel, les auditions du Professeur BD______ et de la Dresse BC______. Il ne pouvait lui être opposé de ne pas avoir sollicité leur ré-audition devant le Tribunal criminel dès lors que toutes les questions utiles leur avaient été posées durant l'instruction et qu'il ne pouvait pas s'attendre à ce que les premiers juges ne suivent pas les conclusions des experts. Refuser leur audition conduirait à un affaiblissement des droits de la défense.

 

Le Ministère public rappelle que les experts ont été entendus durant plus de vingt-deux heures, de sorte qu'il est difficile de se plaindre d'une absence de confrontation. Il s'oppose à une nouvelle audition des experts, faisant sienne la position de la CPAR découlant de l'ordonnance présidentielle OARP/199/2015 du 5 juin 2015 (p. 9-11 et infra).

2.1.2 La CPAR rejette cette réquisition de preuve en s'appuyant sur les motifs développés dans l'ordonnance précitée dont elle fait siens les motifs, hors le reproche formulé de ne pas avoir présenté la demande avant les débats d'appel. Le cas de la Dresse BC______ présente avec celui du Professeur BD______ des similitudes telles que l'argumentation développée pour celui-ci est mutandis mutatis valable pour celle-là.

 

La motivation découlant de l'OARP 199/2015 est la suivante :

 

En vertu de l'art. 389 CPP, la juridiction d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (al. 1), l'administration des preuves du tribunal de première instance pouvant être répétée dans l'une des hypothèses prévues au second alinéa de cette disposition.

 

L'art. 389 al. 3 CPP prévoit que l'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. À cet égard, la doctrine a relevé que la formulation plus large du texte allemand désignant de façon générale "die erforderlichen zusätzlichen Beweise" devait prévaloir sur la formulation plus étroite de la traduction française (Y. JEANNERET / A. KUHN (éds), Procédure pénale suisse : approche théorique et mise en œuvre cantonale, Neuchâtel 2010, p. 139).

Par ailleurs, selon l'art. 343 al. 3 CPP, applicable aux débats d'appel par le renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, le tribunal réitère l'administration des preuves qui, lors de la procédure préliminaire, ont été administrées en bonne et due forme, lorsque la connaissance directe du moyen de preuve apparaît nécessaire au prononcé du jugement. Seules les preuves essentielles et décisives dont la force probante dépend de l'impression qu'elles donnent doivent être réitérées. Afin de déterminer quel moyen de preuve doit l'être, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.3 et 6B_484 2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.2). L'autorité peut notamment refuser des preuves nouvelles qui ne sont pas nécessaires au traitement du recours, en particulier lorsqu'une administration anticipée non arbitraire de la preuve démontre que celle-ci ne sera pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées, lorsque le requérant peut se voir reprocher une faute de procédure ou encore lorsque son comportement contrevient au principe de la bonne foi en procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.3 et 6B_509/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2).

 

L'art. 187 al. 2 CPP fournit à la direction de la procédure la faculté d'entendre l'expert, sans l'ériger en obligation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_84/2014 du 13 août 2014, consid. 3.2). Le droit garanti à l'accusé à une confrontation au sens de l'art. 6 par 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 [CEDH ; RS 0.101], ne vaut pas pour un expert, comme l'a rappelé le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité (consid. 3.1).

 

Selon la jurisprudence constante, le juge apprécie en principe librement une expertise et [qu'] il n'est pas lié par les conclusions de l'expert. Il est libre d’appliquer l'art. 19 CP même si cela contredit l'expert, ou de ne pas appliquer cette disposition, alors que l'expert la considère comme indiquée (art. 10 al. 2 CPP ; ATF 102 IV 225 consid. 7b, (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 20).

 

Une première analyse pourrait laisser croire que [l'audition du Professeur BD______] est nécessaire au motif que le Tribunal criminel a refusé de suivre les conclusions de l'expert. Tel pourrait être le cas si les conclusions de l'expert n'avaient suscité aucune réaction en première instance, que les débats durant l'instruction n'avaient pas porté sur cette problématique et qu'il n'avait jamais été envisagé que les premiers juges ne s'écartassent des conclusions de l'expert.

 

La situation est en l'état tout autre. Déjà en première instance, il était patent que les débats allaient largement porter sur la problématique de la responsabilité de E______, ce qui aurait dû conduire le prévenu à présenter cette réquisition de preuve devant le Tribunal criminel. Il aurait dû le faire au regard des rebondissements de la procédure courant 2013 (problématique d'une nouvelle expertise en juin 2013, projet de complément d'expertise ressenti comme une volte-face du Ministère public, utilité d'un tel complément contestée par courrier du 24 octobre 2013, polémique autour de la personne du Professeur BD______ en tant que superviseur, complément d'expertise du 9 décembre 2013, etc.) et des auditions de l'expert et du Professeur BD______ qui se sont succédés en 2013 puis courant janvier/février 2014. Les conditions étaient ainsi déjà réalisées devant le Tribunal criminel pour que E______ sollicitât l'audition de ce témoin s'il l'estimait nécessaire.

 

Le Professeur BD______ a déjà été entendu en procédure contradictoire, lors de deux audiences qui se sont tenues les 21 janvier et 14 février 2014. La première (pces 9'507 à 9'511) a duré plus de deux heures et quart pendant lesquelles les parties, dont E______ et ses deux conseils, ont pu interroger le témoin, comme ils ont pu le faire durant les trois heures qu'a duré la seconde audience (pces 9'512 à 9'517). Les thèmes abordés durant ces deux longues audiences ont notamment porté sur les nuances apportées par le complément d'expertise sur le diagnostic de dépression sévère et, de manière plus générale, sur le fait même d'une responsabilité diminuée au regard de la problématique de l'expertisé. A aussi été évoquée la particularité des conclusions de l'expertise assortissant le diagnostic de dépression sévère de la notion de probabilité, ce qui n'était pas fréquent aux dires du Professeur BD______.

 

Une lecture attentive des procès-verbaux des audiences susmentionnées permet de mettre en évidence des redondances dans les questions posées, chacune des parties concernées posant les mêmes questions sous une forme légèrement différente dans l'espoir d'obtenir une réponse plus satisfaisante à ses yeux. Ainsi en est-il de la question du lien entre dépression et personnalité narcissique (4ème, 5ème et dernier § de la pce 9'510, 1er et 2ème § de la pce 9'512, 1er, 2ème, 4ème et 5ème § de la pce 9'513, 3ème § et ss de la pce 9'515, premiers § de la pce 9'516) ou de la manipulation de l'expert (derniers § de la pce 9'511, trois derniers § de la pce 9'514, 1er § de la pce 9'515, 3ème § de la pce 9'517).

 

Il appartiendra à la juridiction d'appel d'apprécier l'ensemble des réponses apportées par l'expert et le Professeur BD______ au regard des éléments de l'instruction, la réponse à la question du degré de responsabilité pénale de E______ restant ouverte, quelle qu'ait été celle apportée par le Tribunal criminel sur cette problématique. C'est le lieu de rappeler que la juridiction d'appel rend un nouveau jugement en se fondant sur ses propres constatations (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 20 ad art. 398). La tâche de l'expert ne consiste qu'à établir l'état psychologique et physiologique de l'accusé et son effet sur la capacité de discernent et la volonté au moment des faits. La question de savoir si ces éléments permettent de conclure à une diminution de la responsabilité pénale au sens de l'art. 19 CP est une question de droit qui ne peut être tranchée que par le juge (ATF 107 IV 3 consid. 1a ; 102 IV 225 consid. 7b).

 

Au vu de ce qui précède, la réquisition de preuve de l'appelant E______ n'est pas fondée, outre qu'elle est tardive. Elle doit ainsi être rejetée.

 

2.2.1 E______ sollicite au titre de question préjudicielle la scission des débats (art. 342 al. 1 let. b CPP) au motif que l'acceptation éventuelle de l'existence d'un contrordre aurait des conséquences sur la définition de la culpabilité, notamment au regard d'éventuels actes préparatoires. Une scission des débats s'impose en l'espèce par souci d'efficacité et de cohérence.

 

L'appelant A______ appuie la démarche de E______ au regard des enjeux présents. Le Ministère public s'en rapporte à justice sur ce point.

 

2.2.2 La scission des débats est prévue par le CPP comme une possibilité et non comme un droit ("…le tribunal peut scinder les débats en deux parties…)". Il s'ensuit qu'il y a lieu de n'user de la formule potestative qu'avec réserve. Il faut aussi que ce choix ne porte pas préjudice à d'autres parties au procès. Or, en l'espèce, une telle scission des débats n'apporterait rien à deux appelants sur quatre, les appelants B______ et D______ ne plaidant pas l'existence d'un contrordre. Une scission des débats ne représenterait pas une économie procédurale, au double motif que toutes les questions pertinentes et les diverses hypothèses doivent de toute façon être abordées lors des plaidoiries et que des conseils chevronnés sont capables de plaider sur la culpabilité et la peine au-delà des conclusions qu'ils ont prises.

 

La question préjudicielle plaidée par E______ est ainsi rejetée.

 

3. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

 

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss ; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ss).

 

La maxime in dubio pro reo signifie notamment que le juge pénal ne doit pas tenir pour établi un fait défavorable à l'accusé s'il existe des doutes objectifs quant à l'existence de ce fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence à l'encontre d'une sanction pénale, le condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 ; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 ; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40). L'appréciation des preuves est, en particulier, arbitraire lorsque le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ou si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables ; il ne suffit donc pas qu'une interprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisse également concevable (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.). Par ailleurs, il faut que la décision attaquée soit insoutenable non seulement dans ses motifs mais également dans son résultat (à propos de la notion d'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst. : ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61, 217 consid. 2.1 p. 219 ; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités).

 

i. Agression du 19 février 2012

 

4. De l'existence ou non d'un contrordre donné par l'appelant E______ à Sierre, l'appelant A______ le transmettant à l'appelant D______ après son retour à Genève, dépend la qualification juridique du comportement des acteurs du drame vécu par l'ex-partie plaignante, singulièrement celui des appelants E______ et A______. Il s'impose en conséquence d'en débattre à titre liminaire.

 

4.1.1 A teneur de l'art. 260bis al. 1 CP, est auteur d'actes préparatoires celui qui prend, conformément à un plan, des dispositions d'ordre technique ou organisationnel, dont la nature et l'ampleur indiquent qu'il s'apprêtait à passer à l'exécution de l'une des infractions exhaustivement énumérées par cette disposition, qui mentionne notamment le meurtre et l'assassinat. Font partie des dispositions d'ordre technique ou d'organisation les actes par lesquels l'auteur se procure les moyens pratiques d'exécuter l'infraction, par exemple le fait de se procurer une arme, et ceux par lesquels il prépare l'opération et met au point son déroulement, par exemple, le fait de repérer les lieux.

 

L'art. 23 al. 1 première phrase CP donne la définition du désistement qui se caractérise par le comportement de l'auteur qui, de sa propre initiative, renonce à poursuivre l'activité punissable jusqu'à son terme.

 

4.1.2 Le déroulement des faits jusqu'à la veille de la rencontre de Sierre contredit la thèse du contrordre.

 

Pendant plusieurs mois, et avec une intensité accrue à compter de la fin 2011, l'appelant E______ n'a eu de cesse de reprocher à son ami A______ l'inaction du tueur à gages. Certes, il y a eu l'intention exprimée de tout laisser tomber en octobre 2011 mais ce changement n'a été que temporaire. De son propre aveu, le commanditaire était encore très fâché le 11 février 2012 que rien n'ait été entrepris contre son épouse, alors même que les conditions étaient réunies pour un passage à l'acte. Preuve en est l'"avalanche d'insultes" admise par l'appelant E______. L'appelant A______ n'a d'ailleurs rien trouvé de mieux que de biaiser ("l'auteur avait été arrêté" ou "le maçon était malade") pour excuser l'inaction, tant il craignait les foudres du commanditaire. Celui-ci avait été clair en parlant à A______ d'une opération de la dernière chance, lui-même s'étant absenté avec les enfants à la montagne.

 

On ne discerne pas comment l'état d'esprit de l'appelant E______ aurait radicalement pu changer en un jour, entre les 11 et 12 février 2012. Les perspectives de bonheur entrevues avec sa nouvelle amie ("la femme de sa vie") ne l'expliquent pas, le séjour en amoureux au Brésil étant antérieur et la nouvelle de la grossesse datant du 7 ou 8 février 2012, voire un peu plus tard selon son médecin traitant. Or, dans ses contacts ultérieurs avec l'appelant A______ et singulièrement après le passage à l'acte raté du 11 février 2012, rien ne démontre que l'appelant E______ avait fait comprendre que ce qui lui paraissait "toxique et insoluble" était devenu clair, bien au contraire même si on se fie à sa réaction courroucée exprimée le 11 février 2012.

 

La rencontre du 12 février 2012 n'a pas le sens que lui donnent les appelants A______ et E______. Un tel déplacement n'était pas nécessaire si le but consistait à ne transmettre qu'un contrordre, en plus du fait que les appelants n'avaient pas besoin de se voir aussi longtemps pour ce faire. Un contact téléphonique aurait suffi, ce d'autant qu'il se serait alors agi d'une simple confirmation de l'ordre déjà transmis par l'appelant E______ depuis le Brésil. A ce sujet, la plus grande circonspection s'impose, tant les efforts déployés pour corriger l'effet contre-productif de l'absence apparente de contacts téléphoniques depuis le Brésil ne convainquent pas, les explications successives ne cherchant qu'à contourner l'inanité des précédentes. Si un contrordre avait été donné le 12 février 2012, il est d'ailleurs incompréhensible que l'appelant E______ ne l'ait pas tout de suite affirmé plutôt que de soutenir la thèse d'un contrordre fourni depuis le Brésil. En réalité, la CPAR est convaincue que le rendez-vous de Sierre a été voulu par l'appelant E______ dans l'unique but de faire comprendre à l'appelant A______ que sa patience avait atteint ses limites et de lui fixer ainsi un ultimatum pour que les atermoiements découlant d'un passage à l'acte toujours repoussé cessent.

 

Les contacts entre les appelants E______ et A______ étaient empreints d'une grande prudence, ainsi qu'en témoignent le langage téléphonique codé utilisé pour expliquer l'inaction de l'exécutant le 11 février 2012 et la mise hors de portée des téléphones portables lors de leurs rencontres, singulièrement durant celle de Sierre du 12 février 2012. L'argument de l'utilisation de brouilleurs de conversations doit en revanche être tenu pour dépourvu de toute crédibilité, ne serait-ce que par le fait que l'appelant E______ n'aurait sinon pas attendu les délais d'appel pour en parler pour la première fois. L'extinction de son téléphone portable n'est donc pas due comme voudrait le faire croire l'appelant E______ à l'absence de brouilleurs ce jour-là pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a jamais eu. En réalité, le défaut d'enregistrement a été voulu et il n'avait pour but que de cacher la réalité d'un prochain passage à l'acte, le 19 février 2012 ou un autre jour. S'il faut peu de temps pour transmettre un contrordre ou en confirmer la teneur, il en faut bien davantage pour échafauder la suite à donner à l'ordre de supprimer F______, ainsi qu'en témoigne l'heure consacrée à la rencontre de Sierre selon les dires de l'appelant A______ en audience d'appel.

 

L'inexistence du contrordre se fonde aussi sur le comportement de l'appelant E______ le 19 février 2012, dans le sens où il a laissé faire, comme s'il savait ce qui était en train de se dérouler dans sa propriété. Il n'a pas "su" valablement déclencher l'alarme, alors même qu'il disposait de plusieurs télécommandes, sans compter qu'il n'a fourni aucune explication satisfaisante sur la mise hors service du système d'alarme la veille du week-end. Voyant que l'alarme ne fonctionnait pas, il aurait appelé la sécurité s'il n'avait pas su ce qui se déroulait sous ses yeux. Le fait de ne pas s'être senti menacé s'explique par l'assurance de ne pas être visé par l'attaque en train de se dérouler, ce que tend à confirmer l'affirmation de B______ qui aurait vu l'appelant E______ lui faire un geste de la main depuis l'intérieur de la maison. Le port d'arme ne visait qu'à faire semblant, à donner le change vis-à-vis de ses enfants alarmés par les cris entendus, à l'instar de ses déambulations et ses allers-retours d'un étage de la maison à l'autre. L'appelant E______ ment effrontément quand il affirme n'avoir pas imaginé un tel drame avant de voir son épouse ensanglantée venir à sa rencontre. En ayant en tête son projet criminel qu'il voulait encore voir réaliser moins de dix jours auparavant, il a nécessairement dû faire le lien avec l'agression projetée quand il a entendu les cris d'une femme déchirant la nuit. L'explication de halètements découlant d'éventuels ébats sexuels dans la propriété ne tient qu'à une tentative désespérée de faire diversion, si on en croit la dame de compagnie résidant en face de la villa qui fait état de cris horribles et désespérés d'une personne en détresse. Enfin, la présence des enfants ne constituait pas un obstacle dirimant à l'attaque projetée, dans la mesure où ils étaient dans la maison et que l'appelant E______ avait appris que B______ était déterminé à agir à l'extérieur.

 

Un autre motif tendant à écarter la thèse du contrordre tient à la teneur des déclarations des appelants A______ et B______. En procédant à l'examen de la structure des aveux de l'appelant A______ lors de l'audience du 12 juillet 2012, on s'aperçoit que le contrordre allégué ne représente pas le sujet principal, qui porte plutôt sur la mise en cause de l'appelant E______, duquel il avait reçu le mandat de tuer sa femme. L'appelant A______ avait pourtant tout intérêt à insister sur la théorie du contrordre qui était de nature à le disculper largement. Près de quatre mois se sont écoulés avant ses aveux, ce qui lui a laissé un temps suffisant pour élaborer avec l'appelant E______ un plan susceptible d'atténuer leur culpabilité. Ainsi, même si la plupart des éléments relatés par l'appelant A______ dans ses aveux ont ultérieurement trouvé confirmation, notamment par le biais d'éléments objectifs tels que les relevés de la téléphonie, il est permis d'écarter de ses aveux les éléments dépourvus de force probante, sans tomber dans le reproche d'un tri de ses déclarations.

 

La thèse du contrordre, s'agissant de l'appelant A______, est d'ailleurs contredite par des éléments objectifs. S'il en avait comme allégué informé l'appelant D______, on ne voit comment et pourquoi, tous les jours qui ont suivi, celui-ci a échangé nombre de messages téléphoniques avec l'appelant A______, certains se prolongeant par des contacts téléphoniques avec B______ comme le 15 février 2012, sans que le déplacement à M______ n'en soit la cause, seuls les appelants B______ et D______ étant localisés en soirée sur territoire vaudois. L'information de l'heure d'arrivée de l'avion de F______, assurément connue de B______, n'avait pas à lui être communiquée si le contrordre avait réellement existé. C'est sans compter que A______ aurait dû se montrer beaucoup plus inquiet quand D______ a cherché à la connaître et ne pas se contenter de lui en rappeler l'inutilité. Bien plus, avec l'annulation de l'opération, l'appelant A______ n'avait plus aucun motif d'être renseigné "en direct" du déroulement des événements le soir des faits. Et pourtant, l'échange croisé de SMS de 22:46 et 22:47 avec D______, juste avant que n'arrive le taxi de F______ à H______, atteste du contraire. Dans la même veine, l'effacement volontaire de ses messages ne répond à aucune justification sauf à faire disparaître d'éventuelles preuves compromettantes. Enfin, on relèvera que les explications fantaisistes et divergentes que les appelants D______ et A______ ont fournies pour justifier les 14 messages téléphoniques échangés entre 23:18 et 23:45 cadrent mal avec l'existence d'un contrordre, tant il apparaît flagrant que l'appelant A______, alors au Kosovo, tenait à être informé des derniers développements de l'affaire par le biais de l'appelant D______ présent sur les lieux.

 

Une telle conclusion s'impose aussi au regard des déclarations de B______ qui ne parle pas du contrordre de manière univoque. Il commence par ne pas en parler les 22 et 27 juin 2012 devant le Ministère public. Il en fait mention le 16 juillet 2012 au détour d'une question portant sur son activité durant les mois qui précèdent. En fin d'audience le même jour, B______ en reparle, mais après une entame où il semble avoir été mis au courant de la teneur des récents aveux de l'appelant A______, lesquels comprenaient la thèse du contrordre. Sa réponse positive, en plus du fait qu'elle n'est pas catégorique, doit ainsi être interprétée avec circonspection. B______ reviendra d'ailleurs sur l'existence d'un contrordre lors de l'audience du 23 août 2012, position qu'il maintiendra par la suite, y compris jusqu'en audience d'appel. On ne peut dès lors que donner une force probante relative aux déclarations du 16 juillet 2012 de B______, même s'il est vrai qu'il avait intérêt à nier avoir reçu un contrordre qu'il n'aurait de facto pas respecté.

 

Au regard de ce qui précède, les appelants A______ et E______ seront déboutés de leurs conclusions tendant à ce qu'ils soient reconnus coupables d'instigation à actes préparatoires avec désistement, le jugement du Tribunal criminel étant confirmé sur ce point.

4.2 B______ plaide aussi le désistement, mais en lien avec l'agression dont F______ a été victime. Sa thèse ne résiste pas à l'examen.

 

Les experts médico-légaux ont relevé la présence de pétéchies sur la victime, ce qui atteste d'un étranglement de longue durée (de l'ordre de 3 mn) et d'une mise en danger de mort. F______ a dit avoir perdu connaissance. Elle n'était donc pas en train de résister quand B______ a cessé ses actes et qu'il s'est enfui en la laissant pour morte. Il était d'ailleurs convaincu d'avoir fait le nécessaire. Preuve en est qu'il a ultérieurement réclamé son dû pour la tâche accomplie qui consistait bien, comme il l'a admis, à tuer la femme de l'appelant E______, même s'il est vrai que, au moment de réclamer son dû, il était au courant que la victime n'était pas décédée. Il importe peu que, par miracle, F______ ait finalement survécu aux actes de son agresseur.

 

B______ sera ainsi débouté de ses conclusions tendant à ce qu'il soit reconnu coupable de tentative d'assassinat sous forme de désistement, le jugement du Tribunal criminel étant confirmé sur ce point.

 

5. 5.1.1 L'assassinat (art. 112 CP) est une forme qualifiée d'homicide intentionnel, qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le fait que l'auteur a tué avec une absence particulière de scrupules. Cette dernière suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte.

 

Pour caractériser l'absence particulière de scrupules, l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux, mais cet énoncé n'est pas exhaustif. L'auteur est animé par des mobiles particulièrement odieux lorsqu'il tue, par exemple, pour obtenir une rémunération ou pour voler sa victime (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14 ; 118 IV 122 consid. 2b p. 125 ; ATF 115 IV 187 consid. 2 p. 188). Il faut retenir l'assassinat lorsqu'il ressort des circonstances de l'acte que son auteur fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui (ATF 141 IV 61 consid. 4.1 p. 64 et suivante ; 120 IV 265 consid. 3a p. 274 ; ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 126 ; cf. également ATF 117 IV 369 consid. 19b p. 394 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 précité).

 

On ne saurait cependant conclure à l'existence d'un assassinat dès que l'on distingue dans un cas d'espèce l'un ou l'autre élément qui lui confère une gravité particulière. Il faut au contraire procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes et internes de l'acte (mode d'exécution, mobile, but, etc.). Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur ou son caractère odieux se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (ATF 141 IV 61 consid. 4.1 p. 64 et suivante ; ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 13 ; 120 IV 265 consid. 3a p. 274 ; 118 IV 122 consid. 2b p.125 s. ; 117 IV 369 consid. 17 p. 389 ss et les références citées).

 

5.1.2 La tentative suppose que l'auteur réalise tous les éléments subjectifs de l'infraction et qu'il manifeste sa décision de la commettre, mais sans en réaliser tous les éléments objectifs (ATF 120 IV 199 consid. 3e p. 206).

 

5.1.3 Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes, à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité ; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Il est déterminant que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66 ; 125 IV 134 consid. 3a p. 136 ; ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155 ; SJ 2008 I 373 consid. 7.3.4.5 p. 382-383). La jurisprudence exige même que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23 ; 136 consid. 2b p. 141 ; 265 consid. 2c/aa p. 271 s. ; 118 IV 397 consid. 2b p. 399).

 

Ce concept de coactivité montre qu'une personne peut être considérée comme auteur d'une infraction, même si elle n'en est pas l'auteur direct, c'est-à-dire si elle n'a pas accompli elle-même tous les actes décrits dans la disposition pénale (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23 s.).

 

5.1.4 L'instigation est le fait de décider intentionnellement autrui à commettre une infraction intentionnelle. (…) (art. 24 al. 1 CP). Elle suppose un rapport de causalité entre l'acte d'incitation de l'instigateur et la décision de l'instigué de commettre l'acte. L'instigateur doit exercer une influence psychique directe sur la formation de la volonté d'autrui. (…) (ATF 128 IV 11 consid. 2a p. 14 ss ; 127 IV 122 consid. 2b/aa p. 127 s. et la jurisprudence citée ; cf. également ATF 124 IV 34 consid. 2c p. 37 s. et les références citées). Pour qu'une instigation puisse être retenue, il faut qu'elle soit intentionnelle. L'intention doit se rapporter, d'une part, à la provocation de la décision de passer à l'acte et, d'autre part, à l'exécution de l'acte par l'instigué (ATF 127 IV 122 consid. 4a p. 130). Le dol éventuel suffit. Il faut que l'instigateur ait su et voulu ou, à tout le moins, envisagé et accepté que son intervention était de nature à décider l'instigué à commettre l'infraction (ATF 128 IV 11 consid. 2a p. 15).

 

5.2 Les appelants B______ et A______ ne contestent pas en appel la culpabilité que leur a reconnue le Tribunal criminel en matière de violation de la LArm. Il y a lieu de confirmer le jugement des premiers juges sur ce point, les conditions d'application de l'art. 33 al. 1 litt. a LArm étant réalisées.

 

5.3 Les appelants B______, E______ et A______ ne contestent pas que leur acte doive être qualifié d'assassinat. Le fait de s'appuyer sur un tueur à gages pour réaliser l'objectif visé dénote une absence particulière de scrupules et un caractère de gravité hors du commun. Les circonstances de la tentative d'homicide au préjudice de F______ la rendent particulièrement odieuse, ne serait-ce que par la facilité apparente avec laquelle ses auteurs ont accepté d'y participer. La juridiction d'appel ne peut que confirmer la réalisation des conditions de l'aggravante de l'art. 112 CP, tous les éléments constitutifs de l'assassinat étant réalisés dans le cas d'espèce.

 

La culpabilité des appelants E______, B______ et A______ sera ainsi confirmée, le premier nommé en tant qu'instigateur, ce qui n'est pas contesté, et les deux autres comme coauteurs de tentative d'assassinat dans la mesure où ils en réalisent les conditions.

 

5.4 Le juge atténue la peine en application de l'art. 19 al. 2 CP si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Une capacité délictuelle diminuée ne doit pas être admise en présence de toute insuffisance du développement mental, mais seulement lorsque l'accusé se situe nettement en dehors des normes et que sa constitution mentale se distingue de façon essentielle non seulement de celle des personnes normales, mais aussi de celle des délinquants comparables (ATF 133 IV 145 consid. 3.3).

 

A l'instar des autres moyens de preuve, le juge apprécie librement la force probante de l'expertise. Cette liberté trouve sa limite dans l'interdiction de l'arbitraire. Si le juge n'est, en principe, pas lié par les conclusions de l'expert, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité ; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 129 I 49 consid. 4 ; 128 I 81 consid. 2 ; M. DUPUIS / B. GELLER / G. MONNIER / L. MOREILLON / C. PIGUET / C. BETTEX / D. STOLL (éds), Code pénal - Petit commentaire, Bâle 2012, n. 16 ad art. 20).

 

Le juge n'est pas lié par l'expertise psychiatrique, dans la mesure où la tâche du psychiatre ne consiste qu'à établir l'état psychologique et physiologique de l'accusé et son effet sur la capacité de discernement et la volonté au moment des faits. La question de savoir si ces éléments permettent de conclure à une diminution de la responsabilité pénale au sens de l'art. 19 CP est une question de droit qui ne peut être tranchée que par le juge (ATF 107 IV 3 consid. 1a ; 102 IV 225 consid. 7b). Celui-ci peut notamment tenir compte, autrement que l'expert, de la nature des actes incriminés pour mesurer l'ampleur de la diminution de la responsabilité (arrêt 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 consid. 3.1.).

 

Selon la CIM-10, au cours d'un épisode dépressif sévère, le sujet présente généralement un état de détresse, associé soit à une agitation soit à un ralentissement marqué. Le tableau clinique est habituellement dominé par une perte de l'estime de soi, des idées de dévalorisation ou des sentiments de culpabilité et comporte souvent des idées de suicide manifestes. Le diagnostic d'épisode dépressif sévère repose sur la présence de trois symptômes typiques, qui sont l'humeur dépressive, la diminution de l'intérêt et du plaisir, l'augmentation de la fatigabilité ; ces trois symptômes doivent être associés à au moins quatre (de préférence cinq) autres symptômes dépressifs - diminution de la concentration et de l'attention, diminution de l'estime de soi et de la confiance en soi, idées de culpabilité ou de dévalorisation, attitude morose et pessimiste face à l'avenir, idées ou actes auto-agressifs ou suicidaires, perturbation du sommeil, diminution de l'appétit -, dont plusieurs doivent être sévères. Au cours d'un épisode dépressif sévère, le sujet est habituellement incapable de poursuivre ses activités sociales, professionnelles ou ménagères. L'épisode isolé d'une dépression réactionnelle répond aux mêmes critères.

 

5.4.1 Il n'y a pas lieu en l'espèce de s'écarter des conclusions des expertises des appelants B______, A______ et D______, d'ailleurs non contestées, leur responsabilité devant être tenue pour pleine et entière.

 

5.4.2 Le cas de l'appelant E______ est plus complexe. Il ressort de l'expertise psychiatrique qu'il souffrait, au moment des faits, d'un épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique. La dépression sévère qui l'avait affecté avait pu légèrement diminuer sa capacité volitive. Le complément d'expertise psychiatrique a permis à l'expert de retenir le diagnostic d'une personnalité narcissique et d'une probable dépression réactionnelle isolée (épisode sévère), la responsabilité pénale de l'appelant E______ était très légèrement diminuée.

 

Plusieurs éléments fondent de sérieux doutes sur les conclusions des expertises. Figurent en premier lieu les manquements objectifs, tel celui reconnu par la Dresse BC______ du défaut de prise en considération des affirmations de l'appelant E______ accusant son épouse d'avoir mis en scène sa propre agression. La mise à l'écart délibérée d'un test de personnalité en raison d'une contradiction apparente avec les réponses initiales fournies par l'expertisé ne manquent pas non plus d'étonner, sans que les explications du Professeur BD______ ne convainquent. On comprend en tout cas mal que ce test ait été opéré s'il n’avait pas de l'importance, ce d'autant qu'il permettait précisément d'évaluer en quoi l'expertisé présentait des traits narcissiques. Or, il y a là une contradiction majeure entre les deux expertises, puisque la Dresse BC______ a écarté le diagnostic de traits narcissiques de l'appelant E______ au regard de sa grande capacité d'introspection, ne relevant aucun élément évocateur de type narcissique, alors que le professeur BD______ a au contraire retenu le diagnostic de personnalité narcissique en plus d'une dépression réactionnelle, celle-ci n'étant plus que jugée probable.

 

L'agression de F______ témoigne d'une préparation minutieuse qui cadre mal avec la sévère dépression retenue par le premier expert. Sa planification comprenait des conditions précises auxquelles l'exécutant devait se plier. Les tentatives avortées de janvier et début février 2012 n'ont pas dissuadé l'appelant E______ de remettre l'ouvrage sur le métier après qu'il eut manifesté sa colère. Ses absences répétées de Genève, signalées systématiquement à son ami A______ comme étant autant de "fenêtres" d'action, apparaissent peu compatibles avec une responsabilité diminuée, ne fût-ce que très légèrement. Les traits narcissiques reconnus par le second expert constitueraient plutôt un obstacle à une diminution de la responsabilité.

 

L'appelant E______, tout dépressif qu'il ait pu être, a sciemment menti. Il a manipulé l'appelant A______ en lui faisant croire qu'il risquait de perdre ses enfants, alors que rien dans le dossier ne permet de tirer du comportement de F______ une volonté de les lui soustraire. D'ailleurs, l'appelant E______ avait déjà vécu l'expérience du divorce sans qu'il ne subisse le traumatisme d'une séparation avec ses enfants, en l'occurrence avec son fils BI______ avec lequel il a au contraire pu conserver d'excellents liens.

 

La diminution de la responsabilité de l'appelant E______ s'accorde également mal avec la vie affective et sexuelle qui a été la sienne durant toute la période pénale. Le fait qu'il n'ait jamais ressenti le besoin de partager son humeur dépressive avec des proches fait penser à un mal-être relativement discret. L'appelant E______ a parallèlement poursuivi sa vie professionnelle, en étant même sur le point de créer un fond d'investissements pour de nouvelles activités commerciales. Une telle vitalité est peu compatible avec une dépression l'affectant au point de diminuer, même très légèrement, ses capacités volitives, ce que viennent d'ailleurs confirmer les divers témoignages dont celui de son médecin traitant qui n'ont pas évoqué des éléments pouvant faire penser à une dépression sévère. Il n'est pas question de nier ici les difficultés qu'a pu rencontrer l'appelant E______ dans son parcours de vie, ainsi que l'a décrit une amie venue en témoigner devant les premiers juges. Il reste que ces éléments ne sauraient à eux seuls fonder une atténuation de sa responsabilité.

 

Les conclusions des experts, retenant finalement une diminution de responsabilité très légère et hypothétique, ne sont pas convaincantes au regard des éléments du dossier. Il n'y a ainsi pas matière à douter de la pleine responsabilité de l'appelant E______ au vu des éléments sur lesquels la juridiction d'appel fonde son appréciation. Celui-ci sera ainsi débouté de ses conclusions en la matière, le jugement du Tribunal criminel étant confirmé sur ce point.

 

5.5 L'appelant D______ plaide son innocence.

 

Sa culpabilité ne fait pourtant guère de doute au regard des éléments à charge figurant dans le dossier. Ses aveux déguisés dans les locaux de la police après son interpellation en constituent un de poids. Les explications fournies ultérieurement ne lui sont d'aucun secours, dans la mesure où il n'avait rien à craindre de sa présence aux côtés de son cousin s'il avait véritablement ignoré les motifs de ses déplacements fréquents à H______. La vérité tient paradoxalement dans les propos de son frère AB______ ("Tu (…) sais [ce dont il s'agit] et A______ aussi"). Il y a difficilement plus clair, sans que la référence à des coups de feu subis par B______ dans d'autres circonstances n'autorise un moindre doute sur la portée des explications fournies en l'espèce.

 

Les mensonges répétés de l'appelant D______ le confondent également, à commencer par sa présence aux côtés de B______ le 19 février 2012 et sa persistance, après avoir admis avoir menti, à ne rien avoir vu des habits et/ou mains de son cousin tachés de sang ou du fait qu'il avait froid, ce qui découlait fatalement de la température inférieure à zéro degré ce soir-là. Il a usé d'une imagination débordante, cherchant une nouvelle échappatoire chaque fois que la preuve du mensonge précédent lui était rapportée (café fermé le dimanche, boisson avec alcool, appels téléphoniques sortants de son cousin malgré l'absence de crédit, etc.). L'appelant D______ s'est aussi perdu dans des explications aussi fantaisistes que dénuées de consistance au sujet de sa présence répétée dans le quartier dans les semaines précédant le 19 février 2012 (visites de chantiers et rendez-vous médicaux à des heures indues). Il s'est contredit en affirmant être contraint de véhiculer son cousin faute d'un permis de conduire tout en reconnaissant qu'il lui arrivait de lui laisser le volant. La réalité est que les relevés de la téléphonie révèlent sa présence sur les lieux de l'agression à chaque fois qu'il y a eu des repérages ou des tentatives, comme à mi-janvier et le 10 février 2012.

 

L'appelant D______ n'a enfin fourni aucune explication plausible sur la fréquence de ses contacts téléphoniques avec les autres auteurs, les mêmes réflexions que celles émises supra pour l'appelant A______ étant ici valables mutatis mutandis s'agissant de ses contacts du 19 février 2012 au soir, le sujet des messages envoyés n'étant assurément ni les paris sportifs ni un achat immobilier au Kosovo. Par contraste, l'absence de tout contact téléphonique durant les vacances de F______ en février 2012 rend sa culpabilité encore plus accablante, sans compter qu'il n'avait aucun motif d'effacer la totalité des SMS échangés entre le 17 et le 20 février 2012 s'il n'avait rien à se reprocher. L'explication par laquelle il avait cherché à faire de la place dans la mémoire de son portable est aussi vaine que ridicule, surtout quand on sait que figure parmi les appels effacés le message précédant immédiatement l'arrivée du taxi à la villa.

 

Enfin, les mises en cause des appelants A______ et B______ permettent, s'il le fallait, d'écarter tout doute au sujet de l'implication de l'appelant. Le premier nommé n'a jamais varié dans sa mise en cause, désignant systématiquement l'appelant D______ comme acteur de la mission confiée par l'appelant E______, notamment quand il participait aux entretiens à trois en novembre-décembre 2011. L'appelant A______ ne connaissait d'ailleurs pas le tueur à gages avant que l'appelant D______ ne le lui présente. Les contacts se faisaient systématiquement par son intermédiaire, comme cela a d'ailleurs été le cas pour le prétendu contrordre. B______ a été moins constant, même s'il a mentionné un quatuor actif dans la préparation et l'exécution de la mission confiée, ce que confirme d'ailleurs la téléphonie avec des appels téléphoniques croisés entre les quatre acteurs, et singulièrement entre les appelants A______, D______ et B______. La nuance apportée ultérieurement par B______ pour dédouaner son cousin D______, qui voudrait que celui-ci n'ait été au courant des faits qu'a posteriori, est contredite par les éléments à charge précités. La référence à des problèmes de traduction à des fins de disculpation n'est guère plus convaincante, surtout quand les erreurs sont à géométrie variable.

 

Le rôle de l'appelant D______, que ce soit par le choix de son cousin pour l'exécution des basses œuvres ou sa place prépondérante dans les échanges téléphoniques relatifs à la mission confiée, fait de lui un coauteur et non un complice, ce qu'il n'a d'ailleurs jamais prétendu, même à titre subsidiaire. Il sera ainsi débouté de ses conclusions en acquittement et, en conséquence, de ses prétentions en indemnisation, le jugement du Tribunal criminel étant confirmé sur ce point.

 

ii. Coup de feu au "I______" le 18 mai 2012

 

6. 6.1. L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Les lésions corporelles sont une infraction de résultat qui implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191 ; ATF 135 IV 152 consid 2.1.1 p. 154). La poursuite a lieu d'office si le délinquant fait usage d'une arme (art. 123 ch. 2 CP).

 

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 4 ; ATF 133 IV 9 = JdT 2007 I 573 consid. 4.1 p. 579 ; 131 IV 1 consid. 2.2 p. 4 s. ; 130 IV 58 consid. 8.2 p. 61). Le dol éventuel peut aussi être retenu lorsque l'auteur accepte par indifférence que le danger créé se matérialise ; le dol éventuel implique ainsi l'indifférence de l'auteur quant à la réalisation de l'état de fait incriminé (Ph. GRAVEN / B. STRÄULI, L'infraction pénale punissable, 2e éd., Berne 1995, n. 156 p. 208).

 

Pour déterminer si l'auteur s'est accommodé du résultat au cas il se produirait, il faut se fonder sur les éléments extérieurs, faute d'aveux. Parmi ces éléments figurent l'importance du risque – connu de l'intéressé – que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction se réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles, et la manière dont l'acte a été commis (ATF 125 IV 242 consid. 3c p. 252). Plus la survenance de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction est vraisemblable et plus la gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus sera fondée la conclusion que l'auteur s'est accommodé de la réalisation de ces éléments constitutifs, malgré d'éventuelles dénégations (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1 p. 84). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 4 ; 133 IV 222 consid. 5.3 p. 226 et les arrêts cités).

 

Cette interprétation raisonnable doit prendre en compte le degré de probabilité de la survenance du résultat de l'infraction reprochée, tel qu'il apparaît à la lumière des circonstances et de l'expérience de la vie (ATF 133 IV 1 consid. 4.6 p. 8). La probabilité doit être d'un degré élevé car le dol éventuel ne peut pas être admis à la légère (ATF 133 IV 9 consid. 4.2.5 p. 19 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.127/2007 du 6 juillet 2007 consid. 2.3 – relatif à l'art. 129 CP – avec la jurisprudence et la doctrine citées).

 

6.2 Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances ; le même droit appartient aux tiers (art. 15 CP).

 

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (cf. ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; 104 IV 232 consid. c p. 236/237). Cette condition n'est pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y attendre (ATF 93 IV 83). Il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 83/84).

 

La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. (…) Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51 ; ATF 107 IV 12 consid. 3 p. 15 ; ATF 102 IV 65 consid. 2a). Celui qui utilise pour se défendre un objet dangereux, tel qu'un couteau ou une arme à feu, doit faire preuve d'une retenue particulière car sa mise en œuvre implique toujours le danger de lésions corporelles graves ou même mortelles. On ne peut alors considérer la défense comme proportionnée que s'il n'était pas possible de repousser l'attaque avec des moyens moins dangereux, si l'auteur de l'attaque a, le cas échéant, reçu une sommation et si la personne attaquée n'a utilisé l'instrument dangereux qu'après avoir pris les mesures nécessaires pour éviter un préjudice excessif (ATF 136 IV 49 consid. 3.3 p. 52 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_889/2013 du 17 février 2014 consid. 2.1).

 

Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d'exclure sa culpabilité ou de l'amoindrir doit en rapporter la preuve, car il devient lui-même demandeur en opposant une exception à l'action publique. Si une preuve stricte n'est pas exigée, l'accusé doit rendre vraisemblable l'existence du fait justificatif. Il convient ainsi d'examiner si la version des faits invoquée par l'accusé pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l'ensemble des circonstances
(G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., Genève/Bâle/Zurich 2011, n. 555, p. 189).

 

6.3.1 La motivation de l'acquittement de B______ par le Tribunal criminel n'est guère satisfaisante, s'agissant en quelque sorte d'un acquittement par défaut.

 

B______ n'a pas dit la vérité en soutenant avec insistance avoir tiré en l'air, s'opposant ainsi aux témoins affirmant d'une seule voix avoir observé le bras du tireur à l'horizontale. Les témoins, consommateurs et personnel confondus, n'avaient aucun intérêt à noircir la situation au préjudice de l'appelant. L'expertise balistique a ensuite validé l'hypothèse d'un tir à l'horizontale de la manière rapportée par les témoins. En se rendant sur place muni d'une arme, B______ a accepté l'idée qu'il puisse s'en servir. De facto, il a tiré un coup de feu en direction de ses agresseurs, lesquels essayaient de se protéger ou de fuir, sans qu'il ne soit possible de déterminer avec précision leur emplacement, sinon qu'ils se trouvaient dans le champ de tir. L'impact de la balle témoigne de la dangerosité du tir qui aurait pu provoquer de graves lésions voire être mortel. En agissant de manière précipitée et irréfléchie, B______ a consciemment pris le risque de provoquer des dommages corporels.

 

Cela étant, on ne sait pas grand-chose de la position exacte des personnes visées - qui ne se sont pas manifestées - ni du contexte de ce qui pourrait passer pour un règlement de comptes. Au bénéfice du doute, seule une tentative de lésions corporelles simples, avec l'aggravante du ch. 2 de l'art. 123 CP, sera ainsi retenue à la charge de B______.

 

L'infraction de mise en danger de la vie d'autrui, qui aurait pu être envisagée avec un acte d'accusation moins lacunaire, sera écartée pour ce motif.

 

6.3.2 Il ressort du dossier, et singulièrement du témoignage de son ami, que B______ a subi une attaque par derrière, au moyen d'une pelle ou d'un instrument tranchant, encore que la thèse d'une dispute entre connaissances a aussi été soulevée par deux clients de l'établissement, les témoins W______ et X______. Cette attaque violente et subite était propre à créer un danger. Mais tous les témoins s'accordent pour dire que cette attaque était terminée au moment où B______ a fait feu. Ses agresseurs s'étaient éloignés et ils ne représentaient plus une menace actuelle. Le témoin X______ dit même n'avoir rien vu dans leurs mains. A tout le moins, B______ n'a-t-il pas rendu vraisemblable qu'il en ait été autrement, de la manière qui lui incombait. La légitime défense doit ainsi être écartée.

 

B______ sera ainsi débouté de ses conclusions tendant à ce que la légitime défense soit retenue à titre subsidiaire. Le jugement d'acquittement du Tribunal criminel sera toutefois réformé, B______ étant reconnu coupable de lésions corporelles simples aggravées au sens de l'art. 123 ch. 2 CP.

 

7. 7.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

 

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

 

Selon la jurisprudence, l'absence d'antécédents a, en principe, un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être prise en considération dans un sens atténuant. Exceptionnellement, il peut toutefois en être tenu compte dans l'appréciation de la personnalité de l'auteur, comme élément atténuant, pour autant que le comportement conforme à la loi de celui-ci soit extraordinaire. La réalisation de cette condition ne doit être admise qu'avec retenue, en raison du risque d'inégalité de traitement (ATF 136 IV 1 consid. 2.6 p. 2). A l'inverse, bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 2e éd., Bâle 2007, n. 100 ad art. 47 CP). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47 CP). Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b p. 145).

 

Le législateur reprend, à l'art. 47 al. 1 CP, les critères des antécédents et de la situation personnelle. Il y ajoute la nécessité de prendre en considération l'effet de la peine sur l'avenir du condamné. A ce propos, le message du Conseil fédéral expose que lejuge n'est pas contraint d'infliger la peine correspondant à la culpabilité de l'auteur s'il y a lieu de prévoir qu'une peine plus clémente suffira à le détourner de commettre d'autres infractions (Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 p. 1866). La loi codifie la jurisprudence selon laquelle le juge doit éviter les sanctions qui pourraient détourner l'intéressé de l'évolution souhaitable (ATF 128 IV 73 consid. 4 p. 79 ; 127 IV 97 consid. 3 p. 101). Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (arrêts du Tribunal fédéral 6B_633/2007 du 30 novembre 2007 consid. 4.1 et 6B_673/2007 du 15 février 2008 consid. 3.1.).

 

7.2 Selon la jurisprudence, pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Il lui sera loisible de relever l'absence de repentir démontré par l'attitude adoptée en cours de procédure (ATF 118 IV 21 consid. 2b p. 25 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 consid. 2.1 et 6B_992/2008 du 5 mars 2009 consid. 5.2.).

 

Le repentir sincère n'est réalisé que si l'auteur a adopté un comportement particulier, désintéressé et méritoire. L'auteur doit avoir agi de son propre mouvement (ATF 107 IV 98 consid. 1 p. 99 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_890/2015 du 16 décembre 2015 consid. 2.4.2). Le seul fait qu'un délinquant ait passé des aveux ou manifesté des remords ne suffit pas ; il n'est en effet pas rare que, confronté à des moyens de preuve ou constatant qu'il ne pourra échapper à une sanction, un accusé choisisse de dire la vérité ou d'exprimer des regrets ; un tel comportement n'est pas particulièrement méritoire (ATF 117 IV 112 consid. 1 p. 113 ss ; 116 IV 288 consid. 2a p. 289 s.). En revanche, des aveux impliquant le condamné lui-même et sans lesquels d'autres auteurs n'auraient pu être confondus, exprimés spontanément et maintenus malgré des pressions importantes exercées contre l'intéressé et sa famille, peuvent manifester un repentir sincère (cf. ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc p. 206).

 

La seule réparation du dommage ne témoigne pas nécessairement d'un repentir sincère ; un geste isolé ou dicté par l'approche du procès pénal ne suffit pas ; l'effort particulier exigé implique qu'il soit fourni librement et durablement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_841/2008 du 26 décembre 2008 consid. 10.2, avec référence à l'ATF 107 IV 98 consid. 1 p. 99). Savoir si le geste du recourant dénote un esprit de repentir ou repose sur des considérations tactiques est une question d'appréciation des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_614/2009 du 10 août 2009 consid. 1.2).

 

La bonne collaboration à l'enquête peut, par ailleurs, même lorsqu'elle ne remplit pas les conditions d'un repentir sincère, constituer un élément favorable pour la fixation de la peine dans le cadre ordinaire de l'art. 47 CP. Le repentir sincère (…) suppose une prise de conscience du caractère répréhensible de l'infraction et un changement d'état d'esprit sincère du délinquant, qu'une bonne collaboration à l'enquête n'implique pas nécessairement. C'est pourquoi la circonstance atténuante du repentir sincère, d'une part, et la bonne collaboration à l'enquête, d'autre part, sont deux éléments à décharge en principe distincts, qui peuvent du reste entrer en concours (cf. sous l'empire des art. 63 et 64 aCP, ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc p. 205/206 ; ATF 107 IV 98 consid. 1 p. 99).

 

7.3 Compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate. Il ne suffit pas que le recourant puisse citer un ou deux cas où une peine particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit à l'égalité de traitement (ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 142 s. et les arrêts cités ; cf. aussi ATF 123 IV 49 consid. 2e p. 52 s.). Les disparités en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation des peines, voulu par le législateur ; elles ne suffisent pas en elles-mêmes pour conclure à un abus du pouvoir d'appréciation. Ce n'est que si le résultat auquel le juge de répression est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas déjà examinés par la jurisprudence, que l'on peut parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 123 IV 150 consid. 2a p. 152 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 consid. 2.3.1).

 

Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le juge doit respecter, en particulier, le principe d'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst. féd. ; cf. au regard de l'art. 63 aCP, ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 144 et les arrêts cités). Appelé à juger les co-auteurs d'une même infraction ou deux co-accusés ayant participé ensemble au même complexe de faits délictueux, il est tenu de veiller à ce que la différence des peines infligées aux deux intéressés soit justifiée par une différence dans les circonstances personnelles. La peine doit en effet être individualisée en fonction de celles-ci, conformément à l'art. 47 CP (ATF 121 IV 202 consid. 2b p. 244 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.199/2006 du 11 juillet 2006 consid. 4 in fine). Inversement, s'il condamne deux co-accusés à des peines identiques, il doit s'assurer que cette égalité soit justifiée par une équivalence globale des éléments pertinents pour la fixation de la peine (arrêt du Tribunal fédéral 6B_569/2008 du 24 mars 2009 consid. 1.2).

 

7.4 A titre liminaire, la CPAR retiendra que le Tribunal criminel a fixé les peines respectives des appelants sans suivre les réquisitions prises par le Ministère public. Il en a réduit les quotités de manière substantielle, ce qui se justifie partiellement par les acquittements prononcés, même si ceux-ci portaient surtout sur des infractions mineures. De manière générale, la juridiction d'appel est cependant d'avis que les sanctions des premiers juges ne tiennent pas suffisamment compte de la gravité et de l'intensité de l'activité criminelle, de sa durée exceptionnelle - la détermination des appelants n'ayant pas faibli au cours des mois -, et des circonstances particulièrement sordides consistant à supprimer une vie humaine pour des motifs égoïstes pour l'un et des motifs financiers pour les autres participants.

 

Au vu de ce qui précède, les peines fixées en première instance seront donc d'une manière générale réévaluées à la hausse, ainsi que l'appel du Ministère public le permet.

 

7.4.1 La faute de B______ est extrêmement lourde, dans la mesure où il n'a pas hésité à répondre favorablement à un mandat consistant à tuer un tiers, ce qui représente le défi ultime. Il a fait preuve d'une grande détermination, puisque les repérages et les projets se sont succédés, notamment dans les derniers mois de 2011 et les premières semaines de 2012. Il n'a pas hésité à user de sa force ainsi que d'un couteau, laissant sa victime pour morte sans se préoccuper de ses souffrances et blessures. Certes, sa situation économique et administrative était précaire, mais rien ne l'obligeait à agir comme il l'a fait, surtout qu'il avait pu bénéficier d'un emploi à son arrivée en Suisse, moyennant une rémunération correcte compte tenu des circonstances.

 

La tentative de lésions corporelles simples aggravées vient s'ajouter aux deux autres infractions pour lesquelles sa culpabilité avait déjà été retenue en première instance. En utilisant une arme dans un lieu public, l'appelant a fait preuve d'un comportement dangereux, comme s'il s'était senti autorisé à faire sa loi sans tenir compte des risques que cela impliquait. Pour ce fait déjà, sa peine doit être augmentée, au-delà du fait que le concours d'infractions lui était déjà opposable en première instance.

 

Des éléments peuvent être retenus à sa décharge, outre l'absence d'antécédents judiciaires. Il n'avait pas le même intérêt que l'instigateur principal à agir, son mobile étant purement financier. Le montant promis représentait pour lui une somme importante qui a pu l'inciter à accepter le mandat en espérant pouvoir ainsi améliorer sa situation et aider les membres de sa famille restés au pays. A cet égard, la perte d'un être cher pendant sa détention a assurément représenté une épreuve douloureuse. Sa collaboration, même dans les limites qu'il a manifestées au cours des débats d'appel, a été plutôt bonne. Ces éléments autorisent la CPAR à limiter la hausse de la peine venant sanctionner son comportement coupable.

 

7.4.2.1 Il a déjà été souligné la part prépondérante prise par l'appelant E______ dans les faits reprochés. Il en est l'inspirateur et celui qui, contre vents et marées, a soutenu le projet alors même qu'il aurait eu moult occasions de demander l'arrêt de la mission confiée. Le fait qu'il ait persisté après qu'il avait éprouvé des doutes rend son comportement encore plus odieux. Son épouse n'est pas décédée, mais ce n'est assurément pas grâce à lui que l'issue fatale a été évitée. En acceptant que le projet criminel aille jusqu'à son terme, en ne faisant rien pour en atténuer la portée, l'appelant E______ a écrit le pire des scénarios. Le mode d'exécution, particulièrement ignoble, était porteur d'intenses souffrances prévisibles. Ce n'est assurément pas en dictant ses conditions (absence des enfants, cambriolage feint, modus à l'intérieur) que l'appelant peut se prévaloir d'humanité, tant il apparaît que ces conditions avaient quasi exclusivement pour but de le soustraire aux investigations de la police ou de ne réduire que de façon infime les souffrances des enfants auxquels il enlevait leur mère. Son mobile était égoïste et financier, dans la mesure où sa crainte de ne plus revoir ses enfants était largement infondée ainsi que cela a déjà été démontré.

 

La durée de l'activité criminelle est particulièrement significative, dès lors qu'il est rare que la période pénale s'étende sur plus d'une année, pendant laquelle l'appelant E______ n'a eu de cesse de réclamer un passage à l'acte et de s'emporter contre l'inaction des exécutants. Pendant ces longs mois, il a côtoyé celle qu'il avait décidé d'éliminer, partagé sa demeure, prenant systématiquement soin d'informer les exécutants de son absence pour qu'ils agissent. Il y a dans ce comportement une froideur et un cynisme accablants, comme en témoigne le cadeau offert en décembre 2011 et les souhaits de bonheur qui s'y rattachaient.

 

On ne décèle pas chez lui une réelle prise de conscience qui aille au-delà du respect de ses engagements financiers. Il a été long à passer des aveux circonstanciés, et encore n'étaient-ils pas complets puisqu'il a cherché à faire croire à un sursaut de dernière minute dont il espérait une atténuation significative de culpabilité. Peu d'éléments à décharge sont à mettre à son actif, sinon son défaut d'antécédents judiciaires, l'absence de concours et les efforts accomplis en direction de l'ex-partie plaignante, encore que ceux-là doivent aussi s'apprécier à l'aune de la perspective encourageante de pouvoir renouer contact avec ses enfants. Certes, l'échec de son couple a pesé sur son humeur, en plus d'une situation professionnelle qui s'était profondément péjorée même si des nouveaux projets étaient en cours de réalisation.

 

7.4.2.2 L'appelant E______ a vécu quatre mois dans le déni le plus complet, entre février et juin 2012. Il n'a eu de cesse de repousser la reconnaissance de sa part de responsabilité dans l'entreprise criminelle qu'il a initiée, attendant mars 2013 pour passer à des aveux, quoiqu'encore incomplets. Il s'est contenté jusque-là d'aveux partiels qu'il a distillés par bribes, attendant mars 2013 pour avouer que la mission consistait bien à tuer sa femme, conformément aux déclarations en ce sens de A______ plus de huit mois auparavant. Le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas été spontané dans sa reconnaissance des faits, sans compter qu'il continue à soutenir avoir donné un contrordre, ce que la juridiction d'appel tient pour mensonger.

 

Son implication sur le plan financier est meilleure, quoiqu'il n'ait pas établi avoir finalement donné un centime de plus que ce à quoi il avait été condamné au pénal, le fait que la convention passée avec son épouse n'ait pas été versée à la procédure empêchant de tirer une autre conclusion. Selon ses déclarations à l'audience d'appel, une part du règlement a été opérée par compensation de créances, ce qui diminue la portée de son sacrifice. En tout état, l'accord avec son épouse n'est intervenu que quelques jours avant les débats d'appel, ce qui laisse à penser que son engagement financier n'était pas aussi désintéressé qu'il le soutient.

 

Au vu de ce qui précède, l'attitude de l'appelant E______ ne répond pas aux réquisits du repentir sincère développés par la jurisprudence, de sorte que cette circonstance atténuante lui sera refusée.

 

7.4.2.3 En conclusion, les quelques éléments positifs évoqués plus-haut ne parviennent pas à contrebalancer la force des éléments négatifs, ce qui conduit la CPAR à augmenter sa peine d'une manière significative. En revanche, il lui sera donné acte du règlement financier intervenu avant les débats d'appel, de sorte que l'affectation des fonds séquestrés auprès de Me BR______, notaire, au paiement de l'indemnité de procédure due à F______ en vertu de l'art. 433 CPP sera levée.

 

7.4.3 Au même titre que celle des autres participants, l'intention criminelle de l'appelant D______ s'est inscrite dans la durée. Il a eu un rôle déterminant dans l'exécution du mandat, dans la mesure où il a recruté son cousin à cette fin. Tout au long des mois qui se sont écoulés, il n'a pas failli dans sa tâche, que ce soit comme bras droit de son cousin ou dans ses contacts téléphoniques avec l'appelant A______ auprès duquel il rapportait les derniers événements. Son comportement après les faits dénote une grande froideur, n'hésitant à faire la fête à M______ une fois le forfait accompli, à l'instar de son cousin.

 

L'appelant D______ n'a fait preuve d'aucune prise de conscience, niant jusqu'au terme des débats d'appel son implication. Sa collaboration durant l'instruction a été nulle, dans la mesure où il n'a fait que contester des faits dont certains avaient pourtant été objectivés, tels les relevés téléphoniques qui ont témoigné de sa présence à de très nombreuses reprises vers le domicile de la future victime sans que ses justificatifs ne soient probants. Pour trouver une porte de sortie, il a adapté son discours au fur et à mesure des éléments venant contredire ses déclarations, au point de perdre toute crédibilité.

 

Son mobile était financier, dans la mesure où il espérait pouvoir améliorer une situation financière fortement obérée, quoiqu'il en dise. Au-delà des soucis financiers, il bénéficiait d'une situation enviable, que ce soit sur le plan familial ou administratif. Décrit comme un gros travailleur, il a préféré la voie de la facilité, sans qu'on ne décèle au fil des mois une variation dans sa détermination. Au regard de son statut administratif en Suisse, son comportement criminel s'explique difficilement.

 

Son casier judiciaire n'est pas vierge, contrairement aux autres participants. Certes, les condamnations antérieures sont de moindre gravité, encore que l'appelant D______ ait déjà été condamné pour une affaire de violences corporelles, certes à une date très éloignée.

 

Au regard de ce qui précède, sa peine doit être réévaluée dans une mesure comparable à la hausse frappant celle de B______.

 

7.4.3 L'implication de l'appelant A______ dans la présente cause est incompréhensible, dans la mesure où il a fait preuve depuis son installation en Suisse d'un comportement exemplaire. Il est inséré socialement et très apprécié dans son travail, bénéficiant de compétences indéniables dans le domaine de la construction ainsi qu'en a témoigné son patron actuel, ou allégué tel, à l'audience d'appel.

 

Sa faute s'explique certainement par le respect qu'il manifeste à l'égard de l'appelant E______, l'ascension sociale dont il a pu bénéficier n'y étant pas étrangère. Il lui a été difficile dans ces circonstances de résister au projet funeste de celui pour lequel il témoignait de l'admiration. Cela étant, il aurait dû lui résister, en acceptant au pire que son mentor lui en veuille. Sa faute est lourde, puisque s'il n'avait été là pour accepter ce projet et faire en sorte de lui donner corps, rien ne se serait passé ou, en tout cas, rien ne se serait déroulé de la même façon. Comme pour les autres participants, son action s'inscrit dans la durée, sans qu'il n'ait saisi les occasions de faire en sorte que l'activité criminelle cesse.

 

L'appelant A______ a accepté de collaborer après une courte période d'atermoiements. Le 12 juillet 2012, il a fait une déposition qui témoigne d'un état d'esprit positif et courageux, passant des aveux qu'il a maintenus tout au long de l'instruction, y compris s'agissant de faits alors inconnus de la police et mettant en cause les autres appelants dont certains se sont affrontés à lui. Le versement d'une somme importante à la victime participe aussi des efforts fournis. Sa collaboration pourrait être tenue pour exemplaire s'il n'avait cherché à améliorer sa condition – et celle de l'appelant E______ – en s'appuyant sur un événement inexistant. Pour entrer en matière sur un repentir sincère, il aurait fallu qu'il ne persiste pas à prétendre, jusque et y compris durant les débats d'appel, qu'il y avait eu contrordre. Sa persistance à le soutenir témoigne d'une démarche introspective incomplète, puisqu'elle ne représente que la volonté, partagée avec l'appelant E______, de trouver une échappatoire à une lourde condamnation. Au regard de ce qui précède, l'appelant A______ sera débouté de ses conclusions tendant à l'octroi du bénéfice de la circonstance atténuante du repentir sincère.

 

La peine de l'appelant A______ aurait dû être réévaluée dans la même proportion que pour les appelants B______ et D______. Mais sa bonne collaboration à l'enquête, outre un casier judiciaire vierge, justifie qu'elle reste inchangée.

 

Il ne sera pas donné suite à sa demande de libération des sûretés fournies pour sa libération provisoire, les conditions de l'art. 239 al. 1 CPP n'étant pas réalisées, dans la mesure où il n'a pas commencé à ce jour l'exécution de la sanction de privation de liberté à laquelle il est condamné. Enfin, la CPAR éprouve les plus grands doutes concernant la réalité de l'existence des nommés AS______ et AT______ dans il a été fait état initialement. Dans cette mesure, on doit retenir que l'appelant A______ s'est enrichi de l'argent reçu des mains de l'appelant E______, ce qui conduit la CPAR à ordonner une créance compensatrice à concurrence du montant versé, le montant a minima de CHF 30'000.- étant retenu à ce titre au bénéfice du doute.

 

8. Les appelants B______, E______, D______ et A______, qui succombent pour l'essentiel, supporteront les frais de la procédure envers l'Etat (art. 428 CPP), à raison d'un quart chacun, lesdits frais comprenant le versement d'une indemnité de CHF 20'000.- (art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 [RTFMP ; RS E 4 10.03]).

9. 9.1 Les frais imputables à la défense d'office sont des débours (art. 422 al. 2 let. a CPP) qui constituent des frais de procédure (art. 422 al. 1 CPP) et doivent, conformément à l'art. 421 al. 1 CPP, être fixés par l'autorité pénale dans la décision finale au plus tard (ATF 139 IV 199 consid. 5.1 p. 201-202). La juridiction d'appel est partant compétente, au sens de l'art. 135 al. 2 CPP, pour statuer sur l'activité postérieure à sa saisine.

9.2.1 Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 65.- (let. a) et chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

 

9.2.2 A teneur de la jurisprudence, est décisif, pour fixer la rémunération de l'avocat, le nombre d'heures nécessaires pour assurer la défense d'office du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2007 du 19 novembre 2007 consid. 4). Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu ainsi que de la responsabilité assumée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2 et les références citées). Toutefois, si, comme à Genève, la réglementation prévoit un tarif réduit, celui-ci s'applique sans égard à l'issue du procès (ATF 139 IV 261 consid. 2 p. 261 ss). L'autorité judiciaire doit prendre en compte la liste de frais présentée et motiver au moins brièvement les postes sur lesquels elle n'entend pas confirmer les montants ou les durées y figurant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3 et les références citées). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3 et les références citées).

 

Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparait raisonnablement nécessaire à l'accomplissement de son mandat par un avocat expérimenté. En outre, seules sont prises en compte les opérations directement liées à la procédure pénale, l'avocat devant ainsi veiller au respect du principe de proportionnalité (R. Hauser / E. Schweri / K. Hartmann, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., Bâle 2005, no 5 ad § 109). On exige de sa part qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. Valticos / C. Reiser / B. Chappuis (éds), Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, no 257 ad art. 12). Il faut toutefois tenir compte de ce que le défenseur se doit d'examiner toute opération qui pourrait être utile à son client. Partant, le reproche d'avoir entrepris des démarches superflues doit être fait avec retenue et l'avocat bénéficie d'une certaine marge d'appréciation pour arrêter ses honoraires. Une intervention du juge ne se justifie que s'il existe une disproportion entre la valeur des services rendus et la rémunération (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.8 du 21 juillet 2015 consid. 5.3 et les références citées).

 

A l'instar de la jurisprudence précitée, l'art 16. al. 2 RAJ prescrit également que seules les heures nécessaires à la défense devant les juridictions cantonales sont retenues et sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

 

9.2.3 Reprenant l'activité de taxation suite à l'entrée en vigueur du CPP, la CPAR a maintenu dans son principe l'ancienne pratique selon laquelle l'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure était forfaitairement majorée de 20% jusqu'à 30 heures d'activité, 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Cette pratique s'explique par un souci de simplification et de rationalisation, l'expérience enseignant qu'un taux de 20% jusqu'à 30 heures de travail dans un même dossier, 10% au-delà, permet de couvrir les prestations n'entrant pas dans les postes de la procédure et répondant à l'exigence de nécessité et d'adéquation.

 

Dans une ordonnance du 3 août 2015 (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.35 du 3 août 2015 consid. 5.3), le Tribunal pénal fédéral a certes considéré que l'activité déployée avant la saisine de la juridiction d'appel n'entrait pas en considération pour la détermination du taux forfaitaire à appliquer aux diligences prestées en deuxième instance. Cette décision ne tient cependant pas compte de deux éléments. D'une part, la CPAR ne fait que s'inspirer, en les adaptant, faisant de la sorte usage de ses prérogatives de juge, des directives du Service de l'assistance juridique antérieures à l'adoption du CPP, lesquelles n'ont pas force de loi ni de règlement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5). D'autre part, en tout état, la pratique a toujours été de faire masse de toutes les heures consacrées par le même avocat au même dossier, étant rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du CPP, la taxation avait lieu à la fin de la procédure cantonale, par le prononcé d'une décision unique. Aussi la CPAR continue-t-elle de tenir compte de l'ensemble de l'activité pour arrêter la majoration forfaitaire à 10 ou 20%, estimant que le fait qu'une décision de taxation intervienne séparément pour l'activité antérieure à sa saisine n'a pas de pertinence, cette circonstance n'ayant aucune influence sur la quantité de travail effectué par l'avocat en deuxième instance.

 

9.2.4 Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références citées). La jurisprudence admet que la rémunération y relative soit inférieure à celle des diligences de l'avocat, dans la mesure où elle ne fait pas appel à ses compétences intellectuelles relevant de l'exécution du mandat stricto sensu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2.2). L'allocation d'un montant forfaitaire par vacation (aller-retour) est admissible (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.182 du 16 avril 2014 consid. 3.2.1). Le règlement genevois ne disposant pas quelle doit être la rémunération des vacations, la Cour doit combler cette lacune. Il apparaît justifié de considérer que la rémunération du seul déplacement doit être réduite de 50% par rapport à la rémunération des prestations intellectuelles relevant du mandat stricto sensu. Vu l'exiguïté du territoire cantonal et le fait que la plupart des études sont installées au centre-ville, soit à une distance de, au plus, une quinzaine de minutes à pied ou en empruntant les transports publics, du Palais de justice et des locaux du Ministère public (cf. notamment l'itinéraire "Rive -> Quidort" ou "Bel-Air -> Quidort" selon le site www.tpg.ch) la rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour (soit 30 minutes au total) au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est donc arrêtée à CHF 50.- pour les chefs d'étude, CHF 35.- pour les collaborateurs et CHF 20.- pour les avocats-stagiaires.

 

iii. Indemnisation du défenseur d'office pour l'activité déployée en appel

 

9.3 Le temps consacré aux diverses déclarations d'appel et à l'ordonnance de la CPAR ne sera pas indemnisé, la lecture et la prise de connaissance de ces documents étant incluses dans la majoration forfaitaire pour l'activité diverse et ne faisant donc pas l'objet d'une indemnisation distincte. Il en va de même des 30 minutes consacrées à la rédaction de la déclaration d'appel, dans la mesure où celle-ci n'a pas à être motivée et constitue une prestation incluse dans la majoration forfaitaire.

 

En revanche, le temps consacré à la prise de connaissance du jugement motivé du Tribunal criminel, les dix heures décomptées pour la relecture des pièces essentielles de la procédure et celles (douze) consacrées à la préparation des audiences ne semblent pas excessives au vu de la nature, de l'importance et de la difficulté de la cause. Elles seront dès lors admises dans leur intégralité, à l'instar des visites à la prison de Champ-Dollon des 18 décembre 2014 et 22 septembre 2015, la première d'entre elles devant l'être même si elle intervient avant la saisine de la juridiction d'appel faute de quoi elle ne serait indemnisée par aucune juridiction compétente. Il convient enfin de prendre en compte les 40 heures passées en audiences pendant la semaine du 5 au 9 octobre 2015 ainsi que le 16 octobre 2015.

 

En conclusion, l'indemnité due à Me C______ pour l'activité qu'il a déployée en procédure d'appel sera arrêtée à CHF 15'681.60, correspondant à 66 heures d'activité de chef d'étude au tarif de CHF 200.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 10% au regard de l'activité déployée en première instance [CH 1'320.-] et l'équivalent de la TVA au taux de 8% [CHF 1'161.60].

 

iv. Recours de Me C______ contre l'indemnisation du défenseur d'office pour l'activité déployée en première instance

 

9.4 En l'occurrence, la réduction de 15 heures du temps de préparation aux audiences au motif que ce serait exagéré est difficilement compréhensible, eu égard aux enjeux du dossier, à la nature et à la difficulté de la cause. Me C______ explique dans son recours qu'il consacre tout le temps nécessaire à la préparation des audiences, même lorsque des témoins y sont entendus, ce qui ne lui est objectivement pas reprochable. On n'en attend pas moins d'un avocat dans une affaire criminelle. Il s'ensuit que les 15 heures seront ajoutées au décompte, dans une proportion de 2/3 – 1/3 au tarif respectif du chef d'étude et du stagiaire [CHF 2'000.- + CHF 325.-]. Il y a lieu d'ajouter encore les trois heures de préparation et de durée de l'audience du 6 juin 2013, dont Me C______ admet que la tâche a été confiée à son ancien stagiaire (CHF 195.-).

 

Le temps de vacation (13 heures) doit aussi être rétabli, conformément à la pratique de la CPAR et à la jurisprudence du Tribunal pénal fédéral. Dans l'incertitude reconnue de savoir qui de l'avocat chef d'étude ou du stagiaire est l'auteur des vacations litigieuses, une répartition 2/3 – 1/3 sera aussi opérée, de sorte que CHF 530.- seront ajoutés au montant de l'indemnisation (neuf heures à CHF 50.- et quatre à CHF 20.-).

Le recourant ne sera en revanche pas suivi sur le taux de la déduction forfaitaire, puisque seul le taux de 10% doit être retenu selon la pratique constante de la CPAR.

 

En conclusion, l'indemnité sera arrêtée, en complément de celle octroyée par le Tribunal criminel, à 15 heures d'activité [CHF 2'325.-] et 13 heures de vacations [CHF 530.-], le tout au tarif précité. A ce décompte s'ajoutent trois heures d'activité au tarif de CHF 65.- [CHF 195.-]. Il y a lieu d'ajouter à ce montant de CHF 3'050.- la majoration forfaitaire de 10% [CHF 305.-] et l'équivalent de la TVA au taux de 8% en CHF 268.40.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Statuant sur le siège :

Reçoit les appels formés par E______, D______, B______, A______ et le Ministère public contre le jugement rendu le 10 octobre 2014 par le Tribunal criminel dans la procédure P/2396/2012.

Rejette les appels de E______, D______, B______ et A______.

Admet partiellement l'appel du Ministère public.

Annule le jugement du Tribunal criminel dans la mesure où il a prononcé l'acquittement de B______ du chef d'accusation de tentative de meurtre (let. B II. de l'acte d'accusation), où il a prononcé des peines privatives de liberté de 11 ans à l'encontre de E______ et B______, de 7 ans à l'encontre de D______ et où il a affecté à due concurrence les fonds séquestrés auprès de Me BR______, notaire, au paiement de l'indemnité de procédure due à F______ en vertu de l'art. 433 CPP.

Et statuant à nouveau :

Reconnaît B______ coupable de tentative de lésions corporelles simples aggravées.

Condamne E______ à une peine privative de liberté de 14 ans, sous déduction de 1194 jours de détention subie avant jugement (3 ans, 3 mois et 7 jours).

Condamne B______ à une peine privative de liberté de 13 ans, sous déduction de 1245 jours de détention subie avant jugement (3 ans, 4 mois et 28 jours).

Condamne D______ à une peine privative de liberté de 9 ans, sous déduction de 1206 jours de détention subie avant jugement (3 ans, 3 mois et 19 jours) dont 123 jours en exécution anticipée.

Prononce à l'encontre de A______ une créance compensatrice de CHF 30'000.-, en faveur de l'Etat de Genève.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Ordonne, par décision séparée, le maintien de E______ en détention pour motifs de sûreté.

Ordonne, par décision séparée, le maintien de B______ en détention pour motifs de sûreté.

Condamne E______, D______, B______ et A______ aux frais de la procédure d'appel, à raison du quart chacun, lesquels comprennent un émolument de CHF 20'000.-.

Notifie le présent arrêt à E______, D______, B______, A______ et au Ministère public.

Le communique, pour information, à la prison de Champ-Dollon, au SAPEM et à l'OCPM.

Statuant le 18 mars 2016 :

Reçoit le recours formé par Me C______ contre la décision d'indemnisation DTCR/1/2015 rendue par le Tribunal criminel dans la procédure P/2396/2012.

L'admet partiellement.

Et statuant à nouveau :

Arrête à CHF 3'623.40, TVA comprise, le montant complémentaire des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de B______, pour son activité déployée en première instance.

 

Arrête à CHF 15'681.60, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de B______, pour son activité déployée en procédure d'appel.

 

Siégeant :

Monsieur Jacques DELIEUTRAZ, président ; Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE et Monsieur Pierre MARQUIS, juges ; Madame Marie-Louise QUELOZ, Madame Alexandra HAMDAN, Monsieur Roland-Daniel SCHNEEBELI et Monsieur Pascal JUNOD, juges assesseurs ; Monsieur Vincent DELALOYE, greffier-juriste.

 

Le greffier :

Jean-Marc ROULIER

 

Le président :

Jacques DELIEUTRAZ

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP ; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

P/2396/2012

ETAT DE FRAIS

AARP/550/2015

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal criminel :

Condamne E______, D______, B______ et A______ aux frais de 1ère instance, à raison du quart chacun.

CHF

240'468.10

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

860.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

55.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

20'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

20'990.00

Condamne E______, D______, B______ et A______ aux frais de la procédure d'appel, à raison du quart chacun.