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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1833/2023

JTAPI/276/2024 du 26.03.2024 ( LDTR ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : NULLITÉ;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION
Normes : LDTR.39; LPA.60
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1833/2023 LDTR

JTAPI/276/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Pascal PÉTROZ, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCLPF

C______ SA, représentée par Me David BENSIMON, avocat, avec élection de domicile

D______ SA, représentée par Me Raphaël CRISTIANO, avocat, avec élection de domicile

E______, appelée en cause, représentée par Me Romolo MOLO, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             La société D______ SA a acquis « en bloc », en 1999 par voie de cession d'actions, 31 appartements dont les nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ d'un immeuble situé 7______, F______.

Cet immeuble qui comportait 34 appartements a été soumis au régime de la propriété par étage en octobre 1984.

2.             Par arrêté du ______ 2022 (VA 8______), le département du territoire (ci-après : le département) a autorisé D______ SA à aliéner trois appartements, soit le n° 1______ de quatre pièces au 1er étage, le n° 3______ de trois pièces au 5ème étage et le n° 4______ de quatre pièces au 6ème étage, compris dans l'immeuble précité à C______ SA.

Les droits et obligations découlant du contrat de bail actuellement en cours et conclu au bénéfice de divers locataires seraient repris par l'acquéreur.

3.             Cet arrêté de vente a fait l'objet d'un recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) interjeté par l'E______ le 29 septembre 2022. La procédure a été enregistrée sous la cause A/9______.

4.             Dans le cadre de cette procédure, des conclusions d'accord ont été prises aux termes desquelles :

« 1. Le recours de E______ faisant l'objet de la présente procédure est retiré avec désistement.

2. C______ SA s'engage à acquérir, et D______ SA à lui vendre, en un seul bloc, tous les autres appartements dont D______ SA est propriétaire dans l'immeuble 7______, F______ sur la parcelle 10_____, feuille 12, soit notamment les lots G______, H______ et I______, (…).

3. Lesdits appartements seront réunis avec les trois lots faisant l'objet de la présente procédure en bloc de 6 appartements. Ce bloc de 6 appartements ne pourra ultérieurement être aliéné qu'en bloc.

(…)

6. Toute aliénation par D______ SA des lots mentionnés sous 2 à d'autres personnes physiques ou morales autres que C______ SA sera nulle et de nul effet.

(…) ».

5.             Par jugement du ______ 2022 (JTAPI/11______), le tribunal a donné acte aux parties de leurs conclusions d'accord déposées le 25 novembre 2022, qui faisaient intégralement partie du dispositif de ce jugement, condamné en tant que de besoin les parties à exécuter ces dernières et rayé la cause du rôle.

6.             Par requête complémentaire du 6 février 2023 adressée au département, D______ SA, sous la plume de son notaire, a sollicité l'autorisation d'aliéner les trois appartements nos 2______, 5______ et 6______ en complément des lots nos 1______, 3______ et 4______, en faveur de C______ SA.

7.             Par arrêté du ______ 2023 (VA 12_____), le département a annulé et remplacé l'autorisation d'aliéner du ______ 2022 en autorisant D______ SA à vendre six appartements, soit les n° 1______ de quatre pièces au 1er étage avec loggia, n° 2______ de trois pièces au 3ème étage avec loggia, n° 3______ de trois pièces au 5ème étage, avec loggia, n° 4______ de quatre pièces au 6ème étage, n° 5______ de trois pièces au 7ème étage, avec loggia et n° 6______ de quatre pièces au 8ème étage, avec loggia dans l'immeuble en question à C______ SA.

8.             Cet arrêté a été publié dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du ______ 2023. Il était précisé que cette décision étant une mesure d'exécution d'un jugement définitif, elle n'était pas sujette à recours en vertu de l'art. 59 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

9.             En date du 24 mai 2023, Madame A______ et son fils Monsieur B______ ont recouru, sous la plume de leur conseil, contre l'arrêté du ______ 2023 auprès du tribunal, concluant principalement à ce que sa nullité soit constatée en ce qu'il autorisait la vente des lots nos 2______ et 5______, subsidiairement à son annulation, en ce qu'il autorisait la vente des lots nos 2______ et 5______. Préalablement, ils ont sollicité du tribunal qu'il constate l'effet suspensif du recours et qu'il ordonne la production de la transaction globale passée entre D______ SA, C______ SA et E______, ainsi que celle du jugement du tribunal de céans y relatif ; le tout sous suite de frais et dépens.

Cette procédure a été inscrite sous A/1833/2023.

Mme A______ avait pris en location l'appartement de trois pièces au 3ème étage (lot 2______) de l'immeuble en question par contrat de bail du 4 août 2020.

Par contrat de bail du même jour, M. B______ avait pris en location l'appartement de trois pièces au 7ème étage (lot 5______) du même immeuble.

Lors de la signature des baux, D______ SA leur avait octroyé une option d'achat jusqu'au 31 mars 2024 sur les appartements précités. S'agissant de la vente du lot n° 5______ loué à M. B______, il était prévu une réduction de CHF 20'000.- sur le prix de vente si celui-ci entreprenait des travaux de valorisation d'une valeur au moins équivalente. Tel devait être le cas dès lors que le département avait délivré une autorisation de rénovation APA/13_____/1 en date du ______ 2020. M. B______ avait entrepris des travaux à ses frais pour un montant d'environ CHF 50'000.- dans son appartement.

La décision contestée ne pouvait être qualifiée de mesure d'exécution non sujette à recours comme mentionné par le département. En effet, le jugement du tribunal du ______ 2022 (JTAPI/11______) avait été rendu suite au recours de E______ contre un arrêté de vente du département mettant en présence D______ SA et C______ SA concernant les lots nos 1______, 3______ et 4______, à l'exclusion des lots qu'ils occupaient.

Ils ne pouvaient dès lors pas se voir reprocher de ne pas avoir pris part à la procédure devant le tribunal. En effet, une décision rendue en application d'un jugement définitif ne pouvait pas être qualifié de décision d'exécution pour des recourants qui n'avaient pas participé à la première procédure sans faute de leur part. Selon la jurisprudence, un tel jugement n'avait pas acquis l'autorité de chose jugée à leur égard.

Lors de la signature des baux et conformément à l'art. 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), D______ SA leur avait octroyé une option d'achat jusqu'au 31 mars 2024 sur les appartements précités. Fondés sur l'accord passé avec D______ SA, ils disposaient ainsi de la qualité pour recourir aux fins de faire annuler la vente querellée et qu'il leur soit donné droit à l'acquisition des lots en question.

Le département avait violé l'art. 39 LDTR en autorisant la vente des lots nos 2______ et 5______ sur la base d'un jugement définitif qui ne portait pas sur ces lots et en autorisant cette vente à une autre personne que les locataires en place.

En considérant de manière erronée que la vente des lots nos 2______ et 5______ bénéficiait de l'autorité de la chose jugée et en s'épargnant une procédure d'autorisation fondée sur l'examen des conditions de l'art. 39 LDTR, le département avait violé la loi.

Leurs arguments au fond seront exposés dans la mesure utile dans la partie en droit.

10.         En date du 8 juin 2023, E______ a sollicité son appel en cause dans la procédure A/1833/2023. En effet, elle avait été partie au jugement d'accord rendu par le tribunal le ______ 2022, de sorte qu'elle avait un intérêt digne de protection à être partie à toute procédure concernant l'aliénation, respectivement le refus d'aliénation des appartements en question.

11.         En date du 12 juin 2023, faisant référence à la procédure A/1833/2023, Madame J______ et Monsieur K______ ainsi que Monsieur L______ ont saisi le tribunal d'une demande de restitution du délai de recours contre la VA 12_____, publiée le ______ 2023, subsidiairement d'appel en cause dans la procédure précitée, concluant par ailleurs, à ce que la nullité de la décision du département du ______ 2023 en ce qu'elle autorisait la vente du lot n° 6______ situé 7______, F______ soit constatée ; subsidiairement, à l'annulation de la décision du département du ______ 2023 en ce qu'elle autorisait la vente du lot n° 6______ ; le tout sous suite de frais et dépens.

12.         Invité à se déterminer sur les deux requêtes précitées, le département a indiqué le 13 juin 2023 qu'il adhérait à la demande d'appel en cause formée par E______.

Par ailleurs, en date du 16 juin 2023, il s'en est rapporté à justice quant à celle formulée par les époux J______et K______ et M. L______.

13.         Le 19 juin 2023, les recourants se sont ralliés à la demande des époux J______et K______ et de M. L______ et ont indiqué s'en remettre à justice quant à celle de E______.

14.         En date du 28 juin 2023, C______ SA s'est opposée à la demande de restitution de délai ainsi qu'à l'appel en cause des époux J______et K______ et de M. L______. Pour le surplus, elle n'avait pas d'objection concernant l'appel en cause de E______.

15.         Le même jour D______ SA s'est opposée à l'appel en cause des époux J______et K______ et de M. L______. Par ailleurs, elle ne s'opposait pas à l'appel en cause de E______.

16.         Par courrier du 3 juillet 2023, le tribunal a indiqué aux époux J______et K______ et à M.  L______ qu’il avait enregistré leur demande du 12 juin 2023 en tant que recours sous A/14_____.

17.         Par décision du 3 juillet 2023 (DITAI/291/2023) dans la cause A/1833/2023, le tribunal a ordonné l'appel en cause de E______.

18.         En date du 27 juillet 2023, le département a transmis son dossier au tribunal ainsi que ses observations. Il a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet et à la condamnation des recourants aux dépens de l'instance.

Dans la mesure où l'arrêté du ______ 2023 constituait une mesure d'exécution d'un jugement définitif, le recours était irrecevable en application de l'art. 59 LPA.

C'était dans le cadre de conclusions d'accord ayant abouti au jugement du ______ 2022 qu'il avait délivré l'autorisation querellée. Les recourants n'avaient pas la qualité pour acquérir leur logement. En effet, ni l'un ni l'autre ne remplissait actuellement les conditions fixées par l'art. 39 al. 3 LDTR puisqu'ils étaient locataires depuis moins de trois ans des appartements situés dans l'immeuble en question.

19.         Le 1er septembre 2023, D______ SA s'est déterminée. Elle a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, le tout sous suite de frais et dépens.

Désirant se séparer de son parc immobilier à F______, elle avait initialement envisagé de vendre les appartements nos 2______ et 5______ aux locataires les occupant, soit Mme A______, respectivement M. B______. Dans cette perspective, elle leur avait accordé une option d'achat. Des discussions quant à la signature d'une promesse de vente et d'achat avaient eu lieu mais aucun acte notarié n'avait finalement été signé.

Par jugement du ______ 2022, le tribunal avait homologué une transaction conclue entre elle-même, C______ SA, E______ ainsi que le département, aux termes de laquelle C______ SA acquérait, notamment et dans le cadre d'une vente en bloc, les appartements nos 2______ et 5______; toute aliénation à un tiers étant nulle. Le tribunal avait également condamné les parties à exécuter la convention. La vente des appartements nos 2______ et 5______ selon la LDTR faisait partie du dispositif de ce jugement, lequel était entré en force et déployait autorité de chose jugée.

En conséquence, la publication effectuée par le département le ______ 2023 présentement querellée, ne réglait pas une question nouvelle, non prévue par une décision antérieure. En délivrant formellement l'autorisation de vente portant sur les appartements, elle ne faisait qu'exécuter le dispositif du jugement du tribunal dont la portée s'étendait aux appartements en question.

Le recours dirigé contre une mesure d'exécution devait pour ce motif déjà être déclaré irrecevable.

Les recourants motivaient leur qualité pour recourir par le fait qu'ils entendaient qu'il leur soit donné droit à l'acquisition des lots nos 2______ et 5______. Or, leur grief ne s'élevait pas contre une éventuelle sortie de l'appartement du marché locatif, mais contre l'absence de suite donnée par D______ SA à l'option d'achat signée au moment de la conclusion du bail. Ce n'était pas en tant que locataires ni en tant qu'acquéreurs, mais essentiellement en tant que potentiels acheteurs intéressés qu'ils agissaient. Dans cette mesure, ils n'étaient pas plus touchés que la généralité des administrés et ne pouvaient dès lors pas se plaindre d'une atteinte particulière. Admettre leur qualité pour recourir dans de telles circonstances reviendrait à autoriser toute personne intéressée par une acquisition à recourir. Le fait que des « options d'achat » aient été conclues n'y changeait rien. À défaut d'acte authentique (art. 216 al. 2 CO), ces documents ne faisaient pas naître d'obligation de contracter une vente immobilière. Les recourants se trouvaient dès lors dans la même situation que d'autres tiers intéressés.

L'art. 39 al. 3 LDTR prévoyait que, à certaines conditions, le locataire d'un appartement était autorisé à en faire l'acquisition. La loi ne prévoyait toutefois aucune obligation pour le propriétaire d'aliéner un appartement au locataire, ni même de lui donner la priorité sur d'autres acquéreurs intéressés. Aucune disposition n'introduisait d'ailleurs de droit d'être entendu du locataire lorsque l'appartement était vendu à une tierce personne. Le tribunal n'avait pas non plus jugé pertinent d'appeler en cause les recourants dans la procédure A/9______ avant de ratifier les conclusions d'accord des parties concernant en question.

Les recourants ne disposaient pas non plus d'intérêt personnel direct et actuel à l'annulation de la vente, respectivement au constat de nullité. En effet, si le recours était admis et la vente annulée cela ne conduirait pas directement à l'acquisition de l'appartement par les recourants. D'une part, le transfert de propriété de ce bien en faveur de C______ SA avait été requis auprès du registre foncier, de sorte qu'elle avait d'ores et déjà disposé du lot nos 2______ et 5______ et ne saurait en conséquence en transférer la propriété. Le serait-elle toujours qu'elle ne serait pas dans l'obligation de leur vendre l'appartement dès lors qu'une convention portant sur un bien immobilier et conclue sous la forme écrite ne déployait pas de force obligatoire. Sa liberté contractuelle lui permettait ainsi de vendre le bien en question à d'autres personnes.

D'autre part, l'acquisition de l'appartement par les recourants était subordonnée à la délivrance d'une autorisation de vente par le département, qui serait amené à examiner le respect des conditions de l'art. 39 LDTR. L'examen porterait en particulier sur la pondération entre les intérêts privés et publics à maintenir le bien sur le marché locatif. Il faudrait de surcroît recueillir l'approbation de la vente par 60 % des locataires. Cette condition n'était pas remplie à ce jour et sa survenance n'était qu'hypothétique. Au surplus, on ne discernait pas pour quelle raison les autorités délivreraient aux locataires une autorisation de vente qui avait pour effet de sortir l'appartement du marché locatif.

Ainsi, la décision contestée ne constituait pas un obstacle dont la levée conduirait immédiatement à la conclusion de contrats avec les recourants. Leur intérêt n'était ainsi ni direct ni ne s'inscrivait dans le but visé par la LDTR. En définitive, le seul intérêt des recourants était de tenter de contourner la voie civile qu'ils devraient emprunter pour faire valoir d'éventuelles prétentions contre elle en raison de la signature de l'option d'achat. Cet intérêt n'était pas protégé par la LDTR et n'avait pas vocation à occuper les juridictions administratives.

Ses arguments sur le fond seront examinés en tant que de besoin.

20.         Le même jour, C______ SA s'est déterminée sur le recours. Elle a conclu principalement à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Les recourants étaient au courant de la procédure de recours initiée par E______ à l'encontre de la VA 8______ et s'ils avaient requis leur appel en cause dans cette procédure, ils auraient alors pu faire valoir leurs droits à l'encontre du jugement du ______ 2022 (JTAPI/11______).

D'ailleurs, dans son recours, E______ lui avait notamment fait grief de ne pas acquérir l'intégralité des appartements, alors propriété de D______ SA, de sorte qu'il était faux d'affirmer que la procédure A/9______ ne portait pas sur les lots des recourants.

La VA 12_____ constituait ainsi une mesure d'exécution du jugement définitif du tribunal, non sujette à recours qui était également opposable aux recourants.

Le transfert de propriété des lots concernés était d'ores et déjà intervenu en sa faveur, de sorte que l'on peinait à comprendre comment les recourants pourraient justifier d'un intérêt digne de protection en se raccrochant à un acte conclu sous seing privé, dépourvu de tout effet faute d'avoir été passé en la forme authentique et échappant à la compétence des juridictions administratives.

Les recourants étaient dépourvus d'un intérêt actuel au moment du dépôt de leur recours, dans la mesure où le transfert de propriété des lots litigieux avait été déposé au registre foncier le ______2023 à 15h15. Pour ce motif également, le recours devait être déclaré irrecevable.

À la date du dépôt de leur recours, les recourants occupaient leur appartement, en tant que locataire depuis moins de trois ans. Ainsi, l'art. 39 al. 3 LDTR sur lequel ils se fondaient pour tenter de faire croire à leur droit d'acquérir les lots litigieux ne trouvait pas application en l'espèce.

21.         Le 19 septembre 2023, E______ s'est déterminée sur le recours. Elle s'en rapportait à justice quant à sa recevabilité et concluait à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Les accords et transactions entre D______ SA et les recourants ne conféraient à ces derniers aucuns droits et étaient même illicites. En effet, ces accords concernaient une acquisition future des appartements en cause conclus bien avant l'expiration de la durée de location de trois ans imposée par la loi, dans le but manifeste de la contourner et de mener à terme la vente à la découpe de l'immeuble par des professionnels de l'immobilier. Conformément à la jurisprudence, même une durée de location de 40 ans ne garantissait pas le droit d'acheter un appartement. Toutes prétentions éventuelles que les recourants pourraient élever à propos de la vente en question devaient être renvoyées devant le juge civil.

22.         En date du 2 octobre 2023, les recourants ont répliqué.

La décision querellée ne pouvait être qualifiée de mesure d'exécution à leur égard dès lors qu'ils n'avaient pas participé à la première procédure sans faute de leur part. Il ne pouvait pas leur être reproché de n'être pas intervenus dans la procédure A/9______ puisque que la décision querellée ne portait pas sur les lots dont ils étaient locataires. Ils n'avaient, alors, pas la qualité pour recourir, faute d'intérêt digne de protection.

Le fait qu'un accord confidentiel intervenu entre les intimés s'étende soudainement aux lots qu'ils entendaient acquérir sans qu'ils n'en soient informés, à tout le moins par une nouvelle décision publiée dans la FAO et sans qu'aucune autre voie de droit ne leur soit ouverte ultérieurement, violait gravement leur droit d'être entendu.

Au-delà du fait que selon la jurisprudence, le jugement JTAPI/11______ n'avait pas acquis l'autorité de chose jugée à leur égard, il convenait de retenir que leur droit d'être entendu ne pouvait être garanti, à tout le moins réparé que dans la mesure où ils avaient la possibilité de s'exprimer dans le cadre de la présente procédure.

Partant la décision entreprise était sujette à recours.

Ils entendaient faire constater la nullité de la décision entreprise, subsidiairement la faire annuler afin de pouvoir mener à bon terme la procédure d'acquisition de leurs lots à un prix qu'ils ne trouveraient pas ailleurs. L'option d'achat qui leur avait été octroyée et qu'ils avaient exercée le 13 septembre 2023 constituait de toute évidence une source de responsabilité contractuelle suffisante pour mener D______ SA à respecter ses engagements, étant précisé qu'ils demeuraient parfaitement en droit de solliciter une demande d'autorisation en application de l'art. 39 al. 3 LDTR.

Lors de la signature des baux, une option d'achat leur avait été précisément octroyée jusqu'au 31 mars 2024, soit après une période d'occupation de plus de trois ans pour leur permettre de bénéficier de l'art. 39 al. 3 LDTR.

Ils disposaient donc d'un intérêt certain, directs et actuel à obtenir gain de cause pour faire exécuter le droit qui leur avait été donné d'acquérir un bien immobilier au prix convenu. Pour cette raison, le tribunal devait leur reconnaître la qualité pour agir.

Sur le fond, les conditions d'une vente en bloc n'étaient pas réalisées.

23.         Le 12 octobre 2023, le département a renoncé à dupliquer.

24.         En date du 16 octobre 2023, E______ a dupliqué.

25.         En date du 13 novembre 2023, les recourants ont produit des observations complémentaires. Ils faisaient état d'une procédure de vente d'un appartement situé dans un immeuble sis à F______, 15_____ qui révélait, selon eux, la mauvaise foi des intimées.

Il y sera revenu dans la mesure utile.

26.         Le 27 novembre 2023, le département a campé sur ses positions.

27.         Le 13 décembre 2023, D______ SA s'est déterminée sur le courrier du 13 novembre précédent.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté devant la juridiction compétente, l’acte de recours, qui contient la désignation de l'acte attaqué et les conclusions des recourants, est recevable de ce point de vue, en application des art. 64 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les recourants concluent, à titre principal, à la constatation de la nullité de la décision du ______ 2023.

4.             D'après la jurisprudence, la nullité d'un acte commis en violation de la loi, qui peut être invoquée en tout temps, devant toute autorité et doit être constatée d'office (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_333/2007 du 24 juillet 2008 consid. 2.1), doit résulter ou bien d'une disposition légale expresse, ou bien du sens et du but de la norme en question. En d'autres termes, hormis les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (cf. ATF 121 III 156 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_538/2013 ; 6B_563/2013 du 14 octobre 2013 consid. 5.3 ; 2C_34/2013 du 21 janvier 2013 consid. 6.3). Ainsi, d'après la jurisprudence, la nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de procédure spécifiques comme l'incompétence de l'autorité qui a pris la décision conduisent à la constatation de la nullité de cette dernière (ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; 132 II 21 consid. 3.1 ; 129 I 361 consid. 2.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_538/20136B_563/2013 du 14 octobre 2013 consid. 5.3 ; 2C_34/2013 du 21 janvier 2013 consid. 6.3), mais tout vice de forme n'entraîne pas une telle conséquence.

L'illégalité d'une décision (reposant sur des vices de fond) ne constitue en revanche pas, par principe, un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (cf. not. ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 5 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1).

5.             En l’espèce, les recourants invoquent la nullité de la décision du ______ 2023 au motif que le département aurait gravement violé l'art. 39 LDTR. Or, conformément à la jurisprudence citée supra, la potentielle illégalité d’une décision reposant sur des vices de fond, comme cela serait le cas à suivre les arguments des recourants, ne saurait, même si ces vices devaient être avérés, conduire à la constatation de la nullité de l’acte en cause. En effet, il s’agit d’arguments qui doivent être invoqués par le biais des voies de droit ordinaire, ce que les recourants font d’ailleurs, dès lors qu’ils concluent également, dans le cadre de leur recours, à l’annulation de la décision attaquée.

Pour le surplus, force est de constater que l’autorisation litigieuse a été délivrée par l’autorité compétente, ce que les recourants ne contestent pas. En outre, aucun motif de nullité, au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, ne ressort des éléments au dossier et les recourants ne démontrent pas davantage, ni même invoquent, l’existence de tels motifs.

Partant, le tribunal ne saurait constater la nullité de la décision attaquée.

6.             Les intimés, dont le département, font valoir que la décision querellée serait une mesure d'exécution du jugement du ______ 2022 (JTAPI/11______), de sorte qu'elle ne serait pas sujette à recours.

Les recourants contestent cette qualification au motif que le jugement du tribunal précité ne leur serait pas opposable.

7.             À teneur de l’art. 59 let. b LPA, le recours n’est pas recevable contre les mesures d’exécution des décisions. L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’art. 53 al. 1 let. a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu (ATA/448/2007 du 4 septembre 2007 ; ATA/841/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/240/2004 du 16 mars 2004). La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre ATA/1033/2023 du 19 septembre 2023 et les arrêts cités).

Une décision de base ne peut en principe pas être remise en cause, à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute l’acte de base (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 398 et 399 n. 1150). Le contrôle des décisions administratives en force est aussi en principe exclu, que ce soit par un tribunal ou par une autorité administrative, notamment à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute la décision de base (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 231 n. 640). Si un recours n’est pas formé contre une décision de principe, le requérant est forclos pour se prévaloir de sa non-validité au moment où il voudra mettre en cause les décisions prises en conséquence de cette première décision. La décision de principe ne peut donc pas être revue incidemment à l’occasion d’un recours contre des décisions d’exécution (ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b).

8.             En l'occurrence, il doit être observé que même si les recourants ont pu avoir connaissance de la procédure de recours dirigée contre la VA 8______, il semble difficile de leur reprocher de ne pas y avoir participé, leur qualité pour recourir n'étant alors, à première vue, pas donnée et une éventuelle demande d'appel en cause vraisemblablement pas fondée, compte tenu de l'objet du litige.

Ceci dit, cette question souffrira de demeurer ouverte compte tenu de l'issue du litige.

9.             Dès lors que les recourants ont également conclu à l’annulation de la décision attaquée, il convient d’examiner, à ce stade, s'ils peuvent se prévaloir de la qualité pour recourir sous l’angle de l’art. 60 LPA.

10.         La qualité pour recourir est notamment reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 al. 1 let. b LPA).

11.         Cette notion d'intérêt digne de protection s'interprète à la lumière de la jurisprudence fédérale rendue en application de l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_246/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.1 ; 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 3.2 ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 ; ATA/289/2014 du 29 avril 2014 consid. 3 ; ATA/208/2011 du 29 mars 2011 consid. 4).

D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers entend recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3 ; 131 II 652 consid. 3.1 ; 131 V 300 consid. 3 ; 124 II 504 consid. 3b et les références citées). Il découle d'ailleurs du texte de l'art. 89 al. 1 let. b LTF que le législateur a voulu rendre encore plus stricte la condition de l'intérêt personnel au recours, puisqu'il est précisé que le recourant doit être « particulièrement atteint » par l'acte attaqué (ATF 133 II 468 consid. 1 et les auteurs cités ; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER Droit administratif, vol. 2, 2011, pp. 734 s.).

L'intérêt digne de protection, qui ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 142 V 395 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1), réside dans le fait d'éviter de subir directement un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre, qui serait causé par la décision entreprise. Il implique que le recourant, qui doit pouvoir retirer un avantage réel et pratique de l'annulation ou de la modification de la décision, doit se trouver dans une relation spécialement étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation et doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de façon à exclure l'action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 1.2.1 ; 1C_382/2020 du 16 novembre 2020 consid. 4.1 ; 1C_554/2019 du 5 mai 2020 consid. 3.1 ; 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). Tel n'est notamment pas le cas de celui qui n'est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 138 V 292 consid. 4 ; 130 V 202 consid. 3 ; 133 V 188 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1054/2016, 2C_1059/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/988/2016 du 22 novembre 2016 consid. 2d ; ATA/229/2016 du 15 mars 2016 consid. 4 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3d).

Le recours ne sert donc pas à faire contrôler abstraitement la légalité objective de l’activité étatique, mais plutôt à procurer un avantage pratique à la partie recourante. Le simple objectif d’empêcher l’adverse partie d’accéder à un avantage censément illicite ne suffit en outre pas à conférer la qualité pour recourir, si cet objectif ne se rattache pas à un avantage digne de protection pour le recourant (ATF 141 II 307 consid. 6.2 ; 141 II 14 consid. 4.4). Cela signifie que le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général et abstrait à la correcte application du droit ou dans l'intérêt de tiers est irrecevable, parce qu'assimilable à une action populaire (cf. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2 ; 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 ; 1C_236/2010 du 16 juillet 2010 consid. 1.4 et 1.5 et les références citées ; ATA/1218/2015 du 10 novembre 2015 consid. 8 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 3c).

12.         Par ailleurs, pour qu'un recours soit - ou demeure - recevable, il faut que l'intérêt digne de protection du recourant à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée, respectivement à faire examiner les griefs soulevés, soit actuel (cf. ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 ; 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 138 II 42 consid. 1 ; 135 I 79 consid. 1 ; ATA/1094/2020 du 3 novembre 2020 consid. 2 ; ATA/201/2017 du 16 février 2017 consid. 2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours, celui-ci étant irrecevable lorsque l'intérêt actuel fait défaut au moment du dépôt du recours, alors que si cet intérêt disparaît en cours de procédure, parce qu'un fait nouveau affecte l'objet du litige et lui enlève tout intérêt, le recours devient sans objet et doit être rayé du rôle (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 23 consid. 1.3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_611/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1 ; 8D_6/2019 du 4 février 2020 consid. 1.3 ; 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 1.2 ; 2C_228/2017 du 21 juillet 2017 consid. 1.4.2).

13.         S'agissant d'un recourant, tiers locataire, il convient d'apprécier l'enjeu de la procédure pour lui, en fonction de sa situation concrète, soit d'apprécier la gravité de l'atteinte portée par le projet à ses intérêts. Le Tribunal fédéral a jugé que s'il existe un moyen de droit privé, même moins commode, à disposition de l'intéressé pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondé sur l'intérêt digne de protection doit lui être niée (arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005, consid. 3.3.3).

14.         Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail, complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (cf. ATA/710/2021 du 6 juillet 2021 consid. 4b et les arrêts cités ; ATA/985/2020 du 6 octobre 2020 consid. 3b ; ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3b). Le Tribunal fédéral a ainsi en particulier dénié la qualité pour recourir à un locataire, dont la résiliation de bail venait pourtant d'être annulée par le bailleur, dans le cadre d'un recours contre la vente de son appartement selon la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41). L'intérêt du recourant, quoiqu'actuel, ne pouvait être considéré comme direct et concret, au motif que le succès de son recours en matière administrative lui permettait de retirer l'avantage convoité, à savoir le prononcé de la nullité de son contrat de bail, seulement de manière indirecte. De plus, le but recherché par le recourant, soit se prémunir contre une prochaine résiliation du bail, sortait manifestement des objectifs de la LFAIE. L'intérêt invoqué par le recourant n'était ainsi pas dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 131 II 649 consid. 3.4 ; cf. aussi arrêt 2C_621/2009 du 23 septembre 2010 consid. 4.3). Dans ces cas, l'intérêt du recourant est considéré comme insuffisant, voire inexistant, lorsqu'il a à sa disposition un autre moyen de droit pour régler le fond de l'affaire (cf. ATA/985/2020 du 6 octobre 2020 consid. 3b et la référence citée ; ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3b).

15.         En l'occurrence, les recourants soutiennent qu'ils ont un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision querellée au motif que s'il leur était donné gain de cause, ils pourraient faire exécuter le droit qui leur a été donné d'acquérir les biens immobiliers en question.

Or, nonobstant les options d'achat octroyées par D______ SA sur ces lots - peu après la signature de leurs baux - l'annulation de l'arrêté de vente litigieux n'aurait pas pour effet direct et concret de leur assurer l'acquisition des deux lots convoités. D'une part, avec les intimés, il y a lieu d'observer que D______ SA qui a désormais transféré son bien à C______ SA, n'en dispose plus. Partant, si les recourants estiment que celle-là était liée à leur égard par les options d'achat accordées, c'est par la voie civile qu'ils pourraient demander le respect d'un engagement voire des dédommagements. D'autre part, une autorisation d'aliénation devrait encore leur être accordée par le département en application de l'art. 39 al. 3 LDTR, ce qui suppose la réalisation des conditions posées par cette disposition, lesquelles ne sont à ce stade pas réunies, de sorte que la perspective d'obtenir une telle autorisation reste en l'état toute théorique, incompatible avec la notion d'intérêt direct et concret.

Partant, l'admission du recours n'étant pas apte à leur procurer un avantage pratique, ils ne peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection.

À cela s'ajoute que le but recherché par les recourants de se porter acquéreurs d'appartements pour des motifs de pure convenance personnelle sort manifestement des objectifs poursuivis par la LDTR, à savoir préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment l'aliénation des appartements destinés à la location (art. 1 al. 1 et 2 let. c LDTR), étant rappelé que l'acquisition d'un logement par un locataire demeure l'exception (titre marginal de l'alinéa 3 de l'art, 39 LDTR).

Ainsi, les recourants ne se trouvent pas dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation, de sorte qu'ils ne disposent pas de la qualité pour recourir.

16.         En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, le recours sera déclaré irrecevable sans qu'il soit nécessaire d'examiner les arguments invoqués sur le fond.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'400.- ; il partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

18.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure, à la charge des recourants, sera allouée à raison de CHF 1'400.- en faveur de D______ SA, CHF 1'400.- en faveur de C______ SA et de CHF 1'400.- en faveur de E______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 24 mai 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'300.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

3.             condamne Madame A______ et Monsieur B______, conjointement et solidairement, à verser une indemnité de procédure de :

- CHF 1'400.- à D______ SA,

- CHF 1'400.- à C______ SA,

- CHF 1'400.- à l'E______ ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, Claire BOLSTERLI, Thierry ESTOPPEY et Diane SCHASCA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière