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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2069/2023

JTAPI/121/2024 du 08.02.2024 ( LCI ) , ADMIS

ATTAQUE

Descripteurs : EXCEPTION(DÉROGATION);PERMIS DE CONSTRUIRE;PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ
Normes : LRoutes.11.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2069/2023 LCI

JTAPI/121/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 février 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, Messieurs B______ et C______, représentés par Me Pierre-Damien EGGLY, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Madame D______, représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             Madame A______ et Messieurs B______ et C______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de E_______ (ci-après : la commune), sise ______(GE).

2.             Madame D______ est propriétaire de la parcelle n° 2______ sise ______(GE) sur la même commune.

3.             Le 1er juillet 2022, Mme D______ a obtenu une autorisation pour abattre un orme sur sa parcelle (autorisation 3______).

4.             Le 31 octobre 2022, Mme D______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) une requête en autorisation de démolir une habitation, une dépendance et un couvert sur sa parcelle n° 2______ (M 4______).

5.             Le 1er novembre 2022, elle a déposé une requête en autorisation de construire portant sur l’édification d’une maison individuelle (22% HPE) avec garage, reconstruction d’un pool house, sondes géothermiques et piscine chauffée (DD 5______).

6.             Lors de l’instruction de la requête en autorisation de construire, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

-          Office cantonal des transports (ci-après : OCT): préavis favorable sous conditions et avec souhaits du 10 novembre 2022 ;

-          Commune: préavis favorable du 6 décembre 2022 sous diverses conditions, en lien avec le déroulement du chantier, le maintien de l’accès aux rives du lac et la replantation d’une haie; le requérant était également rendu attentif à l’existence d’un projet de réaménagement du F______ en zone de rencontre ou en zone piétonne ;

-          Direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) : après une demande d’instruction complémentaire le 4 novembre 2022, elle a rendu un préavis favorable sans observations le 31 janvier 2023 ;

-          Office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau): préavis favorable sous conditions du 17 février 2023 ;

-          Commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) : elle a demandé un projet modifié le 28 novembre 2022, retenant être opposée à l’usage d’une dérogation de l’art. 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) pour l’implantation de la terrasse et des sondes géothermiques dans la surface inconstructible. Elle n’était pas opposée à l’usage de la dérogation de l’art. 7 de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10), à condition de travailler la façade côté lac pour exprimer les demi-niveaux et la double hauteur, et se rapprocher d’un langage architectural caractérisant la typologie de la maison individuelle plutôt que celle de l’habitat groupé. Cette dérogation était octroyée au vue de la démolition de la maison existante située dans la zone inconstructible de 30 m des rives du lac qui permettait d’assainir la situation existante, la concentration des droits à bâtir sur le haut de la parcelle en dehors de la surface inconstructible et de la limitation de l’emprise de la nouvelle villa permettant de réaliser des économies de terrain et l’amélioration du taux de la surface de pleine terre réalisée avec les nouveaux aménagements qui limitaient les surfaces imperméables. Pour la reconstruction et l’agrandissement mesuré du pool-house et du bassin de rétention, elle n’était pas opposée à l’usage de l’art 15 al. 7 LEaux-GE.

Elle a rendu un préavis favorable sous conditions, avec dérogations et souhaits le 6 mars 2023 : elle était favorable à l’usage de la dérogation à l’art. 11 LPRLac, à celle à l’art. 7 LPRLac et également celle de l’art. 15 al. 7 LEaux-GE ;

-          Commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) : préavis du 24 mars 2023 favorable avec dérogation au sens de l’art. 13 LPRLac ;

-          Office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) : après avoir demandé des pièces complémentaires les 23 novembre 2022 et 22 février 2023, il a rendu un préavis favorable avec dérogation selon l’art. 13 LPRLac et sous conditions concernant notamment les précautions à prendre afin de conserver valablement les arbres hors forêt et le cadre végétal, le 30 mars 2023 ; il a également demandé qu’une arboriste-conseil soit mandaté pour suivre les travaux à proximité des arbres conservés et pour la mise en place des mesures prophylactiques nécessaires à leur préservation valable ;

-          Office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEn) préavis favorable sous conditions du 5 mai 2023 ;

7.             Le département a délivré à Mme D______ l’autorisation de démolir M 4______ le 15 mai 2023.

8.             Le 16 mai 2023, le département a délivré à Mme D______ une décision globale d’autorisation de construire portant sur la construction d’une habitation individuelle (HPE 22%) avec garage, reconstruction d’un pool house, sondes géothermiques et piscine chauffée sur sa parcelle n° 2______ (DD 5______).

Cette autorisation a été publié le même jour dans la Feuille d’Avis officielle.

9.             Par acte du 15 juin 2023, Mme A______et MM. B______ et C______ (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de l’autorisation globale du 16 mai 2023, concluant préalablement à un transport sur place et l’apport de l’intégralité des dossiers DD 6______ et DD 7______ et, au fond à son annulation, sous suite de frais et dépens.

En tant que copropriétaires d’une parcelle situé à environ 100 m de la parcelle sur laquelle le projet était prévu et également bénéficiaires d’une servitude de passage s’exerçant sur la parcelle directement adjacente, ils avaient la qualité pour recourir. Par ailleurs, ils bénéficiaient depuis leur parcelle d’une vue sur le lac, la rive droite et le Jura, et le projet litigieux, de plus de 10 m de haut, aurait pour effet de les priver considérablement de cette vue.

L’octroi d’une dérogation l’art. 7 al. 1 LPRLac était arbitraire. La CMNS s’était déclarée favorable à l’usage d’une telle dérogation au motif que le projet impliquait la démolition de la maison existante située dans la zone inconstructible, la limitation de l’emprise au sol de la maison projetée et l’amélioration du taux de surface de pleine terre. Or, le projet n’avait nullement pour effet de réduire l’emprise des constructions sur la parcelle. De plus, le terrain de la parcelle ne présentait aucune particularité qui imposerait une construction sur trois niveaux et aucune autre construction située dans le secteur ne comportait trois niveaux. Enfin la réduction des dimensions de la dépendance existante pourrait parfaitement être obtenue moyennant le prononcé d’un ordre de remise en état dès lors que ses dimensions actuelles n’apparaissaient pas conformes aux autorisations de construire dont elle bénéficiait.

En prévoyant une construction de plus de 10 m de haut, les gabarits prévus aux art. 61 al. 2 et 69 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n’étaient pas respectés.

La surface brute de plancher maximal pour une construction respectant le standard HPE sur la parcelle concernée était de 500.94 m2 ; or, selon le calcul des rapports de surface, les surfaces brutes de plancher (ci-après : SPB) des trois niveaux totalisaient 501 m2. De plus, au 2ème étage, le constructeur n’avait pas tenu compte dans son calcul de l’atrium d’environ 2.5 m2, lequel devait être pris en compte. En outre, le local appelé fitness devait être considéré comme une surface hors-sol à prendre en compte dans le calcul des SPB. Dès lors, la SPB était de 540 m2 et non 501 m2.

En ne prévoyant aucune place pour vélo alors qu’il devrait en compter au moins 15 pour une SPB de 501 m2, le projet litigieux contrevenait à l’art. 5 al. 8 du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 17 mai 2023 (RPSFP – L 5 05.10).

La dépendance autorisée par la DD 7______ était censée avoir une emprise au sol rectangulaire de 4 m de large sur environ 6.2 m de long et couvrir une surface au sol de 24.8 m2, être percée de trois portes extérieures et d’une lucarne, et se composer de 4 pièces, dont deux cabines pour la piscine, d’une chaufferie et d’un local à outils. Or, la dépendance existante n’était pas conforme à l’autorisation car elle abritait notamment une salle de bain et sa façade nord-ouest semblait avoir été modifiée et agrandie sur une largeur de 0.72 m. Cette dépendance ne pouvait dès lors être considérée comme ayant été dûment autorisée au sens de l’art. 15 al. 5 LEaux-GE. Ainsi, le DT avait violé l’art. 17 al. 1 LEaux-GE en autorisation la construction d’une installation sur la surface inconstructible de la parcelle. Même si cette construction devait bénéficier de la garantie de la situation acquise, sa transformation devait être qualifiée de totale et ainsi une dérogation fondée sur l’art. 15 al. 7 LEaux-GE ne pouvait entrer en ligne de compte. En tout état de cause, même si l’octroi d’une autorisation dérogatoire entrait en ligne de compte, le DT avait assurément abusé de son pouvoir d’appréciation en l’octroyant car la transformation projetée aurait une incidence importante sur l’environnement mais surtout faisait passer la surface de la dépendance de 24.8 m2 à 34 m2.

La construction projetée nécessitait l’abattage d’un orme et impliquait la plantation d’un nouvel arbre. De plus, l’extension de la dépendance s’étendait sous la couronne de deux hêtres, soit dans leur domaine vital. Le projet contrevenait ainsi aux art. 11 LPRLac et 1, 14 et 15 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04).

En matière de constructions de peu d’importance, le projet prévoyait un garage de 50 m2, une dépendance de 30.5 m2 et non de 25 m2 comme indiqué et une terrasse devant être qualifiée de couvert de plaisance de 27 m2, soit un total de 107 m2, ce qui violait l’art. 3 al. 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01).

10.         Mme D______, sous la plume de son conseil, a répondu au recours, concluant à son rejet sous suite de frais et dépens.

Elle s’en rapportait à justice quant à la qualité pour recourir des recourants, relevant toutefois que certains griefs (places de vélos notamment) ne présentaient aucun lien avec l’intérêt invoqué par les recourants (perte de vue) ou n’ayant aucune incidence pratique sur leur situation et devaient être déclarés irrecevables. Par ailleurs, les actes d’instruction sollicités apparaissaient inutiles.

Concernant la prétendue violation des art. 7 et 13 LPRLac, seule la façade nord-ouest du projet était pertinente pour les calculs du gabarit et le bâtiment, installations techniques incluses, s’inscrivait bien dans une hauteur de 10 m depuis le sol, comme prévu par la la fiche de bonnes pratiques établie par la CMNS (fiche de bonnes pratiques - architecture et gabarits dans le périmètre de la LPRLac - en vue d'une appréciation qualitative des projets architecturaux, du 26 décembre 2018, de la CMNS ; ci-après : fiche de bonnes pratiques). Par ailleurs, plusieurs constructions alentours présentaient trois à quatre niveaux. L’avis subjectif des recourants sur l’esthétique de la construction quant au nombre de niveaux ne permettait pas de remettre en question celui de la CMNS.

La CMNS s’était déclarée favorable à la dérogation à l’art. 11 LPRLac notamment en raison de la réduction de l’emprise au sol des constructions dans la zone inconstructible – zone des 30 m depuis les rives du lac – et non en raison de la réduction des SBP de manière générale ; le projet se situant totalement hors de la zone constructible, l’appréciation de la CMNS n’était pas critiquable. Concernant la concentration des SPB sur trois niveaux, elle répondait non seulement à l’objectif de la loi et des directives mais elle était également imposée par les contraintes découlant des normes de droit de la construction et de la protection de l’environnement.

Le grief relatif au prononcé d’un ordre de remise en état était irrecevable et la CMNS avait expressément accordé une dérogation, notamment concernant la dépendance (pool house).

Aucune disposition légale n’imposait de calculer le gabarit depuis une servitude et cette dernière n’était pas établie en faveur des recourants, ce qui faisait qu’ils n’avaient aucun intérêt à invoquer le droit d’un tiers. La jurisprudence avait confirmé la pratique du département à prendre l’axe de la route pour calculer la distance au sens des art. 61 et 69 LCI et, selon les plans de l’architecte, le gabarit et la distance avaient été respectés.

La surface du fitness n’entrait pas dans le calcul des SPB car elle était intégralement située bien en-dessous du terrain naturel ou même de la cour anglaise. S’agissant de l’atrium, en supposant qu’il fut fait référence à la trémie de l’escalier, cette surface n’avait pas à être prise en compte, et l’était au demeurant au 1er étage : même si elle était prise en compte dans le calcul de la SBP, le dépassement s’inscrivait dans la marge d’erreur technique de 3% admissible selon la jurisprudence - étant souligné que les calculs du mandataire avaient été arrondis vers le haut, d’où une mention de 501 m2 pour la SBP. Les art. 5 al. 6 RPFSP – dans sa teneur en novembre 2022 – et 5 al. 8 RPFSP étaient manifestement destinés à être appliqués aux habitations collectives exclusivement et non à une habitation individuelle ; de plus, l’OCT avait préavisé favorablement. Par ailleurs, ce grief devait être déclaré irrecevable faute d’impact sur la situation des recourants.

Concernant la prétendue violation de l’art. 15 LEaux-GE, la recevabilité de ce grief paraissait douteuse dès lors que les recourants n’indiquaient pas que la dépendance serait visible depuis leur parcelle, respectivement qu’un éventuel agrandissement serait perceptible depuis celle-là. Le pool house se trouvait en zone inconstructible mais avait été dûment autorisé et sa surface totale était de 26.4 m2 : sa surface selon les plans de la présente autorisation de construire serait de 25.31 m2 et non 34 m2. Par ailleurs, l’emplacement de la dépendance était identique à celle autorisée puisque le radier existant était maintenu, l’enveloppe sera désormais en brique pour assurer une certaine uniformité de l’aspect extérieur et le grief de l’utilisation devait être déclaré irrecevable. De plus, l’OCEaux et la CMNS avaient préavisé favorablement une dérogation à l’art. 15 al. 7 LEaux-GE. Pour terminer, la dépendance projetée étant implantée sur le même radier et au même endroit que celle existante, elle n’impliquait donc aucun risque pour les deux hêtres présents, étant souligné qu’un représentant de l’OCAN s’était rendu sur place avant de rendre un préavis favorable.

Une autorisation d’abattage de l’orme avait été obtenue le 1er juillet 2022 et l’arbre avait été abattu pour des raisons sanitaires; le grief relatif à cet abattage excédait l’objet du litige et devait être déclaré irrecevable.

La surface de la dépendance avait été réduite entre la 1ère et la 2ème version du projet à l’avant et à l’arrière du bâtiment ; seules les saillies (avant-toits) subsistaient sur 1.35 m à l’avant, respectivement sur 0.9 m à l’arrière. Selon la pratique constante confirmée par la jurisprudence, ces saillies, inférieures à 1.50 m étaient déduites du calcul des CDPI. La surface de 25 m2 était ainsi correcte. Quant à la terrasse, elle n’était pas intégralement couverte : seule la partie couverte jusqu’au poteau devait être prise en compte dans les CDPI, laquelle faisait bien 25 m2. La DAC avait précisément contrôlé le calcul des CDPI. Même si on retenait une terrasse de 27 m2, la surface totale des CDPI s’élèverait à 102 m2 : or, la jurisprudence admettait une marge d’erreur technique de 3% pour les calculs des rapports de surface y compris pour les CDPI. Les surfaces de CDPI du projet s’inscrivaient ainsi dans cette marge d’erreur (moins de 103 m2).

11.         Le département s’est déterminé sur le recours le 22 août 2023, concluant à son rejet sous suite de dépens. Il a produit son dossier.

Il était d’avis qu’il n’y avait pas lieu de procéder à la mesure d’instruction requise.

La cour anglaise n’était aucunement située du côté lac et le gabarit avait été calculé au regard de la LPRLac, lequel respectait les 10 m côté lac. Une dérogation au sens de l’art. 13 LPRLac avait été accordée concernant le nombre de niveaux après la consultation et les préavis favorables récoltés de l’ensemble des instances visées par l’al 2. Au vu desdits préavis, l’appréciation subjective des recourants qui estimaient que les trois niveaux contrevenaient à l’harmonie du quartier ne pouvait être retenue. Enfin, la construction allait dans le sens d’une amélioration de la situation existante.

Concernant l’emprise au sol, une construction sur trois niveaux permettait de la réduire et la démolition de la maison existante dans la zone inconstructible et la concentration des droits à bâtir sur le haut de la parcelle permettaient de réaliser des économies de terrain et d’améliorer du taux de surface de plein terre. La dérogation avait dès lors été accordée valablement.

Aucune disposition légale n’imposait de calculer la distance d’une construction par rapport à la limite d’une servitude. De plus, la servitude n’était aucunement au bénéfice des recourants. Le gabarit avait été calculé en conformité de sa pratique constante en prenant en compte l’axe de la route. Le gabarit avait ainsi été correctement calculé et aucune violation des art. 61 et 69 LCI ne pouvait être retenue.

Le local fitness se situant sous le terrain naturel, sa surface ne pouvait être prise en compte dans le calcul des SBP. La surface ouverte sur l’escalier ne pouvait aucunement être considérée comme un atrium et ne devait pas être comptabilisée dans les SPB. Dès lors, la surface de la parcelle se montant à 2'277 m2 et la surface de construction projetée à 501 m2, le taux équivalait à 22.022% : la différence de 0.06 m2 et de 0.002% apparaissait tellement insignifiante qu’elle ne saurait être retenue comme un dépassement, étant souligné qu’une marge de 3% de SPB était admissible selon la jurisprudence.

Il se questionnait sur l’intérêt digne de protection des recourants à invoquer le non-respect du nombre de places de vélo. L’art. 5 al. 9 RPSFP ne s’appliquait qu’aux habitats groupés mais aucunement aux villas individuelles. L’OCT considérait par ailleurs, pour les villas, que le RPSFP n’exigeait pas le signalement sur les plans d’autres places de stationnement que le minimum de 2 places autos prévues par l’art. 5 al. 3 RPFSP.

Le pool house avait été autorisé en 1965 par la DD 7______, laquelle, à teneur des plans, mentionnait une surface de 24.8 m2. Ladite construction comprenait des avant-toits de part et d’autre. Le projet querellé prévoyait une construction de 25 m2 comprenant également deux avant-toits, soit correspondant pleinement à la surface autorisée, étant souligné que l’art. 15 al. 2 LEaux-GE permettait un léger agrandissement de la construction existante. C’était donc à raison que la dérogation avait été accordée et le projet autorisé. Quant à la question du respect de l’identité de la construction existante, la dépendance demeurera un pool-house conformément à l’autorisation et ses dimensions seront semblables, le fait que le revêtement prévu fut en briques alors qu’il avait été constitué en bois ne représentait que peu d’importance et n’était pas de nature à dénier l’identité de la construction.

L’abattage de l’orme avait été dûment autorisé et les recourants ne pouvaient plus contester une décision entrée en force. Aucune atteinte supplémentaire créée par le projet au domaine vital des deux hêtres ne pouvait être retenue, la dépendance projetée ayant les mêmes dimensions que l’actuelle. Un représentant de l’OCAN s’était par ailleurs rendu sur place.

Pour terminer, concernant les CDPI, la surface de la dépendance faisait 25 m2 et celle de la terrasse également ; la surface du garage de 50 m2 avait été comptée très largement et une marge subsistait donc. Enfin, la jurisprudence admettait une marge de 3%. Il ne faisait donc aucun doute que le total des CDPI respectait le maximum prévu par la loi.

12.         Les recourants ont répliqué le 3 octobre 2023, maintenant l’entier de leurs conclusions, y compris leur demande de mesures d’instruction.

Selon les plans fournis, la façade verticale du bâtiment, exposé à l’air et à la lumière incluant la cour anglaise, aurait une hauteur de 11.25 m, soit 1.25 m de plus que les 10 m règlementaires.

Le projet constituerait la seule construction située dans le périmètre protégé des zones du lac qui serait visible sur trois niveaux depuis le lac et depuis les terrains situés en amont du projet, la seule construction comportant trois niveaux avec toiture plate et serait l’unique dérogation octroyée par le département depuis l’entrée en vigueur de la LPRLac pour l’érection d’une telle construction sur une parcelle située en front de lac.

Le projet ne permettrait nullement de procéder à des économies de terrain en comparaison de la situation actuelle, le projet entrainant au contraire un accroissement considérable de la surface de la parcelle dévolue à la construction (+63%).

Les voisins disposaient d’un intérêt évident et important à ce que seules des constructions de deux niveaux avec toiture plate ou d’un niveau avec toiture habitable soient autorisées conformément à l’art. 7 al. 1 LPRLac ; en effet, l’érection de constructions hautes générait un effet de cloisonnement et empêchait la vue sur le lac tant pour les riverains que pour les usagers du domaine public. Une construction de deux étages avec une surface au sol de 243 m2 permettrait une SBP et 486 m2, soit une surface se rapprochant de la SBP maximale selon les intimés de 501 m2. Dès lors, l’octroi de la dérogation violait les art. 7 et 13 LPRLac, était contraire au principe de la proportionnalité et procédait d’une mauvaise constatation des faits.

La dépendance ayant été modifiée par rapport à l’autorisation de construire - elle abrite une salle de bain, l’une de ses façades a été profondément modifiée et elle a été agrandie de 0.72 m – l’octroi d’une dérogation fondée sur l’art. 15 al. 7 LEaux-GE n’était pas conforme à cette disposition.

Ils avaient un intérêt à ce que la servitude soit respectée puisque pour que celle-ci le soit, le projet devrait se situer plus loin de leur propriété et du fait qu’ils jouissaient d’une servitude de passage permettant d’accéder sur la route le long de laquelle s’exerçait la servitude de destination de chemin. Même si l’on prenait comme référence l’axe de la route, le projet demeurait non réglementaire puisque selon les plans, il prévoyait l’érection d’une construction d’une hauteur de 9.85 m – 9.50 m + 0.35m – à une distance de 7.74 m, alors que selon l’art. 69 al. LCI, la distance entre la construction et la limite devait être de 8.85 m. Par ailleurs, la distance à la limite de propriété avec la parcelle n° 8______ devait être au minimum de 5.13 m alors qu’elle était de 5.01 m. Enfin, en l’absence d’un plan d’alignement, la distance entre l’axe de la route et la construction devait être de 15 m en application de l’art. 11 al. 2 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

La surface du fitness et de l’atrium devant être prise en considération dans le calcul des SBP, la surface totale du projet était de 540 m2 et non de 510 m2, ce qui violait manifestement l’art. 59 LCI.

Le projet ne prévoyant aucune place pour les vélos, il violait l’art. 5 al. 8 RPSFP.

Les dimensions de la dépendance existante étaient de 4 m sur, tout au plus 6.23 m, cela équivalait tout au plus à une emprise au sol de 24.92 m2. Avec 25.31 m2, l’emprise au sol de la dépendance projetée serait assurément supérieure à l’actuelle dans ses dimensions autorisées. De plus, la dépendance actuelle était dévolue à des espaces non habitables alors que le projet devait abriter une « kitchenette » et une salle de bain. Partant, ni les dimensions ni la destination de la dépendance demeuraient identiques à celles autorisées, si bien que le projet violait l’art. 15 LEaux-GE.

L’extension de la toiture du 0.9 m constituera une nouvelle surface étanche qui portera atteinte au domaine vital des arbres, étant rappelé que ledit domaine vital ne correspond pas uniquement à l’espace souterrain mais aussi à l’« espace aérien » à protéger. La construction violait ainsi l’art. 11 LPRLac et les art. 1, 14 et 16 RCVA.

En tenant compte du garage de 50 m2, de la dépendance de 30.5 m2 et de la terrasse de 28 m2, le total serait de 108.5 m2, soit 8.5 m2 de trop, sans compter le surplomb d’étage ceint de deux murs latéraux d’une surface d’environ 5 m2 situé au niveau de la porte d’entrée. Ainsi, même ne considérant les calculs des intimés comme exacts, la surface totale des CDPI serait de 105 m2 ce qui était contraire à l’art. 3 al. 3 RCI même en tenant compte de la marge d’erreur admissible de 3%.

13.         Le département a dupliqué le 25 octobre 2023, persistant dans ses conclusions et renvoyant à son écriture précédente.

14.         Les intimés en ont fait de même le 27 octobre 2023, persistant intégralement dans leur argumentation et leurs conclusions.

15.         En date du 9 novembre 2023, les recourants ont transmis une réplique spontanée, maintenant également leurs conclusions.

16.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Pour qu'un recours soit recevable, il faut encore que la personne dont il émane dispose de la qualité pour recourir.

4.             À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir.

5.             Cette notion de l'intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter en application de la règle d'unité de la procédure figurant à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 2b).

6.             Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_472/2021 du 1er mars 2022 consid. 5.4).

7.             D’une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n’admettent que de manière relativement stricte la présence d’un intérêt propre et direct lorsqu’un tiers entend recourir contre une décision dont il n’est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations. En plus d’un intérêt concret, par exemple un intérêt économique au contenu de la décision litigieuse, la qualité pour agir du tiers suppose qu’il se trouve, avec l’objet de la contestation, dans un rapport suffisamment étroit, respectivement qu’il soit touché avec une intensité plus grande que les autres personnes, ce qui doit être examiné en rapport avec les circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_852/ 2017 du 25 juin 2018 consid. 2.2.2).

8.             Ainsi, les voisins sont admis à recourir lorsqu’ils sont touchés de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner. Le voisin direct de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir. De même, s’il est certain ou très vraisemblable que l’installation litigieuse serait à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ceux-ci peuvent aussi se voir reconnaître le droit de recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2021 du 10 janvier 2023 consid. 1.1.1). La distance constitue ainsi un critère essentiel, la jurisprudence reconnaissant généralement la qualité pour agir lorsque l’opposant est situé à une distance allant jusqu’à 100 m environ du projet litigieux (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3.1.3).

9.             La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 arrêts du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1). Le recourant doit ainsi rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (cf. ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/ 2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).

10.         En l’espèce, les recourants fondent leur qualité pour recourir du fait que leur parcelle se situe à environ 100 m de la parcelle sur laquelle le projet est prévu et qu’ils sont bénéficiaires d’une servitude de passage s’exerçant sur la parcelle directement adjacente à celle débouchant sur la voie publique à la hauteur de cette dernière. De plus, ils bénéficient d’une vue sur le lac, la rive droite et le Jura dont ils seront considérablement privés si l’une des constructions prévues s’élevait à plus de 10 m de haut.

A cet égard, il n’est pas contesté que les recourants sont propriétaires d’une parcelle situées à environ de 100 m de la parcelle concernée, tel que cela ressort de la consultation du SITG. De plus, dans la mesure où ils se plaignent, entre autres griefs, du fait que le projet ne respecterait pas le gabarit autorisé en zone protégée ni le maximum des surfaces autorisables, grief de droit public susceptible, s’il était admis, d’avoir une incidence concrète sur leur situation de fait, la qualité pour recourir doit leur être reconnue. Cette dernière permettant au tribunal d'entrer en matière sur le recours dirigé contre l'autorisation de construire.

11.         L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions respectivement griefs formulés par un recourant soient recevables.

12.         En effet, le voisin ne peut pas présenter n’importe quel grief ; il ne se prévaut d’un intérêt digne de protection, lorsqu’il invoque des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Tel est souvent le cas lorsqu’il est certain ou très vraisemblable que l’installation ou la construction litigieuse sera à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le grief soulevé (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b).

L’on rappellera encore, à toutes fins utiles, que le recours ayant pour seul but de garantir l'application correcte du droit sans que le recourant ne puisse tirer aucune conséquence à titre personnel de ses arguments, assimilable à une action populaire, est irrecevable.

13.         À titre préalable, les recourants sollicitent un transport sur place et la production des dossiers d’autorisation DD 6______ et 7______.

14.         Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à leur détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3).

15.         Ce droit ne peut toutefois être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l’issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou, en procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Par ailleurs, ce droit ne comprend pas celui d’être entendu oralement (cf. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b), ni la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1).

16.         En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires à l’établissement des faits pertinents pour statuer sur le litige. En particulier, les plans versés au dossier, les nombreuses photographies produites ainsi que les outils disponibles sur Internet (SITG) permettent parfaitement de visualiser le projet litigieux, son emplacement, ses dimensions ainsi que le périmètre dans lequel il s’insère. Il n’apparaît ainsi pas que la tenue d’un transport sur place, acte d’instruction en soi non obligatoire, serait susceptible de fournir des informations pertinentes supplémentaires. Par ailleurs, les pièces pertinentes des autorisations DD 6______ et 7______ ont été produites dans les chargés des recourants, si bien que la production de l’intégralité desdits dossiers n’apparait pas justifiée. Cette conclusion préalable sera donc rejetée.

17.         Les recourants estiment que le gabarit de la future villa est illégal au regard de la voie publique, le calcul devant s’effectuer à partir de la limite de l’assiette de la servitude de destination de chemin. Même en calculant le gabarit depuis l’axe de la route, les dispositions légales seraient violées. De plus, en l’absence d’un plan d’alignement, la distance de 15 m découlant de l’art. 11 al. 2 LRoutes entre l’axe de la route et la construction n’était pas respectée.

18.         À teneur de l’art. 60 al. 1 LCI, applicable à la 5ème zone, les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à l’art. 61 LCI.

19.         L’art. 61 al. 2 LCI prévoit que, à front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut dépasser la moitié de la distance fixée entre alignements augmentée de 1 m (H ≤ ½ D + 1). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l’art. 69 LCI (H ≥ D + 1) (art. 61 al. 3 LCI).

La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 10 m au niveau supérieur de la dalle de couverture ; restent toutefois réservées les dispositions des plans localisés de quartier et celles des art. 10 et 11 LCI en ce qui concerne les constructions agricoles et les édifices d’utilité publique, notamment les églises, les salles de réunions et les cliniques (art. 61 al. 4 LCI).

20.         Pour le calcul du gabarit, le point de référence au sol est mesuré conformément aux dispositions du plan d'aménagement ou des prescriptions du département ou, à défaut, à partir du niveau moyen du terrain adjacent (art. 63 al. 1 LCI et art. 20 al. 1 RCI).

21.         Selon l'art. 21 al. 2 RCI, le gabarit est mesuré du niveau indiqué à l'art. 20 RCI et jusque au-dessus : a) de la faîtière pour les faces-pignons ; b) de la sablière ou du berceau pour les autres faces ; c) de la dalle brute de couverture du dernier étage lorsqu'il s'agit d'un toit plat.

Les constructions peuvent être couvertes par une toiture en terrasse ou par un toit dont la pente ne peut excéder 35° ; des dérogations peuvent toutefois être accordées, sur préavis de la CA, si des motifs d’esthétique le justifient (art. 64 al. 1 LCI).

Les toitures ne doivent pas dépasser le gabarit fixé au croquis n° IX (art. 24 al. 1 RCI).

22.         Les installations techniques situées au-dessus de la dalle de couverture doivent être inscrites à l’intérieur du gabarit de toiture (art. 27 al. 1 RCI).

23.         Selon l’art. 69 al. 1 LCI, lorsqu’une construction n’est pas édifiée à la limite de propriétés privées, la distance entre cette construction et la limite doit être au moins égale à la hauteur du gabarit diminuée de 1 m (D ≥ H - 1).

Sous réserve des dispositions des art. 67 et 68 LCI, la distance entre une construction et une limite de propriété ne peut être en aucun cas inférieure à 5 m (D ≥ 5) (art. 69 al. 2 LCI).

Les distances entre constructions et limites de propriétés ou entre deux constructions doivent être également appliquées aux angles de ces constructions (art. 69 al. 3 LCI).

24.         Selon une pratique constante du département, celui-ci calcule la distance à un alignement au regard de l'axe de la route attenante (JTAPI/1245/2022 du du 16 novembre 2022, consid. 52 ; JTAPI/559/2019 du 12 juin 2019 consid. 31 ss, confirmé par la chambre administrative ATA/498/2020 du 19 mai 2020). Cette pratique est fondée sur la ratio legis des règles régissant la distance à la limite des parcelles ainsi que le gabarit des constructions, lesquelles ont pour but d'assurer la qualité du tissu urbain et de l'habitabilité des constructions. Ces impératifs sont respectés en prenant l'axe de la route, dès lors que la distance entre les immeubles situés de chaque côté de l'axe est assurée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_196/2007 du 27 février 2008, c. 4.3).

25.         En l’espèce, aucune disposition légale n’impose que le calcul du gabarit se fasse à partir de la limite de l’assiette de la servitude et aucun élément ne permet de retenir que le département aurait dû s’écarter de sa pratique consistant à calculer le gabarit depuis l’axe de la route. Il sera de plus souligné que la servitude n’est pas en faveur des recourants mais de l’Etat et que les recourants ne démontrent pas leur intérêt à invoquer une éventuelle violation de celle-ci.

Il ressort de la coupe A-A’ que la hauteur du bâtiment calculée depuis le terrain naturel jusqu’au niveau supérieur de la dalle de couverture est de 8.77 m (385.50 m - 376.73 m). La distance entre l’axe de la route et la façade est quant à elle de 7.81 m. Dès lors, en soustrayant un mètre au gabarit de 8.77 m, on parvient à une distance de 7.77 m, laquelle est inférieure à 7.81 m. Les distances légales sont ainsi respectées.

26.         À teneur de l'art. 11 al. 1 LRoutes, aucune nouvelle construction ou installation, tant en sous-sol qu'en élévation, ne peut être édifiée entre les voies publiques et les alignements de construction fixés par les plans d'alignement, adoptés conformément aux art. 5 et 6 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40) ou par tous autres plans d'affectation du sol au sens des art. 12 ou 13 LaLAT.

Selon l’alinéa 2, à défaut de plan d'alignement, l'interdiction de construire entre les voies publiques et les alignements de construction fixés par des plans s'étend sur une profondeur, mesurée de l'axe de la route, de 25 m pour les routes cantonales et de 15 m pour les routes communales. S'il existe un plan de correction, cette distance se mesure de l'axe rectifié de la voie.

Le département, après consultation de la commune, peut déroger aux distances prescrites à l'art. 11 al. 2 LRoutes si les conditions locales font apparaître que l'interdiction de construire qui en découle ne repose sur aucun motif pertinent d'aménagement du territoire ou d'environnement (art. 11 al. 3 LRoutes).

27.         Conformément à l'art. 3 al. 3 LCI, les demandes d’autorisation de construire sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. De jurisprudence constante, ces préavis n’ont qu’un caractère consultatif. Ils n’ont en principe pas un caractère contraignant pour l’autorité administrative ; s’il va de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans les conditions prévues par la loi, elle reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/281/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/1355/2015 du 21 décembre 2015 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013 ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 ; ATA/719/2011 du 22 novembre 2011 et les références citées).

28.         Lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain, notamment dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours, dont le pouvoir d'examen est limité à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/537/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 , ATA/535/2013 du 27 août 2013 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 et les arrêts cités), en particulier lorsqu'il s'agit de la CMNS (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 20 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/61/2015 du 13 janvier 2015 ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 et les références ; ATA/537/2013 du 27 août 2013 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 ; ATA/670/2012 du 2 octobre 2012, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2).

29.         Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (cf. ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; 135 I 302 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet consid. 5.1 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/246/2016 du 15 mars 2016 et les arrêts cités ; ATA/1005/2015 du 29 septembre 2015 consid. 12b et 12c et les références citées).

30.         Dans un arrêt du 19 mai 2020 (ATA/498/2020 du 19 mai 2020 rendu suite au recours contre le JTAPI/559/2019 du 16 juin 2019), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a eu à trancher le cas d’un bâtiment projeté ne se situant pas à 25 m de l’axe d’une route cantonale et pour lequel il n’y avait pas d’alignement. Dans son jugement, le tribunal avait relevé que la commune avait rendu un préavis défavorable sans mentionner la dérogation à l’art. 11 al. 3 LRoute. La direction générale du génie civil, autorité compétente pour la gestion des routes cantonales, avait quant à elle procédé à une analyse approfondie de la demande, indiquant que l’art. 11 LRoutes imposait une zone inconstructible de 25 m depuis l’axe de la route cantonale, et indiqué accepter « la dérogation à la L 1 10 » moyennant une cession de terrain. Au vu de ces éléments, la chambre administrative avait admis que les conditions d’octroi d’une dérogation étaient remplies. Elle rentait par ailleurs que s'il est regrettable que l'octroi de cette dérogation n'eut pas formellement été publié, la commune recourante n'avait subi aucun préjudice de ce défaut de publication dès lors qu'elle avait fait valoir ce grief dès son recours (consid. 5d).

31.         En l'occurrence, vu l'absence de plan d'alignement à l'endroit concerné, il est exact que le projet ne peut en principe être implanté à moins de 15 m de l'axe du ______(GE) conformément à l'art. 11 al. 2 LRoutes. Or, il ressort clairement du plan cadastral établi par un géomètre officiel que le projet ne respecte pas cette exigence, de sorte que l'octroi de la dérogation prévue par l'art. 11 al. 3 LRoutes est nécessaire. Au surplus, il ne saurait être retenu que les bâtiments voisins situés sur le tronçon formeraient une ligne structurante en retrait de la limite de propriété constitutive d'un alignement de fait (ATA/821/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 201), ce que du reste ni le département ni les intimés prétendent.

Or, à teneur du dossier, la commune, dont le préavis est obligatoire pour déroger à la distance des 15 m, ne s’est pas prononcée sur l’octroi ou le refus d’une telle dérogation dans son préavis du 6 décembre 2022. Dans l’autorisation délivrée, il n’est par ailleurs aucunement fait mention d’un telle dérogation. Le département n’en fait enfin aucune mention dans ses écritures, n’indiquant dès lors pas avoir octroyé une telle dérogation. Il en découle que la question d’une dérogation n’a pas du tout été abordée dans le cadre de l’instruction de la requête en autorisation - contrairement à la jurisprudence citée plus haut dans laquelle un préavis au moins y faisait référence - et il ne peut être tenu qu’elle aurait été octroyée valablement par le département.

32.         Au vu de ce qui précède, l’autorisation doit être annulée pour ce motif.

Il n’est dès lors pas nécessaire d’analyser les autres griefs soulevés par les recourants.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), Mme D______, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’000.-. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

34.         Vu l'issue du litige, l’avance de frais de CHF 900.- sera restituée aux recourants.

35.         Une indemnité de procédure de CHF 2’500.-, à la charge de Mme D______ et de l’Etat de Genève, soit pour lui, le département du territoire, pris conjointement et solidairement, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2023 par Madame A______ et Messieurs B______ et C______ contre l’autorisation de construire DD 5______ du département du territoire du 16 mai 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             annule l’autorisation de construire DD 5______ du 16 mai 2023 ;

4.             met à la charge de Madame D______ un émolument de CHF 1'000.- ;

5.             ordonne la restitution à Madame A______, Messieurs B______ et C______, pris conjointement et solidairement, de leur avance de frais de CHF 900.- ;

6.             condamne Madame D______ et l’Etat de Genève, soit pour lui, le département du territoire, pris conjointement et solidairement, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 2’500.- ;

7.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière