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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/955/2011

ATA/821/2013 du 17.12.2013 sur JTAPI/1110/2011 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE) ; ÉTAGE ; 2E ZONE
Normes : LCI.22; LCI.23; LRoutes.11
Résumé : Un alignement de fait en retrait des limites de propriété ne peut être retenu si les bâtiments du même côté d'une rue ne sont pas tous érigés sur la même ligne. La distance entre alignements prise en compte doit être celle entre les limites de propriété. Le fait que le parc situé en face de l'immeuble soit constructible ou non n'est pas pertinent.
En fait
En droit

ÉPUBLIQUE et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/955/2011-LDTR ATA/821/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2013

 

dans la cause

 

A______
représenté par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

et

VILLE DE GENÈVE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 octobre 2011 (JTAPI/1110/2011)


EN FAIT

1) L'A______ est propriétaire de la parcelle n° 368, feuille 1______ de la commune de Genève, section G______, sur laquelle est érigé l'immeuble B2, voué à de l'habitation, avec un rez-de-chaussée destiné à de l'activité commerciale, sis aux nos 1______ et 1bis______, rue des H______. Cet immeuble est en l'état composé de deux parties distinctes, l'une comportant quatre étages (ci-après : partie basse), l'autre en comptant six (ci-après : partie haute).

2) Face à cette parcelle, de l'autre côté de la voie publique, se trouve la parcelle n° 2’469, dont l'A______ est également propriétaire, et la parcelle n° 356, propriété de la Ville de Genève, sur laquelle s'étend le Parc I______.

3) Sur la parcelle n° 2’469 est érigé le bâtiment B1______, dont la façade latérale donnant sur la rue des H______ est située en retrait de la limite de la propriété, à une distance de 18 mètres de la limite des parcelles qui lui font face de l'autre côté de la voie publique.

Ces parcelles sont situées en deuxième zone.

4) La distance séparant le bâtiment B2______, érigé à la limite de la parcelle n° 368, et la limite des parcelles nos 356 et 2’469 est de 15 mètres. La distance entre ce même bâtiment et une ligne droite fictive reliant le bâtiment B1______ et le bâtiment situé plus loin, de l'autre côté de la rue du Village-Suisse, sur la parcelle n° 2’557, est de 18 mètres.

5) Dans le cadre d'un projet visant la surélévation de l'immeuble B862, l'architecte de l'A______ a pris contact avec le Service d'urbanisme de la Ville de Genève, qui, après discussions, par courrier électronique du 6 mai 2010, lui a indiqué qu'il y avait lieu de retenir que concernant les nos 1/1bis, la distance entre alignements était de 18 mètres.

6) En date du 7 mai 2010, l'A______ a déposé, par le biais de son mandataire, F______ S.àr.l., une demande préalable d'autorisation de construire auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département de l'urbanisme puis, dès le 11 décembre 2013, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département) afin de pouvoir procéder à la surélévation de son immeuble et d'y créer vingt-deux logements supplémentaires.

Le projet consistait en deux surélévations distinctes, l'une de deux niveaux portant sur la partie basse de l'immeuble, l'autre de quatre niveaux portant sur la partie haute, de façon à rejoindre les deux parties en toiture et former un ensemble cohérent.

La demande d’autorisation de construire a été enregistrée par le département sous le n° de dossier DP 1______.

7) Par courrier du 7 mai 2010, l'architecte de l'A______ a indiqué au département que la distance entre alignements à prendre en ligne de compte était de 18 mètres :

« Pour faire suite à nos différents entretiens, ainsi que le soussigné a eu avec Monsieur D______, nous avons consulté le Service d’Urbanisme de la Ville de Genève, Monsieur E______, qui nous a signalé en annexe la côte de 18 mètres.

Cette cote correspond à celle indiquée sur nos plans.

Le soussigné s’est entretenu avec Monsieur E______ et a cru comprendre, conformément à l’email annexé, que la cote à retenir est celle de 18 mètres et non pas celle de la limite de propriété.

En effet, le changement de morphologie des bâtiments situés après le 2______ rue des H______ ne semble pas justifier la cote des 15 mètres. C’est donc la distance de 18 mètres qui sera retenue, telle que réalisée dans le projet ».

8) Dans son rapport d'entrée du 19 mai 2010, la direction générale de l'aménagement du territoire (ci-après : la DGAT) a délivré un préavis favorable, indiquant seulement que l'immeuble concerné était, pour partie, susceptible d'être surélevé, dès lors qu'il figurait comme tel sur la carte indicative établie en la matière par le Conseil d'Etat.

9) Dans son rapport d'entrée du 21 mai 2010, l'inspection de la construction s'est déclarée favorable sous réserves.

10) La commission d’architecture a émis un préavis favorable en date du 8 juin 2010, indiquant ne pas avoir d'objection à formuler sur le principe de l'intervention, telle que proposée, mais rester réservée sur la qualité des typologies des logements, qu'elle n'entendait pas valider en l'état dans le cadre de la demande préalable d'autorisation. Elle s'est en outre déclarée favorable à une dérogation selon l'art. 11 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du
14 avril 1988 (LCI - L 5 05) pour les gabarits asymétriques.

11) Le 11 juin 2010, la direction générale de la mobilité (ci-après : la DGM) s'est prononcée favorablement, sous réserve.

12) Le 17 juin 2010, le service juridique de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) n'a pas formulé d'observations, réservant l'application de la LDTR.

13) Par courrier du 29 juin 2010, J______, faisant valoir ses observations auprès du département, a exposé que l’immeuble sis au 3______, rue des H______, construit pour la Société générale d’affichage en 1955, avait des qualités architecturales remarquables, qui avaient déjà justifié, en 1969, sa publication dans le Guide d’architecture moderne à Genève. A l’époque, le bâtiment voisin avait été inscrit dans le même gabarit pour former une composition d’ensemble venant s’amortir contre l’élément haut, d’une autre expression, destiné à du logement. La proposition de surélévation, pour autant qu’elle soit compatible avec les règles de l’urbanisme, compromettait l’organisation des volumes en ajoutant deux étages sur le bâtiment bas.

J______ s'opposait ainsi au projet, demandant qu’une nouvelle étude permette une surélévation sans détruire les lignes de la composition actuelle.

14) Le 9 juillet 2010, la Ville de Genève s'est déclarée défavorable au projet, pour lequel elle a requis un complément :

« La Ville de Genève n’est pas favorable à ce projet notamment :

1. (…).

Par ailleurs :

- Au vu de l’alignement de 18 mètres figurant sur le plan du Registre Foncier joint à la présente demande d’autorisation il s’avère que le projet nécessite l’inscription d’une servitude de distance et vue droite sur les parcelles situées de l’autre côté de la rue, soit les parcelles Nos 2469 et 356 de la commune de Genève, section G______, propriété respectivement de l’A______ et de la Ville de Genève (Parc I______).

- Le requérant doit compléter sa demande en joignant un plan de servitude provisoire, établi par un ingénieur géomètre officiel, et devra prendre contact avec l’unité opérations foncières (Tel 022/418.20.50), afin d’en discuter les modalités, notamment financières.

- L’inscription de cette servitude au Registre Foncier est conditionnée à l’accord du Conseil Municipal, lequel devra être ensuite avalisé par un arrêté du Conseil d’Etat.

- l’acte notarié sera inscrit au Registre Foncier avant l’ouverture de chantier.

2. (…) ».

15) Le 15 décembre 2010, le mandataire de l'A______ a communiqué au département une version modifiée de son projet, de façon à tenir compte de la demande de complément formulée sous point n° 1 du préavis de la Ville de Genève.

16) Le 4 janvier 2011, la DGM a complété son préavis, se déclarant à présent pleinement favorable au projet, sans autre observation.

17) Par courrier du 25 février 2011, le conseiller d’Etat en charge du département a fait savoir à la Ville de Genève qu'il faisait délivrer le jour même l'autorisation de construire sollicitée, considérant que le projet respectait les lois et règlements applicables et précisant en particulier :

« Dans son préavis du 19 mai 2010, la direction générale de l'aménagement du territoire a préavisé favorablement le projet et l'alignement de celui-ci. Un alignement de fait existe déjà de l'autre côté de la rue. Il est défini par les immeubles situés de part et d'autre du parc I______. L'inscription d'une servitude de distance et vue droite n'est dès lors pas nécessaire ».

18) Par courrier du même jour, le département a fait savoir à J______, suite aux observations que cette entité avait formulées, qu'il avait pris la décision d'autoriser le projet en cause.

19) Par décision DP 1______-1 du 25 février 2011, publiée le 2 mars 2011 dans la Feuille d'Avis officielle de la République et Canton de Genève (ci-après : FAO), le département a délivré à l'A______ l'autorisation de construire préalable devant permettre la rénovation et la surélévation de son immeuble pour la création de 22 logements supplémentaires sur sa parcelle no 368.

20) Par acte du 31 mars 2011, la Ville de Genève a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation, avec suite de dépens.

La hauteur du gabarit de la surélévation autorisée avait été calculée sur la base d’une distance entre alignements empiétant sur sa parcelle n° 356 (Parc I______), alors même que le requérant ne bénéficiait pas d'une servitude de distance et qu’aucun plan formel ne fixait l’alignement de cette façon, de sorte que l'autorisation de construire querellée violait sa garantie de propriété, protégée par l'art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). En outre, elle partageait l'avis formulé par J______ et, faisant référence à l'art. 23 al. 3 LCI, demandait que le projet de surélévation soit revu de manière à préserver l'harmonie urbanistique de la rue. Enfin, seule la partie basse de l’immeuble concerné était susceptible d’être surélevée, conformément à la carte indicative du secteur concerné (secteur 12 ; K______-G______), adoptée le 18 février 2010, qui ne faisait pas mention de la partie haute comme étant susceptible de surélévation.

21) Dans ses observations du 6 mai 2011, l'A______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, la Ville de Genève ne disposant pas de la qualité pour recourir, faute d'un intérêt suffisant, et, subsidiairement, au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

22) Le département a communiqué au tribunal son dossier DP 1______ en date du 31 mai 2011, sans observations.

23) Par courrier du 15 juillet 2011, la Ville de Genève a répondu aux observations de l'intimé. Elle s'opposait à ses allégations relatives à son défaut de qualité pour recourir et persistait dans ses conclusions.

24) Devant le TAPI, lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 20 septembre 2011, l'architecte de l'A______ a indiqué que lorsqu'il s'était agi de déterminer la distance entre alignements pour le calcul du gabarit autorisable, il avait constaté que le haut de la rue des H______ avait donné lieu à un alignement de 15 mètres, alors que, plus bas, il était de 18 mètres. La question se posait donc de savoir quelle distance il y avait lieu de considérer en l'occurrence. Le département l'avait renvoyé vers la Ville de Genève à ce sujet. Il s'était alors adressé à son service de l'urbanisme, qui lui avait indiqué qu'il y avait lieu de prendre en compte la distance de 18 mètres.

Pour sa part, le département a exposé que le dossier avait été soumis à la DGAT, qui avait rendu son préavis le 19 mai 2010. Il en avait déduit que celui-ci validait également la distance entre alignements retenue dans le projet. Il n'existait pas de plan d'alignement pour la rue des H______, mais si la Ville de Genève venait à déposer une demande d'autorisation pour construire un bâtiment sur le parc I______, il lui serait demandé de respecter l'alignement de fait constaté à
18 mètres. Il ne connaissait pas les raisons pour lesquelles les bâtiments entourant directement le parc I______ avaient été érigés avec un tel alignement, alors que, plus haut, celui-ci s'avérait être de 15 mètres. Il n'avait pas pris en compte l'exigence formulée dans le préavis de la Ville de Genève relative à la création d'une servitude, estimant que celle-ci n'était pas exigible, dès lors qu'il existait un alignement de fait à 18 mètres.

Se référant à ses écritures, la Ville de Genève a réaffirmé qu'il n'existait aucun alignement à la rue des H______, ce qui avait permis la construction de bâtiments en limite de propriété avec un alignement à 15 mètres. Elle n'avait pas, en l'état, de projet particulier de construction en relation avec le parc I______, mais il n'y avait pas lieu d'exclure cette éventualité, y compris en limite de propriété. A titre d'exemple, l'éventuelle édification d'une crèche, qui serait une construction basse.

25) Le 11 octobre 2011, le TAPI a admis le recours, annulé l'autorisation de construire préalable DP 1______-1 et renvoyé le dossier au département pour qu'il complète son instruction et délivre une nouvelle autorisation dans le sens des considérants.

Concernant la recevabilité, il était manifeste que la Ville de Genève disposait de la qualité pour recourir, sur la base tant de l'art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10), dès lors qu'en tant que propriétaire de la parcelle sise en face de la parcelle sur laquelle la surélévation litigieuse avait été autorisée, elle était touchée directement par la décision attaquée et avait un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, que de l'art. 145 al. 2 LCI, en tant que commune du lieu de situation.

Compte tenu de leurs caractéristiques, de leur implantation et de leur agencement les uns par rapport aux autres, les immeubles bâtis sur les parcelles nos 3’861, 2’469, 2’557, 357 et 2’462 ne suggéraient pas une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait. En l'absence d'un plan qui la contraindrait, le cas échéant, d'aligner une future construction en retrait de la limite de sa parcelle, à une distance de 18 mètres de l'immeuble de l'A______, rien n'empêcherait la Ville de Genève de construire à la limite de sa propriété, à l'instar des propriétaires des parcelles situées sur le côté L______. Ainsi, en prenant en compte cet alignement de fait, le département avait apporté une restriction inadmissible au droit de propriété de la Ville de Genève, restriction qui n'aurait pu se justifier que moyennant l'accord de cette dernière et, dans cette mesure, la création d'une servitude de distance et vue droite, comme l'envisageait l'art. 46 LCI.

Au surplus, contrairement à ce qu'invoquait la Ville de Genève, la partie haute de la construction était susceptible d'être surélevée au même titre que la partie basse. Les cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d'être surélevés n'avaient qu'une valeur indicative et n'excluaient pas la possibilité de surélever un immeuble si celui-ci n'y figurait pas.

26) Par acte expédié le 14 novembre 2011, l'A______ a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et à la confirmation de l'autorisation de construire préalable DP 1______-1.

Le parc I______ était sis en zone verte et donc inconstructible, sauf déclassement ou construction d'utilité publique dont l'emplacement était imposé par sa destination. Un hypothétique déclassement n'était pas une hypothèse à prendre en compte, car c'était en fonction du statut juridique actuel de la parcelle de la Ville de Genève qu'il convenait d'apprécier la situation. Quant à une construction d'utilité publique dont la destination imposerait qu'elle soit construite dans le parc I______, déjà équipé de toilettes publiques et de jeux pour enfants, elle était difficile à imaginer, notamment pour le cas de la crèche évoquée lors de son audition par la Ville de Genève.

A titre subsidiaire, c'était sans base légale que le TAPI avait estimé que la construction de l'A______ empêcherait la Ville de Genève d'ériger une construction basse en limite de propriété. En effet, l'obligation de maintenir les alignements n'existait que dans les zones protégées. En l'absence d'une telle norme en deuxième zone, ce n'était pas la réalisation de la construction projetée qui empêcherait la construction d'un bâtiment bas par la Ville de Genève en limite de propriété.

La Ville de Genève avait en outre commis un abus de droit en adoptant un comportement contradictoire. Elle avait elle-même indiqué au représentant de l'A______ que la distance à l'alignement à prendre en considération était de 18 mètres. Elle avait laissé l'A______ développer son projet sur cette base et le lui avait confirmé par écrit, alors que le projet était achevé.

Le TAPI n'avait de plus pas procédé à la pesée des intérêts que présupposait l'application du principe de proportionnalité, et qui l'aurait conduit à privilégier l'intérêt public poursuivi par l'A______ à l'intérêt purement formel mis en avant par la Ville de Genève.

Finalement, le jugement querellé n'établissait pas en quoi le département aurait excédé son pouvoir d'appréciation en retenant qu'il existait un alignement de fait en face de l'immeuble de l'A______.

27) Dans sa réponse du 9 décembre 2011, la Ville de Genève a conclu au rejet du recours.

Quels que soient ses futurs projets de construction sur le parc I______, elle avait un intérêt à préserver la qualité de l'usage actuel du parc. Celle-ci dépendait notamment des constructions le bordant, qui pouvaient provoquer une diminution de l'ensoleillement ou accentuer une sensation d'enfermement.

La règlementation sur les constructions devait être appliquée correctement, en particulier concernant la détermination de l'alignement à retenir. La notion d'alignement de fait était étrangère à la loi. En l'absence d'un plan qui la contraindrait à aligner une future construction en retrait de la limite de sa parcelle, à une distance de 18 mètres de l'immeuble de l'A______, rien n'empêcherait la Ville de Genève de construire à la limite de sa propriété. Dans tous les cas, les caractéristiques des constructions situées de part et d'autre de la rue des H______ ne permettaient pas de retenir l'existence d'un alignement de fait. En réalité, en l'absence d'un plan d'alignement, le seul alignement à retenir était celui défini par la rue, c'est-à-dire 15 mètres.

Le gabarit d'un éventuel immeuble construit en face de la construction de l'A______ n'était quant à lui pas pertinent. L'autorisation de surélévation ne devait prendre en compte que l'alignement de l'immeuble.

En outre, pour déroger aux règles sur les distances entre constructions et se fonder sur un alignement différent de la limite de propriété, le département ne pouvait renoncer à solliciter une servitude de distance et vue droite au sens de l'art. 46 LCI sans violer le droit constitutionnel de la Ville de Genève à la garantie de la propriété.

Elle n'avait en outre pas violé le principe de la bonne foi. Dans son préavis du 9 juillet 2010, elle avait d'emblée fait savoir qu'elle n'était pas favorable au projet et indiqué que l'alignement de 18 mètres retenu nécessiterait l'inscription d'une servitude. Certes elle avait indiqué le 6 mai 2010 au mandataire de l'A______ que la distance entre alignements à retenir était de 18 mètres, mais cette date correspondait à la veille du dépôt des plans. Le projet était déjà établi à cette date et l'A______ n'aurait donc pu prendre aucune disposition en lien avec l'indication donnée par la Ville de Genève.

Quant à la pesée des intérêts, elle ne pouvait prévaloir face au respect du droit public de la construction. La loi définissait clairement le caractère obligatoire des règles sur les gabarits et aucune pesée des intérêts n'avait à intervenir à cet égard.

Les cartes indicatives sur les surélévations n'avaient certes pas de portée juridique mais on ne pouvait pas faire comme si elles n'existaient pas à moins de leur enlever toute valeur. Le département et la commission d'architecture auraient dû examiner les raisons qui avaient conduit les auteurs de la carte à n'indiquer comme surélevable qu'une partie de l'immeuble et déterminer s'il y avait lieu de s'en écarter.

28) Dans ses observations du 9 décembre 2011, le département a appuyé les arguments et conclusions de l'A______. Retenir un alignement de 15 mètres sur la parcelle du parc I______ reviendrait à retenir quatre alignements différents sur la rue.

29) Le 13 janvier 2012, l'A______ a transmis ses observations sur la réponse de la Ville de Genève et a persisté dans son recours en reprenant ses arguments développés dans ce dernier.

30) Le 8 mars 2012, la chambre administrative a entendu Monsieur E______, ingénieur-urbaniste du service d'urbanisme de la Ville de Genève, en présence des parties, de Monsieur F______, l'architecte de l'A______, et du département.

Pour retenir l'alignement de 18 mètres, le service avait tenu compte du vide représenté par le parc et avait apprécié la situation de la manière qui leur avait paru la plus logique sur le plan urbanistique en tenant compte des îlots connexes.

31) Le 11 octobre 2012, les parties ont été entendues par la chambre administrative. L'A______ a affirmé qu'un alignement de 15 mètres aurait pour conséquence d'amputer le projet d'un étage et ceci entraînerait l'impossibilité d'avoir un plan financier viable, et donc l'annulation du projet. De plus, le bâtiment était sis dans un quartier populaire, les appartements qui pouvaient être construits n'étaient pas des appartements dits de standing, ce qui avait un impact sur le plan financier.

La Ville de Genève a répondu que ces contraintes financières ne sauraient empêcher l'application de la loi de manière égale dans tout le périmètre de la Ville de Genève. Si elle s'était opposée au projet, c'était pour se conformer au principe qu'elle défendait, à savoir que la densification en ville ne pouvait se faire n'importe comment. En particulier, elle était en désaccord avec le département qui, depuis que les surélévations étaient autorisables, avait eu une tendance à aller au-delà de ce que la loi permettait.

32) Dans ses observations finales du 7 novembre 2012, l'A______ a affirmé que la Ville de Genève avait reconnu agir pour défendre sa conception de la densification urbaine et contrecarrer celle du Canton. En outre, le parc I______ était soumis à l'art. 11 la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10), ce qui le rendait inconstructible sur une distance de 15 mètres à compter de l'axe de la route, distance qui dépassait les 18 mètres calculés depuis l'immeuble de l'A______.

33) Le même jour, la Ville de Genève a également transmis ses observations finales. Contrairement à ce qu'affirmait le département, les immeubles côté L______ ne formaient pas de nouveaux alignements et leur construction en retrait des autres immeubles ne résultait pas d'un plan d'alignement.

Les pièces du dossier ainsi que les enquêtes démontraient que la Ville de Genève avait donné l'indication erronée quant à la distance entre alignements le
6 mai 2010, soit la veille du dépôt de la demande d'autorisation de construire, et pas avant. L'art. 11 LRoutes n'était quant à lui pas applicable, cette disposition visant l'élargissement des routes. Pour le surplus, la Ville de Genève a repris ses arguments développés dans sa réponse.

34) Le département a également déposé ses observations finales le 7 novembre 2012. En raison de l'art. 11 LRoutes, la Ville de Genève ne pouvait pas construire sur le parc I______ à une distance de moins de 22,5 mètres à partir de l'immeuble de l'A______. Le département avait fait usage de la dérogation prévue à l'art. 11 al. 3 LRoutes pour permettre à l'A______ de procéder à la surélévation. En considérant que l'alignement correspondait au bâtiment de l'A______ d'un côté de la rue, et qu'en face, l'alignement se situait sur le même axe que les bâtiments sis tant directement à droite qu'à gauche du parc I______, le département avait, à bon escient, fait usage de la dérogation prévue à l'art. 11 al. 3 LRoutes.

Il rappelait en outre que le parc I______ était inconstructible.

35) Le 14 novembre 2012, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2) La question du gabarit de hauteur auquel l'immeuble litigieux, situé en deuxième zone, pourrait être porté suite à la surélévation querellée est réglée par les art. 22 et 23 LCI. Il n'est pas contesté que celui-ci a été - et à juste titre - déterminé en application de l'art. 23 al. 5 LCI.

3) Le grief formulé à ce sujet par le recourant a trait seulement à la distance entre alignements devant être prise en compte dans le calcul du gabarit autorisable, qui, selon elle, ne saurait être de 15 mètres, soit la distance séparant l'immeuble du recourant et la limite de la parcelle no 356 de l'intimée bordant la rue des H______, mais de 18 mètres.

Selon le recourant, un alignement de fait doit être retenu du côté impair de la rue des H______ du fait que les bâtiments construits sur les parcelles nos 2’469 et 2’557 sont situés en retrait de leur limite de propriété.

La notion d'alignement de fait, contrairement à ce qu'allègue l'intimée, n'est pas étrangère au droit. La chambre de céans a déjà eu l'occasion de préciser que tous les bâtiments du même côté d'une rue érigés en retrait de la limite de propriété sur une même ligne constituaient un alignement de fait. Dès lors que les bâtiments sont alignés des deux côtés d'une rue, il se justifie de tenir compte de la distance entre alignements pour calculer la hauteur de gabarit (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012).

Toutefois, contrairement au cas de figure prévalant dans l'arrêt précité et au côté L______ de la rue des H______, où l'on peut clairement admettre l'existence d'un alignement, à 15 mètres, à la limite des parcelles, les façades des immeubles bâtis sur les parcelles nos 3’861, 2’469, 2’557, 357 et 2’462 ne suggèrent pas une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait. Il convient en effet de relever que seul un petit nombre de constructions est érigé sur cette distance, somme toute importante, que celles-ci sont éloignées les unes des autres et qu'elles ne sont pas toutes alignées sur une même ligne droite, le bâtiment B3______ sis sur la parcelle n° 2’557 se trouvant en retrait des cinq autres bâtiments.

4) Le recourant soutient que la prise en compte d'un alignement de 18 mètres ne porterait pas préjudice à l'intimée, du fait que le parc I______ était situé sur une zone verte et donc inconstructible, qu'elle n'avait au demeurant aucun projet de construction sur le parc et que l'art. 11 LRoutes l'empêchait d'y construire des bâtiments à la limite de sa propriété.

Il sied de rappeler que c'est la construction du recourant qui fait l'objet du présent litige. Le fait que le parc I______ soit constructible ou non, que l'intimée ait des projets de construction dans le parc, n'a pas d'incidence sur l'alignement à retenir dans l'optique d'une surélévation de l'immeuble du recourant.

Il en va de même concernant l'art. 11 LRoutes. Ce dernier n'entrera en ligne de compte que lors de l'examen d'un projet d'une éventuelle construction de l'intimée sur le parc I______, et ne concerne pas le calcul de la distance entre l'alignement de l'immeuble du recourant et la limite de propriété de l'intimée.

5) Au surplus, le fait que le parc I______ soit sis sur une zone verte et que l'intimée n'ait pas de projet de construction sur le parc ne le rend pas inconstructible. Les conditions pour bâtir y sont certes plus strictes mais le cas de figure est envisageable. Le fait qu'il n'existe aucun projet de construction à terme n'est pas pertinent.

Quant à l'art. 11 al. 2 LRoutes, il ne repousse pas obligatoirement la possibilité de construire à une profondeur de 15 mètres depuis l'axe routier. En effet, comme le rappelle le département, une dérogation est possible selon l'art. 11 al. 3 LRoutes si l’interdiction de construire qui découle de l'alinéa 2 ne repose sur aucun motif pertinent d’aménagement du territoire ou d’environnement. Une éventuelle construction de l'intimée sur le parc I______ pourrait donc obtenir une telle dérogation et être bâtie à la limite de la propriété.

6) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, concrétisé par les art. 5 al. 3 et 9 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêt du Tribunal fédéral 9C.115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2).

En l'espèce, dans son préavis du 9 juillet 2010, l'intimée a fait savoir qu'elle n'était pas favorable au projet et indiqué que l'alignement de 18 mètres retenu nécessiterait l'inscription d'une servitude. Elle avait certes indiqué le 6 mai 2010 à l'architecte du recourant que la distance entre alignements à retenir était de 18 mètres, mais cette date correspondait à la veille du dépôt des plans. Le projet avait déjà été établi à cette date et le recourant n'aurait donc pu prendre aucune disposition en lien avec l'indication donnée par l'intimée. Cette dernière n'a donc pas violé le principe de la bonne foi.

7) En conclusion, en l'absence d'un alignement de fait, c'est la distance entre l'immeuble du recourant et la limite de propriété de l'intimée qui doit être prise en compte, soit 15 mètres.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2011 par l'A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 octobre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l'A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat du recourant, à la Ville de Genève, au département de l’aménagement, du logement et l'énergie, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :