Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2543/2011

ATA/670/2012 du 02.10.2012 sur JTAPI/82/2012 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.11.2012, rendu le 09.07.2013, REJETE, 1C_582/2012
Descripteurs : ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; ZONE À PROTÉGER ; INDICE D'UTILISATION ; POUVOIR D'EXAMEN ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ
Normes : LCI.106 ; LCI.107
Parties : HICKS Luce Micheline, THIERRIN Raymond / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, CAP ESTATE SA
Résumé : Examen de la conformité d'un projet de construction avec les normes applicables en zone 4B protégée, notamment sous l'angle de l'indice d'utilisation du sol (IUS). En 4ème zone, aucun IUS contraignant n'est fixé par la législation applicable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2543/2011-LCI ATA/670/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 octobre 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame Luce Micheline HICKS
représentée par Me Stéphane Piletta-Zanin, avocat
et
Monsieur Raymond THIERRIN
représenté par Me Stéphane Piletta-Zanin, avocat

contre

CAP ESTATE S.A.
représentée par Me Yves de Coulon, avocat
et
DéPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2012 (JTAPI/82/2012)


EN FAIT

1) Cap Estate S.A. (ci-après : Cap Estate) est propriétaire des parcelles nos 573 et 1'353, feuille 20 de la commune de Genthod, de 217 m2 et 562 m2, sises à l'angle de la route de Lausanne et de la rue de la Printanière, aux adresses, 345, route de Lausanne et 2, rue de la Printanière à Bellevue.

Sur ces terrains, qui sont situés en zone 4B protégée, se trouvent les bâtiments du Garage Yves Golaz S.A., soit une station-service, une salle d'exposition et des bureaux, un atelier, une station de lavage et des annexes.

La parcelle n° 534 jouxte à l'est, sur la rue de la Printanière, la parcelle n° 1'353. D'une surface de 177 m2, elle est propriété de Madame Luce Micheline Hicks. Une maison d'habitation (n° 98) comportant un logement mis en location, est construite sur ladite parcelle.

Au nord de ce terrain, au bord de la route de Lausanne, se trouve la parcelle n° 575, de 534 m2, adjacente aux parcelles nos 573 et 1'353. Elle est propriété de Monsieur Raymond Thierrin et comporte deux maisons d'habitation (nos 957 et 958) mises en location. Le bâtiment n° 958, situé au bord de la route de Lausanne, comporte plusieurs logements.

Les différents bâtiments du garage sont construits en limite de ces deux parcelles voisines. Une palissade longe l'entier de la construction entre le garage et la parcelle de Mme Hicks. Du côté de la parcelle de M. Thierrin, les locaux du garage, qui n'ont pas d'étage à cet endroit, sont accolés à la maison. La façade de celle-ci présente une fenêtre à l'étage qui donne sur le toit plat du garage situé en-dessous.

2) Le 20 avril 2010, le département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département de l'urbanisme (ci-après : le département), a délivré une autorisation de construire préalable (DP 18'223-7) à Cap Estate pour la construction d'un immeuble de logements sur ses parcelles. Le même jour, une autorisation de démolir tous les bâtiments de la station-service (M 6'374-7) a été délivrée.

Lors de l'instruction de la demande, la sous-commission architecture (SCA) de la commission des monuments de la nature et des sites (CMNS) avait demandé que des modifications soient apportées au projet.

Le 8 décembre 2009, elle relevait que le nu de façade proposé sur la route de Lausanne se calquait sur celui de l'actuel garage. Cet alignement s'inscrivait en rupture avec le tissu bâti existant. L'excroissance sur trois niveaux ne participait pas d'une bonne intégration et induisait un raccord peu heureux avec le bâtiment voisin sis sur la parcelle n° 575. La densification des parcelles était admise dans son principe et la situation le long de la route cantonale autorisait une expression différente que celle traditionnellement demandée dans la zone protégée. Les parcelles concernées étaient très visibles depuis le domaine public. L'angle de la route de Lausanne et de la rue de la Printanière était relativement déprécié par la présence actuelle du garage et victime des nuisances du trafic routier. Bien que sis sur la commune de Genthod, cet endroit apparaissait comme l'entrée du village de Bellevue dont l'urbanisme caractéristique s'exprimait immédiatement (alignements sur la route de Lausanne, gabarits, volumes généraux, etc).

Les maisons situées sur les parcelles adjacentes au projet étaient vraisemblablement bâties autour de 1900 et l'absence d'intérêt patrimonial et/ou architectural à proximité directe du bâtiment proposé ne pouvait être affirmée d'emblée.

Le 9 février 2010, en se prononçant sur un projet modifié, la SCA a demandé que les vues droites avec le bâtiment sis sur la parcelle n° 534, soient respectées, ce qui impliquait le recul de la façade nord-est du futur bâtiment (mur aveugle en limite de propriété dans le projet). Elle n'était pas opposée au principe d'une dérogation au sens de l'art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) pour distance insuffisante à la limite parcellaire uniquement. Elle relevait que hormis les points précédents, les nouvelles options répondaient au précédent préavis de la CMNS. Le préavis précisait que M. Jucker, architecte du projet et membre de la SCA, n'avait pas participé à ce point de l'ordre du jour.

Le 8 mars 2010, le service des monuments et des sites du département (SMS) a préavisé favorablement le projet en relevant que les nouveaux plans déposés le 22 février 2010 étaient conformes aux exigences de la CMNS. Les vues droites avec le bâtiment voisin n° 96 étaient pleinement respectées (nu de façade du bâtiment projeté situé à 4 m de la construction existante). Cette solution impliquait l'élaboration d'une façade aveugle pour éviter tous problèmes de vues croisées. Le projet permettait le maintien du profil de toiture du bâtiment voisin n° 958.

3) a. Par acte du 25 mai 2010, Mme Hicks a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), contres les autorisations de construire préalable et de démolir, en concluant à leur annulation.

b. Le même jour, Mme et M. Thierrin ont également recouru contre les autorisations susmentionnées.

4) Par décision du 19 novembre 2010, la CCRA, après avoir joint les recours, a confirmé l'autorisation de démolir et annulé l'autorisation préalable de construire DP 18'223-7 au motif que le projet finalement autorisé n'avait pas été soumis pour préavis à la commune de Genthod qui ne s'était prononcée que sur un projet antérieur.

5) Entre-temps, le 6 août 2010, Cap Estate a déposé une demande définitive de construire un immeuble de logements et commerces sur ses parcelles (DD 103'809-4).

Le projet portait sur la construction d'un bâtiment à toit plat, de type R+2 avec sous-sol, comprenant trois appartements en PPE dont deux de 8 pièces et un de 5 pièces pour une surface brute totale de 830 m2 ainsi que 111 m2 de surface commerciale au rez-de-chaussée.

Tous les préavis recueillis lors de l'instruction de cette demande ont été favorables au projet. Se sont notamment exprimés :

- la SCA qui a indiqué, le 7 septembre 2010, être favorable à l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 106 LCI. Le projet s'inscrivait dans la continuité de la demande préalable de sorte qu'elle n'avait pas d'objections particulières à formuler quant aux questions de gabarit, d'implantation, de volume et d'accès qui respectaient les préavis rendus précédemment ; il était précisé que M. Jucker n'avait pas participé à ce point de l'ordre du jour ;

- l'office du génie civil, le 21 octobre 2010, s'était prononcé positivement.. Suite au projet de réaménagement de la route de Lausanne dans la traversée de Bellevue, initié par la commune, le service des routes demandait l'acquisition d'une surface de 85 m2 de la parcelle n° 573 ou la création d'une servitude de passage pour piétons et cycles au profit du domaine public cantonal.

- le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (SPBR) a précisé, le 31 janvier 2011, dans son préavis favorable sous condition, que des mesures de protection, notamment contre le bruit extérieur et contre le bruit aérien intérieur, soient prises, outre les mesures d'amélioration proposées dans le rapport du 11 juin 2010 de l'acousticien expert.

- le 1er juillet 2011, la commune de Genthod, sous la signature du nouveau Maire, Monsieur François Mazenod, a indiqué être favorable à la dérogation de l'art. 106 LCI, confirmant le préavis du 2 septembre 2010 de l'ancienne Maire.

6) Le 15 juillet 2011, le département a délivré à Cap Estate l'autorisation définitive de construire sollicitée (DD 103'809-4) qui a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) du 20 juillet 2011.

Selon les plans visés ne varietur le 15 juillet 2011, le bâtiment avait notamment une hauteur de 9,86 m, du côté de la parcelle de M. Thierrin sur la route de Lausanne et de 8,84 m du côté de la parcelle de Mme Hicks.

7) Le 19 juillet 2011, le Maire de Genthod a adressé un courrier au conseiller d'Etat en charge du département. La commune ne pouvait aller à l'encontre de la décision de la CCRA, notamment en ce qui concernait les problèmes de limites de propriété. Le droit de vue sur le lac au 1er et 2ème étage du bâtiment sis sur la parcelle n° 534 devait être maintenu au risque de porter préjudice à sa valeur.

8) Le 9 août 2011, le Maire a adressé un second courrier. La commune retirait son préavis et s'opposait formellement au projet tel que présenté dans sa dernière version.

9) Le 19 août 2011, Mme Hicks a recouru auprès du TAPI contre l'autorisation de construire en concluant à son annulation.

L'élargissement de la route de Lausanne aurait pour effet de rapprocher les nuisances d'un trafic déjà important, particulièrement vers les 1er et 2ème étages de l'immeuble projeté; ce fait n'avait pas été pris en compte, notamment par la SCA.

La commune s'opposait au projet, ce dont il n'avait pas été tenu compte.

Le gabarit de la construction projetée était inacceptable et n'avait pas sa place dans cette zone, à cet endroit où le tissu bâti était constitué de villas en général unifamiliales et donc relativement petites. L'indice d'utilisation du sol (IUS) était de 2 pour la seule parcelle n° 573 ou de 1,5 pour les deux parcelles.

Le mur borgne situé à quelque 70 cm environ de la limite de propriété devait être déplacé à 6 m de la limite conformément aux normes de la LCI. La construction aurait pour effet de la priver de tout ensoleillement. Esthétiquement, le projet était injustifiable.

10) Le 14 septembre 2011, M. Thierrin a recouru auprès du TAPI contre l'autorisation de construire, en concluant à son annulation. Il a soulevé pour l'essentiel les mêmes griefs que Mme Hicks.

De plus, les deux parcelles propriété de Cap Estate jouxtaient la totalité de la façade sud-ouest du bâtiment d'habitation construit sur sa parcelle. Une fenêtre, existant déjà lors de l'acquisition du bâtiment par son père en 1962 et bénéficiant de la prescription acquisitive, se trouvait sur cette façade à l'étage. La construction projetée avait pour conséquence la condamnation de cette fenêtre qui était la seule ouverture d'une des pièces, et elle ne respectait pas les vues droites.

La ligne horizontale du bâtiment projeté dépassait celle de la façade d'environ 4 m de chaque côté et la ligne verticale de 1,5 m. Ces dimensions avaient pour effet de priver de luminosité les jours installés sur la toiture.

La construction allait entraîner une hausse conséquente du trafic dans le quartier ainsi que des nuisances sonores et une gêne durable pour la circulation, contraires à l'art. 14 LCI.

11) Le 27 septembre 2011 et le 17 octobre 2011, Cap Estate s'est opposée aux recours.

12) Le 16 novembre 2011, le département a déposé des observations en concluant au rejet des deux recours. Les préavis avaient été délivrés en toute connaissance de cause et le projet était en tout point conforme au droit.

13) Lors de la comparution personnelle du 24 novembre 2011, les parties ont campé sur leurs positions. Le département a précisé que l'élargissement de la route de Lausanne n'aurait aucune incidence quant à l'implantation de l'immeuble projeté, les alignements demeurant inchangés. Mme Hicks et M. Thierrin ont demandé un transport sur place.

14) Les parties se sont encore exprimées suite à l'audience.

Le 5 décembre 2011, M. Thierrin a produit un courrier de Madame Nelly Kocher, fille de l'ancien propriétaire de la parcelle n° 575. La fenêtre sur la façade avait été aménagée entre 1948 et 1950 avec l'accord du propriétaire voisin, Monsieur Henri Golay.

Le 19 décembre 2011, le département a précisé que la fenêtre existant sur la façade de la villa de M. Thierrin n'était pas autorisable, du fait qu'elle était située sur un mur en attente, répondant à l'ordre contigu au sens de l'art. 30 LCI.

15) Le 30 janvier 2012, le TAPI a rejeté les recours après les avoir joints.

Le département avait correctement appliqué les conditions de l'art. 106 al. 1 LCI en s'appuyant sur le préavis positif et prépondérant de la CMNS. Les griefs de violation du gabarit légal, des distances entre les bâtiments et aux limites de propriétés et des vues droites ne pouvaient dès lors être retenus.

Il n'existait pas d'IUS usuel pour la zone 4B protégée.

S'agissant de l'esthétique du projet, il n'y avait pas lieu de remettre en cause l'appréciation de la CMNS.

Les différentes nuisances alléguées, telles celles engendrées par la circulation ou la perte d'ensoleillement n'étaient pas fondées.

16) Le 2 mars 2012, Mme Hicks a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire DD 103'809-4 et au versement d'une indemnité valant participation à ses honoraires d'avocat. En outre, elle concluait à un transport sur place et à l'audition du Maire de la commune.

La densité du projet était manifestement excessive ou exceptionnelle. En zone 4B protégée, une densité de l'ordre de 0,6 à 0,8 était en général retenue comme maximum. Il n'était pas possible d'autoriser une densité supérieure à celle d'une zone de développement 3. L'esprit de cette zone était de chercher à protéger l'aspect villageois en tant que tel par divers moyens dont, une densité effectivement plus importante qu'en zone villa et, en règle générale, la faculté de construire en limite de propriété. Le législateur voulait notamment éviter des gabarits qui n'auraient plus rien à voir avec le tissu villageois.

L'un des architectes du projet était membre de la SCA et il fallait se poser la question de savoir si un certain favoritisme n'avait pas permis au projet d'aboutir. Le TAPI n'avait pas examiné cette question.

La dérogation de l'art. 106 LCI dépendait du préavis de la commune et de la CMNS. Or, la commune était opposée au projet et l'avait fait savoir avant la publication de l'autorisation de construire. L'art. 106 LCI exigeait deux préavis positifs. A cet égard, il fallait que la chambre entende un représentant de la commune.

La construction d'une hauteur d'environ 10 m à quelques 4 m de la façade de sa villa serait de toute évidence cause d'inconvénients graves par la perte de lumière et d'ensoleillement.

Le projet de construction était à ce point massif et d'expression résolument non villageoise qu'il avait été présenté dès le début dans le contexte d'un hypothétique développement futur sur les parcelles voisines tant le long de la route de Lausanne que sur la route de la Printanière. Or, avec le projet autorisé, un tel développement ne serait même plus possible sans qu'il n'y ait un vide de 60 à 70 cm entre les constructions. C'était pourtant ce que le législateur avait entendu éviter.

Ce projet aurait dû être envisagé dans le cadre d'un PLQ portant sur les parcelles environnantes.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendue en ne se prononçant pas sur les griefs suivants : violation de l'art. 11 al. 2 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) et de l'art. 11 al. 4 LCI, invoqués dans ses écritures.

17) Le 2 mars 2012, M. Thierrin a également recouru contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire DD 103'809-4 et au versement d'une indemnité de procédure.

A l'appui de son recours, il soulevait les mêmes griefs que Mme Hicks, en y ajoutant la question de sa fenêtre qui impliquait la suppression d'une pièce d'habitation et qui n'avait pas été examinée dans le cadre de l'octroi de la dérogation de l'art. 106 LCI.

18) Le 20 avril 2012, Cap Estate a déposé ses observations en concluant au rejet des recours.

Par rapport à la parcelle de Mme Hicks, il était faux de dire que le bâtiment projeté la priverait d'ensoleillement ou de jour. Un mur de deux mètres de haut occupait aujourd'hui toute la longueur de la parcelle. La moitié de la face sud-est de la parcelle de Mme Hicks serait désormais complètement dégagée du fait du retrait de 6 mètres des bâtiments projetés par rapport à la rue de la Printanière.

En zone 4B, il n'y avait pas d'IUS maximal prévu. Le plan de développement futur était indicatif de ce qu'il était possible de construire en zone 4B. Il permettait de démontrer que le projet s'inscrivait parfaitement dans la typologie, favorisant les bâtiments contigus de la zone et se trouvait dans une parfaite continuité de ce qui existait déjà du même côté de la route de Lausanne.

L'architecte du projet, membre de la SCA, n'avait jamais participé aux délibérations de la CMNS dans ce dossier comme cela ressortait expressément des préavis.

19) Le 20 avril 2012, le département a répondu aux recours en renvoyant à la position de Cap Estate. En particulier, s'agissant du tracé de la route de Lausanne, toutes les instances concernées avaient pu analyser le dossier contenant un plan au 1:500 des parcelles concernées présentant clairement l'alignement. Le plan d'alignement existait et celui sur la route de Lausanne n'aurait aucune incidence quant à l'implantation de l'immeuble projeté. Le réaménagement de la route portait essentiellement sur une piste cyclable et le passage des piétons. La cession d'une partie de la parcelle n° 573 au profit du domaine public cantonal, d'une surface d'environ 85 m2 était destinée à ces buts.

20) Le 25 mai 2012, Mme Hicks et M. Thierrin ont répliqué en reprenant en substance les griefs déjà développés et en ajoutant une demande de suspension de l'instruction jusqu'à publication de la détermination de la Cour des comptes au sujet d'un audit du département.

21) Le 15 juin 2012, Cap Estate a dupliqué. La demande de suspension n'était qu'un élément de la stratégie dilatoire de Mme Hicks et de M. Thierrin.

22) Le 20 juin 2012, le département a déposé des observations en réitérant son argumentation et en persistant dans ses conclusions.

23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 25 juin 2012.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

En l'espèce, la chambre de céans dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause, le système d'information sur le territoire genevois (ci-après : SITG) et les photographies et plans figurant au dossier permettant de se rendre compte de la situation de fait. Il n'est ainsi pas utile de procéder à d'autres mesures d'instruction.

3) S'agissant de la suspension de l'instruction dans l'attente d'une détermination de la Cour des comptes sur l'opportunité d'un audit du département, elle sera également refusée. En effet, les éléments qui pourraient être mis en évidence dans un tel audit n'ont aucun rapport avec le présent litige, et les conditions de la suspension ne sont par ailleurs pas remplies (art. 14 al. 1 et 78 LPA).

4) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let a LPA). La chambre de céans ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

5) Les recourants reprochent au projet de dépasser l'IUS autorisable.

a. Selon l'art. 107 LCI, dans la mesure où il n'y est pas dérogé par l'art. 106 de cette même loi, les dispositions régissant la 4ème zone rurale sont applicables aux constructions édifiées dans la zone des villages protégés.

La 4ème zone rurale (4ème zone B) est destinée principalement aux maisons d'habitation, comportant en principe plusieurs logements, situées dans des villages et des hameaux (art. 19 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

En quatrième zone, les constructions sont, en règle générale, édifiées en ordre contigu. Lorsque les circonstances le justifient, le département peut cependant autoriser ou imposer la construction de villas et de bâtiments agricoles isolés, soumis aux dispositions applicables à la cinquième zone. Les dispositions de l'article 106 sont réservées (art. 30 LCI).

b. Ni la LCI ni la LaLAT ne prévoient d'IUS applicable à la quatrième zone.

La fiche 2.06 du plan directeur cantonal (ci-après : PDC) mentionne un indice usuel de 0.6, pour les zones 4B. Elle préconise également la construction d'immeubles d'habitation et/ou d'activités plutôt que des villas, en veillant toutefois à respecter la morphologie des villages. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'indice mentionné dans le plan directeur n'est pas contraignant, ni comme limite supérieure, ni comme limite inférieure (ATA/232/2006 du 2 mai 2006 ; ATA/1315/2003 du 2 décembre 2003). Il n'est en effet pas contraire à la loi ou au PDC ni à l'esprit de ceux-ci d'opter pour une densification différenciée, à l'intérieur même d'un quartier, en utilisant au maximum le potentiel constructible des parcelles qui se trouvent les plus proches des voies de communication existantes et en préservant, par ce biais, l'intérieur du quartier et la végétation d'une forte urbanisation (ATA/532/2012 du 21 août 2012 consid. 4b et les arrêts cités).

c. L'art. 38 al. 2 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) permet au Conseil d'Etat de fixer, par le biais d'un plan de site assorti d'un règlement, le gabarit et l'implantation des constructions dans des périmètres à protéger, comme cela peut être fait également par un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) au sens de l'art. 3 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

Ces plans d'affectations spéciaux peuvent notamment prévoir un IUS applicable à chaque parcelle ou groupe de parcelles.

En l'espèce, il n'existe pas de tels plans d'affectations ou de règlement fixant un IUS pour les parcelles concernées.

Il découle de ce qui précède qu'aucun IUS contraignant n'est fixé par la législation applicable et qu'en conséquence, le grief des recourants doit être écarté, étant précisé qu'en rapport avec le respect du PDC, une exception à l'IUS préconisé par ce dernier se justifie d'autant plus que la parcelle concernée est peu étendue et est située sur une voie de communication majeure.

6) Aux termes de l'art. 106 al. 1 LCI, dans les zones 4B protégées, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant.

Dans l'exercice de la compétence que lui confère l'art. 106 al. 1 LCI, le département dispose d'une grande liberté d'appréciation, que le juge ne peut revoir qu'en cas d'excès ou d'abus (art. 61 al. 2 LPA). Un tel excès est réalisé si l'autorité administrative sort du cadre des mesures autorisées par la loi. Il y a abus lorsque l'autorité reste dans le cadre de ces mesures possibles, mais viole un principe constitutionnel, tels que ceux de l'égalité de traitement, de la proportionnalité ou l'interdiction de l'arbitraire (T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 170, n° 512).

Chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, l'autorité de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (T. TANQUEREL, op. cit., p. 168, n° 508, et la jurisprudence citée). Ainsi, l'autorité de recours de première instance qui a désormais le même pouvoir de cognition que la chambre administrative mais qui, contrairement à cette juridiction, est composée pour une part de spécialistes, peut donc exercer un contrôle plus technique que celui-ci lorsque le sujet considéré exige une spécialisation d'une technicité plus grande (ATA/197/2012 du 3 avril 2012, et la jurisprudence citée).

Pour l'application de l'article 106 LCI, le département doit recueillir le préavis de la CMNS et de la commune.

De jurisprudence constante, les préavis n'ont qu'un caractère consultatif. Un préavis est en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative; s'il va de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans les conditions prévues par la loi, l'autorité de décision reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (ATA/232/2006 du 2 mai 2006 ; RDAF 1983 p. 344).

La loi ne prévoit aucune hiérarchie entre les différents préavis requis. Néanmoins, dans le cadre de l'application de l'art. 106 al. 1 LCI où la commune et la CMNS doivent être consultées, la chambre de céans a toujours jugé qu'en cas de préavis divergents, une prééminence était reconnue à celui de la CMNS puisqu'elle est composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine. Lorsque sa consultation est imposée par la loi, son préavis, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un caractère prépondérant (ATA/232/2006 précité et les arrêts cités).

En l'espèce, le projet de construction a été modifié pour tenir compte des préavis successifs de la CMNS qui a examiné avec toute l'attention voulue les différents aspects du projet, notamment en ce qui concerne son articulation avec les bâtiments existants sur les parcelles des recourants et ceux déjà construit le long de la route de Lausanne dans le village de Bellevue.

Elle s'est déclarée favorable à une dérogation concernant la distance aux limites de propriétés en fixant elle-même la distance entre le nouveau bâtiment et celui construit sur la parcelle de la recourante. Elle a, en outre, exigé le retrait de 6 m du bâtiment projeté le long de rue de la Printanière, dégageant ainsi la vue de la moitié de la parcelle de la recourante.

L'examen auquel a procédé la CMNS apparaît comme complet, et c'est donc à juste titre que le préavis de cette dernière a été suivi par le département qui a, en outre, fondé sa décision sur un ensemble de préavis favorables. A cet égard, le fait que la commune ait changé d'avis après la prise de décision par le département n'est pas susceptible de modifier ce résultat puisqu'elle avait déjà rendu un préavis favorable en temps voulu.

7) Les recourants reprochent au jugement du TAPI de ne pas avoir examiné l'art. 11 al. 4 LCI dont ils avaient invoqué la violation.

L'art. 11 al. 4 LCI permet, à certaines conditions énumérées limitativement, le dépassement du gabarit prescrit par la loi en 4ème zone.

En l'espèce, le bâtiment projeté ne nécessite pas de dérogation, s'agissant de la hauteur de son gabarit, contrairement à ce que soutiennent les recourants qui n'avancent par ailleurs aucun élément concret à l'appui de leur grief. En outre, comme exposé ci-dessus, l'art. 106 LCI est applicable aux dérogations dans les villages protégés (art. 107 LCI).

En conséquence, ce grief est infondé.

8) Finalement, les recourants se prévalent d'inconvénients graves tels que la perte de lumière et d'ensoleillement.

La législation genevoise ne contient pas de disposition relative à la perte d'ensoleillement, les règles en matière de gabarit et de distances aux limites ayant entre autres vocations celle de garantir un ensoleillement et un confort adéquat aux habitations concernées. La chambre administrative a cependant eu l'occasion d'admettre que, selon les circonstances, il était possible de s'inspirer des règles existant dans d'autres cantons. Une atteinte à la propriété peut être admise lorsque des nouvelles constructions occasionnent, sur les constructions existantes, une absence d'ensoleillement supplémentaire de deux heures, cette mesure étant prise par rapport à la date des équinoxes. Une perte plus importante est en outre admissible en fonction de l'intérêt public lié à la nouvelle construction (ATA/474/2006 du 31 août 2006 ; ATA/789/2002 du 10 décembre 2002).

En l'espèce, la recourante n'apporte aucun élément qui indiquerait que la situation constituerait une atteinte à la propriété telle que définie par la jurisprudence. Dans la situation actuelle, une palissade, appuyée sur les bâtiments du garage est édifiée en limite de parcelle. Le bâtiment prévu sera certes plus haut que les constructions existantes mais sera plus éloigné de la maison et, en raison d'un retrait de 6 m le long de la rue de la Printanière, la moitié de la face sud-est de la parcelle sera entièrement dégagée. En outre, comme vu ci-dessus, les prescriptions légales applicables à la construction projetée ont été respectées.

En outre, la perte d'ensoleillement invoquée n'est nullement établie par la production de plans ou des projections d'ombres portées. Compte tenu de l'implantation de l'immeuble à construire, il n'est pas avéré que ladite perte existe ou, cas échéant, qu'elle serait de plus de deux heures par jour. Le même raisonnement est applicable à la perte de lumière invoquée par le recourant.

En conséquence, ces griefs seront écartés.

9) Finalement, le recourant estime que la question de la fenêtre qui serait obstruée par la façade de la nouvelle construction, n'a pas été prise en compte.

La fenêtre est située sur une façade, en limite de parcelle. Le percement d'une fenêtre dans un mur en attente n'est pas autorisable, sous peine d'empêcher la contiguïté voulue par le législateur en 4ème zone. Le recourant n'a pas établi que son percement a été autorisé mais uniquement qu'un accord privé avait été obtenu au moment des travaux. Il ne peut dès lors se prévaloir de vues droites et son grief doit être rejeté.

10) En tous points infondés, les recours seront rejetés. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de chacun des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à l'intimée, à la charge des recourants et à raison de CHF 750.- chacun (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 2 mars 2012 par Madame Luce Micheline Hicks et Monsieur Raymond Thierrin contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2012 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Luce Micheline Hicks ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Raymond Thierrin ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Cap Estate S.A., à la charge de Madame Luce Micheline Hicks pour CHF 750.- et de Monsieur Raymond Thierrin pour CHF 750.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Piletta-Zanin, avocat des recourants, à Me Yves de Coulon, avocat de Cap Estate S.A., au département de l'urbanisme ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :