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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/761/2022

JTAPI/1376/2022 du 12.12.2022 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/788/2023

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;CHANGEMENT D'AFFECTATION;REMISE EN L'ÉTAT
Normes : LCI.12D; LCI.129
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/761/2022 LCI et A/1014/2022

JTAPI/1376/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 décembre 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par ZIMMERMANN IMMOBILIER SA, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA, dont le but statutaire indique une activité dans le « commerce d'articles chorégraphiques, de vêtements "prêt-à-porter" et de tous produits de maroquinerie; commerce, construction et gérance de tous immeubles », est, depuis le 20 juin 2014, propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de Genève, sise en zone 2, sur laquelle un immeuble d’habitations est érigé et dont la construction avait été autorisée le ______ 1957 (DD 2______). Elle l’a acquise de Messieurs B______ et C______.

Selon l’autorisation DD 2______, les combles étaient destinés à des locaux commerciaux (bureaux).

2.             Par courrier du 21 juillet 2020, l’office cantonal du logement et de la panification foncière (ci-après : OCLPF) du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a interpellé A______SA au sujet de travaux qui auraient été réalisés dans les combles de l’immeuble – logements de 3 et 3.5 pièces.

Un délai lui était imparti pour transmettre ses observations et explications éventuelles.

3.             La D______ (ci-après : la régie), pour le compte de A______ SA, a répondu le 16 septembre 2020, produisant des pièces en annexe.

MM. B______ et C______ avaient acquis l’immeuble en mars 2001, lesquels l’avaient rachetée à E______ – propriétaire depuis 1999 - et A______ SA en était devenue propriétaire le 20 juin 2014.

Lorsqu’elle avait repris la gérance de l’immeuble le 15 mars 2001, elle avait constaté que les locaux dans les combles étaient utilisés à des fins d’habitation, l’un étant loué à Monsieur F______ - avant Monsieur G______, entré le 1er mai 2004, même si son nom n’apparaissait pas sur les listings - et l’autre à Monsieur H______ depuis le 1er janvier 1999 ; elle ignorait quand et comment ces changements d’affectation avaient été effectués.

Selon les listings produits en annexe, les deux appartements étaient actuellement loués, l’un par Madame et Monsieur I______ et l’autre par Monsieur J______.

4.             Le 16 octobre 2020, l’OCLPF a informé A______ SA que, lors d’un constat effectué sur place le 9 octobre 2020, il avait été constaté qu’il y avait eu un changement d’affectation des combles (administratif en logement) et ce sans autorisation de construire, ce qui était susceptible de constituer une infraction (procédure d’infraction I-3______). Un délai de dix jours lui était octroyé pour observations et explications éventuelles.

5.             La régie a répondu le 26 octobre 2020, renvoyant à son courrier du 16 octobre précédent.

6.             Par décision du 13 novembre 2020, le DT a ordonné à A______ SA de déposer une demande d’autorisation de construire afin de régulariser la situation (I-7'395) dans un délai de trente jours ; en effet, il n’avait jamais statué sur les transformations, aménagements et affectations des combles de l’immeuble, la DD 34’686 annonçant un bureau occupant les combles.

Cette décision n’a pas été contestée.

7.             Le 15 janvier 2021, le DT a infligé à A______ SA une amende administrative de CHF 500.- pour ne pas avoir donné suite à sa décision du 13 novembre 2020.

8.             Par courrier du 22 février 2021, la régie a informé le DT que, vu que les travaux avaient été réalisés il y avait plus de vingt ans, il lui était impossible de respecter les délais impartis ; elle sollicitait donc un délai supplémentaire de soixante jours et la confirmation qu’aucune amende ne serait infligée au mandataire professionnellement qualifié qui sera mandaté.

9.             Le DT a informé A______ SA, par décision du 19 mars 2021 qu’un délai au 15 avril 2021 lui était imparti et qu’une amende de CHF 1'000.- lui était infligée, dans la mesure où sa demande de délai était intervenue après l’échéance du délai imparti, ce retard devant être sanctionné.

10.         Le 15 avril 2021, la régie a sollicité un nouveau délai de soixante jours, ayant dû changer d’architecte.

11.         Par décision du 7 mai 2021, le DT, ayant une nouvelle fois été mis devant le fait accompli, puisque la demande de prolongation du délai était intervenue après l’échéance de celui-ci, a infligé à A______ SA une amende administrative de CHF 1'500.- et lui a ordonné de déposer une demande d’autorisation de construire dans le nouveau délai de trente jours.

12.         Par courrier du 7 mai 2021, faisant suite à la lettre de A______ SA du 16 septembre 2020, l’OCLPF a indiqué à cette dernière que, suite à un contrôle de l’habitabilité du logement dans les combles de l’immeuble habité par M. I______, il avait été constaté qu’il n’était pas habitable alors qu’il y avait un locataire avec un bail affecté à du logement. Il relevait notamment que les fenêtres obliques du séjour et de la chambre avaient leur base vers 180 cm de hauteur, ce qui était trop haut selon l’art. 12D de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

13.         La régie a répondu le 2 juin 2021, expliquant que l’art. 12D LCI n’existait pas lors de la construction de l’immeuble et que, préalablement, cette exigence de hauteur était inscrite dans le règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), entré en vigueur le 23 mars 1978, soit ultérieurement aux travaux, comme du reste la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Dès lors, l’exigence de hauteur ne trouvait pas application en l’espèce.

14.         Le 15 juin 2021, par l’intermédiaire de K______ SA, A______ SA a déposé auprès du DT une requête en autorisation de construire portant sur la régularisation de l'infraction I/3______ - changement d’affectation des combles de l’immeuble (administratif en logement). Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 2______.

15.         Lors de l’instruction de cette requête, divers préavis favorables ont été rendus. Par ailleurs, les instances suivantes se sont déterminées comme suit :

-                 l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) a rendu un premier préavis le 1er juillet 2021, demandant des pièces complémentaires ; la toiture étant touchée par les travaux de transformation, le projet devait couvrir au minimum 30% des besoins en eau chaude sanitaire par des capteurs solaires thermiques qui devaient apparaitre sur les plans, et ceci pour l’ensemble du bâtiment et pas uniquement pour l’extension comme précisé. En effet, les travaux de déplacement des ouvrants, ainsi que la réfection de la toiture ne pouvaient pas être considérés comme le simple remplacement des vitrages.

Le 14 octobre 2021, l’OCEN a demandé une nouvelle fois des pièces complémentaires, n’ayant pas reçu les documents demandés dans son préavis du 1er juillet 2021 ;

-                 la police du feu a demandé, le 2 juillet 2021, des pièces complémentaires, à savoir un plan d’accès pompiers et une coupe schématique démontrant l’accès de l’échelle du SIS aux Velux des logements.

Le 25 octobre 2021, elle a indiqué que le dossier présenté ne permettait toujours pas de juger du respect des prescriptions de protection incendie et a de nouveau sollicité les deux pièces complémentaires ;

-                 la commission d’architecture (ci-après : CA) a demandé un projet modifié dans son préavis du 13 juillet 2021, relevant que les pièces étaient uniquement éclairées par des jours inclinés, ce qui ne produisait pas une habitabilité qualitative et n’était par conséquent pas acceptable. Les normes appliquées pour les personnes à mobilité réduite n'étaient également pas respectées, notamment au niveau des systèmes de distribution dans les logements et de la surface disponible dans les salles d'eau.

Le 24 novembre 2021, elle a maintenu son préavis du 13 juillet 2021.

-                 la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un premier préavis le 29 juin 2021, demandant un projet modifié : elle souhaitait que le respect de l’art. 12D de la LCI soit démontré pour le ratio de 10% de jours calculés sur un plan orthogonal, de même que celui de l’art. 124 RCI – plus de la moitié de la surface de la pièce devait avoir un vide d’étage de 2.2 m ou plus -, et que le projet soit remis en conformité avec les art. 15 et 17 le règlement concernant l'accessibilité des constructions et installations diverses (RACI – L 5 05.06). Enfin, les chambres devaient avoir au minimum une surface de 6 m2 avec un vide d’étage de 2.4 m ou plus, selon les art. 49 et 52 LCI.

Le 12 octobre 2021, elle a rendu un préavis défavorable. La base des jours ne respectait pas l’art. 12D LCI et le plan de la DD 2______ faisait état d’aménagements provisoires. Aucune solution viable avec des socles n’était proposée, en particulier en regard des vides d’étage. Elle réservait l’appréciation de la CA.

16.         Durant l’instruction de la requête, A______ SA a adressé au département, par courrier du 29 septembre 2021, des pièces complémentaires.

Elle contestait le bien-fondé de l’infraction I-3______ mais avait malgré tout déposé un dossier d’autorisation de construire.

Les modifications demandées, notamment concernant le positionnement des Velux engendreraient des coûts disproportionnés.

L’aménagement des combles en bureau datait de 1959 selon les plans retrouvés, soit avant l’entrée en vigueur de l’art. 12D LCI (7 février 2015) et du RCI (23 mars 1978). Elle souhaitait dès lors pouvoir bénéficier de la garantie du droit acquis lors de l’aménagement des combles en bureau. Elle souhaitait également pouvoir proposer des marches « podium » pour ajuster la hauteur au droit des Velux, comme cela avait déjà été accepté dans le cas de mise en conformité de bâtiments classés par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après: CMNS).

17.         Par décision du 31 janvier 2022, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire sollicitée, se référant aux art. 12D et 14 al. 1 let. b LCI notamment. Dès lors que le projet n’offrait pas la qualité suffisante en matière d’habitabilité, conformément à ce que la DAC et la CA avaient pu constater, le projet ne remplissait pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exigeait son exploitation ou son utilisation. Il ne pouvait que refuser la création des deux appartements. Ce refus était également motivé par le fait que l’ensemble des documents exigés par l’OCEN, dans son préavis du 14 octobre 2021, et la police du feu, dans son préavis du 25 octobre 2021, conformément à l’art. 9 RCI, ne leur avait pas été fourni, malgré les demandes de l’office des autorisations de construire du 26 juillet et 30 août 2021, ce que ne leur avait pas permis d’instruire le dossier.

18.         Par acte du 3 mars 2022, A______ SA (ci-après : la recourante) a recouru contre ce refus d’autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’aucune autorisation de construire ne devait être déposée concernant le changement d’affectation de bureaux dans les combles de l’immeuble en deux logements, conséquemment que la décision du département était infondée et sans objet, subsidiairement à ce que l’autorisation sollicitée soit octroyée ou délivrée par le département, le tout sous suite de frais et dépens. Cette procédure a été ouverte sous le numéro A/761/2022.

Elle n’avait pas recouru contre la décision incidente du 13 novembre 2020 qui ne lui avait occasionné aucun préjudice irréparable. Toutefois, aucune autorisation de construire n’était nécessaire dans le cadre du changement d’affectation de sorte que le DT ne pouvait requérir le dépôt d’une telle demande.

L’autorisation de construire concernait l’immeuble dont l’aménagement des combles en locaux commerciaux avait été autorisé le 2 novembre 1957. Les Velux avaient été créés dans ce cadre et ni l’art. 12D LCI ni le RCI n’étaient alors en vigueur. Cet aménagement en bureaux ayant été fait à titre provisoire selon l’autorisation, on pouvait légitimement retenir que c’était parce que l’ancienne propriétaire voulait transformer ces bureaux en logements. N’ayant elle-même acquis l’immeuble qu’en 2001, elle n’avait aucun document permettant de déterminer la situation préalable mais, en tout état, le changement d’affectation avait été effectué il y avait plus de trente ans et ainsi la prescription acquisitive était atteinte.

Lors de leur création, les Velux étaient conformes au droit en vigueur et suffisants pour l’exercice de toute activité dans ceux-ci. Ils n’étaient par ailleurs pas touchés par le projet. C’était donc à tort que le département avait retenu que l’art. 12D LCI n’était pas respecté. Si, par impossible, tel avait été réellement le cas, la solution de « podium » déjà admise par la CMNS dans des remises en état de bâtiments classés aurait apporté une solution concrète et pérenne : le principe de proportionnalité plaidait en faveur de cette dérogation.

Le département ne pouvait se fonder sur le préavis de la CA pour refuser l’autorisation de construire dans la mesure où les Velux n’étaient pas touchés par le projet et bénéficiaient d’un droit acquis. Il était par ailleurs contradictoire de retenir que les Velux étaient suffisants pour exploiter une activité de bureau dans les locaux mais pas pour y habiter.

L’argument selon lequel l’ensemble des documents exigés par l’OCEN et la police du feu n’avait pas été remis était infondé : les compléments demandés avaient été apportés le 29 septembre 2021, notamment un plan d’accès pompiers, la coupe schématique sur un Velux et le questionnaire de sécurité incendie. Elle avait également transmis un courriel d’un collaborateur de l’OCEN indiquant que la pose de panneaux solaire n’était pas exigée pour ce type de travaux : le préavis de l’OCEN du 12 octobre 2021 était donc totalement infondé.

Pour terminer, il était incompréhensible que le département ait décidé de notifier sa décision de refus d’autorisation alors que trois instances, soit la CA, l’OCEN et la police du feu préconisaient la poursuite de l’instruction afin de lui permettre d’avoir la possibilité de modifier son projet, seule la DAC ayant rendu un préavis défavorable.

19.         Par décision du 4 mars 2022 (I/3______ – DD 2______) adressée à la recourante, le département a ordonné l’interdiction immédiate d’habiter les combles ainsi que de procéder à leur remise en état conformément à la seule autorisation en force DD 1______ dans un délai de six mois.

Au surplus, tout élément attestant de manière univoque de la mise en œuvre du présent ordre devait lui parvenir dans le même délai.

20.         Par acte du 31 mars 2022, la recourante a recouru auprès du tribunal contre la décision du département du 4 mars 2022, concluant préalablement à l’audition de témoins et, principalement, à son annulation, sous suite de frais et dépens. Cette procédure a été ouverte sous le numéro de cause A/1014/2022.

Son droit d’être entendu avait été violé du fait qu’elle n’avait pas été entendue par le département avant qu’il rende sa décision.

Elle avait prouvé dans le cadre de son recours contre le refus d’autorisation de construire (A/761/2022) qu’aucune demande ne devait être déposée, et donc requise dans le cadre de l’aménagement des combles. Par ailleurs, un des appartements était vacant et l’autre loué à M. B______ de sorte que l’interdiction était sans objet.

Enfin, la prescription acquisitive étant atteinte, l’ordre de remise en état était infondé.

Elle a pour le surplus repris les arguments développés dans le cadre du recours A/761/2022.

21.         Le département s’est déterminé le 9 mai 2022 sur le recours A/761/2022, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.

La décision du 13 novembre 2020 exigeant le dépôt d’une autorisation de construire était en force et ne faisait pas l’objet de la présente procédure.

Les pièces figurant au dossier permettaient de constater que la recourante n’avait pas d’informations quant aux logements litigieux avant 2001, étant précisé que le relevé informatique remis le 16 septembre 2020 permettait de visualiser les locataires depuis le 1er janvier 1999 pour l’appartement de 3.5 pièces et depuis le 1er mai 2004 pour l’appartement de 4 pièces : la prescription trentenaire n’était donc pas acquise pour ces logements.

Contrairement à ce que prétendait la recourante, le caractère provisoire des aménagements des combles en bureaux découlait du courrier du 3 avril 1952, lequel insistait sur l’aspect provisoire de l’aménagement mais aussi sur le fait qu’il pouvait être effectué sans grand frais.

Selon la doctrine et la jurisprudence, la requête en autorisation de construire devait être examinée en fonction du droit actuel, laquelle portait sur un changement d’affectation qui n’avait jamais été autorisé et qui ne bénéficiait pas de la prescription trentenaire. Les conditions de l’art. 12D LCI relatives à l’éclairage des combles n’étaient pas remplies, ce que la recourante ne contestait pas puisque la base des ouvertures se situait à 1.80 m, soit largement au-dessus des 1.50 m maximum. Par ailleurs, l’art. 14 LCI n’était également pas respecté puisque les appartements créés n’offraient pas des conditions d’habitabilité acceptables. Concernant la solution de « socles » proposée, non seulement elle ne ressortait pas des plans soumis le 5 octobre 2021 mais elle viendrait contrarier l’art. 49 LCI relatif aux vides d’étages. Le refus était tout à fait proportionné.

C’était à juste titre qu’il s’était fondé sur le préavis de la CA, laquelle avait relevé que les pièces n’avaient pas une habitabilité suffisamment qualitative du fait qu’elles étaient uniquement éclairées par des jours inclinés. De plus, elle avait retenu que les normes appliquées par les personnes à mobilité réduite n’étaient pas respectées et la recourante n’avait pas cherché à y remédier.

Il ressortait des plans remis le 5 octobre 2021 [recte : le 29 septembre 2021] que le second projet n’était pas conforme aux normes en matière de protection incendie. Par ailleurs, selon la norme SIA380/1:2016, les demandes de changement d’affectation étaient considérées comme des constructions nouvelles et, ainsi, le passage d’une affectation administrative à celle d’habitation engendrait des besoins en eau chaude plus élevés ; de plus, dans un tel cas, l’OCEN requérait généralement au minimum 30% de couverture des besoins d’eau chaude sanitaire par des panneaux solaires thermiques, comme cette instance l'avait demandé dans ses préavis et à quoi la recourante n’avait pas donné suite.

La recourante avait indiqué, le 29 septembre 2021, que les modifications demandées par les instances de préavis engendreraient des travaux dont les coûts seraient vraisemblablement disproportionnés. Elle fondait sa position sur le fait que l’aménagement des combles en bureaux lui permettait de bénéficier de la garantie des droits acquis. Elle n’avait enfin pas cherché à remettre une proposition concrète avec des socles. Pour terminer, le projet, dans sa deuxième version, ne permettait pas le respect des normes en matière incendie et ne répondait pas aux demandes de l’OCEN. Dès lors, c’était à juste titre qu’il avait été fondé à prononcer un refus, sans être retourné auprès des instances d’ores et déjà consultées.

22.         Le 10 mai 2022, le département s’est déterminé sur le recours A/1014/2022, concluant également à son rejet.

L’OCLPF et l'OAC avaient donné à la recourante la possibilité de faire valoir sa position, ce qu’elle a fait les 16 septembre 2020 et 26 octobre 2021. Elle avait également pu la faire valoir dans le cadre de la requête en autorisation de construire. De plus, le DT n’avait été informé du recours déposé contre le refus d’autorisation de construire que le 9 mars 2022, soit postérieurement au prononcé de la décision du 4 mars 2022. Le droit d’être entendu de la recourante n’avait ainsi nullement été violé.

La recourante prétendait que l’un des appartements était vacant alors qu’elle avait produit un courrier du 1er octobre 2021 adressé à M. I______; à défaut d’un état des lieux de sortie ou d’un reportage photographique démontrant que le logement n’était plus habité, l’ordre n’était pas respecté. Il n’était par ailleurs pas prouvé que M. J______ avait effectivement quitté l’appartement et un état des lieux de sortie ou tout autre document le prouvant devait être produit. Les normes en matière notamment de sécurité, de salubrité et de vues droite s’appliquaient tant au locataire qu’au propriétaire, soit à M. B______ également. Si, par hypothèse, ces appartements étaient libres de tout occupant, la recourante n’aurait plus d’intérêt à faire valoir ce grief, la décision entreprise étant respectée à cet égard.

Il retenait que la prescription trentenaire n’était pas atteinte et confirmait les développements faits dans le cadre du recours contre le refus d’autorisation de construire.

23.         La recourante a répliqué le 1er juin 2022 (procédure A/761/2022) persistant intégralement dans ses conclusions. Elle a produit des pièces complémentaires.

L’aménagement autorisé des combles en locaux commerciaux, mais également en un studio, ressortait du dossier d’autorisation de construire de 1957. Dès lors, lesdits combles avaient, depuis plus de 60 ans, une double affectation et les propriétaires successifs étaient ainsi libres de choisir l’affectation qu’ils entendaient donner à ces locaux. Ainsi, les combles étaient habitables depuis 1957 avec les Velux litigieux, le département ayant, à l’époque, jugé que ces derniers offraient une situation suffisamment qualitative pour y loger des personnes : l’autorité ne pouvait maintenant refuser le projet. De plus, alors que la transformation des combles en un bureau et un studio ne posait pas de problème, les aménagements en deux logements ne pouvaient pas être autorisés : la notion d’habitabilité semblait être une notion à géométrie variable.

Concernant la prescription trentenaire, il était nécessaire d’entendre des témoins ; un délai était ainsi sollicité pour déposer une liste de témoins.

Vu par ailleurs la prescription décennale, le département était forclos pour requérir le dépôt d’une demande d’autorisation de construire, l’achèvement des travaux étant terminés depuis plus de 10 ans.

24.         Elle a également répliqué dans la cause A/1014/2022, en date du 1er juin 2022, persistant intégralement dans ses conclusions.

25.         Le département a dupliqué le 23 juin 2022, persistant dans ses développements et ses conclusions (cause A/761/2022).

Elle a relevé principalement qu’aucun plan ne confirmait qu’un studio aurait été autorisé et le permis d’habiter ou d’occuper délivré le 25 mars 1960 se référait aux plans des combles qui ne prévoyaient aucun logement ou studio.

26.         Elle en a fait de même, le 23 juin 2022 également dans la cause A/1014/2022, persistant dans ses développements et conclusions.

27.         La recourante a encore transmis des observations le 28 juin 2022 dans chacune des causes et le DT le 4 juillet 2022 dans les deux causes également.

28.         Le tribunal a procédé à un transport sur place le 2 novembre 2022 dans le cadre des deux procédures. Il s’est rendu dans l’appartement n°4______ actuellement sous-loué puis dans le second appartement, non occupé. Des photos ont été réalisées. Le tribunal a constaté qu'un des appartements était occupé.

a.              Les parties ont confirmé qu'il n'y avait pas eu de délivrance d’une autorisation de construire concernant spécifiquement l'aménagement des deux logements dans les combles. Elles s'accordaient à dire que le plan appelé « Changement d'affectation » du 5 janvier 2021 contenait toutes les modifications qui devaient être validées pour le changement d'affectation.

b.             Le représentant de la recourante a maintenu les deux recours. Sur le plan « Plan canalisation intérieur » déposé dans le cadre de la demande d’autorisation de construire visant la régularisation de la situation des appartements, étaient indiqués en jaune les Velux qui étaient destinés à être démolis - actuellement existants - et en rouge ceux qui devaient être réalisés. Durant l’instruction de la demande d’autorisation, il avait fait chiffrer les frais pour ces travaux sur les Velux et s’était rendu compte que le montant pour réaliser ce projet était exorbitant, entre CHF 350'000.- et CHF 400'000.-. Il avait alors déposé un projet modifié dans lequel les Velux n’étaient plus modifiés. Le sous-locataire était entré dans l’appartement tel que vu par le tribunal en juillet 2021 et était dans cet état depuis environ quarante ans : le bail n'avait pas été résilié et la prochaine échéance était le 1er août 2023.

Lorsqu’il avait acquis en son nom l'immeuble en 2001, M. L______ habitait déjà l'appartement aujourd’hui inoccupé ; il devait y habiter depuis de très nombreuses années, soit depuis la fin des années 70 début des années 80. Lors de l’acquisition, les deux appartements étaient loués et il avait investi environ CHF 10'000.- à CHF 20'000.- par appartement pour les rendre propres. Dans la salle de bain de l’appartement inoccupé, il avait refait les catelles et les sanitaires, et pensait que le sol avait également été refait.

Il souhaitait suspendre la présente procédure dans l’attente du dépôt d’une demande d’autorisation de construire portant sur la surélévation de l’immeuble, laquelle pourrait intervenir en février 2023. L’appartement vide pourrait également être loué à une société et non plus au titre de logement.

c.              Le représentant du département a confirmé que la CA avait demandé des modifications pour que les logements respectent les normes relatives aux personnes à mobilité réduite et que la décision d’interdiction d’habiter les combles n’avait pas été rendue avec la mention exécutoire nonobstant recours. Il s’opposait à une suspension dans la mesure où le projet de surélévation n’avait pas encore été déposé. Il ne souhaitait pas déposer d'observations finales.

29.         Par courrier du 9 novembre 2022, la recourante a informé le tribunal qu'elle n'avait pas d'observations particulières à formuler au sujet du transport sur place.

30.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À teneur de l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

4.             En l’occurrence, les causes A/761/2022 et A/1014/2022 se rapportent à une situation de fait et de droit commune puisqu’elle se rapportent aux mêmes appartements. Elles sont par ailleurs au même stade de la procédure, de sorte que leur jonction sous la cause A/761/2022 sera ordonnée.

5.             À l'occasion du transport sur place du 2 novembre 2022, la recourante a sollicité la suspension de la procédure dans l'attente du dépôt d'une demande d'autorisation de construire portant sur la surélévation de l'immeuble, laquelle pourrait intervenir en février 2023.

6.             Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/405/2022 du 12 avril 2022 consid. 3a).

Selon l’art. 78 LPA, l’instruction du recours est suspendue par la requête simultanée de toutes les parties (let. a), le décès d’une partie (let. b), la faillite d’une partie (let. c), son interdiction (let. d), la cessation des fonctions en vertu desquelles l’une des parties agissait (let. e) ou le décès, la démission, la suspension ou la destitution de l’avocat ou du mandataire qualifié constitué (let. f).

7.             En l’espèce, il ne se justifie nullement de prononcer la suspension de la présente procédure. En effet, faute d’accord entre les parties, la suspension de la procédure ne peut être prononcée en vertu de l’art. 78 LPA, étant patent que les autres hypothèses de cette disposition ne sont pas réalisées. La recourante ne peut par ailleurs se prévaloir de l’art. 14 LPA, disposition potestative, étant donné que le tribunal n’est pas libre de suspendre une procédure dans l’attente d'un hypothétique dépôt d'une demande de surélévation de l'immeuble.

La demande de suspension est donc rejetée.

8.             À titre préalable, la recourante sollicite l’audition de témoins.

9.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2s p. 157 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1, 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2, 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/249/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012). Le droit d’être entendu n’implique pas non plus une audition personnelle des parties, qui doivent seulement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/302/2012 du 15 mai 2012). Il ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2013 du 30 juillet 2013 consid. 2.2).

10.         Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

11.         En l'occurrence, le tribunal dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause. En effet, la consultation du dossier de la requête en autorisation de construire litigieuse, accompagnée notamment des plans d'architecte et des échanges de correspondances de la procédure d’infraction et de la requête en autorisation de construire DD 1______, permettent d'avoir une image suffisamment nette et précise de la situation actuelle. Par ailleurs, la tenue d’un transport sur place a permis au tribunal de se rendre compte de l’état et de la situation des appartements, notamment au niveau de leur habitabilité. Enfin, s'agissant des auditions sollicitées par la recourante afin de déterminer la situation des logements avant 2001, il appert que si la recourante a, à plusieurs reprises depuis le début de la procédure, déclaré au département ne pas être mesure de connaitre la situation locative des logements avant 2001, notamment en raison de la disparition de la précédente société propriétaire de l'immeuble depuis plus de vingt ans, il apparait peu probable que la recourante soit désormais en mesure de le démontrer, ce d'autant qu'elle ne propose pas de liste concrète de témoins a priori susceptibles d'apporter des éléments décisifs quant à cette question de temporalité du changement d'affectation. Dans ces circonstances, le tribunal, procédant à une appréciation anticipée des preuves, considère que l’audition de témoins ne serait pas de nature à changer sa conviction.

En conséquence, la demande de mesure d'instruction tendant à ces auditions, en soi non obligatoire, sera rejetée.

12.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

13.         Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/ 2019 du 8 juin 2020 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 ; ATA/322/2019 du 26 mars 2019 consid. 3).

14.         La recourante conteste la décision du 31 janvier 2022 du département, laquelle porte sur le refus d'autorisation de construire visant la régularisation de l'infraction I/3______, soit le changement d'affectation des combles en logements.

15.         Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé : modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b). Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

16.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 et les références citées). Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/873/2018 du 28 août 2018 et les références citées).

17.         Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Elles se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. De même, s'agissant des jugements rendus par le tribunal de céans, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/166/2018 consid. 7b du 20 février 2018 et les références citées).

18.         La recourante fait valoir que le département n'était pas fondé à exiger le dépôt d'une demande d'autorisation de construire au sujet du changement d'affectation litigieux. De son côté, le département estime qu'à défaut de recours contre la décision du 13 novembre 2020 intimant cet ordre, celle-ci est entrée en force.

19.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a précisé à plusieurs reprises la nature de la décision du département par laquelle il ordonne de requérir une autorisation de construire, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/362/2017 du 28 mars 2017 ; ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016). Cette approche a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017).

20.         Ne peut ainsi être considérée comme finale une décision qui ordonne de déposer une requête d'autorisation de construire relative à des travaux non autorisés constatés par le département. Celui-ci, suite au constat fait, ouvre une procédure administrative qui prendra fin par une décision qui pourra soit constater, sur la base du dossier complet, que les travaux ne sont pas soumis à une autorisation, soit dire que ceux-ci sont soumis à autorisation et accorder ou refuser cette autorisation. La décision litigieuse ne met donc pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.2 ; ATA/1548/2017 précité).

21.         À teneur de l'art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d'un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

22.         Cette disposition a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), de sorte qu'elle peut être interprétée selon les principes dégagés par la jurisprudence fédérale au sujet de l'art. 93 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/ 2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 9b).

23.         Conformément à l'art. 93 al. 3 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), une décision incidente peut être contesté par un recours contre la décision finale dans la mesure où elle influe sur le contenu de celui-ci.

24.         En l'espèce, la nature incidente de la décision du 13 novembre 2020 n'est pas remise en question par les parties. La recourante conteste en revanche le bien-fondé de cet ordre à l'occasion de la décision de refus d'autorisation de construire. À cet égard, le fait que la décision du 13 novembre 2020 n'ait pas été contestée influe uniquement sur la possibilité de la contester indépendamment de la décision finale, mais ne saurait remettre en cause sa contestation à l'occasion du recours contre la décision finale, soit celle du 31 janvier 2022, conformément à l'art. 93 al. 3 LTF. En outre, il parait évident que la question de la nécessité du dépôt d'une autorisation de construire est susceptible d'influer sur la décision de refus d'autorisation de construire, dans la mesure où en l'absence d'une telle nécessité, la seconde décision n'a aucune raison d'être prononcée.

La question de savoir si la recourante dispose encore d'un intérêt digne de protection à contester cet ordre, dès lors qu'elle s'y est conformé, peut souffrir de rester indécise dans la mesure où il est manifeste que la dernière affectation autorisée de ces combles était à des locaux de bureaux, et non à des logements. En effet, le plan des combles daté du 12 mars 1959 faisant partie de la demande d’autorisation de construire n° 1______ indique que ceux-ci sont provisoirement aménagés en locaux d’études du « M______ » : l’entier de l’étage est dévolu à cette société et les espaces sont notamment prévus comme « entrée », « réception », « technique » ou encore « conférences ». Ce plan ne mentionne en revanche aucun studio. Le fait qu’il soit fait mention dans un courrier du département du 25 mars 1959 à l’attention d’une entreprise de chauffage d’une cheminée dans le studio des combles n’entraine pas que la création d’un tel studio aurait été dûment autorisée : du reste, la requête en permis d’habiter ou d’occuper du 4 mai 1959 qui a abouti à la délivrance de celui-ci le 29 mars 1960 fait expressément référence au plan des combles. De même, le fait que l’aménagement desdites combles en 1959 soient provisoire n’a pas pour conséquence qu’à la fin de leur utilisation pour la société « M______ » le propriétaire pouvait à sa guise les transformer en logements.

Dès lors, n'ayant jamais été amené à statuer sur la fin de l'affectation provisoire en bureaux de ces surfaces en vue d'une nouvelle affectation au logement, le département était fondé à exiger le dépôt d'une autorisation de construire. Au demeurant, le tribunal n'estime pas nécessaire d'entrer en matière sur les autres griefs de la recourante au sujet de cet ordre, dès lors que celle-ci s'est conformée à cette injonction par le dépôt de la requête DD 2______.

25.         La recourante fait ensuite valoir que les Velux auraient été réalisés de manière conforme au droit en vigueur à l'époque, de sorte qu'elle bénéficierait d'un « droit acquis », et que la prescription trentenaire aurait été acquise. Sur cette base, elle estime que le département ne serait pas fondé à suivre les préavis défavorables de la CA et de la DAC pour refuser la délivrance de l'autorisation de construire DD 2______.

26.         Selon la doctrine et la jurisprudence, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l'affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d'une façon générale qu'une demande d'autorisation de bâtir déposée sous l'empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l'autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit : les particuliers doivent en effet toujours s'attendre à un changement de réglementation (ATF 101 1b 299). En statuant sur une demande d'autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l'arbitraire ni ne viole une disposition impérative pas plus que la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/22/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/792/2004 du 19 octobre 2004 ; ATA/541/2002 du 10 septembre 2002 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 3ème éd., 2012, pp. 194-195 ; Alfred KOELZ, Intertemporalesverwaltungsrecht, RDS 1983, p. 191 ; Marco BORGHI, Il diritto amministrativo intertemporale, RDS 1983, p. 485 ; André GRISEL, L'application du droit public dans le temps, ZBl 1974, pp. 251-252).

27.         En ce qui concerne les autorisations faisant suite à une requête, le droit applicable est en principe celui qui est en vigueur au moment où la décision est prise : dès lors que cette décision vise à régler un comportement futur, il n'y a pas de raison, en tout cas sous l'angle de l'intérêt public, de ne pas appliquer le droit en vigueur au moment où la légalité de ce comportement se pose (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018 n. 410 et les références citées).

28.         Le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation, ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (art. 14 al. 1 let. b LCI).

29.         L'art. 12D LCI, relatif à l'éclairage des combles est entré en vigueur le 7 février 2015 et prévoit que des jours ouvrants peuvent être créés dans les combles aux conditions suivantes :

a) la base de l’ouverture ne doit pas être située à plus de 1,50 m du sol;

b) le sommet de l’ouverture ne doit pas être situé à moins de 1,80 m du sol;

c) ce type de jour ne peut être créé que sur un toit dont la pente est égale ou supérieure à 30°;

d) les surfaces cumulées des projections verticales des ouvertures d’une pièce ne peuvent être inférieures au dixième de la surface de cette dernière;

e) pour les lucarnes, dans les 4 premières zones de constructions, la longueur de la projection au sol ne dépassera pas la moitié de celle de la façade. Après préavis de la commission d'architecture, ou de la commission des monuments, de la nature et des sites, les lucarnes peuvent être regroupées.

30.         Selon l'art. 49 LCI, les vides d'étages (soit hauteur entre planchers et plafonds) ne peuvent être inférieurs à 3 m pour les rez-de-chaussée et 2.60 m pour tous les autres étages, sauf en 4e zone rurale où ils peuvent être ramenés à 2.50 m (al. 1). Pour les pièces sont le plafond suit la pente de la toiture, la surface habitable est comptée en plein lorsque le vide d'étage est égale ou supérieur à 2.60 m et pour moitié lorsqu'il est situé entre 1.80 m et 2.60 m (al. 2). Toutefois, lorsqu'il en résulte un avantage prépondérant pour la construction et que le caractère architectural d'une rue n'en est pas affecté, notamment pas une rupture de l'harmonie d'une série de bâtiments contigus, le département peut réduire le vide d'étage jusqu'à 2.40 m aux fins de construction de logement. Cette disposition est également applicable aux combles (al. 5).

31.         Aux termes de l'art. 52 LCI, toute pièce pouvant servir à l’habitation et toute cuisine (laboratoires-cuisines exceptés) doit avoir en principe 9 m2 mais au minimum 6 m2 de surface (al. 1). Elle doit être aérée et éclairée par un jour vertical ouvrant sur l'extérieur (al. 2).

32.         En matière administrative, la jurisprudence admet une application analogique de la disposition sur la prescription acquisitive de l'art. 662 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Elle prévoit que la compétence des autorités pour ordonner la démolition ou la remise en état d'un bâtiment non conforme au droit est soumise en principe à un délai de péremption de trente ans, sous réserve des règles du droit des constructions qui ne souffrirait d'aucune dérogation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2.1). Exceptionnellement, en effet, la compétence d'exiger la démolition d'une installation pour rétablir une situation conforme au droit peut être exercée au-delà du délai en question, si des motifs de police au sens strict imposent une telle mesure. En outre, inversement, l'autorité peut en être déchue avant l'écoulement des trente ans, lorsque le principe de la bonne foi le commande, en particulier si les autorités ont toléré pendant de nombreuses années la construction illicite (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.3 ; 107 Ia 121 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_318/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1.2 ; 1A.78/2005 du 19 janvier 2006 consid. 5.1 ; 1P.153/2003 du 25 avril 2003 consid. 3).

Cette jurisprudence vise uniquement la question du rétablissement d'une situation conforme au droit. Selon le Tribunal fédéral, le fait qu'une affectation illégale perdure depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et cantonales - et donc le fait que la prescription trentenaire soit acquise - n'a pas pour effet de la rendre licite, mais s'oppose tout au plus à une remise en état des lieux. Le statut de construction érigée ou transformée légalement ne peut donc s'acquérir avec le temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_2/2020 précité consid. 2.2; 1A.42/2004 du 16 août 2004 consid. 3.2 confirmant l'ATA/67/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA/532/2021 du 18 mai 2021 consid. 7 ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 4).

33.         Dans un arrêt du 18 mai 2021 (ATA/532/2021), après avoir rappelé les principes susmentionnés, la chambre administrative a précisé que l'acquisition de la prescription trentenaire ne permettait pas à elle seule de conférer l'habitabilité à des chambres aménagées dans des combles ne disposant pas de jours de dimension suffisante.

34.         En l'espèce, la demande d'autorisation de construire visant la régularisation de l'infraction I/3______, soit le changement d'affectation litigieux, a été déposée le 15 juin 2021, soit après l'entrée en vigueur de l'art. 12D LCI, lequel est dès lors pleinement applicable à l'examen dudit changement d'affectation.

Or, il ressort des éléments du dossier et des faits constatés à l'occasion du transport sur place que les Velux sont situé à une hauteur de 1.80 m du sol, soit largement au-dessus des 1.50 m prévus par l'art. 12D LCI, et n'y sont donc pas conformes. Sur cette base, tant la DAC que la CA ont relevé dans leur préavis respectif que l'habitabilité des logements ne revêtait pas une qualité suffisante et n'était pas acceptable, cette situation violant les art. 12D et 14 al. 1 let. b LCI. En outre, s'agissant de la solution de « socles » mentionnée par la recourante, force est de constater que celle-ci n'a à aucun moment proposé une telle solution viable en regard des vides d'étage dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation, comme l'a relevé la DAC dans son préavis du 12 octobre 2021. Par ailleurs, la CA a également indiqué, dans son préavis du 13 juillet 2020, que le projet posait problème en termes d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite.

De plus, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, la question d'une éventuelle acquisition de la prescription trentenaire n'est pas propre à rendre l'illicite le changement d'affectation litigieux réalisé sans droit, en particulier de conférer l'habitabilité aux deux logements réalisés dans les combles. La question d'une éventuelle acquisition de la prescription trentenaire est ainsi sans effet au sujet du refus d'autorisation de construire et sera examinée ci-après en lien avec la question de l'ordre de remise en état.

Au surplus, si la recourante argue avoir transmis les documents complémentaires exigés par l'OCEN et la police du feu, il appert que ces instances, à l'occasion de leurs différents préavis, ont sollicité la production de pièces complémentaires afin de juger de la conformité du projet aux prescriptions touchant à leur compétence respective, sans que la recourante n'ait fourni les éléments nécessaires, ce qu'atteste la teneur de leurs derniers préavis des 25 octobre 2021 (police du feu) et 1er juillet 2021 (OCEN). En outre, dès lors que le projet ne respectait pas les conditions d'habitabilité des logements prévues entre autres par l'art. 12D LCI, le département était fondé à prononcer le refus d'autorisation de construire querellé en l'état, malgré le fait que certaines instances précédemment consultées, notamment la police du feu et l'OCEN, étaient en attente de pièces complémentaires. Enfin, à l'occasion du transport sur place du 2 novembre 2022, la recourante a confirmé que vu le coût estimé des travaux visant à corriger les défauts d'habitabilité constatés, elle n'entendait plus procéder au déplacement des Velux, alors que cet élément constitue le cœur du défaut d'habilité desdits logements.

Partant, vu les considérations qui précèdent, rien ne permet de penser qu'en refusant de délivrer l'autorisation de construire sollicitée, le département aurait fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation ou violé la loi.

La décision du 31 janvier 2022 doit dès lors être confirmée.

35.         La recourante conteste la décision du 4 mars 2022 dans la mesure où elle prononce un ordre d'interdiction d'habiter les combles ainsi qu'un ordre de remise en état conformément à la DD 1______ autorisée.

36.         Elle estime que son droit d'être entendu aurait été violé, dès lors que le département ne l'aurait pas interpellée avant le prononcé de la décision du 4 mars 2022.

37.         Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Il sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité, garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. La garantie du droit d'être entendu implique que l'administré soit informé de l'objet de la procédure et du contenu prévisible de la décision susceptible d'être prise à son égard (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1529 p. 519 et les références citées). En tant que droit de participation, il englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références).

L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 123 I 63 consid. 2d ; 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1 ; 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4.1).

38.         Le droit d'être entendu comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il y soit donné suite, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

39.         La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1) En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

40.         En l'espèce, dans le cadre de la procédure devant le département, la recourante a eu l'occasion de s'exprimer plusieurs fois sur les faits qui lui étaient reprochés, notamment par courriers des 16 septembre et 16 octobre 2020, ainsi que le 2 juin 2021. Or, rien ne permet de penser que le département se serait fondé sur des éléments nouveaux et inconnus de la recourante pour fonder sa décision du 4 mars 2022. En outre, le fait que la procédure de recours contre la décision du 31 janvier 2022 était pendante n'empêchait pas le département de prononcer l'interdiction d'habiter et l'ordre de remise en état. En effet, le recours contre la décision du 31 janvier 2022 déposé le 3 mars 2022, a été publié dans la Feuille d'avis officiel (ci-après: FAO) du 9 mars 2022. Le département n'était ainsi pas en mesure de connaitre l'existence dudit recours lorsqu'il a prononcé sa décision du 4 mars 2022. Au surplus, la recourante a eu l'occasion de s'exprimer à nouveau, notamment dans le cadre de sa demande d'autorisation de construire visant la régularisation de l'infraction I/3______ ainsi que dans le cadre de la procédure devant le tribunal, de sorte qu'une éventuelle violation de son droit d'être entendue à de toute façon été guérie.

Dans cette mesure, le droit d'être entendu de la recourante a été respecté.

41.         La recourante prétend que l'interdiction d'occuper les locaux serait sans objet, dès lors que l'un des logements était vacant et l'autre loué à M. B______, et qu'un recours avait été déposé contre la décision du 31 janvier 2022.

42.         À teneur de l’art. 129 LCI, dans les limites des dispositions de l’art. 130, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses notamment l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter (let. d) ou la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (let. e).

43.         Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (130 LCI).

44.         Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 49 consid. 9.1 et les références citées ; 126 I 219 consid. 2c).

45.         Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/779/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

46.         En l'espèce, lors du transport sur place du 2 novembre 2022, le tribunal a constaté que l'un des appartements était inoccupé et que l'autre appartement était sous-loué à M. N______. M. B______ a précisé que le sous-locataire était entré en juillet 2021 et que la prochaine échéance du bail était en août 2023.

Dans ces circonstances, il parait évident que l'ordre d'interdiction de louer lesdits logements n'a pas été respecté par la recourante et n'est ainsi pas devenu sans objet.

En outre, il ressort des considérants qui précèdent que le refus d'autorisation de construire portant sur le changement d'affectation est à confirmer, vu l'absence d'habitabilité des locaux, étant par ailleurs relevé que le département était fondé à prononcer une telle interdiction d'habiter, dès lors que les logements avaient été créés et occupés de manière illicite.

Dans cette mesure, l'ordre d'interdiction d'habiter les logements illicitement aménagés doit également être confirmé.

47.         La recourante estime que le département ne serait pas en mesure d'ordonner la remise en état, dès lors que la prescription trentenaire était acquise.

48.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/19/2016 du 12 janvier 2016 consid. 5 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 6b et les références citées).

49.         Selon la jurisprudence, le rétablissement d'une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de trente ans s'est écoulé depuis l'exécution des travaux non autorisés (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2). Il serait en effet choquant et contraire à la sécurité du droit que l'autorité puisse contraindre une personne, après plus de trente ans, à éliminer une situation contraire au droit. Une telle solution doit aussi être écartée pour des raisons pratiques, vu la difficulté extraordinaire d'élucider les circonstances de fait et de droit existant plus de trente ans auparavant. Une dérogation à ce principe peut être admise lorsque le rétablissement d'une situation conforme au droit s'impose pour des motifs de police au sens étroit (ATF 107 Ia 121 précité ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 9a).

50.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application de ces deux dispositions (art. 131 LCI).

51.         La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire, ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle (...). Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur ((ATF 108 Ia 216 consid. 4 p. 218 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24d et les arrêts cités); Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public – notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 218).

52.         En l'espèce, la décision est dirigée individuellement contre la recourante, actuelle propriétaire de l'immeuble concerné au moment du prononcé de la décision litigieuse. La première condition de conformité d'un ordre de remise en état au droit est donc remplie.

Ensuite, à teneur des éléments du dossier, la surface des combles a uniquement été autorisée afin d'être affectée en locaux de bureaux, certes de manière provisoire, étant rappelé que les parties s'accordent sur le fait qu'aucune autorisation de construire portant sur l'aménagement de deux logements n'a été délivrée subséquemment. Or, cette situation n'est pas propre à dispenser le changement d'affectation subséquent de l'exigence d'autorisation de construire, et encore moins à le rendre, de fait, conforme au droit. Ainsi, puisque que le changement d'affectation litigieux n'a jamais été autorisé par le département, la seconde condition est donc également remplie.

S'agissant de la prescription trentenaire, il convient de rappeler que selon le principe du fardeau de la preuve, il incombe à la recourante de démontrer l'écoulement du temps nécessaire à l'acquisition de la prescription trentenaire. Selon ses déclarations, au moment de l'acquisition de l'immeuble en 2014, les combles étaient déjà affectés au logement depuis au moins l'année 2001. En outre, elle a toujours affirmé également ne pas être en mesure de démontrer que ce changement d'affectation avait été réalisé depuis plus de trente ans, notamment parce que les archives de la régie avaient été détruites et que la société qui était auparavant propriétaire des locaux avait été radiée depuis plus de vingt ans. Dans cette mesure, il appert que la recourante n'est pas en mesure de démontrer l'écoulement du temps et la prescription trentenaire ne saurait ainsi être acquise. La troisième condition est donc également remplie.

En outre, aucun élément du dossier ne laisse apparaitre que l'autorité aurait d'une quelconque manière créé chez la recourante, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par le principe de la bonne foi. La quatrième condition est donc également remplie.

Enfin, s'agissant de la proportionnalité de l'ordre de remise en état de la situation conforme au droit, d'après les éléments du dossier, il n'apparait pas que la décision du département soit contraire au droit. En effet, comme vu précédemment, les logements créés illicitement ne répondent pas aux exigences d'habitabilité prévues par la LCI, notamment l'art. 12D LCI, de sorte qu'une affectation au logement ne saurait, en l'état, être maintenue. Par ailleurs, en ce qui concerne les coûts de la remise en état, qui pourraient selon la recourante atteindre plusieurs centaines de milliers de francs, il sied de relever que celle-ci, outre le fait d'être active dans le commerce et la gestion de bien immobilier, était assistée de la régie C______, laquelle était parfaitement au courant de la situation des combles. Dans cette mesure, la recourante ne pouvait pas ignorer la nécessité d'obtenir une autorisation de construire pour le changement d'affectation litigieux, de sorte qu'elle ne saurait en tirer grief. La recourante a par ailleurs bénéficié pendant de nombreuses années des logements non autorisées, alors que ceux-ci n'auraient jamais dû être réalisés à cet endroit (cf. arrêt 1C_60/2020 précité consid. 3.4.2). L'intérêt privé de la recourante, ainsi purement économique, ne saurait l'emporter sur l'intérêt public poursuivit par les normes de la LCI visant à assurer les exigences minimales d'habitabilité et de salubrité des logements. L'ordre de remise en état apparaît ainsi constituer une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est ainsi conforme au principe de la proportionnalité. La cinquième et dernière condition est donc également remplie.

Il ressort donc des développements qui précèdent que l'ordre de remise en état de l'affectation précédemment autorisée en locaux administratifs (bureaux) des combles doit être confirmé.

53.         Entièrement mal fondé, les recours sont rejetés.

54.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'800.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             prononce la jonction des causes A/761/2022 et A/1014/2022 sous le n° de cause A/761/2022 ;

2.             déclare recevables les recours interjetés les 3 et 31 mars 2022 par A______ SA contre les décisions du département du territoire des 31 janvier et 4 mars 2022 ;

3.             les rejette ;

4.             met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'800.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière