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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1988/2003

ATA/792/2004 du 19.10.2004 ( TPE ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.12.2004, rendu le 08.06.2005, REJETE
Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PISCINE; MUR; DROIT APPLICABLE; DEROGATION; POUVOIR D'EXAMEN
Normes : LE.15
Résumé : En droit public de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Une demande d'autorisation de bâtir déposée sous l'empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l'autorité statue sur cette demande : les particuliers doivent en effet toujours s'attendre à un changement de réglementation. La piscine et le mur érigé par la recourante se trouvent à moins de 30 m. du Foron et ne sont, dès lors pas autorisables (15 al. 1 LE). Aucune dérogation possible (15 al. 3 et 4 LE).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1988/2003-TPE ATA/792/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 octobre 2004

dans la cause

 

M. B. W.
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

et

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT


 


1. M. B. W. est propriétaire de la parcelle n° 4209, feuille 26 de la commune de Thônex (et non n° 4029, feuille 13 comme indiqué dans les recours). Sur cette parcelle située en zone villa se trouve une maison d’habitation où M. W. et son époux habitent depuis 1964 à l’adresse 9B chemin de B..

2. Cette maison fait partie d’un lotissement d’une dizaine de villas construites entre le chemin de B. et la rivière le Foron. Une partie de ces constructions a été édifiée à moins de trente mètres du Foron.

3. Au début des années 1980, M. W. a installé sur sa parcelle une piscine circulaire posée sur le sol, sans terrassement, et d’un diamètre de 6 mètres.

4. Souhaitant remplacer cette piscine, M. W. a déposé en 1987, une demande d’autorisation de construire une piscine de 4 mètres sur 9.

Le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : DAEL) a refusé l’autorisation car, la piscine était prévue dans la zone de 30 mètres la séparant du Foron. Ce refus a été confirmé par le Tribunal administratif dans un arrêt du 4 janvier 1990.

5. Aucun ordre de démolition n’a été prononcé.

6. Au milieu des années 1990, cette piscine circulaire a été remplacée par une piscine similaire sans que cela ne suscite de réactions de la part du DAEL.

7. Cette piscine devenant vétuste, M. W. a souhaité la remplacer et s’est adressée en 2002 à une entreprise vaudoise, laquelle lui a affirmé qu’aucune autorisation n’était nécessaire. Cette nouvelle piscine en bois complètement démontable bénéficiait d’un système de recyclage de l’eau avec un filtre. L’écoulement de l’eau se faisait dans les canalisations de la villa, ce qui n’était pas le cas des piscines précédentes.

8. Peu avant la fin de la pose de la piscine, un inspecteur de la police des constructions du DAEL a procédé le 28 mai 2002 à un contrôle, suite à la dénonciation d’un voisin.

9. Par courrier recommandé du 4 juin 2002, le DAEL a fait part à M. W. des constatations effectuées sur place : l’implantation de la piscine ne respectait pas la distance de 30 mètres par rapport au Foron d’une part et d’autre part, le mur séparant la parcelle de M. W. avec celle de son voisin, soit la parcelle n° 4208, avait été rehaussé d’environ 40 centimètres de sorte qu’il excédait 2 mètres.

L’intéressée était priée de requérir dans les trente jours dès réception de ce courrier une autorisation de construire en bonne et due forme portant sur le rehaussement du mur et sur la piscine. Le mur ne pouvait en aucun cas dépasser 2 mètres.

10. Le 10 juillet 2002, M. W. a déposé une demande d’autorisation en procédure accélérée (ci-après : APA) portant le n° 2500.

Selon le rapport d’entrée daté du 6 août 2002, la requête visait le remplacement d’une piscine et l’octroi d’une dérogation sur les distances par rapport au Foron en application de l’article 26 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LE – L 2 05).

11. Dans le cadre de cette requête, les préavis suivants ont été émis :

- le service des contrôles de l’assainissement : favorable, sous condition de l’avis du service des lacs et cours d’eau ;

- du service sécurité et salubrité : favorable ;

- de la direction de l’aménagement : défavorable, car le projet ne respectait pas la distance de 30 mètres par rapport au Foron ;

- de l’inspection de la construction : préavis sans observation, même si sous la rubrique « favorable » sous réserve, il est indiqué « service des lacs et cours d’eau, article 26 de la loi sur les eaux » (sic) ;

- le service nature et paysage du département de l’intérieur a requis un complément d’information et souhaité un relevé de la lisière forestière, avant de délivrer un préavis favorable quelques mois plus tard ;

- de la commune : favorable ;

- des douanes : favorable car les travaux désignés n’empiétaient pas la zone des deux mètres le long de la frontière ;

- l’office des transports et de la circulation : favorable sans observation ;

- la sous-commission nature et sites (ci-après : SCNS) de la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a requis le 4 septembre 2002 un complément, car si le projet remplaçait une construction ancienne, la nouvelle piscine se trouvait toujours dans la zone inconstructible des 30 mètres à la rivière. De plus, elle s’étonnait que le mur de séparation des propriétés touche le cours d’eau. Elle souhaitait connaître les préavis de la commune et du service des lacs et cours d’eau ;

- ce dernier service a émis un préavis défavorable le 18 septembre 2002 car tout ou partie de ce projet ne respectait pas la distance de l’article 26 alinéa 4 LE et une dérogation au sens de l’alinéa 6 de cette disposition ne pouvait être accordée. Le préavis concernait la piscine et le mur.

Le 16 octobre 2002, la SCNS a émis un préavis défavorable eu égard à celui défavorable du service des lacs et cours d’eau. Elle se disait défavorable également à l’octroi d’une dérogation.

12. Le 21 novembre 2002, le DAEL a refusé l’APA sollicitée aussi bien pour la construction de la piscine que pour le mur, les conditions d’octroi d’une éventuelle dérogation au sens de l’article 26 alinéa 6 LE n’étant pas réalisées. Ce faisant, le DAEL se ralliait au préavis défavorable précité. Quant au mur, il ne pouvait excéder 2 mètres en application de l’article 112 LCI et ce rehaussement était illicite.

13. En temps utile, M. W. a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRMC) et demandait l’annulation du refus de l’APA, la délivrance de celle-ci et concluait au déboutement du DAEL.

14. Par décision du 1er septembre 2003, la CCRMC a rejeté le recours s’agissant de la piscine. Le DAEL n’avait pas violé la loi en suivant les préavis négatifs de la CMNS et du service des lacs et cours d’eau puisque la piscine édifiée se trouvait à 12 mètres environ de ce dernier.

Enfin, la recourante n’avait pas conclu à l’annulation de la décision de refus d’autorisation de construire le mur de séparation.

15. Par acte déposé au greffe le 16 octobre 2003, M. W. a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif étant précisé que la décision attaquée avait été réceptionnée le 17 septembre 2003.

Elle se plaignait en substance de l’absence de motivation du préavis défavorable et du refus du DAEL alors que la nouvelle piscine remplaçait une construction existante et qu’elle était plus respectueuse de l’environnement que la précédente. De plus, plusieurs villas du lotissement étaient elles-mêmes à moins de 30 mètres du Foron. Enfin, s’agissant du mur, la commission avait estimé à tort qu’elle n’avait pas pris de conclusions. Elle avait bien conclu à l’annulation du refus du DAEL, refus qui portait également sur le rehaussement du mur. C’est de celui-ci uniquement dont il devait être question car une démolition complète du mur serait disproportionnée. Elle a réitéré ses conclusions et sollicité la délivrance de l’autorisation APA 20'500-2 de même que l’annulation de la décision attaquée.

16. Le DAEL a conclu au rejet du recours. S’agissant de la piscine, il a relevé qu’il n’était pas contesté que celle-ci se trouvait à 12 mètres du Foron.

De plus, il s’est exprimé ainsi : « la présence d’une piscine à une dizaine de mètres d’un cours d’eau présente potentiellement une menace pour l’environnement. Peu importe dès lors que la piscine soit prétendument plus respectueuse de l’environnement que l’ancienne, qu’elle soit inscrite dans un contexte bâti ou que la commune ait émis un préavis favorable – au demeurant non motivé – ».

Enfin, l’examen du principe de proportionnalité s’agissant de la piscine se confondait en l’espèce avec la saine application de l’article 26 alinéa 6 LE de sorte que le grief n’avait pas de portée propre et devait être rejeté. Concernant le mur, celui-ci avait été rehaussé de 40 centimètres pour atteindre 2,28 mètres. Partant, il ne respectait pas l’article 112 LCI et était inautorisable. Le fait que le dépassement admissible soit de 20 centimètres ne justifiait pas pour autant que la loi ne doive pas être appliquée dans toute sa rigueur. De plus, le mur étant situé à une distance inférieure à 30 mètres des rives du Foron, il ne pouvait faire l’objet d’aucune dérogation au sens de l’article 26, alinéa 6 LCI et le refus d’édification du mur devait être également confirmé.

Le DAEL a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la CCRMC de même qu’à celle de son propre refus du 21 novembre 2002.

17. Le 19 janvier 2004, le juge délégué a effectué un transport sur place. Les parties ont pu constater que dans le garage de la villa des époux W. se trouvait le filtre de la piscine. Toute l’eau ainsi filtrée était reversée dans la piscine laquelle n’était jamais complètement vidée.

Le DAEL n’a pas contesté qu’aucun écoulement de la piscine allait dans le Foron.

M. W. a fait remarquer que la piscine édifiée sur la parcelle n° 1579 à l’adresse 9E du chemin B. avait été reconstruite à moins de 30 mètres du Foron. De plus, toutes les constructions effectuées dans le prolongement de sa maison ne respectaient pas davantage cette distance.

Sur quoi, les parties se sont transportées sur le chemin longeant le Foron et surplombant les propriétés voisines. Il est ainsi apparu que la piscine située sur la parcelle 9E est à moins de 30 mètres de la rivière et qu’elle était complètement excavée. Une autre piscine à l’adresse 9 I chemin de B. était manifestement à moins de 30 mètres de la rivière. Quant au voisin qui avait dénoncé M. W., domicilié 9A, chemin de B., il possédait également une piscine. Sa parcelle étant cependant plus grande, cette piscine se trouvait à plus de 30 mètres du cours d’eau. Enfin, en bordure du chemin longeant la rivière se trouvaient de nombreuses constructions en tôle ondulée sur lesquelles avaient été posés des plots, des pierres, des pneus servant d’abris de jardin dont certains à quelques mètres du cours d’eau.

M. W. a admis avoir rehaussé le mur se trouvant sur sa propriété pour cacher la construction que son voisin, domicilié 9A, chemin de B. avait édifiée en limite de propriété. Il trouvait un peu ridicule de devoir rabaisser ce mur de 28 centimètres. Quant à l’autre mur, mitoyen avec la parcelle 9C, il avait été surélevé par son voisin mais n’était pas litigieux en l’espèce. A l’issue du transport sur place, le DAEL a été invité à produire les dossiers d’autorisation de construire les piscines se trouvant aux numéros  9A, 9E et 9 I du chemin de B..

18. Le 2 février 2004, le DAEL a relevé que la piscine construite au 9A chemin de B. avait fait l’objet d’une autorisation de construire délivrée le 15 mai 2002 et respectait la distance de 30 mètres.

La piscine sise au 9E chemin de B. avait été autorisée le 21 décembre 1966. Le dossier avait été détruit mais la piscine respectait l’ensemble des prescriptions légales. Quant à celle édifiée au 9 I chemin de B., elle n’avait fait l’objet d’aucune autorisation de construire et le DAEL interpellerait son propriétaire pour que la situation soit, cas échéant, régularisée.

19. La recourante a spontanément écrit le 6 mai 2004 pour informer le juge délégué que dans le cadre d’une autorisation de construire définitive (DD 98692-2) le DAEL avait, le 28 novembre 2003, accordé l’autorisation de surélever d’un étage et transformer une villa contre le préavis de la commune de Thônex et cela alors que le bâtiment en cause était à quelques mètres du Foron.

De plus, au terme d’une APA 22'677 le DAEL avait autorisé la pose d’un réservoir à propane à proximité du Foron. Le DAEL accordait ainsi des dérogations dont le tribunal devait être informé.

20. Le 1er juin 2004, le DAEL s’est étonné de cette écriture spontanée non sans relever que la piscine de M. W. n’était pas susceptible de faire l’objet d’une dérogation et que les constructions auxquelles la recourante faisait référence n’étaient en rien comparables à celle qu’elle avait faite.

21. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le Tribunal administratif a déjà tranché la question de savoir si la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LE – L 2 05) était applicable au Foron même si celui-ci était entièrement sur territoire français, la frontière étant marquée par la rive et non par le milieu de la rivière. Le but de la LE était de protéger non seulement le cours d’eau mais l’environnement immédiat de celui-ci, environnement qui se trouvait en l’espèce sur territoire suisse. De plus, la carte des cours d’eau annexée à la LE mentionnait expressément cette rivière (ATA W. du 24 janvier 1990).

3. Il faut préalablement examiner la question de droit applicable. En effet, aussi bien le DAEL que la commission ont fait application de l’article 26 LE dans sa teneur en vigueur jusqu’au 10 janvier 2003.

L’article 26 LE a été modifié le 12 décembre 1975 et il a institué le principe de l’interdiction de construire à 30 mètres de la limite du cours d’eau selon le plan annexé à la loi. Cependant, en application de l’article 26 alinéa 6 de cette même disposition, « le département peut, après consultation de la commune et de la CMNS, accorder des dérogations pour :

a. des constructions ou installations d’intérêt général dont l’emplacement est imposé par leur destination ;

b. des constructions ou installations en relation avec le cours d’eau ;

c. la reconstruction, l’agrandissement ou la transformation des bâtiments existants, la construction de piscines au bord du lac, pour autant que celles-ci ne dépassent pas le niveau moyen du terrain naturel adjacent ».

Or, selon une loi du 15 novembre 2002, entrée en vigueur le 11 janvier 2003, c’est l’article 15 intitulé « surfaces inconstructibles » qui a repris les principes de cette interdiction et de cette dérogation. Ce nouveau texte a la teneur suivante :

« Aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 et 50 mètres de la limite du cours d’eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée à la présente loi (s’il existe un projet de correction du cours d’eau, cette distance est mesurée à partir de la limite future). Cette carte et ses modifications ultérieures sont établies selon la procédure prévue par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 ».

Quant aux alinéas 3 et 4 relatifs aux dérogations, leur texte est le suivant :

« Dans le cadre de projets de constructions, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement peut accorder des dérogations, pour autant que celles-ci ne portent atteinte aux fonctions écologiques du cours d’eau et de ses rives ou à la sécurité de personnes et des biens pour :

a. des constructions ou installations d’intérêt général dont l’emplacement est imposé par leur destination ;

b. des constructions ou installations en relation avec le cours d’eau ;

c. la construction de piscines au bord du lac, pour autant que celles-ci ne dépassent pas le niveau moyen du terrain naturel ;

Ces dérogations doivent être approuvées par le département et faire l’objet d’une consultation de la commune et de la CMNS ».

4. En cas de changement de législation en cours de procédure et à défaut de dispositions expresses, l’autorité de recours peut hésiter entre le droit en force à la date de la décision attaquée et celui qui fait règle au jour où elle tranche elle-même (A. GRISEL, Traité de droit administratif, p. 154).

En droit public de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l’affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d’une façon générale qu’une demande d’autorisation de bâtir déposée sous l’empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l’autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit : les particuliers doivent en effet toujours s’attendre à un changement de réglementation (ATF 101 1b 299). En statuant sur une demande d’autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l’arbitraire ni ne viole une disposition impérative pas plus que la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/541/2002 du 10 septembre 2002 ; A. GRISEL, l’application du droit public dans le temps ZBl 1974, pp. 251-252 ; A. KOELZ, Intertemporalesverwaltungsrecht, RDS 1983, p. 191 ; M. BORGHI, Il diritto aministrativo intertemporale, RDS 1983, p. 485).

Le tribunal de céans fera donc application du nouvel article 15 LE ainsi que la CCRMC aurait dû le faire.

5. La LE constitue la loi d’application de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LFE – RS 814.20) et de la loi fédérale sur l’aménagement des cours d’eau du 21 juin 1991 (LFACE – RS 721.100) notamment (art. 1 al. 2 LE).

Comme le tribunal de céans l’a rappelé dans le dernier arrêt précité (ATA /541/2002 du 10 septembre 2002), la LFE ne contient pas de normes ayant directement trait aux limites entre les constructions et les cours d’eau. Les restrictions sont de droit cantonal et prévues respectivement par l’article 26 aLE, devenu l’actuel article 15 LE.

6. En l’espèce il n’est pas contesté qu’aussi bien le mur que la piscine érigés par la recourante se trouvent à moins de trente mètres du Foron. Ces deux constructions ne sont ainsi pas autorisables (art. 15 al. 1 LE) ce que la recourante ne pouvait ignorer puisqu’elle s’était déjà heurtée au refus du DAEL, de la CCRMC et du tribunal de céans respectivement en 1987, 1988 et 1990 lorsqu’elle avait déposé une requête en autorisation de construire une piscine non chauffée de 4 mètres sur 9 (ATA W. du 24 janvier 1990). Dans cet arrêt, le Tribunal administratif avait d’ailleurs considéré que l’article 26, appliqué dans toute sa rigueur, aurait eu pour effet de placer tout le lotissement en situation illicite.

Cependant, et pour les raisons énoncées ci-dessus, cette limite des 30 mètres est applicable aux constructions nouvelles, raison pour laquelle il faut examiner les conditions posées à l’octroi d’une éventuelle dérogation au sens de l’article 15 alinéas 3 et 4 LE.

S’agissant de la piscine, les seules dérogations possibles concernent les piscines au bord du lac à l’exclusion de toute autre. Même si la piscine édifiée en dernier lieu par M. W. comporte une évacuation par la canalisation de la villa et ne porte ainsi pas atteinte au cours d’eau, le seul fait qu’elle s’inscrive dans cette limite des 30 mètres suffit à justifier le refus de toute dérogation.

Enfin, s’agissant du mur de séparation édifié par M. W. pour masquer la vue du cabanon érigé par son voisin, force est d’admettre que la solution n’est pas différente en ce sens que cette construction n’est pas d’intérêt général, que son emplacement n’est pas imposé par sa destination et enfin qu’elle n’est pas en relation avec le cours d’eau de sorte qu’il ne s’agit pas davantage d’un cas de dérogation au sens de l’article 15 alinéa 3 lettres a et b LE.

7. L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation et sont tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/608/2004 du 5 août 2004 ; ATA/114/2004 du 3 février 2004 ; ATF 117 AA 146-147 consid. 4 et 117 a. b. 134, consid. 6 d ; P. MOOR ; Droit administratif, vol. I n° 4323, pp. 376 et 379).

8. En l’espèce, et même si la question d’une éventuelle dérogation a été examinée par les organes de préavis, à savoir la CMNS et le service des lacs et cours d’eau sous l’angle de l’article 26 aLE, il est inutile de renvoyer le dossier au DAEL pour que ces instances se déterminent au vu de la nouvelle législation puisque les mêmes organismes doivent être consultés à teneur de l’article 15 alinéa 4 LE et que les conditions d’octroi d’une dérogation sont plus strictes encore que celles prévues par l’article 26 aLE.

9. Le refus du département entériné par la CCRMC suivant en cela les préavis négatifs de la CMNS et du service des lacs et cours d’eau est ainsi conforme à la loi.

10. Reste à examiner si la recourante peut se prévaloir, comme elle le fait implicitement, de la garantie de la situation acquise (Besitzstandsgarantie). Cela supposerait que la recourante agisse dans le cadre de la loi, ce qui n’est manifestement pas le cas au vu de l’ATA rendu le 24 janvier 1990 d’une part, et au vu des considérants qui précèdent, d’autre part.

11. Quant aux cas évoqués par la recourante au titre de l’égalité de traitement, force est d’admettre qu’ils ne sont pas pertinents. En effet, le cas du voisin qui l’a dénoncée demeurant au chemin de B. n° 9A est différent puisque ledit voisin, disposant d’une parcelle d’une surface plus importante, a pu construire sa piscine à plus de 30 mètres de la rivière.

Les dernières pièces produites se réfèrent de plus au cas d’une installation imposée par sa destination de sorte qu’une autorisation par voie dérogatoire se justifiait.

Reste le cas de la personne en train d’excaver son terrain pour construire une piscine à une distance inférieure du Foron. Or, à cet égard, le DAEL a précisé dans ses observations après transport sur place, qu’il entendait enquêter sur cette question. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait réglementée ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique ou lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, les Droits fondamentaux, vol. II, Berne 2000, N° 1014 – 1031 pp. 497-506 ; ATF 130 V 18 consid. 5.2 ; 127 V 255 consid. 3b ; 126 V 52 consid. 3b).

Au vu des considérations qui précèdent, force est d’admettre les cas évoqués au titre de l’égalité de traitement sont différents. Quant à celui qui serait semblable, le DAEL entend y mettre un terme de sorte que cela ne saurait constituer un précédent.

L’application du principe de l’égalité dans l’illégalité n’est en effet possible que si l’autorité refuse de revenir sur la pratique illégale et qu’aucun intérêt public prédominant ne s’y oppose. La déclaration du DAEL selon laquelle il s’est dit prêt à examiner la situation du constructeur de la piscine qui serait illégale, ne permet ainsi pas à la recourante de se prévaloir de ce principe (ATA/194/2000 du 9 mars 2004 déjà cité).

12. Il faut enfin examiner la question de savoir si le refus d’autorisation de la piscine et du mur est incompatible avec le principe de proportionnalité. La CCRMC a fait preuve d’un formalisme excessif en considérant que la recourante n’avait pas pris de conclusion formelle au sujet du mur alors qu’il résulte clairement de ses écritures qu’elle s’oppose à la démolition du mur et même à la démolition de la surélévation de celui-ci. Ce principe se décompose en trois sous-principes, celui d’aptitude, de la nécessité et de la proportionnalité stricto senso. Il en résulte que l’autorité doit choisir un moyen propre à atteindre le but visé et qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés. Ce faisant, elle doit mettre en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l’intéressé et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (P. MOOR, op. cit., n° 5.2, pp. 416-426).

En l’espèce, le recours ne porte pas sur un ordre de démolition mais sur un refus d’autorisation. Aucune autre mesure que le refus d’autorisation pour des constructions illicites ne peut être envisagée de sorte que la pesée des intérêts entre l’intérêt privé de la recourante au maintien de ces constructions et l’intérêt public au respect de la loi ne permet pas d’aboutir à une autre solution.

13. En conséquence, le recours ne peut qu’être rejeté et la décision de la commission de même que le refus du DAEL confirmés.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de M. W.. Il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 1 LPA).

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 octobre 2003 par M. B. W. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 1er septembre 2003 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu’au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

 

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

 

M. Tonossi

 

 

 

 

 

 

 

le président :

 

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :