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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/458/2019

ATA/532/2021 du 18.05.2021 sur JTAPI/833/2020 ( LCI ) , REJETE

Parties : LEPOUTRE Nathalie / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/458/2019-LCI ATA/532/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 mai 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Nathalie LEPOUTRE
représentée par Me Christian Petermann, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 septembre 2020 (JTAPI/833/2020)


EN FAIT

1)Madame Nathalie LEPOUTRE est propriétaire - depuis le 29 juin 2017 - de la parcelle n° 578, feuille 11 de la commune de Céligny, d'une surface de 8'439 m2, sise en zone agricole, sur laquelle sont érigés deux bâtiments distincts inscrits chacun comme habitation à un logement au registre foncier. Le bâtiment n° 263, d'une surface de 124 m2 et le bâtiment n° 264, d'une surface de 250 m2, sont sis à l'adresse 18 et 20, chemin du Pry. Une autre construction n° 462, d'une surface de 261 m2, inscrite comme bâtiment souterrain, est accolée au bâtiment n° 264.

2) Le 13 mars 2018, la propriétaire a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d'autorisation définitive de construire afin de procéder à la rénovation intérieure du bâtiment n° 264
(DD 111'367).

3) Lors de l'instruction du dossier DD 111'367, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

- la direction de la mensuration officielle, la commission d'architecture, l'office cantonal de l'énergie, la commune de Céligny, le service de l'environnement et des risques majeurs, la direction générale de l'agriculture et de la nature, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants, ont émis des préavis favorables, certains sous conditions.

- Le 23 mai 2018 la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : DAC) a émis un préavis défavorable qu'elle a confirmé le 18 juin 2018 : le bâtiment, érigé avant 1972, était au bénéfice d'une « garantie des acquis ». Selon la documentation à disposition, le bâtiment avait fait l'objet de travaux d'agrandissement entre 1980 et 1983, dont une partie n'était pas au bénéfice d'une autorisation de construire. Les agrandissements autorisés à cette époque dépassaient de peu les taux tolérés selon la réglementation applicable. En considérant les agrandissements illicites de cette même époque, le taux était de loin dépassé par les travaux projetés. L'agrandissement de l'habitation, portant sur la chambre no 1 du premier étage et la totalité de la surface des combles, totalisant 113 m2, n'était pas conforme aux exigences légales. Considérant la requête de régularisation dudit agrandissement, celle-ci ne pouvait être préavisée favorablement.

4) Le 13 avril 2018, le département a ouvert une procédure pour travaux réalisés sans autorisation susceptibles de constituer une infraction, sous la référence I-6692. Il a fait savoir à Mme LEPOUTRE et à son époux, qu'il avait été constaté, au vu de la requête déposée le 13 mars 2018, que les travaux soumis à son examen avaient déjà été réalisés et les a invités à formuler leurs observations.

5) Par décision du 14 décembre 2018, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire DD 111'367.

Le projet visait la régularisation de l'agrandissement d'une habitation sise en zone agricole. La DAC avait effectué un calcul détaillé des surfaces du bâtiment et était arrivée à la conclusion que la valeur maximale de 100 m2 d'agrandissement total prévue par la réglementation applicable était dépassée de près de 50 m2, étant précisé que cette dernière avait fait preuve d'une certaine souplesse lors de son calcul, puisqu'elle s'était appuyée non pas sur l'état du bâtiment en 1972, comme elle aurait été fondée à le faire, mais sur les plans datés entre 1979 et 1982 produits dans le cadre du dossier DD 74'737, soit une situation bien plus favorable à la requérante, étant donné que les agrandissements effectués et autorisés entre 1980 et 1982 avaient servi de base pour le calcul.

De plus, la DAC avait également rendu un préavis défavorable, considérant que les agrandissements autorisés entre 1980 et 1983 dépassaient déjà de peu le taux toléré. L'agrandissement de l'habitation portant notamment sur la chambre no 1 du premier étage et la totalité de la surface des combles n'était pas conforme à cette disposition. Le préavis de la commission des autorisations de construire du 8 mars 1982 indiquait, déjà à ce moment-là, qu'elle n'accepterait plus aucune extension à l'avenir, démontrant ainsi que le potentiel d'agrandissement était épuisé en 1982.

Toute pièce pouvant servir à l'habitation devait être pourvue de jours d'une certaine surface ouvrant directement sur l'extérieur. La chambre no 1 et celles aménagées dans les combles ne respectaient pas ces conditions, ne pouvant en aucun cas être autorisées en tant que pièces habitables.

6) Par décision du 14 décembre 2018 dans la procédure I-6'692, notifiée une seconde fois le 10 janvier 2019, le département a exigé la remise en conformité de la chambre no 2 au premier étage, dans un délai de nonante jours avec obligation de fournir comme preuve un reportage photographique. Cet espace devrait être reconverti en grenier, conformément à la seule affectation en force pour cette surface.

Le département précisait tolérer certaines autres surfaces de la maison considérées comme illicites au vu de la prescription trentenaire : une piscine intérieure ; le local technique de ladite piscine ; l'escalier extérieur ; le WC du premier étage ; la chambre n° 1 du premier étage ; les aménagements des combles, soit deux chambres, deux salles de bain et un hall. Toutefois, en raison des jours insuffisants, aucune de ces pièces des combles ne pourrait être habitable, de sorte que les chambres telles que présentées ne seraient ni acceptées, ni tolérées. Il admettait le changement d'affectation de la cave n° 1, de la cave n° 4, du hall et du bureau du premier étage.

7) Par acte du 1er février 2019, Mme LEPOUTRE a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces deux décisions, dont elle a requis l'annulation. S'agissant de la seconde, dans la mesure seulement où elle exigeait la remise en conformité de la chambre n° 2 à l'étage dans un délai de nonante jours, elle concluait à ce que l'autorisation de construire qu'elle avait sollicitée lui soit délivrée.

Elle ne pouvait être tenue de remettre en conformité la chambre n° 2 eu égard à la prescription trentenaire. Toutes les surfaces illicites, dont faisait partie cette chambre, avaient été réalisées au plus tard en 1983.

Le département avait retenu à tort que les surfaces ne remplissaient pas les conditions de l'agrandissement mesuré.

Il était disproportionné autant d'ordonner une remise en conformité que de refuser la régularisation de la situation pour un dépassement aussi faible.

Le département aurait dû délivrer l'autorisation de construire requise sur la base des plans modifiés notamment en ce qui concernait les ouvertures à réaliser dans la toiture et les pignons de la façade. Le département ne pouvait se limiter à valider - ou non - les travaux réalisés, mais devait favoriser la recherche des modifications qui rendraient la construction autorisable. Si de telles modifications paraissaient raisonnablement réalisables, le département devait les imposer en conditions ou charges dans le cadre de l'autorisation a posteriori. Il résultait des documents qu'elle avait produits avec sa requête que les travaux d'aménagement intérieurs litigieux étaient compatibles avec ces exigences. Ces travaux se limitaient exclusivement à de petites rénovations et remises au goût du jour, nécessaires à la conservation des constructions à long terme. Aucune modification de l'aspect extérieur du bâtiment n'était apportée.

Les jours ouvrants directement sur l'extérieur étaient pour le surplus respectés au vu des plans complémentaires que son architecte avait déposés après la séance qu'elle avait eue avec le département le 6 juin 2018. Ces plans prévoyaient en effet la création de jours supplémentaires dans la toiture et dans les pignons de chacune des façades au niveau des combles et de la chambre n° 1.

8) Le 17 juin 2019, le département a répondu au recours, concluant à son rejet.

9) Le 27 mai 2020, lors d'une audience de comparution personnelle, le représentant du département a précisé que l'affectation de la chambre no 2
figurait en noir sur le plan, ce qui signifiait qu'elle était préexistante à la demande litigieuse, raison pour laquelle sa remise en état avait été ordonnée. Compte tenu de la configuration de cette chambre, en particulier du jour existant, il peinait à croire que sa création remontât à plus de trente ans plus tôt. S'agissant de la chambre no 1, il n'avait en revanche pas eu en sa possession des éléments permettant de douter du fait qu'elle avait été construite il y a plus de trente ans. Dans le cadre de la procédure d'autorisation et d'infraction, aucune visite des lieux n'avait été effectuée. À sa connaissance, il a aussi précisé que, dans le cadre des visites de la commission foncière agricole, l'intérieur des bâtiments n'était pas inspecté, à sa connaissance.

La propriétaire a déclaré que la chambre no 2 existait depuis de très nombreuses années. Contrairement à ce que les plans semblaient indiquer, elle était accessible depuis l'intérieur de la maison. Un petit escalier la reliant aux combles ne figurait pas sur les plans. Cela étant, on y accédait par un escalier extérieur, qu'elle souhaitait pouvoir démolir et remplacer par un escalier intérieur, moyennant le déplacement de la façade. Elle restait convaincue que toutes les modifications effectuées depuis 1980 avaient été réalisées à la même époque. De nombreuses recherches avaient été effectuées avec l'architecte qui avait réalisé l'étude initiale des lieux, y compris auprès des voisins, qui avaient indiqué qu'ils avaient toujours connu la maison dans cet état, même lorsqu'ils étaient enfants. La chambre no 2 avait été occupée par du personnel de maison jusqu'à très récemment. Il était vrai que sa fenêtre était très petite. Le WC qui lui était accolé était très vétuste. Il contenait des éléments ne se trouvant plus dans le commerce et qui étaient dans un très mauvais état.

Le représentant du département a persisté à dire qu'il peinait à croire que cet espace eût pu être utilisé comme une chambre, car il ne bénéficiait pas de la quantité de jour suffisante à l'usage d'une pièce habitable. Les nouveaux plans déposés par l'architecte suite à la remarque formulée lors d'une séance tenue le 6 juin 2018 en sa présence, à teneur de laquelle les jours concernant les différentes pièces concernées par le projet n'étaient pas suffisants, avaient été dûment examinés.

10) Par courrier du 12 juin 2020, Mme LEPOUTRE a réitéré sa demande tendant à la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire aux fins de dater les travaux d'aménagement réalisés entre 1982 et 1984 pour la chambre no 2, de façon à confirmer ce qu'une expertise privée produite attestait.

Par ailleurs, le calcul opéré par le département, dont elle contestait les résultats, la conduisait à proposer une solution subsidiaire consistant à faire inscrire une servitude de restriction de bâtir sur sa parcelle au profit de l'État de Genève, laquelle grèverait le bâtiment n° 263 (dépendance), qui bénéficiait actuellement d'un potentiel de construction suffisant. Cette restriction permettrait de libérer le nombre de m2 nécessaires au profit des bâtiments nos 264 et 462 pour demeurer dans la limite d'agrandissement de 100 m2. Elle modifiait ses conclusions subsidiaires en ce sens.

11) Les parties ont persisté dans leurs conclusions et le 30 septembre 2020, le TAPI a rendu son jugement, admettant partiellement le recours en tant qu'il visait la remise en état de la chambre no 2.

Pour le surplus, le recours était rejeté comme l'était une demande tendant à la suspension de la procédure formulée le 30 septembre 2019, en lien avec une plainte pénale déposée contre l'ancien propriétaire par l'actuelle propriétaire.

Les agrandissements illicites que la demande litigieuse avait pour objectif de régulariser représentaient une augmentation de 110,3 m2 de surface brute de plancher utile (ci-après : SBPu) et de 149,8 m2 au total (SBPu + surface brute annexe - ci-après : SA), soit, dans les deux cas, une surface supérieure à la limite fixée par la réglementation applicable. Il ne pouvait être tenu compte de l'éventuel potentiel d'agrandissement du second bâtiment érigé sur la parcelle, parce que ce dernier n'était lui-même pas du tout concerné par le projet en cause et que les deux bâtiments étaient totalement indépendants l'un de l'autre, d'un point de vue tant géographique que fonctionnel. L'ordre de remise en état devait être modifié, de façon à ce que la présence d'une « chambre » transformée illicitement il y avait plus de trente ans soit tolérée, tout en étant indiqué qu'elle ne pouvait servir à l'habitation, la règle concernant la présence de jours n'étant pas respectée.

12) Par acte déposé le 3 novembre 2020, Mme LEPOUTRE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à l'annulation de la décision du 14 décembre 2018 refusant la demande d'autorisation de construire ainsi que la régularisation de surfaces habitables illicitement aménagées. Elle concluait aussi à la délivrance d'une autorisation de construire avec inscription de la régularisation desdites surfaces au registre foncier.

Subsidiairement, elle concluait à ce qu'une servitude de restriction de bâtir au profit de l'État de Genève à charge du bâtiment no 263 d'une surface de 50 m2 ou toute autre surface déterminée à dire de justice soit inscrite au registre foncier en plus de la régularisation des surfaces habitables illicitement aménagées.

Il n'était pas contesté que les aménagements intérieurs réalisés dans le galetas au premier étage et dans les combles, désormais intégralement tolérés au bénéfice de la prescription trentenaire sur toute leur surface et dans l'intégralité de leurs volumes, l'avaient été sans droit.

Le calcul de l'agrandissement mesuré au sens de l'art. 42 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) effectué par le département était contesté. Dans un premier tableau du département, seuls 10,3 m2 de dépassement par rapport à la limite de 100 m2 existaient. Ce n'était qu'en ajoutant les SA qu'on obtenait 49,8 m2.

Les pièces au bénéfice de la prescription trentenaire devaient échapper non seulement à l'obligation de remise en conformité, mais également être considérées comme dûment régularisées. L'autorisation de construire aurait dû être délivrée sur la base des plans modifiés, notamment en ce qui concernait les ouvertures à réaliser dans la toiture et les pignons de la façade.

Le calcul de l'agrandissement devait prendre en compte la dépendance même si elle ne faisait pas l'objet de la demande d'autorisation et n'était pas liée matériellement au bâtiment principal. Le constructeur pouvait faire inscrire une restriction au registre foncier pour des travaux futurs concernant ce bâtiment.

13) Le 6 novembre 2020, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

14) Le 3 décembre 2020, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Le calcul effectué s'agissant des agrandissements réalisés sans autorisation était fondé sur les plans figurant dans les dossiers. La recourante n'apportait aucun élément de nature à contredire cette analyse.

La prescription trentenaire n'avait pas pour effet de rendre autorisables des surfaces aménagées illicitement. La jurisprudence considérait que la transformation de combles en locaux chauffés, dotés de fenêtres et par conséquent habitables était un agrandissement dont les limites devaient respecter les conditions de l'art. 42 al. 3 OAT. Ainsi, même si les conditions d'habitabilité étaient garanties, une telle transformation ne pouvait être autorisée.

Rien n'empêchait la recourante de déposer une requête pour les travaux qu'elle qualifiait de petites rénovations et de remises au goût du jour. C'était la totalité des travaux qui avait été examinée et il n'appartenait pas à l'autorité de les modifier en fonction de ce qui était autorisable ou non.

La recourante ne démontrait pas le potentiel ou l'ampleur de l'agrandissement de la dépendance. Aucune unité ni lien matériel avec le projet litigieux ne pouvait être établi. En outre, la deuxième construction n'avait jamais été autorisée selon une décision constatatoire du 24 octobre 2003. Les constructions illicites ne pouvaient en aucun cas bénéficier des possibilités offertes par l'art. 24c de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

15) Les parties ont été informées le 22 janvier 2021 que la cause était gardée à juger, la recourante ayant renoncé à répliquer dans le délai qui lui avait été fixé.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la question de savoir si les travaux litigieux remplissent les conditions posées par les art. 24c de la LAT et 42 OAT pour être autorisés à titre dérogatoire (art. 27C de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30) et si l'ordre de remise en état est conforme au droit. Il n'est en effet pas contesté que le projet litigieux, consistant en la rénovation d'une habitation sise en zone agricole, n'est pas conforme à l'affectation de ladite zone et ne peut dès lors être autorisé en vertu de l'art. 22 LAT.

3) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4) Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références).

5) a. Selon l'art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Il en va de même des bâtiments d'habitation agricoles et des bâtiments d'exploitation agricole qui leur sont contigus et ont été érigés ou transformés légalement avant l'attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral. Le Conseil fédéral édicte des dispositions pour éviter les conséquences négatives pour l'agriculture (al. 3). Les modifications apportées à l'aspect extérieur du bâtiment doivent être nécessaires à un usage d'habitation répondant aux normes usuelles ou à un assainissement énergétique ou encore viser à une meilleure intégration dans le paysage (al. 4). Dans tous les cas, les exigences majeures de l'aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

b. Une transformation est considérée comme partielle et un agrandissement est considéré comme mesuré, au sens de l'art. 24c al. 2 LAT, lorsque l'identité de la construction ou de l'installation et de ses abords est respectée pour l'essentiel. Sont admises les améliorations de nature esthétique (art. 42 al. 1 OAT).

Le moment déterminant pour l'appréciation du respect de l'identité est l'état de la construction ou de l'installation au moment de l'attribution du bien-fonds à un territoire non constructible (art. 42 al. 3 OAT).

Selon l'art. 42 al. 3 OAT, la question de savoir si l'identité de la construction ou de l'installation est respectée pour l'essentiel est à examiner en fonction de l'ensemble des circonstances. Les règles suivantes doivent en tout cas être respectées :

- à l'intérieur du volume bâti existant, la surface brute de plancher imputable (ci-après : SBP) ne peut pas être agrandie de plus de 60 %, la pose d'une isolation extérieure étant considérée comme un agrandissement à l'intérieur du volume bâti existant (let. a) ;

- un agrandissement peut être réalisé à l'extérieur du volume bâti existant si les conditions de l'art. 24c al. 4 LAT sont remplies ; l'agrandissement total ne peut alors excéder ni 30 % ni 100 m2, qu'il s'agisse de la SBP ou de la surface totale (somme de la SBP et des surfaces brutes annexes) ; les agrandissements effectués à l'intérieur du volume bâti existant ne comptent que pour moitié (let. b) ;

- les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l'utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire (let. c).

Selon l'art. 27C al. 1 LaLAT, traitant des « constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et devenues non conformes à l'affectation de la zone », le département peut autoriser la rénovation, la transformation partielle, l'agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'affectation du sol, dans les limites des art. 24c et 37a LAT et 41 à 43 OAT et aux conditions fixées par ces dispositions.

c. En tant que dérogation aux principes fixés à l'art. 24 LAT, l'art. 24c LAT ne saurait être interprété extensivement, voire même avec souplesse. L'art. 42 OAT pose au contraire des limites claires aux modifications qui peuvent être apportées aux constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise (arrêts du Tribunal fédéral 1C_321/2012 du 25 février 2013 consid. 4.1 ; 1C_333/2010 du 2 février 2011 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois 602 2014 148 du 24 août 2015).

d. Selon la doctrine, la volonté du législateur était, par l'adoption de ces dispositions, que les constructions existantes contraires à l'affectation de la zone puissent faire l'objet de certaines modifications allant au-delà de la garantie de la situation acquise conférée par le droit constitutionnel, pour empêcher que ces constructions, en principe soumises à l'interdiction de bâtir, ne tombent petit à petit en ruine. Le principe constitutionnel de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire impose de n'admettre que les transformations nécessaires à la conservation des constructions à long terme et à leur adaptation à l'évolution des besoins. Les constructions bénéficiant de la garantie de la situation acquise doivent pour l'essentiel, rester identiques, les modifications apportées à leur aspect extérieur étant soumises à des limites strictes (Rudolf MUGGLI, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, ad. art. 24c LAT n. 7 et 10).

Une transformation partielle et un agrandissement mesuré sont admissibles dans la mesure où l'identité de la construction ou de l'installation et des abords sur lesquels le requérant est susceptible d'influer, est pour l'essentiel respectée (art. 42 al. 1 OAT ; Rudolf MUGGLI, op. cit., ad. art. 24c LAT n. 24).

La notion d'identité, qui définit la mesure de ce qui est admissible, montre que la notion d'agrandissement mesuré est incluse dans celle de transformation partielle : les modifications apportées peuvent consister aussi bien en transformations intérieures qu'en extensions extérieures ou en changement d'affectation (Rudolf MUGGLI, op. cit., ad. art. 24c LAT n. 28).

6) En l'espèce, la recourante conteste les calculs effectués par le département pour constater que l'agrandissement, n'est pas mesuré au sens de l'art. 42 OAT.

Toutefois, les critiques de la recourante ne se fondent sur aucun élément qui contredirait lesdits calculs ou les chiffres pris en compte. Elle soutient uniquement que le calcul n'est pas explicité, que seules les SBPu devraient être prises en compte, alors que le texte même de l'art. 42 al. 3 let. b OAT dit l'inverse. Elle reproche au département de ne pas avoir fait une « lecture intellectuellement honnête » de la page 8 des directives de l'ARE, sans toutefois préciser quels passages desdites recommandations qui lui seraient favorables auraient été occultés. À la lecture de ces recommandations (https://www.are.admin.ch/dam/are /fr/dokumente/recht/publikationen/v_bewilligungen_nachartikel24crpgaenderungenanzonenwidriggeworde.pdf.download.pdf/v_autorisations_ausensdelarticle24clatmodificationsapporteesauxc.pdf ; ci-après : recommandations OAT) et de la page 8 consacrée à la notion d'identité, rien ne permet de soutenir le grief de la recourante.

Il faut constater que le département a calculé les surfaces sur la base des plans figurant au dossier, fournis dans le cadre de l'autorisation de construire DD 74'737, délivrée le 20 août 1980, et comparés à ceux figurant dans le dossier de la DD 111'367. Les différentes surfaces relevées figurent ensuite dans un tableau et sont distribuées en SBPu et en SA, à l'intérieur et à l'extérieur du volume existant. Le total des agrandissements des SBPu étant de 110,3 m2 et celles du total des SBPu et des SA de 149,8 m2, les exigences chiffrées de l'art. 42 al. 3 let. b OAT ne sont pas satisfaites, ce que le TAPI a, à juste titre, confirmé.

En conséquence, le grief invoqué, lequel manque singulièrement de substance, ce qui ne permet pas d'y répondre plus avant, sera écarté.

7) La recourante reproche à l'autorité intimée de n'avoir pas considéré les pièces au bénéfice de la prescription trentenaire comme étant dûment régularisées.

Selon la jurisprudence, le rétablissement d'une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de trente ans s'est écoulé depuis l'exécution des travaux non autorisés (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2). Il serait en effet choquant et contraire à la sécurité du droit que l'autorité puisse contraindre une personne, après plus de trente ans, à éliminer une situation contraire au droit. Une telle solution doit aussi être écartée pour des raisons pratiques, vu la difficulté extraordinaire d'élucider les circonstances de fait et de droit existant plus de trente ans auparavant. Une dérogation à ce principe peut être admise lorsque le rétablissement d'une situation conforme au droit s'impose pour des motifs de police au sens étroit (ATF 107 Ia 121 précité ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 9a).

Cette jurisprudence vise uniquement la question du rétablissement d'une situation conforme au droit. Selon le Tribunal fédéral, le fait qu'une affectation illégale perdure depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et cantonales - et donc le fait que la prescription trentenaire soit acquise - n'a pas pour effet de la rendre licite, mais s'oppose tout au plus à une remise en état des lieux. Le statut de construction érigée ou transformée légalement ne peut donc s'acquérir avec le temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_2/2020 précité consid. 2.2 ; 1A.42/2004 du 16 août 2004 consid. 3.2 confirmant l'ATA/67/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 4 ; Rudolf MUGGLI, op. cit, ad. Art. 24c LAT n. 15).

En l'espèce, de nombreuses surfaces ont bénéficié de la prescription trentenaire : la piscine intérieure, le local technique de la piscine, l'escalier extérieur, le WC du premier étage, la chambre no 1 du premier étage, l'aménagement des combles, soit deux chambres, deux salles de bain et un hall.

Toutefois, les chambres aménagées dans les combles ainsi que la chambre no 2 bénéficient de cette prescription mais, comme elles n'ont pas de jours suffisants, elles ne peuvent servir à l'habitation.

En effet, toute pièce pouvant servir à l'habitation doit être pourvue de jours ouvrant directement sur l'extérieur. La surface déterminée sur le plan de la façade par la projection de ces jours ne peut être inférieure au dixième de la surface de la pièce ni, au minimum, à 1 m2 selon l'art. 125 al 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978
(RCI - L 5 05.01).

En conséquence, rien ne permet de retenir, comme le fait la recourante, que la prescription trentenaire permettrait à elle seule de conférer l'habitabilité aux chambres des combles et à la chambre no 2.

Le grief sera donc écarté.

8) La recourante estime encore que les travaux qu'elle envisage permettraient de rendre les chambres concernées habitables, notamment par la création de jours.

À cet égard, il faut retenir que la transformation de combles en locaux chauffés, dotés de fenêtres et par conséquent habitables, est considérée comme un agrandissement dont les limites doivent également respecter les conditions fixées à l'art. 42 al. 3 OAT (arrêts du Tribunal fédéral 1A.298/2004 du 5 juillet 2005 consid. 3.3 ; 1A.289/2004 7 juin 2005 consid. 2.2.2), ce qui en l'espèce n'est pas le cas, comme vu ci-dessus.

9) La recourante fait encore grief au département et au TAPI de n'avoir pas pris en compte la possibilité de faire bénéficier la construction litigieuse du potentiel d'agrandissement dont disposerait le second bâtiment sis sur sa parcelle.

Ce raisonnement ne saurait être suivi, le second bâtiment ne faisant pas partie du projet de transformation soumis par la recourante au département. En outre, l'éventuel potentiel d'agrandissement de ce second bâtiment est sujet à débat, la décision constatatoire du 24 octobre 2003 indiquant qu'il ne serait pas au bénéfice d'une autorisation.

Quoiqu'il en soit, dans l'application de l'art. 42 OAT ne sont en principe considérés comme formant une unité que les bâtiments accolés au bâtiment principal (recommandations OAT p. 8 et les exemples donnés).

10) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2020 par Madame Nathalie LEPOUTRE contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Nathalie LEPOUTRE ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Petermann, avocat de la recourante, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :